Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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robinne a écrit :
lun. 11 déc. 2023 18:29
groil_groil a écrit :
lun. 11 déc. 2023 12:44
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"Primé par la fondation Philip Morris pour le cinéma" ? :ouch:
Les acteurs avaient un accès gratuit aux cigarettes ? :lol:
:lol:
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groil_groil
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Va comprendre pourquoi le film s'appelle ainsi, alors qu'il n'a strictement rien à voir avec le livre de Gaston Leroux. Peu importe, c'est l'un des plus beaux giallos qui soient, d'ailleurs tellement beau, tellement haut, qu'on peut se demander si c'est encore un giallo tant il brise toutes les frontières de genre par son universalité et son ambition à tous niveaux. C'est un grand film point barre, un film d'angoisse comme un film psychanalitique, dont le point central est de régler le conflit entre une mère (disparue) et une fille (devenue adulte) et que ce conflit est insoluble. On peut donc dire que c'est un film d'horreur psychanalitique, qui m'a évoqué aussi bien Rosemary's Baby de Polanski (d'ailleurs la musique de Piovani cite quelques accords de celle de Komeda, comme si elle voulait tisser un lien) que le moins connu Fata Morgana de Vicente Aranda, qu'il est superbe dans sa mise en scène, chaque plan est pensé et cadré avec un soin et une originalité rares, et qu'il est de ces films qui hanteront longtemps le spectateur après visionnage.
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groil_groil
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Un polar italien sombre et contemporain, qui arrive, parfois, à quelques moment dirais-je, à être prenant, et intense, mais malheureusement beaucoup trop rarement, à cause de deux défauts principaux (il y en a d'autres) : un manque de tension permanent, alors qu'il y a de quoi lâcher une adrénaline permanente si c'était mieux écrit. Seule la scène clé, celle du périph, au centre du film et des enjeux est réussie à ce niveau mais elle met au jour le second défaut majeur de l'oeuvre : l'action est hyper mal découpé, il y a un souci de montage évident, mais aussi de choix de ce qui est montré, ce qui fait que bien souvent on ne comprend pas ce qui est montré et l'on doit reconstituer a posteriori.
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groil_groil
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Un film à part pour Eastwood, et souvent l'un des favoris de ceux qui l'ont vu. Histoire d'amour entre une jeune fille de 17 ans à moitié SDF et un vieux bonhomme joué par William Holden. Le film est doux, tendre, mélancolique, et dégage un esprit très nouvel Hollywood, courant auquel Eastwood n'a pourtant jamais appartenu, et qui fait penser à certains films tardifs de Blake Edwards. Après on peut se poser la question du film, et cette histoire d'amour hors norme paraitrait totalement impensable si le film sortait aujourd'hui, ou s'il n'était pas signé par un cinéaste sulfureux à la Catherine Breillat. Mais dans le contexte hédoniste et libertaire des 70's, ça ne choquait visiblement personne. L'autre souci, c'est que cette jeune fille libre et indépendante, lorsqu'elle se met en couple avec cet homme, n'a plus d'autre ambition que de se mettre en cuisine et lui préparer des petits plats. J'exagère bien sûr, je force le trait, mais il y a quand même un sentiment patriarcal assez fort dans le film, même si celui met une jeune femme libre au premier plan. Malgré ça, j'ai beaucoup aimé, et d'ailleurs j'aime beaucoup les films d'Eastwood qui sortent de ce qu'on attend de lui (Play Misty For Me (certes, qui était son premier), Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal...)
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Kit
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Localisation : où est né William Wyler

Mimsy Farmer, Kay Lenz, purée ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu ces noms là
Vosg'patt de cœur
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cyborg
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J'avais oublié qu'il y a quelques temps j'avais vu le documentaire :

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Plus & Pray - Jens Schanz - 2009

Si le transhumaniste Raymond Kurzweil ouvre le film c'est pour mieux mettre son discours en perspective avec celui de Joseph Weizenbaum, véritable cœur de Plug & Pray. Weizenbaum est le premier, dès les années 70, à s’être inquiété des développements de l'intelligence artificielle et de ses possibles dérives. Il est particulièrement touchant d'entendre, peu avant sa disparition, la parole de ce précurseur marginalisé tout au long de sa vie. Ce dernier hommage, un documentaire de facture classique, date d'il y a déjà 10 ans (autant dire une éternité en terme technologique) mais continue et continuera sans doute longtemps à poser des questions pertinentes sur l'utilisation politiques des sciences et des technologies.


Plus récemment :

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Ceux qui vont bien - Cyril Schäublin

On reconnait immédiatement le style découvert dans "Désordre". Dès son premier film, Schäublin constitue ses plans d'une façon qui ne ressemble qu'à lui. L'espace y semble immense mais inerte, les corps sont petits et comme perdus sur des surfaces dont on a du mal à imaginer les dimensions. Cet "air" autour des figures humaines n'est pas pour autant un espace de vie. C'est un espace de flux, de transactions, de circulations.
On échange des suites de chiffres comme on échange des banalités. On parle du souvenir d'un film de la même façon qu'on essaye de vanter les qualités d'un nouvel opérateur téléphonique à son collègue. Il n'y a dans cette ville -qu'on suppose être Zurich, capitale internationale de la finance- que des gardiens de la paix, des télémarketeurs et des personnes âgées, ou presque. Et quand l'un d"eux se sert de ses dons -à savoir le téléopérateur et son aisance à parler- d'une façon imprévue -arnaquer une personne agée- il est vite mis en défaut -par les forces de l'ordre.
Ici tout est fluide, ou du moins se doit d'être fluide car il ne faut que rien n'accroche, rien ne dépasse, rien ne vive trop fort, dans le monde du capitalisme financier dictant à tous sa forme d'existence. Tout semble doux, mais c'est une douceur contrite.
Ce premier film de Schäublin est simple, un peu trop peut-être (on devine les moyens limités), mais ne manque pas d’intérêt pour son portrait du monde contemporain, envisagé ici comme une sorte de matrice creuse, lisse, fluide mais vide, ou chiffres et humains ne semblent bientôt faire qu'un.

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Sambizanga - Sarah Maldoror - 1972

Le cinéma de Maldoror fut redécouvert peu ou prou par les cinéphiles lors de la première vague de Covid. La réhabilitation en cours fait suite à des dizaines d'années de désintérêts et maltraitances administratives (dont René Chateau est une pierre angulaire) ayant invisibilisé la réalisatrice et sa voix unique au sein du cinéma français et international.
Sambizanga prend pour cadre la lutte décoloniale mené en Angola contre le Portugal et, fait notable, est tourné alors que la guerre même est encore en cours. Alors que ce combat est alors totalement occulté au niveau international par la guerre au Vietnam, ce film viendra enfin lui donner une forme de représentation (le film étant sorti en salle en France et a circulé dans divers festivals internationaux).
Si Sambizanga décentre les récits historiques dominants, le film décentre également l'histoire dont s'inspire la réalisatrice. Adaptation du roman La vraie vie de Domingos Xavier de José Luandino Vieira, Maldoror choisit non pas de mettre en avant la vie du résistant Domingos Xavier mais celle de sa femme partant à sa recherche après son arrestation, errant de mairie en bâtiment administratif, de prison en prison, enfant sur le dos. Maldoror semble ainsi s'inscrire dans une recherche du "non vu du non vu", donnant valeurs et corps aux existences les plus marginalisés. L'histoire est simple et directe, tout comme l'est la mise en scène. Malgré cela les qualités plastiques du film sont légions, la réalisatrices sachant magnifier et faire dialoguer les corps et les paysages africains, l'un semblant ne pouvoir s'envisager sans l'autre.


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Bien que bénéficiant de projections en salles, nous sommes ici plus proche de la télévision que du cinéma, dans l'esprit des espèces de "carte blanche" qu'Arte donne de temps à autres à diverses figures (artistes, penseurs...) contemporaines.
Inspiré par le roman d'Orlando -écrit par Virigina Woolf au début du XXème siécle- Preciado invente une série de portraits et de témoignages de personne s'identifiant comme "trans", dans les deux sens & à divers âges, d'adolescents à vieux, venant tou.te.s incarner à leurs façons une version du personnage du même nom.
Si le film démarre peut-être de façon un peu trop frontale ou bancale (et bim je te cite Godard, et bam je te met un ado qui roule une pelle à un arbre), Preciado fini par trouver progressivement une série d'idées visuelles et "scénaristiques" lui permettant de faire comprendre au plus grand nombre les possibilités d'une identité trans, ainsi que les enjeux politiques réels se cachant derrière l'idée de "binarité". En ce sens, quasi pédagogique, le film est plutôt réussi.



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Il y avait toujours chez Rohrwacher, dont le cinéma m'avait jusqu'à présent toujours laissé en plan, une question de juxtaposition, d'un monde à côté d'un autre, qui venaient peu ou prou se frotter ou entremêler leurs extrémités pour le meilleur ou plutôt pour le pire.

Dans la Chimère, la réalisatrice résout ce qui me semblait jusqu'à présent problématique, en échappant a cette volonté d'assemblage des choses les unes à côtés des autres en faisant s'assembler les choses les unes au dessus des autres. Ici le cinéma de Rohrwarcher n'est donc plus horizontal mais vertical (en aparté, pourrions nous ici reconsidérer le "montage godardien" en ne mettant pas deux images l'une à coté de l'autre, mais l'une sur l'autre ? Même si je crois que JLG répond aussi à cela par son utilisation de la 3D dans Adieu au langage. Bref).

Si le film passe beaucoup de temps sous terre, il n'en oublie pas pour autant les oiseaux, dont les nuées ne cessent de peupler le ciel. Entre ces deux points il y a Arthur, un homme étrange, plus grand que tous (ta tête-esprit est proche des étoiles), possédant un don unique : sentir la présence de ruines archéologiques sous lui (ses pieds-racines sont souterrains). Et quand le bâton de sourcier d'Arthur fait un tour sur lui même, la caméra pirouette également : Arthur à un impact sur le monde mais aussi sur sa représentation. Si Arthur est hanté par les ruines du passé, il l'est aussi par la figure de son amoureuse disparue, la conjonction des deux se rencontrant de façon foudroyante quand les pilleurs découvrent une sculpture au corps intact, à qui ils s'empressent de couper la tête...

La chimère est donc avant tout un film archéologique, non pas seulement dans son sujet, mais dans la façon dont les choses existent ensemble. Chaque chose est ici un spectre en puissance, qu'il appartienne au passé, présent ou futur. Et quand je dis "chose", je songe aux gens, aux objets, aux sentiments, aux souvenirs et comment cette coexistence d'apparence stratifiée est en réalité un seul tout, indémêlable. Comment pouvons nous vivre avec nos spectres, comment vivre avec un passé trop fort pour être oublié, mais aussi avec un futur ébloui par le mythe technique, instantanée, vénal de la modernité ? La forme même du film est composite, mélangeant la forme du conte aux chœurs antiques, aux gags splastickesques et aux chroniques familiales, tandis que la réalisatrice n'hésite pas à se frotter aux ancètres de son propre médium, ne dissimulant aucunement ses hommages à Fellini (les disparitions de fresque ; la statue au bout d'une grue), ou même Tarkovski (version italienne : la bougie finale de Nostalghia). Et quand la réalisatrice convoque des symboles ou formes trop évidentes elle n'hésite pas à les faire crépiter avec innombrables éléments disparates évitant toutes lectures trop simples.

Enfin notons que cette forme "spectrale" et "chimérique" dynamisant le film est largement contrebalancé par un élément qui, pourtant, pourrait en sembler l'antithèse : l'eau. C'est tout d'abord sous un arbre mort, sec et sans vie, qu'Arthur planque ses trésors, et c'est plus tard au fond d'un lac qu'il balancera la tête de la statue, dont nous suivrons jusqu’au plus profond la lente descente, mais c'est également l'eau de la condensation qui fait disparaitre les fresques, ou qui s'infiltre de toute part dans la maison familiale. L'eau donne vie puis en reprend les traces. Ruisselant de l'esprit jusqu'aux ruines, peut-être le film La Chimère est-il avant tout une représentation de l'idée même de sédimentation, agrégat de débris du passé et terreau du monde en devenir.
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sokol
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TOP5 2023 de François Bégaudeau https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... 3-napoleon

1. Désordres
2. Voyage en Italie
3. De nos jours
4. N'attendez pas trop de la fin du monde
5. Tár
5. exæquo : Showing Up

J'en ai 3 en commun avec lui, sachant que sa liste n'est qu'un top5 (et pas top10)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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groil_groil
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Je pense qu'on a trop dit à Yann Gozlan qu'il était génial à cause de son film précédent (alors que bon, Boite Noire était juste regardable quoi...) et qu'il a pris un melon pas possible, ce qui le mène à proposer ce genre de film qui se veut une resucée mal digérée d'univers mentaux empruntés chez Lynch ou Cronenberg et Hitchcock en figure de père tutélaire, avec une image très chic papier glacé, mais qui ne génère absolument rien de neuf et qui ne fait que mal recycler un cinéma vivifiant en le transformant en une succession d'images mortifères.

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Je mets l'affiche italienne qui est tellement plus belle et dit tellement mieux le film.
Cybou et Asky ont tellement bien parlé du film, tellement mieux que je ne pourrai le faire, que je vais faire court.

Avec La Chimera, Alice Rorhwacher entre définitivement dans la très courte liste des cinéastes les plus importants de notre époque. C'est prodigieux d'assister à la naissance d'un/e vrai.e cinéaste, c'est si rare, et c'est encore plus beau d'assister à une confirmation, c'est à dire que ça y est, on sait que cette cinéaste va nous accompagner pendant au moins les 30 ans qui viennent, et qu'on va vivre avec elle un nouveau monde de cinéma. ça donne confiance en l'avenir du cinéma, dans une époque où le recyclage permanent des figures moribondes de la cinéphilie de musée peut laisser entendre le contraire. Pourtant Rorhwacher cite ses pères sans s'en cacher, et ici de toute évidence il s'agit du trium virat composé de Fellini, Pasolini et Scola, mais jamais aucune référence ne va étouffer ce cinéma plein de vie, ultra stimulant, où chaque plan apporte une idée nouvelle, et une façon de voir le monde. C'en est réjouissant à un point indicible... C'est à dire que la cinéaste assume son héritage, se glisse même dans son sillage, mais regarde devant elle, tout en proposant un cinéma qui lui ressemble et ne ressemble qu'à elle (les liens avec les Merveilles ou Lazzaro Felice sont évidents). Alors je n'ai pas pu m'empêcher d'être un tout petit peu déçu pendant le film parce que je trouvais le précédent encore plus fort (Lazzaro Felice était en effet mon Top 1 2018, et forcément j'en attendais énormément), mais le film n'arrête pas de grandir en moi et je le trouve magnifique. Et plus que ça encore, le film vient dès à présent s'agréger avec les deux précédents (je n'ai pas encore vu son 1er, ça ne va pas tarder) pour former un bloc indestructible, une oeuvre, et c'est ce qu'il y a de plus important.

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On attaque les films de Noël avec les enfants, avec cette suite de Bonjour les Vacances, que je connaissais déjà et que j'ai eu beaucoup de plaisir à revoir. Certes, elle est moins bonne que le superbe premier volet, mais c'est mieux que dans mon souvenir, ça regorge de gags à la con, et ça distille parfaitement l'esprit du National Lampoon's. Et puis, Chevy Chase, quel bonheur absolu de le voir jouer...

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Re-re-re-re visionnage de ce film mal aimé d'Eastwood, et qui est souvent adoré par les vrais Eastwoodiens, c'est un signe. A croire que j'en fais partie, car c'est vraiment l'un de mes préférés de son auteur, et c'est encore une merveille aujourd'hui. Rarement le sud des Etats-Unis a été aussi bien dépeint.

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J'avais du le revoir un an après sa sortie en 92, avec mon frère, avec qui je l'avais vu en salle et qui adore ce film, mais je crois que je ne l'avais pas revu depuis 30 ans. Le souvenir que j'en gardais est conforme à cette vision récente, mais avec des effets accentués : ce film, un événement pour l'époque, par son ampleur, son casting, son ambition, et l'un des premiers à intégrer autant d'effets spéciaux numériques à une époque où cette technologie est encore balbutiante, oscille en permanence entre le flamboyant et le kitsch ridicule. Et il est totalement impossible de basculer dans un camp, dès que tu sens tomber, tu es immédiatement rattrapé par l'autre côté. Au final ça passe, et le film se voit encore, même s'il ressemble parfois beaucoup trop à un épisode de Buffy, mais je crois que ça tient, in fine, dans la confiance qu'à Coppola en ce qu'il fait. Mais c'est quand même une sacrée expérience que de revoir ça aujourd'hui, à tous les sens du terme !
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asketoner
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Fremont, Babak Jalali

Pas mal pour la sieste. Mais quand même très mièvre, figé, bourré d'intentions mortes.
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C'est pas mal, Schoendoerffer sait y faire, mais le film oscille en permanence entre le film de casse et le film d'auteur Nouvelle Vague (il est produit par Beauregard) à tel point qu'il s'y perd un peu à force de ne pas choisir.

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J'en attendais pas mal, d'autant que j'avais beaucoup aimé le A Star Is Born de Bradley Cooper, mais comme à 99% du temps avec les productions Netflix, ce film est totalement raté, vieille coquille vide muséifiée qui ne raconte rien et qui le raconte mal. Plutôt que de construire un film, on se contente de juxtaposer des blocs temporels dans lesquels on pinaille plutôt que d'aborder le sujet (jamais, c'est trop vulgaire) et au final le film ne raconte strictement rien si ce n'est que Bernstein était gai mais qu'il aimait quand même sa femme. Purée, il y avait tellement de choses passionnantes à raconter et à mettre en scène. Quelle misère, que de temps perdu... Je ne sauve que la perf de Cooper qui est génial en Bernstein, mais il est là au service de rien du tout, c'est un immense gâchis.
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Les Colons, Felipe Galvez

Le film me semble tenu dans une contradiction stérile : d'un côté une certaine fascination pour la violence (on ne montre rien d'autre que des meurtres, des viols et des hommes qui se battent ou s'humilient), de l'autre un désir de revendiquer une conscience décoloniale qui donne lieu à une dernière partie sans autre intérêt que celui de "racheter" toutes les saletés qu'on vient de voir. C'est Tarantino qui se serait abonné au Monde Diplomatique, en gros, et qui flipperait un peu.

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Augure, Baloji

Grosse pub pour Gucci qui cherche à nous prouver sa queeritude à tout prix. Je me suis tiré quand j'ai vu le Noir porter le bébé blanc et la Blanche porter le bébé noir. Les intentions n'ont jamais eu aucun intérêt au cinéma si le cinéma n'est pas là pour les faire vivre mais seulement pour les afficher. Par ailleurs, je ne sais pas si quelqu'un a lu les dialogues du scénario : ce n'est pas possible de laisser passer des trucs aussi poussifs et grossiers.
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yhi
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Je te trouve dur sur Les colons. C'est un film qui dresse la naissance d'une nation sur des fondements de violence. Nation qui 125 ans plus tard n'arrive pas à faire invalider une constitution provenant d'un régime dictatorial. Sur la forme la première partie met en opposition la virginité des paysages et son viol (plus celui-ci que celui des hommes entre eux) par des soldats qui s'entretuent pour sa propriété. La dernière, qui boucle avec l'intro remet en perspective la portée politique et cette fois l'opposition entre riche propriétaire / soldats sur le terrain / indigènes. La musique est top aussi.
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yhi a écrit :
sam. 23 déc. 2023 21:46
Je te trouve dur sur Les colons. C'est un film qui dresse la naissance d'une nation sur des fondements de violence. Nation qui 125 ans plus tard n'arrive pas à faire invalider une constitution provenant d'un régime dictatorial. Sur la forme la première partie met en opposition la virginité des paysages et son viol (plus celui-ci que celui des hommes entre eux) par des soldats qui s'entretuent pour sa propriété. La dernière, qui boucle avec l'intro remet en perspective la portée politique et cette fois l'opposition entre riche propriétaire / soldats sur le terrain / indigènes. La musique est top aussi.
Mais oui, soudain, il fallait remettre en perspective la portée politique. Et pourquoi ? Parce qu'elle était totalement absente du reste du film, qui se contentait de nous donner à jouir du spectacle très commun, vu et revu, de la violence, exactement de la même façon que tous les cinéastes qui n'ont jamais pensé la colonisation autrement qu'en terme de scène-choc (l'indigène violée et étranglée, sur laquelle on bave un peu ; les oreilles coupées ; les soldats qui s'enc.ulent parce qu'au fond c'est des homos refoulés).

Techniquement c'est assez parfait, mais c'est tout ce que je reconnais. (Et encore, cette dernière partie, soudain, est nettement moins bonne, très mollassonne, comme si le cinéaste lui-même la trouvait moins intéressante.)
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cyborg
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J'avais oublié de dire que j'avais aussi vu

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Le vent - Souleymane Cissé - 1982

Deux étudiants, l'une fille d'un représentant politique, l'autre fils d'un chef traditionnel, se lient d'amitié et d'amour. Ce qui ne sera pas sans créer des tensions...Tandis que la jeune génération désire changer la société, sans forcément savoir ni totalement pourquoi ni comment, les figures de l’autorité se déchirent.
Beaucoup de questions en germe ici seront reprise dans Yeelen, paru 4 ans plus tard, et qui me semble meilleur car plus fort, plus original, moins bancal.


et depuis mon dernier post :

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Premier court-métrage de Maldoror, préfigurant totalement Sambizanga, dans une version ramassée et masculine : l'emprisonnement, l'interrogation violente et la mort d'un résistant ougandais. La grande idée est de faire reposer toute l'histoire sur une incompréhension langagière : alors que sa femme dit lui ramener un "complet", soit un plat traditionnel local, ses geôliers francophones pensent à un... costume. Leur rage de comprendre pourquoi il aurait besoin d'une telle tenue dans sa situation, lui coutera la vie.

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Tout l'enjeu du film n'est pas tant dans les feuilles desséchés, ni dans leurs chutes, mais dans le fait de savoir si les feuilles vont encore repousser. La question est donc : y-a-il encore de l'espoir de nos jours ? Et si oui, comment ?
Les feuilles mortes n'apparaissent en réalité à l'écran que tardivement. Et par deux fois seulement. Tout d'abord au bout des branches des arbres, à l'occasion de l’ellipse principale du film. Puis dans le dernier plan, mais elles sont alors au sol. Les personnages les piétinent, se dirigeant droit vers le soleil couchant au loin.
Le film, lui, pourtant, ne semblait cesser de regarder vers l'arrière, de son titre référencé a un poème de Prévert, à ses affiches de cinéma des 50s recouvrant tous les murs. Et quand il aborde le présent, c'est sous un jour gris : les nouvelles de la guerre ne cessent d'infiltrer l'espace sonore tandis que la vie est rudement régie par le travail, l'alcool (en trop), l'argent (en trop peu).
Heureusement Kaurismaki ne fait pas de cette situation un constat amer et cynique. Il croit en ses personnes et croit en l'amour comme ses personnages croient en l'amour. La force du film est là : chez Kaurismaki l'amour est force de changement et force d'un avenir meilleur. Si les plans et décors semblent vides c'est parce qu'ils sont remplit des relations des personnages, bien qu'ils se débattent le plus souvent entre eux ou avec eux même. Et malgré les embûches, des plus petites (la perte d'un numéro de téléphone) aux plus grandes (un accident de train, tout de même), l'envie, l'espoir, l'amour et ses nouveaux possibles restent vivant.
Il est rare de voir aborder un thème à la fois aussi simple et important sans jugement ni cynisme, d'autant plus dans le milieu travailleur. Ce film ferait à lui seul mentir l'idée bien établie (de mémoire déclarée en interview par Antonioni, mais je ne retrouve plus l'entretien, et repris à leurs comptes par des zigotos comme Haneke) que l'amour est un sentiment bourgeois, et qu'il ne peut être représenté à l'écran que dans un milieu bourgeois). Les Feuilles Mortes nous prouve l'inverse, affichant l'amour comme une force politique et positive, une ligne à reconsidérer sans complaisance pour les générations à venir.


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The Unknown Craftman - Amit Dutta

Découverte de ce film dans mon désir d'explorer un cinéma indien plus contemporain que celui auquel je m'étais frotté ces derniers mois.
Longue promenade méditative, The Unknown Craftman, suit les errances d'un homme, que l'on hésite à qualifier de mystique ou d'artiste, cherchant un emplacement pour construire un temple. Les paysages indiens sont absolument magnifiques mais cela ne fait pas un film et jamais la mise en scène ne vient incarner les propos ou la quête de son personnage. Le résultat est donc plat et illustratif, à des années lumières des superbes Kanchana Sita de Govindan Aravindan ou de Bodhi-Dharma de Yong-kyun Bae (dans un autre pays) auxquels on songe parfois, et qui réussissaient à faire tenir conjointement mise en scène et propos spirituels.
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asketoner
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cyborg a écrit :
dim. 24 déc. 2023 00:15
à des années lumières des superbes Kanchana Sita de Govindan Aravindan ou de Bodhi-Dharma de Yong-kyun Bae (dans un autre pays) auxquels on songe parfois, et qui réussissaient à faire tenir conjointement mise en scène et propos spirituels.
Il faut que je voie le Bodhi-Dharma ! Je l'ai, mais comme il est sous-titré en anglais, j'ai la flemme...
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asketoner a écrit :
sam. 23 déc. 2023 23:17
Mais oui, soudain, il fallait remettre en perspective la portée politique. Et pourquoi ? Parce qu'elle était totalement absente du reste du film, qui se contentait de nous donner à jouir du spectacle très commun, vu et revu, de la violence.
Peut être tout simplement encore une question de territoire, l'aspect politique ne se jouant pas au lieu de la bataille. Autre lieu oui, autres moeurs on ne sait pas si c'est franchement moins sauvage malgré l'apparat.

Je trouve que sans cette dernière partie, le film aurait effectivement un air de déjà vu (et probablement d'un peu too much). Mais que la remise en perspective est tout à l'honneur de son auteur.
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cyborg
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cyborg a écrit :
dim. 24 déc. 2023 00:15
J'avais oublié de dire que j'avais aussi vu

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Le vent - Souleymane Cissé - 1982

Deux étudiants, l'une fille d'un représentant politique, l'autre fils d'un chef traditionnel, se lient d'amitié et d'amour. Ce qui ne sera pas sans créer des tensions...Tandis que la jeune génération désire changer la société, sans forcément savoir ni totalement pourquoi ni comment, les figures de l’autorité se déchirent.
Beaucoup de questions en germe ici seront reprise dans Yeelen, paru 4 ans plus tard, et qui me semble meilleur car plus fort, plus original, moins bancal.


et depuis mon dernier post :

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Premier court-métrage de Maldoror, préfigurant totalement Sambizanga, dans une version ramassée et masculine : l'emprisonnement, l'interrogation violente et la mort d'un résistant ougandais. La grande idée est de faire reposer toute l'histoire sur une incompréhension langagière : alors que sa femme dit lui ramener un "complet", soit un plat traditionnel local, ses geôliers francophones pensent à un... costume. Leur rage de comprendre pourquoi il aurait besoin d'une telle tenue dans sa situation, lui coutera la vie.

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Tout l'enjeu du film n'est pas tant dans les feuilles desséchés, ni dans leurs chutes, mais dans le fait de savoir si les feuilles vont encore repousser. La question est donc : y-a-il encore de l'espoir de nos jours ? Et si oui, comment ?
Les feuilles mortes n'apparaissent en réalité à l'écran que tardivement. Et par deux fois seulement. Tout d'abord au bout des branches des arbres, à l'occasion de l’ellipse principale du film. Puis dans le dernier plan, mais elles sont alors au sol. Les personnages les piétinent, se dirigeant droit vers le soleil couchant au loin.
Le film, lui, pourtant, ne semblait cesser de regarder vers l'arrière, de son titre référencé a un poème de Prévert, à ses affiches de cinéma des 50s recouvrant tous les murs. Et quand il aborde le présent, c'est sous un jour gris : les nouvelles de la guerre ne cessent d'infiltrer l'espace sonore tandis que la vie est rudement régie par le travail, l'alcool (en trop), l'argent (en trop peu).
Heureusement Kaurismaki ne fait pas de cette situation un constat amer et cynique. Il croit en ses personnes et croit en l'amour comme ses personnages croient en l'amour. La force du film est là : chez Kaurismaki l'amour est force de changement et force d'un avenir meilleur. Si les plans et décors semblent vides c'est parce qu'ils sont remplit des relations des personnages, bien qu'ils se débattent le plus souvent entre eux ou avec eux même. Et malgré les embûches, des plus petites (la perte d'un numéro de téléphone) aux plus grandes (un accident de train, tout de même), l'envie, l'espoir, l'amour et ses nouveaux possibles restent vivant.
Il est rare de voir aborder un thème à la fois aussi simple et important sans jugement ni cynisme, d'autant plus dans le milieu travailleur. Ce film ferait à lui seul mentir l'idée bien établie (de mémoire déclarée en interview par Antonioni, mais je ne retrouve plus l'entretien, et repris à leurs comptes par des zigotos comme Haneke) que l'amour est un sentiment bourgeois, et qu'il ne peut être représenté à l'écran que dans un milieu bourgeois). Les Feuilles Mortes nous prouve l'inverse, affichant l'amour comme une force politique et positive, une ligne à reconsidérer sans complaisance pour les générations à venir.
Le dernier plan est ainsi double, rejouant la scène finale des Temps Moderne - tel un dernier clin d’œil vers le passé- tandis que l'énergie semble repartie dans le bon sens. Kierkegaard nous as dit qu' "on ne peut comprendre la vie qu'en regardant en arrière mais qu'on ne peut la vivre qu'en regardant en avant.", cela semble absolument le cas ici.


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The Unknown Craftman - Amit Dutta

Découverte de ce film dans mon désir d'explorer un cinéma indien plus contemporain que celui auquel je m'étais frotté ces derniers mois.
Longue promenade méditative, The Unknown Craftman, suit les errances d'un homme, que l'on hésite à qualifier de mystique ou d'artiste, cherchant un emplacement pour construire un temple. Les paysages indiens sont absolument magnifiques mais cela ne fait pas un film et jamais la mise en scène ne vient incarner les propos ou la quête de son personnage. Le résultat est donc plat et illustratif, à des années lumières des superbes Kanchana Sita de Govindan Aravindan ou de Bodhi-Dharma de Yong-kyun Bae (dans un autre pays) auxquels on songe parfois, et qui réussissaient à faire tenir conjointement mise en scène et propos spirituels.
Modifié en dernier par cyborg le lun. 25 déc. 2023 12:45, modifié 1 fois.
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cyborg
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Oulala l'erreur de manip, j'ai simplement voulu rajouter deux phrases qui me trottaient en tête à propos du Kaurismaki !
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groil_groil
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La vie quotidienne d'un homme dont le métier est de nettoyer les toilettes publiques de Tokyo. Il se lève chaque matin dans le même petit rituel quotidien, fait son travail avec soin et méticulosité (il faut dire que les toilettes publiques de Tokyo sont si propres, belles et réussies architecturalement que ça donne envie d'en prendre soin), et termine sa journée avec les mêmes petits rituels. C'est un homme cultivé, il aime lire, Faulkner par exemple, il adore écouter des cassettes de rock (qu'il collectionne) dans sa voiture, il fait de la photographie, toujours les mêmes arbres, en noir et blanc, et ne garde que les clichés les plus réussis, même s'il développe tout avant, et aime diner aux mêmes endroits. Rien ou presque ne perturbe la vie de cet homme, mais il est heureux. Il profite de chaque instant que la vie lui offre, et peut s'émerveiller d'un simple rayon de soleil, ou d'un coup de vent agitant une branche. Quelques petits éléments vont venir perturber parfois ce quotidien, un collègue fantasque, une nièce pas vue depuis des années qui débarque chez lui suite à une fugue, une tenancière de bar dont il aimerait tomber amoureux, son ex-mari malade d'un cancer, mais jamais ces rencontres ne vont perturber durablement la vie de cet homme, elle ne vont que l'enrichir. On ne peut d'ailleurs que louer Wim Wenders, revenant ici, alors que personne ne s'y attendait, au meilleur de sa forme, de n'avoir pas céder aux sirènes dramaturgiques américaines qui obligent à casser une situation de départ, pour tenter pendant tout le film d'y revenir, en étant transformé par une nouvelle expérience. Ici ce n'est jamais ça, la situation de départ n'est jamais cassée, ni même jamais brutalisée, elle peut parfois bouger lentement comme bouge la branche d'un arbre sous le souffle du vent, mais finit par reprendre sa place. Ah, et chaque nuit, l'homme rêve, en noir et blanc, comme ses photos, et Wenders nous montre ces rêves. Je ne suis pas toujours très fan de voir des rêves au cinéma, c'est souvent trop facile, mais les siens sont merveilleux. Ils ne durent que 4 secondes au mieux, en noir et blanc, quelques images abstraites et poétiques superposées, des matières, des textures, du vent, encore, de la nature, des sentiments, des sensations fugaces ressenties durant la journée, et hop, on se réveille, et il temps d'attaquer la suivante. Le quotidien a rarement été aussi beau au cinéma.

PS. je le classe top 11 de mon top annuel, sans doute par fainéantise de bousculer le top 10 si tard, mais il aurait très bien pu y figurer.

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Revu d'un oeil en finalisant les derniers paquets de Noël. Du Lauzier pur jus, consternant et assez vulgaire, et ce qui devait passer en bande dessinée à l'époque (je serais curieux de relire ça d'ailleurs, même si je ne le ferai sans doute jamais, pour voir ce que ça vaut aujourd'hui, pas sûr que cela soit lisible) ne passe pas du tout au cinéma. En terme de mise en scène, c'est tout aussi vide, une sorte de théâtre de boulevard filmé. Ne tiennent que les charmes de Daniel Auteuil et Catherine Alric jeunes.

Et puis, début des films de Noël avec :

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Ce chef-d'oeuvre absolu que j'ai bien vu 50 fois...

et

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Que les enfants découvraient : ça a fait marrer le grand et peur à la petite qui est allée se coucher.

Bonne fin d'année les amis !
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asketoner
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Hypernormalisation, Adam Curtis, 2016

Un documentaire qui a le mérite de donner un point de vue plutôt international sur la neutralisation de l'action politique.
Mais formellement, ça ne vaut pas grand chose. A part être édifiant, je ne sais pas ce que vise le film.
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asketoner
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The Hand - Wong Kar-Wai, 2005

A partir de ce récit aussi romantique qu'un roman de Barbey d'Aurevilly, Wong Kar-Waï élabore un film tout entier occupé à décrire le surgissement de l'érotisme, sa perte, son dépassement, sa sublimation, son retour et sa fin. On peut difficilement imaginer une scène plus ridicule a priori que celle où le tailleur enfonce son avant-bras dans la robe de la femme qu'il désire, en gémissant et grimaçant de plaisir - pourtant, dans ce film accroché à une série de gestes, la scène tient.
Dans les bons films de Wong Kar-Waï, on est embarqué dans l'éros des personnages, comme s'il donnait texture et rythme aux scènes : retenu, frustré dans In the mood for love, solitaire, exilé dans Happy together, mental et mémoriel, en voie de désagrégation dans 2046, inégalitaire et d'apprentissage dans The Hand.
Quand je vois The Hand, j'en viens à me demander si c'est l'irruption d'un plaisir inattendu, d'une jouissance inédite qui fixe le souvenir - et qui donc crée l'image ; puisqu'il n'y a, chez Wong Kar-Waï, que des images perdues, déjà passées. Le cinéaste commence son film par la fin, la femme est mourante, nous ne pouvons avoir aucune illusion scénaristique, nous savons comment le drame va se conclure, et pourtant nous espérons, mais cet espoir est érotique, physique, nerveux, pas idéaliste. En fait, le cinéma de Wong Kar-Waï est constitué de scènes dont la seule fonction est de raviver une jouissance perdue. Ou plutôt : de saisir par l'image l'origine de la jouissance, qui serait la même que celle du désespoir.
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groil_groil
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Revu seulement trois ans après l'avoir découvert, tellement le film m'avais impressionné. C'est un remake de Von Sternberg, mais c'est aussi et surtout la matrice de Match Point de Woody Allen (et de plusieurs autres de ses films du coup). Je considère Une Place au Soleil comme un film parfait, une sorte de quintessence de ce qu'Hollywood pouvait proposer de mieux, tant tout est sublime, du sujet, de son traitement, de son scénario, de ses choix d'acteurs et de leur jeu, de la mise en scène, de la photographie. Une merveille absolue, à la fois moderne et classique, comme le sont tous les grands films, que je pourrai regarder en boucle, inlassablement.

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Un scandale d'état risque d'éclater via une journaliste TV et un journaliste de presse écrite, anciennement amants, et mis à mal par le gouvernement qui fait tout pour étouffer l'affaire. Plus que le scandale lui-même, c'est le mécanisme de la révélation qui intéresse Serge Leroy, se concentrant, à la manière d'un Network, à suivre le cheminement des journalistes. C'est un film intéressant, et assez original dans le cinéma français de l'époque, d'un cinéaste dont on ne parle que très peu, mais qui a livré plusieurs films intéressants, sorte de chainon manquant entre Boisset et Jessua. Merci à Thoret d'avoir exhumé ce film.
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asketoner
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Trenque Lauquen, Laura Citarella

J'aurais peut-être été plus enthousiaste si je ne connaissais pas la littérature sud-américaine (à partir de Borges, et jusqu'à Bolano, en passant par Cortazar) que le récit imite, et dont le cinéma, jusqu'alors, à part avec Raoul Ruiz, s'était peu emparé. Mais il y a quand même quelques moments où cette longue dérive atteint des zones de pur plaisir fictionnel, dont on sait qu'il est entièrement fabriqué, et qui pourtant nous happe. Parce qu'on aime les histoires - mais pas en tant que telles : on les aimes pour ce qu'elles font aux vies de celles et ceux qui les racontent et celles et ceux qui les reçoivent. J'ai beaucoup aimé, notamment, que la relation entre Ezequiel et Laura naisse autour d'un dialogue ininterrompu à propos de la relation entre deux autres personnages dont ils ont retrouvé les lettres. En revanche, je ne comprends pas pourquoi la cinéaste se met en tête de représenter, à l'image, ces deux personnages qui auraient très bien pu rester hors-champ, avec des chapeaux de paille et des mines contrites de fiction romantique. Ca n'a aucun intérêt, le cinéma semble aplatir l'histoire au lieu de l'imaginer.
D'ailleurs, l'imaginaire à l'oeuvre dans le film me semble pauvre, en dépit de l'histoire à multiples tiroirs qui nous est contée. Outre la banalité étriquée des plans, à laquelle on se fait malgré tout, comme si c'était la condition d'une liberté relative, il y a ce gynécée insipide, où l'on cultive son jardin et où l'on prépare la chambre de l'enfant (si monstrueux soit-il), sans jamais se raconter la moindre histoire. L'idée était pourtant très belle, d'un message audio laissé par Laura dans le studio d'enregistrement de la radio locale, que Ezequiel et l'animatrice écoutent ensemble en buvant du whisky. D'ailleurs les scènes les plus fortes (les plus "réellement fictives", je ne sais pas comment dire autrement) sont celles de l'écoute de l'histoire de Laura. Dommage que la cinéaste ne s'en soit pas tenue au studio. Elle a préféré tourner les plans sur les femmes qui font un feu (au secours le cliché ! on va la voir combien de milliers de fois encore cette scène ???), ou sur Laura s'approchant de la porte interdite accompagnée par une musique de téléfilm. Alors qu'au fond, la seule chose réellement intéressante aurait été d'observer ce qui se noue entre Ezequiel et l'animatrice autour de ce message, les inquiétudes, le partage d'un secret, la croyance, etc...
Trenque Lauquen est moins pénible et tape-à-l'oeil que La Flor, conçu par le même collectif quelques années plus tôt, aussi l'ai-je vu jusqu'au bout. J'étais plutôt séduit par la façon dont les histoires d'amour de Laura ne sont jamais présentées sous l'angle de l'adultère, mais plutôt sous celui d'un kaléidoscope, qui s'ouvre à chaque fois à de nouveaux éclats, de nouveaux fragments. Quelques détails m'ont bien plu, comme le fait que les personnes que Laura aime ont toutes pour particularité d'écouter une seule et même chanson dans leur voiture. J'ai pu me dire que c'était la vision de Laura elle-même, nécessairement parcellaire, qui réduit chaque être à une chanson, et cherche, avec ses aventures sentimentales, l'album complet. Mais la fin est très décevante : soudain les plans sont larges, la nature apparaît, et Laura marche seule à travers le monde. N'y avait-il donc aucune autre émancipation envisageable que celle des récits individualistes hollywoodiens comme Into the wild ? J'attendais que la fiction agisse et emporte le ou les personnage.s. Mais non, c'est l'idée qui a gagné, c'est Thoreau qui écrit la vie dans les bois mais dont la mère lave encore le linge. Adieu Borges, Rivette, etc... Retour à l'ordre lyrique. Mais je pense que Trenque Lauquen, sous une apparence simple qu'on pourrait prendre pour de la liberté, manque d'esprit critique. En tout cas, il échoue à déjouer les poncifs des fictions dominantes. Il faut, une fois de plus, qu'une femme disparaisse pour exister.
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asketoner a écrit :
jeu. 28 déc. 2023 12:36


J'aurais peut-être été plus enthousiaste si je ne connaissais pas la littérature sud-américaine (à partir de Borges, et jusqu'à Bolano, en passant par Cortazar) que le récit imite, et dont le cinéma, jusqu'alors, à part avec Raoul Ruiz, s'était peu emparé.
Donc, toi qui connais bien 'le nouveau roman', t'aime pas tant que ça 'la Nouvelle vague' ? :p


Sinon, concernant ce film, j'ai lu un commentaire lambda (très intéressant et que j'approuve amplement) sur les réseaux sociaux que je me permets de le reproduire :
c'est un film qui commence comme Twin Peaks, puis qui bifurque vers la comédie romantique voir la science fiction puis on bascule dans du Antonioni.



ps: comment t'as pu choper le film ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Donc, toi qui connais bien 'le nouveau roman', t'aime pas tant que ça 'la Nouvelle vague' ? :p
Le Nouveau roman est contemporain de la Nouvelle vague, ça n'a donc rien à voir. Dans Trenque Lauquen il s'agit très nettement d'une inspiration (mais passée par le filtre de la pop-culture, série télé, Antonioni, tout mélangé), quand pour la Nouvelle vague on pourrait plutôt parler d'air du temps. D'ailleurs les "lectures" des cinéastes de la Nouvelle vague sont plutôt conventionnelles (Henri-Pierre Roché) ou populaires (les polars américains) (sauf Godard qui s'est frotté à Cortazar, justement, avec Week-end) ; ce qui les rapproche du Nouveau roman est surtout une question de style, le soupçon porté sur la psychologie des personnages, l'éreintement de quelques conventions, etc... Mais à part Resnais, et Duras qui a fait ses propres films, je n'ai pas beaucoup vu Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol ni Rivette s'intéresser à Nathalie Sarraute, Beckett, Claude Simon ou Robert Pinget.

Et je maintiens que ce qui étonne dans Trenque Lauquen n'est quasiment qu'une question de scénario, et que ce scénario séduit facilement les personnes peu habituées à lire de la littérature sud-américaine.
ps: comment t'as pu choper le film ?
Il passait au ciné.
Il y a quelques séances de rattrapage en ce moment. Ce soir je vais voir Aftersun.
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Par exemple, dans Trenque Lauquen, on en vient à la marche, on s'y met, c'est une idée qui survient après 4 heures de film où tout le monde est assis, et on n'a l'idée que de marcher seule.
Chez Rivette (je pense au Pont du Nord), on marche du début à la fin, la marche est la condition, et on marche à deux.
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asketoner a écrit :
jeu. 28 déc. 2023 14:20
Le Nouveau roman est contemporain de la Nouvelle vague
Ma foi, le nouveau roman commence dans les années 54-55 n'est ce pas ? Or, la nouvelle vague c'est vraiment à la toute fin années '50, non ?
asketoner a écrit :
jeu. 28 déc. 2023 14:20
Dans Trenque Lauquen il s'agit très nettement d'une inspiration (mais passée par le filtre de la pop-culture, série télé, Antonioni, tout mélangé), quand pour la Nouvelle vague on pourrait plutôt parler d'air du temps.
C'est quand même pas très éloigné 'air du temps' et 'inspiré de' non ?
asketoner a écrit :
jeu. 28 déc. 2023 14:20
Et je maintiens que ce qui étonne dans Trenque Lauquen n'est quasiment qu'une question de scénario, et que ce scénario séduit facilement les personnes peu habituées à lire de la littérature sud-américaine.
Et bien puisque j'ai lu de la littérature sud-américaine, je ne trouve pas que c'est une question de scénario. Le film est fait d'images non ? Si tu trouve qu'il s'agit d'un scénario filmé, dis-le. C'est de ça qu'il s'agit selon toi ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Ma foi, le nouveau roman commence dans les années 54-55 n'est ce pas ? Or, la nouvelle vague c'est vraiment à la toute fin années '50, non ?
Vraiment tu chipotes ! C'est la même période. Là dans Trenque Lauquen on parle de Borges, les années 40-50 (et encore, tout ça trouve sa source cher Gomez de la Serna ou Macedonio Fernandez ou Roberto Arlt...)...

C'est quand même pas très éloigné 'air du temps' et 'inspiré de' non ?
Rien à voir mais à mon avis tu ne veux pas comprendre.
Rimbaud et Nietzsche ne sont sans doute jamais lus et pourtant...

Et bien puisque j'ai lu de la littérature sud-américaine, je ne trouve pas que c'est une question de scénario. Le film est fait d'images non ? Si tu trouve qu'il s'agit d'un scénario filmé, dis-le. C'est de ça qu'il s'agit selon toi ?
Dès lors que le film "imagine", oui. Mais ça ne veut pas dire grand chose, un scénario filmé, en soi (tout film pourrait en être un). Je veux juste dire que le film a du mal à s'intéresser à ce qu'il filme réellement. Et s'il s'y intéressait, s'il assumait absolument de filmer des gens qui se passionnent pour des histoires, sans tenter de filmer ces dites histoires, je suis prêt à parier qu'il serait plus court.
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cyborg
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@asketoner : non, Curtis ne vise à "rien d'autre". Mais c'est déjà beaucoup, dans sa façon de détricoter, retricoter, explorer les zones invisibles des relations internationales, les influences culturelles et autres sortes d'enjeux dont l'ampleur et les durées nous échappent généralement. J'y vois une sorte "d'anti-conspirationisme" tentant néanmoins de conjecturer le marasme dans lequel nous avons tous l'impression de nous trouver.

Cela me semble fait avec beaucoup d'aisance, de clarté et de précision, ce qui rend le travail digeste et captivant. Mais oui, bien entendu ce n'est pas du cinéma et "ça reste" du docu TV... mais produit par la BBC tout de même (pourrions nous imaginer 2 minutes France TV produire un truc de ce genre ?).

J'ai quasiment vu tout ce qu'il à fait et je crois qu'il s'en sort mieux quand il touche à des sujets plus ancien (Hypernormalisation est suspendu à la première élection (prédite - le docu a été diffusé juste avant) de Trump, tandis que son dernier Can't get you ot of my head se conclue (après 8h !) durant le début de la crise du covid, dont - comme tout le monde - il à alors peu à dire) et c'est en général The Century of the self (sur la "mise en application" des théories freudiennes par le milieu de la publicité au début du XXème) que je recommande en premier.
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cyborg
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Nosferatu Fantôme de la Nuit - Werner Herzog

Surprenant détour par le maniérisme pour Werner Herzog qui, 10 ans après le début de sa carrière, se lance dans une relecture du légendaire Nosferatu de Murnau. Liant gothique et expressionnisme, romance et épouvante, le réalisateur ne se refuse rien et mène avec brio un projet qui n'aurait pu être qu'un château de carte.
Si le style recherché est à l'opposé de celui auquel on identifie Herzog, la dynamique même du film semble proposer un retournement de ses habitudes. Si bon nombre de ses films sont des "voyages vers" et des rencontres et temps "passées avec" des personnages marginaux, tout l’enjeu est ici de ramener "la folie" à l'intérieur même du point de départ. Le voyage "aller" est ainsi expédié en un plan, tandis qu'une belle place sera laissée au retour, et plus encore à l'installation et au développement "du mal" dans la société. Poussant sa logique jusqu'au bout c'est d'ailleurs le film lui même qui parait se désagréger peu à peu de l'intérieur, la mise en scène semblant progressivement mettre à mal les notions d'espace et de temps.

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En visionnant "La mouche" il y a quelques années, j'avais été surpris par la rapidité de Cronenberg à démarrer son récit en quelques plans. Le même tour de force est réalisé ici par Carpenter. L'explication me semble s'expliquer par la somme de poncifs ultra codifiés et hyper lisibles avec lesquels ils constituent leurs films, ou du moins leurs points de départ. Il n'y a absolument aucun doute sur ce qui apparait à l'écran : les "choses sont telles qu'elles sont". L'efficacité est redoutable, quasi-publicitaire. Chacun des deux réalisateurs cherchant ensuite à faire plus ou moins vriller ces imaginaires.
On a d'ailleurs connu Carpenter plus inspiré, ou du moins plus corrosif, Starman finissant par ressembler à une quintessance de la culture américaine des années 80. Pompant allégrement "The Questor Tapes" (1974 : 10 ans plus tôt), ici doublé d'une romance endeuillée et d'une sauce extra-terrestre, le potentiel perturbateur de ce personnage adulte à qui il faut tout réapprendre reste malheureusement toujours à l'état de gag (même si régulièrement drôle, avouons-le) pour se concentrer sur un "retour de l'être aimé" sirupeux au possible. Le résultat est au mieux distrayant, au pire frustrant.

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The creators of shopping worlds - Harun Farocki

1h12 de réunions et d'études pratiques de concepteurs de centres commerciaux. Farocki, pertinent comme jamais, dévoile patiemment ce qui construit notre rapport à la consommation, nos imaginaires préfabriqués, nos pulsions conditionnés. De l'architecture générale des magasins à la mise en rayons des produits, le décorticage se fait toujours avec une immense précision (il n'y a pas un seul plan inutile ici, ni même superflu) tout en prolongeant le fil rouge de toute l’œuvre de l'auteur : la vision, de l'humain à la machine. Incontournable !


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Péril en la demeure - Michel Deville - 1984

Avec "Péril en la demeure" Deville semble s'attaquer à une sorte de relecture post-moderne d'Hitchcock. Si tous les ingrédients sont en place (attention je dis bien tous, de la brune&la blonde, le microfilm, le tueur-voleur contre son grès, l'appareil à téléobjectif, la voisine qui boite etc etc), il n'y a malheureusement aucun discours qui ressort du film, celui-ci restant premier degré jusqu'au bout, maladroit et engoncé dans son propre sérieux, ployant sous les cabotinages sans fin de ses acteurs.
C'est la même année que sort Body Double de De Palma et la comparaison fait malheureusement très mal. Il fallait bien entendu toute la vulgarité californienne et le sens délirant du spectacle à l'américaine pour réussir une "mise à jour" du discours cinématographique du grand Hitch, et pas le ridicule contrit de la bourgeoisie franco-française de province.
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asketoner a écrit :
jeu. 28 déc. 2023 16:17

Dès lors que le film "imagine", oui. Mais ça ne veut pas dire grand chose, un scénario filmé, en soi (tout film pourrait en être un). Je veux juste dire que le film a du mal à s'intéresser à ce qu'il filme réellement. Et s'il s'y intéressait, s'il assumait absolument de filmer des gens qui se passionnent pour des histoires, sans tenter de filmer ces dites histoires, je suis prêt à parier qu'il serait plus court.
Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.

Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
ven. 29 déc. 2023 09:24
Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.

Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
:??:

Pourquoi tu veux parler de Lynch soudain ?
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cyborg a écrit :
ven. 29 déc. 2023 00:37
@asketoner : non, Curtis ne vise à "rien d'autre". Mais c'est déjà beaucoup, dans sa façon de détricoter, retricoter, explorer les zones invisibles des relations internationales, les influences culturelles et autres sortes d'enjeux dont l'ampleur et les durées nous échappent généralement. J'y vois une sorte "d'anti-conspirationisme" tentant néanmoins de conjecturer le marasme dans lequel nous avons tous l'impression de nous trouver.

Cela me semble fait avec beaucoup d'aisance, de clarté et de précision, ce qui rend le travail digeste et captivant. Mais oui, bien entendu ce n'est pas du cinéma et "ça reste" du docu TV... mais produit par la BBC tout de même (pourrions nous imaginer 2 minutes France TV produire un truc de ce genre ?).

J'ai quasiment vu tout ce qu'il à fait et je crois qu'il s'en sort mieux quand il touche à des sujets plus ancien (Hypernormalisation est suspendu à la première élection (prédite - le docu a été diffusé juste avant) de Trump, tandis que son dernier Can't get you ot of my head se conclue (après 8h !) durant le début de la crise du covid, dont - comme tout le monde - il à alors peu à dire) et c'est en général The Century of the self (sur la "mise en application" des théories freudiennes par le milieu de la publicité au début du XXème) que je recommande en premier.
:jap:

J'aime bien le suivre sur la piste de la bêtise ou du déni de réalité.
J'ai un peu plus de mal avec le poncif de l'art comme moyen d'échapper à ladite réalité, comme si Patti Smith avait écrit des chansons au lieu de diriger l'armée.
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Aftersun, Charlotte Wells

Le film parvient très fortement à capturer l'attention, générant sans cesse une inquiétude (on attend le drame) avec de gros effets (les chansons), mais ne donne rien en retour. En esquivant le drame (finalement il ne s'agira que de parler du passé, et de la façon dont l'attachement à la fois se crée et se perd), la cinéaste ne se défait pas des procédés qui le constituent. On pourrait penser que ça ressemble à la vie telle qu'elle est vécue réellement par la plupart des gens (et c'est sans doute ce qui fait que le film a tant plu), mais le problème vient aussi de là : à force de faire ressembler la vie à la façon dont tout le monde la voit, le film devient banal, pingre et superficiel. Pas de drame - mais quand même deux trois plans où on n'est pas certain que le personnage soit remonté à la surface de l'eau ; pas de psychologie - mais quand même un pauvre souvenir d'enfance malheureuse ; pas de tragédie - mais quand même le plan romantique sur le suicide nocturne en s'avançant vers la mer. Bref, tout ça, pour moi, c'est du chiqué.
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sokol
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asketoner a écrit :
ven. 29 déc. 2023 11:25
sokol a écrit :
ven. 29 déc. 2023 09:24
Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.

Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
:??:

Pourquoi tu veux parler de Lynch soudain ?
Parce que les films de Lynch aussi donnent l’impression qu’ils ne filment pas vraiment les gens mais plutôt les histoires qu’ils rêvent ou qu’ils imaginent.
Ma question n’était pas du tout malsaine, cynique car il y a plein de cinéphiles (et des cinéastes qu’on adore) qui n’aiment pas ses films.

Donc on peut dire la même chose pour les films de Lynch non ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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asketoner
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sokol a écrit :
ven. 29 déc. 2023 17:09
asketoner a écrit :
ven. 29 déc. 2023 11:25
sokol a écrit :
ven. 29 déc. 2023 09:24
Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.

Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
:??:

Pourquoi tu veux parler de Lynch soudain ?
Parce que les films de Lynch aussi donnent l’impression qu’ils ne filment pas vraiment les gens mais plutôt les histoires qu’ils rêvent ou qu’ils imaginent.
Ma question n’était pas du tout malsaine, cynique car il y a plein de cinéphiles (et des cinéastes qu’on adore) qui n’aiment pas ses films.

Donc on peut dire la même chose pour les films de Lynch non ?
Mais en fait je ne parlais pas de "filmer les gens" mais de filmer des gens qui s'intéressent à une histoire sans représenter l'histoire en question. Ce qui pour Lynch ne s'applique pas, puisque les protagonistes font partie de l'histoire (l'histoire n'est pas en-dehors d'eux) (sauf dans Twin Peaks, et encore, car l'histoire les emporte ou les implique à un moment ou à un autre).
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Past Lives, Celine Song

Au début j'ai cru que j'allais partir, le film était trop propre, esquivait toute durée, caractérisait de façon très ennuyeuse ses personnages. Malgré tout je voyais bien qu'il y avait, sur la question des sentiments, une tenue singulière, alors je suis resté. Et en effet, quand on atteint la deuxième moitié du film, le temps rentre dans les scènes (tout le reste du film a été écrit pour charger cette deuxième moitié). Et au lieu de voir des personnages définis, on les voit vivre. Il y a d'ailleurs une scène assez géniale où l'on voit bien que la question de la définition ne tient plus : quand la jeune femme rentre de ce rendez-vous avec un ami qu'elle n'a pas vu depuis 24 ans et dont elle était amoureuse lorsqu'elle était enfant à Séoul, elle n'arrête pas de dire à son mari que ce garçon est typiquement coréen, et elle répète le mot coréen à chaque phrase, sauf que ça ne circonscrit plus du tout ce qu'elle ressent. Les petites frontières de l'identité qui s'en tient aux faits éclatent. Les questions à la douane semblent ridicules. Le résumé que le mari fait de son histoire avec Nora ne ment sur aucune détermination extérieure mais omet l'amour. Et à la fin, la réalisatrice a le courage de ne pas surjouer le drame. Elle fait se rencontrer les trois personnages, et tout le monde est bouleversé voire blessé à mort par la situation, mais chaque personnage la comprend, l'admet et la traverse. C'est fin et digne. Il en émane une tristesse très particulière, une irrésolution fondamentale.
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asketoner a écrit :
ven. 29 déc. 2023 19:30

Mais en fait je ne parlais pas de "filmer les gens" mais de filmer des gens qui s'intéressent à une histoire sans représenter l'histoire en question. Ce qui pour Lynch ne s'applique pas, puisque les protagonistes font partie de l'histoire (l'histoire n'est pas en-dehors d'eux) (sauf dans Twin Peaks, et encore, car l'histoire les emporte ou les implique à un moment ou à un autre).
Ah voilà, c’est ce que je craignais : tu parle scénario. Or je parlais exactement «filmer les gens ».

Perso, je pense que ce n’est pas important du tout si on représente ou pas les histoires auquelles s’intéressent les gens : il n’y pas de règle pour cela (qu’est ce que représenter, qu’est ce que ne pas représenter, comment le.s représenter etc etc etc) : si cela marche (si cela fait cinéma), pour moi c’est ok. On peut tout faire au cinéma, en terme de représentation. Tout. À condition, une fois de plus que cela fasse cinéma.

ps : Je comprend mieux pourquoi tu ne disais pas clairement que c’était un ‘scénario filmé’ et point barre.
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sokol a écrit :
sam. 30 déc. 2023 21:03

Ah voilà, c’est ce que je craignais : tu parle scénario. Or je parlais exactement «filmer les gens ».
Je pense précisément que c'est une question de mise en scène.
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asketoner a écrit :
dim. 31 déc. 2023 00:35

Je pense précisément que c'est une question de mise en scène.
Mais pourquoi il ne faut pas représenter les histoires auxquelles s’intéressent les gens ?? Où est ‘le mal’ ?
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sokol a écrit :
dim. 31 déc. 2023 09:14
asketoner a écrit :
dim. 31 déc. 2023 00:35

Je pense précisément que c'est une question de mise en scène.
Mais pourquoi il ne faut pas représenter les histoires auxquelles s’intéressent les gens ?? Où est ‘le mal’ ?
Tu persistes à me faire dire ce que je n'ai pas écrit.
La seule chose que j'affirme c'est qu'elle ne choisit pas : elle filme non seulement les gens qui s'intéressent à une histoire mais aussi l'histoire en question. Et c'est ça qui est très mauvais, parce que finalement elle ne va au bout ni de la première idée ni de la deuxième. Avec sa mise en scène, en fait, elle fait diversion. Elle passe beaucoup de temps à nous prouver qu'elle est super libre. Je la regarde s'autoriser tout et n'importe quoi mais la vérité c'est que je m'en fiche, ça ne fait pas un film. Radu Jude s'autorise beaucoup de choses mais il fait des choix très clairs, et ça c'est de la mise en scène.

Mais peut-être que tu ne te souviens pas vraiment de quoi je veux parler, parce que j'ai l'impression que notre discussion est très confuse depuis le début.
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cyborg
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Je vous confirme que votre discussion est très confuse depuis le début :D


Pour ma part, ce qui constituera assurément mon dernier film de l'année :

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The end of time - Peter Mettler

Je me suis laissé séduire par l'affiche, avec ce petit chien assis sur des coulés de lave refroidies. Je n'aurais pas du. Le film est une sorte de gloubiboulga de réflexions plus ou moins plates sur le concept du temps, sautant du CERN au bouddhisme en passant par les ruines de Detroit et s'achevant sur un trip psychédélique. Au milieu de tout ça nous croisons un homme décidé à vivre depuis des années au milieu des coulées de laves actives sur un île du pacifique... un personnage Herzogien en diable dont Mettler sait à peine quoi faire. Les images sont belles, mais cela ne suffit pas, le résultat est tout à fait dispensable.
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yhi
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@cyborg

Tu sais qu'à chaque fois que tu fais un texte sur un film de Peter Nestler, je le confonds avec Peter Mettler.

J'en était venu à faire le tri dans ma tête comme ça :
- Peter Nestler = le mec dont cyborg parle
- Peter Mettler = le mec qui fait des trucs en mode Ron Fricke + Yann Arthus Bertrand dans une marmite

Mais si tu commences à voir des films du second, ça va pas arranger mon cerveau :lol:

Le mieux serait probablement que je mette à regarder des films de Nestler (que je ne connais pas. Internet qui sait mieux que moi ma vie me dit que j'ai déjà vu un court, mais je n'en ai aucun souvenir) pour vraiment pouvoir faire la différence.
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sokol
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asketoner a écrit :
dim. 31 déc. 2023 12:11
Mais peut-être que tu ne te souviens pas vraiment de quoi je veux parler, parce que j'ai l'impression que notre discussion est très confuse depuis le début.

En fait, si, je me souviens très bien des scènes dont tu parles (celles évoquées par les personnages durant leur conversations et qu'on les voit représenter). Je m'étais posé également la question mais au final, ça fonctionne.

A propos : dans "Fermer les yeux" Victor Erice fait exactement la même chose; cela ne t'a pas gêné ?
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asketoner
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Le Matos et la Thune, Cristi Puiu, 2004

Excellent film, dans lequel Cristi Puiu sait déjà qu'il n'a besoin de presque rien pour faire du cinéma : une voiture, trois personnes dedans, une mission, des adversaires, un patron, beaucoup de mélancolie, et cette lutte permanente contre la dureté des coeurs, et la facilité avec laquelle on prend le pli de la domination.
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sokol
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asketoner a écrit :
mar. 2 janv. 2024 11:18

Le Matos et la Thune, Cristi Puiu, 2004

Excellent film, dans lequel Cristi Puiu sait déjà qu'il n'a besoin de presque rien pour faire du cinéma : une voiture, trois personnes dedans, une mission, des adversaires, un patron, beaucoup de mélancolie, et cette lutte permanente contre la dureté des coeurs, et la facilité avec laquelle on prend le pli de la domination.
Excellent premier film du 'grand frère' (pour ne pas dire du maitre) d'un certain Radu Jude. Film quasiment inconnu
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cyborg
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@yhi : haha ! Oui c'est peut-être à cause de la proximité du nom que je me suis laissé tenter, et pas simplement à cause du doggo sur l'affiche ! Je ne connaissais pas du tout Mettler, mais si tu le connaissais il doit avoir sa petite renommée ?
Bref quoi qu'il en soit leurs films n'ont RIEN à voir, et tu te doutes dans quelle équipe je suis !
Je recommande en effet chaudement Nestler qui propose un cinéma exigeant mais riche.
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sokol a écrit :
mar. 2 janv. 2024 10:03
asketoner a écrit :
dim. 31 déc. 2023 12:11
Mais peut-être que tu ne te souviens pas vraiment de quoi je veux parler, parce que j'ai l'impression que notre discussion est très confuse depuis le début.

En fait, si, je me souviens très bien des scènes dont tu parles (celles évoquées par les personnages durant leur conversations et qu'on les voit représenter). Je m'étais posé également la question mais au final, ça fonctionne.

A propos : dans "Fermer les yeux" Victor Erice fait exactement la même chose; cela ne t'a pas gêné ?
Tu as raison, c’est plus ou moins le même procédé, mais justement ce n’est pas du tout la même mise en scène. Erice organise les glissements, l’entremêlement des vies et des histoires, et tout chez lui est entièrement tendu vers la constitution d’une vision qui viendrait boucher le manque. Dans Trenque Lauquen, ça me semble juxtaposé, comme une tarte avec plusieurs couches de crème.
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Tyra
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Bonne année à tout le monde. :hello:

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Deux tempéraments s'opposent chez Scorsese, dans une lutte sans merci, parfois entre deux films, parfois au sein du même film. D'une part le petit italo-américain sanguin, fiévreux, amoral, jubilatoire. De l'autre le catholique repentant, contrit, étouffé par la mauvaise conscience. Je ne suis pas un grand fan de Scorsese, mais clairement c'est le premier versant que j'aime chez lui (Casino, les Affranchis, Taxi Driver, Le Loup de Wall Street), plutôt que le deuxième (Silence, À tombeau ouvert). Ici le personnage joué par DiCaprio, physiquement bouffé par cette contradiction, me semble un avatar non avoué de son auteur (je n'ai lu personne relever cette piste, elle me semble assez évidente). Bref, dans cette catégorie de films que j'aime le moins chez Scorsese, ça me semble quand même être le haut du panier de son auteur. Même si, et je ne suis pas le premier à le dire, j'aurais aimé voir un peu plus des Osages, leur culture, leur langue, leurs visages. Ici ils sont peu à peu effacés et réduits à des visions un peu éculées des cultures amérindiennes.


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C'est un ratage presque total, et je suis un peu en colère contre la bonne réception de la presse, décidément dithyrambique sur tout ce que fait Kore-eda, pourtant loin d'être génial. Mais ici c'est le pompon. Et pourtant, dans la première partie (d'un film en trois), il se passe quelque chose, principalement dans cette école dans laquelle Kore-eda parvient à instituer un malaise, brocardant la société japonaise et sa peur démesurée du conflit. L'atmosphère est presque à la lisière du fantastique, tellement on croirait le surnaturel prêt à surgir à tout moment. Puis, monsieur scénario et ses effets de manche arrive et détruit à coups de batte ce que le film avait construit, pour reconfigurer tout ce que nous venons de voir à l'aide d'un changement de point de vue... Intrigue manipulatrice tirée par les cheveux, peu crédible, incomplète. La troisième partie arrive, et là c'est le pire, on se retrouve chez Lucas Dont et ses amitiés homosexuelles enfantines niaises et dont l'image récurrente, commune aux deux cinéaste, sont deux enfants courant dans les hautes herbes sous un beau soleil d'été. On cherchera vaguement où est la charge tant promise contre l'intolérance, puisqu'à aucun moment la possible homosexualité des deux garçons ne pose problèmes aux professeurs et encadrants de l'école (ils ignorent tout de toute façon).
Bref, il serait temps de retirer à Kore-eda son titre frauduleux octroyé par la critique de "cinéaste de l'enfance" tant celui-ci s'en tient trop souvent à des images d'Épinal pleines de joliesses (les jeunes acteurs sont toujours très beaux), mais passés au filtre d'un regard adulte à coté de la plaque. A l'image d'une conclusion pleine de maturité tirée par l'un des enfants à la fin du film, capable grâce à la directrice de mettre les mots (des mots explicatifs de mauvais scénariste) sur le conflit intérieur qui le rongeait pendant tout le film.

La suite lorsque je trouve le temps... :)
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sokol
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asketoner a écrit :
mar. 2 janv. 2024 14:18

Tu as raison, c’est plus ou moins le même procédé, mais justement ce n’est pas du tout la même mise en scène. Erice organise les glissements, l’entremêlement des vies et des histoires, et tout chez lui est entièrement tendu vers la constitution d’une vision qui viendrait boucher le manque. Dans Trenque Lauquen, ça me semble juxtaposé, comme une tarte avec plusieurs couches de crème.
Enfin, on y est ! :)

Mais justement, c'est dans "Trenque Lauquen" que je vois les glissements, l’entremêlement des vies et des histoires tandis que dans "Fermer les yeux" tout ça m'a semblé un peu juxtaposé, comme une tarte avec plusieurs couches de crème.
Donc, c'est très intéressant d'en parler car la force du cinéma c'est de nous offrir des exemples qui ont en commun le même procédé mais qui utilisent de différentes mises en scènes que nous voyons différemment (fait que je trouve bien moins important que celui de mettre en parallèle deux films : parler d'un film en évoquant un autre. Mais il fallait les trouver !).


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"Oh, Jeanne, pour aller jusqu'à toi, quel drôle de chemin il m'a fallu prendre" :D
Modifié en dernier par sokol le mar. 2 janv. 2024 15:46, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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