Le Centre de Visionnage : Films et débats
Récit d'un propriétaire, Yasujiro Ozu, 1947
C'est le premier film que Ozu a tourné après la guerre. Un film avec un message, invitant les humains à dépasser leur égoïsme. L'héroïne (une veuve qui accueille chez elle et contre son gré un enfant abandonné) va apprendre dans un même mouvement à recevoir et à perdre, rencontrer un enfant, l'aimer et le laisser partir. Le jeu des comédiens est magnifique. Ozu a eu la curieuse idée de demander à l'enfant de se secouer les épaules tandis que quelqu'un le regarde. A la fin, la veuve aussi se secoue les épaules. Quelque chose du corps de l'enfant l'a atteinte.
Documenteur, Agnès Varda, 1981
Il est très beau ce film d'Agnès Varda. C'est l'histoire d'une femme qui vient de se séparer de l'homme qu'elle aimait, et qui doit trouver une maison pour elle et son fils à Los Angeles. Le fait que le personnage soit d'un autre pays renforce l'impression d'isolement, d'étrangeté de cette vie à recommencer autrement. Le lien entre la mère et l'enfant est très beau et très bien pensé.
Au début le film semble être une collection de poèmes filmés, il y a une voix-off et des images comme en écho, et puis peu à peu viennent des scènes, des situations, un apaisement peut-être, une acceptation en tout cas : le son colle de nouveau à l'image, les personnages parlent à l'intérieur des plans et non plus en-dehors de la réalité. Ca donne l'impression que la femme revient peu à peu dans sa propre vie. Et que le cinéma offre la possibilité d'habiter l'existence, malgré le chagrin, la perte.
- groil_groil
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Pas mal. Du bon film d'action, au geste pur, limite abstrait, avec pas mal d'inspiration asiatique. Manque un peu de fond mais me donne envie de voir les suites. ça pourrait être con comme du Taken mais la mise en scène change tout.
J'en attendais beaucoup, et j'ai été extrêmement déçu. Pas loin d'avoir trouvé ça nul. J'ai pas mal pioncé devant, heureusement, c'est paradoxalement ça qui m'a permis d'aller au bout. Rarement ressenti la sensation d'être devant un objet totalement vide que là. C'est simple, si je devais décrire ce film en une phrase, je dirais qu'il semble avoir été conçu et réalisé par une intelligence artificielle.
Je ne reviens pas sur le film, j'en ai suffisamment parlé à sa sortie, mais ce second visionnage confirme qu'il s'agit de mon film préféré de l'année.
Bonheur d'emmener notre fille voir ce film dans une salle déserte, d'autant que le film est magnifique et prend le contrepied de tous les films d'animation actuels, sans cesse dans la surenchère. Certes, c'est vraiment un film pour le très jeune public, mais de savoir que les enjeux ne vont pas être d'avoir de supers pouvoirs pour combattre un super méchant, mais de ramasser de la paille pour couvrir des plantes en hiver, ou d'assister à un lever de soleil, ça me procure un sentiment de profonde béatitude. Sinon l'univers de Marc Boutavant est parfaitement retranscrit au cinéma, ce qui est une gageure vues la beauté et la complexité artistique de son travail. Seul regret, 45 minutes c'est beaucoup trop court, on aurait aimé que ça dure deux fois plus.
C'est pas mal, mais beaucoup trop sage et trop premier degré pour du Nolan. Je ne trouve pas le film particulièrement ambitieux. Et, souci majeur, si je suis ça avec un intérêt certain, Nolan ne parvient jamais à me passionner, ce qui est quand même dingue compte-tenu du sujet qu'il y a derrière. Heureusement qu'il y a la scène d'essai nucléaire à Los Alamos, seul moment vraiment dingue du film. Bref, sur la question, le roman graphique La Bombe est 100 fois mieux, plus complet, plus travaillé, mieux écrit et tellement plus passionnant.
I like your hair.
Little Girl Blue, Mona Achache
Le "dispositif" (demander à Marion Cotillard d'imiter à l'hésitation près la voix de la mère de la réalisatrice) ne peut fasciner que la réalisatrice elle-même, trop contente de fabriquer une image qui colle - manière de ne pas se décoller du trauma (la mère s'est suicidée, laissant derrière elle des dizaines de carnets de notes), et d'entraîner les spectateurs dans un vertige plus théorique que cinématographique.
Sur le fond, c'est atroce. Une histoire à la Matzneff, dans le même milieu, suivant les mêmes procédés, sur fond d'immeuble de la rive droite parisienne et de riad à Marrakech où les amants sont des "esclaves", et de conscience des privilèges de classe sans conscience de classe (la mère ne comprend pas pourquoi elle n'est pas éditée alors que sa propre mère travaille chez Gallimard et qu'elle a fréquenté Genet quand elle était petite). Une bêtise ancrée, traditionnelle, instituée. Je ne suis pas certain que la réalisatrice s'en affranchisse absolument. La première chose qu'elle montre de Marion Cotillard, c'est qu'elle a reçu un Oscar.
Vincent doit mourir, Stéphan Castang
J'ai eu l'impression d'assister à une séance de brainstorming autour d'une idée de film qui veut tout être, rien choisir et rien faire. A un moment je n'ai plus voulu rien voir et je suis parti.
Celui-ci ne me fera pas changer d'avis sur le cinéma de Bellochio période récente, empesé, engoncé dans un classicisme crépusculaire laissant peu de place à la vie et aux acteurs. J'ai l'impression que le film à faire portait plutôt sur la conversion et la vie de catholique d'Edouardo. Au lieu de ça, une tragédie familiale qui ne décolle jamais, sauf peut être à la toute fin grâce à une belle dernière scène.
Film aussi creux que les moins bons films de Fincher, mais avec une prétention à la Fight Club (encore une fois, quelle horrible voix of), et, fait nouveau, abandonné par la maestria formelle habituelle du cinéaste. De sorte que je ne vois rien à sauver devant ce qui aurait pu n'être, au mieux, qu'une honnête série B.
Notre corps, Claire Simon, 2023.
Dans le dernier mouvement du film, alors que notre regard a fini par s’habituer au soleil filtré par les carreaux de l’hôpital Tenon, aux mots tendres ou plus brutaux des médecins posant un diagnostic, aux rictus de douleur ou de joie cachés sous les masques chirurgicaux, aux palpations du ventre, des bras, des seins, à cette ronde de corps crûment placés dans la lumière de notre regard ; au bout du dernier mouvement, la voilà, enfin, la mort. Rien ne nous y a vraiment préparé, on croirait qu’on va y échapper, il me semble pas qu’une seule fois le film n’ait prononcé le mot. Une vieille femme, très belle, est allongée sur un lit, la tête enfoncée dans l’oreiller blanc. Elle est sous perfusion, elle a de petits yeux noirs, une petite bouche sèche et ridée. Elle ressemble à ma grand-mère italienne, à ceci près qu’elle porte un élégant turban dans les cheveux, qu’elle aussi a un accent, mais d’où provient-il ? De son histoire nous ne saurons rien de plus que ce qui s’échange, là, sous les néons de l’hôpital. Rien de plus que quelques signes qui promettent la vie : un accent, un turban dans les cheveux.
Au-dessus d’elle, une femme médecin palpe son ventre couvert de bleus, puis s’arrête, s’assoit sur le lit à ses côtés. L’oncologue est blonde aux cheveux courts, elle porte comme tous les soignants du film un masque, pandémie oblige. Elle laisse un temps de silence puis, avec beaucoup de douceur, expose ce qu’elle pressent : le dernier traitement qu’elle vient d’administrer à la femme ne semble pas faire d’effet, il faudrait maintenant attendre un peu que les médicaments agissent, mais c’est ce qu’elle sent, elle voulait lui en parler d’abord, avant « d’appeler sa sœur ». La femme ne bouge pas, elle écoute. Elle dit plusieurs fois « oui », « oui », « oui », du bout des lèvres. Sa voix pousse à peine, elle est faible et étouffée. Elle a une force dans le regard, une tranquillité apparente. Des traitements, elle en a eu beaucoup, elle les a même presque tous eu, et la médecin essaie de lui dire que si celui-ci ne fonctionne pas, il n’y en aura pas d’autre. Elle n’ose pas le dire totalement, ne fait que des moitiés de phrase. « Si ça ne marche pas cette fois-ci, je serai embêtée… » La vieille femme lâche alors le mot : « soins palliatifs ? ». Oui, lui répond la cancérologue. Il y a un petit silence, à nouveau. Les yeux noirs de la vieille femme, jusqu’ici uniquement tournés vers la médecin, tournent un peu. Elle lève légèrement son bras. « C’est comme ça », ne dit-elle pas. « Je voulais vous en parler d’abord », redit la médecin. Je le vois, vous avez été forte, vous êtes très forte, mais parfois, voilà, la maladie est la plus forte. Et même si vous êtes forte, je la sens bien, votre lassitude. J’ai tout essayé, je vous ai tapé dessus, dit-elle. Et ces mots résonnent. Oui, j’ai senti que ça arrivait, dit la femme, j’ai senti. Pourquoi ? demande l’oncologue. Parce que, même vous, j’ai bien vu que vous vous découragiez. Et d’ailleurs, hier, j’ai appelé l’organisation pour les obsèques.
Cette discussion grave et décisive, Claire Simon la filme avec la même tranquillité que la façon dont ses deux protagonistes l’énoncent, en passant de l’une à l’autre. Elle semble comme toujours filmer ce qui circule entre deux personnes, l’une dépositaire d’une histoire, et l’autre qui l’interprète, la commente, la précise. Mais ce qui est extrêmement troublant dans cette scène, c’est qu’on ne sait plus vraiment qui raconte l’histoire. Si c’est la médecin qui annonce la victoire du cancer, la mort à venir, qui dessine les contours d’une fin, reliant tous les fils de la vie de l’autre. Ou si c’est la femme qui va mourir, au moment précis où elle dit : vous vous découragez ; j’ai appelé pour les obsèques. Qui raconte l’histoire de ce qu’exprime un corps, force de vie, combat, lutte, douleur, fatigue, lassitude ? Et quelle est cette histoire qu’il veut me raconter ? Le corps, notre meilleur ami, avec qui nous passons toute notre vie, qui parfois ne nous répond plus, qu’on ne comprend pas. Il me dit que je n’aurai pas d’enfant. Et pourtant, j’en veux. Il me dit que mon bébé viendra au monde dans la douleur. Et pourtant, je ne veux que la joie. Il me dit que je ne pourrai plus marcher seule. Et pourtant, je veux la forêt, les chemins sur la plage et les balades en mer. Il me dit que je vais mourir. Je ne veux pas mourir.
Cette désunion-là, banale, triviale, déchirante, Claire Simon la filme comme personne, car elle la saisit comme d’habitude par un biais d’abord social : entre notre corps et nous, il y a des biais humains, des intermédiaires qu’on appelle des médecins, traducteurs de ces histoires que les corps cherchent à nous raconter sur nous-même. On en voit de toutes sortes dans le film, et à chaque instant le curseur bouge. Il y a celui qui, à la fin de la consultation, veut toujours voir le visage, caché sous le masque, de celui ou de celle dont il s’occupe de la transition de genre. Pour vous reconnaître, la prochaine fois. Il y a celui qui pose un diagnostic d’endométriose, et qui glisse un petit « cool » lorsque la patiente lui dit, en pleurant, qu’elle est mariée, qu’elle est heureuse, qu’à part ça tout va bien. Un petit « cool » tendre mais inutile, qui n’apaise personne, qui en dit plus sur celui qui l’énonce qu’il n’aide la patiente en face de lui. Et puis il y a le Professeur Emile Daraï, récemment accusé par une trentaine de femmes de violences gynécologiques, dirigeant une opération sur l’endométriose avec entrain, et s’exclamer « que c’est beau ! » en suivant le travail du chirurgien qui l’assiste. On retrouve Daraï plus tard, à la tête d’un collège réunissant plusieurs médecins faisant le point sur les différents cas actuels dans une salle de l’hôpital, passant froidement d’une patiente à une autre. A l’extérieur de l’hôpital, scène suivante, une manifestation contre ce même Daraï a lieu. Danielle Simonet y prend la parole, et donne son titre au film : « c’est nous, c’est notre corps, on doit nous dire clairement ce qu’on nous fait ». Le film a été récemment beaucoup critiqué à ce sujet, il me semble intéressant de s’y arrêter un peu. Outre le fait que Claire Simon ne pouvait citer aucun nom, qu’il est évident que la présence de la caméra forçait sans doute les médecins à se tenir de façon irréprochable, et que son sujet n’était pas stricto sensu les violences gynécologiques ; le film ne me semble pas moralement confus à ce sujet, mais plutôt extrêmement ouvert. En effet, de même qu’il accueille tous les corps et leurs histoires, il accueille aussi plusieurs façons de passer ces histoires. Il me semble qu’on sent à chaque instant que la brutalité est possible, que l’ascendant sur l’histoire de l’autre est flagrant. C’était déjà ce que racontait Le Concours, autre film sur une institution écrasante (La Fémis) et comment celle-ci ingère et récupère l’histoire de chacun. On y sentait l’impossibilité d’une écoute pleinement horizontale de l’autre lorsque les positions ne sont pas strictement égalitaires. On y sentait la condescendance, la projection romantique, l’abus de pouvoir sous-jacent.
Claire Simon travaille le même regard ici, avec d’autant plus d’intensité. On voit bien le respect des patientes pour le corps médical, et on voit bien, dans les yeux cachés sous les masques, tout ce qui se ravale à l'instant où le diagnostic est posé. Qu’est-ce qu’une parole qui referme la possibilité d’une vie ? Qu’est-ce que dire à une femme : vous allez mourir ? Aucun médecin ne le dit de la même façon, et c’est à cela que Claire Simon est attentive : à l’inflexion de voix, au rythme de la parole, aux précautions prises et à ce que ça peut changer, ou pas. Le film est avec cela dur et rugueux, pas à proprement parler dans l’éloge du corps médical, mais dans celui, forcément incomplet, de l’invention d’une parole lorsqu’elle a à statuer sur le prix de la vie de l’autre. Chacun, chacune aura, dans sa vie, son rapport avec le ou la médecin qui ira toucher jusqu’au cœur de son intimité. Seulement voilà, Claire Simon l’a touché pour elle-même, alors qu’elle tombait malade d’un cancer pendant le film, demandant à tourner sa consultation. « Je m’occupe du cancer, occupez-vous du film » lui glisse le médecin, après lui avoir annoncé qu’elle perdrait ses cheveux et son sein gauche, et que la reconstruction ne serait pas assurée. Bizarrement, le film et ma vie se sont rencontrés, dit-elle. Et cette rencontre, ce fracas, Claire Simon l'accueille, avec bonheur et violence, jusqu’à la fin de son film, lorsqu’on la voit guérie, marcher dans le petit jardin au cœur de l’hôpital, enfourcher son vélo, générique, et musique : Ta douleur, de Camille.
Je vais prendre ta douleur, prendre ta douleur, prendre ta douleur, répète inlassablement la chanson. Prendre : traquer ta douleur, la débusquer, la saisir, la soigner, l’éliminer. Prendre : couvrir ta douleur de mots que tu ne comprendras pas toujours, raconter une histoire à partir d’elle, l’histoire de ta vie en jeu, dont je suis maintenant dépositaire, avec mes mots à moi, ma méthode, ma position sociale. Violence de la douleur saisie par l’autre, vampirique. Et si les paroles de la chanson résonnent très justement avec le film, sa mélodie encore davantage. En effet, elle fait partie d’un album de Camille qui s’appelle Le Fil. Ce fil, c’est un bourdonnement à la voix qui dessine la ligne de tous les morceaux de l’album, qui ne s’arrête jamais, même entre les changements de piste. Un bourdon obsédant sur lequel Camille glisse ses histoires de filles, de pertes, de douleurs et d’amour finis. Le Fil comme métaphore de vie. Chaque histoire tient à un fil et tous menacent de se casser, et c'est peut-être ce qu'on peut voir dans cette scène de manifestation : que le fil s'est cassé, que la confiance est rompue, que c'est possible, que ça arrive, que la structure le permet, et que contre ça la lutte ne fait que commencer, et il n'est pas sûr que le film soit tout à fait à la hauteur. Mais Claire Simon a filmé cette séquence, ne l’a pas coupé pour obtenir une sélection à Cannes comme lui fit miroiter un sélectionneur dégueulasse, elle est peut-être trop courte, pas contextualisée, mais elle résonne. On pourrait espérer que le film bascule, suive la voie promise par cette manifestation, mais on peut aussi constater qu’à l’intérieur de l’hôpital, dans les limites du pacte documentaire dans lequel le film s’était situé depuis le début, il y avait des choses à voir jusqu’au bout. Car il me semble qu'il y a deux sortes de cinéastes : celles et ceux qui filment ce qui pourrait, devrait être ; et celles et ceux qui filment ce qui est. C'est-à-dire ce qui s'incarne devant leurs yeux, au moment où ils sont là. Claire Simon fait pleinement partie de la deuxième catégorie, c'est sa limite mais aussi sa grandeur, toute l'intensité de son cinéma et des vies traversées qui le façonnent. Elle était là, elle se soignait, elle s’en sortait, elle voyait les médecins, elle en filme le dénouement heureux, et c'est son droit, et c'est sa vie. « Mes cheveux repoussent, et je n'ai qu'une histoire » nous dit-elle en filmant le reflet de son visage dans une vitre de l’hôpital. La vieille femme au turban, avec son accent d’on ne sait où, elle aussi n'avait qu'une histoire. Et celle-ci, devant nos yeux, s'achève. Un moment, Claire Simon quitte le visage de l'une, quitte le visage de l'autre. On ne le voyait pas, mais depuis le début, la médecin tenait la main de la femme et lui caressait les doigts. Parfois le fil ne casse pas.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Le Garçon et le héron, Hayao Miyazaki
Ca fait plaisir de voir un film avec un imaginaire si net et si poussé. J'ai adoré les mémés et les waruwarus qui gonflent et puis s'envolent à la pleine lune. Toutes ces merveilles forment un monde, et aussi un récit qui ne fait pas semblant d'être limpide, où les fantasmagories d'un garçon ayant perdu sa mère dans un incendie pendant la guerre prennent toute la place. On comprend qu'il y est question d'un univers qui doit être sauvé chaque jour, de la maîtrise du feu, du lien qui se forme avec une autre femme enceinte d'un autre enfant, mais tout cela reste très ténu, jamais souligné. Miyazaki fait confiance à ses intuitions comme à celles des spectateurs.
Je crois que c'est ce qui m'a le plus touché dans la film.
De manière générale, même si c'est une partie globablement assez décriée par la réception du film pour sa prétendue confusion, je l'ai trouvé extrêmement folle et incarnée. Et tous les gros plans sur le visage ridé du vieil oncle contemplant son monde avec ses statues de pierre en équilibre et qui ne tiennent plus, la moustache au vent, d'un lyrisme fou, splendide.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
BIlbao pré-Gugenheim, ville grise, sale, frappée par la désindustrialisation des années 80. Un cadre parfait pour l'histoire d'El Pico dans laquelle deux adolescents basculent dans le monde de la drogue : d'héroïnomanes ils deviennent rapidement dealers. Particularité : les deux compères sont, pour l'un fils de général, pour l'autre fils de politicien. Ces liens avec les deux faces du pouvoir au sein d'un pays peinant à se remettre du franquisme servira de toile de fond au film d'Eloy de la Iglesia.
Iglesia est l'une des figures de proue du micro-genre "quinqui", particularité espagnole se concentrant sur la délinquance juvénile, le trafic de drogue et autres misères sociales caractéristiques de la fin des années 70 et début des années 80.
Iglesia ne prend aucune pincette, sa mise en scène est directe, sans emphase. Il n'y a pas de figure de style ni de dissimulation : la violence est brutale, la tendresse quasiment absente, l'amour (souvent teinté d'un homo-érotisme refoulé) impossible. Chaque motif recouvre l'écran et percute l'esprit du spectateur, le désespoir est total, sans jamais tomber dans le misérabilisme : Iglesia est trop droit pour cela. Il n'est pas moralisateur non plus : les faits parlent d'eux même, sans qu'un discours ait besoin de s'y superposer. On songe de loin en loin à Fassbinder (comme j'ai pu le lire en ligne), mais Iglesia n'a pas la même force romanesque, n'est pas tenté par le mélodrame. Une comparaison serait plus juste avec l'incroyable réalisateur philippin Lino Broka, lui aussi sans concession face aux milieux interlopes et besogneux qu'il arpente et aux forces politiques invisibles de ceux qui les peuplent.
Ce lieu sans limites - Arturo Ripstein
Un village isolé dans la campagne mexicaine, vidé de sa population suite aux manigances d'un riche propriétaire terrien, ayant coupé l’électricité afin de racheter ensuite une à une les habitations. Derniers résistants dans ce lieu dépeuplé, un bordel où cohabitent quelques prostitués dont La Manuela, un homme travesti et père de l'une d'elle. Ce décor et cette ambiance hors norme constitue le théâtre du "lieu sans limites" ( = l'enfer, d'après le prologue) du réalisateur Arturo Ripstein.
Le drame est touffu mais le film peine à véritablement prendre de l'ampleur tant l'aridité des relations et des manipulations prend le pas sur tous les possibles. Dans les derniers instants, le film s'enflamme et sidère, lorsque le camion rouge de Pancho, un "bad boy" local, se met à poursuivre dans la nuit la robe rouge de La Manuela, fuyant après lui avoir délivré une magnifique danse révélant aux yeux de tous son homosexualité latente. L'issue dramatique sera celle que l'on peut imaginer, La Manuela incarnant alors avec magnificence le temps d'un instant toutes les victimes d'homophobie de la planète.
César et Rosalie.
Deux noms, trois mots.
Sous une apparence de stabilité à deux points se dissimule, dès le titre, un déséquilibre impair. Tout le film ne cessera de se reconfigurer autour de cette idée.
Relecture de l’éternel triangle amoureux, figure essentielle de la Nouvelle Vague, César et Rosalie trouve sa place entre les tentatives les plus romanesques (Truffaut, avec Jules et Jim) et les plus théoriques (Godard, chez qui la figure du couple est l'incarnation même du concept de "montage"), en tentant de concilier les deux.
Le film est ainsi construit sur une structure ou tout semble se dédoubler, ou du moins arriver par deux fois : on casse deux fois la même fenêtre de l'atelier, on joue deux fois au poker, on fait deux sorties de pèche en bateau, on réside deux fois près de la mer, on fait deux sorties de route en voiture, on va deux fois chez le peintre-ex... En allant par paire, les évènements semblent plus solides.
Les personnages principaux, eux aussi, semblent se répéter car ils ne changent pas, n'évoluent pas. Ils incarnent leurs drames sans sourciller. Montand est tout du long un vieux-beau-riche qui croit pouvoir (et peut) tout acheter, Sami Frey est un artiste doux et rêveur, Romy Schneider est une femme belle, indépendante mais attachée. Ils s'entrainent les uns les autres mais sans apprendre de ce qu'ils traversent. Bien que rempli de doute, ils sont monolithiques. Et l'équilibre que chacun recherche, qu'il croit pouvoir incarner avec l'autre, ne peut tolérer le chiffre trois. Cette exclusion du déséquilibre, cette recherche d'une situation idéale mais impossible composera tout le moteur du film, jusqu'au dernier plan, surgissement de l'héroïne dans le champ de vision des deux acolytes, désormais unis par une amitié inattendue.
- groil_groil
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Le scandale est édifiant, la bande dessinée est génial, et le film qui en est tiré est décevant. Ce n'est pas nul, Jolivet est un bon artisan que j'ai toujours bien aimé, mais c'est la bande dessinée en moins bien, et sans rien apporter de neuf, et sans une once de cinéma. C'est dommage, y avait de quoi faire un Erin Brokovich français.
Etonnant film suisse qui suit la montée de l'anarchisme dans une usine d'horlogerie d'un petit canton suisse au début du 20ème siècle. C'est un film qui base tout sur sa mise en scène, ça fait plaisir, c'est si rare, et celle-ci est racée, élégante. C'est un vrai film d'auteur, on sent que les influences de Schäublin sont à chercher du côté de Straub et Huillet, même si son film ne cherche jamais à être excluant (c'est le cas de beaucoup de suiveurs). Et, ce qui m'a le plus étonné et séduit, c'est la beauté du cadre : chaque plan est extraordinaire de beauté, de pureté, et d'originalité. L'impression à chaque plan d'être devant un tableau de Klimt ou de Vallotton, mais sans que jamais Schäublin ne cherche forcément la belle image, il n'oublie jamais de penser cinéma.
La meilleure série du moment est D'Argent et de Sang de Xavier Giannoli. Elle raconte l'énorme arnaque à la TVA sur les taxes Carbones, par une bande de loulous de Belleville qui ne savaient même pas lire et ont escroqué près de 300 millions d'euros (1,6 milliard au total, ils sont responsables d'une bonne part). Dans la bande Arnaud Mimran, depuis en prison à la Santé pour meurtres, mais surtout, l'inénarrable Marco Mouly, joué magnifiquement par Ramzy Bedia dans la série. Et j'ai découvert ensuite que Guillaume Nicloux avait réalisé peut de temps avant un film documentaire consacré à l'affaire, c'est donc celui-ci. C'est tout aussi édifiant et délirant que la série TV, sauf que là tout est vrai, et ce sont les vraies personnes. Marco Mouly est la star du film, il est de chaque plan et narre l'histoire de son point de vue. Il a fait 8 ans de taule mais il a réussi à garder son fric, je ne sais pas comment il a fait, il ne sait toujours pas lire, mais est pété de thunes à tel point qu'il a même fait financer et réaliser une chanson à sa gloire... Le film est génial, cette histoire est géniale de toute façon, même si ça fait un peu mal au cul de le voir se pamer dans cette ultra richesse sur vulgaire et que tout a été payé avec le détournement de tes impôts. Ah, et Nicloux devrait se cantonner au documentaire, car c'est son premier bon film ! Tout arrive !
Le dernier Kore-Eda en date. De manière factuelle, c'est pas mal fait du tout, rien à dire, dans l'esprit de sa Palme d'Or, ça commence à ronronner un peu quand même, mais c'est sur le fond que le film me dérange, voire me choque. En effet, je n'accepte pas moralement qu'on puisse faire un film dont les héros sont des trafiquants de bébés, ainsi que la mère qui cherche à vendre le sien, sans que le cinéaste ne pose un point de vue moral d'aplomb dessus. Là, Kore-Eda tente le ton de la comédie douce-amère, ne juge jamais ces personnages, alors qu'ils sont des criminels, et préfère au contraire utiliser le ton de l'humour pour montrer que ce sont des humains comme les autres. Désolé, mais non !
C'est ma fille de 6 ans qui voulait à tout prix le découvrir, et elle n'a même pas eu trop peur, et on s'est bien marrés en famille.
Déjà je veux dire que je trouve génial, même s'il s'agit de commandes, que Pedro Almodovar abandonne de temps en temps le format long pour revenir au court métrage. C'est la seconde fois qu'il le fait ces dernières années, c'est rare qu'un cinéaste le fasse, et je trouve que jouer des formats est très régénérant, et pousse un cinéaste à réfléchir à la forme, et au sens qu'a la forme. Qui plus est, c'est le premier film en langue anglaise du cinéaste, et plus encore son premier western. Et ce qui est cool, c'est que le film est génial. J'ai adoré. Hawk et Pascal sont fabuleux en cow-boys pédés et vieillissants, ils sont hyper beaux, hyper touchants. En seulement 30 minutes, Almodovar parvient à faire un vrai film, son intrigue est super, les paysages sont beaux, et la psychologie des personnages suffisamment poussée pour ne pas ressentir de frustration à la fin (ce qui est souvent le cas devant un court). Bref, réussite totale, qui se conclut au générique de fin, par un morceau de la BO, toujours signée Alberto Iglesias, absolument sublime.
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Au 16ème siècle, des nonnes sont crucifiées, accusées, après avoir copulé avec des jeunes hommes et brûler leurs bébés pour ne pas avouer qu'elle avaient eus des rapports sexuels, d'être possédées par le diable. Au 20ème siècle, une jeune archéologue semblant hantée par ce lointain souvenir parvient à retrouver leur sépulture, malgré l'animosité ambiante du petit village de Sicile où les faits se sont jadis déroulés. Un Nunsploitation par Fulci et qui plus est au début des 90's, donc loin de la grande période du cinéaste, ça ne laissait pourtant pas augurer le meilleur, et bien si, disons que le film n'est pas du tout le nanar que je redoutais, qu'il évite tous les pièges auxquels on pouvait s'attendre (pas de grandiloquence, pas de gore gratuit, pas de cul) pour proposer un film certes bancal, mais étrange, assez atmosphérique, à rapprocher, toutes proportions gardées, des Argento type Phenomena dans l'esprit.
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Un vieil homme atteint d'Alzheimer est sorti de l'asile et échoue chez l'ex-femme de son fils (sa seule "famille") qui l'accueille plus par obligation que par choix. Il va se lier d'une amitié étrange avec sa petite fille. Risi hyper tardif, 1990, son avant-dernier, réalisé donc bien après ses navets avec Coluche, dans lequel le cinéaste montre qu'il en avait encore sous le coude. C'est un film étrange, pas jusqu'au malsain mais malaisant, et qui se rapproche assez d'un esprit Ferreri. Evidence, mais à signaler tout de même, Gassmann y est énorme.
Vu et adoré en salle à sa sortie, je ne l'avais pas revu depuis des lustres, et ça fait du bien de se reprendre une calotte avec ce grand film qui appartient à ce que Cronenberg a fait de plus classique en apparence, aux côtés de Dead Zone et de La Mouche, mais qui est en fait incroyablement torturé et malsain. J'adore cette période de Cronenberg où il fait mine de rentrer dans le rang (ce qu'il fera malheureusement pour de vrai avec History of Violence ou Les Promesses de l'Ombre), mais sous couvert de grosse prod et gros casting, en profite pour te balancer encore plus dérangé que ses séries B. Un mot aussi sur la beauté plastique du film, dont l'image glacée saisit à merveille les contours de l'époque.
Bon ma fille adore, elle a même déjà ses fantômes préférés, etc., et perso le film est mieux que dans mon souvenir, très agréable suite.
En arrivant à la fin de sa vie, le cinéaste s'échappe des univers enfantins qui ont fait sa gloire pour proposer des oeuvres de plus en plus adultes. Le garçon et le héron n'a en effet plus rien d'un film pour enfant, c'est un grand trip halluciné (plus encore que Chihiro) qui s'ouvre pourtant, après une scène d'introduction traumatisante, comme Totoro mais qui très vite, vire à un cauchemar éveillé dans lequel le cinéaste tente enfin, il était temps, de régler un oedipe on ne peut plus contrarié. A la mort dans les flammes de sa mère, le gamin est placé par son père dans une maison habitée par une autre femme, sosie de sa mère et maitresse du père avec qui il entretient des rapports ambigus (sans que rien ne soit jamais même suggéré). Puis il se blesse et se fait au font une grande cicatrice en forme de vagin, sur laquelle le cinéaste insiste beaucoup, et bascule dans un univers parallèle, où il rencontre une jeune femme dont il s'éprend, mais dont il apprend in fine qu'il s'agit de sa mère à l'époque. Démerde-toi avec ça, spectateur ! Sinon le film est peuplé de références que le spectateur européen ne capte sûrement pas, et ressemble à une longue errance fantastique à la Dario Argento période Inferno, avec comme seul repère un personnage à suivre. On ne se sent pas exclu pour autant, j'ai trouvé que la part fantastique était sans doute un peu trop forte par rapport à la part réelle, j'aime bien quand c'est équilibré chez Miyazaki, mais le film finit par retomber sur ses pattes et par convaincre.
Oui c'est sans doute un film raté, en tout cas c'est un film malade, expression qu'aime bien la presse, mais perso c'est justement parce que le film est raté et malade qu'il m'a plu. Balayons de suite la question des erreurs historiques, on s'en branle complètement, c'est le cas de tous les films hollywoodiens qui revisitent toujours l'histoire à leur sauce, et puis je ne vais pas au cinéma pour suivre un cours d'histoire. Le film me plait par son côté mal aimable, et la monstration de ce personnage qui n'est ici rien d'autre qu'un petit Hitler, buté et de mauvaise humeur en permanence et qui avance tel un rouleau compresseur, en se fichant bien de l'avis des autres. Ce qui manque cruellement c'est de montrer pourquoi le peuple français le suit à ce point-là, ce n'est jamais dit, alors qu'assez facile à expliquer qu'après la Révolution le peuple était livré à lui-même et avait besoin d'un chef à suivre. L'autre gros souci du film est que sa relation avec Joséphine sous-tend l'ensemble du film, il continue à lui écrire des lettres d'amour transis lues en voix-off après leur divorce, ce genre, et cette relecture américaine systématique du trauma amoureux et/ou familial pour traiter d'un grand nom de l'histoire est fatiguant car hyper réductrice. Comme si on pouvait résumer ou justifier les actions de Napoléon uniquement par le prisme de sa rupture amoureuse... Bref, sinon, le film est hyper violent, mal aimable, Joaquim Phoenix est absolument fabuleux une fois de plus, il habite littéralement le personnage, et je pense que le film ne tient que par lui. Les scènes de batailles sont superbes et très lisibles dans leur mise en scène, ce qui n'est pas une constante chez Scott, et malheureusement la photographie est abjecte. Néanmoins j'ai eu l'impression de vraiment vivre quelque chose, une expérience sensorielle me proposant de suivre un homme jusqu'au bout de sa détermination, et de sa folie, et de partager ça avec le personnage, ce qui n'est quand même pas rien. Je n'aime pas Scott, mais j'aime ces films que la plupart des gens jugent ratés, c'est dans les aspérités de l'imperfection qu'il a des choses à prouver.
Modifié en dernier par groil_groil le lun. 27 nov. 2023 15:27, modifié 1 fois.
I like your hair.
Oh ce lapsus !
Sinon, content de voir que le Miyazaki est plutôt super bien reçu ici !
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Quatre adolescents, deux garçons, deux filles (et quelques autres autour), dont une jeune Suédoise en séjour prolongé à Paris (incroyable, c'est la jeune et jolie Marguerite de L'Aile ou la Cuisse !), leurs chassés croisés amoureux, leur vie, leur galère de boulot, leur basculement dans l'âge adulte. Doillon filme ça en noir et blanc, comme un Eustache heureux, avec une liberté de ton et une mise en scène d'une grande vivacité, laissant un maximum de liberté à ses acteurs pour qu'ils puissent s'épanouir dans le cadre.
I like your hair.
C'est drôle, je pensais justement le regarder ce soir !groil_groil a écrit : ↑mer. 29 nov. 2023 16:03
Quatre adolescents, deux garçons, deux filles (et quelques autres autour), dont une jeune Suédoise en séjour prolongé à Paris (incroyable, c'est la jeune et jolie Marguerite de L'Aile ou la Cuisse !), leurs chassés croisés amoureux, leur vie, leur galère de boulot, leur basculement dans l'âge adulte. Doillon filme ça en noir et blanc, comme un Eustache heureux, avec une liberté de ton et une mise en scène d'une grande vivacité, laissant un maximum de liberté à ses acteurs pour qu'ils puissent s'épanouir dans le cadre.
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incroyable !!!asketoner a écrit : ↑mer. 29 nov. 2023 18:26C'est drôle, je pensais justement le regarder ce soir !groil_groil a écrit : ↑mer. 29 nov. 2023 16:03
Quatre adolescents, deux garçons, deux filles (et quelques autres autour), dont une jeune Suédoise en séjour prolongé à Paris (incroyable, c'est la jeune et jolie Marguerite de L'Aile ou la Cuisse !), leurs chassés croisés amoureux, leur vie, leur galère de boulot, leur basculement dans l'âge adulte. Doillon filme ça en noir et blanc, comme un Eustache heureux, avec une liberté de ton et une mise en scène d'une grande vivacité, laissant un maximum de liberté à ses acteurs pour qu'ils puissent s'épanouir dans le cadre.
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Remercions la méthode de travail du studio Ghibli qui, rappelons le, laisse Hayao Miyazaki aux commandes d'une équipe d'animateurs sans aucun scénario préalable, chargée de suivre le maitre au fil son inspiration et de ses divagations, suivant l'ordre chronologique de l'histoire qui se fait brique par brique, sans savoir comment elle se terminera. D'où cette sensation assez unique devant ses films : une impression de totale liberté, d'un univers qui nous dépasse, organiquement vivant, en train de se créer devant nos yeux. Quand bien même, comme ici, la structure du récit réadapte des schémas biens connus (un être prédestiné, un portail magique vers un inframonde, un guide qui nous mène à celui-ci). On parle souvent d'un film sans scénario comme fantasme bazinien de la captation d'un "réel pur", libéré d'une intrigue corseté, ici le film nous rappelle qu'un tel film peut aussi être une ouverture totale sur la psyché d'un artiste, et dans ce film-ci encore plus que les autres, puisque Miyazaki se met en scène comme un démiurge dépassé par sa création. Le film n'étant finalement qu'une immense mise en abyme de son processus de création. En plus d'être, avec son histoire de résurrection d'une morte, le Vertigo de son auteur.
Bref, top 1 2023, j'en suis encore tout retourné.
Quel dommage, par contre, cette horrible musique de fin, détruisant à elle seule l'effet du dernier plan.
Daguerréotypes, Agnès Varda, 1975
Un peu répétitif, mais j'ai aimé l'attention que porte Varda à la façon dont la province tente de continuer d'exister selon ses propres lois à Paris. Dans la rue Daguerre, gare Montparnasse à proximité oblige, c'est l'Ouest de la France qu'on retrouve en masse. Le film est un peu triste, aussi. Comme si Varda se trouvait finalement très loin de ce monde qui l'ennuie.
All inclusive, Fabien Onteniente, 2019
Un soir à l'hôtel j'ai allumé la télé et je suis tombé sur cette bouse. J'ai halluciné. Souvent quand j'allume la télé à l'hôtel j'hallucine mais j'éteins aussitôt. Mais là, ça m'a pris au moins trois quarts d'heure pour me déprendre de la fascination malsaine que le film exerçait sur moi, alors même que j'avais l'impression qu'on me bavait sur le visage. Il faut vraiment aimer se faire humilier, ou y être habitué et ne plus le remarquer, pour supporter une saleté pareille.
Ni le ciel ni la terre, Clément Cogitore, 2015
Un film sur la crainte de Dieu, tenu, précis, qui a vraiment su nourrir ma pensée à ce sujet avec les moyens du cinéma de fiction. Je ne peux être que reconnaissant envers cette ambition et la façon qu'a le cinéaste de nous inviter à penser en même temps qu'on regarde. Il y a, à l'oeuvre, une très belle distinction entre regarder et voir, comme entre attendre, espérer, craindre, croire et pressentir. Et tout cela forme, dans le film, autant de scènes et de temporalités différentes, de flux, d'intensités. Le film est si dense qu'il me semble ridiculiser les récents Onoda ou Pacification, qui se contentent beaucoup de créer des atmosphères et laissent le spectateur dans une nébuleuse, sans lui proposer de tirer un ou deux fils à l'intérieur. Car Onoda et Pacification sont deux films d'ambiance, tandis que Ni le ciel ni la terre est un film de pensée.
Les Doigts dans la tête, Jacques Doillon, 1975
Le film est plutôt bon mais peine à faire quelque chose du machisme tranquille qui le sous-tend, au contraire de La Maman et la putain, auquel je n'ai pas pu m'empêcher de le comparer, qui trouve à la fin comment faire taire Alexandre, et laisser Veronica gâcher la fête, si c'en était une. Ce n'est pas seulement la faute de Doillon, mais aussi celle de l'époque, bien sûr.
En revanche, il m'a semblé que Doillon portait une attention poignante à la condition des jeunes ouvriers et ouvrières, qu'il avait quelque chose à en dire, et qu'il montrait bien leur façon de lutter contre l'ignorance et la peur, et le retour à l'ordre. Là aussi, comme dans le film de Varda qui date de la même année, est posée la question de la province, de la domination fatale des provinciaux qui viennent à Paris pour le travail.
Comme les plus attentifs l'auront remarqué, j'essaie depuis plusieurs années de m'ouvrir au cinéma non occidental et provenant de pays et d'auteurs peu diffusés par chez nous. La piraterie m'aide grandement à voir ces œuvres quasi-invisibles... dont les découvertes se font toujours au détour d'un texte ou d'un clic aventureux.
Pour cette fois j'ai fait quelque chose d'inhabituel : voir à la suite 3 films du même réalisateur, le mexicain Jaime Humberto Hermosillo. Non pas que le premier film m'ai subjugué, mais il m'a suffisamment intrigué pour que j'enchaine de la sorte. Bref, voici :
Naufragio - Jaime Humberto Hermosillo - 1978
Le film s'ouvre sur des bruits de tempête superposés à des vues de barres d'immeubles.
Il se clôt sur l'appartement où se déroule l'action du film, détruit par d'immenses vagues, une inondation emportant progressivement sur les flots les meubles et bibelots qui s'y trouvaient.
Une mère vit avec le souvenir de son fils, disparu depuis 5 ans. Sa colocataire, et également collègue, fini par en tomber amoureuse, du moins par procuration car elle ne l'a jamais vu mais en entend constamment parler.
La mère, obsédée, distribue à tout le monde une photographie que quelqu'un aurait prise de son fils il y a quelques mois à Venise. La photo est floue, petite. Son fils à pu changer également. Personne n'est très sur de ce qui se trouve sur cette photo. Alors on l'ausculte, on la regarde à la loupe. Des rumeurs circulent. Son fils serait mort. Ou il se serait engagé dans la marine ou dans la guerre du Vietnam.
On songe à une sorte de Blow-Up alternatif, dans lequel le corps d'un être cher remplace celui d'un possible cadavre, où l'amour d'une mère pour son fils remplace les trips d'un photographe arty. Tiens, d'ailleurs, le film d'Antonioni est inspiré par une roman de Cortazar, ce qui propose ici une belle filiation. Si Antonioni clôt son film sur des considérations métaphysico-phénoménologique, celui d'Hermosillo semble plus directement lié au réalisme-magique. Ce qui est dans la texture de l'image n'est pas si important car le cliché photographique est, au même titre que les souvenirs, les rêves et les désirs, de la même texture que le monde. Tout se mélange.
Après une crise de désespoir, la mère se retrouve à l’hôpital, épuisée. C'est à ce moment que réapparait le fils. Il lui manque un bras mais personne n'en parle. Peut-être n'avait-il jamais eu ce bras, va savoir ? En fait, personne ne parle de rien. Son retour ne crée rien, ni scénaristiquement ni cinématographiquement. Et si ce "rien" pourrait donner envie de classer le film au rang des échecs, il faut essayer de le dépasser pour mieux appréhender l’œuvre. Le fils prévoit d'aller voir sa mère à l’hôpital mais ne s'y rend pas. Il couche bien sur avec la colocataire de sa mère. Puis ses supposés collègues-marins débarquent chez eux, font la fête et détruisent peu ou prou l'appartement. Il est alors temps de repartir, le bateau quitte le port, il faut retourner sur les flots. La tempête symbolique de la nature, des souvenirs et des fantasmes, s'est ici incarnée dans le corps d'un groupe d'hommes saccageant une cellule familiale pour leur bon plaisir, tandis que la mère, en hors-champs, semble sur son lit de mort et ne saura rien du passage de son enfant par chez elle.
Si la faiblesse de la mise en scène (sans doute liée à des moyens techniques tout aussi limités) et quelques passages télénovelesques, donnent une première impression de film de seconde zone, il s'en dégage pourtant une atmosphère et approche unique. Naufragio ne cesse de me hanter depuis son visionnage. C'est exactement pour ce type de surprise que la découverte du cinéma "du monde", par ses recompositions et propositions autres, m'est désormais incontournable.
La Passion selon Berenice - Jaime Humberto Hermosillo - 1976
Une vieille femme acariâtre et pingre, riche usurière en mauvaise santé, cohabite avec sa filleule, une veuve belle et jeune, s'occupant d'elle de façon dévouée. Une vie reclue, d'ascèse, aux rares distractions. Des rumeurs circulent : la veuve aurait tué son ancien mari, la cicatrice sur son visage semblant l'accabler.
Peu à peu la veuve se révèle, sa douceur cache une perversité et une frustration extrême de ne pouvoir vivre une vie libre et émancipée. Elle fini par rencontrer un homme, dévoilant à cette occasion à quel point la sexualité est le cœur de ses préoccupations. Encore une fois (cela semble être presque une signature pour Hermosillo) les scènes s'étirent sans que l'on sache pourquoi, trainant des conversations banales jusqu'au point de rupture, sans que l'on comprenne si il s'agit d'une faute ou d'un choix, tandis que d'autres scènes viennent frapper complètement le spectateur (l'héroïne allant soudainement faire un graffiti de pénis dans les toilettes d'un restaurant ou elle déjeune, par exemple). La scène finale, incendie criminel et volontaire réalisé d'une façon tout à fait paisible, est incroyablement saisissante. Le registre de ce que l'on voit est toujours difficile à discerner, s'agit il de rêves, d'imaginations ou d'évènement réels ? L'alliance inattendue entre une certaine "suavité" mexicaine et un rapport très amer aux normes sociales dégage ici une puissance rarement vue au cinéma. Le personnage de fiction le plus proche auquel nous pouvons penser, "La pianiste" de Haneke finit par faire presque pâle figure.
Matinee - Jaime Humberto Hermosillo - 1977
Il est une fois encore ici, question de violence, mais une violence qui semble sans cesse déréalisée.
Deux jeune élèves s'échappent de l'école pour aller voir une séance de cinéma. Pris sur le fait, ils sont expulsés de la salle et rendu à leur professeur. Quelques jours plus tard ils se lancent dans une folle aventure : tandis que l'un accompagne son père pour l'aider dans son travail de déménageur, l'autre se cache dans l'arrière du camion pour profiter du voyage vers Mexico City. Malheur : une bande de truands détourne et vole le camion et fait prisonnier les personnages. Des scènes de grandes violence ont lieu, mais elles ne sont jamais remise en question ni ne produisent de réactions psychologiques sur les personnages. Je pense notamment à l’assassinat du père, devant son fils, qui n'entraine aucune émotion. Ni ne remet en cause, juste ensuite, l'intégration des deux enfants à la bande de malfrats, devenant leurs assistants pour réaliser divers larcins. A nouveaux des scènes hors-sol parsèment le film, telle une incroyable et longue scène de danse entre un des malfrats et un des enfants.
Il est bien évident que le film d'aventure que les enfants n'ont pas pu voir au début de l’œuvre est désormais devenu leur vie. Le choix et la différence entre les deux enfants se fera dans la toute dernière étape du film : alors que les personnages préparent un attentant dans la Basilique Notre-Dame-de-Guadalupe (alors en construction !) l'un d'eux s'investit totalement dans l'action en cours, tandis que l'autre s'échappe et se juche sur un échafaudage pour mieux voir l'action se dérouler sous ses yeux. Ce rapport entre "spectateur" et "acteur" se prolonge ensuite dans la façon dont l'un et l'autre semble se "projeter" dans leurs vies futures : après que la bande ait été décimé, un enfant retourne auprès de ses proches, alors que l'autre fuit et saute au hasard dans un train vers une destination inconnue. Matinee est donc une sorte d'étrange "coming-of-age" movie, presque une sorte de films "Amblin" des 80s dans une version brute et sinistre. Quel suprenant réalisateur qu'Hermosillo !
Pour cette fois j'ai fait quelque chose d'inhabituel : voir à la suite 3 films du même réalisateur, le mexicain Jaime Humberto Hermosillo. Non pas que le premier film m'ai subjugué, mais il m'a suffisamment intrigué pour que j'enchaine de la sorte. Bref, voici :
Naufragio - Jaime Humberto Hermosillo - 1978
Le film s'ouvre sur des bruits de tempête superposés à des vues de barres d'immeubles.
Il se clôt sur l'appartement où se déroule l'action du film, détruit par d'immenses vagues, une inondation emportant progressivement sur les flots les meubles et bibelots qui s'y trouvaient.
Une mère vit avec le souvenir de son fils, disparu depuis 5 ans. Sa colocataire, et également collègue, fini par en tomber amoureuse, du moins par procuration car elle ne l'a jamais vu mais en entend constamment parler.
La mère, obsédée, distribue à tout le monde une photographie que quelqu'un aurait prise de son fils il y a quelques mois à Venise. La photo est floue, petite. Son fils à pu changer également. Personne n'est très sur de ce qui se trouve sur cette photo. Alors on l'ausculte, on la regarde à la loupe. Des rumeurs circulent. Son fils serait mort. Ou il se serait engagé dans la marine ou dans la guerre du Vietnam.
On songe à une sorte de Blow-Up alternatif, dans lequel le corps d'un être cher remplace celui d'un possible cadavre, où l'amour d'une mère pour son fils remplace les trips d'un photographe arty. Tiens, d'ailleurs, le film d'Antonioni est inspiré par une roman de Cortazar, ce qui propose ici une belle filiation. Si Antonioni clôt son film sur des considérations métaphysico-phénoménologique, celui d'Hermosillo semble plus directement lié au réalisme-magique. Ce qui est dans la texture de l'image n'est pas si important car le cliché photographique est, au même titre que les souvenirs, les rêves et les désirs, de la même texture que le monde. Tout se mélange.
Après une crise de désespoir, la mère se retrouve à l’hôpital, épuisée. C'est à ce moment que réapparait le fils. Il lui manque un bras mais personne n'en parle. Peut-être n'avait-il jamais eu ce bras, va savoir ? En fait, personne ne parle de rien. Son retour ne crée rien, ni scénaristiquement ni cinématographiquement. Et si ce "rien" pourrait donner envie de classer le film au rang des échecs, il faut essayer de le dépasser pour mieux appréhender l’œuvre. Le fils prévoit d'aller voir sa mère à l’hôpital mais ne s'y rend pas. Il couche bien sur avec la colocataire de sa mère. Puis ses supposés collègues-marins débarquent chez eux, font la fête et détruisent peu ou prou l'appartement. Il est alors temps de repartir, le bateau quitte le port, il faut retourner sur les flots. La tempête symbolique de la nature, des souvenirs et des fantasmes, s'est ici incarnée dans le corps d'un groupe d'hommes saccageant une cellule familiale pour leur bon plaisir, tandis que la mère, en hors-champs, semble sur son lit de mort et ne saura rien du passage de son enfant par chez elle.
Si la faiblesse de la mise en scène (sans doute liée à des moyens techniques tout aussi limités) et quelques passages télénovelesques, donnent une première impression de film de seconde zone, il s'en dégage pourtant une atmosphère et approche unique. Naufragio ne cesse de me hanter depuis son visionnage. C'est exactement pour ce type de surprise que la découverte du cinéma "du monde", par ses recompositions et propositions autres, m'est désormais incontournable.
La Passion selon Berenice - Jaime Humberto Hermosillo - 1976
Une vieille femme acariâtre et pingre, riche usurière en mauvaise santé, cohabite avec sa filleule, une veuve belle et jeune, s'occupant d'elle de façon dévouée. Une vie reclue, d'ascèse, aux rares distractions. Des rumeurs circulent : la veuve aurait tué son ancien mari, la cicatrice sur son visage semblant l'accabler.
Peu à peu la veuve se révèle, sa douceur cache une perversité et une frustration extrême de ne pouvoir vivre une vie libre et émancipée. Elle fini par rencontrer un homme, dévoilant à cette occasion à quel point la sexualité est le cœur de ses préoccupations. Encore une fois (cela semble être presque une signature pour Hermosillo) les scènes s'étirent sans que l'on sache pourquoi, trainant des conversations banales jusqu'au point de rupture, sans que l'on comprenne si il s'agit d'une faute ou d'un choix, tandis que d'autres scènes viennent frapper complètement le spectateur (l'héroïne allant soudainement faire un graffiti de pénis dans les toilettes d'un restaurant ou elle déjeune, par exemple). La scène finale, incendie criminel et volontaire réalisé d'une façon tout à fait paisible, est incroyablement saisissante. Le registre de ce que l'on voit est toujours difficile à discerner, s'agit il de rêves, d'imaginations ou d'évènement réels ? L'alliance inattendue entre une certaine "suavité" mexicaine et un rapport très amer aux normes sociales dégage ici une puissance rarement vue au cinéma. Le personnage de fiction le plus proche auquel nous pouvons penser, "La pianiste" de Haneke finit par faire presque pâle figure.
Matinee - Jaime Humberto Hermosillo - 1977
Il est une fois encore ici, question de violence, mais une violence qui semble sans cesse déréalisée.
Deux jeune élèves s'échappent de l'école pour aller voir une séance de cinéma. Pris sur le fait, ils sont expulsés de la salle et rendu à leur professeur. Quelques jours plus tard ils se lancent dans une folle aventure : tandis que l'un accompagne son père pour l'aider dans son travail de déménageur, l'autre se cache dans l'arrière du camion pour profiter du voyage vers Mexico City. Malheur : une bande de truands détourne et vole le camion et fait prisonnier les personnages. Des scènes de grandes violence ont lieu, mais elles ne sont jamais remise en question ni ne produisent de réactions psychologiques sur les personnages. Je pense notamment à l’assassinat du père, devant son fils, qui n'entraine aucune émotion. Ni ne remet en cause, juste ensuite, l'intégration des deux enfants à la bande de malfrats, devenant leurs assistants pour réaliser divers larcins. A nouveaux des scènes hors-sol parsèment le film, telle une incroyable et longue scène de danse entre un des malfrats et un des enfants.
Il est bien évident que le film d'aventure que les enfants n'ont pas pu voir au début de l’œuvre est désormais devenu leur vie. Le choix et la différence entre les deux enfants se fera dans la toute dernière étape du film : alors que les personnages préparent un attentant dans la Basilique Notre-Dame-de-Guadalupe (alors en construction !) l'un d'eux s'investit totalement dans l'action en cours, tandis que l'autre s'échappe et se juche sur un échafaudage pour mieux voir l'action se dérouler sous ses yeux. Ce rapport entre "spectateur" et "acteur" se prolonge ensuite dans la façon dont l'un et l'autre semble se "projeter" dans leurs vies futures : après que la bande ait été décimé, un enfant retourne auprès de ses proches, alors que l'autre fuit et saute au hasard dans un train vers une destination inconnue. Matinee est donc une sorte d'étrange "coming-of-age" movie, presque une sorte de films "Amblin" des 80s dans une version brute et sinistre. Quel suprenant réalisateur qu'Hermosillo !
Femmes et voyous, Yasujiro Ozu, 1933
Un film muet de Ozu, avec un scénario vraiment pas fin, mais déjà avec une mise en scène extraordinaire. Et je ne parle pas seulement de la beauté des plans, manifeste. Mais bien de la façon dont chaque scène est traitée, des choix si nets et si subtils qu'on trouve dans toute l'oeuvre du cinéaste, et de la façon dont les plans associés les uns aux autres forment un corps qui n'est pas seulement celui du récit. Quand je vois un film de Ozu, j'ai toujours l'impression de rencontrer quelqu'un, d'avoir affaire à sa pensée, et à sa façon d'être au monde. C'est vraiment merveilleux.
Sinon, j'ai été très étonné de voir qu'en 1933, au Japon, tout était écrit en anglais partout...
Pour l’anglais, c’est dû en grande partie à l’ère Meiji à partir de laquelle le Japon a commencé à s’ouvrir au monde (le pays n’était pas aussi isolationniste et replié sur lui-même comme on pourrait le penser).asketoner a écrit : ↑mar. 5 déc. 2023 10:35
Femmes et voyous, Yasujiro Ozu, 1933
Un film muet de Ozu, avec un scénario vraiment pas fin, mais déjà avec une mise en scène extraordinaire. Et je ne parle pas seulement de la beauté des plans, manifeste. Mais bien de la façon dont chaque scène est traitée, des choix si nets et si subtils qu'on trouve dans toute l'oeuvre du cinéaste, et de la façon dont les plans associés les uns aux autres forment un corps qui n'est pas seulement celui du récit. Quand je vois un film de Ozu, j'ai toujours l'impression de rencontrer quelqu'un, d'avoir affaire à sa pensée, et à sa façon d'être au monde. C'est vraiment merveilleux.
Sinon, j'ai été très étonné de voir qu'en 1933, au Japon, tout était écrit en anglais partout...
Ah oui j'ai vraiment été surpris, ça a déjoué mon préjugé !Kahled a écrit : ↑mar. 5 déc. 2023 10:45Pour l’anglais, c’est dû en grande partie à l’ère Meiji à partir de laquelle le Japon a commencé à s’ouvrir au monde (le pays n’était pas aussi isolationniste et replié sur lui-même comme on pourrait le penser).asketoner a écrit : ↑mar. 5 déc. 2023 10:35
Femmes et voyous, Yasujiro Ozu, 1933
Un film muet de Ozu, avec un scénario vraiment pas fin, mais déjà avec une mise en scène extraordinaire. Et je ne parle pas seulement de la beauté des plans, manifeste. Mais bien de la façon dont chaque scène est traitée, des choix si nets et si subtils qu'on trouve dans toute l'oeuvre du cinéaste, et de la façon dont les plans associés les uns aux autres forment un corps qui n'est pas seulement celui du récit. Quand je vois un film de Ozu, j'ai toujours l'impression de rencontrer quelqu'un, d'avoir affaire à sa pensée, et à sa façon d'être au monde. C'est vraiment merveilleux.
Sinon, j'ai été très étonné de voir qu'en 1933, au Japon, tout était écrit en anglais partout...
Le ramdam international autour de la sortie du film (en 2016 déjà !) était mérité. Sur un sujet grave (un internat d'orphelin), Ma vie de courgette est un joli film trouvant un équilibre entre sensibilité et humour.
Nicolas Philibert s'est semble-t-il intéressé à deux thématiques tout au long de sa carrière. D'une part à un certain mode de visibilité et de présentation du monde (Le zoo dans "Nenette", la muséographie dans "La Ville Louvre") et d'autres part à des petites communautés ayant un rapport particulier au monde (les sourds dans "Le monde du silence", une classe d'école primaire dans "Être et avoir").
Dans "La moindre des choses", le réalisateur semble allier ces deux préoccupations. Il pose en effet sa caméra dans une clinique psychiatrique, en se concentrant plus précisément sur les préparatifs de leur pièce de théâtre annuelle. La clinique en question n'est pas "neutre", il s'agir de la clinique de La Borde, lieu d'importance pour une certaine pensée française, allant de Guattari à Foucault et, bien entendu, Deligny à qui le titre du film rend un hommage appuyé.
Si clinique psychiatrique et théâtre sont deux sortes d'hétérotopies, elles s'imbriquent ici de façon tout à fait singulière, conduisant le film à nous parler sans cesse de représentation. D'une part celle que, nous spectateurs, nous faisons de la folie et de son rapport à la norme, que Philibert vient porter directement à l'écran, mais aussi celle que les patients ont d'eux mêmes (le film regorge de scènes de répétitions, mais aussi de dessins, de coiffage-rasage et autres grimages), dans un contexte qui, précisément, s'est proposé de reconfigurer les liens entre les "malades" et la vie. Cette question sera lourdement souligné quand, à la fin du film, l'un des hommes apparaissant le plus souvent à l'écran pointera son doigt vers la caméra (et avec elle vers "nous spectateurs" et toute la société) pour nous déclarer que c'était bien "nous" qui l'avions déclaré "fou".
Dernier fait notable, la pièce de théâtre préparée cette année-là est un texte de Witold Gombrowicz. Hasard ou coïncidence ? Que cette auteur, mettant à mal les conventions bourgeoises et déconstruisant sans cesse le langage et ses sonorités, constitue une large partie des dialogue est particulièrement savoureux, donnant une riche ramification supplémentaire au documentaire.
Les rivières sont des faits topologiques dès plus passionnants. Si elles ont servi de figures cinématographiques majeures à travers le monde (Une rivière nommée Titash de l'indien Ritwik Ghatak, Aguirre de Werner Herzog, pour les films les plus marquants), elles servirent également à soutenir de multiples pensées politiques et philosophiques (d'Elisée Reclus jusqu'au Parlement de Loire en passant par Heidegger, notamment). L'alliance entre ces deux types de créations s'est souvent trouvé incarné dans le cinéma documentaire que l'on songe à "The Ister" de David Barison et Daniel Ross, à "L'Histoire des canaux de Yanagawa" de Isao Takahata et même plus encore chez l'incroyable Peter Nestler qui en a fait une figure récurrente de son travail. Bien que leurs mises en scènes diffèrent grandement c'est bien souvent à Nestler que nous songeons lors du visionnage de "La rivière" de Dominique Marchais. Si Nestler adopte un point de vue d'observateur faussement détaché, duquel découle un sous texte anti-moderne, Marchais utilise une approche plus directe et militante. Il donne la parole non seulement à ceux qui vivent sur les bords du cours d'eau, mais à ceux qui en prennent soin, qui s'en soucient et essaient tant bien que mal de la préserver.
Ne se préoccupant guère de questions géographiques (nous ne savons jamais précisément ou nous nous trouvons, ni même à quel niveau de la rivière), Dominique Marchais se joue sans cesse des questions d'échelles, nous conduisant du courant agité jusqu'aux sources glacées en haute montagne, des poissons aux activistes politiques, des insectes aux collecteurs de déchets. L'un n'est jamais mis au dessus de l'autre : tous comptent, comme chaque remous compte. C'est en ceci que le cinéma écologique est important, et que le film "La rivière" est important : continuer à faire comprendre à tous que le vivant n'est pas sécable mais constitue un tout interdépendant et indivisible.
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L'arnaque à l'oeuvre d'art est pourtant un sujet propice à générer de beaux récits, mais le film est nul.
Gai, vif, inventif, avec plein d'idées de mise en scène tout le temps, habité, super bien joué, une belle surprise (même si on ne comprend pas tout ce que disent les acteurs )
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Fotografia, Pal Zolnay, 1973
Le prétexte est très simple : un photographe et son acolyte parcourent la campagne hongroise pour proposer aux gens qu'ils croisent de faire un portrait d'eux et de le leur vendre. Aussi se confrontent-ils assez rapidement à l'écart entre la personne et l'image qu'elle voudrait donner d'elle-même. Et ce qui est passionnant dans le film de Pal Zolnay, c'est que la caméra est là pour interroger cet écart, filmer les tractations entre les photographes et leurs clients, témoigner de la réalité aussi bien que de sa re-fabrication. Une question revient régulièrement : accrocheriez-vous cette photo de vous sur votre mur ?
J'ai rattrapé son précédent la semaine dernière (Babysitter) c'est une horreur, ça m'a bien refroidi pour voir celui-là. Des idées de mise en scènes, il y en avait, tout le temps, que des mauvaises. Et je ne sais pas ce qu'ont les québécois au cinéma, mais entre Dolan et elle, ils sont complètement hystériques dans les films.groil_groil a écrit : ↑mar. 5 déc. 2023 13:41
Gai, vif, inventif, avec plein d'idées de mise en scène tout le temps, habité, super bien joué, une belle surprise (même si on ne comprend pas tout ce que disent les acteurs )
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le dernier a une part d'hystérie aussi, mais rien à voir avec Dolan, c'est beaucoup mieux, tu devrais tenterTyra a écrit : ↑mer. 6 déc. 2023 11:02J'ai rattrapé son précédent la semaine dernière (Babysitter) c'est une horreur, ça m'a bien refroidi pour voir celui-là. Des idées de mise en scènes, il y en avait, tout le temps, que des mauvaises. Et je ne sais pas ce qu'ont les québécois au cinéma, mais entre Dolan et elle, ils sont complètement hystériques dans les films.groil_groil a écrit : ↑mar. 5 déc. 2023 13:41
Gai, vif, inventif, avec plein d'idées de mise en scène tout le temps, habité, super bien joué, une belle surprise (même si on ne comprend pas tout ce que disent les acteurs )
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Dans un prestigieux lycée de garçons de la Nouvelle-Angleterre débutent les vacances de Noël de l'hiver 1970. Tous les ados s'en vont fêter Noël en famille, sauf 6 d'entre eux que les parents ne peuvent ou veulent pas récupérer selon les cas. Le professeur d'histoire ancienne Mr Hunham, desesté de tous les élèves, est, pour avoir osé mettre une mauvaise note au fils de l'un des grands donateurs de l'école, condamné par le directeur d'icelle à passer ses vacances à surveiller ces 6 gosses, aidé uniquement par la cuisinière des lieux. Très vite, 5 d'entre eux s'en vont passer des vacances au ski avec le père richissime de l'un deux. Mais Angus, dont Mr Hunham n'arrive pas à joindre les parents pour obtenir une autorisation de sortie, doit rester sur place. Angus est un ado très intelligent, mais difficile, et tourmenté. Le film devient alors un huis-clos à 3 personnes, se concentrant spécifiquement sur la relation entre Angus et le professeur Hunham, deux fortes personnalités. Bien évidemment les personnages vont évoluer, et bien sûr le film va s'aérer et voyager dans des décors naturels de toute beauté, saisis par le chef op avec tant de soin qu'on jugerait être transposé à la fin 1970. Evidemment le film n'évite pas les clichés, ou les situations attendues, mais chaque scène est toujours parfaitement abordée, avec le bon ton, et l'enchainement est tellement fluide, que le film a progressivement grandi en moi pour finir par l'emporter. Le réalisateur dit s'est inspiré de Merlusse de Pagnol comme point de départ, et y a mêlé beaucoup de souvenirs personnels. C'est donc un film qui relève a priori de l'intime. Je ne suis pas toujours très fan d'Alexander Payne, disons qu'il a un vrai sens du métier, mais il y a parfois trop de cynisme dans son cinéma pour me plaire. Ici ce n'est pas du tout le cas, c'est je pense son meilleur film, et le meilleur film de Noël de cette fin d'année, ne passez pas à côté !
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Monia Chokri a été révélée au grand public chez Dolan, j'ai toujours considéré que c'était plus ou moins la même école.
Sinon, tu peux aller voir le dernier film de Boomer (assumé) de Denys Arcand, c'est plus calme
La Chimère, Alice Rohrwacher
Il n'y a pas dix mille cinéastes dont j'attends les nouveaux films avec une impatience d'enfant, mais Alice Rohrwacher en fait partie. Son cinéma est très libre, il y a chez elle une fantaisie qui me bouleverse, une naïveté indéfectible, quelque chose d'intact dans son geste, et qui de film en film se déploie de mieux en mieux.
La Chimère montre des gens qui n'habitent jamais vraiment chez eux : l'Anglais toujours en voyage ou en quête d'un fil rouge mystérieux, Italia au service d'une vieille Américaine qui l'héberge dans une maison en ruines et ses enfants cachés sous le lit, ou encore l'ensemble des personnages qui marchent sur une terre où sont enterrés des dizaines de morts, les Etrusques, desquels on ne sait plus grand chose, sinon qu'ils étaient enterrés avec des statues qui se revendent à prix d'or aujourd'hui. Le héros (l'Anglais, donc) a la sensibilité du vide : il sent les cavités sous la terre, sans doute à cause du creux qu'il a dans le coeur (la femme qu'il aimait n'apparaît plus que dans ses rêves, interrompus par un monde bruyant, persécutant). Et quand il est au-dessus du vide, la caméra se renverse et il perd pied.
Les scènes sont fascinantes, Alice Rohrwacher arrive en très peu de temps à donner le ton de chaque monde traversé, de chaque personnage rencontré, et elle ne s'y arrête pas, elle transforme tout ce qui naît, elle essaie des rencontres, des croisements, des étrangetés, elle laisse se perdre ce qu'elle vient de créer, elle ne capitalise pas. Ce cinéma n'explique pas tout, il déploie et insiste aussi peu que possible, il invente l'apparition des choses aussi bien que leur disparition. Quelque chose survient dans les plans : la création de mondes voués à s'effacer, de groupes humains perdus d'avance, non répertoriés. La cinéaste filme ce qui n'existe pas, ce qui est à peine apparu, elle n'illustre pas un fait de société, elle s'en tient au délire et au sens qu'elle lui donne, au désir et à sa dissolution. Tout est sauvage sans feindre la sauvagerie : s'il faut se faire souris pour filmer la scène, Rohrwacher s'y résout. L'intensité de son regard est toujours juste, pensée, elle ne surcharge pas d'énergie un plan pour créer une fausse continuité, elle laisse retomber ce qui se dégonfle. Ce n'est pas un cinéma viril, ni même théorique : il s'agit avant tout de présence face à ce qui a lieu. Il s'agit, en fait, de donner lieu. A l'invisible et à l'enfui.
Et voici l'affiche italienne, qui fait référence à l'arcane du Pendu dans le tarot de Marseille, de façon très judicieuse à mon avis, puisqu'il s'agit bien d'un homme qui accepte de perdre en puissance, qui ne s'en remet plus entièrement à l'action, et qui ainsi voit le monde se renverser, les valeurs se retourner.
asketoner a écrit : ↑jeu. 7 déc. 2023 13:55
La Chimère, Alice Rohrwacher
Il n'y a pas dix mille cinéastes dont j'attends les nouveaux films avec une impatience d'enfant, mais Alice Rohrwacher en fait partie. Son cinéma est très libre, il y a chez elle une fantaisie qui me bouleverse, une naïveté indéfectible, quelque chose d'intact dans son geste, et qui de film en film se déploie de mieux en mieux.
La Chimère montre des gens qui n'habitent jamais vraiment chez eux : l'Anglais toujours en voyage ou en quête d'un fil rouge mystérieux, Italia au service d'une vieille Américaine qui l'héberge dans une maison en ruines et ses enfants cachés sous le lit, ou encore l'ensemble des personnages qui marchent sur une terre où sont enterrés des dizaines de morts, les Etrusques, desquels on ne sait plus grand chose, sinon qu'ils étaient enterrés avec des statues qui se revendent à prix d'or aujourd'hui. Le héros (l'Anglais, donc) a la sensibilité du vide : il sent les cavités sous la terre, sans doute à cause du creux qu'il a dans le coeur (la femme qu'il aimait n'apparaît plus que dans ses rêves, interrompus par un monde bruyant, persécutant). Et quand il est au-dessus du vide, la caméra se renverse et il perd pied.
Les scènes sont fascinantes, Alice Rohrwacher arrive en très peu de temps à donner le ton de chaque monde traversé, de chaque personnage rencontré, et elle ne s'y arrête pas, elle transforme tout ce qui naît, elle essaie des rencontres, des croisements, des étrangetés, elle laisse se perdre ce qu'elle vient de créer, elle ne capitalise pas. Ce cinéma n'explique pas tout, il déploie et insiste aussi peu que possible, il invente l'apparition des choses aussi bien que leur disparition. Quelque chose survient dans les plans : la création de mondes voués à s'effacer, de groupes humains perdus d'avance, non répertoriés. La cinéaste filme ce qui n'existe pas, ce qui est à peine apparu, elle n'illustre pas un fait de société, elle s'en tient au délire et au sens qu'elle lui donne, au désir et à sa dissolution. Tout est sauvage sans feindre la sauvagerie : s'il faut se faire souris pour filmer la scène, Rohrwacher s'y résout. L'intensité de son regard est toujours juste, pensée, elle ne surcharge pas d'énergie un plan pour créer une fausse continuité, elle laisse retomber ce qui se dégonfle. Ce n'est pas un cinéma viril, ni même théorique : il s'agit avant tout de présence face à ce qui a lieu. Il s'agit, en fait, de donner lieu. A l'invisible et à l'enfui.
Tellement hâte
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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je REVE de le voir, et donc je ne te lis pas, mais ultra heureux de voir sa place dans ton classement.asketoner a écrit : ↑jeu. 7 déc. 2023 14:00
Et voici l'affiche italienne, qui fait référence à l'arcane du Pendu dans le tarot de Marseille, de façon très judicieuse à mon avis, puisqu'il s'agit bien d'un homme qui accepte de perdre en puissance, qui ne s'en remet plus entièrement à l'action, et qui ainsi voit le monde se renverser, les valeurs se retourner.
Si tout va bien, je pourrai le voir vendredi de la semaine prochaine !
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moi pas trop
ps : @asketoner on dirait la même affiche non ? (le même personnage quoi; et le même duo)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Oui, comme l'histoire du loup et du saint, tirée du Roland Furieux de l'Arioste dans :asketoner a écrit : ↑jeu. 7 déc. 2023 14:00
Et voici l'affiche italienne, qui fait référence à l'arcane du Pendu dans le tarot de Marseille, de façon très judicieuse à mon avis, puisqu'il s'agit bien d'un homme qui accepte de perdre en puissance, qui ne s'en remet plus entièrement à l'action, et qui ainsi voit le monde se renverser, les valeurs se retourner.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit : ↑jeu. 7 déc. 2023 15:59moi pas trop
ps : @asketoner on dirait la même affiche non ? (le même personnage quoi; et le même duo)
Presque, oui. Encore la question du refus, de la dissidence au sein d'un groupe, de sa nécessité pour que le groupe respire lui aussi, se recompose ailleurs et autrement, sans que rien jamais ne soit fixe. Tu vas détester.
Sérieux : le problème c’est que, si elle continue comme ça, dans 5 ans, il est sûr et certain qu’on va dire d’elle comme on dit à nos jours de Ken Loach ou les frères Dardenne : ils ont trouvé la formule, ils calquent ce qu’il considère « la société » (le groupe chez l’italienne) et on y va.
Mais je vais le voir tout de même, même si je suis, effectivement, très sceptique. Puis, il y a un petit signe à la faveur du film : dans ma ville, il ne passe pas à l’UGC mais uniquement à l’Utopia. Je considère ça comme un bon signe (l’UGC a dû le trouver trop radical, et c’est tant mieux)
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Question : qui est Hélèna Klotz par rapport à Nicolas Klotz ?
(Jai un peu envie de voir La venus d’argent)
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Jean-Marie Straub
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La Rivière, Dominique Marchais
Filmer les gens comme des ministres : drôle de choix.
Les prises de parole sont trop longues, elles manquent de clarté, et finalement tout semble un peu figé : les personnes assises sur les barques, et la rivière elle-même, découpée en mille morceaux.
c'est leur fille (avec Elisabeth Perceval)
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
@asketoner : je reconnais bien volontier que la mise en scène des entretiens/prise de parole, n'est pas des plus inventives ou judicieuses, c'est ce qui m'a fait tiquer. Mais j'ai décidé d'en faire abstraction car pour moi le réal arrive à ce que ça ne fasse pas, justement, "découpé en mille morceau", alors que ça lui pend au nez. Il y a, pour moi, comme une dimension supérieure qui l'emporte au final.
Oui, je pense que si on s'intéresse de façon un peu soutenue au sujet, ça passe. Mais bon, c'est compliqué je trouve de faire à ce point "comme à la télé".cyborg a écrit : ↑ven. 8 déc. 2023 23:39@asketoner : je reconnais bien volontier que la mise en scène des entretiens/prise de parole, n'est pas des plus inventives ou judicieuses, c'est ce qui m'a fait tiquer. Mais j'ai décidé d'en faire abstraction car pour moi le réal arrive à ce que ça ne fasse pas, justement, "découpé en mille morceau", alors que ça lui pend au nez. Il y a, pour moi, comme une dimension supérieure qui l'emporte au final.
Ah voilà ! Je me disais bien qu’il y a un lien de parenté quand même !
Et bien je pense que j’irais voir son film. Ne serais ce que pour voir comment l’héritage ciné se transmet dans une famille de cinéaste (et pas n’importe laquelle !!!)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Homage by assassination, Elia Suleiman, 1992
L'un des premiers courts-métrages de Elia Suleiman, alors qu'il vient d'être chassé de son pays à cause de ses engagements politiques, et qu'éclate la guerre du Golfe. Tout se joue sur la question de la distance (être à distance, s'y tenir, y être tenu), comme toujours chez lui.
Pour un seul de mes deux yeux, Avi Mograbi, 2005
Je trouve le film un peu insistant, répétitif, et il y a beaucoup de choses qui m'ont échappé au début, mais peu à peu l'intérêt a pris. Il m'a semblé que Mograbi montrait plutôt bien le paradoxe des mythes guerriers de Samson et de Massada, enseignés à l'école en Israël, valorisant la résistance par le suicide, alors même que c'est ce qui est en train de se passer chez les Palestiniens (on est après la deuxième Intifada).
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Vu, ou plutôt revu, d'un oeil, en faisant les cadeaux de Noël, en VF. Les deux acteurs sont hyper touchants, et l'ambiance visuelle d'un NY 80's ultra fantasmant est très réussi, mais le film n'est pas très réussi.
Je crois que c'était le seul film avec Patrick Dewaere que je n'avais pas encore vu. C'est dommage car il y a un potentiel à la Profession : Reporter, mais le film est gâché par un enchainement de situations qui n'a ni queue ni tête, et l'absurdité de ces virages à 180° rend l'ensemble pas crédible pour un sou. Mais évidemment Dewaere est super touchant dans chaque plan.
Vous savez que je suis fan de ce film, magnifique hommage à L'Homme qui rétrécit. Nouveau visionnage en le montrant aux enfants, qui ont adoré ! On va enchainer sur Chérie j'ai agrandi le bébé très vite. Mais j'ai halluciné en voyant que le film est écrit et produit (je n'avais jamais fait attention) par deux héros : Brian Yuzna et Stuart Gordon, soit deux des plus grands et subversifs réalisateurs du cinéma d'horreur gore de la grande époque ! (Ré-Animator, From Beyond, Society...) ça m'a semblé fou qu'ils puissent faire un film pour gosses produit par Disney, mais en même temps ce film est un tel bel hommage au cinéma fantastique des 50's que ça ne m'étonne pas que le projet, très bien réalisé par Joe Johnston au demeurant, viennent de ces deux timbrés géniaux !
Adaptation du roman de Stefan Zweig par un cinéaste russe, qui a fini sa carrière aux USA en passant par la France. Ce film-là, produit par Pathé et tourné aux studios de Joinville-le-Pont, et un pur chef-d'oeuvre de mise en scène, un truc de fou, complètement en avance sur son temps. Le film date en effet de 1934, et à cette époque, le cinéma parlant est tout nouveau, et les films ont tendance à être hyper bavards, certains se transformant même en théâtre filmé. Or, Amok est un film en grande partie silencieux, dont le premier mot est prononcé après 10 minutes de film, et qui repose uniquement sur la mise en scène. C'est sidérant de beauté, de modernité et hisse pour moi d'office, je le découvre avec ce film, Fedor Ozep comme l'un des plus grands réalisateurs de son temps. Il y a du Murnau, du Jean Grémillon (celui de Daïna La Métisse) dans ce film, qui, même s'il a été tourné entièrement en studio, nous emmène aux confins de la jungle malaisienne avec une force et une beauté qui près de 100 ans après est toujours aussi étourdissante.
I like your hair.
"Primé par la fondation Philip Morris pour le cinéma" ?
Les acteurs avaient un accès gratuit aux cigarettes ?