ahhhh les bonnes batailles d'ALED qui reprennent, j'adoooore
Vu pour montrer à mes gamins, qui ont aimé. Je ne l'avais pas vu depuis plus de 40 ans (au bas mot). C'est un film plutôt réussi, mais plutôt minimaliste (première scène de 30mn dans la même pièce...) et in fine assez glauque.
Enfin vu ce Graal absolu pour moi (mille mercis à Mathieu), je vous raconte : jeune ado j'allais comme tout le monde louer des films au vidéo-club le plus proche (il fallait tout de même prendre la bagnole, donc c'était un événement). J'ai très vite été attiré par le rayon gore / horreur ou bien qu'interdit au moins de 18 ans, le gars nous laissait louer des films. C'est ainsi que j'ai découvert les grands classiques du genre, Fulci, Hooper, Romero et bien d'autres, vous connaissez sans doute la chanson vous aussi. J'ai même loué Salo de Pasolini qui était rangé dans ce rayon, et ça a sans doute contribué à changer ma vie de cinéphile également. Bref, un film que je n'osais pas louer, c'était Anthropophagous, à cause de sa jaquette terrifiante, et de ce personnage lugubre (joué par Georges Eastman) qui dévorait ses propres entrailles, le comble du cannibalisme, me disais-je alors. J'avais lu également sur ce film dans Mad Movies alors que j'avais dans les 13 piges, et ce que j'en avais lu me terrifiait. Je voulais absolument voir ce film mais je n'osais pas, notamment montrer cette jaquette à ma mère quand elle passerait au guichet pour l'emprunter. Et puis finalement, un jour je l'ai fait, je ne sais plus si j'étais avec ma mère (il me semble) ou avec un de mes copains d'alors, mais j'avais enfin le Graal tant fantasmé avec moi. Je me souviens, fébrile, avoir glissé la VHS dans le magnétoscope, et puis... rien. Il ne se passa rien. J'ai oté la cassette, et découvert que la bande magnétique était sectionnée, nette. Déception ultime, il était donc écrit que je ne verrai jamais ce film aussi désiré que redouté. La vie est passée, et je ne l'ai jamais vu depuis, jamais tombé sur une copie, film jamais édité, ou alors uniquement de manière pirate, bref, je n'en ai jamais eu l'occasion. Jusqu'à ce que mon ami Mathieu tombe sur un dvd aussi rarissime que non autorisé et que se propose de me le prêter la semaine dernière. Evidemment dans ces cas--là, quand on a désiré un film pendant plus de 35 ans, on est forcément déçu, le film qu'on a fantasmé est toujours mille fois meilleur que la réalité. Eh bien non, pas ce coup-là, Anthropophagous est un film génial, tordu, et un grand d'Amato pour sûr ! C'est en fait un slasher, avec une bande de touristes qui débarque sur une ile abandonnée ou survit un ermite devenu cannibale qui va tous se les dézinguer. C'est un vrai grand film du genre, car ça transpire le bricolage, les inventions formelles, les saillies gore (sortie et cannibalisme du foetus, autocannibalisme final mentionné plus haut), mais surtout ça semble habité tout du long (malgré les très nombreuses incohérences tant formelles que scénaristiques dont on se fout parfaitement d'ailleurs). Le film est une vraie apologie du DIY de l'époque et m'a fait penser formellement à tout ce qui pouvait se faire à l'époque (début 80's) en terme d'innovation musicale notamment en musique industrielle et expérimentale. Il y a la même saillie, la même provocation, la même croyance en son matériau, même si totalement bancal et amateur, bref, on sent vraiment l'artiste habité par ce qu'il fait, et le résultat est dévoile une pureté de geste qui personnellement m'impressionne beaucoup. Vivement que quelqu'un édite maintenant ce film en le restaurant et qu'il devienne le vrai classique du genre qu'il est.
L'un des grands faits d'armes de Feuillade (il y en a beaucoup dans sa folle filmographie qui doit compter plus de 500 films), au niveau des Vampires ou de ses Fantomas, c'est son grand ciné-roman, comme il ne nomme lui-même nommé, Judex (qui sera beaucoup repris ensuite, notamment par Franju qui en livre un superbe remake dans les 60's), conçu en 12 épisodes plus un prologue et un épilogue, pour une durée totale de plus de 6h30. Le film vient d'être magnifique restauré par Gaumont et le résultat est littéralement à tomber par terre. Dire que ce film a plus de 100 ans et pouvoir le découvrir dans des conditions pareilles, c'est absolument fou... Je pensais aux grands cinéphiles type Truffaut, Langlois, etc., et je les imaginais découvrant ces chefs-d'oeuvre dans des qualités pareilles, ils auraient été dingues. Depuis l'avènement du bluray et la tendance qui se généralise de la restauration du patrimoine en 4K, on vit quand même une période complètement extraordinaire en terme de cinéphilie, et on ne le dit pas assez. Bref, revenons au Judex qui est un total chef-d'oeuvre, c'est conçu comme un feuilleton, avec plein de personnages et de récits qui se croisent, avec une narration d'une grande limpidité et une mise en scène à tomber par terre d'inventivité, et surtout d'un point de vue graphique, des cadrages et des plans qui sont d'une grande beauté, comme si Feuillade avait en cette matière beaucoup d'avance sur son temps. C'est un film passionnant, une histoire de vengeance au départ et qui dévie pour aboutir in fine sur la question du pardon et celle de la rédemption, d'une intelligence folle, et donct la forme généreuse m'a beaucoup fait penser au cinéma de Jacques Rivette et tous ses longs films à tiroir des 70's, à commencer par Out One. Je ne sais pas si Rivette était fan de Feuillade (c'était un immense cinéphile, je sais qu'il les a forcément vu), je ne sais pas si il y a des textes là-dessus, mais cet héritage relève pour moi de l'évidence.
Autre Joe d'Amato, et autre réussite (même si je la trouve plus mineure). Une jeune femme folle amoureuse se suicide par que son amoureux odieux et volage la déconsidère et la trompe ouvertement. Sa soeur, que l'homme ne connait pas, va le séduire, puis l'enfermer dans une pièce secrète de son appartement muni d'un miroir sans tain et l'obliger, lui obsédé sexuel, à assister à toutes ses orgies sans pouvoir y participer. C'est un d'Amato plutôt maitrisé en terme de mise en scène, une sorte de mélange entre revenge movie, film érotique et gore (il y a une scène d'orgie ou les participants dévorent des organes qui est assez marrante) tout cela baignant dans un univers italien 70's évoquant aussi l'ambiance des giallos (même si ce n'en est pas un).
A Montréal, trois femmes d'origine libanaise s'apprêtent à fêter Noël. La fille, la mère et la grand-mère. La mère reçoit par la poste un énorme colis. Dedans, toute la correspondance qu'elle avait envoyée à sa meilleure amie d'enfance, dont elle apprend en même temps le décès. Correspondance envoyée de 1982 à 1988 pendant la guerre du Liban. En s'y plongeant, au départ contre l'avis de sa mère et de sa grand-mère, la fille va découvrir le passé de sa famille, et toutes les tragédies, personnelles et historiques, liées à cette guerre qu'elle n'a pas connue, notamment la mort de son grand-père et du frère de sa mère, mort à l'âge de 8 ans dans une voiture piégée destinée à son père. Le nouveau film de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, deux cinéastes que j'adore littéralement est magnifique et fascinant à plusieurs niveaux. Déjà parce qu'il est inspiré de la correspondance privée de Joanne, même si librement, et à travers ce film, c'est également son enfance qu'elle nous offre de découvrir. Je ne sais pas ce qui est vrai de ce qui est inventé pour le film, et à la limite je ne veux pas le savoir, c'est l'oeuvre que je juge, mais savoir que tous ces cahiers ouverts sous nos yeux ont existé réellement me bouleverse et me donnent un témoignage qui transcende le film en le rendant réel, palpable. Le film est saisissant aussi car c'est un film composite, expérimental dans sa forme puisque la narration va littéralement naitre de la matière première fournie par ces carnets qui vont se mettre à vivre et ouvrir des dizaines de tiroirs, occasionnant des flashes back multiples et autant de récit, qui vont s'associer dans une grande spirale, et sans jamais la moindre confusion malgré la profusion, et dont la juxtaposition de l'ensemble crée l'oeuvre. Ce qu'il y a de fort, c'est que c'est un film expérimental ou presque dans sa construction, et que ça ne l'empêche pas d'être aussi un film incroyablement émouvant (la larme à l'oeil n'est jamais loin) ainsi qu'un des films les plus précis et les plus troublants qu'on puisse trouver sur la guerre du Liban puisqu'il nous permet d'en saisir véritablement les tragédies.
Je suis partagé. A la fois parce que j'en ai ras le bol de cette mode des comédies musicales confiées à des gens qui ne savent pas chanter (ce n'est pas le cas de tout le monde ici mais d'une majorité tout de même) uniquement parce que ça fait décalé ou branché, et parce que le film condense a peu près tout ce qui se fait de pire en matière de clichés contemporains. Mais en même temps le film m'a plu, et je dirais qu'il finit par l'emporter au finish, parce qu'il fait montre d'une vraie émotion, qui gagne en densité au fil du temps, et dont les dernières scènes sont très émouvantes. Les points forts du film : Bertrand Belin, génial en acteur, et les scènes où il chante sont merveilleuses, la beauté des paysages qui sont de plus remarquablement filmés et qui sont pour beaucoup dans la réussite de la seconde partie du film, Mélanie Thierry qui pour le coup chante très bien elle, le fait que les personnages soient masqués (notre quotidien est systématiquement nié dans le cinéma contemporain qui persiste à faire comme si la pandémie n'existait pas en présentant des personnages sans masque, qui s'embrassent et sortent comme si rien n'était jamais arrivé et cette négation du réel me fout hors de moi) et le personnage d'Amalric qui se pose comme une sorte de croisement entre le Merde de Carax et Vernon Subutex, sorte de rocker paumé nihiliste revenu de tout et prêt pourtant à s'émouvoir de la moindre des choses. Film bizarre, comme la carrière des Larrieu qui oscille en permanence entre réussites et échecs sans jamais vraiment comprendre ce qui fait qu'un film est réussi ou ne l'est pas.