Le Centre de Visionnage : Films et débats

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Mr-Orange
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cyborg a écrit :
mar. 13 avr. 2021 11:52
yhi a écrit :
mar. 13 avr. 2021 00:11
Avec Verhoeven je pense que tu donnes probablement le pire exemple : oui le sous-texte de ses films est globalement illisible pour le "grand public" mais à la différence de Coppola on peut-être sur à 100% qu'il sait ce qu'il fait; comment il le fait et pourquoi il le fait.
Mais en écrivant ça; même sans "savoir lire les images" je pense que Startship Troopers est tellement outrancier qu'il est peut-être, in fine, dans une ironie plus lisible que toute dénonciation que pourrait vouloir formuler Coppola ( je pense que pour beaucoup de gens cette scène des hélicos dans Apocalypse Now est juste très cool et stylé...)
Oui tout à fait, la scène des hélicoptères est très souvent évoquée avec jubilation (de toutes façons,c'est l'effet quand on fout du Wagner en extradiégétique, cf la fameuse citation d'Allen dans Meurtre mystérieux à Manhattan). La comparaison de Kahled avec Woodstock me paraît d'ailleurs très judicieuse, et Apocalypse Now est typiquement un de ces produits culturels "cools" au parfum psychédélique et sensass que beaucoup aiment invoquer, parfois de manière un peu poseure, et qui ne me semble pas être l'attitude adéquate quand on veut se confronter à l'horreur brute d'une guerre.

Starship Troopers ne souffre à cet égard d'aucune ambiguïté : soit les gens comprennent le film, soit ils se trompent sur toute la ligne. Il n'y a pas cette frontière poreuse entre la revendication de se confronter à l'horreur de la guerre pour faire ressortir les vicissitudes de la politique extérieure américaine et le fait de donner à l'ensemble un parfum psychédélique qui rend l'aventure irrésistible.

En plus Starship Troopers est conçu comme une parodie de film de propagande (le plan commence et termine par des annonces gouvernementales, laissant entendre que le tout est un immense reportage orchestré par la fédération pour soutenir l'idée de continuer la guerre contre les insectes). Rien ne sort de ce cadre parodique. Quand Wagner passe du diégétique à l'extra-diegetique, c'est plus compliqué.
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yhi
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cyborg a écrit :
mar. 13 avr. 2021 11:52
je pense que Starship Troopers est tellement outrancier qu'il est peut-être, in fine, dans une ironie plus lisible que toute dénonciation que pourrait vouloir formuler Coppola
Je suis bien entendu d'accord pour dire qu'il y aura toujours des gens pour trouver Kilgore cool, pour avoir envie de rentrer dans l'armée américaine après avoir vu Starship Troopers, pour croire que First blood est un simple film d'action ou d'avoir envie de devenir empereur de la coke après avoir vu Scarface. Il me semble quand même que la plupart des spectateurs restent assez éveillés pour que ça ne soit pas le cas de la majorité (enfin j'ose espérer...).

Alors peut être que Verhoeven est plus conscient de ce qu'il fait que Coppola, mais la lecture du résultat ne me semble pas si différente.
Pour le "tellement outrancier"; dans Apocalypse now, on parle quand même d'un type qui va massacrer un tas de civil pour pouvoir... faire du surf. Ca me parait quand même suffisamment outrancier pour qu'à peu près n'importe qui comprenne qu'il y a quelque chose qui cloche là dedans. Non ?
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yhi
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 13:38
un parfum psychédélique qui rend l'aventure irrésistible.
C'est là que je dis qu'on a pas vu le même film. Mais bon, si je suis tout seul à voir dans Apocalypse now une descente aux enfer, un film sur l'absurdité de la guerre (qui fait justement se juxtaposer des images qui ne le devraient pas), un film sur le trauma, et pas du tout un film d'aventure qui donne envie, ça sert pas à grand chose que j'insiste parce que j'imagine que si c'est ça que vous y voyez en tant que cinéphiles, il doit pas y avoir grand monde qui y voit autre chose dans le grand public. Ca me semble pourtant être un film assez lisible (en tout cas bien plus qu'un Godard vu que le débat part de là).

Après je continue à penser que l'argument de base sur la musique est complètement fallacieux.
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Tyra
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Starship Troopers a ses ambiguïtés aussi, si on enlève les spots de propagande surlignés, on compte nombre de batailles assez prenantes au premier degré, et où l'on peut se délecter de l'horreur que l'on voit, ou trembler pour les protagonistes. Protagonistes habillés style IIIe Reich. C'est assez proche de ce que fait Coppola avec son attaque des hélicoptères finalement. Mais il y a une mise à distance avec les films de guerre traditionnels puisque c'est de la SF et les combats sont contre des extra-terrestres.

L'habileté de Appocalypse Now à mon sens c'est d'intégrer que la guerre est devenu un spectacle, que le contre-point des images dénonciation sont les images fascination, Coppola insiste là dessus puisqu'on le voit lui même dans un plan méta. C'est pas seulement un film de guerre mais un film sur le spectacle de la guerre.
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sokol
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cyborg a écrit :
mar. 13 avr. 2021 11:52

Avec Verhoeven je pense que tu donnes probablement le pire exemple

Startship Troopers est tellement outrancier qu'il est peut-être, in fine, dans une ironie plus lisible que toute dénonciation que pourrait vouloir formuler Coppola ( je pense que pour beaucoup de gens cette scène des hélicos dans Apocalypse Now est juste très cool et stylé...)
bien évidement !! :jap: :jap: :jap:
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 13:38
le plan commence et termine par des annonces gouvernementales, laissant entendre que le tout est un immense reportage orchestré par la fédération pour soutenir l'idée de continuer la guerre contre les insectes). Rien ne sort de ce cadre parodique. Quand Wagner passe du diégétique à l'extra-diegetique, c'est plus compliqué.
Je n'aurais pas dit mieux :jap:
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yhi a écrit :
mar. 13 avr. 2021 14:47
Pour le "tellement outrancier"; dans Apocalypse now, on parle quand même d'un type qui va massacrer un tas de civil pour pouvoir... faire du surf. Ca me parait quand même suffisamment outrancier pour qu'à peu près n'importe qui comprenne qu'il y a quelque chose qui cloche là dedans. Non ?
Non. Parce que, dans le cas du film de Coppola, c'est le scénario qui est outrancier; dans le cas de Verhoeven, c'est la mise en scène
Modifié en dernier par sokol le mar. 13 avr. 2021 15:56, modifié 1 fois.
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Tyra a écrit :
mar. 13 avr. 2021 15:31
Mais il y a une mise à distance avec les films de guerre traditionnels puisque c'est de la SF et les combats sont contre des extra-terrestres.
Bien sur ! Car tout est un histoire de mise en scène (et c'est justement, des trucs comme prouvent que la mise en scène est une question de morale, et pas seulement de talent).
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sokol a écrit :
mar. 13 avr. 2021 15:39
le pire exemple
C'est pas le pire exemple, c'est probablement le meilleur puisque comme je sais d'avance que vous allez le défendre ça montre un paradoxe étant donné que les procédés sont similaires.

Et non, ce n'est pas une question de mise scène vs. scénario (argument sorti du chapeau ?) puisqu'on parle de mise en scène depuis le début là. Le choix de laisser la musique fait partie de l'outrance comme tous les choix de mise en scène de ce film qui passe son temps à opposer ceux qui vivent la guerre en surface et qui la tourne en show (Kilgore qui ne craint rien depuis ses hélicos, les équipes télés, les playmates qui débarquent en hélico aussi - mais ce n'est pas parce que le film montre ce show, qu'il en est un lui même) et ceux qui vivent la guerre de l'intérieur comme une continuelle descente aux enfers (le personnage de Martin Sheen) qui mène à la folie (Kurtz) et au coeur des ténèbres.
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Mr-Orange
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yhi a écrit :
mar. 13 avr. 2021 16:42
sokol a écrit :
mar. 13 avr. 2021 15:39
le pire exemple
C'est pas le pire exemple, c'est probablement le meilleur puisque comme je sais d'avance que vous allez le défendre ça montre un paradoxe étant donné que les procédés sont similaires.

Et non, ce n'est pas une question de mise scène vs. scénario (argument sorti du chapeau ?) puisqu'on parle de mise en scène depuis le début là. Le choix de laisser la musique fait partie de l'outrance comme tous les choix de mise en scène de ce film qui passe son temps à opposer ceux qui vivent la guerre en surface et qui la tourne en show (Kilgore qui ne craint rien depuis ses hélicos, les équipes télés, les playmates qui débarquent en hélico aussi - mais ce n'est pas parce que le film montre ce show, qu'il en est un lui même) et ceux qui vivent la guerre de l'intérieur comme une continuelle descente aux enfers (le personnage de Martin Sheen) qui mène à la folie (Kurtz) et au coeur des ténèbres.
Pourtant, je pense très bien voir ce que Sokol veut dire : dans le scénario, Kilgore est un connard. Par la magie de la mise en scène, il devient cool et badass.

Concernant Starship Troopers, j'aimerais bien savoir en quoi les procédés sont similaires avec ceux d'Apocalypse Now...
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:00


Pourtant, je pense très bien voir ce que Sokol veut dire : dans le scénario, Kilgore est un connard. Par la magie de la mise en scène, il devient cool et badass.
Il ne pourrait pas être les deux ?
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yhi
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:00
Concernant Starship Troopers, j'aimerais bien savoir en quoi les procédés sont similaires avec ceux d'Apocalypse Now...
Je tape "Starship Troopers attack" sur google, en premier résultat je tombe sur :
https://www.youtube.com/watch?v=aUTIEeZ ... ovieScenes

Je regarde les 40 premières secondes, j'y vois un peloton de soldat qui abat un ennemi sur de la musique extra diégétique qui fait monter la scène en puissance. A la fin de la scène, un soldat sort une punchline que n'aurait pas renié Kilgore : "Ain't much to look at after you scrape them off your boot".
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Mr-Orange
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yhi a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:20
Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:00
Concernant Starship Troopers, j'aimerais bien savoir en quoi les procédés sont similaires avec ceux d'Apocalypse Now...
Je tape "Starship Troopers attack" sur google, en premier résultat je tombe sur :
https://www.youtube.com/watch?v=aUTIEeZ ... ovieScenes

Je regarde les 40 premières secondes, j'y vois un peloton de soldat qui abat un ennemi sur de la musique extra diégétique qui fait monter la scène en puissance. A la fin de la scène, un soldat sort une punchline que n'aurait pas renié Kilgore : "Ain't much to look at after you scrape them off your boot".
Il y a quand même une différence fondamentale, dont j'ai parlé plus haut : c'est que Starship Troopers prend la forme, de manière parodique, d'un spot de propagande fasciste. Et c'est très clair dès le départ (quand tu vois la scène où la maitresse pousse les enfants à écrabouiller les scarabées dans la cour, pour les galvaniser à propos des opérations militaires à venir, tu ne doutes pas un seul instant qu'il s'agit d'un gros foutage de gueule). A partir de là, tu sais que tout ce que tu vas voir (comme la scène que tu indiques) s'inscrit dans cette logique : il n'y a pas d'ambiguïté. Et puis tu mentionnes la musique extra-diégétique, mais c'est omettre ce qui a lancé le débat à propos d'Apocalypse Now : la transition du diégétique à l'extra-diégétique.
Modifié en dernier par Mr-Orange le mar. 13 avr. 2021 18:10, modifié 1 fois.
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Tyra a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:13
Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:00


Pourtant, je pense très bien voir ce que Sokol veut dire : dans le scénario, Kilgore est un connard. Par la magie de la mise en scène, il devient cool et badass.
Il ne pourrait pas être les deux ?
Si le film est censé être une "dénonciation" (ce que dit Yhi), la conciliation me parait difficile. Mais c'est à mon sens un film sans conscience politique ou morale, donc oui Kilgore est à la fois un connard et un personnage qui offre de la jubilation aux spectateurs, et ensuite on se débrouille avec notre conscience. Donc, je comprends le problème moral. Ce qui ne m'amène pas à disqualifier le film, car, comme tu l'as dit, c'est plus un film sur le processus infernal de sa création que sur l'enfer de la guerre (le méta a complètement envahi le sujet, d'où la mégalomanie de l'entreprise dont parlait Kahled). C'est un film qui en vient totalement à oublier le monde pour se concentrer sur sa propre mythologie, ce qui est scandaleux selon la logique godardienne, mais je ne m'attends pas à ce que Coppola fasse du Godard (c'était tout le point de Sokol je pense), donc ça ne me scandalise pas. Mais je vois le problème moral que ça peut soulever (je me répète beaucoup), sans que ça me pousse à disqualifier le film.

J'ai beaucoup parlé à la place des uns et des autres, mais c'est parce que vos messages m'ont beaucoup intéressé. :D
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Tyra
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:58
Tyra a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:13
Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:00


Pourtant, je pense très bien voir ce que Sokol veut dire : dans le scénario, Kilgore est un connard. Par la magie de la mise en scène, il devient cool et badass.
Il ne pourrait pas être les deux ?
Si le film est censé être une "dénonciation" (ce que dit Yhi), la conciliation me parait difficile. Mais c'est à mon sens un film sans conscience politique ou morale, donc oui Kilgore est à la fois un connard et un personnage qui offre de la jubilation aux spectateurs, et ensuite on se débrouille avec notre conscience. Donc, je comprends le problème moral. Ce qui ne m'amène pas à disqualifier le film, car, comme tu l'as dit, c'est plus un film sur le processus infernal de sa création que sur l'enfer de la guerre (le méta a complètement envahi le sujet, d'où la mégalomanie de l'entreprise dont parlait Kahled). C'est un film qui en vient totalement à oublier le monde pour se concentrer sur sa propre mythologie, ce qui est scandaleux selon la logique godardienne, mais je ne m'attends pas à ce que Coppola fasse du Godard, donc ça ne me scandalise pas. Mais je vois le problème moral que ça peut soulever (je me répète beaucoup), sans que ça me pousse à disqualifier le film.
Dis comme ça, ça me va, je suis d'accord (mais je ne vois pas en quoi il en vient à "totalement oublier le monde"). Il ne faut pas oublier une autre donnée importante du film qui est l'absurde. Cette scène des hélicos est absurde avant tout, à l'image du film et la guerre qu'il montre.

Je trouve la démarche de Coppola bien plus honnête que certains films de guerre du type Soldat Ryan ou le récent 1917, simulations de guerre où on fait mine de déplorer les horreurs de la guerre pour mieux jouir du spectacle.
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Mr-Orange
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Tyra a écrit :
mar. 13 avr. 2021 18:07
Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:58
Tyra a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:13

Il ne pourrait pas être les deux ?
Si le film est censé être une "dénonciation" (ce que dit Yhi), la conciliation me parait difficile. Mais c'est à mon sens un film sans conscience politique ou morale, donc oui Kilgore est à la fois un connard et un personnage qui offre de la jubilation aux spectateurs, et ensuite on se débrouille avec notre conscience. Donc, je comprends le problème moral. Ce qui ne m'amène pas à disqualifier le film, car, comme tu l'as dit, c'est plus un film sur le processus infernal de sa création que sur l'enfer de la guerre (le méta a complètement envahi le sujet, d'où la mégalomanie de l'entreprise dont parlait Kahled). C'est un film qui en vient totalement à oublier le monde pour se concentrer sur sa propre mythologie, ce qui est scandaleux selon la logique godardienne, mais je ne m'attends pas à ce que Coppola fasse du Godard, donc ça ne me scandalise pas. Mais je vois le problème moral que ça peut soulever (je me répète beaucoup), sans que ça me pousse à disqualifier le film.
Dis comme ça, ça me va, je suis d'accord (mais je ne vois pas en quoi il en vient à "totalement oublier le monde").
Le film est un miroir de son tournage chaotique. Il se sert du Vietnam, mais il pourrait aussi bien se dérouler en Corée, en Indochine, sur une île du Pacifique, ou sur Mars. C'est ce que je veux dire en disant qu'il en vient à "totalement oublier le monde".
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yhi
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:58
Si le film est censé être une "dénonciation" (ce que dit Yhi), la conciliation me parait difficile.
(Sur le reste du message) Je te comprends mieux même si je ne vois pas en Apocalypse now un film aussi autocentré.

(Sur la citation ci-dessus) Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas utiliser les effets de ce qu'on dénonce pour mieux les retourner contre l'objet de la dénonciation. Ton argument sur Starship troopers, c'est de dire que l'ouverture du film pose un contexte satirique qui fait que les scènes ne peuvent être interprétées autrement.
Mais c'est bien le même argument que j'utilise pour défendre Apocalypse now (ou du moins ce que je vois dans le film, et qui est peut être différent de ce que Coppola cherchait, mais peu importe finalement). La scène des hélicos prise seule, détachée du reste du film (comme le fait Sokol) est effectivement plus que tendancieuse. Et c'est pour ça que les gens qui reprenne la scène de manière purement iconique se plantent (cf mon exemple sur Skull island). Mais dans le contexte du film complet, il me semble que les effets utilisés le sont pour rendre la scène, plus impressionnante certes, mais aussi pour renforcer la sensation d'une charge implacable mais surtout complètement disproportionnée.
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Mr-Orange a écrit :
mar. 13 avr. 2021 17:58
sans que ça me pousse à disqualifier le film.
Moi non plus, je ne disqualifie pas le film ! Et puis, qu'est ce qu'on a a foutre si je le disqualifie puisque 90% du 'cinéma d'auteur' (on va l'appeler comme ça, pour faire simple) c'est encore pire (et je ne parle pas du cinéma tout court !!) : ils ont des problèmes moreaux encore et encore plus graves que Apocalypse Now.

Cela dit, si j'étais 100% honnête avec moi-même, je devrais arrêter de continuer à le regarder juste après la scène en question. Or, 'bien évidemment", je l'ai regardé jusqu'à la fin (le comble c'est qu'il s'agissait d'un revisionnage donc, c'est encore plus impardonnable de ma part). Mais voilà, nous en sommes là et Godard, pour qu'il fasse "Numéro Deux" dès 1975 puis revenir à un cinéma plus 'acceptable' c'est qu'il a compris que c'est foutu (même si, il a toujours su ce qu'il faisait). Du coup, moi aussi comme spectateur je sais que c'est foutu et donc, je regarde en entier Apocalypse Now...
Modifié en dernier par sokol le mar. 13 avr. 2021 22:33, modifié 1 fois.
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Tyra a écrit :
mar. 13 avr. 2021 18:07
Je trouve la démarche de Coppola bien plus honnête que certains films de guerre du type Soldat Ryan ou le récent 1917, simulations de guerre où on fait mine de déplorer les horreurs de la guerre pour mieux jouir du spectacle.
Parfait ! C'est exactement ce que j'ai écris il y a 2 minutes
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Evidemment que Coppola utilise sciemment Wagner (d'ailleurs son père était musicien me semble-t-il, il a baigné dès son enfance dans une culture musicale classique et ne pouvait ignorer ce que Wagner véhiculait), d'autant que l'autre musique marquante du film, c'est un morceau des Doors qui étaient plutôt connus pour leur antimilitarisme.

J'ai l'impression que vous présumez un peu rapidement de ce qui est compréhensible et de ce qui ne l'est pas. Je n'ai rien contre le Verhoeven, mais enfin il n'y a pas que la satire qui permet de critiquer ce que l'on filme. Et je trouve le film de Coppola bien plus courageux justement, parce qu'il ne se contente pas d'être satirique : il affronte également la question, assez baudrillardienne, de la séduction du mal. Et il retourne la critique de la guerre en critique du spectacle.
Evidemment qu'il y a aura toujours quelques débiles qui récupéreront telle ou telle scène pour lui faire dire l'inverse de ce qu'elle montre, ce n'est pas difficile. D'ailleurs on peut tout retourner. Et je suis sûr (d'ailleurs je me souviens que c'était le cas à sa sortie) qu'il existe plein de gens qui ont pris Starship Troopers pour un film fasciste ou qui ont placé leur propre fascisme dans Starship Troopers. Aucun film ne peut interdire de penser n'importe comment.
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asketoner
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Quelle scène de cinéma raconte mieux que celle des hélicoptères wagnériens d'Apocalypse now ce qu'est "la guerre sous couvert de la civilisation" ?

Et Coppola ne coupe pas pour quelle raison ? Parce que la culture est indissociable des destructions qui en permettent l'hégémonie. (Je pourrais dire la chose dans le sens contraire, d'ailleurs, et c'est là que le film de Coppola est très fort : la guerre trouve son origine dans la culture - donc : art et barbarie sont inséparables.)
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asketoner a écrit :
mar. 13 avr. 2021 23:23
Et il retourne la critique de la guerre en critique du spectacle.
Mais sa critique du spectacle est justement un prétexte pour céder au spectacle. C'est un peu le serpent qui se mord la queue : on n'est pas loin de l'impasse morale en fin de compte. D'ailleurs, signe qui ne trompe pas : le film est sorti dans plusieurs versions différentes à plusieurs années d'intervalle, avec un montage sans cesse remanié.
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groil_groil
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Le chemin de croix d'une jeune femme qui vient d'accoucher, qui abandonne son enfant dès la naissance et qui va tout faire pour trouver un petit boulot, tout en étant gravement malade des suites de l'accouchement, afin de rembourser une forte dette à une mafia quelconque. De Sergueï Dvortsevoï, j'avais plutôt bien aimé Tulpan, qui date déjà de 2004, et le cinéaste a visiblement surtout fait du documentaire entre ces deux films. Celui-ci est un cinéma post-Rosetta, qui en reprend tous les tics et les défauts, caméra embarquée en mouvement permanent, personnage accablé par les problèmes, et une bonne dose de misérabilisme. Malgré cela, il faut bien lui reconnaitre un certain talent de mise en scène qui fait que malgré toi, tu es emporté par l'energie du truc. Et puis, surtout, ce qu'il y a de réussi dans ce film imparfait et souvent désagréable, c'est la façon dont le cinéaste filme la Russie contemporaine. Ce pays fait peur, ne donne pas du tout envie, c'est le moindre qu'on puisse dire, mais la façon dont il est montré donne une idée qui semble s'approcher de la vérité, qui vient sans doute de son apétance pour le cinéma documentaire.

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Un classique que je n'avais jamais vu. C'est pas mal, assez noir, et pas du tout consacré au procès de ces deux jeunes hommes comme je pouvais le penser en amont, mais le film retrace leur vie, leur acte abominable, la traque de la police, jusqu'à leur mort. Pas lu le Capote, mais je pense que la trajectoire du roman est la même. Bizarre sinon comment le film fait film des 50's alors qu'il sort en 1968 ! Sans faire daté pour autant on s'interroge sur les choix de Richard Brooks qui semble plus regarder du côté des films noirs de la fin des 40's / début 50's plutôt que du côté du Nouvel Hollywood qui est en train d'émerger au moment où il tourne.

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J'en avais plutôt entendu du bien à l'époque, alors je l'ai vu... Alors, techniquement le film est correct, rien à dire, c'est une reconstitution crédible du début des 80's à San Francisco. Will Smith est plutôt bon acteur, et le rythme du film est maitrisé. Mais alors le fond... Le bonheur recherché qui donne son titre au film consiste à, accrochez-vous... devenir courtier en bourse ! Véridique ! Et sans le moindre second degré ou la moindre critique. Le perso se met dans la merde la plus noire, perd sa femme qui se casse, doit dormir à la rue avec son gamin, je vous en passe, dans l'unique but de devenir courtier en bourse ! Et le film s'achève lorsque il le devient ! C'est la sortie des violons, des orchestres en cascades, versez votre larmes mesdames et messieurs ! il est trader !!! Suis un écran noir où l'on nous dit que le type est devenu multimilliardaire en créant sa boite de traders. Deuxième écran noir, on nous dit qu'il est devenu encore plus riche en revendant des parts de sa boite pour des centaines de millions de dollars. En même temps qu'on devine alors que ce film s'inspire de la vie d'un type réel (dont on se branle totalement) en comprend la mort dans l'âme ce que signifie le "bonheur" à l'amércaine.

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Un jeune docteur missionnaire se porte volontaire pour aller renforcer un hopital de fortune au fin fond de la jungle de Bornéo. Il va peu à peu être envouté par le "vaudou" local et perdre la raison en se perdant dans la jungle. Sur le papier ça ressemble à une adaptation libre d'Au Coeur des Ténèbres et donc à une première version d'Apocalypse Now. Mais dans les faits j'ai été assez déçu, d'autant que c'est un film dont j'attendais énormément. Il y a tout ce que j'aime : Mulligan que j'adore, Rock Hudson, un de mes acteurs préférés, le sujet, calibré pour moi, l'exotisme, et surtout Bornéo où j'ai eu la chance d'aller, et qui m'avait complètement envouté... Mais le film est très décevant. En gros on s'emmerde un peu pendant une heure trente, ça ne bouge pas, on ne profite pas assez de la région (ce n'est d'ailleurs pas filmé là-bas, et dès qu'on peut se passer de décors, on s'en passe, et la dernière demi-heure est plus intéressante, mais là pareil, pas assez de liberté de ton, une façon de filmer la perte mentale et physique dans la jungle beaucoup trop sage... Bon je suis un peu dur car j'en attendais énormément, mais ce n'est pas du tout la grosse découverte attendue.

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Alors que la guerre est sur le point de s'achever et l'Allemagne de capituler, un groupe de nazis embarque dans un sous-marin afin de rejoindre l'Amérique du Sud. La maitresse de l'un d'eux étant malade, ils font monter un médecin français, qui devient le narrateur de l'histoire et qui est retenu prisionnier et embarqué de force avec eux. Le film est assez chiant, statique, et ampoulé par une voix-off omniprésente et pas fine pour deux sous.

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Une jeune avocate doit défendre son conjoint devant un tribunal militaire, ce dernier étant accusé d'avoir assassiné une dizaine de personnes dans un village du Salvador durant une opération militaire. Elle est aidée par un vieux briscar aux méthodes originales. Dommage de voir Carl Franklin sombrer dans du cinéma de dimanche soir sans âme et sans saveur. Car le film est vraiment mauvais... Franklin, qui a réalisé trois grands films, a vite été aspiré par le système hollywoodien et a malheureusement perdu tout le charme et la nervosité de son cinéma d'origine. A tel point que ça doit faire 15 ans qu'il ne réalise plus que des épisodes de séries tv.

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Une jeune femme capable de communiquer avec les morts, parcourt les USA avec son père, organisant des conférences devant des centaines de crédules avides d'avoir des nouvelles de leurs proches décédés. Le père est un charlatan, mais la jeune femme se découvre des vrais talents de médium. Surtout qu'elle commence même à anticiper les décès et à annoncer aux gens la mort prochaine de leurs proches, chose se produisant à chaque fois... Etonnant que je découvre ce film seulement quelques jours avec Résurrection de Daniel Petrie, tant les intrigues sont proches et tant les films communiquent bien entre eux. Celui-ci est aussi un film intéressant, Rosanna Arquette est super, et je dois dire qu'il y a une attention tout particulière au cadre et à l'image, qui sont tous deux magnifiques, chose assez rare dans un film de ce genre et pour une production hollywoodienne. Sans trop spoiler il y a sur la fin un virage purement fantastique dont on se serait bien passé et qui rend le film un peu bancal, mais ça reste une belle découverte. Pour info, ce film est totalement méconnu car sa sortie a été littéralement sabordée par son distributeur, Miramax, car Rosanna Arquette avait refusé de coucher avec Weinstein.
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asketoner a écrit :
mar. 13 avr. 2021 23:36
Et Coppola ne coupe pas pour quelle raison ?
Parce que il ne sait pas où couper ("la coupe est une question de morale"). Lis son dernier interview au Cahiers et tu verras à quel point Coppola est peu cultivé (elle est d'une pauvreté intellectuelle ahurissante).
Décidément, faire du vin prends du temps, tiens.
Modifié en dernier par sokol le mer. 14 avr. 2021 10:13, modifié 1 fois.
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Kahled a écrit :
mar. 13 avr. 2021 23:49

Mais sa critique du spectacle est justement un prétexte pour céder au spectacle. C'est un peu le serpent qui se mord la queue : on n'est pas loin de l'impasse morale en fin de compte. D'ailleurs, signe qui ne trompe pas : le film est sorti dans plusieurs versions différentes à plusieurs années d'intervalle, avec un montage sans cesse remanié.
:jap: :jap: :jap: :jap:
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sokol a écrit :
mer. 14 avr. 2021 10:11
Lis son dernier interview au Cahiers et tu verras à quel point Coppola est peu cultivé (elle est d'une pauvreté intellectuelle ahurissante).
C'est tout à fait vrai.
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Revu pour le faire découvrir à mon fils, qui a bien aimé, qui n'a pas eu trop peur et qui s'est bien marré; et personnellement j'y ai pris plus de plaisir qu'attendu. j'adore le trio, et puis, Sigourney <3
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L'île nue, Kaneto Shindo, 1960

Je ne sais pas si j'aime vraiment ce film, en tout cas il est assez unique en son genre. On suit pendant une heure les incessants trajets d'une famille vivant au sommet d'une petite île sans eau douce. Les parents sont cultivateurs et passent tout leur temps à faire des allers-retours en barque jusqu'à une autre île où ils puisent un peu d'eau au fond d'un fossé, qu'ils ramènent dans des seaux afin d'arroser de vagues salades (l'eau semble s'évaporer aussitôt qu'elle touche le sol de l'île). Aucun mot n'est prononcé, jamais (sinon quelques chansons d'enfants). Il y a pourtant une musique lancinante, une ritournelle un peu atroce, qui au lieu de soutenir le film accentue l'impression de ressac absurde qu'il génère. C'est Sisyphe au Japon dans les années 60. Ce qui s'échange entre les personnages est tour à tour triste ou tendre, simplement banal : une claque du mari quand la femme renverse son seau, des repas pris en silence, une petite fête autour d'un poisson péché par l'un des deux enfants, une bassine d'eau au-dessus d'un feu où chacun va pour prendre un bain... Et puis survient un drame : l'un des deux enfants meurt. Le père rame de toutes ses forces pour aller chercher un médecin au plus vite, qui arrive trop tard. Toute la classe débarque sur l'île pour assister à l'enterrement. Une fois le petit cercueil mis en terre, il faut continuer à porter les seaux, chercher l'eau au fond du fossé, ramer, arroser les salades... La mère craque, renverse son seau, mais cette fois-ci son mari ne la gifle pas. Il ne la console pas non plus : il la regarde, puis reprend l'arrosage des salades. Et elle aussi, de fait, malgré sa colère, son désespoir. Ce qui pourrait être racoleur (la musique, la mort de l'enfant) ne l'est pas tout à fait, car tout est ramené, toujours, à la matérialité de cette vie, à sa répétition, à son épuisement lent, à sa ténacité.

Je pense que Bela Tarr l'a vu et que Le Cheval de Turin est son Ile nue à lui.
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Dans les 60's, la vie d'une famille excentrique composée de 3 femmes, la mère et ses deux filles. Le récit est narré par l'ainée, avec un petit ton décalé qui commente l'ensemble avec ironie. Le film se veut gentiment subversif sans s'en donner les moyens, aimerait regarder vers John Waters, Wes Anderson ou Todd Solondz, mais est beaucoup trop sage et conventionnel pour s'approcher de l'un des trois.
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Onibaba, les tueuses, Kaneto Shindo, 1965

Ca par contre je n'ai pas tenu plus d'une heure. Kaneto Shindo était en équilibre sur un fil avec L'île nue, ici il s'effondre. Son cinéma semble bourré d'effets, terriblement appuyé, et d'un imaginaire banal. Un exemple : à un moment, on comprend que les deux héroïnes du film dépouillent les morts pour revendre leurs effets auprès d'un type horrible qui vit avec des femmes nues dans une grotte ; le cinéaste, à ce moment-là, coupe le plan sur les deux tueuses avec un plan sur de vagues oiseaux noirs sur une branche ; on voit bien qu'il aurait voulu trouver des corbeaux, qu'il n'y en avait pas le jour du tournage, et qu'il a fini par trouver des oiseaux noirs ; alors il mise tout sur le son : il ajoute un gros croassement ridicule... Bon, il triche, il n'est pas le premier à tricher, mais pourquoi triche-t-il ? Parce qu'il n'a pas envisagé qu'il pourrait raconter quelque chose de très étonnant avec des petits oiseaux noirs plutôt qu'avec son gros cliché de corbeau croassant... Ca se veut étonnant et transgressif, mais en fait c'est très conventionnel. Peu à peu, écoeuré et lassé par les plans d'ombres de roseaux sur les visages aux yeux exorbités (l'influence pénible de Kurosawa dans le cinéma japonais), blasé par les métaphores sexuelles alternant trous sans fond et phallus bien raides, ennuyé par les relations humaines dignes des Feux de l'amour (la belle-mère voudrait coucher avec l'amant de sa bru ! mais ça alors !), j'ai arrêté de regarder l'écran...

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A propos de Nice, Jean Vigo & Boris Kaufman, 1929

Alors on n'y peut rien, Vigo a quelque chose de plus que tout le monde, et qui semble tenir à presque rien. Cet A propos de Nice, sans doute mutilé, ressemble plus à une étude, à un essai qu'à un film en tant que tel, et pourtant, presque cent ans plus tard, on le regarde encore avec émotion, parce qu'il s'y passe quelque chose d'étrange, qui ne tient pas seulement au propos, mais surtout à l'énergie, à la fougue. De l'énergie passe dans ces images, de la pensée en mouvement, jamais satisfaite d'elle-même, à la fois joueuse et tragique, dans le même élan.
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Mangrove, Steve McQueen, 2020 (!!!!!)

Plaisir de voir un film récent, trouble de constater qu'il s'agit d'une reconstitution d'événements ayant eu lieu en 1968, déception de comprendre que Steve McQueen a totalement abandonné le cinéma. Du génial Hunger, il ne reste rien, sinon un très vague style, ou plutôt une stylisation parcellaire... On ne peut même pas reprocher au réalisateur d'être devenu formaliste : il ne prend pas le risque de l'être. Il suit son scénario, elliptique de façon à toujours rester divertissant (il ne faudrait pas non plus plonger dans un sujet), s'essayant parfois à de jolis fondus ou de belles abstractions qui n'ont aucune incidence sur le rythme global (soft, très soft) de l'affaire. Je vois les personnages se parler, échanger 5 répliques en tout et pour tout, puis d'autres personnages arrivent, parlent d'autre chose, 5 répliques maximum - et je ne peux pas m'empêcher de penser à la longue discussion de Bobby Sands avec le prêtre dans Hunger, à ce risque que Steve McQueen avait pris, et qu'il ne prendra plus jamais, cherchant désormais un cinéma calibré (même pas rapide, c'est ça le pire), conventionnel, normé.
Il y a dans Mangrove un acteur magnifique, qui prend la parole lors du procès à la fin, assurant sa propre défense avec sa voix étonnante, aiguë, fragile. On pense à Mr Smith au Sénat évidemment. Mais Steve McQueen lui laisse la place qu'Amazon et la BBC ont bien voulu lui laisser, et qui est bien moindre que celle que Hollywood et Capra ont donné à James Stewart. C'est dommage, parce qu'au moins on aurait pu voir cet acteur exceptionnel au travail, déployer quelque chose qui aurait relevé l'ensemble - mais non, le cinéma n'est plus une question, plus la préoccupation de Steve McQueen, qui fait ce qu'il faut et semble s'en satisfaire.
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Un homme retourne dans un hotel au bord d'un lac où il a séjourné l'année d'avant, afin de retrouver l'une des femmes de chambre dont il est tombé amoureux. Arrivé sur place, l'ambiance est étrange, l'hotel désert, il finit par apprendre que la jeune femme est morte. Est-elle vraiment morte noyée comme on lui annonce ou sa gorge fut-elle tranchée ? Petit à petit, l'homme bascule dans la paranoïa, entouré de personnages de plus en plus étrange, l'ambiance du film virant au fantastique ou en tout cas à l'étrangeté grandissante. Un premier film de deux jeunes cinéastes, qui sans le savoir ou presque, et à côté des premiers films de Mario Bava, inventent le giallo. Le film n'est pas parfait, un peu trop dépendant de sa littéralité, presqu'ampoulé parfois, mais tient vraiment la route, est souvent habité, et mérite vraiment d'être vu et pas seulement comme curiosité. Bazzoni réalisera plus tard le giallo Journée Noire pour un Bélier dont la musique magnifique est de Morricone.
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groil_groil a écrit :
dim. 18 avr. 2021 08:15
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Un homme retourne dans un hotel au bord d'un lac où il a séjourné l'année d'avant, afin de retrouver l'une des femmes de chambre dont il est tombé amoureux. Arrivé sur place, l'ambiance est étrange, l'hotel désert, il finit par apprendre que la jeune femme est morte. Est-elle vraiment morte noyée comme on lui annonce ou sa gorge fut-elle tranchée ? Petit à petit, l'homme bascule dans la paranoïa, entouré de personnages de plus en plus étrange, l'ambiance du film virant au fantastique ou en tout cas à l'étrangeté grandissante. Un premier film de deux jeunes cinéastes, qui sans le savoir ou presque, et à côté des premiers films de Mario Bava, inventent le giallo. Le film n'est pas parfait, un peu trop dépendant de sa littéralité, presqu'ampoulé parfois, mais tient vraiment la route, est souvent habité, et mérite vraiment d'être vu et pas seulement comme curiosité. Bazzoni réalisera plus tard le giallo Journée Noire pour un Bélier dont la musique magnifique est de Morricone.
Je n'ai pas vu celui-là, mais il faut absolument que tu regardes Le Orme, dont la photo est particulièrement splendide. Comme souvent avec ces films-là, le scénario n'est pas forcément le point fort du projet, mais c'est vraiment à voir. On est bien davantage dans le giallo existentiel, le film d'ambiance, que dans le giallo sanguinolant, ce qui me paraît plus intéressant.
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Sieranevada, Cristi Puiu, 2016

Dès la première scène, on est forcé de se poser la question du point de vue depuis lequel on observe une histoire. On perçoit une agitation familiale autour d'une petite fille, mais la caméra est un petit peu trop loin pour que les enjeux nous parviennent clairement. La scène a lieu sur un trottoir, nous nous tenons sur celui d'en face, sans traverser.
La question se déploie tout de suite après, lorsque Puiu nous colle brusquement aux personnages (presque trop près d'eux cette fois-ci, dans l'espace d'une voiture, le profil de la femme du côté passager obstinément tourné vers son mari, dont les yeux apparaissent parfois dans le rétroviseur, cernés, lourds), nous immergeant dans leur vie. Comment regarde-t-on un couple ? Que perçoit-on d'eux, de leur histoire, alors qu'ils sont en train de se disputer au sujet de la robe que leur fille doit mettre pour le spectacle de fin d'année ? Et comment rentrera-t-on dans l'histoire d'une famille (son passé, ses liens, ses affects variables) alors qu'on nous la montrera uniquement lors du repas qu'on donne traditionnellement quarante jours après la mort d'un des siens ? Qu'y a-t-il à voir, à connaître, dans la banalité où Puiu nous propulse ?
On comprend vite que le cinéaste entend donner au réalisme sa dimension la plus démesurée. On ira bien au-delà des repas déjà longs de Pialat. On tentera d'approcher l'infini. Car c'est ce que tout réalisme vise finalement : l'infini. (Je ne vois que Kechiche, actuellement, dans ce sillage. Le réalisme des autres cinéastes est tout petit, et souvent il est là "faute de mieux".) L'infini qui vient se glisser entre la préparation d'un repas et sa consommation. L'infini des histoires, des relations, des névroses.
Sieranevada, de ce fait, devient très vite métaphorique. On observe une famille, mais c'est tout un pays qu'on voit à l'oeuvre, avec sa politique, sa religion, ses régionalismes, ses moeurs, ses traditions, ses notables, ses générations irréconciliables... Tout un pays, voire tout un monde : Charlie Hebdo est là aussi, quelques théories du complot, Bush, l'Irak, le 11 septembre, les Tziganes, l'antisémitisme, Ceaucescu, le néolibéralisme qui transforme les médecins en vendeurs de matériel médical, une musique brésilienne, une Croate en train de vomir dans une chambre, etc... Et tout cela tient ensemble, explose parfois, et c'est ce qui nous est donné à voir : comment le monde tient, ou se retient de ne plus tenir, ou menace de ne pas tenir mais tient de toute façon, ensemble malgré tout, malgré les trahisons, les dissensions, les incompréhensions définitives (et même malgré la mort puisqu'au plus jeune de tous on fait porter le costume 4 fois trop grand du défunt).
Un très beau film, très vaste, qui termine par un fou rire nerveux magnifique.
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asketoner a écrit :
dim. 18 avr. 2021 20:49
Un très beau film, très vaste, qui termine par un fou rire nerveux magnifique.
C'est la phrase que j'avais écris à l'epoque comme commentaire : le film est un peu vain au final, mais il contient peut être le plus beau fou rire de l'histoire de cinema.

ps : je pensais que tu l'avais vu à sa sortie. Comme quoi...
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sokol a écrit :
dim. 18 avr. 2021 23:30
asketoner a écrit :
dim. 18 avr. 2021 20:49
Un très beau film, très vaste, qui termine par un fou rire nerveux magnifique.
C'est la phrase que j'avais écris à l'epoque comme commentaire : le film est un peu vain au final, mais il contient peut être le plus beau fou rire de l'histoire de cinema.

ps : je pensais que tu l'avais vu à sa sortie. Comme quoi...
Non je l'avais raté, alors que j'aurais mieux fait de rater Malmkrog...
Que c'est beau de terminer comme ça !
Par contre je ne trouve pas le film vain du tout.
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asketoner a écrit :
dim. 18 avr. 2021 23:47
Par contre je ne trouve pas le film vain du tout.
Je suis allé un peu fort mais ses 2 derniers films, me semble-il (dirais-tu, or moi je dis tout le temps "bien évidement" :D ) sont un peu vain : le jeu n'en vaut pas trop la chandelle. D'ailleurs, ils ont en commun ce coté 'très vaste' comme tu l'as écrit. De vaste je suis passé au vain. Ce n'est pas forcement une critique (de toute façon, le cinéma a bien un coté vain, n'est ce pas ? :langue: ).
J'aime beaucoup le cinéma de Puiu (ou plus exactement, j'aime encore plus le cinéaste, l’homme Cristi Puiu car il est parmi les rares metteurs en scènes actuels qu'on les voit assez à travers leur œuvre et cela n'est pas donné à tout le monde) donc probablement je mets la barre un peu trop haut dès que je vois un nouveau film de lui.
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asketoner a écrit :
dim. 18 avr. 2021 23:47
Que c'est beau de terminer comme ça !
Ça OUI. Mais ça vient du fait qu'il a vécu dans les deux Roumanie, celle d'avant '89 et celle d’aujourd’hui. Si on fait gaffe (si on connait un peu l'histoire de pays de l'Est), un des personnages les plus compassionnellement filmés c'est la dame qui parle avec superlatives du communisme :D, un peu fofolle d’ailleurs ).
Et comme la vie actuelle dans ces pays a un coté presque surréel, le fou rire (un comportement assez insensé, irréel) devient naturel.
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@sokol : elle est fabuleuse la dame à la toque blanche. Et même pour un Européen de l'ouest, elle est remarquable, car elle déjoue les clichés (on attendrait d'un personnage roumain qu'il dise avoir été "délivré" du communisme).
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@groil_groil
Est-ce que tu peux poster un top Woody Allen ? Je l'ai cherché desesperement mais je ne l'ai pas trouvé : meme Maïwenn en a un ! C'est dire :D

(J'ai regardé hier "Ombres et brouillard" que j'ai beaucoup aimé et je voulais voir comment tu le positionnes)
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asketoner a écrit :
lun. 19 avr. 2021 11:21
@sokol : elle est fabuleuse la dame à la toque blanche. Et même pour un Européen de l'ouest, elle est remarquable, car elle déjoue les clichés (on attendrait d'un personnage roumain qu'il dise avoir été "délivré" du communisme).
Parfait ! Tu as tout vu (tu as tout compris). A mon opinion, c'est elle Puiu (il se 'cache' derrière elle - il fallait bien qu'il se cache derrière au moins un de ses personnages)

ps : ahahaha, en en parlant, j'ai un peu envie de revoir le film. C'est ça qui est intéressant avec le cinéma (au fond). Je me demande que, si je ne pouvais plus en parler avec toi (un autre, et un autre...) je ne regarderais plus de film.
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sokol a écrit :
lun. 19 avr. 2021 11:22
@groil_groil
Est-ce que tu peux poster un top Woody Allen ? Je l'ai cherché desesperement mais je ne l'ai pas trouvé : meme Maïwenn en a un ! C'est dire :D

(J'ai regardé hier "Ombres et brouillard" que j'ai beaucoup aimé et je voulais voir comment tu le positionnes)
J'ai remonté le top en première page du coup.
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Tyra a écrit :
lun. 19 avr. 2021 11:38


J'ai remonté le top en première page du coup.
merci !! Pourtant, j'ai cherché 2 fois...

Merci encore !!
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Tyra a écrit :
lun. 19 avr. 2021 11:38
Et à propos de ta question concernant la scène de "Numéro deux" (je n'ai pas oublié mais je pensais que tu comptais revoir le film) durant laquelle l’héroïne écoute la chanson de Léo Ferré.
Le son est plus fort quand elle met l'écouteur car comme le titre de la chanson l'indique (L’oppression), elle est doublement oppressée (sa condition sociale mais aussi sa condition en tant que femme). Et comme toujours chez Godard, il faut que tout soit montré en image et en son.
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sokol a écrit :
lun. 19 avr. 2021 13:51
Tyra a écrit :
lun. 19 avr. 2021 11:38
Et à propos de ta question concernant la scène de "Numéro deux" (je n'ai pas oublié mais je pensais que tu comptais revoir le film) durant laquelle l’héroïne écoute la chanson de Léo Ferré.
Le son est plus fort quand elle met l'écouteur car comme le titre de la chanson l'indique (L’oppression), elle est doublement oppressée (sa condition sociale mais aussi sa condition en tant que femme). Et comme toujours chez Godard, il faut que tout soit montré en image et en son.
J'ai revu et réécouté la séquence au casque (et oui quelle mise en abime :zorro: ) du coup. Ce qui me marque, c'est que la musique est accompagnée d'un bruit de fond fait d'oiseaux qui paillent, et que la coupure de son est (volontairement probablement) désicônisée du moment où le casque est retiré des oreilles des personnages. Mais je n'entends pas de baisse de son, sauf à un moment où le vieil homme écoute, mais à d'autres moments la musique est aussi forte sur ses oreilles ou sur celles de la petite fille.
Et quand bien même ce serait ce que tu décris, je trouve l'analogie assez neuneu. :(
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Morris Engel dont le plus célèbre film est aussi le premier, à savoir Le Petit Fugitif en 1953, ne connaitra qu'une brève carrière de 4 films qui se conclue avec I need a ride to California, paru en 1968. Avec un léger jeu de mise en abime permettant à l'auteur de faire un film dans le film utilisant un style direct et documentaire, on suit les déambulations d'une jeune hippie californienne récemment arrivé à New-York. L'ensemble est très très léger, pour ne pas dire inconsistant, et le film vaut surtout pour son aspect documentaire qui illustre avec brio l'esthétique de la fin des années 60 aux Etats-Unis.


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Premier film du méconnu Larry Cohen, Bone est un film jubilatoire détournant habillement les codes tant sociaux que cinématographiques pour mieux les retourner contre eux mêmes. Un couple fortuné de Beverly Hills croit voir en un homme noir inconnu qui débarque chez eux un dératiseur dont ils ont bien besoin... Grossière erreur, l'homme est un vil malfrat venu les cambrioler et les séquestrer ! Mais quand le mari doit partir chercher la rançon tout dérape : les personnages se mettent à parler et se libèrent du poids de leurs démons et peurs inconscientes, faisant évoluer les relations et la situation de façon inattendue... Le qualificatif de "féroce" n'est ici pas du tout galvaudé, l'exercice étant mené avec brio et beaucoup d'humour jusqu'à son terme sans dévier devant l'absurde qui dévore progressivement le film.

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Santi-Vina - Tawee Na Bangchang

Vu à l'occasion du cycle "Cinéma Thaï" diffusé sur la plateforme en ligne Henri. Santi-Vina est l'archétype même du mélodrame tragiquement tragique n'épargnant aucun malheur à ses héros à l'amour impossible. Rien d'ébouriffant donc, mais l'exotisme de la Thaïlande est tellement magnifié à l'image que le film devient avant tout un pur plaisir visuel.


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Film "à sketch" réunissant les plus grands noms de l'avant-garde artistique de la première moitié du XXème siécle (Max Ernst, Marcel Duchamp, Man Ray, Alexander Calder, et Fernand Léger) mis en scène par leur comparse Hans Richter lui-même. Malgré la fine équipe je dois avouer n'avoir jamais entendu parler du film jusqu'à tout récemment et ce n'est sans doute pas sans raison, le film étant en effet davantage une réjouissante et plaisante curiosité pour amateur d'art moderne qu'une franche réussite cinématographique.

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Le Syndrome Asthénique - Kira Muratova

Durant les 40 premières minutes on regarde un film en noir et blanc, on y voit une femme qui assiste à l'enterrement de son mari et qui semble avoir bien du mal à retrouver ses esprits dans les jours suivants, quittant en rage son travail, errant dans la rue. Puis un rideau rouge s'abat sur un écran, et l'actrice accompagné de l'animateur du ciné-club semblent en surgir. Personne ne veut leur poser des questions, la salle se vide rapidement, et on suit cette masse informe de spectateur qui rentre chez elle en traversant Moscou. Tout est gris, les couleurs sont fades, les corps sont lourds, la gravité terrestre irrésistible. On passe alors du temps dans le quotidien de quelques anonymes aux liens plus ou moins inexistants, mais dont une figure centrale de détache peu ou prou, celle d'un professeur d'anglais narcoleptique.

Au niveau symbolique le film est clair, le cinéma ce n'est plus possible, on arrête le film en plein milieu, de toute façon tout le monde s'en moque alors on va aller voir dehors ce qui se passe. Le film sort en 1989, donc au point de rupture de l'URSS, alors autant dire que dehors il n'y a plus grand chose qui fait sens, la folie règne, personne n'arrive à se parler, tout se répète ou se superpose, tout cri, tout trébuche : la communication est autant cassé que la structure qui la contient. J'ai rarement vu un film sachant aussi bien qu'il était un film malade au sein d'un moment historique inédit et qui arrivait à intégrer cette maladie au cœur même de sa mise en scène. Muratova fini par prendre de très grandes libertés, simples mais belles, de façon très impressionnante.

On pense tout d'abord à Miguel Gomes qui, au début de sa trilogie des Milles et une Nuit, se carapate pour laisser proliférer les histoires. Mais ici le geste est bien plus fort car d'histoire il n'y a plus. Et on finit par songer à d'Est de Chantal Akerman, qui n'a que quelques années de plus, mais dont l'univers est le même mais cette fois vécu pleinement de l'intérieur et débarassé du regard distancié de la documentariste de l'ouest.




@asketoner l'as tu vu ? Peut-être pas mal pour conclure ton cycle soviétique :D


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It's alive - Larry Cohen - 1974

Si les films d'épouvantes des années 70 ont souvent servi de décorum pour proférer une critique sociale, Larry Cohen est sans doute celui qui pousse cette logique à sa source même. Ici l'horreur ne vient en effet ni d'une lointaine entité extraterrestre (Alien, The Thing), ni d'un esprit démoniaque (L'exorciste), ni d'un cimetière indien (Shining), ni d'un fou échappé d'un asile (Halloween), ni d'une famille de marginaux (Massacre à la tronçonneuse) mais surgit du cœur même de la famille nucléaire d'un propret pavillon de banlieue. Après une grossesse sans complication c'est la mère qui accouche d'un bébé tueur qui décime tout sur son passage... C'est donc ici la matrice même de la société qui est le cœur du mal... rendant fort complexe l'identification de ses racines (surmenage ? surconsommation ? surmédication...?) Le film est d'ailleurs bien basé sur ce double jeu de valeur et de compréhension : le titre "It's alive" fait référence direct à Frankenstein, œuvre que cite ouvertement le père en se confessant avoir longtemps cru que "Frankenstein" était le nom du monstre et non celui de son créateur...
Si le film est relativement lent -toujours sidérant de voire l'accélération de la narration en à peine 50 ans...- Cohen s'en donne à cœur joie et ne manque pas d'adresse pour créer du suspense malgré un manque évident de moyen. Il finit par transformer son film en un conflit intergénérationnel se concluant par une chasse "à l'homme" au sein des égouts de Los Angeles... et si It's Alive était avant tout un film sur la peur de vieillir et de l'inconnu porté par toute nouvelle génération ?
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groil_groil
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L'originalité du film vient de l'idée de réaliser un péplum Maya. De beaux décors, plein de figurants, Yul Brynner torse-poil du 1er au dernier plan, mais ça ne dépasse pas le statut de curiosité.

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Mon dieu quel étrange film... qui oscille en permanence entre la fumisterie et l'éclair de génie, sans qu'on ne sache jamais vraiment de quel côté pencher. Enfin, une fois le film fini on a tout de même l'impression d'avoir assisté à quelque chose d'unique. C'est sans doute l'un des meilleurs films de Ferreri, car l'un des rares à ne pas sombrer dans la provocation facile. Ce film fait partie de ceux qui sonnent le glas du cinéma des années 60 et ouvrent grand la porte au post-modernisme des années 70. On est en 1968, et l'on sent déjà dans ce film les prémices d'un Jeanne Dielman ou, plus tard encore, de 71 fragments d'une chronologie du hasard.
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asketoner
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@cyborg , oui j'ai déjà vu ce Muratova il y a deux ou trois ans, je l'ai bien aimé mais il m'épuise un peu aussi, et tous les films de Muratova me font le même effet
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asketoner
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@groil_groil : c'est vrai que c'est indécidable le Ferreri ! Et pourtant quand je lis le livre de Gabriela Trujillo je me rends compte qu'il cherchait toujours à outrepasser quelque chose (une chose à la fois morale et cinématographique), d'où l'aspect très incertain de ses films. Tu as vu Break-up et ballons rouges ? C'est vraiment pas mal, ça.
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cyborg
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@asketoner oui c'est vrai qu'il est un peu épuisant, mais pour moi c'est une espèce de sidération qui fini par gagner la partie. Par contre le film me semble très différent des autres Muratova vus (plutôt ses premiers comme Brêve rencontre ainsi que Longs adieux). As tu vu ses "plus récents" comme L'accordeur ou Trois Histoires ? Si oui, conseilles-tu ?
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