Le Centre de Visionnage : Films et débats

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Tamponn Destartinn
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FERMER LES YEUX

Contexte : je l'ai vu une première fois au Louxor il y a 3 mois, complètement crevé. Si c'était une diffusion classique, j'aurai reporté ma séance, mais tenant trop à le voir en avant-première, j'y suis allé. Il m'en restait des images très fortes, notamment sa fin - peut être parce que juste avant j'avais cessé de lutter contre le sommeil et dormi quelques minutes. Mais le fait est que je trouvais le film un peu long avant de parvenir à cette fin, et la question était : cet avis est-il totalement lié à cet état de fatigue ?
Bref, il me fallait le revoir. J'ai beaucoup plus apprécié le film dans son entièreté. Je l'ai remonté dans mon top. MAIS : je n'ai pas tant changé d'avis que cela sur le rythme du film. C'est une question de montage. De nombreuses scènes pourraient se conclure plus tôt, ou même commencer plus tard. Par exemple, on suit toujours le personnage jusqu'à ce qu'il termine sa conversation en partant d'une pièce, là où beaucoup de films aujourd'hui arrêteront la scène à la fin d'une phrase clé du dialogue, sans les "fioritures" qui suivent derrière. Le fait est que Victor Eurice est un vieux monsieur qui n'a pas fait de films depuis 30 ans, donc forcément il fait fi de la tendance du cinéma actuel. Ca rend le film plutôt charmant, mais pas que. Cette seconde vision plus en forme me permet de constater à quel point Eurice arrive à m'intéresser à son intrigue, à son personnage, à ce mystère et à l'émotion ressentie dans son dernier acte, quand tout se résout enfin, des décennies plus tard. Le film est donc lent, mais si mal rythmé que cela. Et en dehors de ça : chef d'oeuvre. Je ne connais pas du tout Eurice (mais je vais me rattraper), mais rien qu'en connaissant sa filmo et l'écart entre ses rares films, je trouve que revenir avec cette proposition est un geste incroyable.
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yhi
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 6 sept. 2023 12:16
Je ne connais pas du tout Eurice
En commençant par son nom :D
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asketoner
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Le Ciel rouge, Christian Petzold

Alors Petzold s'est dit : tiens, si je faisais un film sur des cons, mais tellement cons que même les cons les trouveraient cons. Et voilà, ça a donné ce truc.

(En plus c'est fait n'importe comment, je pense que personne n'avait envie de passer du temps avec ces scènes, ni à les écrire, ni à les jouer, ni à les filmer, ni à les monter.)
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BoBleMexicain
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Voici l’histoire vraie de Billy Beane, un ancien joueur de baseball prometteur qui, à défaut d’avoir réussi sur le terrain, décida de tenter sa chance en dirigeant une équipe comme personne ne l’avait fait auparavant…

sorti en 2011 , j ai vu ce film que j ai oublié aussi vite , pourquoi j ai décidé de le ressortir , aucune idée , mais assurément c'est la meilleure idée que jai eu cette semaine.
ca me renforce dans l'idée qu il faut etre dans un certain etat d esprit pour voir certains films .
encore un film sur le sport US ... des dizaines des centaines , mais celui ci a une saveur particuliere , un gout de jamais vu , un prisme qu aucun autre n a visité . repenser le baseball dans son entierté , le jeu les stats l'humain et surtout pas le pognon .
La réalisation soignée et les quelques scènes intenses font de "Moneyball" une des meilleure adaptation de 2011. A noté que le duo Brad Pitt et Jonah Hill est vraiment très bon et fonctionne à merveille. Plusieurs scènes sont immensément bien jouées en partie grâce à Brad Pitt qui réalise une excellente interprétation très touchante par moment, les nombreuses situations de solitude et d'anxiété auquel Billy Beane doit faire face sont vraiment un régal pour le spectateur.Même en y connaissant rien au baseball, on est happé du début à la fin.
je sais vraiment pas ce que j avais ce jour de 2011 ou je suis sorti de la salle sans opinion .
alors j ai cherché parmi les films que jai vu ces jours la
potentiellement "the artist" pourrait cocher la case .

a vous de voir , mais ca n'est pas du temps perdu .
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Tamponn Destartinn
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yhi a écrit :
mer. 6 sept. 2023 16:37
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 6 sept. 2023 12:16
Je ne connais pas du tout Eurice
En commençant par son nom :D
ah oui, oups
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Tyra
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Beaucoup de pisse-froids ici sur ce film, quand même. :D Bon, c'est un film tellement riche thématiquement (ce qui n'en fait pas forcément un bon film d'ailleurs), qu'on peut le prendre par plein de bouts, réflexions sur la fiction, la recherche illusoire de la vérité, la filiation, le féminisme, la création artistique... Plein d'angles déjà bien explorés par la critique, professionnelle ou amateur, je ne vais pas surajouter à ce qui a déjà été dit.
Le film me donne l'impression d'un film somme, définitif, du "film de procès", genre presque à part entière, que j'ai un petit peu creusé avant de voir celui là. On y retrouve évidement beaucoup d'Autopsie d'un meurtre de Preminger, et aussi beaucoup du Procès de Jeanne d'Arc de Bresson, autre immense film de procès assez méconnu, très proche finalement lorsqu'on y voit une femme condamnée d'avance, luttant désespérément contre des dés pipés dès le départ. Et un peu aussi de l'excellent Fille au bracelet, qui aurait mérité un peu plus de reconnaissance à sa sortie, puisque celui là cartonne.
Pour en revenir à ce que dit B-Lyndon : oui, la première partie est peut être un peu plus forte que la deuxième, et pourtant, je ne trouve pas que le procès abandonne tout ce qui a été construit depuis le début, tellement même dans la salle nous sommes encore mentalement dans le chalet, à tel point que reconstitutions mentales et filmées continuent de se bousculer dans l'esprit du spectateur. Une semaine après le visionnage, je suis encore hanté par le lieu. Et puis, ce surprenant écart narratif, où l'enfant prend les commandes pour sauver sa mère, j'ai trouvé cela bouleversant (à l'inverse de ceux, nombreux, qui ont trouvé le film froid émotionnellement), et entièrement nouveau. Même si je trouve le coup du chien et des médocs un peu vaseux, mal construit.
J'avais des réserves au début sur cette image un peu dégueu, mais ça participe à éviter ce coté trop reconstruits et artificiels que peuvent avoir les mauvais film français. Ici ces personnages pas toujours bien habillés, bien peignés, ce chalet pas finit, tout concours à donner un surcroit de réel au film. Et puis j'aime beaucoup le personnage de l'avocat joué par Swan Arlaud, en total contraste avec ce qui se fait souvent dans les films de procès, mettant en avant de brillants rhéteurs, lui est tout en retenue et fragilité.
Bref, un grand film, très fort, et une des meilleures palmes depuis longtemps.

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J'ai vu cela dans une petite salle du MK2 Odéon, mal insonorisée, ce qui fait que j'ai été régulièrement gêné par la salle d'à coté qui projetait Barbie, dont l'hégémonie m'a poursuivi jusqu'à me pourrir la séance d'un film d'auteur attendu. Malgré cela j'ai trouvé ça très beau. J'aime beaucoup le marquage des époques par le passage de la pellicule au numérique, marquage du temps mais aussi de quelque chose qui s'est perdu. Et qui sera peut être retrouvé, nous ne pouvons que l'imaginer lorsque le film se ferme sur un dernier fondu au noir.
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groil_groil
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asketoner a écrit :
mer. 6 sept. 2023 22:00
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Le Ciel rouge, Christian Petzold

Alors Petzold s'est dit : tiens, si je faisais un film sur des cons, mais tellement cons que même les cons les trouveraient cons. Et voilà, ça a donné ce truc.

(En plus c'est fait n'importe comment, je pense que personne n'avait envie de passer du temps avec ces scènes, ni à les écrire, ni à les jouer, ni à les filmer, ni à les monter.)
Merci un film à rayer de la liste (beaucoup trop longue) A VOIR :D
I like your hair.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
jeu. 7 sept. 2023 11:18
asketoner a écrit :
mer. 6 sept. 2023 22:00
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Le Ciel rouge, Christian Petzold

Alors Petzold s'est dit : tiens, si je faisais un film sur des cons, mais tellement cons que même les cons les trouveraient cons. Et voilà, ça a donné ce truc.

(En plus c'est fait n'importe comment, je pense que personne n'avait envie de passer du temps avec ces scènes, ni à les écrire, ni à les jouer, ni à les filmer, ni à les monter.)
Merci un film à rayer de la liste (beaucoup trop longue) A VOIR :D
C'est carrément superflu, oui ! :hello: :love2:
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asketoner
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Le Gang des bois du temple, Rabah Ameur-Zaïmeche

De très beaux portraits, auxquels Rabah Ameur-Zaïmeche accorde beaucoup de temps, de soin (même celui du prince est réussi), mais qui me semblent un peu juxtaposés, liés entre eux par une intrigue à laquelle j'ai du mal à m'intéresser (d'ailleurs je crois que le film lui-même s'y intéresse peu, et le problème c'est qu'il s'efforce quand même de la dérouler, et l'effort est un peu trop visible, et le sérieux qui en découle aussi).
(Par exemple, la scène où les membres du gang vont boire un café au bar où l'on fait les paris, c'est beaucoup trop sérieux, beaucoup trop appliqué, collé au réel avec une sorte de respect qui finit par interdire le regard, ou du moins l'atrophier.)
(La lumière du film joue aussi sur cette impression de sérieux. On croirait un Kieslowski des années 1970.)
Mais je reviens aux portraits. Celui du militaire à la retraite qui vient de perdre sa mère est sans doute le plus dense. (Et j'aurais tendance à dire que j'aurais pu me contenter de suivre ce personnage plutôt que de bifurquer vers l'histoire de braquage un peu relou, mais je me rends bien compte que le portrait de cet homme n'aurait pas été aussi intéressant sans celui de ses voisins également.) On le découvre à l'endroit même où on le quittera, juché sur son balcon, observant son territoire. Quelque chose semble le paralyser. Aucun mot ne sort de sa bouche. On comprend au bout de quelque temps que sa mère vient de mourir, qu'une ambulance arrive pour emporter le corps. Raideur et tendresse se confondent. Jusqu'au geste d'empathie du curé, après la chanson de la dame étrange à la cérémonie.
Cette chanson est un point de bascule dans le portrait, l'endroit où quelque chose décroche, délire, devient extravagant, donne à la figure une autre dimension.
Il arrivera la même chose au prince, qui le jour marche très lentement, mais la nuit devient un danseur intense.
Quant aux membres du gang, ils devisent en semant.
Ces trois moments splendides viennent briser la surface un peu appliquée du film.
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
ven. 8 sept. 2023 11:13

De très beaux portraits, auxquels Rabah Ameur-Zaïmeche accorde beaucoup de temps, de soin (même celui du prince est réussi), mais qui me semblent un peu juxtaposés, liés entre eux par une intrigue à laquelle j'ai du mal à m'intéresser
J'en sors et je n'ai absolument rien à ajouter (je mets en avant la première phrase car elle suffit, mais toute ta critique est très juste)
Rabah Ameur-Zaïmeche est un drôle de cinéaste. Avant celui ci, j'ai vu ses 4 premiers films : si j'ai le souvenir de les avoir tous appréciés, je ne me rappelle quasi de rien d'autre. Je crains qu'il en soit de même pour ce dernier d'ici quelque temps.
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yhi
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Narval a écrit :
lun. 28 août 2023 21:19
Je sais que @yhi avait déjà fait part de ce sentiment notamment pour Heremias (que je n'ai pas terminé d'ailleurs), et c'est vrai qu'il y a des séquences très violentes dans ses films, qui sont parfois filmées en intégralité (le plan séquence étant roi). Mais pour moi il n'y a pas de plaisir derrière la caméra durant ses moments, ni de clin d’œil, ni d'effort pour choquer.
J'ai fini par le voir, mon ciné a récupéré 3 séances au dernier moment :bounce:
Pour réagir à ça, effectivement, je ne trouve pas qu'il y ait trop d'abus dans celui-ci. C'est toujours assez glauque (la partie avec la prostituée qui décède, on aurait pu s'en passer par exemple je trouve, même si ça renforce le côté complètement maboul du type), mais là, je trouve que dans l'ensemble c'est justifié directement par le sujet.
Au début j'ai été un peu déçu par la simplicité du dispositif qui met pourtant un moment à se mettre en place et par la sous utilisation du journaliste que je trouvais être un personnage intéressant, Lav Diaz nous ayant habitué à des films plus foisonnants. Mais au final quand on comprend mieux qui est qui et le rapport entre Primo et Hermes, ça m'a accroché. Le fait de coller cette intrigue hollywoodienne de jeu du chat et de la souris, du flic qui ressemble un peu trop au tueur (car en fait le flic est un tueur, et le tueur est un flic au final) ça fonctionne bien en crescendo et on attend le face à face final qui est vraiment réussi. J'aime bien cette idée de personnages Nemesis, qui croient s'être détruit l'un l'autre, pour finalement prendre conscience que c'est le pays et le système complet qui les a rongé, physiquement (psoriasis) et mentalement (leur folie respective).
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 8 sept. 2023 23:29
si j'ai le souvenir de les avoir tous appréciés, je ne me rappelle quasi de rien d'autre. Je crains qu'il en soit de même pour ce dernier d'ici quelque temps.
Parce que c’est un pur Godardien : “hélas pour lui, il doit raconter une histoire” or, nous, les spectateurs, ce putain de cinéma nous a habitué à retenir avant tout une histoire. Je sais bien, on se souvient de plein de films pas forcément pour son histoire mais je t’assure : le fait qu’on se souvient c’est parce que on se souvient avant tout de l’histoire. Malgré nous.
(j’ai vu le film en question et c’est pour cela que je réagis)

ps: si on se souvient de certains films de Godard c’est qu’ils sont ses plus mauvais 😆 (il a dit lui-meme !! C’est dire !!)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
dim. 10 sept. 2023 11:30
Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 8 sept. 2023 23:29
si j'ai le souvenir de les avoir tous appréciés, je ne me rappelle quasi de rien d'autre. Je crains qu'il en soit de même pour ce dernier d'ici quelque temps.
Parce que c’est un pur Godardien : “hélas pour lui, il doit raconter une histoire” or, nous, les spectateurs, ce putain de cinéma nous a habitué à retenir avant tout une histoire. Je sais bien, on se souvient de plein de films pas forcément pour son histoire mais je t’assure : le fait qu’on se souvient c’est parce que on se souvient avant tout de l’histoire. Malgré nous.
(j’ai vu le film en question et c’est pour cela que je réagis)

ps: si on se souvient de certains films de Godard c’est qu’ils sont ses plus mauvais 😆 (il a dit lui-meme !! C’est dire !!)
Je vois bien la logique du discours. J'y adhère même un peu. Mais pas au point d'en faire une règle immuable, tout simplement parce que j'ai des contreexemples qui me viennent en tête de suite.
J'ai revu INLAND EMPIRE récemment, pour la première fois depuis plus de 10 ans. Je ne me rappelais pas de l'intrigue (et ce pour une très bonne raison) mais je me souvenais pourtant d'énormément de choses du film. Pareil pour les Rozier que j'avais déjà vu y a un moment. J'ai tout rematé, c'était à la fois très frais dans ma tête, et en même temps j'avais totalement oublié les "histoires", très prétextes.

Mais encore une fois, je vois ce que tu veux dire quand même. I dont want to sleep alone de Tsia Ming Liang, je l'ai revu pour la première fois depuis sa sortie salle (2007), et là ça m'a fait comme un Bled Number One. Je me souvenais avoir aimé et de quelques images floues, mais c'est tout. Et ça a rendu le revisionnage très agréable aussi.
La différence, peut-être, est que je ne sais pas si je veux revoir Bled Number One. J'ai le souvenir que ça m'a plu, mais pas assez pour être certain que cela vaut le coup.
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asketoner
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The Wasteland, Ahmad Bahrami

Quelques semaines après The Wastetown, on diffuse dans les salles The Wasteland, du même cinéaste, et je dois dire qu'on le reconnaît facilement. Il s'agit là encore d'un lieu clos mais ouvert, dans lequel Ahmad Bahrami tente de saisir quelque chose d'irrémédiable, d'inconsolable. C'est un film assez terrible sur la façon dont les relations circulent entre les employés et le patron d'une briqueterie sur le point de fermer. Les nombreux travellings, d'abord nous guident dans le lieu et nous montrent qui s'associe avec qui, quelles formes prennent les affects (souvent celles d'objets, de blocs de glace notamment qui viennent rafraîchir l'eau dans les gourdes des employés ; mais aussi des convocations : "le patron veut te voir tout de suite"), puis, une fois la briqueterie fermée, la solitude d'un homme, né ici, qui n'a plus personne à rejoindre (qui n'a plus que les briques, les chalumeaux, les chambres désertées par les employés, le bureau du patron, et son fauteuil près de la fenêtre derrière laquelle circulent des formes blanches énigmatiques).
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sokol
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Un mois après sa sortie, les Cahiers reviennent sur "Yannick", carrément dans leur éditorial. Qui termine par :
Puis, il y a ce plan final, où une brigade de la BRI cuirassée et armée jusqu’aux dents s’apprête à entrer dans la salle. L’écart entre ce qui vient de se dérouler d’émi­nemment humain et la violence de ce qui se prépare est glaçant. Ces envoyés d’un pouvoir qui confond la rage d’un citoyen avec un attentat terroriste, cette réponse sans visage, sans voix, sans oreilles, sans doutes ni questions, ce court plan qui pour­rait être un simple insert de film policier musclé à la Cédric Jimenez, Dupieux par­vient à en faire l’image du fascisme moderne. Et c’est probablement le plan le plus vraisemblable du film.
https://www.cahiersducinema.com/editos/ ... e-yannick/


il y a tout juste un mois, j'avais écrit ceci :
sokol a écrit :
sam. 12 août 2023 16:47
6. Yannick (Quentin Dupieux, France) 10.0 [/b]- Le plus bel écran noir vu au cinéma, ever ! Et un des films les plus politiques de la décennie (veine qu’il développe depuis 2-3 films déjà).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Narval
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yhi a écrit :
sam. 9 sept. 2023 10:34
J'ai fini par le voir, mon ciné a récupéré 3 séances au dernier moment :bounce:
Pour réagir à ça, effectivement, je ne trouve pas qu'il y ait trop d'abus dans celui-ci. C'est toujours assez glauque (la partie avec la prostituée qui décède, on aurait pu s'en passer par exemple je trouve, même si ça renforce le côté complètement maboul du type), mais là, je trouve que dans l'ensemble c'est justifié directement par le sujet.
Au début j'ai été un peu déçu par la simplicité du dispositif qui met pourtant un moment à se mettre en place et par la sous utilisation du journaliste que je trouvais être un personnage intéressant, Lav Diaz nous ayant habitué à des films plus foisonnants. Mais au final quand on comprend mieux qui est qui et le rapport entre Primo et Hermes, ça m'a accroché. Le fait de coller cette intrigue hollywoodienne de jeu du chat et de la souris, du flic qui ressemble un peu trop au tueur (car en fait le flic est un tueur, et le tueur est un flic au final) ça fonctionne bien en crescendo et on attend le face à face final qui est vraiment réussi. J'aime bien cette idée de personnages Nemesis, qui croient s'être détruit l'un l'autre, pour finalement prendre conscience que c'est le pays et le système complet qui les a rongé, physiquement (psoriasis) et mentalement (leur folie respective).
Super si tu as pu le voir au final ! Quand même 3 séances c'est absurde.
J'ai bien aimé la partie avec la toute jeune prostituée qui finit par mourir sur place et Primo qui pète un câble en redoutant de retourner en prison, l'insulte et empire la situation en essayant de camoufler le tout. On ne sait même pas de quoi elle meurt, mais elle a l'air tellement fragile que ça en devient absurde. Même chose pour le passage où Primo essaie de kidnapper une gamine - avec un pan cadré sur son bassin pour conclure. C'est tellement gros j'ai trouvé ça comique.
Tu as bien résumé les enjeux en film, c'est vrai qu'on a l'habitude avec lui d'avoir des intrigues bien plus ramifiées avec plein de personnages secondaires (et le fait que le photographe soit finalement vraiment secondaire est presque dommage, idem pour la sœur qui disparaît hors champs et est juste mentionné à la fin), mais je trouve que cela fonctionne bien dans celui-là d'avoir un vrai récit en parallèle pour raconter deux facettes d'humanité.
J'espère que la suite aura une meilleure distribution mais j'ai un peu perdu espoir. Y'a déjà un extrait alléchant qui est sorti
https://cineuropa.org/fr/video/447366/
Modifié en dernier par Narval le lun. 11 sept. 2023 18:36, modifié 2 fois.
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Narval
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The Wastetown - Ahmad Bahrami
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J'étais parti très enthousiaste sur ce film mais je trouve clairement des limites à ce cinéma. Déjà il y a une inspiration évident de la filmo de Béla Tarr (inspiration qui est confirmée par le réal en interview). Cela commence par le choix du n&b, le format, un thème à la Mihály Víg bien plombant et répété à des moments clefs, le goût pour le plan séquence et les mouvements ambitieux de caméra (le plan d'intro est un modèle du genre) dans des paysages désertés. On est en plein ruin-porn ordurier. Le problème pour moi c'est que l'inspiration est trop plaquée sur l'esthétique globale du film ainsi que son atmosphère et donne au tout un côté très scolaire et impersonnel. Le fait que le scénario minimaliste consiste en trois journées où les actes sont répétés inlassablement n'aide pas à effacer ce sentiment désagréable que j'ai eu d'assister à un travail trop appliqué et vain (Le cheval de Turin est cité par l'auteur comme son préféré, je comprends pourquoi). On est sensé être en Iran, dans une décharge infinie, c'est donc très prometteur comme point de départ pour accompagner un personnage qui va tenter de réparer une injustice. Le problème, c'est que la partie "Iran" de l'intrigue est vraiment effacée. Le film pourrait se passer dans n'importe quel pays - et visiblement dans le passé lointain car un simple portable pourrait mettre fin à l'histoire. Les quelques dialogues n'aident pas à situer moralement la situation de Bermani qui tente de retrouver son fils, on reste dans un modèle de femme silencieuse, qui ne fait que subir, chaque jour, les mêmes rituels. Le seul petit éclat, c'est ce voile blanc posé sur elle. Mais tout est trop systématique, et le scénario prévisible ne permet pas de faire briller les lieux ni les personnages qui sont tous détestables.

A mon sens, Bahrami a oublié une partie importante qui faisait la beauté des films de Tarr : peu importe la gravité des situations, peu importe l'horreur et la décrépitude, ce dernier ne délaissait jamais la poésie. Même dans le Cheval de Turin qui est un cas extrême, il y a des échappées essentielles au récit ainsi que des scènes qui apportaient des respirations (notamment cette tirade ahurissante d'un type qui sortait aussitôt fini). Ici, le seul moment où le poids du scénario se brise légèrement, c'est la scène avec le jouet en bois utilisé par l'héroïne à la fin (Baran Kosari, immense actrice iranienne, qui fait quasi toute le temps la même gueule pendant le film). Aussi, lorsque Tarr filmait le cheval dans son Cheval de Turin, il n'allait pas vers la facilité, il le captait dans sa simplicité et son imposante mélancolie, mais il ne rajoutait aucun effet. Au contraire Bahrami inclue une chienne de temps à autre, mais l'animal est constamment sur-mixé de façon grossière, jusqu'à la fin où des plaintes sont même rajoutées pour bien appuyer la situation dramatique. C'est très faible. Reste le dernier plan qui est vraiment audacieux mais un peu désamorcé par tout ce qui a suivi. Du coup je suis plus curieux de voir son film précédent dont parlait akestoner, et de voir son prochain (il s'agit encore d'une trilogie).

PS : réaction de ma collègue iranienne à chaud en sortant de la séance (qui est fan de Kiarostami et Panahi) : "j'ai trouvé ça bizarre. Pourquoi il a fait ce film ? Ce n'est pas un bon scénario." Tout est dit.
Modifié en dernier par Narval le lun. 11 sept. 2023 18:40, modifié 2 fois.
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Narval
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Les herbes sèches - Nuri Bilge Ceylan
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C'était le film que j'attendais le plus de la compétition et j'avais très hâte de le voir, peut-être trop. Fatalement, j'ai été un peu déçu, notamment parce que je trouve que malgré ses moments de grâce (Ceylan est toujours aussi bon pour tout faire tenir sur les dialogues par le renouvellement constant de la tension), le film m'a paru moins libre et acerbe qu'un Poirier sauvage, et moins mélancolique et contemplatif qu'un Uzak. Il y a cette dynamique très belle de triangle relationnel entre Samet et son colocataire, bientôt rejoints par Nuray. Et il y a aussi cette intrigue avec les gestes déplacés que Samet n'assume pas, jusqu'à finir par maltraiter Sévim pour tenter de renverser la balance. Je n'ai pas nécessairement trouvé que les deux intrigues existaient vraiment bien au sein du film, malgré que le duo y soit intrinsèquement lié et de manière générale, je pense que certains aspects auraient pu être encore plus creusés. De ce fait, j'en suis ressorti un peu sur ma faim, mais je chipote vraiment en partie parce que j'avais vu certaines images magnifiques du film - notamment via les affiches) et je m'attendais à voir d'avantage d'excursions et/ou de plans offrant une respiration. Or c'est avant tout un film d'intérieur (peut-être à 95%), et d'intérieur avec des personnages qui se parlent jusqu'à en mourir (comme le personnage de Samet qui quitte totalement le film pour revenir plus tard une fois qu'il a pris ses médocs). Le trop-plein de dialogue est un vrai problème pour moi dans certains de ses films comme Winter Sleep. Ici, j'aime justement énormément les quelques scènes où il se permet de mettre enfin le silence au coeur de l'action comme avec ce moment magnifique où Samet observe les murs recouverts de tableaux et de photographies chez les parents de Nuray, ou encore ces instants où les photographies des habitants viennent faire taire un instant la narration pour ouvrir sur ce qui serait le portrait d'une région entière.

Je trouve aussi que le final est un peu facile et rapide. Même si l'idée de cette pente recouverte d'herbes sèches autrefois insignifiantes et maintenant essentielles qu'il faut gravir à tout prix est très belle, le fait que la narration revienne juste avant avec de jolis plans sur le printemps qui arrive, puis re-revienne juste après pour les flashs hivernaux au ralenti me paraît trop fabriqué et tue un peu l'émotion pour moi. Il y a par ailleurs dans les derniers instants des facilités de regards-caméra de Sévim pour atteindre l'émotion qui certes fonctionnent mais sont faciles. En opposition à cela, je trouvais la fin rêveuse du Poirier sauvage bien plus audacieuse et surprenante. Ici, j'ai l'impression de voir un auteur de roman qui essaie de bien conclure son histoire en donnant un regard poétique à son personnage, comme pour tenter de le racheter, ou tout du moins lui donner une dernière consistance afin de finir sur une note douce-amère. Bref, j'ai un peu trop lu cette fin, et pas assez vécu. Il n'en reste pas moins que c'est un très grand film et un excellent Ceylan tout court, et comme j'aime bien dire : il faut être exigeant avec les réalisateurs que l'on aime bien.
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asketoner
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Narval a écrit :
lun. 11 sept. 2023 18:05
The Wastetown - Ahmad Bahrami
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J'étais parti très enthousiaste sur ce film mais je trouve clairement des limites à ce cinéma. Déjà il y a une inspiration évident de la filmo de Béla Tarr (inspiration qui est confirmée par le réal en interview). Cela commence par le choix du n&b, le format, un thème à la Mihály Víg bien plombant et répété à des moments clefs, le goût pour le plan séquence et les mouvements ambitieux de caméra (le plan d'intro est un modèle du genre) dans des paysages désertés. On est en plein ruin-porn ordurier. Le problème pour moi c'est que l'inspiration est trop plaquée sur l'esthétique globale du film ainsi que son atmosphère et donne au tout un côté très scolaire et impersonnel. Le fait que le scénario minimaliste consiste en trois journées où les actes sont répétés inlassablement n'aide pas à effacer ce sentiment désagréable que j'ai eu d'assister à un travail trop appliqué et vain (Le cheval de Turin est cité par l'auteur comme son préféré, je comprends pourquoi). On est sensé être en Iran, dans une décharge infinie, c'est donc très prometteur comme point de départ pour accompagner un personnage qui va tenter de réparer une injustice. Le problème, c'est que la partie "Iran" de l'intrigue est vraiment effacée. Le film pourrait se passer dans n'importe quel pays - et visiblement dans le passé lointain car un simple portable pourrait mettre fin à l'histoire. Les quelques dialogues n'aident pas à situer moralement la situation de Bermani qui tente de retrouver son fils, on reste dans un modèle de femme silencieuse, qui ne fait que subir, chaque jour, les mêmes rituels. Le seul petit éclat, c'est ce voile blanc posé sur elle. Mais tout est trop systématique, et le scénario prévisible ne permet pas de faire briller les lieux ni les personnages qui sont tous détestables.

A mon sens, Bahrami a oublié une partie importante qui faisait la beauté des films de Tarr : peu importe la gravité des situations, peu importe l'horreur et la décrépitude, ce dernier ne délaissait jamais la poésie. Même dans le Cheval de Turin qui est un cas extrême, il y a des échappées essentielles au récit ainsi que des scènes qui apportaient des respirations (notamment cette tirade ahurissante d'un type qui sortait aussitôt fini). Ici, le seul moment où le poids du scénario se brise légèrement, c'est la scène avec le jouet en bois utilisé par l'héroïne à la fin (Baran Kosari, immense actrice iranienne, qui fait quasi toute le temps la même gueule pendant le film). Aussi, lorsque Tarr filmait le cheval dans son Cheval de Turin, il n'allait pas vers la facilité, il le captait dans sa simplicité et son imposante mélancolie, mais il ne rajoutait aucun effet. Au contraire Bahrami inclue une chienne de temps à autre, mais l'animal est constamment sur-mixé de façon grossière, jusqu'à la fin où des plaintes sont même rajoutées pour bien appuyer la situation dramatique. C'est très faible. Reste le dernier plan qui est vraiment audacieux mais un peu désamorcé par tout ce qui a suivi. Du coup je suis plus curieux de voir son film précédent dont parlait akestoner, et de voir son prochain (il s'agit encore d'une trilogie).

PS : réaction de ma collègue iranienne à chaud en sortant de la séance (qui est fan de Kiarostami et Panahi) : "j'ai trouvé ça bizarre. Pourquoi il a fait ce film ? Ce n'est pas un bon scénario." Tout est dit.
L'autre film est tout aussi systématique, mais plus dense aussi. Après, les références à Bela Barr ne sont pas moins présentes (dans The Wasteland, c'est plutôt Damnation).
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sokol
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Il y a vraiment un problème à nos jours avec le cinéma (on l'a dit maintes fois mais ça commence à prendre de proportions de ouf :ouch: ) : je connais pas mal de personnes qui sont allé voir "Anatomie d'une chute" (très probablement le film marche du feux de dieu, le gars qui travaille dans le cinéma où je vais la plupart du temps me l'a confirmé) et les deux mots qui reviennent le plus souvent sont : dur et oppressant.

Je veux bien me souvenir de cette expression de ma mère quand j'étais petit ("un film nous fait croire qu'une femme peut épouser un âne" - disait elle souvent :D) mais les gens ont vraiment fini par croire à ça !
Vivement que le cinéma soit interdit par la loi et on n'en parle plus :D (vaut mieux ne plus en parler que de dire des âneries genre : "Anatomie d'une chute" est un film très très dur or, c'est les même qui se tapent des merdes dont ce n'est même pas la peine d'en parler). Mais justement, à force de se taper des merdes, ils en sont là
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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Ohlala, j'ai vu si peu de films cet été, mais pourtant des choses excellentes. Et je n'ai rien pris le temps d'écrire, du coup je les ai forcément un peu oublié c'est dommage.

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Revu le film fondateur du style d'Albert Serra. Fondateur car on se demande totalement comment il est passé de son premier (une sorte de comédie (?) faiblarde au sein d'un village catalan) à ce deuxième, d'une radicalité et liberté totale. J'infirme ce que je pensais à l'époque -et que j'ai compris en voyant ses suivants- Serra n'est pas un cinéaste sensoriel (comme Apichatpong peut l'être) mais de l'esprit radical, avec cet être fou de Donquichotte qui erre vaille que vaille, entre imagination et détermination, à travers les plaines espagnoles. Il faut savoir passer outre la lenteur et la léthargie générale pour accéder à l’œuvre.


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Fermer les yeux pour ne plus voir. Fermer les yeux pour mieux voir.
Ouvrir les yeux pour mieux voir. Ouvrir les yeux pour ne plus voir.
La scène la plus bouleversante du film tient en un seul plan, un seul regard, un regard qui ne voit pas. Miguel, à la table de l'hospice, retrouve son vieil ami, à côté de qui il mange discrètement. Quand celui-ci, enfin, le regarde droit dans les yeux, ses yeux sont vides, plats, lisses, ne voient pas l'écrivain, juste un inconnu qui déjeune.
Car le centre est invisible, pour ne pas dire qu'il n'est rien, si il n'a pas de bords, de contextes.
D'ailleurs tout le film est basé sur de légers décalages, juste sur le côté, déjouant les attentes : le cœur du film se révèle ne pas être l'enquête télévisuelle mais la quête d'un vieil ami, le film ne se passe pas à la capitale mais au loin sur la côte, dans l'hospice le vieil homme n'est pas un pensionnaire mais l'homme à tout faire, etc...
A ces décentrements répondent au contraire d'incessants portraits des protagonistes, eux en plein centre de l'image, plaçant visages et humains au cœur du vocabulaire du film.
Si l'on a pu dire que le film était lent, je dirais plutôt qu'il est élégant, laissant les gens et les situations exister pour ce qu'elles sont. Le film regorge ainsi de petites scènes sur le plaisir d'être là, ensemble, comme cette mélancolique scène de guitare reprenant la légendaire chanson de Rio Bravo "My rifle, my poney and and me". Car si "Fermer les yeux" est un film sur les souvenirs et l'identité, il est bien avant tout un film sur le cinéma et le pouvoir des images. Le film est un dernier tour de piste, réalisé en pleine conscience, déclaration d'amour à son médium, sans pour autant se voiler la face quant à son frêle état (mais non sans humour : le personnage principal regardant "vers les spectateurs" en entrant dans une pièce et disant "Mais il n'y a que des vieux ici" :lol: ). Fermer les yeux, de façon définitive ? Peut-être, oui, mais non sans une dernière projection. La dernière scène répond ainsi en miroir à celle d'ouverture du premier film d'Erice. Dans l'Esprit de la ruche, des enfants se pressent pour voir Frankenstein sur un écran, tandis qu'ici c'est une troupe hétéroclite de personnes âgées qui se réunissent pour lever leurs pupilles vers un écran. Dans les deux cas, la lumière inonde doucement leurs visages. Dans "L'Esprit", c'est l'image qui sort du cadre, provoquant les errances d'une petite fille qui ne sait pas encore bien faire la différence entre la réalité et la fiction. Ici c'est la réalité qui ne sait plus trop ce qu'elle est ou à été et va chercher à se retrouver dans son double fictionnel. Et Erice de ne pas choisir, comme à travers toute son oeuvre, car il sait que le cinéma sont ces deux choses à la fois. Et bien plus encore.


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Le film s'ouvre sur une balle qui dégringole les escaliers, inexorablement, marche après marche. Jusqu'à ce qu'un chien, d'un coup de gueule agile, s'en empare et la fasse retourner à l'étage. Le programme du film, déjà, tient en ces quelques secondes.
Ce qui est assez formidable dans Anatomie d'une chute est que l'on (enfin pour ma part, totalement) ne doute pas une seconde de l'innocence de la mère. Quelque chose doit se jouer dans la mise en scène au moment de la découverte du corps, mais j'ignore quoi. L'enjeu n'est, je crois, pas là. Pour preuve : nous n'assistons à aucune délibération des membres du jury, ou procédures de réflexions en marge du procès, étapes si importantes dans les autres films du genre. L’innocence de la mère est même annoncée d'un coup d'un seul, après le dernier témoignage de Samuel.
Ce qui intéresse Justiner Trier, je crois, est plutôt de se servir du lieu du tribunal pour décomposer au maximum le réel, analyser la somme innombrables de ses couches, toutes complémentaires, toutes contradictoires, mais aboutissant à une seule réalité. On pense à St Omer d'Alice Diop qui s'est récemment servi du même cadre comme d'une abstraction. On pense aussi à des choses vues dans l'art contemporain, en vidéo ou en performance dressant le "procés de la réalité" ou le "procés de la fiction", appelez ça comme vous voulez. C'est ici qu'on sent que Trier à fait les beaux-arts de Paris, je crois que personne ne sortant de la Fémis ne pourrait faire un tel film. En ce sens le film est tout à fait contemporain, nous qui pataugeons dans notre époque hyper-médiatisée, ne sachant plus toujours très bien ce qui compose notre rapport au monde. Et Trier de se servir de cette complexité pour multiplier les régimes d'images, de paroles et de témoignages. Grace à cela, ce qui pourrait paraitre cousu de fil blanc (l'engueulade parfaitement enregistré par exemple, ou le témoignage de Samuel), ne viennent que densifier encore et encore cette approche, jusqu'à un intenable point de rupture... ou de consensus ? Brillant.

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Vu il y a très longtemps, dans une période ou je n'étais pas en grande forme... J'avais eu le sentiment de passer à côté du film. Ce revisionnage le confirme. L'Esprit de la Ruche est unique dans sa capacité à saisir l'étrangeté de l'enfance et de son rapport au monde, et le trouble laissé par les images. Il est bien sur génial que le film regardé soit Frankenstein, ce corps fait de multiples bouts, comme l'est notre esprits ou palpitent impresions directes, souvenirs et imaginations. Et qu'il "sorte de l'écran" en se transformant en soldat résistant se dissimulant dans la vieille maison en ruine (son cadavre est précisément posé devant l'écran de projection du début). Rarement un film aussi éthéré n'aura été, par contraste, aussi proche du poids du sol.
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sokol
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cyborg a écrit :
mar. 12 sept. 2023 12:12

Ce qui est assez formidable dans Anatomie d'une chute est que l'on (enfin pour ma part, totalement) ne doute pas une seconde de l'innocence de la mère. Quelque chose doit se jouer dans la mise en scène au moment de la découverte du corps, mais j'ignore quoi.
Si le film a été fait par un homme et pas par une mère (je n'ai pas dit une femme) on en parlera différemment.
Le médecin légiste le dit d'ailleurs : une telle blessure ne peut être accidentelle (ça saute aux yeux d’ailleurs, c'est tellement évident !). Pourtant, c'est tellement bien vendu l'innocence de la mère (et je suis entièrement d'accord avec ça : à mes yeux, cela constitue la force du film). Ou : si c'était elle qui été morte et si c'était le procès de son mari dans le même contexte, on en reparlerait différemment.
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Jean-Marie Straub
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Quand à moi, j'ai vu pour la énième fois (au total, je l'ai vu deux fois cet été) un des films les plus riches de Godard : Je vous salue, Marie (@B-Lyndon : je crois que tu ne l'as jamais vu : il est sur ARTE Replay mais pas pour très longtemps) :

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Et non seulement c'est un de ses 10-15 plus beaux films (c'est la preuve ultime de l'erreur de ma part de faire un top Godard car celui-ci figure à la vingtième place or, je le mettrais volontiers parmi ses 10 premiers) mais pour la première fois j'ai vu l'énorme influence de Bresson sur Godard. J'ai presque envie de dire que, "Je vous salue, Marie" c'est du "Au hasard Balthazar" en... musique ! (dans le sens : la musique est une image dans ce film). Et il y a même un âne
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Jean-Marie Straub
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asketoner
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sokol a écrit :
mar. 12 sept. 2023 12:06
Il y a vraiment un problème à nos jours avec le cinéma (on l'a dit maintes fois mais ça commence à prendre de proportions de ouf :ouch: ) : je connais pas mal de personnes qui sont allé voir "Anatomie d'une chute" (très probablement le film marche du feux de dieu, le gars qui travaille dans le cinéma où je vais la plupart du temps me l'a confirmé) et les deux mots qui reviennent le plus souvent sont : dur et oppressant.

Je veux bien me souvenir de cette expression de ma mère quand j'étais petit ("un film nous fait croire qu'une femme peut épouser un âne" - disait elle souvent :D) mais les gens ont vraiment fini par croire à ça !
Vivement que le cinéma soit interdit par la loi et on n'en parle plus :D (vaut mieux ne plus en parler que de dire des âneries genre : "Anatomie d'une chute" est un film très très dur or, c'est les même qui se tapent des merdes dont ce n'est même pas la peine d'en parler). Mais justement, à force de se taper des merdes, ils en sont là
Oui, c'est très courant, en littérature aussi en ce moment : c'est toujours toujours trop sombre, trop dur, trop déprimant... Mais ce sont les mêmes qui adulent Lanthimos, Ostlund et Sorogoyen.
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asketoner
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cyborg a écrit :
mar. 12 sept. 2023 12:12

Serra n'est pas un cinéaste sensoriel (comme Apichatpong peut l'être) mais de l'esprit radical, avec cet être fou de Donquichotte qui erre vaille que vaille, entre imagination et détermination, à travers les plaines espagnoles. Il faut savoir passer outre la lenteur et la léthargie générale pour accéder à l’œuvre.
Ah mais je suis content que tu en parles, de cette absence de sensorialité dans son cinéma, contrairement à tout ce que j'ai pu lire à l'époque à ce sujet. Pour moi, c'est de la pure asthénie, des images engourdies, et je ne parviens jamais à passer outre (contrairement aux films d'Apichatpong, où le sommeil est une transe et pas un épuisement).

Ce qui intéresse Justiner Trier, je crois, est plutôt de se servir du lieu du tribunal pour décomposer au maximum le réel, analyser la somme innombrables de ses couches, toutes complémentaires, toutes contradictoires, mais aboutissant à une seule réalité.
En fait, je bute un peu sur cet aspect-là du film. J'entends beaucoup dire que c'est vertigineux, moi je trouve ça assez plat finalement. Il y a deux ou trois aspects mais pas non plus suffisamment pour avoir l'impression d'un innombrable. Enfin je n'ai pas tout à fait l'impression que chaque scène remette en cause la précédente.

Mais j'ai vu le film à peu près comme ce que Sokol décrit : j'ai toujours pensé qu'elle était coupable, et que son fils choisissait de la garder près de lui.
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sokol
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asketoner a écrit :
mar. 12 sept. 2023 16:01
Oui, c'est très courant, en littérature aussi en ce moment : c'est toujours toujours trop sombre, trop dur, trop déprimant... Mais ce sont les mêmes qui adulent Lanthimos, Ostlund et Sorogoyen.
"Mieux" : ceux qui m'ont dit ça vont au ciné uniquement pour voir des blockbusters américains ! Uniquement !! (tout en se disant : je vais au ciné, ok ?)

ps: cela dit, en littérature, comme j'aime bien dire, ils sont un peu plus "pardonnables" car, au moins, ils s'engageant à lire 100 ou 200 pages (une, deux ou plusieurs semaines quoi). Donc, je vois bien, tu ne côtoies même pas "les miens" :D (le nouveau robot de cuisine, ça te parle ? :lol: )
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
mar. 12 sept. 2023 14:01
cyborg a écrit :
mar. 12 sept. 2023 12:12

Ce qui est assez formidable dans Anatomie d'une chute est que l'on (enfin pour ma part, totalement) ne doute pas une seconde de l'innocence de la mère. Quelque chose doit se jouer dans la mise en scène au moment de la découverte du corps, mais j'ignore quoi.
Si le film a été fait par un homme et pas par une mère (je n'ai pas dit une femme) on en parlera différemment.
Le médecin légiste le dit d'ailleurs : une telle blessure ne peut être accidentelle (ça saute aux yeux d’ailleurs, c'est tellement évident !). Pourtant, c'est tellement bien vendu l'innocence de la mère (et je suis entièrement d'accord avec ça : à mes yeux, cela constitue la force du film). Ou : si c'était elle qui été morte et si c'était le procès de son mari dans le même contexte, on en reparlerait différemment.
Non : le médecin légiste dit que la blessure ne peut pas être le fruit unique de la chute. Mais c'est soit un objet extérieur, soit le rebord de la cabane sur laquelle il serait tombé. Donc la vraie conclusion du médecin légiste est de dire qu'il lui est impossible de dire si cette blessure est le fait qu'une personne tiers ou pas. (j'ai vu le film deux fois, j'ai été particulièrement attentif à ses formulations la seconde fois)

Et là où moi j'ai été vite convaincu de l'innocence de la femme, c'est lors du témoignage des deux experts en traces de sang, l'un servant l'accusation l'autre la défense. Car j'ai été bien plus convaincu par l'experte invalidant la thèse du meurtre car la femme n'a pas la carrure pour faire cela à son mari physiquement très lourd. Et aussi sur ce genre de choix où je trouve le scénario du film particulièrement malin, parce qu'en effet, oui, t'inverses les sexes et ce n'est plus la même chose... mais pas pour la raison que tu sous-entends !
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cyborg
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@asketoner : oui, dire que Serra est un réal sensorielle me semble presque un contre-sens. Je l'avais noté à l'époque de "Histoire de ma mort", que j'avais adoré à l'époque. Et je vois que le film à déjà 10 ans. Pfiou...

Je disais
" On a dit que Serra était un réalisateur sensoriel. Je pense qu'au contraire, c'est un réalisateur de l'esprit. Albert Serra nous narre l'histoire de personnages mythiques (ou non) errant à travers le monde et dont les esprits, les pensées et l'imagination ont la force de modeler le monde sensible (le monde physique) en fonction de leurs vouloir. Don Quichotte poursuivait des moulins que lui seul voyait. Les Rois Mages, guidés par une étoile, sont en route vers le fils de Dieu. Ici, jusqu'à un certain point, nous sommes dans la même logique. Nous assistons à la vie d'un Casanova décati (l'acteur est magnifique et mange des grenades avec une superbe incroyable ) en pleine décadence, élaborant des théories pour lui seul et ses proches. Et, d'un coup, Casanova part en voyage, nous le suivons dans les Carpates ou il croise la route de Dracula. Peu à peu Casanova disparait et, avec lui, change le régime du film et nous nous retrouvons face à un autre régime du sensible, à un autre rapport à l'être et à la chaire, plus concrète et sensuelle et donc, sensorielle. "



Pour Anatomie d'une chute je ne dirais pas "vertigineux" tout de même, mais très riche, et surtout manié très adroitement, mélangeant les styles, les sources, les régimes d'images et autres (le roman de l'accusée, par exemple). En soit ce n'est pas révolutionnaire mais ça me semble tout à fait aboutit. Chaque "séquence" ne remet pas totalement en cause la précédente, oui, mais heureusement : elle l'ajuste, la remodèle, s'y love, rendant le tout globuleux pour nos esprits. Si cela avait été le cas on aurait été dans un film beaucoup plus conventionnel d'une seule recherche de vérité surplombante. A ce titre, comme vous le dite, le film joue également adroitement sur les préconçus en tournant l'histoire sous cette angle de la femme-mère meurtrière
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Tyra
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 12 sept. 2023 16:53

Non : le médecin légiste dit que la blessure ne peut pas être le fruit unique de la chute. Mais c'est soit un objet extérieur, soit le rebord de la cabane sur laquelle il serait tombé. Donc la vraie conclusion du médecin légiste est de dire qu'il lui est impossible de dire si cette blessure est le fait qu'une personne tiers ou pas. (j'ai vu le film deux fois, j'ai été particulièrement attentif à ses formulations la seconde fois)

Et là où moi j'ai été vite convaincu de l'innocence de la femme, c'est lors du témoignage des deux experts en traces de sang, l'un servant l'accusation l'autre la défense. Car j'ai été bien plus convaincu par l'experte invalidant la thèse du meurtre car la femme n'a pas la carrure pour faire cela à son mari physiquement très lourd. Et aussi sur ce genre de choix où je trouve le scénario du film particulièrement malin, parce qu'en effet, oui, t'inverses les sexes et ce n'est plus la même chose... mais pas pour la raison que tu sous-entends !
Je suis team Tampoon. La femme experte qui analyse la chute au tribunal me semble tout à fait convaincante lorsqu'elle affirme la possibilité du suicide par l'examen de la chute, au grand désarroi de l'avocat général. Les éléments matériels qui incriminent Sandra sont très minces, quand même.
Et puis, je suis gêné par votre lecture du sauvetage de l'enfant. Celui-ci sauve sa mère, il invente peut être les paroles suicidaires du père dans la voiture, cela ne veut absolument pas dire que la mère est coupable. Pour moi il ajoute des éléments (vrais ou faux) à un dossier déjà en faveur de la mère.
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asketoner
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La Hija de todas las rabias, Laura Baumeister

5 personnes à 20h30 hier soir dans l'unique salle parisienne qui diffuse ce film,
dont une qui a passé la séance à triturer des sacs plastiques,
et une autre assise près des toilettes et qui a dû y aller quatre fois à peu près.

Sinon, le film était assez mauvais, hésitant sans cesse entre des plans très larges et un peu impressionnants et une caméra portée impersonnelle. La réalisatrice ne fait pas de choix. Elle s'accroche à son actrice en espérant qu'elle magnétise notre attention, mais ça ne suffit pas. On voit quelques paysages du Nicaragua, et voilà.
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sokol
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Je n'en reviens pas : non seulement sort en octobre un film sur Bernadette Chirac (le premier titre étant : La Tortue :lol: :lol: ) mais c'est Deneuve qui joue son rôle !!!
:eek:

Qu'est ce que sera un tel film dédié à des personnages les plus pourris de la politique française de ces 30-40 dernières années (je parle de Chirac avant tout), au même titre qu'un Pasqua, Fillon, Sarkozy ou MAM (tiens, cela doit 600 000 € au Parlement européen ! https://www.lemonde.fr/societe/article/ ... _3224.html - et dire qu'elle voulait être présidente de la République !! :lol: :poop: ). Car, je veux bien avouer que "The Queen" de Stephen Frears m'avait bien plu mais, primo, la reine/le roi n'est pas un personnage politique (au sens premier du mot) au Royaume-Uni Uni et, secundo, sauf miracle, qu'est ce que Léa Domenach (la réalisatrice, son premier film apparemment) fera de cette Bernadette ?? Frears avait vraiment de la matière pour faire quelques chose avec l'histoire de la reine et Diana (tout comme l'excellent Pablo Larraín avec "Jackie" d'ailleurs) mais là ??? :roll: :roll: :roll:
Ou alors, une comédie à la "Serial mother" mais pour cela, il faut s’appeler John Waters !
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Jean-Marie Straub
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asketoner
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sokol a écrit :
jeu. 14 sept. 2023 12:11
Je n'en reviens pas : non seulement sort en octobre un film sur Bernadette Chirac (le premier titre étant : La Tortue :lol: :lol: ) mais c'est Deneuve qui joue son rôle !!!
:eek:

Qu'est ce que sera un tel film dédié à des personnages les plus pourris de la politique française de ces 30-40 dernières années (je parle de Chirac avant tout), au même titre qu'un Pasqua, Fillon, Sarkozy ou MAM (tiens, cela doit 600 000 € au Parlement européen ! https://www.lemonde.fr/societe/article/ ... _3224.html - et dire qu'elle voulait être présidente de la République !! :lol: :poop: ). Car, je veux bien avouer que "The Queen" de Stephen Frears m'avait bien plu mais, primo, la reine/le roi n'est pas un personnage politique (au sens premier du mot) au Royaume-Uni Uni et, secundo, sauf miracle, qu'est ce que Léa Domenach (la réalisatrice, son premier film apparemment) fera de cette Bernadette ?? Frears avait vraiment de la matière pour faire quelques chose avec l'histoire de la reine et Diana (tout comme l'excellent Pablo Larraín avec "Jackie" d'ailleurs) mais là ??? :roll: :roll: :roll:
Ou alors, une comédie à la "Serial mother" mais pour cela, il faut s’appeler John Waters !
C'est aberrant... J'espère qu'il y aura aussi peu de spectateurs que pour le film nicaraguayen. (Mais je pense qu'il y en aura autant que pour Barbie...)
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asketoner a écrit :
jeu. 14 sept. 2023 12:56
C'est aberrant... J'espère qu'il y aura aussi peu de spectateurs que pour le film nicaraguayen. (Mais je pense qu'il y en aura autant que pour Barbie...)

:lol:

Bon, je ne pense qu'il y en aura autant que pour Barbie car la publicité ne sera certainement pas la meme - de surcroit, Deneuve, chez "le grand public" passe pour une ringarde, j'en suis sur.

Je viens de voir la BA. Bon, je sais bien que la BA ne veut rien dire mais apparemment le film mise sur la mise en valeur de Bernadette mais justement, c'est ça le problème (qu'est ce qu'il y a avait à mettre en valeur chez cette femme ?? Rien !! Rien de chez rien ! Ou alors, son cocuisme légendaire :D )
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groil_groil
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Le nouveau film d'Anton Corbijn est un documentaire sur l'agence de graphistes consacrée aux pochettes de disques Hypgnosis, mythique durant les 70's et lui permettant de renouer avec ses premières amours. Le film est magnifique, érudit sans être réservé aux spécialistes, émouvant, et avec des intervenants haut de gamme (David Gilmour, Roger Waters, Paul McCartney, Jimmy Page, Robert Plant, Peter Gabriel, Noel Gallagher, etc...) et dieu merci il n'oublie pas de mentionner Peter Christopherson qui fut le 3ème associé de l'agence.

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A la suite de la fermeture de leur maison close, plusieurs prostituées, emmenées par Adua (Simone Signoret) décident de se mettre à leur compte, ouvrant une auberge-restaurant à la cambrousse qui pourrait éventuellement tenir lieu de bordel à l'étage. Mais leur désir d'indépendance tourne court dans une société italienne 100% patriarcale où il est impossible de monter le moindre projet en se passant des hommes. Encore un film magnifique signé Pietrangeli, décidemment l'un des trésors les mieux cachés d'Italie, sans aucun doute le cinéaste de l'époque qui a le mieux pris en considération la cause des femmes.

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Super. Dans ce qui pourrait presque être une suite au très réussi Au Poste !, Dupieux affine de plus en plus son trait, va à l'essentiel, écrit de mieux en mieux et surtout se détache complètement des références étouffantes qui bloquaient et limitaient certains de ses premiers films. Quenard est énorme, mais attention on commence déjà à beaucoup le voir (je l'ai vu dans 5 films différents en trois semaines, et sans faire exprès), et il a beau être génial, il joue un peu toujours pareil.

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Dans cette sorte de pré-Norma Rae néo-réaliste, Magnani est super est fait preuve d'un peu de retenue dans son jeu. Le film est super, mais Zampa souhaite adopter le style le plus universaliste possible pour faire passer son message et il en oublier peut-être un peu de personnifier sa mise en scène.

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Zem, excellent, se donne du mal, mais ce film, qui est sans doute un premier essai, flemme de vérifier, mais ça semble évident, et si maigre et si dénué d'enjeux, il ne dure qu'1h15 génériques compris, ressemble plus à un court métrage gonflé qu'à un véritable long, et ne suscite de fait, aucun intérêt.

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Par choix, une jeune femme va travailler dans un petit club de strip-tease. Elle y tombera notamment amoureuse d'une jeune femme qui fait le même boulot qu'elle, perturbant sa vie personnelle et amoureuse. Franchement pas mal, de la personnalité, et deux actrices que j'adore et qui sont ici à leur haut niveau : Zita Hanrot et Louise Chevillotte.

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Deux cinéastes/ journalistes/ éditeurs ont récupéré un gros carton d'archives des films réalisés en super 8 ou 16 par les deux membres du groupe Coil, tous deux décédés, et en proposent un montage d'un peu plus d'une heure, accompagné des musiques du groupe. C'est un enchantement pour les fans que de découvrir ces images rares, courts métrages, rushes de clip, films de vacances, expérimentations très hard et choquantes parfois, avec pas mal de proches de la sphère à l'image : tout TG, PTV, Monte Cazzaza, Marc Almond... Gros et intense moment d'émotion.

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Encore envouté par A Way To Die, j'ai enchainé avec ce court documentaire montrant des images d'archives, interviews et extraits de concerts de 4 groupes phares de la scène indus : Coil, Current 93, Test Dept. et Foetus. C'est super évidemment, mais il n'y a pas de mise en perspective, ni de construction véritable d'un film. On passe de l'un à l'autre, sur de courtes scènes, toujours de la même façon. Pour fan only.

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Faut être honnête, Maiwenn se donne du mal, y a un gros effort de reconstitution (même si historiquement tout est foireux, on s'en branle) et des moyens, beaucoup d'ambition qui se voit à l'image. Mais malgré ça et malgré un discours sous-jacent se voulant moderne, le film est finalement mis en scène de manière aussi plan-plan que n'importe quel nanar en costume d'hier ou d'aujourd'hui. Ce n'est pas désagréable à regarder (alors que je pensais que si a priori) mais ça n'a aucun intérêt et ça s'oublie aussitôt vu.

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Petzold est parfois capable de réussir de grands films, cf l'excellentissime Phoenix, mais là on lui avait déjà trop dit que c'était un grand auteur, du coup il se croit obligé de couper en permanence cette simple histoire de rupture amoureuse suivie d'une nouvelle rencontre par des scènes oniriques sous l'eau ultra chiantes et qui reviennent toutes les 10 minutes, juste là pour montrer que "ch'uis un auteur, tavu !" Boring !

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Je pensais me faire chier mais en fait c'est pas mal, y a un côté Fitzcarraldo ou même Apocalypse Now dans la démesure de ce film, dommage que Pontecorvo ne soit ni Herzog ni Coppola, même si plein de choses sont réussies dans le film, notamment la façon de filmer les foules, saisissantes. Mais c'est parfois un peu brouillon. Et extraordinaire score de Morricone, assez étonnant et innovant, mais dont l'un des thèmes et parmi ce qui l'a signé de plus original.

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Un entraineur de basket déchu mais qui fut jadis au top, se retrouve à entrainer une équipe de déficients mentaux à Des Moines, Ohio. Evidemment il commence avec des bras cassés et il finit avec une équipe qui joue hyper bien ensemble, évidemment, le film enchaine l'un après l'autre tous les clichés de ce genre de cinéma, sans en oublier aucun, mais il y a une jubilation totale à retrouver un film des Farrelly (même si Bobby est désormais en solo) à l'ancienne, avec tout le charme qui nous faisait aimer leurs films jadis. Oui, rien de neuf, et ça fait dater, bien sûr, mais j'ai eu beaucoup de joie à retrouver cet humour potache et naïf et bon enfant que j'aime tant et qui a malheureusement quasiment disparu des écrans.

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Rien de plus que du Agatha Christie relooké. Plutôt bien fait, mais marre de ses films qui ne pensent qu'à leur scénario.

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ça fait vraiment plusieurs années que je n'avais pas vu une merde de compétition de ce niveau, ça dépasse l'entendement. Ce n'est qu'une vaste pub Mattel à peine déguisée (puisque la firme de jouets est productrice du film) dans laquelle ils essaient de renouveler leur image avec des gens hype, et des concepts bidon en vogue aujourd'hui. J'ai toujours trouvé que Gerwig était une cinéaste et scénariste nullissime, donc pas étonné, en revanche ça me désolé que Baumbach ait trempé les mains là-dedans.

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Un bon post-western, genre dont Ralph Neslon est un des meilleurs représentants, même si ici il est loin du niveau de son chef-d'oeuvre Soldat Bleu.
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asketoner
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@groil_groil Tu as inversé les affiches de Undine et Le Principal.

(Du coup je me demandais pourquoi je n'avais pas le souvenir d'avoir vu Roschdy Zem dans le film de Petzold. :D )
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asketoner
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L'été dernier, Catherine Breillat

Il y a toujours un moment dans les films de Breillat où le piège de la fascination se referme sur le récit, où le romantisme et l'horizon passionnel reviennent à la charge pour emballer l'affaire et créer du tragique un peu faux, compassé, où ce qui arrive aux personnages est "plus-fort-qu'eux". Et là, à chaque fois, les films de Breillat retombent. Le ton froid, distant, cruel, n'était là que pour élaborer un autre fantasme, mettre en place une autre scène glauque, activer la surenchère. Breillat ne détruit pas ce qu'elle voit, elle n'est pas exactement radicale, il y a du compromis dans sa vision, de la complaisance. Envers un milieu surtout, bourgeois, qu'elle décortique avec beaucoup d'humour (ces visages qui se noient dans d'immenses verres de vin), mais auquel elle ne trouve, pour seule faiblesse véritable, pour seul point d'atteinte, que la sentimentalité, et le vertige de désirer quelque chose qui pourrait tout foutre en l'air. L'été dernier est comme la plupart de ses films : beau, étrange, mais à la fin, l'esprit se défile au profit de l'effet, l'intelligence capitule, le cinéma fait son affaire.
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Tamponn Destartinn
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Régulièrement, Breillat engonce ses acteurs dans des positions absurdes pour la composition spécifique d'un plan. Parfois ça vaut le coup, parfois ce n'est pas loin d'être ridicule. Cela dit, le film ne se casse la gueule qu'à un seul moment à mon sens, à savoir la réaction immédiate de Lea Druker quand son mari la confronte. Pire direction d'acteur possible - mais heureusement ça ne gâche pas la suite. Quoiqu'il en soit, le film est très clair sur ce qu'il veut raconter et le fait bien, avec ce qu'il faut d'ambiguités pour éviter la morale, mais sans non plus tomber dans le dégueulasse. Après, le programme est très vite connu d'avance. Jusqu'à sa fin et son dernier plan très étonnant, pas loin d'être génial si ce n'est qu'il en devient aussi frustrant, car c'est un peu facile de ne sortir du rail qu'à la dernière seconde.


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J'aime bien que le personnage principal soit un con antipathique, car ça salit le ton un peu niais du cinéma de Gondry. Ce n'est pas la première fois, j'ai le souvenir lointain qu'il en était de même pour La Science des rêves. Comme en plus ici c'est autobiographique, il faut reconnaitre à Gondry un aveu assez rare. Mais hélas, il ne va pas au bout et tente de se sauver avec une histoire d'amour raté, sabotant le seul intérêt que j'aurais pu avoir pour ce film.

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J'ai tenu 50 minutes et j'ai honte de ne pas avoir lâché plus tôt.
On espérait rigoler un peu de la nullité du bousin, mais même ça, c'est impossible. Le film est plus triste qu'autre chose. Sincèrement, sans exagération, ça a le rythme d'un spectacle de fin d'années d'enfants de maternelle. C'est ahurissant.
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asketoner a écrit :
ven. 15 sept. 2023 16:29
@groil_groil Tu as inversé les affiches de Undine et Le Principal.

(Du coup je me demandais pourquoi je n'avais pas le souvenir d'avoir vu Roschdy Zem dans le film de Petzold. :D )
:lol: :lol:
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Kit
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 18 sept. 2023 00:44

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J'ai tenu 50 minutes et j'ai honte de ne pas avoir lâché plus tôt.
On espérait rigoler un peu de la nullité du bousin, mais même ça, c'est impossible. Le film est plus triste qu'autre chose. Sincèrement, sans exagération, ça a le rythme d'un spectacle de fin d'années d'enfants de maternelle. C'est ahurissant.
il s'en tamponne la Cotillard, s'il n'ira pas à Cannes pour la Palme, ce sera Le Cannet, euh ! le Canet
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Les enfants sont dans leur période De Funès, que voulez-vous... Là, ça commence pas mal, la première partie au restau est bien, notamment grâce à De Funès qui donne tout, et ça s'essouffle en seconde partie car le film se croit obligé d'y greffer une intrigue dont on se passerait bien.

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Sur l'île de la Réunion, un flic aux méthodes musclées et expéditives est aussi chanteur de charme ringard, auteur d'un gros succès 10 ans auparavant qui le poursuit, Le Kiki, dont il aimerait bien se débarrasser. ça pourrait être mieux, notamment au niveau de la mise en scène, mais même dans la gestion des scènes elles-mêmes, qui s'étirent parfois trop, dont les répliques manquent parfois de mordant, ou de rythme, mais je me suis quand même bien marré, notamment grâce à Cohen que je vois jouer pour la seconde fois seulement, la première fois c'était le génial Enorme, mais qui est pour moi un vrai acteur comique.
Ah et alerte Raphaël Quénard, 5 ou 6ème fois que je le vois dans un film en un mois !

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Un Poliziottesco par l'un des patrons du genre, Castellari, qui s'intéresse précisément à la manière dont la mafia romaine rackettait les commerçants, avec une violence et une cruauté inouïe. Bon cru du genre, même si beaucoup trop de scènes de bagarres et de coups de flingues, au scénario toujours limpide (ce n'est pas toujours le cas), et dont on ne souffre pour une fois pas trop de la post synchro, même s'il ne faut pas oublié que le Poliziottesco est un genre secondaire, pour ne pas dire mineur, qui n'a jamais produit de chef-d'oeuvre.
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Les choses belles dans ce second film de Grandrieux (que je n'avais étonnamment jamais vu alors que...) sont les scènes d'ouverture et de fermeture, en extérieur toutes les deux, et très expérimentale, ainsi que la bande originale, magnifique, et signés par les géniaux Etant Donnés, fer de lance de la scène industrielle française (ce choix prouvant s'il était encore besoin le goût et la culture du cinéaste - après avoir pour son premier film utilisé une bande son d'Alan Vega). Le reste, tout le corps du film en fait, me déçoit beaucoup. Grandrieux s'embarrasse d'un embryon de fiction alors que franchement il n'aime pas ça, comme si il fallait obligatoirement utiliser le narratif pour construire un film (ou sans doute pour trouver un distributeur). J'aurais vraiment préféré que le film ne soit qu'expérimental, Grandrieux en a le talent et possède une vraie force visuelle, mais son histoire de bordel glauque est totalement inintéressante pour le spectateur, mais surtout on voit que lui n'en a rien à foutre. Beaucoup d'ennui donc, et une attirance pour la violence physique (sur cette pauvre Anna Mouglalis surtout) qui est franchement dégoutante.
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sokol a écrit :
mar. 12 sept. 2023 14:37
Quand à moi, j'ai vu pour la énième fois (au total, je l'ai vu deux fois cet été) un des films les plus riches de Godard : Je vous salue, Marie (@B-Lyndon : je crois que tu ne l'as jamais vu : il est sur ARTE Replay mais pas pour très longtemps) :

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Et non seulement c'est un de ses 10-15 plus beaux films (c'est la preuve ultime de l'erreur de ma part de faire un top Godard car celui-ci figure à la vingtième place or, je le mettrais volontiers parmi ses 10 premiers) mais pour la première fois j'ai vu l'énorme influence de Bresson sur Godard. J'ai presque envie de dire que, "Je vous salue, Marie" c'est du "Au hasard Balthazar" en... musique ! (dans le sens : la musique est une image dans ce film). Et il y a même un âne
C'est curieux parce que je l'ai vu il y a quelques semaines et je m'en souviens plus du tout (à part au début où je me souviens avoir pensé que c'était pas Godard, et en effet c'était pas lui). Marrant que tu parles de l'influence de Bresson, parce que c'est peut-être le cinéaste dont j'oublie le plus les films. Et je l'adore en même temps.
De même pour "l'esprit de la ruche", revu (enfin je crois, je ne sais plus) et aussitôt oublié, c'est plutôt bon signe.

Cela dit, c'est comme les films où on s'endort, ça peut être merveilleux comme catastrophique. Combien de fois j'ai revu des merdes que j'avais complètement oublié...

En tout cas, merci à arte d'avoir diffusé ces 5 films de Godard que je n'avais pas encore jamais vus (à part "deux ou trois choses que je sais d'elle", un de mes préférés d'ailleurs) et qui sont plus rarement diffusés que "le mépris", "à bout de souffle" ou "Pierrot le fou".
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Ponette, Jacques Doillon

Très bon film, très original. Doillon ne traite pas son sujet, il s'y plonge, et ça fait une vraie différence. Il plonge dans l'enfance, dans la question de la mort et celle de Dieu. Le film n'est pas convenable, il est personnel.
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Excellent Breillat, peut-être bien son meilleur ou pas loin. Comme d'habitude elle choisit un sujet extrêmement provocant, voire scabreux, mais ce qui fait la différence ici c'est qu'elle ne le traite absolument pas de manière scabreuse. Elle en a une approche réservée, où elle s'intéresse beaucoup plus à la complexité des âmes et des sentiments, plutôt qu'à montrer du cul façon youporn entre un gamin et sa belle-mère. La preuve ultime, c'est que lors des rares scènes de baise, elle ne filme que les visages en très gros plan, et voir ainsi les textures de peaux si détaillées est incroyablement perturbant et réussi car elle permet de voir l'âme des personnages. La mise en scène est brillante, Léa Drucker sublimissime, si elle n'a pas le César de la Meilleure Actrice cette année ce sera un scandale, et Olivier Rabourdin, qui joue le mari, acteur trop discret par rapport à son talent, est lui aussi extraordinaire de nuances de jeu, tout en subtilité. Je ne pensais pas Breillat capable de revenir à son meilleur niveau, ça fait plaisir.
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C'est du Kaurismaki pur jus, donc on se régale de chaque instant et de chaque plan à revoir un vieux copain de bar qu'on n'avait pas croisé depuis un petit moment (il a d'ailleurs même trouvé une actrice étant la copie conforme de Kati Outinen, son égérie des 80's), mais le film est aussi et malheureusement totalement anecdotique et s'oubliera d'ici quelques jours.

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Les gosses vous font faire de ces trucs... :D non sérieusement, ce n'est pas un grand film, mais j'aime bien le rythme de la mise en scène de Dhéry, ça bouge tout le temps, plus que d'habitude, et puis il y a quelques scènes d'anthologie (comme celle du sermon de Jacques Legras).

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Panahi est exilé dans un tout petit village à la frontière Irano-Turque. Les gens le trouvent bizarre, il passe sa journée enfermée devant son ordi, où sort avec son appareil photo. Il est en fait en train de tourner son nouveau film à distance, puisque le gouvernement iranien, après l'avoir enfin laissé sortir de prison, continue à lui interdire de filmer. Mais deux événements vont provoquer sa chute. Premièrement, on lui reproche d'être de nuit allé en voiture jusqu'à la frontière, qu'on le soupçonne sans doute d'avoir voulu franchir, et cela est totalement interdit. Plus grave encore, on le soupçonne d'avoir pris en photo un couple de jeunes gens, qui seraient secrètement amoureux l'un de l'autre. Or la jeune fille est promise à un autre homme, ce fut décidé au moment où l'on coupa son cordon ombilical, comme c'est la tradition dans le village (sympa l'ambiance dans le village, hein ?). Panahi a beau nier, a beau montrer que cette photo n'est pas dans son appareil, personne ne le croit. Il est forcément coupable d'avoir immortalisé cette union que le village déclare illégitime, et va en faire les frais... Mêlant comme à chaque fois, mais ici avec beaucoup de complexité, la réalité de sa vie avec la fiction de son film, Panahi pose ici une nouvelle pierre à l'édifice immense qu'est son oeuvre cinématographique. Ce n'est pas son film le plus émouvant, la partie théorique prenant souvent le dessus, mais c'est néanmoins une belle réussite.
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C'est un roman secondaire chez Carrère, mais il y a quelques choses intéressantes dedans, en revanche l'adaptation de Claude Miller est complètement ratée (bon il n'a pas réussi beaucoup de films dans sa carrière en même temps...). Le cinéaste accorde beaucoup trop d'importance aux cauchemars du jeune garçon (qui sont certes importants mais tout de même...) et ça empêche totalement le récit éveillé d'avancer, celui-ci faisant du surplace tel un moteur qui ronfle mais ne démarre jamais. Du coup, quand tombe le couperet final, LA révélation, on en a rien à faire, car la mise en scène du film ne l'a pas amenée correctement. Qui plus est, l'ambiance générale est assez désagréable, gratuitement malaisante. Je sauve Emmanuelle Bercot qui jeune était déjà une super actrice (c'était avant qu'elle ne tourne son premier film en tant que réalisatrice).

PS. Je découvre sur l'affiche que ce film a eu le Prix du Jury à Cannes, c'est n'importe quoi...
PPS. OK c'était l'année où Scorsese était Président du jury et le Palmarès était catastrophique (en plus du Miller : Palme d'Or à l'Eternité et un Jour (gasp...), Grand Prix à La Vie est Belle (peine de mort rien que pour ça), prix du Jury ex-aequo à l'horrible Festen, prix de la mise en scène à Boorman pour Le Général, bref que de la merde en barres.
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sokol
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groil_groil a écrit :
mar. 26 sept. 2023 09:53

PPS. OK c'était l'année où Scorsese était Président du jury et le Palmarès était catastrophique (en plus du Miller : Palme d'Or à l'Eternité et un Jour (gasp...), Grand Prix à La Vie est Belle (peine de mort rien que pour ça), prix du Jury ex-aequo à l'horrible Festen, prix de la mise en scène à Boorman pour Le Général, bref que de la merde en barres.
Un des palmarès les plus nases de Cannes. Sans doute, Gilles Jacob a dû dire à Scorsese : "la Palme pour Angelopoulos car il fait la gueule depuis "Le regard d’Ulysse" (Grand Prix mais pas la Palme, 3 ans auparavant, donc en 1995 : Jeanne Moreau, présidente du Jury se fait encore engueulé dans sa tombe :D) et Scorsese, en hyper gentil (ça se sait) a exécuté sans la moindre hésitation.

Cela dit, les films à Cannes dans les années '90 étaient assez pourris je pense. C'était l'époque de Kusturica, Benigni et Vintenberg, c'est dire. Pour etre précis : en 98 on préférait "Festen" à "Les idiots" (puisque tous les deux danois) ou "La vie est belle" à "Aprile" (puisque tous les deux italiens). Il y eu que Godard qui avait dit : Kusturica a fait un film monstrueux (en parlant de Underground, Palme d'Or en 95) mais je crois que dans les années '90, on voulait faire passer Godard pour un has-been puis, arrive "Histoire(s) du cinéma" et tout le monde se la ferme mais ça c'est un autre sujet).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol a écrit :
mar. 26 sept. 2023 13:14
groil_groil a écrit :
mar. 26 sept. 2023 09:53

PPS. OK c'était l'année où Scorsese était Président du jury et le Palmarès était catastrophique (en plus du Miller : Palme d'Or à l'Eternité et un Jour (gasp...), Grand Prix à La Vie est Belle (peine de mort rien que pour ça), prix du Jury ex-aequo à l'horrible Festen, prix de la mise en scène à Boorman pour Le Général, bref que de la merde en barres.
Un des palmarès les plus nases de Cannes. Sans doute, Gilles Jacob a dû dire à Scorsese : "la Palme pour Angelopoulos car il fait la gueule depuis "Le regard d’Ulysse" (Grand Prix mais pas la Palme, 3 ans auparavant, donc en 1995 : Jeanne Moreau, présidente du Jury se fait encore engueulé dans sa tombe :D) et Scorsese, en hyper gentil (ça se sait) a exécuté sans la moindre hésitation.

Cela dit, les films à Cannes dans les années '90 étaient assez pourris je pense. C'était l'époque de Kusturica, Benigni et Vintenberg, c'est dire. Pour etre précis : en 98 on préférait "Festen" à "Les idiots" (puisque tous les deux danois) ou "La vie est belle" à "Aprile" (puisque tous les deux italiens). Il y eu que Godard qui avait dit : Kusturica a fait un film monstrueux (en parlant de Underground, Palme d'Or en 95) mais je crois que dans les années '90, on voulait faire passer Godard pour un has-been puis, arrive "Histoire(s) du cinéma" et tout le monde se la ferme mais ça c'est un autre sujet).
Je partage à 100% ton analyse. Retrospectivement aussi, les 90's sont une décennie où le cinéma d'auteur se cherche pas mal. Et plein de gugusses sont tombés dans le panneau des nanars maquillés en films d'auteur oui.
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Les Feuilles Mortes, Aki Kaurismaki

Pas meilleur ni moins bon que les autres films de Kaurismaki : le cinéaste tient son positionnement, à la fois local et désespéré, minuscule et fougueux. Il cherche l'image métonymique, et peut-être même la vie métonymique : en quoi le moindre humain souffre avec le monde dans son ensemble, en quoi le moindre chagrin relève d'une détresse internationale. La guerre en Ukraine réduit la puissance d'aimer, le travail précaire et les humiliations réduisent la puissance d'aimer, tout conspire contre l'amour. Certains ont honte de leur âge, d'autres boivent. Et puis, un soir, on jette à la poubelle l'assiette qu'on avait achetée pour recevoir un ami chez soi. On n'en veut plus, de l'autre. On risquerait même de s'en passer. Le film lutte contre le désespoir sans le cacher, il le prend pour principe fondamental de toute relation : quand tout le monde sera absolument, réellement triste, quand tout le monde sera débarrassé de sa honte et capable de porter sa tristesse, alors l'amour, peut-être, adviendra. La gare attaquée en Ukraine s'appelle Tchaplyne, le chien trouvé au coin de la rue s'appellera Chaplin aussi : un même nom contient à la fois l'oeuvre géniale et le désastre.
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Tiens, d'ailleurs, j'y pense : Ce vieux rêve qui bouge de Guiraudie, c'est du Kaurismaki !
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