Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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Je l'ai regardé en entier parce que le film se déroule intégralement dans un disquaire, au milieu des 90's, et qu'on y assiste aux débuts de Liv Tyler et de Renée Zellweger, mais c'est quand même franchement mauvais en tous points.

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Revisionnage en bluray d'un de mes Edwards préférés, et c'est une merveille totale, qui débute comme une comédie romantique désenchantée, qui vire en errance nocturne à la After Hours et qui, comme toujours avec Edwards, s'achève en burlesque désopilant. Les deux comédiens, Willis et Basinger, sont en état de grâce permanent, c'est un délice de les regarder de jouer, on ne peut pas s'empêcher de sourire en permanence tant ils sont parfaits.
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Tamponn Destartinn
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Un court métrage et un moyen métrage liés ensemble pour une sortie au cinéma particulière (pour l'instant, diffusé qu'aux Mk2 Beaubourg et Quai de Seine les lundi et mardi soirs, avant une tournée dans différentes villes de France)
C'est une sortie technique, mais voir du court métrage français en salle, hors festival, est un évènement assez rare pour être souligné.

Pauline asservie est un court métrage qui a déjà 2 ou 3 ans, réalisée par celle qui a fait derrière le long Les Amours d'Anaïs. Anaïs Demoustier en est l'héroïne et sans avoir le même prénom, elle joue clairement le même personnage. Ici, en week end en maison de campagne en hiver, avec sa meilleure amie, et pour seule préoccupation la non réponse de son amant à un texto, un amant qui est un homme plus âgé et marié. Pourquoi j'aime ce court, alors que j'ai détesté le long ? Parce que cette fois, l'héroïne est en souffrance et face à sa meilleure amie qui sait la renvoyer dans ses cordes. Du coup, mon antipathie pour le personnage s'est transformé en empathie et j'ai pu rire sincèrement de cette situation légère mais très efficace déployé tout au long de ce film court (20 min max) mais nerveusement drôle.

Mais le plus grand intérêt est le film suivant, Les mauvais garçons, d'une durée de 40 min, réalisé par Elie Girard. Lui pour le coup est récent, il vient tout juste d'être nommé parmi les 5 courts métrages sélectionnés pour les Cesar de cette année. Comme Pauline Asservie, c'est un quasi huis clos entre deux amis, cette fois deux hommes. Plus précisément, ce sont deux amis trentenaires qui sont d'habitude toujours fourrés en trio avec un troisième larron, qui se met à arrêter de trainer aussi souvent avec eux depuis qu'il attend un enfant. Or, les deux restants semblent mal à l'aise, l'absent est clairement celui qui servait de ciment au groupe. Le film dure le temps de 4 soirées, le long des 9 mois de grossesse de la femme du 3e pote, qui à chaque fois leur fout un lapin. L'occasion alors pour les deux gars de discuter, de tout et de rien. Et de se rendre compte que l'un d'entre eux est clairement dépressif sans oser le dire... Dispositif très simple, qui amène un très très beau film. Les deux acteurs sont géniaux, chacun à leur manière. Il y a notamment un long passage de lecture de textos que l'un envoie à une fille, c'est une leçon d'écriture et de direction d'acteurs, je trouve. C'est très drôle, très mélancolique et c'est la naissance j'espère d'un cinéaste qui comptera prochainement. (et oui, je connais le mec, mais promis ce n'est pas du copinage non réfléchi :D )
len'
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Licorice pizza de Paul Thomas Anderson

Personnages antipathiques, société américaine dans toute sa splendeur (et sa lourdeur), crise pétrolière, rêves d'ascension et désillusions, pas de doute, on est chez PTA. Ce qui change, c'est que les héros s'en fichent : ils courent, ils courent... ils n'ont a priori aucune originalité, ne cherchent pas à changer le monde, au contraire, ils nagent en plein dedans sans complexe. Entre le garçon qui joue les entrepreneurs capitalistes (un futur électeur de Reagan) et la fille attirée par tout ce qui brille, on n'est pas tant dans le cliché que dans la normalité, une normalité des sociétés libérales en général et une normalité américaine en particulier. Mais bizarrement ça fonctionne, ça fonctionne même très bien. Parce que le regard du réalisateur n'est pas idéologique justement, encore moins dogmatique, il est léger, et on sent un plaisir presque enfantin à jouer avec sa caméra, à passer de scène en scène de manière fluide et sans une structure bien définie. Mais en vérité, il ne change pas tant que ça, sa mise en scène suit juste la vision de ses personnages : Phantom thread etait maniéré et plombant parce que son héros est plombant, there will be blood était hystérique parce que son héros est hystérique, etc etc. Bien sûr, ce n'est pas si simple, les personnages ne sont pas que légers et ne sont pas qu'antipathiques, mais tout ce qui n'est pas dit passe par la mise en scène dont l'ambivalence entre classicisme hérité de l'âge d'or hollywoodien et des notes plus dissonantes héritées des années 70 permet toujours un regard plus étendu, contradictoire, qui, sans déborder complètement, ne se fige jamais non plus. C'est un équilibre ouvert aux digressions que cherche PTA, à la Thomas Pynchon ; et comme inherent vice, cela permet à ce film d'être vu et revu sans déplaisir et même à moitié. C'est aussi intéressant de voir que le réalisateur fonctionne à rebours et qu'après avoir dessiné des portraits de vieux névrosés aux portes de la mort (les caricatures de sean penn et bradley cooper y font-ils allusion, par auto dérision ?), ici il brosse le portrait de jeunes qui... courent. Et voir un ado qui court entre des bagnoles à l'arrêt, en plein choc pétrolier - c'est à dire le début de la fin des sociétés modernes -, avec David Bowie en fond sonore, j'ai beau savoir que c'est un cliché intégral, eh ben ça m'éclate. Le jour même, j'ai couru aussi dans la rue alors que je marchais la seconde d'avant, sans objectif, sans jogging, sans compteur kilomètrique. Juste comme ça.
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cyborg
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@sokol on en a déjà parlé, et autant je trouve La Mort de Louis extrêmement raté (et je n'ai pas osé voir La Liberté que j'ai pourtant sur mon ordi), autant Jauja m'intérese beaucoup car le réal me semble faire quelque chose de ce formalisme un peu trop forcé il est vrai. Pour le film argentin il m'avait juste paru raté dans son ensemble.
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groil_groil
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Un jeune homme tue sa mère et son beau-père dans un accès de folie puis il sombre dans un coma profond qui le laisse en mort clinique. Une jeune infirmière se fait embaucher dans la clinique Patrick végète et s'en voit confier la charge quotidienne. Très vite, elle se rend compte que le jeune homme immobile, inerte, aux yeux grands ouverts, possède des pouvoirs paranormaux et peut communiquer avec elle. Il ne va, bien évidemment, pas utiliser ses pouvoirs pour faire le bien. Magnifique découverte que ce film au fantastique psychologique de la toute fin des 70's qui décrocha le Grand Prix du Festival d'Avoriaz en 1979. C'est un film australien, tourné à Melbourne, qui oscille donc entre le cinéma américain et le cinéma anglais. L'image est très belle, la mise en scène inspirée, les comédiens convaincants, et surtout le film ne s'essouffle pas sur son dernier tiers, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné. J'adore le cinéma d'horreur de la fin 70's / début 80's, il y a vraiment quelque chose qui est en train de se jouer à cette période-là, et chaque découverte de ce genre est un accomplissement. J'aimerai aussi attirer l'attention sur la superbe collection de film d'horreurs de chez Rimini, qui doit compter une quinzaine de titres à ce jour, dont Patrick, et qui est vraiment en passe de devenir l'une de mes préférées. Ils font un boulot exceptionnel, la collection est cohérente éditorialement, les choix de films toujours ultra pertinents, les restaurations souvent de grande qualités et les objets proposés sont magnifiques.
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groil_groil
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Un sosie du Président américain est contacté pour prendre sa place lors d'un simple bain de foule qu'il souhaite éviter. Mais le vrai Président meure d'une crise cardiaque en couchant avec sa maitresse, et on demande au sosie de tenir le rôle plus longtemps, le temps de cacher le scandale. Mais celui-ci se prend au jeu, et va se mêler de politique, tout en rétablissant un contact de plus en plus intime avec la Première Dame, qui n'adressait plus la parole à son mari.
Découvert il y a peu, mais ce revisionnage confirme la petite merveille qu'est ce film, à savoir une comédie politique fine et hilarante, très proche dans l'esprit d'Un Fauteuil pour deux, servi par deux comédiens extraordinaires (c'est peut-être même le plus beau rôle de Kevin Kline). Bref j'adore et je rêve de revoir le film dans une belle édition bluray.

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Pas facile de faire un remake d'un des plus grands films de tout l'étang, gros challenge même, j'imagine la pression qu'a du se mettre Losey à l'époque, et il faut dire que le résultat est super réussi. C'est un très beau remake, et Losey réussit parfaitement à transposer le film expressionniste des 20's/30's dans l'univers du film noir américain des 50', la bascule est réussie et la manière dont il joue avec les codes des deux genres est excellentes. Bon sinon David Wayne n'est malheureusement pas aussi génial que Peter Lorre et la fin est moins réussie que celle de Lang, mais ça reste une belle surprise.

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Je l'avais vu en salle à sa sortie, je venais tout juste d'avoir 15 ans, alors évidemment ce fut un choc phénoménal et ce film a toujours été super important pour moi (et je pense que c'est peut-être mon préféré de la trilogie, même si ce sont trois sommets), à cause de cette découverte adolescente. Le revoir dans cette belle copie était un moment fort, car le film n'a absolument rien perdu, c'est magnifique, et puis certaines images m'ont hanté des années durant, alors les revoir aujourd'hui, c'est forcément très marquant.

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Le 1er Columbus, réalisé juste avant Home Alone, et c'est une merveille de teenage movie, dans lequel une baby-sitter (la déjà sublime Elizabeth Shue) se retrouve avec trois gamins embarquée dans une aventure nocturne digne d'un After Hours. Le film vaut plus que ce qu'il est, tant il semble être le représentant d'un esprit, d'une école, d'une façon de concevoir le cinéma de divertissement de manière intelligente et qui irait de John Hugues à David Gordon Green, dont le très bon Baby-Sitter malgré lui semble être un remake de cette petite pépite réjouissante.

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Visionnage annuel :love2:

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Une écrivain de thriller rend visite à sa soeur qui, séparée de son mari, essaie de récupérer la garde de son enfant. Professeur, elle est maitresse dominatrice le soir sur un site internet. Lorsqu'elle se fait assassiner sauvagement, probablement par l'un de ses "fans", sa soeur, qui vient de tomber amoureuse du voisin, qui se trouve être l'inspecteur de police en charge de l'enquête, décide de l'accompagner dans sa traque en mettant à profit son expérience de romancière de genre. Outre le plaisir de revoir Alyssa Milano, ce téléfilm Netflix n'a pas grand intérêt car il ne fait qu'enfoncer les portes ouvertes du genre thriller / serial killer. Mais ça se laisse voir, et au moins, ça n'a pas d'autre prétention que d'être un téléfilm bien pépère, ce qui est assez rare pour une production Netflix, c'est déjà ça.
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groil_groil
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Un énigmatique magicien s'introduit dans la riche demeure d'un sénateur déguisé en clown pour l'anniversaire de son jeune fils, condamné dans les semaines qui viennent par une leucémie. Le magicien parvient à guérir l'enfant et s'immisce alors dans la famille en exerçant sur ses membres une curieuse emprise. Encore un étrange et intéressant film fantastique australien du tout début 80's, moins réussi que Patrick mais vraiment dans le même style, celle d'une horreur adulte et presque anglaise, gothique dans l'esprit, mêlé avec un sens de l'entrainement américain encore à ses balbutiements. Le film n'est pas toujours réussi, comporte de nombreuses maladresses, mais il est porté par quelques élans aussi réussis qu'enthousiasmants.
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asketoner
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Birthplace, Paweł Lozinski, 1992

Visible sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=OCzK8xAcAk0

Ca dure 46 minutes, et c'est impeccable : tout est là, il n'y a besoin de rien de plus. Pavel Lozinski a trouvé la durée la plus juste pour raconter son histoire, celle de son enfance en Pologne, caché dans un trou dans la forêt avec sa mère, et la disparition inexpliquée de son père. Il revient 50 ans plus tard à l'endroit de sa naissance et interroge tout le monde pour savoir ce qu'est devenu son père. Il finit par découvrir la vérité.
En 46 minutes, on voit le chagrin d'un homme, son courage aussi, la façon dont le traumatisme est toujours actif chez lui ; et un village, avec ses justes, ses lâches, ses salauds, ses silences, ses dénis, ses arrangements avec la vérité. Le film est sec, précis, centré sur la parole de tous ces gens interrogés. Il ne cherche pas l'effet. Il est dans la justesse de sa quête.
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groil_groil
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La presse a adoré, mes amis aussi, qui plus est le film était vendu comme un "ruban de Moebius" et j'adore ce genre de principe narratif, j'adore Amalric, sa "Chambre Bleue" est un chef-d'oeuvre, je m'attendais donc à un grand film et... grosse douche froide. L'une des pires de l'année. Attention je spoile grave, donc ne lisez que si vous le voulez : dès les premiers plans du film, on s'est dit : non !? c'est quand même pas ça ? ne me dit pas qu'en fait sa famille est morte dans un accident de montagne et que sa folie vient du fait que toute sa famille est morte ?! Le film est forcément plus intelligent, moins racoleur que ça... Amalric est un garçon intelligent, il ne peut pas aller dans de telles facilités... Eh bien si, le film propose ça, et ne propose rien d'autre : pendant 1h30 on te balance des bouts de scène auxquels tu ne comprends rien, façon puzzle (héritage de son très raté Barbara) et puis à la fin il raccroche les wagons - c'est ça le ruban du Moebius, tu parles - en une pirouette finale qui est aussi facile, et un peu putassière (genre chantage à l'émotion) qu'elle est bâclé puisque in fine le film ne propose absolument rien de plus que son énoncé, déroulé d'une manière tellement programmatique qu'elle vient contredire les soi-disant liberté et originalité du processus. Quelle déception...

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Heureusement j'ai vu un bon film ensuite...
Adapté librement du Joueur de Dostoïevski, ce film de Siodmak (qui m'a aussi un peu rappeler 24 heures de la vie d'une femme de Zweig) est une merveille absolue, et un des films qui raconte le mieux ce que peut être le démon du jeu et l'enfer des casinos. Ava Gardner et Gregory Peck y sont géniaux, et voir ce dernier sombrer ainsi dans la misère à cause d'un vice qu'il découvre à peine mais qui le bousille immédiatement est aussi flippant que prodigieux. Un des meilleurs Siodmak.
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groil_groil
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C'est absolument formidable qu'à 84 ans (je découvre que Ridley Scott est né un 30 novembre comme moi) réalise un film de cette qualité, et même l'un des tout meilleurs d'une filmographie on ne peut plus inégale. Je dirais même que ce magnifique House Of Gucci est le plus grand film hollywoodien anticapitaliste depuis Casino... D'ailleurs, Scott se fait ici un peu Scorsesien, mais il a compris que l'époque qu'il filme a perdu de son panache, que ses personnages n'ont pas le courage des personnages scorsesiens, alors son film est totalement désenchanté, sans acte de bravoure. Mais rarement on a vu un film aussi pertinent sur le pouvoir nocif de l'argent et sur le pouvoir nocif... du pouvoir lui-même. Le film est conçu en trois parties distinctes (même s'il ne l'annonce pas) et c'est seulement dans sa première que ses protagonistes sont beaux, presque flamboyants, car ils n'ont pas de pouvoir, ou ils le refusent (c'est le cas de Maurizio Gucci, joué avec délicatesse et subtilité par Adam Driver de plus en plus immense), et ce refus en fait un homme normal, un homme bon, souriant, qui se plait à jouer au foot ou à s'arroser au jet d'eau avec des camionneurs. La seconde partie est celle de la prise de pouvoir, et celle du ver dans le fruit. Une partie volontairement moribonde où le rythme même du film en pâti pour montrer combien l'argent vient tout ruiner de ce qui fait l'essence de l'individu. Et la troisième partie est celle de l'effondrement de l'individu, du règlement de compte, de la destruction, partie dans laquelle l'argent et le pouvoir ruinent absolument tout et où les personnages sont tellement lâches qu'ils n'osent même pas détruire par eux-mêmes mais font appel à des tiers. Un très grand Scott, et des acteurs prodigieux, qui certes en font beaucoup, cabotinent même, mais le font tellement bien que c'est un plaisir de chaque instant.
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cyborg
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Ayant grandi durant les années 90, Matrix reste un film incontournable de mon histoire personnelle. Je ne l'ai pas vu en salle, mais quelques années après en VHS lors de multiples visionnages. Dire que j'étais alors excité par la sortie consécutive des volumes 2 puis 3 est bien peu dire, malgré la déception relative qu'ils ont constitué.
De Matrix 1 nous ne comprenions, en fait, pas grand chose si ce n'est une série de mystères plus ou moins épais et peut-être l'impression de voir un film de notre temps, celui des tout début de l'internet grand public, de l'envahissement progressif et inconscient de la technologie dans nos réalités quotidiennes.

Largement oublié depuis lors dans mon esprit, Matrix est réapparu sur mon radar lorsqu'un prof me conduisit, vers 2010, à lire de la philosophie contemporaine pour la première fois, à savoir Simulacres et Simulation, et que j’appris que le film de Wachowski s'inspirait des idées de Baudrillard (le livre apparait même visuellement à l'écran entre les mains de Néo). Je ne sais pas quel autre blockbuster de l'histoire, récente ou ancienne, peut se venter d'être basé sur les idées d'un penseur contemporain ? Qu'il s'en saisisse bien ou mal, que les effets spéciaux semblent désormais ringards, que le film d'action soit bon ou non, n'est au final pas si important et je pense que si le film à tant marqué les esprits sur la durée c'est parce que les gens ont, à mon avis, senti la base sérieuse de réflexion qu'il ouvrait, de façon beaucoup plus consistante que d'autres films de SF avant lui (Blade Runner par exemple).

Cette digression d'ouverture mise à part, la question de savoir si Matrix 4 est un bon film ne me semble pas tellement préoccupante (la réponse tendrais d'ailleurs probablement plutôt vers le "non" je pense ) mais le film m'intéresse à nouveau comme objet conceptuel. De façon assez étonnante, la première référence qui m'est venu en tête à la sortie de la salle est la magnifique Saison 3 de Twin Peaks de David Lynch. Celle-ci avait la grandeur et le courage immense de se poser ouvertement en successrice de la série d'origine tout en prenant concrètement en considération les 30 ans s'étant écoulé depuis sa création, mais aussi l'objet qu'elle était devenu au sein de la culture populaire et de la vie de son créateur. La comparaison s'arrête bien évidemment là, mais c'est exactement ce que propose Matrix Resurrection pour lequel je m'abstiendrai d'utiliser le terme boursouflé de "méta" en y voyant la particularité plutôt rare de se jouer comme un auto-remake.

La scène d'ouverture de ce nouveau volet est ainsi une remise en scène de l'ouverture du 1er film, mais à travers un autre angle de vue. Et qui dit déplacement spatial dit bien sur déplacement temporel. Et le film de se construire ainsi tout du long, jusqu'à sa quasi-fin, comme une somme de références à lui même tant par une remise en scène des mêmes scènes dans des versions légèrement différentes, que d'incessants clin d’œil à lui même (le chat "déjà-vu" etc etc), les copies exactes de plans (les balles qui tombent sous l'hélicoptère) qu'en faisant apparaitre physiquement à l'écran les images de sa première version. A l'heure de nos espaces numériques mnémoniques infinis dans lesquels l'hantologie est devenu réalité permante, avons nous déjà vu plus belle œuvre hantée par elle même, depuis un passé devenu indépassable, nous conduisant tous à être les propres fantômes de nous même ?

Malgré ceci Matrix 4 se pose également comme une sorte de mise à jour de son premier volet en s'adaptant à sa nouvelle époque de création. Le premier opus a été écrit dans les années 90 quand les technologies n'étaient encore que balbutiantes, et Baudrillard est désormais enterré depuis longtemps. Personne n'aurait pu imaginer alors la place gigantesque que les technologies prendraient dans l'intimité de nos quotidiens. En d'autre terme c'est bien "la technique" qui a gagné et il faut vivre avec elle tout en la comprenant pour ce qu'elle est : ce n'est donc plus une guerre contre les machines qui est le cœur du film, mais la défense d'une cité plus inclusive (thème tout autant en vogue) où vivent en harmonie humains, machines et programmes numériques. Le grand méchant du film n'est plus "l'architecte-maître des machines" mais bien un psychologue (quel culot d'avoir été nous chercher le branlou-passe partout Neil Patrick Harris pour l'incarner !) redirigant donc l'orientation du film et ses différents niveaux de lectures sur la psyché humaine elle même (d'aucun diront d'ailleurs que Matrix 4 est avant tout un film sur le dépression, ou Keanu Reeves incarne à 100% du temps son meme-numérique de "Sad Keanu").

Plus encore, c'est la situation des réalisateurs devenu réalisatrice(s) qui me semble désormais un des axes centraux du film. Lana Wachowski a enfin laissé entendre en interview en 2020 ce dont il était possible de se douter depuis longtemps : Matrix est un film sur la transidentité. Cette thématique était déjà au cœur de la série Sense8 (j'avoue ne pas avoir été plus loin que le 2 ou 3ème épisode à cause de la tonalité guimauve de la série, mais c'est bien de cela que me semble parler le show) et est sans doute au cœur des films tels que Speed Racer ou Cloud Atlas, que je n'ai pas vu mais que la curiosité me poussera peut-être à visionner prochainement. Si cette lecture de la première trilogie était encore quelque peu cryptique -ou disons "en germe" tendance "métaphorique", elle apparait ici de façon beaucoup plus effective : il est ici exposé que Néo ne serait pas l'élu mais qu'il s'agirait plutôt du personnage de Trinity, personnage qu'on cherche à aller chercher envers et contre tout tout au long du film. La plus belle scène du film sera celle, vers sa toute fin, dans laquelle Néo ne sachant plus voler est porté à bout de bras par une Trinity ayant désormais ce pouvoir. Pouvait-on imaginer plus belle image à l'écran pour témoigner d'une transition effective ? Et Matrix 4 de me confirmer que j'aime énormément les blockbuster quand ils nous parlent au second degré de toute autre chose que ce qui apparait à l'écran, comme l'on fait tous les plus grand tout au long de l'histoire du cinéma (Hitchcock, De Palma, Cameron, Verhoeven...)
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yhi
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Neil Patrick Harris a quand même des casquettes qui font qu'il ne semble pas avoir été choisi complètement au hasard. De son homosexualité toujours assumée à son passé de magicien (et donc de manipulateur de la réalité).
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cyborg
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Oh je ne dis pas qu'il a été choisi au hasard, et je ne le pense pas. J'étais juste très surpris de le retrouver là. Il a quand même un côté un peu passe-partout qui détonne avec le reste du film/du casting. Mais c'est sans doute voulu !
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sokol
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@cyborg comme j'ai pas vu le film et comme tu ne fais pas de top, tu l'as aimé ? peu ? beaucoup? énormément ?
merci
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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@sokol : honnêtement je ne saurait pas te répondre (c'est aussi pour ça que je ne fais pas de top...). Comme je le dis dans le texte je ne pense pas qu'il s'agisse à proprement parler d'un bon film mais il m'a conduit à pas mal réfléchir et j'y ai vu de belles choses, donc je ne peux pas dire que ça ne m'a pas plu !
De là à dire que ça te plairait je n'y mettrais pas ma main à couper :D
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asketoner
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Un monde, Laura Wandel

Laura Wandel utilise exactement le même dispositif que Laszlo Nemes dans Le Fils de Saul... mais pour filmer une cour de récréation. J'étais très gêné par la coïncidence. Certaines maladresses dans l'écriture n'aidaient pas à faire oublier l'absence totale de mesure avec l'Holocauste. Et puis la cinéaste est moins douée. Esthétiquement, c'est beaucoup moins intéressant (on sent seulement l'étroitesse du cadre, alors que Laszlo Nemes nous donnait l'impression que nous ne pouvions pas faire autrement que nous blottir contre le personnage pour traverser cet enfer), et plus racoleur également : elle fait vraiment le point où elle veut, quand ça l'arrange, notamment sur le gamin qui a la tête prisonnière d'un sac plastique, alors que la plupart du temps on ne voit même pas qui frôle la petite fille. Bon, elle traite son sujet, mais c'est tout.
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yhi
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C'est pas l'apanage du cinéaste (de fiction en tout cas) que de faire le point où il veut ?
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asketoner
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yhi a écrit :
dim. 6 févr. 2022 10:09
C'est pas l'apanage du cinéaste (de fiction en tout cas) que de faire le point où il veut ?
Oui bien sûr, mais quand tu as passé une heure avec la focale toujours sur le lobe de l'oreille de la gamine et le flou sur tout ce qui est à plus de 10cm, faire soudain le point sur autre chose est un gros effet qui demanderait d'être un peu soutenu.
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
mer. 2 févr. 2022 12:02
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La presse a adoré, mes amis aussi, qui plus est le film était vendu comme un "ruban de Moebius" et j'adore ce genre de principe narratif, j'adore Amalric, sa "Chambre Bleue" est un chef-d'oeuvre, je m'attendais donc à un grand film et... grosse douche froide. L'une des pires de l'année. Attention je spoile grave, donc ne lisez que si vous le voulez : dès les premiers plans du film, on s'est dit : non !? c'est quand même pas ça ? ne me dit pas qu'en fait sa famille est morte dans un accident de montagne et que sa folie vient du fait que toute sa famille est morte ?! Le film est forcément plus intelligent, moins racoleur que ça... Amalric est un garçon intelligent, il ne peut pas aller dans de telles facilités... Eh bien si, le film propose ça, et ne propose rien d'autre : pendant 1h30 on te balance des bouts de scène auxquels tu ne comprends rien, façon puzzle (héritage de son très raté Barbara) et puis à la fin il raccroche les wagons - c'est ça le ruban du Moebius, tu parles - en une pirouette finale qui est aussi facile, et un peu putassière (genre chantage à l'émotion) qu'elle est bâclé puisque in fine le film ne propose absolument rien de plus que son énoncé, déroulé d'une manière tellement programmatique qu'elle vient contredire les soi-disant liberté et originalité du processus. Quelle déception...


Ah !
C'est drôle : je m'étonnais, au moment de la sortie, de ne pas trouver d'avis tranché comme ça sur ce film. Dans le sens où c'est pour moi-même une énigme de ne pas penser ça. Le sujet, l'approche, c'est interdit par ma convention de Genève, c'est comme voir dans un film post 2000 une séquence musicale avec Glory Box de Portishead.
Pourtant, c'est passé, sans que je n'arrive à expliquer vraiment pourquoi. Le film a la distance, le tact et surtout la réussite formelle pour me faire avaler la pilule. Vicky Krieps y est aussi pour beaucoup. J'ajoute que, Amalric cinéaste, je ne suis pas si fan. Je déteste même son Barbara. Bref, quand une oeuvre réussit l'impossible, ça le rend à mes yeux encore plus incroyable et c'est ce qui m'est arrivé avec Serre-Moi Fort. Dans un genre totalement différent, c'est aussi ce qui fait la force de la série Succession d'HBO, par exemple. Je devrais détester l'idée de faire une série sur des personnages pareils, et au final la fascination d'avoir su la faire avec la bonne distance domine.

Mais : ça ne veut pas dire pour autant que je ne puisse pas comprendre que le côté rédhibitoire de l'entreprise domine chez d'autres. D'où ma surprise de n'avoir jusqu'alors vu personne critiquer Serre-moi fort là-dessus. Et ça ne m'étonne pas que ce soit toi au final, qui réagisse ainsi. Ca me fait un peu penser à ce que tu as dit du dernier Almodovar aussi. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
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JanosValuska
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Scream - Matt Bettinelli-Olpin & Tyler Gillett - 2022

Il serait de bon ton de fustiger le film sur le simple fait qu'il est un pur produit de fans boys. De constater combien il est pauvre visuellement, notamment. Ce serait oublié que les suites précédentes, pourtant réalisées par Wes Craven, étaient déjà en-dessous de ce point de vue, ne parvenant jamais à réitérer la puissance visuelle du premier opus.

Ce cinquième opus est à mesurer à l'aune de l'attachement qu'on a aux films précédents, parce qu'il agit dans leur continuité : il y a des références aux quatre films, aux quatre coins du film. Wes Craven n'est plus là mais Kevin Williamson (scénariste du premier, producteur ici), si.

Ce qui était fort dans ces films - quand bien même certaines scènes fonctionnaient encore aussi au premier degré - c'était le discours théorique de plus en plus sophistiqué, la mise en abyme de la mise en abyme (l'ouverture virtuose mais complètement over the top du quatrième volet), la volonté de faire du slasher dans le slasher, avec des personnages conscients d'en faire partie.

Sur ce point là ce cinquième volet rebaptisé Scream (sans le 5) façon requel, comme Stab 8 y est rebaptisé Stab dedans (La franchise à l'intérieur de la franchise), prolonge cette thématique jusqu'au boutiste : La suite n'a de valeur qu'au regard du matériau d'origine.

Ainsi cet opus rejouera une scène d'introduction similaire au premier film sans pour autant négliger la contemporaneité, qui était aussi le sel des suites précédentes, outils technologiques à l'appui ainsi qu'une prise en compte des évolutions du genre, notamment cette vague du "elevated horror". Les personnages ne citent donc plus Halloween, Psychose ou Le bal de l'horreur, mais It follows, Hérédité ou Get out.

Le procédé méta cher à Scream trouve son acmé dans le dernier tiers, quand la nièce de Randy (son pur décalque) regarde le premier Stab comme lui regardait Halloween et la scène est évidemment la même que celle du premier Scream, sur le canapé : elle se retrouve seule comme lui se retrouvait seul, tentant de dialoguer avec le personnage (qui tente de dire à Jamie Lee que Myers est derrière elle) pour lui signaler que le tueur se trouve derrière, tandis qu'il se pointe aussi derrière elle. J'imagine qu'on peut détester ça, moi ça m'a fait la séance.

Tourefois, La plus belle idée du film est d'intégrer cette donnée de "film en forme de requel" dans le choix du lieu, qui sera celui du carnage final : La maison de Stuart Baker, co-auteur des meurtres du premier film. Sur le papier c'est génial, dans l'exécution c'est un peu foiré, faut avouer. Un peu comme les réapparitions de Skeet Ulrich, sous forme de visions assez ridicules.

Mais bon, je suis tellement attaché à la franchise Scream (même si je continue de penser que les suites n'arrivent pas à la cheville de l'original) que celui-ci m'a séduit. Ému aussi par l'hommage qui y est fait à Wes Craven car le film prend le risque d'introduire cet hommage dans le récit, en tuant un personnage du nom de Wes dont une soirée sera faite en son honneur (banderolles "For Wes" à l'appui) dans la maison qui servait de climax dans le dernier tiers du premier film.

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Vitalina Varela - Pedro Costa - 2022

Difficile d'imaginer voir ce film autrement qu'en salle, tant c'est un film d'obscurité, au sein duquel le corps, le visage, les yeux sont de purs éclats de lumière. Le son y est dément, qu'il s'agisse du bruit des pas dans cette ouverture, celui de la tempête, des cris des enfants hors champ, la terre piochée, le craquement des murs. Les murs sont un personnage. C'est un cinéma exigeant, (trop) épuré, parfois j'en sors un peu. C'est aussi l'histoire d'un hors champ spatio-temporel de quarante ans entre le Cap Vert et le Portugal. L'histoire d'un corps absent (Joachim) et d'un corps qui est de quasi chaque plan : Vitalina, sa veuve. Et il y a le plus beau plan final vu depuis longtemps.

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Licorice Pizza - Paul Thomas Anderson - 2022

Je ne sais pas trop ce qui me plait le plus dans Licorice Pizza et qui à mes yeux en fait à chaud le plus beau film de Paul Thomas Anderson - quand bien même il faudrait que je revoie tous les autres.

Est-ce la sensation de le voir en pleine possession de ses moyens, complète maîtrise liée à une totale liberté, au point qu'on a l'impression de voir un nouveau premier film ?

Est-ce le voyage dans le Los Angeles des années 70, qu'on ne manquera évidemment pas de comparer avec celui de Tarantino dans Once upon a time in Hollywood, mais qui m'a semblé plus proche de ce que faisait Altman, comme une version teen-movie de The long goodbye ?

Est-ce la bande son, qui se paie le luxe improbable d'être à la fois pleine de tubes mais de morceaux qu'on entend peu au cinéma (excepté Life on Mars, on va dire) et endémique sans être envahissante ?

Est-ce parce que le film me surprend en permanence, sur des micro rebondissements, sur un détail, une scène, un plan, un regard, une phrase, un personnage, laissant un sentiment de film plein mais très léger, limpide et insaisissable ?

Ou est-ce tout simplement parce que je n'oublierai jamais son drôle de couple vedette ? Ces deux acteurs qui par ailleurs (c'est pas si souvent pour le signaler) jouent des personnages de leur âge. Ces deux acteurs qui ne sont jamais maquillés. Ces personnages plein de fascinantes contradictions : Ce garçon de seize ans trop mature, cette fille de vingt-cinq trop immature, projetés dans un univers qui les rapprochent, les éloignent, crée autant de jonction que de disjonction.
Je crois que c'est un peu l'ensemble de tout ça. Je me suis senti tellement bien dedans. Déjà hâte de le revoir.

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Boite noire - Yann Gozlan - 2021

Excellente surprise que ce thriller très ambitieux, devant lequel on pense aux grands films paranoïaques type ceux de Pakula, voire au Conversation secrète, de Coppola. On y retrouve les qualités d'un film comme Le chant du loup, qui lui ressemble beaucoup et pas seulement parce que leurs personnages sont avant tout doués de l'oreille : La direction artistique est très proche. Le Gozlan est meilleur il me semble, ne serait-ce que pour son intensité et l'équilibre qu'il trouve dans l'imbrication de l'enquête et de la romance. Et Boîte noire m'a semblé très réaliste sur une histoire qui pourrait être vraie. On y croit. On sent que le cinéaste a bossé le sujet en amont, qu'il ne s'est pas jeté dans le BEA comme ça. Pierre Niney y est excellent. Un rôle taillé sur mesure. J'aime l'idée qu'on suive ce personnage, bientôt seul contre tous, qu'on croit en lui mais qu'on se demande sans cesse s'il ne fait pas fausse route. Jusqu'au bout, le film est d'une grande intensité. Intéressant ce Gozlan : J'avais déjà bien aimé l'honnête sirvival "Captifs" à l'époque, modérément apprécié le polar "Burn out" récemment, mais le film, dans son genre, avait ses qualités. Il faut que je rattrape Un homme idéal (aussi avec Niney) maintenant.

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France - Bruno Dumont - 2021

On ne sait jamais sur quel pied danser, avec Dumont. Que ce soit avant, pendant ou après le visionnage de ces films. J'y allais encore le couteau entre les dents ici, avec autant de crainte que d'envie, et j'en suis sorti à la fois admiratif et embarrassé, tout à tour fasciné et consterné.

France est un film passionnant en ce sens qu'il ne ressemble à aucun autre et ceci vaut pour la filmographie toute entière de Bruno Dumont. Est-ce suffisant pour être enthousiaste ici ? Pas vraiment.

Pour situer, France est le prénom du personnage central, une sorte de "journaliste préférée des français" bossant dans un simili CNews, qui n'hésite pas à aller sur le terrain s'entretenir avec des combattants musulmans ou à aller titiller Macron.

Le film entre dans son quotidien et sa pleine ascension un peu avant son effondrement quand elle va découvrir qu'elle peut être émue par les choses, le réel, le monde tandis qu'elle n'était qu'un programme du faux, de pure mise en scène d'elle même. Une nouvelle quête de la sainteté, en somme, si chère à Dumont.
Traitée sous l'angle journalistique, cette quête s'avère nouvelle pour l'auteur, lui qui s'est souvent intéressé aux "petites gens" du Nord, notamment ou plus récemment à des icônes, le voilà qu'il prend la complète figure de la notoriété, des médias, du faux. Il faut prendre France comme une pure caricature. Tout y est appuyé, répété, grossi. Jusque dans le nombre de gros plans sur le visage de Seydoux. Ainsi que sur ses larmes. Cette répétition est démesurée, c'est une anomalie telle qu'on ne comprendra jamais ce qui se joue chez ce personnage, d'autant qu'elle repart systématiquement au front. Rien ne l'arrête. Et tout le film tient sur ce régime, au point qu'il est souvent insupportable.

Il y a trois "accidents" dans le film. Aucun ne se situe là où on l'attend (durant les reportages filmés par exemple) c'est la grande force de Dumont. Tous trois sont en revanche des astuces scénaristiques en forme de cache misère, accentuant le fait que le film n'a rien à raconter au-delà de ce qu'il plante durant le premier quart d'heure, rien à faire incarner.

Pour extraire un peu de corps, il prend la truelle. Et chaque fois ça marche un peu. Ça débouche sur quelque chose qui relance le film, le sort des rails de l'ennui et d'une répétition franchement lassante. Qui relance le récit autant qu'il réveille son personnage, la fait bifurquer.

Car si la satire médiatique est passionnante et intégrée dans le cinéma de Dumont à savoir qu'il traite le règne du faux avec du faux : Le jeu des acteurs de chez Dumont n'aura jamais été aussi adapté en ce sens tant les champs contrechamps révèlent des jeux décalés - je me suis souvent demandé si c'était tourné comme ça d'ailleurs. Et c'est évidemment ce qui transparaît dans le film, notamment durant les reportages et les plateaux télé où les coulisses ne révèlent que pure mise en scène ! La plus belle à mon avis c'est ce "plan de secours" tourné par France face caméra s'adressant à la femme du mari violeur, sans jamais la regarder. Et le film fait ça en permanence, par exemple quand deux invités de son émission se roulent dessus avant de se livrer des accolades et des "on dîne ensemble" hors caméra. On pourrait aussi citer la scène de l'embarcation de migrants ou revenir sur la scène d'intro qui est déjà l'incarnation ultime de cela : France parle avec Macron, mais ce n'est que du montage (à renfort d'images d'archives) car le président n'a pas participé au tournage. C'est fascinant et c'est aussi la limite du film, ce n'est que la répétition de cette idée.

Si Lea Seydoux est formidable, pas facile d'en dire autant du reste du casting, amorphe (les hommes) ou Gardin, qui fait du Gardin, en mode stand-up, l'extrême lourdeur en plus, donc pas drôle, insupportable.

Ce qui m'a plu c'est moins la grandiloquence de ce portrait de la France - le titre est tellement trop évocateur, le nom du personnage (De Meurs) enfonce le clou - que de ce triple autoportrait, à la fois de Dumont (qui s'est délivré par le comique) de Léa Seydoux et de la France vue par Dumont. C'est assez vertigineux.
La musique de Christophe est sublime. Les nombreux gros plans aussi. C'est aussi un film qui me rappelle que je peux adorer Dumont sur une scène ou un plan, tant on ne voit ça nulle part ailleurs. Sur le film entier, ce film là du moins, c'est une autre histoire.

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Spencer - Pablo Larrain - 2022

Après s'être intéressé à Jackie Kennedy et aux trois jours qu'elle a traversées entre l'attentat de Dallas et les funérailles de son mari, Pablo Larrain se penche cette fois sur Diana, en choisissant trois jours de noël (vraisemblablement début des années 90) durant lesquels la princesse de Galles est en pleine dépression. Trois jours de pure fiction, par ailleurs, appuyés par cette phrase introductive : "Ceci est une fable tirée d'une tragédie réelle". Deux films miroirs et deux films qui racontent évidemment beaucoup de la façon de fonctionner du cinéaste chilien, qui faut-il le rappeler avait traiter de la mort de Salvador Allende dans son premier film, en filmant la vie d'un employé de la morgue dans laquelle il atterrit. Le biopic pur ne l'intéresse pas. Il est passionné par un à côté plus diaphane, impénétrable et d'ailleurs ne filme quasi rien des grandes réunions royales, on entre toujours avant (Diana retarde systématiquement l'échéance) ou après (elle se fait vomir). Et Kristen Stewart (hyper intéressant le choix de cette actrice au destin très particulier), quasi de chaque plan, incarne ce côté punk (son rejet de la notoriété, ses troubles alimentaires, ses pulsions suicidaires...) à merveille : Son visage, son regard, son corps, ses postures, son identification à Anne Boleyn, tout devient tableau d'un être en totale perdition, qui doit passer trois jours à manger au château (et montrer qu'elle a pris du poids) mais ne rêve que d'une chose : emmener ses gamins bouffer un KFC devant le London bridge. Comme souvent avec Larrain tout est beaucoup trop appuyé, la symbolique y est omniprésente, ses plans souvent trop chirurgicaux, mais le film est visuellement très beau et parcouru d'instants réussis, aussi bien anxiogènes (avec des recurrences fortes : rideaux, chasse, pince, toilettes) que relâchés (l'épouvantail, la plage, la fuite final), admirablement accompagné par une bande sonore qui sait aussi varier les tonalités et qui ressemble à un mélange de la bande-son de Shining et de celle signée Mica Levi, pour Jackie. On n'est pas loin d'un film d'horreur, en somme (scènes d'hallucinations à l'appui) mais à la façon Pablo Larrain. Super film (que j'aurais tellement préféré voir sur grand écran).

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Rage - Rabid - David Cronenberg - 1977

Après un accident de moto qui la brûle grièvement, Rose est opérée d'urgence dans l'hôpital privé le plus proche où le Dr Keloid, chirurgien esthétique, va en profiter pour expérimenter une nouvelle technique de greffe de peau. Un mois plus tard, Rose se réveille de son coma et son métabolisme s'est transformé. Elle ne digère plus la nourriture, doit se nourrir de sang humain à l'aide d'un nouvel organe prenant l'apparence d'un dard phallique rétractable qui sort de son aisselle. Dès lors ses victimes sont contaminées et développent une épidémie aux symptômes proche de la Rage. À l'instar de Shivers juste avant, Rage, deuxième long métrage de Crononberg, pose les bases solides (Mais encore en gestation) d'une filmographie cohérente qui aboutira à Crash, chef d'oeuvre absolu, qui prolonge sa fascination pour la chair, la mort, la mutation du corps, les mutilations. Rage est encore un cinéma ultra fauché, avec une esthétique de film d'exploitation - appuyé par la présence de Marilyn Chambers, star du cinéma porno, qui incarne le rôle principal - dans un Montréal cauchemardesque plongé en pleine martiale. Le film est parfait à revoir aujourd'hui pour sa dimension politique et cette obsession pour le certificat vaccinal antirabique. Pas loin d'avoir adoré.

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Nightmare Alley - Guillermo del Toro - 2022

Voir Guillermo del Toro investir le cadre d'une fête foraine était une belle promesse tant son cinéma très visuel repose en grande partie sur des gueules et un décor perverti. Première déception : passée la découverte du cirque et notamment une belle scène très noire dans les coulisses d'une maison hantée, il n'en fait pas grand chose. Personnages et fête foraine n'existent pas suffisamment, d'autant que l'image est très sombre, très jaune et l'accumulation de scènes d'intérieur rend peu fécond ce cinéma du trop-plein carnavalesque retranché derrière un récit convenu (l'ascension d'un petit charlatan faussement télépathe) et un lourd passé qui n'éclot jamais.

Néanmoins, cette première partie est la plus intéressante, grâce aux différentes interactions avec des Willem Dafoe, Toni Collette, Ron Perlman en roues libres et un David Strathairn excellent. Car si Nightmare Alley cite d'abord Freaks, de Browning, il s'attaque ensuite à tout un pan du film noir et le fait avec la lourdeur (et la torpeur) déjà observé dans son precedent film-hommage, La forme de l'eau. Dès que le film quitte donc l'univers forain pour la ville, il s'embourbe dans une ambiance de film noir compassé, sans vie, saupoudré d'un rise & fall d'un ennui abyssal où l'aspect art déco succède à la boue, la pluie.

J'adore Rooney Mara & Bradley Cooper mais jamais je ne crois en cette histoire d'amour. Jamais je ne crois en rien là dedans, pas même en l'époque qu'il investit, grosso modo l'entre-deux-guerres. Néant emotionnel renforcé par cette mise en scène à mon avis peu inventive, où la caméra panote et glisse en permanence, dans des plans très courts, très communs où del Toro refuse l'immobilité. Et quand le film se resserre sur l'échec de l'avidité de son personnage - en faisant entrer une autre batterie d'imposants acteurs : Blanchett / Jenkins / McCallany - j'ai déjà décroché depuis longtemps. Ses petits pics de violence m'ont seulement semblé ostentatoires et racoleurs. Quant au final je l'ai vu venir depuis un quart d'heure. J'aurais presque pu miser sur ce rire, avec un cut au noir ou une fermeture à l'iris. Pénible. Très pénible.

Pour l'anecdote, j'y suis allé dans un état proche de l'asthénie. J'espérais peut-être un électrochoc. J'en demandais beaucoup probablement, mais j'adore les films qui touchent aux fêtes foraines, parcs d'attractions et autres cirques itinérants, citons pêle-mêle Adventureland (Greg Mottola), Le toboggan de la mort (James Goldstone) ou Les Ogres (Lea Fehner). Et puis la sieste au cinéma est un excellent indicateur pour moi. J'ai dormi (un peu) devant Hunger, (beaucoup) devant Night moves, mais j'y suis retourné très vite car dès mon réveil j'assistais à un melange de déflagration et de frustration grisant. Je me suis assoupi brièvement à plusieurs reprises devant Nightmare Alley, mais à aucun moment le film ne m'a réveillé.
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@Tamponn Destartinn Le sujet, l'approche, c'est interdit par ma convention de Genève, c'est comme voir dans un film post 2000 une séquence musicale avec Glory Box de Portishead. :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol:
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Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 6 févr. 2022 13:20
groil_groil a écrit :
mer. 2 févr. 2022 12:02
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La presse a adoré, mes amis aussi, qui plus est le film était vendu comme un "ruban de Moebius" et j'adore ce genre de principe narratif, j'adore Amalric, sa "Chambre Bleue" est un chef-d'oeuvre, je m'attendais donc à un grand film et... grosse douche froide. L'une des pires de l'année. Attention je spoile grave, donc ne lisez que si vous le voulez : dès les premiers plans du film, on s'est dit : non !? c'est quand même pas ça ? ne me dit pas qu'en fait sa famille est morte dans un accident de montagne et que sa folie vient du fait que toute sa famille est morte ?! Le film est forcément plus intelligent, moins racoleur que ça... Amalric est un garçon intelligent, il ne peut pas aller dans de telles facilités... Eh bien si, le film propose ça, et ne propose rien d'autre : pendant 1h30 on te balance des bouts de scène auxquels tu ne comprends rien, façon puzzle (héritage de son très raté Barbara) et puis à la fin il raccroche les wagons - c'est ça le ruban du Moebius, tu parles - en une pirouette finale qui est aussi facile, et un peu putassière (genre chantage à l'émotion) qu'elle est bâclé puisque in fine le film ne propose absolument rien de plus que son énoncé, déroulé d'une manière tellement programmatique qu'elle vient contredire les soi-disant liberté et originalité du processus. Quelle déception...


Ah !
C'est drôle : je m'étonnais, au moment de la sortie, de ne pas trouver d'avis tranché comme ça sur ce film. Dans le sens où c'est pour moi-même une énigme de ne pas penser ça. Le sujet, l'approche, c'est interdit par ma convention de Genève, c'est comme voir dans un film post 2000 une séquence musicale avec Glory Box de Portishead.
Pourtant, c'est passé, sans que je n'arrive à expliquer vraiment pourquoi. Le film a la distance, le tact et surtout la réussite formelle pour me faire avaler la pilule. Vicky Krieps y est aussi pour beaucoup. J'ajoute que, Amalric cinéaste, je ne suis pas si fan. Je déteste même son Barbara. Bref, quand une oeuvre réussit l'impossible, ça le rend à mes yeux encore plus incroyable et c'est ce qui m'est arrivé avec Serre-Moi Fort. Dans un genre totalement différent, c'est aussi ce qui fait la force de la série Succession d'HBO, par exemple. Je devrais détester l'idée de faire une série sur des personnages pareils, et au final la fascination d'avoir su la faire avec la bonne distance domine.

Mais : ça ne veut pas dire pour autant que je ne puisse pas comprendre que le côté rédhibitoire de l'entreprise domine chez d'autres. D'où ma surprise de n'avoir jusqu'alors vu personne critiquer Serre-moi fort là-dessus. Et ça ne m'étonne pas que ce soit toi au final, qui réagisse ainsi. Ca me fait un peu penser à ce que tu as dit du dernier Almodovar aussi. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
et sinon oui, je vois tout à fait ;)
on ne fait pas ce qu'on veut des enfants, y compris dans un film. Ce sont de vraies personnes, pas de simples adjuvants narratifs.
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Une bande de truands transporte de la drogue dissimulée dans une ballon de football. Une fois celle-ci récupérée, il la remplace par une bombe, qui doit éliminer un de leurs ennemis. Mais le porteur du ballon, le jeune et touchant Reggiani se le fait piquer dans un terrain vague par une bande de gamins qui jouent au foot. Il lui reste alors quelques heures pour retrouver ce ballon avant qu'il n'explose et ne tue des innocents. Grangier réalise ici un formidable et original film noir, magnifiquement mise en scène avec une virtuosité qui rappelle parfois Michael Curtiz, et superbement interprété par Reggiani déjà cité, Paul Meurisse, Jeanne Moreau, Gert Fröbe ou Fernand Sardou. Un grand film du genre, dont la récente restauration par Pathé est à louer.

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Etat du cinéma français bourgeois, part. 1

Le nouveau film de Laurent Cantet, inspiré de l'affaire Mehdi Meklat est à la fois un film très moyen et très problématique. Très moyen, car il s'empare de cette affaire polémique et passionnante, sans jamais prendre parti (alors que ce qu'on attend d'un cinéaste c'est de s'engager, surtout sur un sujet pareil), et surtout sans rien raconter, postuler, de cette affaire. Le film brille donc par son absence de réflexion. Nous avons donc un écrivain d'origine algérienne qui cartonne et brille de mille feux, tout le monde l'aime, le désire, le courtise, et puis hop, ses tweets haineux, antisémites, racistes, etc., sous pseudonyme ressurgissent, il s'en défend, prétextant qu'il a crée un double maléfique pour montrer la violence des réseaux sociaux - tout comme l'avait fait Meklat -, certains le lâchent, d'autres non, et puis voilà, c'est tout. On est "embarqués" avec le personnage qui est de chaque plan avec sa belle gueule de tombeur, et Cantet semble lui trouver toutes les circonstances atténuantes du monde, sans jamais le condamner donc, mais sans avoir le courage de le défendre non plus. Position de cinéaste faux-cul, difficile d'imaginer pire. Et puis si, pire c'est possible, car la fin du film tend même à dire, via le personnage d'Anne Alvaro d'abord puis surtout via la scène avec son petit frère, que Arthur Rambo était une sorte de guide, et qu'il pouvait aider, donner des repères à une jeunesse en difficulté. Fin de film aussi dangereuse qu'inconséquente, où j'ai l'impression que Cantet ne mesure pas la dangerosité de ses plans. Voilà... Tout ça enrobé dans une forme bourgeoise et fainéante de la mise en scène, sans le moindre effort, et baignant dans des salons luxueux et coupés du monde. Au secours...

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Etat du cinéma français bourgeois, part. 2

De bourgeois ici, il y a déjà les décors, c'est beau hein, mais même dans les magazines de déco les plus pointus, tu ne verras pas un appartement aussi chic et hype que celui de Lafitte et Viard. De bourgeois aussi, le désir permanent de choquer, comme si Lafitte voulait prouver, mais prouver à qui, si ce n'est à la profession ?, au petit entre-soi qui regarde son nombril et celui de ses petits copains, qu'il peut aller beaucoup plus loin que tout le monde, dire plein de gros mots et montrer sa bite. Le film raconte quoi ? Un bourgeois en crise dans son couple a le coeur qui arrête de battre. Même s'il est toujours en vie. Sa femme l'emmène chez une étrange gourou (jouée par Nicole Garcia) qui lui dit que pour le soigner, il faut qu'il lui amène une photographie, prise par lui-même, de la chatte de sa mère. Pendant le reste du film, il va tenter avec l'aide de sa femme et de son meilleur pote (Vincent Macaigne) de prendre une photo de la chatte de sa pauvre mère, humiliée pendant une bonne partie du film, présentée comme une pauvre victime avant de se révéler in fine elle-même comme une personne horrible. Voilà... Mais, il faut bien le reconnaitre, ça va tellement loin dans le délire, que parfois ça marche, parfois c'est drôle, et quand c'est drôle c'est hilarant. Disons que Lafitte ose aller au bout du truc et proposer des choses, pas toutes, inspirées d'un non-sens entre celui de Bertrand Blier et celui d'un Quentin Dupieux, qui sont étonnantes, réussies, hilarantes. Disons que le film est un tiers provoc gratuite, un tiers coussin de la honte tellement c'en est gênant, et un tiers hilarant, et ce dernier tiers ne peut exister que grâce aux deux premiers quelque part, puisque c'est en allant au bout du truc que parfois ça marche. Est-ce que Lafitte fait ça pour des bonnes raisons ou pour épater sa micro galerie, je l'ignore ? Et si il le fait pour de bonnes raisons, à savoir des raisons personnelles, je n'aimerais pas du tout en savoir plus sur les relations qu'il entretient avec sa mère, tellement ça met mal à l'aise. En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il est rare de voir un premier film d'un acteur avec cette originalité là, car c'est une véritable mise en danger pour lui comme pour ses acteurs (gros plans des bites des deux mecs, Viard en full frontal pendant 5mn, Hélène Vincent qui n'avait pas du affronter autant d'horreur dans tout sa carrière)...

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Tous les fans de Resident Evil (un des meilleurs jeux de l'histoire de l'humanité, et sans conteste le plus flippant de tous) ont toujours été déçus des films tirés de cet univers, tant ils en étaient éloignés (et médiocre pour ce que j'en ai vu). Là, joie, un cinéaste qui parait-il a le vent en poupe dans le domaine de l'horreur propose ce qu'on attendait tous : un film qui déroule précisément le jeu initial, celui qui nous a fait passer les nuits blanches les plus flippantes de notre vie. Le résultat n'est pas fou, mais il est top ! C'est un vrai film d'horreur premier degré, où nous plongeons au coeur de Racoon City déserte, du commissariat et du manoir / orphelinat tenu par Umbrella Corp. qui a transformé tout le monde en zombies. On aimerait passer encore plus de temps dans ces lieux devenus mythiques, il y a une narration de cinéma à poser donc ça avance à un rythme plus rapide que celui du gaming, où on passe de longues minutes à fouiller chaque détail, mais le pari est relevé. Le film manque peut-être de folie, de personnalité, mais c'est le résultat est plus qu'honnète.

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J'aime beaucoup ce film, qui est un Funès tardif, fin de carrière, notamment parce que je l'ai vu en salle à sa sortie à 6 ans et que je m'en souviens parfaitement 45 ans plus tard... Et puis le duo Funès / Girardot, inédit, est génial et rappelle ceux de pas mal de comédies américaines des 40's. Et puis Funès fait boire des lampées de Calva à une bande de japonais... On l'a vu avec notre fils qui adore De Funès, et qui a marché à 400% aussi, parfaite soirée donc.

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Etat du cinéma français bourgeois, part. 3

Je voulais voir le dernier Ozon par acquis de conscience, par complétisme, même si le sujet me faisait hyper peur, et que je n'en avais aucune envie. En gros, un vieil homme fait un AVC et demande à ses deux filles de l'euthanasier. Elles ne le souhaitent pas mais vont au bout du truc pour lui. Deux choses sur le film. Premièrement, je n'ai jamais vu un film aussi bourgeois. La famille souffre, oui bien sûr, mais dans un tel confort bourgeois, de luxe omniprésent, que celui-ci semble presque atténuer la peine tellement tout semble facile. Il est marchand d'art, sa femme artiste, mais elle ne lui parle plus car il est homo, les filles sont écrivain ou dans la musique classique, le mari directeur de la cinémathèque, les appartements sont d'un luxe inouï, on va manger dans des restaurants incroyables, au moindre pépin on va se resourcer dans sa grande villa avec jardin accès direct sur la mer de Dinard, les pulls en cachemire semblent en 3D tellement on a l'impression de les toucher, leur avocat est maitre Kiejman, ce genre... J'ai tiqué que l'avocat soit nommé ainsi et j'ai commencé à comprendre, à la fin du film, que le film est l'adaptation fidèle du livre d'Emmanuèle Bernheim et donc tout le monde a son vrai nom (et j'en ai déduit que Caravaca jouait par exemple le rôle de Serge Toubiana)... Du coup, le luxe, s'il est celui dans lequel évolue l'héroïne est justifié s'il est celui de l'écrivain (quelle chance...) mais je ne l'ai compris qu'a posteriori. Et bien figurez-vous que malgré cela, et malgré mes réticences initiales, j'ai aimé le film, et je l'ai trouvé réussi. Bien sûr il faut passer outre Dussollier et sa gueule de glumeux qui en fait des tonnes, mais le reste est réussi à plusieurs niveaux. Le pathos abject est quasi totalement évacué, le film étant d'une grande dignité sur une question pourtant épineuse. La mise en scène d'Ozon (qui a beaucoup appris avec Grâce à Dieu), et sa photographie, sont magnifiques, toujours à propos, sobre sans rien de gratuit, mais avec une vraie élégance. Et enfin, et surtout, les acteurs (j'évacue Dussollier, comment bien jouer cela ?!) sont prodigieux, et outre le bonheur de revoir Hanna Schygulla, Nathalie Richard, Judith Magre, Eric Caravaca, j'ai été très ému par Sophie Marceau et Géralidine Pailhas, magnifiques, vraiment, dans des rôles qui sont parmi les plus beaux de leur carrière, et qui mériteraient à l'aise un double César de la Meilleure Actrice sauf que... je viens de constater... qu'elles n'étaient même pas nommées dans la Sélection ce qui est proprement honteux. J'en ai profité pour constater que le film ne faisait l'objet d'aucune nomination, pas une seule, et je trouve ça hallucinant (et sans même mentionner qu'il y en a par exemple 7 pour Bac Nord).

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Revu une grosse partie du film avec les enfants, j'avais pas vu ça depuis... Pfff... que j'avais leur âge... Y a de belles envolées, c'est une prouesse graphique pour 1940 (ce n'est que le 3ème long de Disney après Blanche Neige et Pinocchio si je ne m'abuse), mais c'est quand même vite répétitif et beaucoup trop long.

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Etat du cinéma français bourgeois, part. 4

Et j'ai gardé le meilleur pour la fin... le film de fête de famille... celui-ci étant tellement programmatique qu'il ne s'emmerde même pas à choisir un titre. Comme si un polar s'appelait Polar ou une comédie romantique, Comédie Romantique. Je l'ai vu pour le nom de Kahn qui fut un cinéaste que j'ai adoré, dont certains de ses premiers films sont des chefs-d'oeuvre... Mais ce temps est bien révolu face à Fête de Famille qui est sans conteste le pire film du genre, du coup il mérite son nom, il devient le Générique des films de fête de famille, un Coussin de la Honte permanent pendant une heure trente, un salmigondis de crise d'hystérie et de situations gênantes, bref, un sommet ! Je ne rentre pas dans les détails pour vous réserver les surprises nécessaires à l'appréciation de ce genre d'étron fumant, mais sachez que je hisse désormais ce film très haut dans ma galerie des Monstres du cinéma Français aux côtés de, par exemple, Cinéman, T'aime, Le Jour et la Nuit, Les Petits Mouchoirs ou Le Coeur des Hommes... ça fait envie, non ? :D
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Kit
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^^

groil_groil a écrit :
lun. 31 janv. 2022 11:15
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Un sosie du Président américain est contacté pour prendre sa place lors d'un simple bain de foule qu'il souhaite éviter. Mais le vrai Président meure d'une crise cardiaque en couchant avec sa maitresse, et on demande au sosie de tenir le rôle plus longtemps, le temps de cacher le scandale. Mais celui-ci se prend au jeu, et va se mêler de politique, tout en rétablissant un contact de plus en plus intime avec la Première Dame, qui n'adressait plus la parole à son mari.
Découvert il y a peu, mais ce revisionnage confirme la petite merveille qu'est ce film, à savoir une comédie politique fine et hilarante, très proche dans l'esprit d'Un Fauteuil pour deux, servi par deux comédiens extraordinaires (c'est peut-être même le plus beau rôle de Kevin Kline). Bref j'adore et je rêve de revoir le film dans une belle édition bluray.
moi aussi j'avais adoré ce film mais ça fait un bail que je ne l'ai vu
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sokol
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groil_groil a écrit :
lun. 7 févr. 2022 11:18
j'ai l'impression que Cantet ne mesure pas la dangerosité de ses plans.
J'ai toujours pensé que Cantet est LE cinéaste métaphysique par excellence (la métaphysique au sens premier, philosophique quoi, et pas, par exemple, "métaphysique du cinéma" qui est autre chose). Je n'arrive pas à comprendre d'où cela lui vient mais par exemple, dans "L'atelier", ça c'est carrément criant.

J'ai aucune mais alors aucune envie de voir son dernier film
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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cyborg
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Découverte du cinéma de Gérard Blain avec son premier film Les Amis -Léopard d’or 1971 tout de même !- narrant les tourments d’un jeune adolescent d’environ 16 ans en rejet de sa famille et de sa classe sociale modeste et du lien complexe qu’il dresse avec un homme bourgeois d’une 50aine d’année. Alors que le sujet aurait pu s’annoncer houleux le film est très pudique, laissant exister les non-dits pour mieux faire parler les corps, les regards et les silences. Le résultat est très élégant et donne très envie de creuser le cinéma de Blain


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Premier film de Melville, adaptation du célèbre livre de Vercors, publié clandestinement durant la deuxième guerre mondiale et grand succès immédiat. Ou plutôt tentative d’adaptation tant le résultat est raté et irregardable. Le texte d’origine est assez splendide : alors qu’un officier allemand vient s’installer chez eux, un père et sa fille se plonge dans le silence durant toute la durée de son séjour. Ce qui peut tout à fait fonctionner à l’écrit devient ici totalement théâtral et artificiel : quasi-unicité du lieu du récit (le salon de la maison), style des acteurs (jeux forcés, costumes et postiches grotesques), silences remplacés par des monologues intérieurs… Je n’ai pas réussi à aller au bout, ce qui est très rare pour moi.



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Filmé quasi-intégralement devant la façade d’un même bâtiment, Street Scene met en scène le quotidien d’un immeuble d’habitation dans un quartier populaire de New-York. Melting-pot d’un rêve américain déçu, contraint à la misère et la médiocrité, il se mélange ici pendant 1h20 les banalités, les ragots, les jalousies, la misère et le racisme ordinaire jusqu’à un drame final qui n’aurait su tarder. Le résultat est plutôt banal mais le film est sauvé par la mise en scène de Vidor qui use d’assez de dynamismes (multiplicité des angles, décadrages, découpages des échanges) pour éviter ce qui aurait vite pu devenir du théâtre filmé.



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PTA fait partie de ces réalisateurs américains populaires dont j’ignore tout ou presque et dont rien ne me pousse à voir les films (je met Soderberg dans la même catégorie par exemple). De lui je n’avais vu jusqu’à présent que Punch Drunk Love il y a une éternité (fin d’adolescence ?) dont je ne me souviens absolument pas, sauf d’avoir trouvé ça mauvais. Les passions déchainées par Licorice Pizza ont tout de même aiguisé ma curiosité et à la faveur d’un long trajet en train me menant de Bruxelles à Nantes j’ai décidé de regarder There Will Be Blood.

Fable sur le début du capitalisme extractiviste et des tout débuts de la seconde révolution industrielle qui conduira à l’Amérique que nous connaissons de nos jours, TWBB est une sorte de film gothique -pour ne pas dire gothique flamboyant- dans lequel tout est exagéré, surligné, surpointé, surexpliqué, surjoué, surtranspiré, sursourligné (punaise la musique…) pour être bien sur que tout le monde pige bien le message : la religion c’est baysey, le capitalisme c’est baysey, d’ailleurs les deux marchent main dans la main, mais à la fin dieu est quand même mort et c’est le dollar qui gagne. Certes. Rien de nouveau sous le soleil donc, et je m’ennuie un peu ici tant émotionnellement qu’intellectuellement. La cohérence de l’ensemble du film avec lui-même reste néanmoins remarquable (tout est raccord entre le style et le propos, d’une certaine façon), tout comme le sens plastique développé par PTA et qui suffit presque à ne pas rendre interminable les 2h40 du film.


Je crois que j’avais oublié de dire que j’avais vu


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Je suis toujours autant peiné qu’AMM ne puisse envisager de faire un film sans qu’il y soit question de la figure de Godard et du rapport entre eux. J’y ai cru durant les toutes premières minutes, en DV-images d’archives, mais ce n’était qu’un faux départ. Bref. Elle trouve ici un axe intéressant en mettant entre eux deux une sorte de « couple-double » qui démultiplie les échanges et les questions possibles. Mais j’ai beau faire, le résultat m’ennuie toujours un peu chez Miéville et je n’arrive pas à m’y intéresser vraiment, ce qui m’attriste également.


Et enfin hier soir

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Lorsque le gouvernement du Sahel accorde l'amnistie à tous les criminels de guerre, un jeune homme décide de faire justice lui-même et part retrouver l'assassin de son père avec la volonté de le tuer. Mais une étrange relation père-fils va s'instaurer entre eux...
Daratt (Saison sèche en français) est un film simple mais juste, regardant allégrement vers une certaine forme de bressonisme : acteurs amateurs au jeu sommaire, place du silence, langage des corps... laissant la place aux réflexions intérieures des personnages et à la possibilité du pardon après un traumatisme.
Je suis de plus toujours ravi de découvrir le trop méconnu cinéma africain, d'autant plus quand il ne tombe pas dans les clichés du "world cinema"
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sokol
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len' a écrit :
jeu. 27 janv. 2022 19:01
Licorice pizza de Paul Thomas Anderson

Personnages antipathiques, société américaine dans toute sa splendeur (et sa lourdeur), crise pétrolière, rêves d'ascension et désillusions, pas de doute, on est chez PTA. Ce qui change, c'est que les héros s'en fichent : ils courent, ils courent... ils n'ont a priori aucune originalité, ne cherchent pas à changer le monde, au contraire, ils nagent en plein dedans sans complexe. Entre le garçon qui joue les entrepreneurs capitalistes (un futur électeur de Reagan) et la fille attirée par tout ce qui brille, on n'est pas tant dans le cliché que dans la normalité, une normalité des sociétés libérales en général et une normalité américaine en particulier. Mais bizarrement ça fonctionne, ça fonctionne même très bien. Parce que le regard du réalisateur n'est pas idéologique justement, encore moins dogmatique, il est léger, et on sent un plaisir presque enfantin à jouer avec sa caméra, à passer de scène en scène de manière fluide et sans une structure bien définie. Mais en vérité, il ne change pas tant que ça, sa mise en scène suit juste la vision de ses personnages : Phantom thread etait maniéré et plombant parce que son héros est plombant, there will be blood était hystérique parce que son héros est hystérique, etc etc. Bien sûr, ce n'est pas si simple, les personnages ne sont pas que légers et ne sont pas qu'antipathiques, mais tout ce qui n'est pas dit passe par la mise en scène dont l'ambivalence entre classicisme hérité de l'âge d'or hollywoodien et des notes plus dissonantes héritées des années 70 permet toujours un regard plus étendu, contradictoire, qui, sans déborder complètement, ne se fige jamais non plus. C'est un équilibre ouvert aux digressions que cherche PTA, à la Thomas Pynchon ; et comme inherent vice, cela permet à ce film d'être vu et revu sans déplaisir et même à moitié. C'est aussi intéressant de voir que le réalisateur fonctionne à rebours et qu'après avoir dessiné des portraits de vieux névrosés aux portes de la mort (les caricatures de sean penn et bradley cooper y font-ils allusion, par auto dérision ?), ici il brosse le portrait de jeunes qui... courent. Et voir un ado qui court entre des bagnoles à l'arrêt, en plein choc pétrolier - c'est à dire le début de la fin des sociétés modernes -, avec David Bowie en fond sonore, j'ai beau savoir que c'est un cliché intégral, eh ben ça m'éclate. Le jour même, j'ai couru aussi dans la rue alors que je marchais la seconde d'avant, sans objectif, sans jogging, sans compteur kilomètrique. Juste comme ça.
Je l'avais lu le jour de sa publication mais j'avais oublié de te dire que je trouvais excellent ce que tu disais. Car, primo, apparemment, tu connais bien Thomas Pynchon, et, secundo, PTA également.
Puis, tu dis d'une manière differente ce que je pense également, par exemple, je te cite :
len' a écrit :
jeu. 27 janv. 2022 19:01
un ado qui court entre des bagnoles à l'arrêt, en plein choc pétrolier - c'est à dire le début de la fin des sociétés modernes

Encore une fois, bravo et merci pour ton papier :jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tyra
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J'avais très peur après le seul extrait que j'avais vu (Binoche présentant sa candidature pour faire des ménages dans un ferry), assez faux et manquant de justesse. Heureusement il n'en est rien du reste du film, j'ai bien fait de me bouger pour le voir car c'est très bon. Ce qui est assez rare dans ce genre film "social" français, où le regard "bourgeois" de ceux qui font le film provoque toujours un décalage, une fausseté, une condescendance ou une mauvaise conscience envahissante... Ici on évite tous ces écueils car justement le personnage de la journaliste infiltrée, bourgeoise de son état, prend en charge cette question là, comme si un impensé de ce cinéma se trouvait représenté à l'écran. Avec en point d'orgue la question du mensonge et de la trahison dans la dernière partie, point de rupture et d'éclatement (entre amies, et entre deux classes sociales) que la scène finale, très triste, ne réparera pas. Le dernier plan est pour les deux femmes de ménage qui repartent vers leur quotidien de travailleur précaire car pour elles cette vie la continue, contrairement à Binoche/Aubenas qui a sorti son livre sous les acclamations et peut passer à un nouveau sujet. Après, on peut regretter qu'Emmanuel Carrière, passionné il me semble par la question de l'imposture, n'aille pas un peu plus loin sur ce sujet là.

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Découverte de Pedro Costa. C'est beaucoup trop sec et hermétique pour moi. Je n'ai pas réussi à trouver ma place dans cette suite de tableaux chiadés mais sans vie. Je ne comprends pas ce que ça veut raconter, montrer. Et je n'aime pas beaucoup cette complaisance un peu facile avec la misère.
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asketoner
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J'ai revu Parle avec elle et Tout sur ma mère, de Pedro Almodovar.
J'avais adoré Parle avec elle dès sa sortie, et je ne suis pas certain de l'avoir revu depuis, mais j'avais l'impression de me souvenir de chaque plan. Le film est très marquant par sa rapidité, l'efficacité de ses scènes, une certaine majesté aussi. Almodovar sait ce qu'il veut faire et il nous le montre, sans fléchir une seule seconde, au point que ça en devient imposant. Le film avance comme une musique, implacable, vers son impossible résolution - heureuse, mais ambiguë, épousant avec naïveté la perversité de son personnage, suspendant tout jugement à ce sujet.
Au contraire, j'avais rejeté Tout sur ma mère, parce que le mélo des familles bien archétypal me semblait prendre le pas sur les personnages anti-conventionnels, comme si trois travestis étaient entrés par erreur sur le tournage d'un feuilleton d'été. Je crois que je ne supportais pas que les idées nouvelles (ou les moeurs) ne créent pas de formes nouvelles, de nouveaux récits. Mais aujourd'hui je n'attends plus ça d'Almodovar, je comprends mieux où il s'est trouvé et le cinéma qu'il a fait, et je crois que j'ai fini par aimer cette tentative étrange de concilier une certaine tradition et quelques figures détonantes. Je reste convaincu que le film se perd sur le personnage de Lola, dont chaque apparition se trouve coincée sous une musique de soap-opera (et donc dans la pensée bien étroite qui va avec), mais l'important n'est pas là. L'important, c'est Agrado, l'autre trans du film, le personnage secondaire le plus bizarre du cinéma des années 90, qu'on découvre en train de se faire défigurer par un homme armé et lui indiquer le chemin de l'infirmerie dans le même mouvement d'âme et de vie. A un moment, je me suis demandé si elle n'allait pas incarner Blanche Dubois dans la pièce que joue Marisa Paredes, comme Cecilia Roth avait repris le rôle de Stella in extremis. Ca aurait été logique. Mais non : si la scène s'offre finalement à Agrado, Almodovar a l'idée géniale de lui donner le plus beau rôle possible : le sien. Almodovar n'a pas révolutionné le cinéma, mais il aura inventé et imposé des personnages magnifiques, et leur aura offert, à chacun, une scène particulière, un espace où déployer tout ce qu'il apporte de neuf au monde.
Et comme je ne me souvenais presque plus de ce Tout sur ma mère, j'ai été très surpris de voir que le rôle de Penelope Cruz annonce celui de Milena Smit dans Madres Paralelas (comme si Milena Smit réactualisait le personnage de Rosa, vingt ans plus tard), où Penelope Cruz, justement, écope plus ou moins du rôle de Cecilia Roth. Almodovar aura passé sa vie à se demander qui sont les gens, ce qu'ils font, comment ils vivent, comment ils se débattent avec la vie, le passé, l'amour, le désir ; ce qu'ils ont trouvé d'autre, de mieux à faire.
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asketoner a écrit :
mar. 8 févr. 2022 01:00
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J'ai revu Parle avec elle et Tout sur ma mère, de Pedro Almodovar.
J'avais adoré Parle avec elle dès sa sortie, et je ne suis pas certain de l'avoir revu depuis, mais j'avais l'impression de me souvenir de chaque plan. Le film est très marquant par sa rapidité, l'efficacité de ses scènes, une certaine majesté aussi. Almodovar sait ce qu'il veut faire et il nous le montre, sans fléchir une seule seconde, au point que ça en devient imposant. Le film avance comme une musique, implacable, vers son impossible résolution - heureuse, mais ambiguë, épousant avec naïveté la perversité de son personnage, suspendant tout jugement à ce sujet.
Au contraire, j'avais rejeté Tout sur ma mère, parce que le mélo des familles bien archétypal me semblait prendre le pas sur les personnages anti-conventionnels, comme si trois travestis étaient entrés par erreur sur le tournage d'un feuilleton d'été. Je crois que je ne supportais pas que les idées nouvelles (ou les moeurs) ne créent pas de formes nouvelles, de nouveaux récits. Mais aujourd'hui je n'attends plus ça d'Almodovar, je comprends mieux où il s'est trouvé et le cinéma qu'il a fait, et je crois que j'ai fini par aimer cette tentative étrange de concilier une certaine tradition et quelques figures détonantes. Je reste convaincu que le film se perd sur le personnage de Lola, dont chaque apparition se trouve coincée sous une musique de soap-opera (et donc dans la pensée bien étroite qui va avec), mais l'important n'est pas là. L'important, c'est Agrado, l'autre trans du film, le personnage secondaire le plus bizarre du cinéma des années 90, qu'on découvre en train de se faire défigurer par un homme armé et lui indiquer le chemin de l'infirmerie dans le même mouvement d'âme et de vie. A un moment, je me suis demandé si elle n'allait pas incarner Blanche Dubois dans la pièce que joue Marisa Paredes, comme Cecilia Roth avait repris le rôle de Stella in extremis. Ca aurait été logique. Mais non : si la scène s'offre finalement à Agrado, Almodovar a l'idée géniale de lui donner le plus beau rôle possible : le sien. Almodovar n'a pas révolutionné le cinéma, mais il aura inventé et imposé des personnages magnifiques, et leur aura offert, à chacun, une scène particulière, un espace où déployer tout ce qu'il apporte de neuf au monde.
Et comme je ne me souvenais presque plus de ce Tout sur ma mère, j'ai été très surpris de voir que le rôle de Penelope Cruz annonce celui de Milena Smit dans Madres Paralelas (comme si Milena Smit réactualisait le personnage de Rosa, vingt ans plus tard), où Penelope Cruz, justement, écope plus ou moins du rôle de Cecilia Roth. Almodovar aura passé sa vie à se demander qui sont les gens, ce qu'ils font, comment ils vivent, comment ils se débattent avec la vie, le passé, l'amour, le désir ; ce qu'ils ont trouvé d'autre, de mieux à faire.
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cyborg a écrit :
lun. 7 févr. 2022 12:18
(punaise la musique…)
Je le mettrais volontiers dans un Top-5 musique-migraine de l’histoire de cinéma. L'horreur !
cyborg a écrit :
lun. 7 févr. 2022 12:18
Je suis toujours autant peiné qu’AMM ne puisse envisager de faire un film sans qu’il y soit question de la figure de Godard et du rapport entre eux.
Je pense que c’était son seul objectif, si je peux le dire ainsi : dans les films qu'elle a réalisé toute seule, elle en a que pour Godard (dans le sens : c'est lui qui l’intéresse). Du coup, moi, le spectateur, j'ai quasiment regardé que lui. Et, je crois que c'est suffisant (on est un peu "au delà" d'un film au sens stricte, on est "dans le cinéma").

Après (ou plutôt, avant, c'est à dire dans les années '70) elle a fait des films avec lui (ici et ailleurs, Comment ça va, Six fois deux, France tour détour) dans lesquels il n'était pas du tout question de Godard (encore moins de leur couple) donc c'est un peu logique qu'elle fasse ça dans les années '90 : il ne faut pas oublier que, après son retour dans le cinéma d’exploitation (1980-1992) Godard rame un peu (c'est juste le moment de la naissance de Histoire(s) de cinéma, débutée en 1988 et terminée en 1998). Elle en profite pour le filmer en acteur et nous montrer un peu différemment (Godard en couple). De surcroit, c'est un excellent acteur, voir brillantissime, franchement. Et même si on s’ennuie par moment un peu (comme tu le dis assez justement), il faut en profiter de cette occasion car après, le monstre va renaitre de nouveau et commencera sa periode que j'aime bien appeler cosmique (les années 2000-2010...).
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Tyra a écrit :
lun. 7 févr. 2022 16:07

Découverte de Pedro Costa.
Tu veux dire que c'est la première fois que tu vois un film de Pedro Costa ??
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
mar. 8 févr. 2022 11:37
Tyra a écrit :
lun. 7 févr. 2022 16:07

Découverte de Pedro Costa.
Tu veux dire que c'est la première fois que tu vois un film de Pedro Costa ??
Oui.
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Il a 38 ans, il est obèse, et gentil, il est flic à Chicago, et célibataire, il n'ose pas rencontrer de femme car il vit toujours avec sa mère, dont il s'occupe, et comme celle-ci est plus que possessive, il ne parvient pas à l'abandonner, même le temps d'une soirée. Et puis, il rencontre finalement une fille, c'est la fille des pompes funèbres, entreprise familiale, elle maquille les cadavres avant qu'ils passent en bière. Ils vivent une idylle mais il ne parvient pas à se détacher de sa mère, et puis, lorsque les choses deviennent sérieuses, les vrais conflits commencent. Ce film est celui que Chris Columbus réalise entre les deux Home Alone (c'est d'ailleurs génial de voir le jeune Macaulay Culkin faire une brève apparition clin d'oeil, le temps de deux plans), et c'est un film aussi modeste que magnifique, une comédie adulte pleine de douceur et de finesse, pleine d'acidité aussi, évidemment très psychanalytique dans le sous-texte, qui évoque les meilleurs film de John Hugues, et qui emploie d'ailleurs l'un de ses acteurs fétiches, le génial John Candy. Bref, plus ça va, plus je me prends de passion pour les débuts de carrière de Columbus, qui fut un des meilleurs réal du Hollywood 80's avant d'être malheureusement, et comme beaucoup, bouffé par la machine.

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Lors d'une après-midi d'anniversaire d'un enfant, le grand-père (géniallissime Michael Lonsdale, dans l'un de ses derniers grands rôles) raconte aux 6 gamins présents l'histoire de la femme, de sa position et des ses droits, dans toute l'histoire du Moyen Âge. Le film bascule alors dans une série de flashes back en noir et blanc où tous les rôles sont joués par ces 6 gosses, parlant avec des expressions d'aujourd'hui et chevauchant des poneys comme montures. Le décalage proposé par le film est parfait, touchant et drôle, tout en étant extrêmement didactique, mais sans jamais être assommant. C'est un film bricolé avec soin et passion (à l'image de la géniale musique electro minimaliste écrite par le cinéaste) plein de poésie et de délicatesse, l'ensemble construisant un objet fragile et précieux qu'on a envie de chérir.
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Ouistreham de Emmanuel Carrère

La bonne idée de départ, c'est de donner à Juliette Binoche un faux rôle dans un film qui n'implique pas un vrai réalisateur. C'est une actrice que j'aime beaucoup à la base (surtout dans les films de Carax) mais ça fait un certain temps que sa légèreté a évolué vers un côté actor's studio qui ne lui va pas (elle n'est pas la seule). Mais ici, ça va, parce que son personnage correspond pile poil avec ce jeu-là. Ce qui permet de porter l'attention sur les autres actrices et acteur non professionnelles qui sont d'une justesse presque aussi lumineuses que dans les premiers films de Dumont - surtout Hélène Lambert (je ne pensais pas qu'elle était non professionnelle d'ailleurs, je me suis juste dit : "quelle actrice !", j'aurais pu aussi me dire : "quelle personne !"). Mais si je dis "presque", c'est parce que la réalisation ne suit pas malheureusement. Ça reste un film qui s'applique à cocher des cases avant tout, quitte à enfermer ses personnages qui ont tellement bien plus à donner. Ça se sent dans les gestes, comme cette façon de rouler ses cigarettes, cette tension contenue ou ces sourires douloureux, mais c'est trop rare que Carrère laisse vivre ses personnages et accompagne ses acteurs plutôt que d'imposer des séquences passe-partout qui font bien. Bon élève, même dans ses moments de flottements qui n'en sont pas vraiment - à l'image de la séquence de la plage avec Binoche qui s'en va nager "spontanément" -, il voudrait échapper au traditionnel film social mais il y va pourtant tout droit. Il faut malgré tout saluer Carrère pour faire jouer des gens qui ne jouent pas au quotidien. Et c'est étonnant que ça n'arrive pas plus souvent, parce qu'il y a une fraîcheur qui a tendance à s'émousser chez certains acteurs pro qui réfléchissent tellement à améliorer leur jeu qu'ils en finissent par jouer faux. Même Dumont embauche de plus en plus de stars (dont Binoche) et c'est bien dommage, parce que ce sont aussi ses films les moins inspirés. Ce qui est le plus dérangeant, c'est la fin qui dit : "chacun son métier, chacun à sa place, c'est comme ça et pis c'est tout" alors que le principal intérêt du film c'était justement de montrer qu'on peut être à la fois agente d'entretien et actrice et bien d'autres choses.
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sokol a écrit :
lun. 7 févr. 2022 12:36

Je l'avais lu le jour de sa publication mais j'avais oublié de te dire que je trouvais excellent ce que tu disais. Car, primo, apparemment, tu connais bien Thomas Pynchon, et, secundo, PTA également.
Puis, tu dis d'une manière differente ce que je pense également, par exemple, je te cite :
len' a écrit :
jeu. 27 janv. 2022 19:01
un ado qui court entre des bagnoles à l'arrêt, en plein choc pétrolier - c'est à dire le début de la fin des sociétés modernes

Encore une fois, bravo et merci pour ton papier :jap:
Merci, mais pour Thomas Pynchon, je pense que Yhi en parlerait beaucoup mieux que moi ;)
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JanosValuska a écrit :
dim. 6 févr. 2022 15:14


Pour l'anecdote, j'y suis allé dans un état proche de l'asthénie. J'espérais peut-être un électrochoc. J'en demandais beaucoup probablement, mais j'adore les films qui touchent aux fêtes foraines, parcs d'attractions et autres cirques itinérants, citons pêle-mêle Adventureland (Greg Mottola), Le toboggan de la mort (James Goldstone) ou Les Ogres (Lea Fehner). Et puis la sieste au cinéma est un excellent indicateur pour moi. J'ai dormi (un peu) devant Hunger, (beaucoup) devant Night moves, mais j'y suis retourné très vite car dès mon réveil j'assistais à un melange de déflagration et de frustration grisant. Je me suis assoupi brièvement à plusieurs reprises devant Nightmare Alley, mais à aucun moment le film ne m'a réveillé.
Côté série, je te conseille la caravane de l'étrange si tu ne l'as pas déjà vu.

Sinon, je pense la même chose de Nightmare Alley : lourd et ennuyeux. C'est dans la lignée de la forme de l'eau qui sentait déjà pas mal le renfermé. Pourtant, j'aimais bien ses films d'avant qui se prenaient pas autant au sérieux et étaient plus inventifs (même le gore à la fin, c'est un recyclage en moins bien du labyrinthe de Pan).
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Tyra a écrit :
mar. 8 févr. 2022 17:14
Oui.
Je suis un peu surpris car je pensais que tu es "un vieux de la vielle" :p (comme quasiment nous tous quoi), même si tu es peut être très jeune (et c'est tant mieux !!)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
mer. 9 févr. 2022 15:51
Tyra a écrit :
mar. 8 févr. 2022 17:14
Oui.
Je suis un peu surpris car je pensais que tu es "un vieux de la vielle" :p (comme quasiment nous tous quoi), même si tu es peut être très jeune (et c'est tant mieux !!)
Dit celui qui a de grosses lacunes chez Rivette. :p
J'ai 34 ans, plus de quinze ans de cinéphilie, mais on a toujours des manques à réparer, que dire de plus... :saint:
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yhi
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len' a écrit :
mar. 8 févr. 2022 18:37
je pense que Yhi en parlerait beaucoup mieux que moi ;)
Tu tiens des petites fiches pour te rappeler de ça ? :D
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asketoner
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Introduction, Hong Sang-Soo

Il ne s'est vraiment pas foulé.
Ce n'est pas mauvais (c'est moins mauvais que Hahaha par exemple), parce qu'il n'y a aucun trait trop forcé (donc rien ne rate). C'est seulement d'une vacuité totale, un peu raide, totalement inerte, et charmant bien sûr puisque reste malgré tout une musicalité qui n'appartient qu'au cinéaste. Et on ne voit que ça, que cette musique, nue, osseuse, faiblarde, livide.

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La Sentinelle, Arnaud Desplechin

Et ça, par contre, c'est extraordinaire, le film est inspiré de bout en bout, chaque scène est d'une énergie folle. Très souvent, je me suis demandé : mais comment il a fait ça ? Comment il fait pour imposer ce geste, ce ton, cette réplique, ce petit mouvement, ce rapport ?
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sokol
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Tyra a écrit :
mer. 9 févr. 2022 17:06

Dit celui qui a de grosses lacunes chez Rivette. :p
:lol:

Cela dit, j'ai toujours vu au cinéma les nouveaux films de Rivette sortis au cinéma ces 20 dernières années (plus exactement, de 2001 au 2009, puis il est mort)

ps: Selon moi, "En avant, jeunesse !" est littéralement indispensable.
Modifié en dernier par sokol le jeu. 10 févr. 2022 10:45, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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asketoner a écrit :
jeu. 10 févr. 2022 01:22

Très souvent, je me suis demandé : mais comment il a fait ça ? Comment il fait pour imposer ce geste, ce ton, cette réplique, ce petit mouvement, ce rapport ?
Moi aussi je l'ai (re, re)vu récemment (il est sur arte, c'est facile). Et je me suis posé exactement la même question (que tu la dis si bien ! :love: ).
Tiens, les prochaines fois, quand je ferais des top10 ou 20 ou 30 de tous les temps, je me battrais à ne pas oublier de le mettre.

Indéniablement, un des 10 plus grands films français de ces 30 dernières années (depuis la chute du Mur, on va dire - tient, c'est de ça qu'il parle en plus ;) hasard).
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Mr-Orange
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sokol a écrit :
jeu. 10 févr. 2022 10:44
asketoner a écrit :
jeu. 10 févr. 2022 01:22

Très souvent, je me suis demandé : mais comment il a fait ça ? Comment il fait pour imposer ce geste, ce ton, cette réplique, ce petit mouvement, ce rapport ?
Moi aussi je l'ai (re, re)vu récemment (il est sur arte, c'est facile). Et je me suis posé exactement la même question (que tu la dis si bien ! :love: ).
Tiens, les prochaines fois, quand je ferais des top10 ou 20 ou 30 de tous les temps, je me battrais à ne pas oublier de le mettre.

Indéniablement, un des 10 plus grands films français de ces 30 dernières années (depuis la chute du Mur, on va dire - tient, c'est de ça qu'il parle en plus ;) hasard).
C'est déjà fait pour ma part, il y figure depuis quelques semaines. :D tu as conservé tes tops 10/20/30 de tous les temps ?
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sokol
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Mr-Orange a écrit :
jeu. 10 févr. 2022 12:23

C'est déjà fait pour ma part, il y figure depuis quelques semaines. :D tu as conservé tes tops 10/20/30 de tous les temps ?
ah oui, tu l'as adoré, tu m'étonnes.

Je les avais fait à deux trois reprises sur l'ancien forum mais à chaque fois, sans réfléchir (selon ma théorie à deux balles, les films qui me viennent à l’esprit instanement sont ceux que j'aime le plus - bon, ça se discute car on peut inévitablement oublié

tiens, je vais en (re,re)faire une right now :

sans aucun ordre ::::

1. Le fond de l'air est rouge (Chris Marker)
2. Numéro duex (Godard)
3. La sentinelle (Desplechin) :D - tant que j'y pense)
4. Close up (Kiarostami)
5. Stalker (Tarkovski)
6. L'avventura (Antonioni)
7. Mulholland Drive (Lynch)
9. En avant jeunesse (Costa)
10. Adieu au langage (Godard)
11. A l'ouest des rails (Wang Bing)
12. Les parapluies de Cherbourg (Demy) - oufff, j'ai failli l'oublier, or, je l'adore
13. Le miroir (Tarkovski)
14. Maine-Océan (Rozier)
15. The shop around the corner (Lubitsch)
16.Steak (Quentin Dupieux)
17. Vampyr (Dreyer) !!! yes !!!
18. Elephant (GVS)
19. Synonymes (Lapid)
20. Ce cher mois d'out (Miguel Gomez)
21. La maman et la putain (Eustache) ouiiiiiiiiii (top 10 quoi)
22. Uzak (Ceylan)
23. Le chagrin et la pitié (marcel Ophuls ) !!!!!
24. Pour le réconfort (Macaigne) - film-époque
25. Stranger than paradise (jarmusch)
26. Tropical malay (Apichat) top 10!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
27. Hamaca paraguaya (je ne sais plus dire le nom de la cinéaste)
28. Le nouveau monde (Malick) ahahahaha, et si je l'avais oublié !!!
29. La rivière rouge (Hawks)
30. Spring Breakers (Korine)

j’arrête !
tant pis si j'ai oublié
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Jean-Marie Straub
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sokol
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et maintenant, c'est hyper facile de garder 10 :D

1. Stalker
2. Mulholland Drive
3. Le nouveau monde
4. Tropical malady
5. Les parapluies de Cherbourg
6. Numéro deux
7. Steak
8. Le fond de l'air est rouge
9. L'avventura
10. En avant jeunesse

merdeeee, Maine-Océan
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sokol
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ou comme je dis souvent :

10 films de Hong Sang-soo

ou

10 films de Godard
Modifié en dernier par sokol le jeu. 10 févr. 2022 14:42, modifié 2 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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et voilà, un ÉNORME oublie : "Vive l'amour" de Tsai !
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JanosValuska
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len' a écrit :
mar. 8 févr. 2022 18:51
JanosValuska a écrit :
dim. 6 févr. 2022 15:14


Pour l'anecdote, j'y suis allé dans un état proche de l'asthénie. J'espérais peut-être un électrochoc. J'en demandais beaucoup probablement, mais j'adore les films qui touchent aux fêtes foraines, parcs d'attractions et autres cirques itinérants, citons pêle-mêle Adventureland (Greg Mottola), Le toboggan de la mort (James Goldstone) ou Les Ogres (Lea Fehner). Et puis la sieste au cinéma est un excellent indicateur pour moi. J'ai dormi (un peu) devant Hunger, (beaucoup) devant Night moves, mais j'y suis retourné très vite car dès mon réveil j'assistais à un melange de déflagration et de frustration grisant. Je me suis assoupi brièvement à plusieurs reprises devant Nightmare Alley, mais à aucun moment le film ne m'a réveillé.
Côté série, je te conseille la caravane de l'étrange si tu ne l'as pas déjà vu.

Sinon, je pense la même chose de Nightmare Alley : lourd et ennuyeux. C'est dans la lignée de la forme de l'eau qui sentait déjà pas mal le renfermé. Pourtant, j'aimais bien ses films d'avant qui se prenaient pas autant au sérieux et étaient plus inventifs (même le gore à la fin, c'est un recyclage en moins bien du labyrinthe de Pan).
Je ne connais pas (ni de nom) La caravane de l'étrange. Je note ;)

Je n'ai jamais accroché à Del Toro. Ni son cinéma d'avant ni celui d'aujourd'hui. Quand ça veut pas...
On m'a tout de même conseillé de jeter un œil à Chronos.

Sinon, voici mon top Del Toro :

1. L'échine du diable (2001)
2. Le labyrinthe de Pan (2006)
3. La forme de l'eau (2017)
4. Hellboy (2004)
5. Crimson Peak (2015)
6. Pacific rim (2013)
7. Hellboy II (2008)
8. Nightmare Alley (2022)
9. Mimic (1997)
10. Geometria (1987)

Je n'aime rien.
Je déteste rien.
Son cinéma me glisse dessus.
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JanosValuska
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Blue collar - Paul Schrader - 1978

Premier film de Paul Schrader, magistral, dense, cru, violent, avec trois personnages, un peu têtes brûlées, qui tentent de changer la donne, mais qui a l'image du photogramme choisi, ne regardent jamais dans la même direction, ne bougent pas pareil. Leur gestuelle est fabuleuse, par ailleurs, durant tout le film (trois immenses acteurs) : c'est aussi un grand film de corps, ou l'on suit la répétitions des gestes, la monotonie du mouvement au travail. Schrader n'a jamais caché sa fascination pour Bresson.

Trois personnages centraux donc, amis inséparables mais aspirés par la survie car chacun a ses galères, ses travers, sa vie, des gosses. Ils bossent tous trois sur une chaîne de montage automobile et peinent à finir le mois. Smoke est le plus mystérieux mais on comprend qu'il est couvert de dettes, Zeke est emmerdé par le fisc car il a déclaré six gosses au lieu de deux pour sortir la tête de l'eau, quant à Jerry il voit pas comment il pourra payer un appareil dentaire à sa fille.

Dans un élan de folie ils décident de braquer le coffre de leur syndicat, car c'est de l'argent qui leur revient, disent-ils. Évidemment ça ne se passe pas du tout comme prévu, mais vraiment pas et c'est là où Schrader est très fort car il construit cette deuxième partie en illustration de ce que l'un d'eux disait au début du film à savoir que quoiqu'il arrive, les puissants trouveront toujours un moyen d'ériger les faibles les uns contre les autres, blancs contre noirs, vieux contre jeunes, pauvres contre moins pauvres.

Et ce qui était d'abord une petite chronique prolétarienne, sur un monde ouvrier soit en colère soit désenchanté - en ce sens le film préfigure deux grands succès de l'année suivante, tant il est proche de la premiere partie de Voyage au bout de l'enfer mais aussi de Norma Rae - va bientôt plonger dans le thriller paranoiaque, dans un Détroit pas encore fantomatique mais qui respire déjà le chaos.

Le film est d'une noirceur totale, jusqu'au bout, jusque dans son dernier plan et il me permet de me rendre compte que définitivement, si on prend leur "premier film" urbain respectif, je suis plus sensible à Schrader qu'à Scorsese (je préfère largement Blue collar à Mean Streets) mais que la synthèse des deux aura offert l'un des plus beaux films du monde : Taxi driver. Quoiqu'il en soit, Blue collar est une merveille. Un superbe portrait de personnages quasi renoiriens. Un pur diamant noir, quand bien même il soit aussi parcouru d'instants mi comiques mi grotesques, à l'image de ces scènes de bar, ces réunions syndicalistes ou encore ces masques de fortune (des grigris de farce et attrappe) utilisés pour le casse. Immense découverte.

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L'impasse - Brian De Palma - 1994

Brian de Palma au sommet de son art. Je n'avais pas vu le film depuis quinze ans, j'en avais un beau souvenir mais pas à ce point tant il m'a semblé parfait, dense, limpide, virtuose, magnifique de bout en bout. Chef d’œuvre.

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Arthur Rambo - Laurent Cantet - 2022

Pas certain que Cantet soit si intéressé que cela par cette histoire (l'affaire Medhi Meklat) ni par comment la mettre en scène. On le sent à peu près aussi paumé que ce personnage (Rabah Nait Oufella est plutôt très bien dans le rôle, par ailleurs) ne sachant pas s'il doit ou non adopter un point de vue, jouer la carte du récit introspectif (la séquence semi-parano dans le métro est assez bien foutue) ou carrément le portrait didactique. J'ai connu Cantet nettement plus inspiré ne serait-ce que dans l'écriture : les dialogues sont vraiment pas terribles. Ceci étant le film ne me révolte pas non plus (quand bien même il soulève une problématique qu'il s'abstient clairement d'agrémenter) contrairement à ce que j'ai pu lire ci ou là.

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The chef - Philip Barantini - 2022

L'action de The chef a beau se derouler intégralement dans un restaurant Il s'agit moins d'un film culinaire que d'un film en immersion : Le temps d'un service, un soir, la veille de noel. Avec un procédé formel qui en impose, en effet le film est tourné en un unique plan séquence. C'est 1917, les tranchées remplacées par une cuisine : le plan ici ne triche pas, impossible de se réfugier derrière une coupe au noir tant tout y est frontal, sans ornements, à l'image de cette cuisine ouverte sur la salle.

Si l'excès de virtuosité agace au préalable, il faut lui reconnaître deux utilités essentielles. D'une part, cela permet de créer du temps réel, de comprendre le fonctionnement d'un service et de continuer de faire vivre le décor, comme si on y était, l'immersion, le réel, en permanence, donc. D'autre part, cela crée de la fatigue, de l'épuisement, que l'on ressent chez chacun des membres de la brigade, même si le film raconte évidemment en priorité le chemin de croix de ce chef, qui dès qu'il débarque au resto, est déjà proche de la rupture.

La grande idée du film c'est de parvenir à donner du temps, un visage, une histoire à chacun des membres de la brigade, qu'ils soient commis ou second, poste viande ou plongeur, apprentis ou pâtissiers. On passe du temps avec chacun d'eux. C'est une micro société très fragile, aux énergies différentes, qui en plus de gérer sa clientèle, se divise en deux groupes (La brigade de salle et la brigade de cuisine) ce qui accentue les tensions.

Le problème du film c'est qu'il est trop écrit, il charge continuellement la barque. Tout y est, de l'inspection sanitaire aux problèmes de commandes ; le retard de l'un, le burn-out de l'autre ; la cliente critique et l'autre allergique ; la petite nouvelle et celui qui sort d'une tentative de suicide. Tout se mélange car tout va exploser. Et on en sort aussi exténué qu'eux. C'est too much mais très impressionnant.

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L'amour c'est mieux que la vie - Claude Lelouch - 2022

J'ai pas forcément envie de cracher sur Lelouch, d'une part car j'ai vu qu'un quart de sa filmo, d'autre part car parmi ces films vus j'en aime certains - y en a même un que j'adore - mais franchement j'ai rarement vu un film aussi embarrassant et catastrophique que celui-ci, son cinquantième. Alors oui Lelouch est fasciné par la mort, oui Lelouch aime ses acteurs, oui Lelouch est amoureux de ses propres films, mais il faudrait vraiment être un fan hardcore (et aveugle) pour ne pas se rendre à l'évidence, tant tout y est NUL : photo indigente, montage dégueulasse, casting absurde, écriture honteuse. Le mec a tellement rien à raconter qu'il fou le covid dans chaque scène. Un moment, Ary Abitan (Oui y a cette merde dedans) propose du gel hydroalcoolique. Un moment, Darmon veut réserver une croisière mais on lui dit que c'est impossible à cause de la crise sanitaire. Un moment, Sandrine Bonnaire dit qu'elle en a ras-le-bol des masques. Le film vaut uniquement pour la présence de Robert Hossein (qui meurt juste après le tournage) qui se souvient (lourdement) des Uns et les autres. Pour le reste c'est à peu près aussi gênant à regarder que lorsque Lelouch sortait son smartphone pour filmer ceux qui pleuraient aux funérailles de Johnny.
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