Le Centre de Visionnage : Films et débats

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sokol
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Baxter, Vera Baxter

Bon, j'ai vu ce Duras. Mais la bonne nouvelle, ce n'est pas elle mais le fait d'avoir (re, re...)vu, par pur hasard le même week-end, "L'année dernière à Marienbad" et surtout de l'avoir... aimé !
Enfin !! :D

Bon, je vois bien que Duras a voulu faire "son Marienbad" (à mon avis, seule la musique marche très bien : une espèce de musique rumba, mais qui est diégétique en fait car, quand à un moment donné on change d'endroit, elle s’arrête pendant quelques secondes) donc, on peut déduire qu'elle vient de l’extérieur de cette maison bourgeoise.
Le reste... c'est plutôt décevant. Ou comment dirais-je, "n'est pas Resnais qui veut"

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Jean-Marie Straub
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cyborg
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De Zurlini je ne connais que son Journal Intime, que je n'avais guère aimé à cause de son style proto-académique, lourdement triste et tristement lourd. On retrouve ce même trait ici, bien que plus en germe, par une utilisation appuyée de la musique (faisant par la même occasion disparaitre les 3 scènes de musiques diégétiques, largement meilleures), un tort heureusement contre-balancé par un formidable sens de l'espace et un groupe d'acteurs épatant. Nous sommes vraiment au croisement d'une volonté de modernité (la "solitude" antonionnienne) mais sans sa radicalité, tout en se raccrochant à une approche sociale, héritée du néo-réalisme. Pour un film de cette époque (61) nous aurions pu redouter un portrait de femme paternaliste, mais Zurlini laisse à Cardinale largement le temps d'exister et de dévoiler la complexité de sa personnalité, de son tempéraments et de sa situation dans un monde profondément machiste et peu enclin à lui faire une place. Il y a à ce titre une terrible place de l'argent-fil rouge au long du film, qui circule de main en main, de personnages en personnages, renvoyant toujours d'une façon ou d'une autre Cardinale à la figure de la mendiante où à la figure de la prostituée, jusqu'à l'enveloppe finale, la plus dramatique, donnée par le si brave et gentil Perrin, qui lui non plus ne peut échapper à ces schémas inconscients.


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L'Afrique, plus exactement le Lesotho ici, comme on ne l'a jamais vu filmé (du moins à ma connaissance). Le film est très singulier par son sens visuel et plastique imparable, remplissant l'écran de couleurs et de paysages plus superbes les uns que les autres. Un peu trop peut-être, finissant par tendre vers une effectivité (et affectivité ?) quasi-National Géographesque (j'exagère...). Cet esthétisme très pensé vient enrober la quête d'une vieille femme cherchant à stopper les travaux de modernisation de son village qui détruiraient le cimetière ou sont enterrés ses proches... Une quête malheureusement cousue de fil blanc d'où s'échappe trop peu de vie pour vraiment convaincre. Je garde néanmoins le nom du réalisateur, Lemohang Jeremiah Mosese, pour voir ce qu'il pourra réaliser par la suite.


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The Exiles - Kent MacKenzie - 1961

Entre fiction et témoignage documentaire, The Exiles s'intéresse à quelques heures (une fin d'après-midi et nuit) dans la vie d'un groupe de jeunes amérindiens vivant à Los Angeles. Après des décennies d'oubli, ce film a refait surface à l'occasion d'une restauration il y a quelques années. Il est depuis lors considéré comme une étape importante de la représentation des amérindiens au cinéma, dépeint ici de façon aussi quotidienne qu'au bar, au volant d'une voiture ou en train de faire les courses, et non simplement réduit à une communauté séculaire hantant les territoires sauvages de l'ouest américain. Ce point est la grande force du film, à savoir l'importance politique d'une représentation de certains corps au cinéma, de plus dans un style très professionnelo-Hollywoodien, sorte de rencontre entre du cinéma-vérité et quelques captations extrêmement professionnelles. L'envers de la médaille est qu'il s'agit également un petit peu de son point faible. Les actions filmées étant presque toutes dédramatisés dans leurs simples banalités tout en s'inscrivant dans l'esthétique (salut La fureur de vivre & James Dean) et les problématiques (salut le machisme ambiant, notamment !) de l'époque : le message est donc clair, les amérindiens sont bien avant tout des américains des 50s commes les autres.
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asketoner
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Amsterdam Global Village, Johan van der Keuken, 1996

Ce que je retiens de Johan van der Keuken, c'est son esprit et la liberté avec laquelle celui-ci circule dans ses films, sans aucun dogmatisme documentaire.
Le film lui-même est anti-géographique au possible (on n'en sort pas en ayant la sensation de connaître Amsterdam), allant jusqu'à l'abolition de certaines distances, quand sans la moindre transition on se trouve soudain à Grozny, au Pérou ou à Sarajevo. Pas de plan sur un avion qui décolle ou une personne qui fait sa valise, non : les gens sont à la fois là et ailleurs, à Amsterdam ou dans le village de leur enfance. Ils vont, ils viennent. Les temps eux aussi s'enlacent, lorsqu'une femme Juive âgée entre avec son fils dans l'appartement où ils vivaient pendant l'Occupation, où loge à présent une femme venue d'Ouganda, avec laquelle elle partage un point commun, une douleur commune.
Il y a de nombreux moments magnifiques et poignants, parce que le cinéaste s'intéresse aux gens et à leurs histoires, et trouve pour chacun une façon de la raconter. Pour certains, ce sera un témoignage. Pour d'autres, une scène un peu plus élaborée. Pour d'autres encore, un instant purement cinétique (comme ce moment où le clochard se lève et avance pieds nus dans la ville). Quant au coursier, il est notre guide à travers la ville.
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groil_groil
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Le nouveau Loach est malheureusement raté et totalement anecdotique, et cela uniquement à cause de son scénario, qui en devient de suite ridicule de clichés, d'enfonçage de portes ouvertes, de facilités au-delà de l'acceptable, et de manque de nuances. Le sujet est beau et louable puisqu'il s'agit de filmer des réfugiés Syriens qui débarquent dans un petit bled anglais où ils sont accueillis de manière diverse. Le patron du pub The Old Oak se prend d'affection pour une jeune femme Syrienne photographe, et ensemble ils essaient de créer une synergie pour rassembler les gens, entre les piliers de pub racistes et agressifs et les syriens tous gentils et inoffensifs. C'est d'un neuneu qui frôle l'indécence, et la gentillesse de l'ensemble ne parvient malheureusement pas à en gommer les défauts omniprésents.

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Le nouveau Scorsese est en revanche, lui, une complète réussite, l'un de ses films les plus intelligents, les plus complexes et les plus riches, dans tout ce qu'il brasse en thématiques comme en idées de mise en scène. Je ne rentre ici pas dans l'histoire, vous la découvrirez ou la lirez sur un synopsis mais j'ignorais tout de ces indiens Osages, comme je pense beaucoup de Français, et cette histoire, qui est une histoire récente, m'a captivé comme elle m'a révoltée. C'est sans doute le film le plus engagé pour la cause des Indiens que j'ai pu voir. En cela, je le trouve assez proche du Nouveau Monde de Malick et de La Porte du Paradis de Cimino, même s'il ne s'agissait pas d'Indiens ici, mais bien de l'extermination d'un peuple par un autre, pour en occuper le territoire et piller ses richesses. C'est vraiment le Heaven's Gate de Scorsese et ça me fait plaisir de le voir à ce niveau. D'ailleurs, la preuve ultime que c'est un grand Scorsese, c'est qu'il est construit exactement comme ses plus grands films (Les Affranchis et Casino - et même le très bon Loup de Wall Street était construit ainsi de mémoire), c'est-à-dire le revirement final du protagoniste qui d'un coup va trahir tous les siens, les balancer à la police ou au FBI à la fois pour sauver sa peau et en sauver d'autres, et ce geste de trahison, à chaque fois, apparaitra comme le signe d'une rédemption. Oui, Killers Of The Flower Moon est de cette trempe.
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groil_groil
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ah et pendant la projo du Scorsese, je me suis dit que, s'il ne se barrait pas au bout du premier 1/4 d'heure, @sokol allait beaucoup aimer, voire adorer le film.
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sokol
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groil_groil a écrit :
jeu. 26 oct. 2023 12:31
ah et pendant la projo du Scorsese, je me suis dit que, s'il ne se barrait pas au bout du premier 1/4 d'heure, @sokol allait beaucoup aimer, voire adorer le film.
:lol:
Or, c'est le premier quart d'heure qui compte car, après, ce n'est qu'une affaire de "furie de sons et d'images" (JLG) donc, forcement... :p

ps: cela dit, le sujet m’intéresse un peu mais 3h30, c'est niet (je te rappelle que le Radu Jude dure une heure de moins :langue: )
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Jean-Marie Straub
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groil_groil a écrit :
jeu. 26 oct. 2023 12:10
D'ailleurs, la preuve ultime que c'est un grand Scorsese, c'est qu'il est construit exactement comme ses plus grands films (Les Affranchis et Casino
Tu veux dire que, par exemple, le film est "inondé" par la voix off ? (je ne le dis pas péjorativement car dans ces deux films, la voix off est très probablement ce qu'il a eu de plus réussi au cinéma : deux excellents bons exemples)
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sokol a écrit :
jeu. 26 oct. 2023 14:29
groil_groil a écrit :
jeu. 26 oct. 2023 12:10
D'ailleurs, la preuve ultime que c'est un grand Scorsese, c'est qu'il est construit exactement comme ses plus grands films (Les Affranchis et Casino
Tu veux dire que, par exemple, le film est "inondé" par la voix off ? (je ne le dis pas péjorativement car dans ces deux films, la voix off est très probablement ce qu'il a eu de plus réussi au cinéma : deux excellents bons exemples)
non il y en a assez peu de voix off
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sokol
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non il y en a assez peu de voix off
ah, il y en a quand même :D (c'est sa spécialité en tout cas)
Modifié en dernier par sokol le sam. 28 oct. 2023 01:10, modifié 1 fois.
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asketoner
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Silence has no wings - Kazuo Kuroki - 1966
Le synopsis, lu sur la loupe il y a de nombreux mois me hantait depuis lors : "Un jeune gar­çon cap­ture un papillon de Nagasaki alors qu’il est à Hokkaidô, à l’autre bout du Japon. Le film revient sur le long tra­jet effec­tué par l’insecte, s’attar­dant sur les hom­mes et les fem­mes qu’il a obser­vés durant son voyage." L'originalité de la structure du film en fait tout son intérêt, profitant de l'improbable trajet de l'insecte pour mettre en scène une série de scénettes dressant le portrait d'un Japon encore totalement traumatisé par la fin de la deuxième guerre mondiale. Ce même système fini par montrer ses limites quand le film déborde "à l'international" et que la chenille du papillon fait une virée jusqu'en territoire chinois et se retrouve l'enjeu d'une sombre bataille de mafioso, situation tirant absurdement en longueur et quelque peu pénible. Il m'en restera donc essentiellement un style cinématographique audacieux n'hésitant pas à expérimenter.
Pas grand chose à ajouter à ce qu'a écrit cyborg. C'est un film typique de la nouvelle vague japonaise, souvent très beau à regarder, avec une dimension politique très nette, et pourtant quelque chose ne prend pas. Il faut dire que l'idée de la femme-papillon est quand même totalement bidon. Ce qui est magnifique, c'est le petit garçon qui court pour attraper le papillon, et auquel on dit que ce n'est pas possible qu'il l'ait vraiment attrapé, qu'il a dû le voler.
(On pourrait dire que le film est comme EO de Skolimowski, mais avec une chenille à la place de l'âne.)
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Tyra
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Podalydès ne se contente plus que de jouer sa petite musique, apposer sa marque et son ton vaguement reconnaissable sans se fouler plus que ça. Avec un peu plus de travail et d'engagement, ça pourrait être bien (car l'idée de départ est prometteuse), mais apparemment ça suffit pour financer et sortir un film tous les deux ans, alors pourquoi se fouler.

Assez client des histoires d'imposture, je suis allé voir :
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Plus haut vous parliez des voix off au cinéma. Et bien ici, en voilà une de ratée, voir même assez catastrophique, aussi mal écrite que redondante par rapport aux images. En fait, le film a pas mal de défauts : un Alexis Manenti assez mauvais dont on comprend mal comment son personnage assez effacé et terne puisse séduire à ce point le perso principal, au point de lui faire faire une telle folie. Et puis, j'en ai un peu marre, à force, de toutes ces productions françaises post-Dardenne caméra à l'épaule, j'y vois toujours une façon artificielle de tenir attentif le spectateur, de se débarrasser de l'espace et du temps dans les scènes. Et malgré cela le film reste assez beau, assez fort, ménageant un beau suspense par le récit tout à fait convaincant de cette descente aux enfers de cette femme que l'on arrive à aimer malgré tout jusqu'au bout, prise dans l'engrenage de son mensonge jusqu'au point de non retour. C'est aussi un film assez fort sur la solitude.

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Je suis resté un peu à distance tout le long devant cet objet assez bien fait - comportant quelques belles scènes inspirées, une relation père-fils qui marche bien - mais un peu appliqué, peinant à dépasser la note d'intention... Et là encore, trop de caméra à l'épaule, pas assez de plans (je rejoins Bégaudeau à ce sujet). A tel point que certaines scènes s'action me furent illisibles. Et je ne trouve pas les créatures si réussies qu'on ne le dit, ce serait même le gros point noir, elles sont assez laides et empruntées, alors que le film tend à vouloir nous rendre ces mutations animales désirables.
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asketoner
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Sapekhuri, Aleqsandre Rekhviashvili, 1985

Un film impressionnant, qui prend le parti du champ/contrechamp permanent, pour marquer des séparations, des frontières et des oppositions, et permettre aux personnages d'apparaître et de s'inscrire à leur façon dans des cadres qui ne les contiennent pas tout à fait, qui ne les représentent pas totalement, mais où quelque chose d'une relation (entre l'être et le monde) essaie de s'articuler.
Il s'agit essentiellement de plans d'intérieurs, saturés d'objets, de formes et de couleurs (quelque part entre Sergei Paradjanov et Wes Anderson ; Paradjanov pour la tentation de l'enchevêtrement plus que celle de l'ordre, Wes Anderson pour la mélancolie des personnages), mais aussi de recoins et de rideaux avec lesquels organiser des fuites et des surgissements. C'est ça qui est très spécial : aucun des plans n'est tout à fait fixe, il y a toujours un travelling avant ou arrière en cours, et quand on revient vers un personnage l'axe est légèrement décalé, le film préférant créer des secousses ou des tremblements plutôt que de la continuité logique. Le père du héros, à chacune de ses répliques, sort de son bureau, même si ses répliques s'inscrivent dans une même conversation.
L'atmosphère est spéciale, flottante, pleine de répétitions loufoques, de surgissements invraisemblables que personne ne remet en question. Le héros très gentil, qui aime ses amis et les plantes (mais pas trop son père), et attend d'obtenir un poste de botaniste en ville, est soudain victime d'un coup de froid au coeur de l'été. Rien n'est parfaitement normal, toute la réalité semble rejouée autrement. Sans folie non plus, mais avec une fantaisie existentielle assez profonde. J'ai adoré la scène où le héros note sa nouvelle adresse directement sur le mur du salon de son amie.
On dirait que chaque plan raconte une tentative d'habiter - habiter chez soi sans s'amoindrir - entrer chez l'autre sans se perdre - ou vivre avec lui, dans ses recoins, ses caves, ses dédales. La mise en scène tient en quelques mots : avec, contre, sans.
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Le Procès Goldman, Cédric Kahn

SI le film est assez clair sur ce qu'il donne à entendre (l'antisémitisme & le racisme de la société française, et la façon dont les personnes racisées ménagent leur discours et dissimulent leur honte pour continuer de s'adresser à tout le monde), il l'est un peu moins sur ce qu'il montre. En se coinçant dans un tribunal, la seule beauté peut venir de la parole et de la façon dont certains personnages s'en emparent. Cela a lieu quelques fois (avec la femme de Pierre Goldman notamment), mais pas à chaque fois (les plaidoiries des avocats sont vraiment tartes, d'ailleurs je me demande si elles sont tirées du procès réel ou réécrites). La salle du tribunal elle-même est filmée comme un studio de télévision, avec ses réactions hypertrophiées, unanimes et courues d'avance (la foire d'empoigne, le silence subjugué, les applaudissements, la réaction isolée...). Et quelques plans insistent beaucoup sur les sosies (Jean-Jacques Goldman toujours dans l'axe, Régis Debray et sa moustache, et Simone Signoret, hélas toujours un peu distante, ou bien la tête plongée dans son sac à main, parce qu'elle ne devait pas être assez ressemblante, la pauvre).
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Tamponn Destartinn
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Un film où, tout du long, j'ai hésité à voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Il est par exemple étrange de trouver les dialogues parfois bon, parfois raté. Pareil sur la photo, sa qualité varie constamment. Si les deux acteurs principaux sont très bon (même Duris, oui oui), sur les secondaires ça dépend (même si ici le problème est principalement les copains ""ados""). Mais à vrai dire, distribuer les points comme je le fais me parait assez vain. Car j'apprécie avant tout ce désir de faire un Black Hole franchouillard. L'ambition est folle et le résultat franchement convaincant, donc non, je ne pinaillerais pas sur les défauts et le verre est à mon sens à moitié plein et son liquide est aussi bon que rare.

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Ce jour est arrivé. Je vais écrire : Leonardo DiCaprio est trop vieux pour ce rôle ! C'est drôle de voir Jesse Plemons l'appeler "Son" alors qu'il a 15 ans de moins que lui. Qui plus est, quelle drôle d'idée d'avoir choisi ce rôle pour tenter une Brando, avec la tête de bouledogue et les fausses dents pourries. Le personnage est sensé n'avoir pour lui que sa belle gueule, je ne comprends pas.
Bref, une nouvelle fois je pinaille pour dire ensuite qu'au fond, ce n'est pas bien grave. Scorsese est en forme, il nous livre un nouveau film-monde, bien plus réussi que son précédent à mon sens. Le sujet est incroyable, qui méritait bien ces 3h20 pour un récit très bien rythmé et sans cesse relancé. Même, Scorsese vieillit bien car sa mise en scène a gagné en sagesse. Ce n'est pas qu'il était avant "un petit malin", mais je ne sais pas trop comment le dire autrement. L'exemple le plus évident est surement les scènes de meurtres : minimaliste au possible et c'est tant mieux. Après, je m'interroge juste sur la place laissé aux natifs américains. Se focus sur le point de vue de leurs tortionnaires, ok, après tout c'est typique Scorsese. Mais j'ai été déçu de ce qu'il fait du personnage de Molly au fur et à mesure que le récit avance. Pendant la première heure, ça va, mais progressivement on la perd. Et il aurait pu en être autrement. Par exemple, son lien avec Rita sa dernière soeur est ultra théorique, on en voit rien, contrairement à Anna avant cela. Et puis même, son mariage avec DiCaprio lui même manque de chair, alors que c'est le coeur de tout. En gros on comprend qu'il l'aime vraiment, malgré ce qu'il fait, et on ne creuse pas plus. C'est dommage. Surtout pour un film aussi long.
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asketoner
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Papa vient dimanche, Radu Jude, 2013

L'un des meilleurs cinéastes actuellement, c'est une évidence une fois de plus avec ce film. La mise en scène est d'un calme absolu, sans le moindre effet, pour suivre cette journée dans la vie d'un père séparé, qui va peu à peu se transformer en fou furieux. Radu Jude fait confiance à la durée des scènes, et pour autant il n'est pas accro au plan-séquence : il sait être attentif au réel mais il parvient aussi à couper, monter les scènes, proposer des raccords discrets mais pas dissimulés, des raccourcis pour éviter les piétinements inutiles, même si ce qu'il filme est l'histoire d'un enlisement. Il y a chez lui une grande liberté, et une grande précision aussi : précision dans la direction d'acteurs, et précision du regard : on dirait qu'il est très conscient du sens de ce qu'il montre. L'intelligence est également celle du récit, car si la majeure partie du film est occupée par le père qui tente de récupérer sa fille chez son ex-femme, il y a un début terrible, qui va infuser sur tout ce qu'on verra ensuite, où l'homme passe chez ses parents pour leur emprunter leur voiture, et où cette simple demande, par ailleurs acceptée et prévue, se change en chantage et en humiliation. Radu Jude semble donc suivre un fil assez net, pour raconter comment les pères confondent l'amour et la violence, l'affect et la propriété.
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groil_groil
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Elle anime à la radio une émission sur la sexualité féminine qui cartonne, il enseigne l'histoire contemporaine en Fac (ses cours portant sur le conflit Israëlo-Palestinien, c'est à la fois un drôle de hasard vue la situation actuelle et une jolie métaphore de l'état de leur relation), ils sont en couple depuis longtemps, ils ont deux enfants, ils s'aiment mais pourtant... ils passent leur vie à s'engueuler, à se pourrir, à tel point que c'est devenu à la fois une habitude et une situation intenable. Afin de sauver leur couple, les deux vont mettre au point une charte, qu'ils se promettent de respecter, même s'ils savent que ce ne sera pas une mince affaire. Le film est écrit par Camille Chamoux, son interprète principal, et on devine sans mal tout c'est qu'elle a pu y mettre d'autobiographique. Car elle est impliquée comme jamais, et le film très réussi. C'est vraiment super drôle et bien écrit, assez trash mais sans jamais tomber dans le scabreux ni la gaudriole. C'est un film avec un point de vue d'auteur tout en restant grand public, et qui parvient à être franchement drôle, souvent hilarant, tout en drainant avec lui une certaine mélancolie. C'est aussi un film qui se distingue par l'excellence de ses comédiens. Je l'ai déjà dit pour Camille Chamoux, mais Damien Bonard prouve une fois de plus qu'il est un des plus grands comédiens de sa génération, se remettant en cause à chaque film, il est donc tout aussi à l'aise dans le registre comique. Quelle joie aussi de retrouver Jeanne Balibar et Ariane Ascaride dans leur meilleur rôle depuis bien dix ans, deux rôles différents mais aussi trash l'une que l'autre, dans un registre pas éloigné d'un Superbad parfois. On retrouve aussi le jeune Quentin Dolmaire (Trois Souvenirs de ma Jeunesse, Ulysse & Mona), mais j'ai surtout eu la joie de voir mon ami Jean-Paul Bezzina prendre beaucoup de plaisir à jouer un masculiniste au bord du grotesque, et exceller en leader d'une chorégraphie endiablée sur le chef-d'oeuvre "Tangerine" de Christophe, morceau réalisé avec Alan Vega et Marc Hurtado.
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asketoner a écrit :
lun. 30 oct. 2023 10:36
Il y a chez lui une grande liberté, et une grande précision aussi : précision dans la direction d'acteurs, et précision du regard : on dirait qu'il est très conscient du sens de ce qu'il montre.
:jap: Que tu les dis bien ! Je l'avais beaucoup aimé, mais on ne savait pas trop à l'époque ce que deviendrait Radu Jude. Et même si évoquer Godard peut devenir un peu chiant, la liberté et la précision étaient vraiment parmi ses deux qualités principales donc oui, on peut dire que très probablement Jude est un de ses rares disciples crédibles
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Aferim !, Radu Jude, 2015

Ca, par contre, je vois un peu moins l'intérêt.
Disons que c'est un peu comme un film des Monty Python mais avec une visée politique. Il s'agit de montrer que l'Histoire est d'abord d'une histoire de la violence et de sa légitimation. Que tout ce que nous avons appris, les dates, les costumes, les palais, les traditions, les lois, l'organisation des sociétés, ne recouvrent qu'une seule chose : la domination de l'être humain par l'être humain. Et que nous vivons dans cet héritage direct (que nous suivons cette ligne, exactement comme dans Papa vient dimanche finalement, mais cette fois-ci la ligne n'est pas seulement familiale ou psychologique) en le dissimulant, en l'étoffant et le parant de toutes sortes de choses savantes, délicates et intelligentes, alors que la réalité n'est pas beaucoup plus reluisante qu'une série de massacres.
Radu Jude est très convaincant, mais ça ne procure ni un réel plaisir ni une véritable réflexion. La faute à un ton peut-être trop emprunté, goguenard, qui épuise vite, parce qu'il est finalement assez convenu. Mais sans doute a-t-il lui-même perçu la limite de son film, en tout cas il semble avoir voulu le refaire mais d'une toute autre façon avec Peu m'importe si l'Histoire nous considère comme des barbares, autrement plus ample.
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Déjà il ne faut retenir que le titre original, The New Daughter, et pas l'affreux titre français qui oriente à tort sur un survival. Costner joue un type qui vient de se séparer de sa femme et qui s'installe avec ses deux gosses dans une nouvelle maison en pleine cambrousse. Maison qui s'avère hantée et dans le jardin de laquelle un gros monticule témoigne d'un ancien monument funéraire indien, dont la puissance psychique est indemne et va peu à peu envoûter la fille adolescente du héros, la transformant en une autre, habitée et démoniaque. J'avais déjà vu ce film à sa sortie dvd (il est inédit en salle en France) et celui m'avait bluffé par son côté film d'horreur radical et jamais putassier. Costner y est énorme et c'est étonnant de le voir dans un tel film de genre, surtout avec une fin si sombre (affreux). Le film supporte très bien le revisionnage, même si le côté surprise s'estompe, c'est toujours aussi flippant, angoissant, et mis en scène sobrement, sans les artifices putassiers de l'époque.
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Friandise absolue, que je connais évidemment par coeur, croisement idéal de comédie et de film d'action, True Lies est, et même si on sent un peu trop dedans l'Amérique triomphale de Bush, une merveille de film de son époqimue, un précis de mis en scène, quelle part entre Zemeckis et De Palma (ce dernier s'en étant d'ailleurs beaucoup inspiré pour son Mission Impossible).
Modifié en dernier par groil_groil le mer. 1 nov. 2023 10:21, modifié 1 fois.
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Les images n'ont pas l'air de passer.
Il s'agit de :
. Instinct de Survie
. True Lies
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asketoner a écrit :
mer. 1 nov. 2023 00:11
Mais sans doute a-t-il lui-même perçu la limite de son film, en tout cas il semble avoir voulu le refaire mais d'une toute autre façon avec Peu m'importe si l'Histoire nous considère comme des barbares, autrement plus ample.
Oui, le sujet des deux films est le racisme des roumains donc, ils sont proches, même s’ils évoquent des périodes assez éloignées de l’histoire de ce pays.
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asketoner
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L'Ami américain, Wim Wenders, 1977

Esthétiquement très satisfaisant, virtuose, d'une inventivité qui semble sans limite, avec des couleurs à tomber par terre et la cinégénie évidente de Hambourg,
et pourtant, dans le fond, ça ne vole pas beaucoup plus haut qu'un Scorsese :
personnages qui ne savent pas qui ils sont (mais qui ne font aucun effort pour le savoir), mélancolie de pur confort, maximes creuses sur la vie et la mort, sexisme calme (avec quand même une gifle au bout du compte), scénario bidon (le bien, le mal, la tentation), violence agréée, complaisance à tous les étages.
Et pourtant (encore), j'y ai trouvé mon compte : mystère... L'histoire est sinistre (à vrai dire elle me dégoûtait, je détestais les personnages), mais l'énergie qui la conduit très libre au contraire, dans une forme d'affirmation réjouissante. J'aurais simplement aimé que cette liberté ne se prenne pas au détriment des questions (morales, éthiques, philosophiques, psychologiques, politiques, sociales, existentielles), mais avec elles. La liberté de Wenders, en fait - comme celle de pas mal d'artistes de sa génération - , est très individualiste : c'est-à-dire qu'on l'admire (quel culot) sans partage possible. C'est une liberté arrachée à la conscience, à l'intelligence, aux autres. Une jouissance solitaire, et qui demande qu'on l'admire.
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BoBleMexicain
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On insistera jamais assez sur l'importance de la BO d un film
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The Appointment, Lindsey C. Vickers, 1981

Rien de léger dans The Appointement : chaque scène dure des plombes, étirée jusqu'à l'écoeurement. La plus marquante est sans doute celle du regard échangé entre la fille et le père, après que celui-ci l'a déçue. Il y a bien une douzaine de champ/contrechamp sur leurs visages. Cette insistance est de toute évidence une marque de fabrique, puisqu'elle s'applique à tout ce qui nous est présenté : la scène du somnifère, celle de la poignée de porte, celle de la route de montagne... jusqu'à la catastrophe. On ne sait pas exactement ce que cherche le cinéaste, s'il vise plutôt le malaise ou l'ironie. La pulsion incestuelle est là, elle flotte dans son écrin de normalité tranquille. J'ai parfois eu l'impression que le film justement s'attaquait à la normalité, s'appliquait à la démanteler avec son insistance, jusque dans le sommeil de ses personnages.
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Portraits fantômes, Kleber Mendonça Filho

Le cinéaste a pris le genre documentaire pour un délassement en attendant la prochaine fiction. J'ai eu l'impression de le regarder remplir une grille de mots fléchés. En tout cas ça a cette intensité-là.
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Une Femme dans le vent, Yasujiro Ozu, 1948

J'ai senti au moins trois moments de pure extase dans le film, trois moments où les plans semblent tenir en équilibre sur rien et pourtant tiennent et s'élèvent. Ozu est un cinéaste inouï. On le voit d'autant mieux dans ce film qui n'a pas encore la puissance formelle des suivants. Le son est pauvre, l'image est simple, pourtant la grâce est déjà là, l'émotion poignante d'un regard, d'une tête qui se tourne, d'une main qui se tend avec un peu d'argent dedans.
On aurait vite fait de ranger Ozu du côté de l'ordre moral. Mais la vérité, c'est qu'il scrute la société comme personne. Et dans son attention à la vie ordinaire, aux gens normaux, il développe un point de vue critique qui n'est jamais séparé de l'empathie. Jusqu'à ce plan final terrible, ambivalent, où le couple enfin se réconcilie, mais où la femme disparaît dans l'étreinte du mari, à part ses mains, unies derrière son dos à lui, comme si elle priait, comme si amour et dévotion, pour elle, se confondaient.
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Man of the Story - Adoor Gopalakrishnan (1995)

Je continue l'exploration de la filmographie d'Adoor Gopalakrishnan, avec l'un de ses plus réputés, Man of the story. Ce n'est malheureusement ni le plus captivant, ni le plus simple d'accès. Celui-ci est fortement basé sur l'histoire indienne moderne, environ depuis l'assassinant de Gandhi puis les décennies suivantes. Il me manquait sans doute beaucoup d'éléments pour comprendre clairement les enjeux. Mais il est particulièrement intéressant de suivre la façon dont Gopalakrishnan décide d'aborder le sujet de l'histoire nationale : par la vie quotidienne d'une famille de paysan au cœur de la campagne, plus précisément sur la jeunesse puis vie de jeune adulte de son personnage central, recentrant les enjeux politiques d'une époque par une approche microscopique et intime.


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Sapekhuri / The Step - Aleksandre Rekhviashvili, (1985)

Le texte d'Asky m'a donné de suite envie de voir le film, étant friand de cinéma géorgien et ayant envie de leur étrange ambiance caractéristique en ce dimanche matin.

Tout commence avec un nouvel appartement, dont la porte n'existe pourtant qu'à moitié : il a fallu tirer l’armoire pour bloquer un bout de passage restant à jamais ouvert. En ces arrangements approximatifs de surfaces, ces déplacements incongrus et ces porosités (ou manque de porosités) tient, peut-être, tout le film. Il est ici incroyablement question d'espace, surtout d'espaces intérieurs, ou s'agencent des corps (humain ou animaux) et des relations, entourés d'encombrants objets dont on s’accommode plus ou moins bien.

Si la porte de l'appartement principal du film est toujours à moitié ouverte, il ne s'y trouve en revanche pas de fenêtre, permettant de voir le monde environnant. Il y pousse par contre un très grand nombre de magnifiques plantes vertes, parfois petites parfois immenses (on pense immédiatement à Piarosmani du géorgien Giorgi Shengelaia, ou les plantes vertes occupent également une place de choix. Peut-être y a t-il un tropisme géorgien de la plante verte, un symbole caché ?). On y trouve par contre une trappe conduisant à un invisible sous sol ou poussent des champignons que l'on déguste parfois.

Les relations entre les personnages semblent vaines, infructueuses, aussi stériles que l'espace exigu ou elles se logent. On ne fait jamais vraiment connaissance. On s'écoute, au mieux, d'une oreille. La caméra semble bégayer entre les différents plans s'enchainant pourtant logiquement. Les phrases échangées, tout comme les volumes, semblent se répéter jusqu'à l'agonie. A ce titre le bureau du chef de service botanique (ânonnant inlassablement les préceptes administratifs requis) ressemble étrangement à la chambre du héros, qui aurait été simplement redécorée : quand la pauvreté de moyen se transforme en subterfuge renforçant la tétanie ambiante.

Le titre "The step" que l'on pourrait traduire par "la marche (d'escalier)" ou plutôt "l'étape" en français annonçait déjà la couleur : Sapekhuri n'est qu'une antichambre, un purgatoire même peut-être. Ce n'est d'ailleurs que la mort d'un ami proche (mais âgé) qui permettra la libération, conduisant le héros à partir sans crier gare pour aller honorer sa tombe dans un lointain village de montagne. Le film se terminera ainsi sur son seul plan d'extérieur, un corps s'éloignant vers l'inconnu, gravissant un terrain désolé et pierreux. Finalement la vie n'était peut-être pas non plus à l'extérieur... et l'existence ne semblait pas des plus joviales en Géorgie quelques années avant l'écroulement de l'URSS.

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L'an 01 - Jacques Doillon

Mockumentaire légendaire, L'an 01 met en question la marche automatique du progrès (technique) face à une supposée quête du bonheur. La proposition est aussi simple qu'essentielle : et si on arrêtait de bosser afin d'avoir le temps de réfléchir à la vie ? Si tout l'esprit politique et goguenard de la fin des 60s/70s prospère ici avec allégresse, la question n'a néanmoins aucunement perdu de sa légitimité, tant le mythe du progrès continu de guider aveuglément nos sociétés.
Le film cherche peut-être également à être fait "autrement" : il n'y a ainsi ni personnages principaux, ni intrigue. Tout au plus une série de "reportages", de discussions et de scènettes plus ou moins réussies et réjouissantes. Le tout fini par trainer un peu en longueur sur la dernière demi-heure, jusqu'à une scène finale faisant apparaitre Coluche et dont l’intérêt n'est que tout relatif. Car si le film se veut "proche du peuple" il n'est néanmoins pas sans céder à une sorte de proto-star system (le casting est absolument sidérant), un choix qui n'est ni anodin ni neutre...
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asketoner
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Ah super pour pour Sapekhuri :love2: !

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Les Soeurs Munakata, Yasujiro Ozu, 1950

Ce Ozu-là cède un tout petit peu plus à la tentation du discours. C'est d'ailleurs assez étonnant de le voir insister sur la question de l'émancipation de son héroïne, quand dans Une Femme dans le vent, tourné deux ans plus tôt, l'émancipation était au contraire montrée comme impossible ou fatale (c'est-à-dire aussitôt réprimée).
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sokol
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asketoner a écrit :
dim. 5 nov. 2023 10:56

Une Femme dans le vent, Yasujiro Ozu, 1948

J'ai senti au moins trois moments de pure extase dans le film, trois moments où les plans semblent tenir en équilibre sur rien et pourtant tiennent et s'élèvent. Ozu est un cinéaste inouï. On le voit d'autant mieux dans ce film qui n'a pas encore la puissance formelle des suivants. Le son est pauvre, l'image est simple, pourtant la grâce est déjà là, l'émotion poignante d'un regard, d'une tête qui se tourne, d'une main qui se tend avec un peu d'argent dedans.
On aurait vite fait de ranger Ozu du côté de l'ordre moral. Mais la vérité, c'est qu'il scrute la société comme personne. Et dans son attention à la vie ordinaire, aux gens normaux, il développe un point de vue critique qui n'est jamais séparé de l'empathie. Jusqu'à ce plan final terrible, ambivalent, où le couple enfin se réconcilie, mais où la femme disparaît dans l'étreinte du mari, à part ses mains, unies derrière son dos à lui, comme si elle priait, comme si amour et dévotion, pour elle, se confondaient.
Pa encore vu (j'espere qu'il arrivera chez moi) mais il me fait un peu penser au "Fils unique" (1936), le premier vrai film Ozuien du cinéaste, non ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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"De la Conquête" de Franssou Prenant

C'est un film documentaire qui associe la lecture de textes écrits par ceux qui ont opéré, de 1830 à 1848 la colonisation de l’Algérie à des images tournées par la réalisatrice durant ses séjours en Alger (entre 1990 et 2020) ainsi que quelques images de Paris (année '80 - '90).

La salle était pleine à craquer car la diffusion du film a été organisé par la Fédération Franco Algérienne Aquitaine Plus (or, comme la cinéaste a dit à la fin de la projection, lors de la diffusion de son film à Alger, il y avait à peine une cinquante de personnes, uniquement ses amis :D ).

Le public présent ne l'a pas aimé, même si aucune des personnes qui a pris la parole n'osait le dire ouvertement. Déjà, la première réflexion était : pourquoi les textes lus n'étaient pas sourcés durant le film (effectivement, il faut attendre le générique de fin pour connaître la source et l'auteur). Franssou (son vrai prénom est Françoise, elle est vraiment super cette femme) a répondu sèchement : j'avais pas envie de faire un annuaire militaire :lol: Je pense que le public était surtout gêné par les images qui sont tout sauf jolies (ils attendaient tous des cartes postales de l'Algérie quoi). Or, la violence des textes lus est en contradiction avec la paisibilité des images qu'on voit.
Sinon, il m'a beaucoup fait penser à "Trop tôt, trop tard" des Straub (la réalisatrice m'a répondu par l'affirmative : elle connaissait ce film). Puis, je lui ai dit que "De la conquête" mérite d’être revu pour mieux regarder, entendre et associer les textes aux images mais là, je crois que je me suis fait que des ennemis dans la salle : le revoir ?? Mais ça va pas ??? :lol:

Bref, très très beau film qui aurait pu très très bien s'intituler : "De la dialectique"
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groil_groil
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Ce n'est pas que c'est nul, c'est plutôt bien fait, mais tu demandes vraiment pourquoi c'est fait ? à quoi ça sert ? DGG était un cinéaste que j'aimais beaucoup, et dont j'aimais aussi le 1er Halloween mais il est en train d'abandonner totalement le statut de cinéaste pour devenir un marketeur, spécialisé dans la relance de films cultes des 70's. Après 3 Halloween, cet Exorciste et puis quoi ? Vendredi 13 ? Freddy ? Ici il n'y a plus une gamine exorcisée mais deux, c'est un peu le syndrome du film porno, on rajoute une gonzesse croyant augmenter l'intensité du truc, mais ça dilue l'intérêt plus qu'autre chose. Evidemment l'une est blanche et l'autre noire, histoire de remplir les quotas. Et puis bien sûr on fait revenir les deux héroïnes, Ellen Burstyn d'un côté, et même Linda Blair de l'autre, on reprend la petite musique de Mike Oldfield sur le générique final, mais au final rien n'est pensé comme film, tout est pensé comme produit, et ça se sent tellement...

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Avec les enfants bien sûr, le grand le revoyait, la petite le découvrait, ils adorent, et moi aussi, c'est un de mes Oury favoris, classique indémodable.

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Revisionnage. Le concept du film est intéressant mais tire trop à la ligne pour un dénouement dont on connait l'issue dès la première scène. Et puis l'arrogance de la toute puissance américaine est mise en avant sans assez de nuances, même si le film laisse entendre le contraire, ce n'est pas si vrai que ça... Même les acteurs, qui sont pourtant aguerris, semblent engoncés dans des rôles tellement formatés qu'ils ne sont pas à même d'exercer leur jeu.

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Très beau thriller psychologique noir de la Hammer qui a comme particularité de se dérouler sur la côte d'azur, dans une ambiance que ne renierait pas Aldrich ou Hitchcock.
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asketoner
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sokol a écrit :
lun. 6 nov. 2023 09:38
asketoner a écrit :
dim. 5 nov. 2023 10:56

Une Femme dans le vent, Yasujiro Ozu, 1948

J'ai senti au moins trois moments de pure extase dans le film, trois moments où les plans semblent tenir en équilibre sur rien et pourtant tiennent et s'élèvent. Ozu est un cinéaste inouï. On le voit d'autant mieux dans ce film qui n'a pas encore la puissance formelle des suivants. Le son est pauvre, l'image est simple, pourtant la grâce est déjà là, l'émotion poignante d'un regard, d'une tête qui se tourne, d'une main qui se tend avec un peu d'argent dedans.
On aurait vite fait de ranger Ozu du côté de l'ordre moral. Mais la vérité, c'est qu'il scrute la société comme personne. Et dans son attention à la vie ordinaire, aux gens normaux, il développe un point de vue critique qui n'est jamais séparé de l'empathie. Jusqu'à ce plan final terrible, ambivalent, où le couple enfin se réconcilie, mais où la femme disparaît dans l'étreinte du mari, à part ses mains, unies derrière son dos à lui, comme si elle priait, comme si amour et dévotion, pour elle, se confondaient.
Pa encore vu (j'espere qu'il arrivera chez moi) mais il me fait un peu penser au "Fils unique" (1936), le premier vrai film Ozuien du cinéaste, non ?

Ah je trouve que Gosses de Tokyo (1932) est presque plus ozuesque que Le Fils unique (mais c'est un détail à vrai dire, car derrière ozuesque on peut mettre énormément de choses ; pour ma part je dis ça parce que dans Gosses de Tokyo le drame est comme au second plan, présent mais presque anodin).
Mais oui, on peut penser au Fils unique en voyant Une Femme dans le vent. Mais la femme est au centre cette fois. Et elle est là en tant que mère mais aussi en tant que femme. En tout cas les personnages sont à peu près dans la même précarité.
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Killers of the flower moon de Martin Scorsese

Une ligne de basse parcourt le film, comme une longue plainte qui ne trouve jamais sa résolution. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a le temps de s'ennuyer, plutôt étonnant pour une fresque signée Scorsese. Que ce soit la musique (ba)rock, la fameuse voix off, les personnages charismatiques, le crayon dans la carotide... Tout ça, c'est fini (ou à peu près), Scorsese change de ton même si la construction reste la même. Les tueries sont ici filmées simplement et rapidement, ce qui les rend encore plus effroyables. Le personnage principal n'est pas vraiment charismatique, plutôt antipathique avant de se révéler juste humain. Mais ce qui rend le film passionnant, c'est qu'à côté il y a toujours les personnages symboliques comme celui de la femme et de l'oncle, l'Amérique et ses fantômes, la quête éternelle de rédemption... des obsessions qui donnent une ambivalence maladive au film : une solitude noyée dans le collectif, et vice versa. La fin passe ainsi, comme une évidence, du réalisateur à la tribu, d'un intérieur à un extérieur, pour le pire et le meilleur.
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groil_groil
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L'histoire vraie de Peter Kürten, serial killer allemand sévissant entre les deux guerres, miroir monstreux de l'Allemagne malade en train de se convertir au Nazisme, formidablement narrée par un Robert Hossein qu'on attendait pas sur un film aussi personnel et réussi, et qui signe sans doute le premier film de serial-killer français. L'acteur-réal se donne le mauvais et premier rôle de l'assassin, rentrant dans l'intimité de celui-ci sans pour autant jamais pardonné aucun de ses gestes, mais permettant de comprendre que ce tueur sanguinaire est aussi, justement, le reflet de son époque. Le film est magnifique, et très réussi en terme de mise en scène, de longs plans séquences silencieux dans les rues nocturnes et désertes où la bête poursuit ses prochaines victimes, par exemple, et la photographie est sublime, s'inspirant des grandes heures du cinéma expressionniste, à commencer par M le Maudit évidemment, auquel le film renvoie régulièrement, et avec les honneurs.

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Je n'avais pas revu ce film depuis bien 25 ans, et la claque fut immense, surtout en découvrant émerveillé cette nouvelle copie bluray remasterisée absolument somptueuse, et qui plus est dans sa version longue que je ne connaissais pas, 3h38 tout de même, une heure de plus que la version cinéma déjà très généreuse. Comme ça faisait longtemps, je ne me souviens pas du tout des scènes absentes dans la version ciné, mais je pense qu'il doit plutôt s'agir de la fin, de tout ce qui se passe autour de la Mandchourie, une fois que Pu Yi est enfin sorti de la cité interdite. Bon en tout cas, et avec le recul, c'est un film immense, beaucoup plus personnel, racé, et courageux que le souvenir un peu reconstitution / film classique à l'ancienne, qu'on peut en avoir. Non Bertolucci réalise un grand film d'auteur qui a la trempe d'un grand Cimino ou d'un Edward Yang et que, dans sa filmo, je classe juste derrière son grand chef-d'oeuvre qu'est Un Thé au Sahara.
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robinne
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weird

groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:36

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Je n'avais pas revu ce film depuis bien 25 ans, et la claque fut immense, surtout en découvrant émerveillé cette nouvelle copie bluray remasterisée absolument somptueuse, et qui plus est dans sa version longue que je ne connaissais pas, 3h38 tout de même, une heure de plus que la version cinéma déjà très généreuse. Comme ça faisait longtemps, je ne me souviens pas du tout des scènes absentes dans la version ciné, mais je pense qu'il doit plutôt s'agir de la fin, de tout ce qui se passe autour de la Mandchourie, une fois que Pu Yi est enfin sorti de la cité interdite. Bon en tout cas, et avec le recul, c'est un film immense, beaucoup plus personnel, racé, et courageux que le souvenir un peu reconstitution / film classique à l'ancienne, qu'on peut en avoir. Non Bertolucci réalise un grand film d'auteur qui a la trempe d'un grand Cimino ou d'un Edward Yang et que, dans sa filmo, je classe juste derrière son grand chef-d'oeuvre qu'est Un Thé au Sahara.
:hello: @groil_groil
Quand tu mentionnes des éditions Blu-Ray dont la copie semble à chaque fois extraordinaire, ça donne envie :D
Donc, pourrais-tu préciser de quelle édition tu parles s'il-te-plaît ? :saint:
Merci :jap:
Ou peut-être préfères-tu garder les bonnes copies pour toi ? :lol:
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groil_groil
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ah génial je viens de lire sur SC que @sokol et @asketoner vous détestiez tous les deux le Bertolucci :D
impatient de savoir pourquoi, et surtout j'aimerais beaucoup savoir ce que vous en penseriez si vous le revoyiez aujourd'hui dans sa version longue.
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robinne a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:43
groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:36

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Je n'avais pas revu ce film depuis bien 25 ans, et la claque fut immense, surtout en découvrant émerveillé cette nouvelle copie bluray remasterisée absolument somptueuse, et qui plus est dans sa version longue que je ne connaissais pas, 3h38 tout de même, une heure de plus que la version cinéma déjà très généreuse. Comme ça faisait longtemps, je ne me souviens pas du tout des scènes absentes dans la version ciné, mais je pense qu'il doit plutôt s'agir de la fin, de tout ce qui se passe autour de la Mandchourie, une fois que Pu Yi est enfin sorti de la cité interdite. Bon en tout cas, et avec le recul, c'est un film immense, beaucoup plus personnel, racé, et courageux que le souvenir un peu reconstitution / film classique à l'ancienne, qu'on peut en avoir. Non Bertolucci réalise un grand film d'auteur qui a la trempe d'un grand Cimino ou d'un Edward Yang et que, dans sa filmo, je classe juste derrière son grand chef-d'oeuvre qu'est Un Thé au Sahara.
:hello: @groil_groil
Quand tu mentionnes des éditions Blu-Ray dont la copie semble à chaque fois extraordinaire, ça donne envie :D
Donc, pourrais-tu préciser de quelle édition tu parles s'il-te-plaît ? :saint:
Merci :jap:
Ou peut-être préfères-tu garder les bonnes copies pour toi ? :lol:
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avec plaisir, c'est la toute nouvelle remasterisée 4K qui vient de sortir.
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j'aurais beaucoup aimé que Bertoluci garde le projet initial d en faire une serie de 10h , il y a largement de quoi approfondir
je serais curieux de savoir comment en 86 les autorités chinoises lui ont octroyé le droit de tourner dans la cité interdite , surtout un film qui reflète un passage peu glorieux de leur histoire (enfin tout dépends du coté ou on se place )
pour en revenir au film le coté un peu suranné des grandes productions hollywoodiennes vient pas mal de choix de Peter O Toole aussi , ce film fait partie de ceux qu je revisionne tres régulièrement et j avoue que le rajout d une heure associé a un remastering est tres allechants , je vois pas moins cher que 30 balles chez cultura mais pas fouillé a fond
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sokol
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groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:55
ah génial je viens de lire sur SC que @sokol et @asketoner vous détestiez tous les deux le Bertolucci :D
impatient de savoir pourquoi, et surtout j'aimerais beaucoup savoir ce que vous en penseriez si vous le revoyiez aujourd'hui dans sa version longue.
Je crois que Daney avait écrit à propos de ce film (c'étiat ses années Libé) un texte que je crois l'avoir à la maison (si je ne me trompe pas, il est dans "Ciné Journal" volume 3). Mais pour le moment, j'ai trouvé ce fragment :

...le Dernier empereur (1987) ouvre l'ère des grosses coproductions internationales, de plus en plus pesantes, impersonnelles et gagnées par une esthétique publicitaire. Il enchaîne alors une série de films oscillant entre le très moyen et le médiocre - Un thé au Sahara (1990), Little Buddha (1993), Beauté volée (1996), Shandurai (1998) - et donne raison au critique Serge Daney, qui avait écrit au sujet d'Un thé au Sahara qu'il était devenu un «gigolo parvenu», «l'un des meilleurs cinéastes publicitaires d'une époque où la publicité est devenue une vision du monde à part entière».

https://www.liberation.fr/cinema/2018/1 ... s_1694453/

Sinon, tu étais il y a quelques années très enthousiaste en redécouvrant également "Un thé au Sahara" que je l'avais vu peu de temps après mais que je l'ai trouvé presque pas bon... :( )
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Bon plan du moment : arte vient de mettre en ligne 9 films de Ozu ! (plutôt des classiques mais quand même)
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sokol a écrit :
mer. 8 nov. 2023 14:17
groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:55
ah génial je viens de lire sur SC que @sokol et @asketoner vous détestiez tous les deux le Bertolucci :D
impatient de savoir pourquoi, et surtout j'aimerais beaucoup savoir ce que vous en penseriez si vous le revoyiez aujourd'hui dans sa version longue.
Je crois que Daney avait écrit à propos de ce film (c'étiat ses années Libé) un texte que je crois l'avoir à la maison (si je ne me trompe pas, il est dans "Ciné Journal" volume 3). Mais pour le moment, j'ai trouvé ce fragment :

...le Dernier empereur (1987) ouvre l'ère des grosses coproductions internationales, de plus en plus pesantes, impersonnelles et gagnées par une esthétique publicitaire. Il enchaîne alors une série de films oscillant entre le très moyen et le médiocre - Un thé au Sahara (1990), Little Buddha (1993), Beauté volée (1996), Shandurai (1998) - et donne raison au critique Serge Daney, qui avait écrit au sujet d'Un thé au Sahara qu'il était devenu un «gigolo parvenu», «l'un des meilleurs cinéastes publicitaires d'une époque où la publicité est devenue une vision du monde à part entière».

https://www.liberation.fr/cinema/2018/1 ... s_1694453/

Sinon, tu étais il y a quelques années très enthousiaste en redécouvrant également "Un thé au Sahara" que je l'avais vu peu de temps après mais que je l'ai trouvé presque pas bon... :( )
oui je me souviens et plus je pense au Thé au Sahara plus il devient un de mes films préférés de tous les temps.
J'y ai encore pensé sans cesse hier devant Le Dernier Empereur, ce film me hante. Vu deux fois en deux ans, et déjà envie de le revoir. Je n'ai pas accès à ma dévédéthèque pendant plusieurs moi, mais dès que je la retrouve je le revois de suite.
Et je pense que Daney se plantait totalement, enfin, je pense que c'est normal qu'il pense ça à l'époque, je pensais ça aussi, mais s'il était vivant, je pense qu'il reverrait son jugement aujourd'hui.
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weird

groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:56
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avec plaisir, c'est la toute nouvelle remasterisée 4K qui vient de sortir.
Merci :jap:
Et tu les regardes donc sur une chaîne de lecture 4K (lecteur 4K, ampli 4K, télé/projecteur 4K) ?
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sokol
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BoBleMexicain a écrit :
mer. 8 nov. 2023 12:39

je serais curieux de savoir comment en 86 les autorités chinoises lui ont octroyé le droit de tourner dans la cité interdite , surtout un film qui reflète un passage peu glorieux de leur histoire (enfin tout dépends du coté ou on se place )
À l’époque, ça faisait déjà 10 ans que Deng Xiaoping essayait de devenir le maître de la Chine donc il pouvait commencer à se venger de plus en plus contre Mao (qui l’avait mis, entre 1949 et 1976, à deux reprises, en résidence surveillé). Deng savait bien que Mao restait encore bien populaire parmi une bonne partie de la population chinoise. Du coup, il ne l’attaquait jamais directement (comme c’était par exemple le cas de Khrouchtchev par rapport à Staline après sa mort). Tout comme il s’est vengé contre la femme de Mao pour laisser sous-entendre que c’était de l’héritage maoïste qu’il s’attaquait, il permettait ce genre d’ouverture (tournage dans la cité interdite) pour prendre ses distances avec l’héritage maoïste (il faut voir sur YouTube comment il avait fait venir en Chine le groupe britannique Wham (Georges Michael) en 1985 et surtout voir les visages ahuris des chinois qui croyaient voir des extraterrestres sur scènes et pas juste des chanteurs pop). Mais il faisait exprès pour choquer, tout en garantissant le pouvoir sans partage du Parti communiste.
C’est quelque chose la Chine des années 80 : je suis intimement convaincu que tout ce que nous vivons aujourd’hui dans notre monde, 40 ans plus tard, est très très lié à ce qui s’est passé durant cette période dans cette partie immense du monde (1/5 de la population mondiale quand meme). Mais l’occident voyait à l’époque tellement une bataille idéologique (la victoire contre le communisme, comme on disait : le film de Bertolucci en est la preuve) qu’il n’était pas capable de comprendre qu’il n’a jamais été question d’un système communiste mais d’un capitalisme étatique et par conséquent, d’une future guerre féroce entre puissances capitalistes qui se dessinait.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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asketoner
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groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:55
ah génial je viens de lire sur SC que @sokol et @asketoner vous détestiez tous les deux le Bertolucci :D
impatient de savoir pourquoi, et surtout j'aimerais beaucoup savoir ce que vous en penseriez si vous le revoyiez aujourd'hui dans sa version longue.
:lol:

Je n'en ai pas un souvenir précis, je l'ai vu quand je ne m'intéressais pas encore vraiment au cinéma, il passait à la télé, et j'avais trouvé ça très ennuyeux.
Mais j'ai vu Un thé au Sahara il y a dix ans à peine (et Novecento il y a 15 ans) et je n'adhère pas du tout.
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groil_groil
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robinne a écrit :
mer. 8 nov. 2023 18:55
groil_groil a écrit :
mer. 8 nov. 2023 11:56
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avec plaisir, c'est la toute nouvelle remasterisée 4K qui vient de sortir.
Merci :jap:
Et tu les regardes donc sur une chaîne de lecture 4K (lecteur 4K, ampli 4K, télé/projecteur 4K) ?
non non je regarde ça en bluray classique mais la copie est tout de même restaurée et superbe (et conserve énormément de grain cinéma d'origine)
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BoBleMexicain
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sokol a écrit :
mer. 8 nov. 2023 22:08
BoBleMexicain a écrit :
mer. 8 nov. 2023 12:39

je serais curieux de savoir comment en 86 les autorités chinoises lui ont octroyé le droit de tourner dans la cité interdite , surtout un film qui reflète un passage peu glorieux de leur histoire (enfin tout dépends du coté ou on se place )
À l’époque, ça faisait déjà 10 ans que Deng Xiaoping essayait de devenir le maître de la Chine donc il pouvait commencer à se venger de plus en plus contre Mao (qui l’avait mis, entre 1949 et 1976, à deux reprises, en résidence surveillé). Deng savait bien que Mao restait encore bien populaire parmi une bonne partie de la population chinoise. Du coup, il ne l’attaquait jamais directement (comme c’était par exemple le cas de Khrouchtchev par rapport à Staline après sa mort). Tout comme il s’est vengé contre la femme de Mao pour laisser sous-entendre que c’était de l’héritage maoïste qu’il s’attaquait, il permettait ce genre d’ouverture (tournage dans la cité interdite) pour prendre ses distances avec l’héritage maoïste (il faut voir sur YouTube comment il avait fait venir en Chine le groupe britannique Wham (Georges Michael) en 1985 et surtout voir les visages ahuris des chinois qui croyaient voir des extraterrestres sur scènes et pas juste des chanteurs pop). Mais il faisait exprès pour choquer, tout en garantissant le pouvoir sans partage du Parti communiste.
C’est quelque chose la Chine des années 80 : je suis intimement convaincu que tout ce que nous vivons aujourd’hui dans notre monde, 40 ans plus tard, est très très lié à ce qui s’est passé durant cette période dans cette partie immense du monde (1/5 de la population mondiale quand meme). Mais l’occident voyait à l’époque tellement une bataille idéologique (la victoire contre le communisme, comme on disait : le film de Bertolucci en est la preuve) qu’il n’était pas capable de comprendre qu’il n’a jamais été question d’un système communiste mais d’un capitalisme étatique et par conséquent, d’une future guerre féroce entre puissances capitalistes qui se dessinait.
Belle analyse en effet :jap: (vla un émoticone tres a propos pour une fois :rofl: ) je ne sais pas si Bertolucci etait un archiviste comme certains de ses "confrères" (juste en aparté ma sœur est sur le tournage d un reportage sur JJ Annaud et lui en terme d archives de ses films il tient le ponpon , elle m a montré quelques photos autorisés du bâtiment de sa ferme qui les abritent ... c est juste colossal... ) fin de l 'aparté ; j ai cherché un peu sur le sujet Bertolucci mais je vois rien de special , possible qu il y ait quelques choses sur les add on de ce blue ray ..
bref , lorsque je suis fan d un film ou plus généralement d un réalisateur , j adore aussi l envers du décor , ca en dit souvent très long sur la personnalité du géniteur .
jamais eu l occase d aller en Chine , ni pour le plaisir ni professionnellement , carence que je comblerai ptet un jour , meme si aujourdhui ca m attire moins sur ce qu elle devient .
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sokol
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BoBleMexicain a écrit :
jeu. 9 nov. 2023 10:04
Sans oublier le contexte de cette démarche (permettre à une superproduction occidentale de tourner dans la Cité Interdite) : la guerre froide USA-URSS. Et son gagnant : la Chine
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Pierre feuille pistolet, Maciek Hamela

Très beau documentaire au dispositif kiarostamiesque/panahiesque : tout ou presque aura lieu dans la voiture du cinéaste, qui va chercher des personnes en Ukraine pour les conduire en Pologne. C'est évidemment bouleversant, parce que les personnes qui embarquent ne savent pas si elles vont revenir un jour, parce qu'il y a des séparations aussi, des gens qui restent sur place et font un signe de la main à ceux qui se sauvent, et puis il y a des tas d'histoires qui circulent entre les personnes, comme cette femme à l'arrière qui raconte sur un ton très neutre comment son père s'est brûlé les mains en allant chercher le corps de sa femme dans un immeuble en feu, tandis qu'une autre femme, à l'avant, secoue la tête et pleure en l'écoutant. Et ce qu'on voit dans cette voiture, ce ne sont certainement pas des anecdotes, ni même des confessions, mais bien le corps commun du drame, l'Histoire aux millions de visages.
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asketoner a écrit :
sam. 11 nov. 2023 10:17

Très beau documentaire au dispositif kiarostamiesque/panahiesque : tout ou presque aura lieu dans la voiture du cinéaste, qui va chercher des personnes en Ukraine pour les conduire en Pologne. C'est évidemment bouleversant, parce que les personnes qui embarquent ne savent pas si elles vont revenir un jour, parce qu'il y a des séparations aussi, des gens qui restent sur place et font un signe de la main à ceux qui se sauvent, et puis il y a des tas d'histoires qui circulent entre les personnes, comme cette femme à l'arrière qui raconte sur un ton très neutre comment son père s'est brûlé les mains en allant chercher le corps de sa femme dans un immeuble en feu, tandis qu'une autre femme, à l'avant, secoue la tête et pleure en l'écoutant. Et ce qu'on voit dans cette voiture, ce ne sont certainement pas des anecdotes, ni même des confessions, mais bien le corps commun du drame, l'Histoire aux millions de visages.
Je veux le voir celui-ci (si il passe chez moi bien sûr )
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