Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
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cyborg
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Petit message juste pour changer de page :D
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cyborg
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Superbe variation de Citizen Kanes. La grande idée est bien sur de changer la forme de "l'enquête" en celle de "représentation théâtrale" permettant à sa façon l'ouverture de multiples scènettes. La mise en abyme devient alors double, s'ouvrant tant sur la forme cinématographique que sur la vie de l'héroîne elle-même. Comme si une vie basée sur esclandre, double jeu et coup de théâtre ne pouvait que finir par devenir une représentation théâtrale permanente.

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Six fois deux - Sur et sous la communication / Jean-Luc Godard & Anne-Marie Miéville

Très heureux d'avoir enfin vu (ou disons "pris le temps de voir" car on excède les 10h !) 6x2, qui m'apparait immédiatement comme un jalon essentiel dans l’œuvre de Godard et dans la trajectoire globale de ses réflexions. Le projet ne manque pas de longueurs ou de ratés, mais sa façon de les embrasser totalement, de les inclure dans le projet, me le rend encore plus sympathique. Et qu'un tel projet ai pu exister sur une chaine nationale à heure de grande écoute, m'épate. Et tant mieux !

6x2 est donc un projet sur la communication, mais une communication bien particulière : celle par et avec la télévision. Le titre est bien "sur et sous la communication" et ce qu'il y a entre le "sur" et le "sous", prise en sandwich, c'est la télévision, l'appareil technique et médiatique.

L'intuition qu'à Godard ici me semble pouvoir se résumer à la formule fondamentale de Marshall McLuhan "medium is the message". Je n'ai aucune idée de si Godard connait cette théorie mais il me semble que c'est vraiment elle qui porte le projet. On est vraiment dans l'expérimentation totale de la télévision comme médium pour voir ce qu'elle fait aux images, ce qu'elle fait à la communication et ce que les images et la communication lui font en retour, tout ceci à l'aune de la crise de foi que Godard connait avec le cinéma dont il a depuis quelques années rejeté la forme classique et vers lequel il reviendra quelques années plus tard non sans rédemption (regardons les titres : Je vous salue Marie, Passion...). Nous sommes ici juste après sa période dite "politique" mais le geste ici est peut-être encore plus politique : examiner le médium dominant de son temps de l'intérieur pour tenter de comprendre comment la société s'y forme et quelle forme il donne à la société. L'occasion d'en prendre consciencieusement le contre-pied pour faire apparaitre ses structures.

L'une des caractéristiques de la vidéo est son rapport au temps : c'est la première fois que l'on peut enregistrer aussi longtemps des images sans avoir besoin de couper (Il est d'ailleurs intéressant de se dire que les possibles de cette durée extrêmement étendu ont crée l'effet inverse dans la pratique, à savoir la multiplication infini des plans. Bref) et Godard de s'en saisir totalement, faisant plusieurs épisodes composés d'entretien en plan fixe d'une heure, sans coupe dans le propos. Ceci avec plus ou moins de succès, pouvant être particulièrement touchant (l'horloger), embourbant (l'agriculteur) ou passionnant (le mathématicien). Cet effet de "direct" et de "continu" est le seul moyen pour que la communication (de celui qui est filmé) échappe à la communication de la télévision, qui est bien sur celle du montage et de la juxtaposition. "Montage, mon beau soucis" ici encore et toujours... Et Godard d'expérimenter toutes les nouveautés permises par la vidéo et venant déjouer le montage binaire traditionnel : superposition d'images, incrustation d'images, écrits et traces sur les images... (problématique qui viendra "se résoudre" ou du moins exploser dans son "Adieu au Langage" quelques décennies plus tard quand il dynamite la 3D en faisant apparaitre une image différente dans chaque oeil du spectateur, c'est ça l'adieu au langage).

La vidéo, par sa légèreté, sa simplicité, était une promesse de vie, ou du moins de rapport différent à la vie. C'était d'ailleurs ce qui portait la base de la nouvelle vague (on sort des studios etc) mais qui s'est avéré impossible dans les faits, faits sur lesquels on bute encore mais pour des raisons différentes. Et Godard de tendre ses fils habituels sur le travail et sa forme, sur l'amour et sa force, sur la narration et ses biais... et au milieu de tout ça il y a bien sur Godard, la figure de Godard, toujours là pour poser des questions en se donnant le rôle qu'il se confie toujours (et encore plus dans la suite de sa carrière) : celui de l'idiot, du naïf, afin de mieux poser des questions faussement simples déroutant tout le monde pour mieux le faire réfléchir. A ce titre l'épisode avec le mathématicien m'apparait comme absolument génial car c'est le seul qui "résiste" aux questions de Godard, ne se laissant pas faire et répondant avec le plus grand sérieux.

Le plus bouleversant dans tout cela c'est, je crois, les toutes dernières secondes du dernier épisode, qui complètent de façon inversée tout le premier épisode. L'épisode 1 est une sorte de caméra-cachée dans lequel Godard en semi-hors champs fait défiler des chercheurs d'emplois pour qu'ils jouent leurs propres rôle de travailleurs dans son prochain projet. Ici c'est le dispositif qui est dissimulé et la vie qui est présente. Dans le dernier épisode, à la suite d'un entretien classique avec un homme, surgit par un hors-champs sonore les rires d'enfants dévalant un escalier. Ici c'est le dispositif qui est présent et la vie qui est dissimulée. Entre ces deux points ? 10 heures de télévision.




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Par son aspect "chronique de la vie à la ferme à travers les saisons" le film de Sandrine Veysset semble le lointain cousin de L'Arbre aux Sabots d'Olmi. Mais un Arbre aux Sabots en plan rapproché, dans lequel on aurait introduit subtilement une narration nous faisant découvrir très progressivement le drame qui se joue sous nos yeux.
C'est en ce point que le film est très fort : il ne se dépare jamais de son naturalisme tout en réussissant à éviter tout ressort scénaristique ou scène explicative contraignante pour continuer à avancer. Le flot du film est le flot de la vie qu'il met en scène. Et l'on finit par s'attacher aux personnages sans même s'en apercevoir, comme il peut arriver de nous attacher à une nouvelle personne sans s'en rendre compte. Ce portrait de femme et de vie n'en est que plus fort.


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Erreur Tragique - Louis Feuillade - 1913

En visionnant un film un aristocrate voit sa femme se promener avec un autre homme à l'écran. Persuadé de sa traitrise, il décide quasi-immédiatement de la tuer, une mort qui sera finalement évitée de justesse.

La très brève durée du film (15 minutes) n'a sans doute pas permis de s'étendre mais la rapidité du jugement du héros, jamais remis en cause, semble absolument délirante. Mais, non sans une ironie certaine, le mal serait plutôt à voir du côté du cinéma et des doubles qu'il génère, Feuillade semblant avant tout nous mettre en garde face à la folie des images.



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Non réconciliés ou Seule la violence aide où la violence règne - Danièle Huillet & Jean-Marie Straub

Le film se vente d'évoquer en une heure un demi siècle de l'histoire contemporaine d'Allemagne (de la veille de la Première Guerre Mondiale jusqu'au "miracle économique") mais soyons honnête : sans aucune mise en contexte le propos du film est totalement abscons. Et même en ayant des explications le tout reste particulièrement cryptique (à moins d'avoir une très bonne connaissance de l'histoire, peut-être ?).

Du coup le film est plutôt remarquable pour sa beauté et sa rigueur glacée qu'autre chose. Il est intéressant de voir que son propos politique lourd semble disparaitre totalement derrière la radicalité de l'approche cinématographique (non-jeu des acteurs, absence totale d'emphase narrative..) qui est pourtant en elle-même politique.

Et l'on se met à songer à des films "nouveau roman" comme Marienbad... dans lequel on ne comprend volontairement que peu de chose (enfin il ne faut pas oublier que le livre est une adaptation du superbe livre de science-fiction "L'invention de Morel") mais dans lequel ce "rien" est aussi politique, puisque réalisé en réaction à l'impossibilité d'alors de parler de la guerre d'Algérie. Ici ce "rien" reste surtout "rien"... Un peu dur.



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Le mystère des roches de kador - Léonce Perret - 1912

Moyen métrage se servant d'une histoire d'héritage, de tutelle et d'amour pour mettre en scène le cinématographe : la moitié du film ou presque est consacré à la re-mise en scène d'une scène ayant traumatisé une jeune fille, avant de lui faire visionner pour lui faire retrouver la mémoire. Assez réjouissant.

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Premier film réalisé par une femme noire & lesbienne, The Watermelon Woman est un film queer souvent cité comme point de référence
Le film oscille entre film d'enquête et mockumentaire : l'héroïne du film, incarnée par la réalisatrice, cherche à en connaitre davantage sur un actrice noire des années 30 simplement créditée comme "the watermelon woman" dans les films ou elle apparait. Cette quête est bien sur une fiction et se pose donc avant tout comme un geste politique fort sur la place de la communauté noir dans l'histoire du cinéma. Le propos très juste est traité avec beaucoup d'humour mais malheureusement la faiblesse de la mise en scène et du jeu des acteurs peine à donner plus d'ampleur au projet.



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Le coup du berger - Jacques Rivette

4ème réalisation de l'auteur, Le coup du berger est un court métrage très plaisant doté d'une mise en scène très élégante, même si bien plus classique que ce à quoi Rivette nous habituera par la suite, Néanmoins, en germe, les thèmes du jeu, du mystère et des rôles multiples sont déjà là.
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cyborg
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Dans mes deux derniers posts j'ai oublié un film !

Il s'agissait de

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Gentille - Sophie Fillières

Vu le lendemain de "Arrête ou je continue", malheureusement sans la même réussite. Dix ans plus tôt, "Gentille" n'a pas exactement le même aplomb distancié. Se jouant intégralement sur le jeu de langage et ses multiples signification ou sous-textes (dès le titre), le film est souvent plein d'esprit mais fini malheureusement par fonctionner en vase clos, comme trop sur de la petite mécanique qu'il met en place et dont il devient prisonnier. C'est au final plus les personnages qui posent problème à la communication que la communication qui leur pose véritablement problème. Et je ne suis pas sur qu'il s'agisse de la formule la plus stimulante.


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Beau conte horrifique. Je m'attendais à un film un peu plus ouvertement politique mais cet aspect est plutôt léger. Cette question se cache dans la forme du film, ce croisement des genres réussis sans pour autant devenir indigeste. Asketoner parlait récemment de l'artisanat comme façon de résister à l'industrie/le capitalisme. C'est la même chose pour tout ce qui se rapproche des approches transversales : exister et faire sens dans toute sa diversité, sans avoir besoin d'appartenir à une catégorie précise. Pas étonnant que ces deux sujets (le retour de "l'artisanat" dans les pratiques artistiques, les questions autour du "trans-" au sens large) soient autant sur le devant de la scène de nos jours.



Et du coup j'en profite pour poster ce que j'ai vu depuis mon post d'hier :

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Regardé par curiosité car je crois que je n'avais jamais vu de film cubain.
Un homme regarde des escargots avancer. Des mots font s'évanouir des passants. Des amants font un vol en montgolfière. La narratrice nous parle depuis l'intérieur d'un aquarium. C'est esthétiquement laid comme pouvaient l'être certains films des années 90. Le projet se veut ambitieux mais est totalement raplapla. Tout s'agite mais rien n'existe. Pénible et plus que dispensable.
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cyborg
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Cette année 2020 fut -et pour tout le monde je l'imagine- particulièrement pénible et pesante sur bien des points.
Mais elle aura au moins eu le bénéfice de me permettre de voir à nouveau des films en grand nombre. Et grâce à la folle aventure de "la loupe" de m'ouvrir à des tas de films et cinéastes dont j'ignorais tout. Quel bonheur.

A moins que je vois un film encore ce soir j'aurais donc vu 176 films (dont quelques courts) cette année.
C'est bien peu par rapport à certains ici, mais moi qui peinait à dépasser les 100 ces dernières années, c'est pas mal !


Un bon réveillon et une bonne année 2021 à tout ceux qui continuent "ALED" ici : j'aurais été bien triste de ne plus avoir d'endroit ou écrire et surtout de ne plus pouvoir vous lire ! :love2:
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yhi
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cyborg a écrit :
jeu. 31 déc. 2020 13:16
je crois que je n'avais jamais vu de film cubain.
:wut: Faut regarder les films de Tomas Guttierez Alea !
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Mr-Orange
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cyborg a écrit :
jeu. 31 déc. 2020 13:25
Cette année 2020 fut -et pour tout le monde je l'imagine- particulièrement pénible et pesante sur bien des points.
Mais elle aura au moins eu le bénéfice de me permettre de voir à nouveau des films en grand nombre. Et grâce à la folle aventure de "la loupe" de m'ouvrir à des tas de films et cinéastes dont j'ignorais tout. Quel bonheur.

A moins que je vois un film encore ce soir j'aurais donc vu 176 films (dont quelques courts) cette année.
C'est bien peu par rapport à certains ici, mais moi qui peinait à dépasser les 100 ces dernières années, c'est pas mal !


Un bon réveillon et une bonne année 2021 à tout ceux qui continuent "ALED" ici : j'aurais été bien triste de ne plus avoir d'endroit ou écrire et surtout de ne plus pouvoir vous lire ! :love2:
Bonne année 2021 (ça me fait bizarre d'écrire ça, parce que je ne suis pas dupe sur la qualité de ce que sera 2021 comme expérience collective :D ) à vous aussi ! Effectivement, une des rares qualités de 2020 est le retour au visionnage de films — et à la littérature. Du coup, puisque j'ai moi aussi vu plus de films en 2020, je renoue avec le top 10, en images, des films vus cette année.


1. L'Année des treize lunes — Rainer Werner Fassbinder — 1978
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2. Que Viva Mexico ! — Serguei Eisenstein — 1932
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3. Du côté d'Orouët — Jacques Rozier — 1973
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4. 2 automnes 3 hivers — Sébastien Betbeder — 2013
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5. Nous — Artavazd Pelechian — 1969
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6. Les Bonnes manières — Marco Dutra et Juliana Rojas — 2018
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7. Les Yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou Peut-être qu'un jour Rome se permettra de choisir à son tour — Danièle Huillet et Jean-Marie Straub — 1970
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8. Kicking and Screaming — Noah Baumbach — 1995
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9. La Belle Noiseuse — Jacques Rivette — 1991
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10. Le Désert rouge — Michelangelo Antonioni — 1964
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Kahled
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Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 18:04

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Aucun intérêt pour moi, j'aime bien visuellement la partie New-Yorkaise du film, magnifiques scènes de rues dans des couleurs automnales, mais c'est à peu près tout ce qui m'intéresse là-dedans. Ce qui n'en finit pas de m'étonner, pour ce Pixar comme les autres, c'est comment des gens que j'estime peuvent trouver ça intéressant, voire passionnant. Bref, je ne suis pas près d'en revoir un.[/quote]

Je n'ai pas encore vu ce Pixar mais comme il me semble que tu apprécies des films comme L'homme qui rétrécit et Chéri, j'ai rétréci les gosses dans lesquels la perception du monde repose sur un jeu des échelles de grandeur (l'infiniment grand / l'infiniment petit), je te conseillerais quand même de tenter le coup avec les Toy Story (dont la mise en scène repose en très grande partie sur cet aspect pour aborder ses thèmes). ;)

Et sinon, très bonne année à tous et qu'elle soit moins sinistre que la précédente !
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B-Lyndon
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Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

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L'amour l'après-midi, Eric Rohmer, 1972.

J'ai adoré ce film de Rohmer. Les scènes de café sont extraordinaires : il y a des dialogues magnifiques sur le suicide, la grande ville, l'esprit de l'après-midi ; c'est là que les gens se disent, puis disent, cet étonnement permanent d'être en vie, au milieu de la vie des autres. Etonnement qui accouche d'une joie paresseuse ou d'une insondable tristesse, que les mots posent, avec vérité. On ment très peu dans ce Rohmer. Ou, précisément, Chloé, seule personnage qui dit la vérité, force constamment Frédéric à se positionner, révèle la vacuité du mensonge de son existence. Mais un mensonge peut se vivre vraiment, il n'est pas au dessus du désir, c'est ce qui finit par dire le film : Frédéric retrouve sa femme, qui fond en larmes en assurant qu'elle rit, propose à son mari d'aller dans la chambre en tremblant d'appréhension : le mensonge de leur mariage est devenu si gros qu'il doit contenir une part de folie, une part de désir inexplicable. Dans L'amour l'après midi, on passe à côté d'une histoire sans se battre contre le mensonge qu'on se fait. On abandonne et on le dit. Cette lucidité contamine tout, pousse jusqu'à la tristesse, et c'est cela que les deux comédiens jouent. Zouzou et Bernard Verley sont exceptionnels, ils font les choses simplement, avec le même dénuement que l'image grisonnante de Nestor Almendros. Il y a ici la paresse des après-midi gris, qu'on voit passer, dont on éprouve le temps. C'est que l'après-midi est le moment de la journée où nous sommes le plus éteint, le plus libre à se glisser dans une vie secrète, un mensonge que le soir réparera. L'après-midi est bourgeoise, semble dire Rohmer - car dans ce Rohmer, on vise nommément la bourgeoisie, ses faux semblants.

C'est ahurissant comme Rohmer fait d'un temps dans une journée un espace en soi, bouclé, dont les frontières ne cessent d'être questionnées mais ne bougent jamais. Ainsi quand Chloé propose à Frédéric de se voir le soir, on est stupéfait autant que Frédéric. On prend peur que le film sorte du confort dans lequel il nous plonge. Cela tient beaucoup aux personnages secondaires, magnifiques, toujours étonnants, qui jonchent chaque pièce et qu'on attend avec certitude de retrouver à chaque changement de plan. Il y a une chaleur humaine dans ce film gris qui est difficile à expliquer. L'associé, les secrétaires, l'épouse de Frédéric, jusqu'aux visages dans les rues, dans les cafés, tous confèrent à ces après-midi une atmosphère d'étrange fraternité - comme cette scène où Fabienne la secrétaire pense immédiatement à Chloé pour un job de vendeuse dont elle discutait au téléphone, et ce rien qu'en croisant le regard de Frédéric. Ou encore ce moment, magique, où Frédéric se retrouve seul dans le magasin de Chloé avec une dame qui lui demande sa taille pour un pull, s'exécutant sans réfléchir, s'accordant cet écart de sa fonction. L'après midi est un monde, un monde où rêve paresseusement à inventer un autre monde qu'on ne choisit finalement pas.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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Tamponn Destartinn
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:hello: :hello:

Bonne année à tous !

Je vais essayer de faire un bref récap de tout ce que j'ai vu dernièrement.

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ADN - Maiwenn

Très nul. Des gens d'une même famille, qui ont pour unique point commun d'être insupportables, profitent de l'enterrement du papi pour se dégueuler des horreurs à la gueule à longueur de temps. Je déteste les films de famille dysfonctionnel où tous se parlent ouvertement, là où les non dits et les sous textes devraient plus prévaloir.
A priori son pire film. Tant mieux, vu à quel point elle a démontré qu'elle est une conna.sse dans ses dernières sorties, ça aurait été embêtant qu'elle refasse un bon film comme Mon Roi.


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Garçon Chiffon - Nicolas Maury

Anecdotique. A surtout le défaut typique des premiers films, où le réal n'arrive pas à couper dans le gras de ses scènes, une sur deux durant facile deux fois plus de temps qu'elle ne le devrait. Ce n'est pas aussi antipathique que le Maiwenn, mais je suis à peu près sûr que nous n'assistons pas du tout à la naissance d'un auteur.


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Petit vampire - Joann Sfar

J'aurais aimé aimer, mais ça n'a pas la force de la bd, ni même de la série d'animation datant d'une dizaine d'années.
Sfar échoue à faire un film d'une heure trente, avec un "vrai" enjeu, où en tout cas plus fort que "Marguerite a fait de la soupe au caca" (chose que j'aimais dans la bd)
Cet "enjeu de long métrage", qui consiste à donner une back story à Petit Vampire et un némésis très méchant, est vraiment le gros point faible du film.
A côté de cela, il reste des passages très sympathiques et les personnages restent chouettes (mention au chien au fort accent Paca). Y a aussi des trucs limites pour l'époque, notamment les deux principaux personnages féminins (et quasi les seules), très peu branchées sororité et un peu trop proche de l'archétype de la demoiselle en détresse qui tombe instantanément amoureuse de son "sauveur".


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La cravate - Mathias Théry et Etienne Chaillou

Premier super film de ma liste (il finit dans mon top 10 de l'année)
J'adore le dispositif du film et toutes ses idées de mise en scène ou de montage (seule ombre au tableau : cette bouche du narrateur qui apparait dans le dernier quart, je m'en serais bien passé). Et dans le contenu, c'est un angle encore jamais vraiment vu des militants FN qui vaut le coup d'oeil. J'ai halluciné devant le passage sur la chaine youtube de Philippot, j'aurais jamais pensé avoir un jour le making of de ce plantage !


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Soul - Pixar

Team Pour.
Ca m'a fait le même effet que VIce Versa : a priori je n'aime pas du tout le visuel (pour la partie "au delà"), mais une fois dans le film, je l'accepte assez rapidement.
Surtout, on y est bcp moins que ce à quoi je m'attendais, la narration évoluant tout le temps et allant à cent à l'heure, sans pour autant négliger quoique ce soit. Ce n'est pas le Pixar le plus touchant, mais c'est l'un des plus impressionnants dans sa maitrise des outils narratifs.
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sokol
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À chaud : Il passe en ce moment sur Cine + Club (puisque ces chaînes sont en claire jusqu'au 11 janvier), mais je viens d'arrêter de le regarder :

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C'est vraiment très mauvais. Et dire que à l'epoque je l'avais vu 2 fois au ciné... :sarcastic:
Lynch a filmé avec une caméra on ne peut plus pourrie, c'est presque incroyable. Le probleme c'est que, même avec une telle caméra, il fait des champ contre-champ et des connerie comme ca ! À quoi bon ?? Pour que ça fasse cinema ?? Et binte ca ne le fait pas, son film fait très mauvais telefilm.
Quand on voit des films de Godard filmés avec des caméras légères etc, on comprend mieux la différence : le cinéma arrive grâce au montage, grâce au projet et pas grâce à la dramaturgie style champ contre champ, musique dramatique etc.
Je sais qu'il a filmé tout lui-même, mais il s'est gouré, c'est une évidence. Puis, il reprend tous les trucs de Mulholland Drive (des castings pour des films hollywoodiens, conversations surréalistes à la 'this is the girl' etc etc). C'est bon, on a donné déjà.

Une heure devant le film... et quelle galère.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Mr-Orange a écrit :
jeu. 31 déc. 2020 16:57
Du coup, puisque j'ai moi aussi vu plus de films en 2020, je renoue avec le top 10, en images, des films vus cette année.
Ta liste est extra !! (sauf le nr.4 que je ne l'ai jamais vu)

:love2:
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Jean-Marie Straub
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groil_groil
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Bonne année à tous les amis.
2020 en tops :

TOP 10 FILMS

1. Swans : Where Does a Body End ? - Marco Porsia
2. Invisible Man - The Invisible Man - Leigh Whannell
3. Eva en Août - La Virgen de Agosto - Jonas Trueba
4. Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait – Emmanuel Mouret
5. Tenet – Christopher Nolan
6. The King of Staten Island – Judd Apatow
7. Swallow – Carlo Mirabella-Davis
8. La Femme qui s’est enfuie - Domangchin Yeoja - Hong Sang-Soo
9. Dark Waters – Todd Haynes
10. Uncut Gems - Benny & Josh Safdie

TOP 20 FILMS PATRIMONIAUX (films datant d'au moins 10 ans et découverts cette année)

1. Piège pour Cendrillon - André Cayatte – 1965
2. 3 Femmes - 3 Women - Robert Altman – 1977
3. Daïnah la Métisse - Jean Grémillon – 1932
4. Mark Dixon, Détective - Where the Sidewalk Ends - Otto Preminger – 1951
5. Ville Haute, Ville Basse - East Side, West Side - Mervyn LeRoy – 1951
6. Allo... Brigade Spéciale - Experiment in Terror - Blake Edwards – 1962
7. Mandingo - Richard Fleischer – 1975
8. La Femme Libre - An Unmarried Woman - Paul Mazursky – 1978
9. Ludwig, le Crépuscule des Dieux - Ludwig - Luchino Visconti – 1973
10. Entr'acte - René Clair – 1924
11. L'Homme Invisible - The Invisible Man - James Whale - 1934
12. Les Aventures du Capitaine Wyatt - Distant Drums - Raoul Walsh – 1952
13. Une Place au Soleil - A Place in the Sun - George Stevens – 1952
14. L'Emploi - Il Posto - Ermanno Olmi – 1963
15. La Dentellière - Claude Goretta – 1977
16. Le Fils Préféré - Nicole Garcia – 1994
17. La Ferme du Pendu - Jean Dréville – 1945
18. L'Île Nue - Hadaka no shima - Kaneto Shindo – 1961
19. Paradis Perdu - Abel Gance – 1940
20. Bravados - The Bravados - Henry King – 1958

TOP ALBUMS 2020

1. Robert Haigh : Black Sarabande (Unseen Worlds)
2. Jonathan Fitoussi : Plein Soleil (Obliques)
3. Nick Cave : Idiot Prayer (Bad Seed Ltd.)
4. Pépé Wismeer & Thierry Müller : L’Echo des Chiens dans le Sang de la Tactique (Trace)
5. Christoph Heemann : Perception and Association (Robot Records)
6. Einstürzende Neubauten : Alles in Allem (Potomak)
7. David Fenech & Laurent Perrier : Plateforme #3 (Bam Balam)
8. Group A : Initiation (BFE)
9. Bill Fay : Countless Branches (Dead Oceans)
10. Bill Callahan : Gold Record (Drag City)

EP de l’année
11. Dame Area : La Soluzione E Una (Magia Roja)

Concert de l’année
David Fenech & Laurent Perrier, Quai de Bourbon, Paris, 04/03/20

TOP REEDITIONS 2020

1. Laughing Hands – Dog Photos (BFE)
2. And Also The Trees ‎– And Also The Trees (Graveface Records)
3. Don Cherry – Om Shanti Om (Black Sweat Records)
4. Ennio Morricone – Peur sur la Ville (Wewantsounds)
5. Fote – Fote (Robot Records)
6. Ken Clinger – Ken Clinger (Tanzprocesz)
7. Ennio Morricone - Uccidete Il Vitello Grasso E Arrostitelo (Transversales)
8. Etienne Daho : Surf & Surf 2 (Parlophone)
9. Jon Hassell : Vernal Equinox (Ndeya)
10. Serge Gainsbourg – à la Maison de la Radio (INA)
HC. Ennio Morricone & Bruno Nicolai - Sonore: Musiche Per L'Immagine E L'immaginazione (Dialogo)
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BOX OFFICE STORY
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La belle noiseuse est un des rares films de Rivette que j'ai vu. D'abord c'est un bon film avec un Piccoli excellent et bien sûr une Emmanuelle Beart qui soyons franc m'a donné la gigitte dans ce film. Si cette courge ne s'était pas détruit le visage elle aurait pu faire une carrière internationale à la Juliette Binoche. Plutôt bonne actrice, gaulée comme une déesse...Quel dommage
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La pierre philosophale transformait le plomb en or.
Disney transforme l'or en merde.
Kevin Feige tu fais de la merde.
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1965 - La guerre froide, la peur de l'arme atomique. "Docteur Folamour" bien sûr, "Point limite" de Sidney Lumet, mais aussi "Aux postes de combat" un film de guerre âpre comme un couteau, filmé dans un noir et blanc poisseux en mode documentaire. Sidney Poitier excellent, affronte un Richard Widmark hallucinant, vraiment un des meilleurs acteurs du siècle dernier. Jusqu'au boutiste Widmark va entrainer tout le navire vers une issue inéluctable. Le reste de la distribution est de haut niveau. Un sacré bon petit film militant alors que je n'aime pas les films de guerre..
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La pierre philosophale transformait le plomb en or.
Disney transforme l'or en merde.
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
ven. 1 janv. 2021 14:25

L'amour l'après-midi, Eric Rohmer, 1972.
C'est un des plus beaux papiers que tu aie écrit. :love:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
sam. 2 janv. 2021 11:19

C'est un des plus beaux papiers que tu aie écrit. :love:
Oh merci Sokol :love2: Il est quand même très brouillon, plein de fautes et pas très précis, comme tout ce que j'écris ici (je me relis jamais et j'écris en 10 minutes, sinon je sais que je peux potentiellement y passer la journée :D )

Mais ce film là, j'ai envie d'y repenser et d'écrire quelque chose. Ca ne me fait pas ça avec tous les Rohmer, mais celui là est si passionnant et mystérieux en même temps dans sa construction...Je me demande comment il fait pour faire d'un temps un espace comme ça, c'est remarquable.

D'ailleurs je suis en train de lire Contes des milles et un Rohmer de sa collaboratrice de toujours, Françoise Etchegaray, c'est magnifique, drôle, passionnant, et regorge d'anecdotes qui donnent envie de voir encore et encore des films de l'un des plus grands cinéastes du monde à mes yeux

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« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon
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Dix films que j'ai découvert en 2020 :


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1 Les Rendez-vous d'Anna, Chantal Akerman, 1978


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2 L'Aventure de Mme. Muir, Joseph L. Mankiewicz, 1947


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3 My Darling Clementine, John Ford, 1946


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4 Conte d'été, Eric Rohmer, 1996


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5 Le Professeur, Valerio Zurlini, 1972


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6 Le Temps d'aimer et le Temps de mourir, Douglas Sirk, 1958


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7 Nuits blanches, Luchino Visconti, 1957


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8 Une poste à la Courneuve, Dominique Cabrera, 1994


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9 Après la réconciliation, Anne-Marie Miéville, 2000


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10 Pas de printemps pour Marnie, Alfred Hitchcock, 1964


Pensées pour Mouchette de Bresson et De bruit et de fureur de Brisseau restés tous deux aux portes de ce top...Peut-être parce que je n'ai pas eu la chance de les découvrir en salles. Peut-être aussi parce que j'ai eu un peu plus envie d'impureté, de lyrisme cette année.


J'ai aussi enfin vu Histoire(s) du cinéma de Godard en entier...Mais ça fait quelques années que, seul ou en cours, j'en vois des extraits plus ou moins long. Ca fait donc déjà quelques temps, pas seulement en 2020, que cette œuvre irradie ma vie.


Mention spéciale au premier court-métrage réalisé par Arthur Harari (réalisateur du beau Diamant noir). Petit projet, réalisé avec Le G.R.E.C, mais magnifique premier film dont voici un lien légal. C'est l'histoire d'un homme qui cherche un travail et vit dans la rue. Il marche dans une ville, entre ombre et lumières. Je le met ici car il a sans doute été peu vu, c'est pourtant aussi beau que les premières esquisses de Guiraudie.

Des jours dans la rue, Arthur Harari, 2005 - 28 min.
https://vimeo.com/167100307

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Bonne année à toutes et tous,
heureux de vous revoir ici,
survivre à la Grande Suppression :love2: :love2: :love2:

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Modifié en dernier par B-Lyndon le dim. 3 janv. 2021 08:09, modifié 12 fois.
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Tyra
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B-Lyndon a écrit :
ven. 1 janv. 2021 14:25

L'amour l'après-midi, Eric Rohmer, 1972.
J'avais été déçu à la deuxième vision (j'avais adoré à la première). J'adore toujours la première partie, avant l'arrivée de l'élément perturbateur, mais je trouve qu'il y a un problème avec Zouzou, c'est une pure question de gout évidemment mais j'ai du mal à voire personnage principal, à la vie si bien réglée et à l'aise avec sa séduction, s'éprendre d'une telle femme.
J'espère changer d'avis à la troisième vision.

PS : Contes des milles et un Rohmer est évidemment un immanquable pour tout Rohmerien qui se respecte. :love2:
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Babs
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bonne année à tous ! :hello: en espérant qu'elle soit moins pourrie que 2020.
En ce qui me concerne, très grosse déprime tout court, et très grosse déprime cinématographique où les divers confinements et couvre-feux ne m'ont pas offert l'occasion de découvrir beaucoup de films. Parce que pas envie, pas motivée. Du coup, plus de séries qu'autres choses.
grâce à TCM, je me suis quand même fait récemment une petite retro Irene Dunne avec des raretés oubliables (mais pas toutes) de la première moitié des années 30 : "Stingaree", "Thirteen Women", "Bachelor Apartment", "Consolation Marriage" , "The Silver Cord", "If I Were Free", "This Land Is Mine".
Mais aussi "Front Page Woman" de Michael Curtiz, un film sur la presse où Bette Davis tente de clouer le bec au machisme gras.
ou encore une incroyable adaptation de Guitry par Robert Florey qui s'appelle "Le Blanc et le Noir". Avec un Raimu encore extraordinaire en mari cocu, d'une épouse qui a "fauté" avec un chanteur afro-américain. Impossible de refaire un tel film aujourd'hui !!!!
...et parce que il faut se vider l'esprit de temps en temps, hier j'ai posé mes yeux sur une couillonnerie avec Steve Martin, "Un vrai Schnock" (j'avoue, j'ai un faible pour les bêtises des figures historiques du SNL, Bill Murray, Chevy Chase, John Belushi)
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groil_groil
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:hello: :love2:

Dernier film vu en 2020

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Dernier film de l'année, vu avec notre fils, en se rendant compte qu'il était un peu trop jeune pour. Cette trilogie est largement surcotée d'ailleurs, même si je me suis souvenu de ma découverte en salle en novembre 83.

Premier film vu en 2021

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Inside the FBI au moment de la seconde guerre mondiale et comment les agents identifient les espions nazis planqués sur leur territoire et infiltrent le réseau allant jusqu'à envoyer certains de leurs agents en Allemagne nazie. Sur le papier c'est passionnant, mais malheureusement le film, datant de 1945, est un pur film de propagande commandité par le FBI pour vanter le mérite de ses actions. Tous les agents et employés des services - mis à part les premiers rôles - sont joués par les véritables agents et le film est accompagné par une interminable et omniprésente voix-off explicative qui vante la gloire du FBI ainsi que celle des Etats-Unis. Hathaway se contente donc de servir la soupe, certes avec professionnalisme, mais n'a jamais l'occasion de faire montre de son génie de metteur en scène.
I like your hair.
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asketoner
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@cyborg : tu peux me rappeler qui est le personnage interrogé par Godard dans le dernier 6x2 ? (est-ce que c'est le fou ?) (je ne me souviens plus des rires d'enfants)

sinon, je trouve Godard plus fragile face au cinéaste amateur que face au mathématicien
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asketoner
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@B-Lyndon : c'est très juste l'étrangeté que tu relèves de l'image grise et de la chaleur humaine dans l'amour l'après midi
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asketoner
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@sokol : évidemment qu'il y a des champs contrechamps dans Inland Empire : c'est un film sur la frontière, la contiguïté des individualités. Lynch a formalisé les réunions zoom bien avant l'heure. Souviens-toi : vers la fin, Laura Dern embrasse un écran de télévision où l'on voit une jeune fille pleurer, qui elle-même voyait Laura Dern sur son écran. La surveillance est la dernière émotion, le dernier amour de ce monde, le dernier regard que nous serons capables de porter sur l'autre.
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cyborg
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@asketoner

Oui voilà c'est "le fou". Est-il vraiment fou ? En tout cas il est confus et imbitable dans une bonne partie de ses propos. Ce qui fait un bon contraste avec la dame en parallèle qui est extrêmement bavarde...

Les rires d'enfants sont assez discrets, ils ne durent que quelques secondes tout au plus mais ils interrompent tout ce qu'il se passe, l'homme s'arrête de marmonner et nous attendons "que ça passe", mais le film se finit là. Cela m'a vraiment beaucoup surpris car il n'y a jamais (du moins il me semble) d'utilisation du hors champ de cette façon dans 6x2, et je doute que ce soit un hasard de la part des réalisateurs de finir ainsi. C'est vraiment le moment qui m'a le plus ému de tout 6x2, peut-être le seul d'ailleurs, ayant eu une approche très cérébrale de tout le reste.

Je ne suis d'ailleurs plus très content de mon texte, que je trouve mal construit et j'avais beaucoup d'autres choses à dire (par exemple la façon dont Godard travaille aussi le temps du médium en évoquant des réactions aux épisodes qui ont été diffusé juste avant etc... Ou bien l'épisode "Nanas" qui me semble le plus faible, pour ne pas dire le plus raté (d'ailleurs il le reconnait lui même), etc etc...)

Bref je pense encore pas mal à tout cela, je trouve l’œuvre vraiment riche

Pour la discussion avec le cinéaste amateur, oui tu as raison, c'est Godard qui est fragile, on le sent presque ému face à cette espèce d'énergie pure et "naïve", dont on montre les images tout aussi simple à l'écran.
Mais le personnage ne résiste pas pour autant à ses questions. Le mathématicien si, il leur fait rempart.
Ce sont vraiment les deux meilleurs entretiens.


Lors de mes dernières heures de visionnage je regardais en parallèle un long échange (2h) entre Godard et Daney qui vient de paraitre sur Henri :
https://www.cinematheque.fr/henri/film/ ... dard-1988/
Godard n'y parle pas du tout de 6x2 mais l'entretien est censé accompagner les Histoires du Cinéma (dans les faits ce n'est le cas que lors des dernières 20 minutes environ :D ) mais il est toujours dans cette même période de pensée, et il évoque beaucoup la télévision/la place de la télévision. J'ai trouvé l'échange assez passionnant (j'adore aussi la mise en scène en plan fixe avec cet écran de télé qui détoure la tête de Godard, c'est génial) et il m'a beaucoup éclairé sur 6x2, ou du moins confirmé certaines intuitions ou idées que j'avais.
Bon je conseille quand même ça plutôt aux amateurs et connaisseurs qu'au tout venant, il faut aimer la dialectique Godardienne et son art de la digression :D
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yhi
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Top 10 des films/réalisateurs découverts cette année (hors 2020), en essayant de mettre de l'ordre dans tout ça, en image et avec un petit commentaire


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1. Les diables - Russel Ken , 1971 (+ Au delà du réel)
Découverte d'un cinéaste que je ne connaissais encore que de nom. Deux grosses impressions pour ces deux films dont la folie de mise en scène colle à celle, tantôt religieuse, tantôt scientifique, de ses personnages.

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2. Tx-transform - Widrich Virgil, Reinhardt Martin, 1998 ( + Copy shop )
Je connaissais Virgil Widrich par Fast film, souvent nommé dans les listes de films d'animation, que j'aime bien mais qui ne m'avait particulièrement marqué. Grace à l'éditeur DVD re-voir qui a mis des films à disposition pendant le confinement, j'ai pu découvrir Copy shop film concept un peu surfait mais très plaisant dans sa forme construite à partir de centaines de feuilles de papier photocopiées. Tx-transform m'a complètement retourné le cerveau, pas plus par son contenu (finalement plutôt raté) que par son concept, une simple symétrie sur un axe du repère cinématographique qui nous donne alors à explorer non plus l'espace au travers du temps, mais le temps qui s'écoule dans une dimension de l'espace. Dispo sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=pWRPNoU ... gilWidrich

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3. Le voleur et le cordonnier - Williams Richard , 1995
Film d'animation pas complètement fini, mais dont les morceaux existants ont été assez bien raboutés par les fans, Le voleur et le cordonnier, sorte de variation du Aladdin de Disney (mais conçu bien avant) contient quantités d'idées visuelles incroyables. Aussi disponible sur youtube en bonne qualité : https://www.youtube.com/watch?v=gows7iO ... oBalderson

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4. Exilé - To Johnnie , 2006
Découverte du cinéma de Johnnie To, incroyable croisement entre les films de Leone et ceux de John Woo. Des gangsters qui s'observent, qui se tirent dessus puis finissent par s'asseoir autour d'une table pour bouffer en rigolant. Western moderne entre scènes cultes (le lancer de canette à la fin) et échappées dans la nature en caisse entre 'buddies'. Une impression de film total tant la navigation entre les genres et les émotions semble naturelle.

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5. L'ange - Bokanowski Patrick , 1982 (+ La femme qui se poudre + Déjeuner du matin...)
Découvert aussi grâce à re-voir, j'avais déjà Bokanowski dans le viseur depuis un moment sans avoir jamais pris le temps de m'intéresser à son travail. C'est chose faite. J'aime beaucoup. Des expériences sur la lumière et les textures dans des univers à la fois oniriques et cauchemardesque qui ne sont pas sans rappeler certaines choses que j'aime chez Lynch.

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6. Arrebato - Zulueta Ivan , 1980
Film de genre espagnol sorti de nul part et regardé un peu au hasard, Arrebato construit l'horreur avec trois bouts de ficelles et beaucoup de suggestion. Une image volontairement très crade, une mise en abyme assez violente du cinéma et de la position de spectateur (le pitch : un homme essaye de filmer sa conscience sous l'emprise de drogues). A condition de rentrer dans le délire, qui s'insinue tout de même de manière assez perverse tellement le film ne paye pas de mine au début, on finit cramponné à son siège.

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7. Un instant d'innocence - Makhmalbaf Mohsen , 1997
Très joli film iranien qui questionne encore une fois la notion de vérité au cinéma, ce qui rappelle pas mal Close-up (vu il y a longtemps, j'aimerais maintenant y rejeter un oeil). J'en avais vu des extraits alléchants dans la série documentaire "Story of film" (que je conseille aussi au passage). Un instant d'innocence est peut être un peu oublié noyé au milieu de la visibilité des films de Kiarostami, mais mérite largement qu'on s'y intéresse.

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8. Les fleurs de Shangaï - Hsiao-hsien Hou , 1998
Pas fan des premiers films de HHH que j'avais vus lors de leur ressortie au cinéma il y a 2/3 ans, Les fleurs de Shangaï est heureusement plus proche de la veine de The assassin (mon top 1 2015). La douceur avec laquelle est captée la lumière et les mouvements donne presque l'impression d'avoir vu un film complètement au ralenti. Une envie de forme qui absorberait presque le fond si celui-ci ne donnait pas aussi dans la préciosité avec son lot de courtisanes, de nobles et de beaux costumes.

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9. Ryan - Chris Landreth, 2004
J'avais beaucoup aimé Subconscious password de Chris Landreth sans connaitre ses travaux précédents. Ryan fait partie des premiers films d'animation "documentaire". Utilisant des enregistrements audio des interviews réalisés par Landreth avec le cinéaste Ryan Larkin, l'animation, dans un graphisme 3D morcelé rend état des émotions des personnages (et en particulier de Larkin, qui semble avoir été complètement "éparpillé" par la vie, laissant des morceaux de sa personne au passage) d'une manière plus intense que ne pourrait le faire la prise de vue réelle. Dispo sur le site de l'ONF (https://www.onf.ca/film/ryan/)

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10. Rêves de brume - Racine Sophie, 2013 (+ Rivages)
Découvertes d'une cinéaste dont les courts métrages d'animation entre dessins et peintures rendent simplement des atmosphères (météo, paysages, gens marchant dans la rue). Une idée loin d'être originale mais dont les tableaux (autant visuels que sonores) sont du plus bel effet. Films disponibles ici : http://cargocollective.com/sophieracine ... /animation
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sokol
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cyborg a écrit :
jeu. 31 déc. 2020 13:16
Asketoner parlait récemment de l'artisanat comme façon de résister à l'industrie/le capitalisme. C'est la même chose pour tout ce qui se rapproche des approches transversales : exister et faire sens dans toute sa diversité, sans avoir besoin d'appartenir à une catégorie précise. Pas étonnant que ces deux sujets (le retour de "l'artisanat" dans les pratiques artistiques, les questions autour du "trans-" au sens large) soient autant sur le devant de la scène de nos jours.
À mon opinion, ce n'est pas la même chose car la question artisanat/industrie est un probleme systémique (un antagonisme de premier plan - dit on dans la dialectique matérialiste) tandis que la question du 'trans' reste un problème culturel (donc un antagonisme de second plan). La résolution des antagonismes principaux (le conflit entre la ville et la campagne en est un autre, par ex), réglera, normalement les antagonismes secondaires (sais-tu, toujours par exemple que, le premier pouvoir au monde à dépénaliser l'homosexualité était le pouvoir soviétique issu de la révolution d'octobre de 1917 ?
https://www.revolutionpermanente.fr/Il- ... osexualite
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asketoner a écrit :
dim. 3 janv. 2021 11:36
@sokol : évidemment qu'il y a des champs contrechamps dans Inland Empire : c'est un film sur la frontière, la contiguïté des individualités. Lynch a formalisé les réunions zoom bien avant l'heure. Souviens-toi : vers la fin, Laura Dern embrasse un écran de télévision où l'on voit une jeune fille pleurer, qui elle-même voyait Laura Dern sur son écran. La surveillance est la dernière émotion, le dernier amour de ce monde, le dernier regard que nous serons capables de porter sur l'autre.
Je veux bien, mais le côté 'cinématographique' du film (donc, le film tout court) est très mauvais : c'est invraisemblable à quel point la qualité de la caméra avec laquelle il a tourné est mauvaise.
Tu l'as revu quand la dernière fois ?
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B-Lyndon a écrit :
sam. 2 janv. 2021 11:34

D'ailleurs je suis en train de lire Contes des milles et un Rohmer de sa collaboratrice de toujours, Françoise Etchegaray, c'est magnifique, drôle, passionnant, et regorge d'anecdotes qui donnent envie de voir encore et encore des films de l'un des plus grands cinéastes du monde à mes yeux
C'est elle que j'ai cité il y a quelques jours sur un autre forum : dans un petit documentaire sur Arte, elle dit que, à son vivant, Rohmer lui avit fait une confidence en lui disant que, même s'il reconnaissait, haut la main, la qualité (surtout au niveau des formes cinématographique) des films de Bergman, il n'arrivait pas comprendre leur côté abaissant vis à vis de leur personages (chose absolument vrai).
Et c'est elle qui dit, une fois de plus très justement que, selon l'Humanité dans les années 90, c'est fort probable que ce soit Rohmer le cinéaste le plus communiste parmi les cinéastes français.
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sokol a écrit :
dim. 3 janv. 2021 17:00
C'est elle que j'ai cité il y a quelques jours sur un autre forum : dans un petit documentaire sur Arte, elle dit que, à son vivant, Rohmer lui avit fait une confidence en lui disant que, même s'il reconnaissait, haut la main, la qualité (surtout au niveau des formes cinématographique) des films de Bergman, il n'arrivait pas comprendre leur côté abaissant vis à vis de leur personages (chose absolument vrai).
Et c'est elle qui dit, une fois de plus très justement que, selon l'Humanité dans les années 90, c'est fort probable que ce soit Rohmer le cinéaste le plus communiste parmi les cinéastes français.
Tout à fait, dans le livre elle écrit que le papier de l'Humanité était le préféré de Rohmer pour toute son oeuvre :lol:
Je crois savoir que tu n'aimes pas les livres sur le cinéma mais alors celui là faut le lire sokol ! Parce que c'est un livre communiste aussi : comment on fait un film avec Rohmer. Réponse : ensemble. Et ce n'est pas facile de faire un film ensemble, mais il faut le faire. Rohmer est un élitiste démocratique, qui croit en la grâce, écrit-elle.

On y apprend aussi que Rohmer confondait les portes de placards avec les portes d'entrées et traitait les passants de "Mygale !" sur les Champs Elysées :D
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sokol a écrit :
ven. 1 janv. 2021 22:07
À chaud : Il passe en ce moment sur Cine + Club (puisque ces chaînes sont en claire jusqu'au 11 janvier), mais je viens d'arrêter de le regarder :

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Le probleme c'est que, même avec une telle caméra, il fait des champ contre-champ et des connerie comme ca ! À quoi bon ?? Pour que ça fasse cinema ??

Après ma première et seule jusqu'alors vision du film, j'avais écrit ça :

Le film qui, de tous les films de toutes les époques, a le mieux utilisé le contre-champs : il y a toujours, en face du visage de Laura Dern, une surprise qui nous attend, un autre monde possible qui se juxtapose aux autres.

et par rapport à Mulholland Drive :

Inland Empire est arrivé après Mulholland Drive, ce fut son son drame. Personne, je crois, ne l'a compris. Pourtant, c'est le même film. Sauf que Inland Empire est son envers le plus bouleversant : toute la mesure de Mulholland Drive, Inland Empire la transfigure et la surpasse.
Chaque plan est une merveille, l'histoire est magnifique, la narration est totalement folle, les dix dernières minutes sont merveilleuses.

Et surtout, c'est un film où rien n'est grave et où éclate une lumière tout au bout des ténèbres.


Je n'en démords pas ! Le film m'avait vraiment impressionné pour ça ! Et je crois que c'est mon Lynch préféré, parce que celui qui me bouleverse le plus.

Même si j'ai un peu peur de le revoir (comme souvent les films de Lynch, qui me font l'effet de sphères parfaites dont j'ai peur qu'une seconde vision les affaisse)...Mais plus encore concernant IE : l'époque, j'étais bien plus friand qu'aujourd'hui je crois par rapport à ces expériences purement plastiques de cinéma....
Maintenant....j'ai vu des Rohmer quoi :D
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@asketoner :love2: en fait je trouve que le film n'est pas très cruel alors qu'il a tout pour l'être (voilà ou va la dialectique rohmerienne). implacable certes, mais pas cruel. parce que les pleurs à la fin on ne les comprend pas jusqu'au bout : la scène ne regarde qu'eux. bien sûr, on sent l'ampleur du vide, un peu comme quand Jeanne Dielman rate ses escalopes. mais l'amour l'après midi qu'on devait voir, c'est celui entre Zouzou et Verley. celui de Verley et sa femme ne nous est pas promis, il nous est alors ôté. Rohmer nous délimite une place, il sauve ses personnages de l'acuité du regard qu'il nous a aidé à nous construire. c'est fort - et ça chauffe le coeur.
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Tyra a écrit :
sam. 2 janv. 2021 14:27
J'avais été déçu à la deuxième vision (j'avais adoré à la première). J'adore toujours la première partie, avant l'arrivée de l'élément perturbateur, mais je trouve qu'il y a un problème avec Zouzou, c'est une pure question de gout évidemment mais j'ai du mal à voire personnage principal, à la vie si bien réglée et à l'aise avec sa séduction, s'éprendre d'une telle femme.
J'espère changer d'avis à la troisième vision.

PS : Contes des milles et un Rohmer est évidemment un immanquable pour tout Rohmerien qui se respecte. :love2:
Pour ma part, je trouve Zouzou irrésistible, mais en même temps tout le monde l'est dans ce film. Verley est irrésistible. Sa femme est irrésistible. Ses secrétaires (avec leur façon de parler et de minauder si irréelles) sont irrésistibles. La vendeuse de pull est irrésistible (torride scène platonique de cabine). Son associé l'est. Et son bébé est irrésistible. :D

Zouzou n'est pas moins irrésistible que les autres, elle s'en fout un peu plus. Voilà ce qui la distingue. Elle a des manies bourgeoises mais son coeur n'est pas bourgeois. Et c'est précisément ce que Rohmer esquisse : le désir naît en dehors des réflexes bourgeois (et je reviens encore à la fin, à cet abyme ; sans Zouzou, ce serait impossible de voir Hélène comme ça). Kechiche disait dans La vie d'Adèle que les bourgeois sont incapables d'aimer ; Rohmer dit simplement que l'amour, ils le trouvent, mais pas dans leur entre-soi. Ils doivent se nourrir ailleurs, avant de revenir à la maison (Kechiche lui a feint de croire au story telling idiot d'une histoire d'amour pure et sans aspérités que la sociologie des personnages - c'est débile). Chez Rohmer, c'est quand même plus complexe, plus passionnant, plus pervers, et plus politique bon sang !!! :D


D'ailleurs, en parlant de bourgeoisie (dans le livre) :

En 1970 Rohmer demande à Etchegaray, qui bosse avec JLG à Grenoble, de dire à son ancien camarade qu'il aimerait le revoir, renouer le lien.
Réponse de Godard à sa collaboratrice : "Je n'ai rien à dire à un cinéaste bourgeois".

En 1998, Godard emménage son bureau au dessus de celui de Rohmer, Rohmer est désormais le cinéaste d'un film "amateur" et "pauvre" que Godard adore, "Le Rayon Vert". Et Rohmer est odieux avec Godard quand il le croise, le regarde à peine, ne lui répond pas quand il lui parle.
Etchegaray lui demande pourquoi tant de rancoeur. Rohmer : "Je n'ai rien à dire à un cinéaste bourgeois. Car, Françoise, de vous à moi, qui est le plus bourgeois aujourd'hui ?" :D

CQFD :D
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
dim. 3 janv. 2021 18:18

Après ma première et seule jusqu'alors vision du film, j'avais écrit ça :

Le film qui, de tous les films de toutes les époques, a le mieux utilisé le contre-champs : il y a toujours, en face du visage de Laura Dern, une surprise qui nous attend, un autre monde possible qui se juxtapose aux autres.

et par rapport à Mulholland Drive :

Inland Empire est arrivé après Mulholland Drive, ce fut son son drame. Personne, je crois, ne l'a compris. Pourtant, c'est le même film. Sauf que Inland Empire est son envers le plus bouleversant : toute la mesure de Mulholland Drive, Inland Empire la transfigure et la surpasse.

Même si j'ai un peu peur de le revoir (comme souvent les films de Lynch...
Bon, Godard aurait dit : meme si vous vous opposez, ce qui compte c'est que vous avez vu des choses en communs (je les ai mis en gras).

C'est parfait. Revois-le un jour et on reparlera.
Par contre, quand tu dis que c'est le même film (très juste !), le probleme c'est que tu dit aussi que 'il le surpasse'. Je ne sais pas comment un film peut surpasser son semblable... . :sarcastic: .
Cela dit, moi aussi j'ai "trop vu" Mulholland Drive (je le reconnais !), je crois que c'est le film que j'ai revu le plus dans ma vie (mais ça correspondait aussi à "mes débuts" donc c'était presque un péché mignon de le revoir tant). Cela dit, c'est quand même la 3e fois que je voyais Inland Empire donc, ça va (voir 4e car j'avais vu des fragments il y a 4-5 ans).

Bon, je suis vraiment impressionné par ce que tu as écrit quand tu l'avais vu. Comment as tu pu le retrouver car allocine n'existe plus ??!
Chapeau !!
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B-Lyndon a écrit :
dim. 3 janv. 2021 18:12

Je crois savoir que tu n'aimes pas les livres sur le cinéma mais alors celui là faut le lire
Bien vu :D
En fait, je me dis que si Godard (qui a parlé du cinéma mieux que lui ??) n'a jamais écrit un livre sur le cinema c'est qu'il avait une bonne raison. Puis, quand on se rappelle de la tête qu'il a fait quand on lui a posé la question de ce qu'il pensait du livre probablement le plus important écris sur le cinema (les 2 de Deleuze, que je les ai bien lu d'ailleurs!), no comment quoi...
;)

Bon, celui-ci donne grave envie. En plus, ce n'est pas 'sur le cinema" mais comme tu dis, "comment faire du cinema ensemble".
Je vais le lire !!
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cyborg
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sokol a écrit :
dim. 3 janv. 2021 16:48
cyborg a écrit :
jeu. 31 déc. 2020 13:16
Asketoner parlait récemment de l'artisanat comme façon de résister à l'industrie/le capitalisme. C'est la même chose pour tout ce qui se rapproche des approches transversales : exister et faire sens dans toute sa diversité, sans avoir besoin d'appartenir à une catégorie précise. Pas étonnant que ces deux sujets (le retour de "l'artisanat" dans les pratiques artistiques, les questions autour du "trans-" au sens large) soient autant sur le devant de la scène de nos jours.
À mon opinion, ce n'est pas la même chose car la question artisanat/industrie est un probleme systémique (un antagonisme de premier plan - dit on dans la dialectique matérialiste) tandis que la question du 'trans' reste un problème culturel (donc un antagonisme de second plan). La résolution des antagonismes principaux (le conflit entre la ville et la campagne en est un autre, par ex), réglera, normalement les antagonismes secondaires (sais-tu, toujours par exemple que, le premier pouvoir au monde à dépénaliser l'homosexualité était le pouvoir soviétique issu de la révolution d'octobre de 1917 ?
https://www.revolutionpermanente.fr/Il- ... osexualite

@sokol : Je ne voulais pas dire "c'est la même chose" dans le sens de "c'est similaire" ou "ces deux éléments s'équivalent" mais dans le sens "ce sont deux questions / façon de faire / de penser qui chacune permettent de remettre en cause/questionner les travers de l'industrie et de son processus d'uniformisation". Peut-être me suis-je mal exprimé mais j'imagine que nous sommes d'accord.

Pour l'homosexualité et les soviet non je ne savais pas, mais c'est toujours bon à savoir !
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
dim. 3 janv. 2021 23:19

Bon, Godard aurait dit : meme si vous vous opposez, ce qui compte c'est que vous avez vu des choses en communs (je les ai mis en gras).

C'est parfait. Revois-le un jour et on reparlera.
Par contre, quand tu dis que c'est le même film (très juste !), le probleme c'est que tu dit aussi que 'il le surpasse'. Je ne sais pas comment un film peut surpasser son semblable... . :sarcastic: .
Cela dit, moi aussi j'ai "trop vu" Mulholland Drive (je le reconnais !), je crois que c'est le film que j'ai revu le plus dans ma vie (mais ça correspondait aussi à "mes débuts" donc c'était presque un péché mignon de le revoir tant). Cela dit, c'est quand même la 3e fois que je voyais Inland Empire donc, ça va (voir 4e car j'avais vu des fragments il y a 4-5 ans).

Bon, je suis vraiment impressionné par ce que tu as écrit quand tu l'avais vu. Comment as tu pu le retrouver car allocine n'existe plus ??!
Chapeau !!
Bien sur qu'un film peut surpasser le précédent....C'est comme quand on dit : "ce film est meilleur que l'autre". Bref, ne commence pas à jouer sur les mots :D :D

Et j'avais posté cette critique sur Sens Critique, je l'ai retrouvé en deux clicks ;)
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groil_groil
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Le fantôme d'une actrice des années 20 disparue jeune prend renait dans le corps d'une jeune femme bien sous tous rapports travaillant dans un diocèse, et les deux personnalités s'affronte dans un même corps. On pense à une sorte de rencontre entre le Blake Edwards des 80's et La Rose Pourpre du Caire de Woody Allen, transposée à SF. Le film n'est pas non plus du niveau de ces deux références, c'est un peu vieillot, un peu cheesy, mais il y a une patine 80's très agréable et une double performance réjouissante de Glenn Close.

Image

Il ne faut pas voir ce Cecil B. DeMille pour sa véracité historique ou son scénario, car on trouverait ça totalement débile tant c'est n'importe quoi. Mais c'est un magnifique objet d'art, qui s'inspire de toutes les tendances récentes comme l'art déco ou l'expressionisme pour les intégrer dans le gigantisme hollywoodien et générer une sorte de proto-péplum en en fixant des codes qui perdureront sur les années suivantes; et surtout c'est un film d'une beauté plastique absolument saisissante, où la sublime Claudette Colbert est magnifiée et sexualisée dans chacun des plans.
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B-Lyndon a écrit :
lun. 4 janv. 2021 06:32

Bien sur qu'un film peut surpasser le précédent....C'est comme quand on dit : "ce film est meilleur que l'autre". Bref, ne commence pas à jouer sur les mots :D :D
Mais non, je ne joue pas sur les mots car tu parlais de même film ! ;) (et je suis d'accord : il a refait Mulholland Drive)
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@cyborg
Oui Nanas ça ne va pas, mais c'est drôle aussi de voir un cinéaste confronté à la difficulté de la télévision, chaque semaine devoir trouver quelque chose d'autre, qui à la fois doit prolonger et ne pas répéter ce qui a été fait la semaine précédente. Je crois qu'il y a un déplacement permanent de la question du sacré dans les films de Godard, et là c'est le sacré du cinéma en soi qui est visé, et d'une certaine façon profané : rater une émission n'est pas tout à fait comme rater un film.
(J'aime tellement la toute première émission, où il demande à des chômeurs combien ils veulent être payés pour ne presque rien faire. C'est absolument terrible, et très cruel, mais très beau parce que ça révèle l'aliénation non du travail mais de la classe sociale.)
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sokol a écrit :
dim. 3 janv. 2021 16:52
asketoner a écrit :
dim. 3 janv. 2021 11:36
@sokol : évidemment qu'il y a des champs contrechamps dans Inland Empire : c'est un film sur la frontière, la contiguïté des individualités. Lynch a formalisé les réunions zoom bien avant l'heure. Souviens-toi : vers la fin, Laura Dern embrasse un écran de télévision où l'on voit une jeune fille pleurer, qui elle-même voyait Laura Dern sur son écran. La surveillance est la dernière émotion, le dernier amour de ce monde, le dernier regard que nous serons capables de porter sur l'autre.
Je veux bien, mais le côté 'cinématographique' du film (donc, le film tout court) est très mauvais : c'est invraisemblable à quel point la qualité de la caméra avec laquelle il a tourné est mauvaise.
Tu l'as revu quand la dernière fois ?
Il n'y a pas si longtemps, peut-être 4 ans. Oui l'image est laide, mais c'est précisément ce qui est recherché (et pour le coup Lynch n'avait jamais fait ça dans aucun autre film, esthétiquement il ne se répète pas) : passer le cinéma américain dans le broyeur de l'image numérique et voir ce qui en résulte. En l'occurence, des visages déformés et des corps en morceaux, des découpes de couleurs et de noir qui ne forment pas tant des ombres que des taches, un tremblement permanent qui se superpose à la rigidité des dispositifs de mise en scène et vient les dénoncer, comme un retour de l'expressionnisme (et donc de la terreur - mais une toute autre terreur, liée cette fois à la question du regard : on ne voulait plus voir, maintenant on veut tout voir).
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cyborg a écrit :
dim. 3 janv. 2021 15:28

Lors de mes dernières heures de visionnage je regardais en parallèle un long échange (2h) entre Godard et Daney qui vient de paraitre sur Henri :
https://www.cinematheque.fr/henri/film/ ... dard-1988/
merci !!! :jap: Je ne connaissais pas ça. Vraiment chouette !!! (Godard + Daney... :love: :love: :love: )
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asketoner a écrit :
lun. 4 janv. 2021 11:53
Oui l'image est laide, mais c'est précisément ce qui est recherché
Je comprend très bien. Et, en principe, je n'ai rien contre. Le problème c'est le résultat. Cela m’a même fait penser à "Mère et fils" de Sokourov... :humpf:
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Rapidement, les films vus pendant les derniers jours :

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Problemos, Eric Judor, 2017

J'ai rarement vu une comédie aussi nulle. Les acteurs sont mauvais, le récit est totalement lâche, le rythme est au-delà de l'effondrement, et les gags sont vraiment indigents. Quant à la thématique (écolos décroissants VS capitalistes larges d'esprit), bienvenue chez Télépoche.

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Le corbeau, Clouzot, 1943

Plutôt bien aimé, jusqu'à la résolution, qui est plus une solution qu'une idée.

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Le péché suédois, Bo Widerberg, 1963

Beau portrait de femme tentant d'être libre dans une société puritaine.
On sent très fortement l'influence de la Nouvelle Vague, au point que Bo Widerberg aurait pu faire partie de la bande sans problème.

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Boulevard du crépuscule, Billy Wilder, 1950
&
Certains l'aiment chaud, Billy Wilder, 1959


C'est tellement génial, Billy Wilder.

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Down by law, Jim Jarmusch, 1986

J'ai prévu de revoir quelques Jarmusch, j'ai écrit un long texte sur celui-ci après l'avoir vu mais je n'ai pas le temps de le recopier tout de suite, en tout cas je peux dire que je l'ai beaucoup aimé de nouveau.
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B-Lyndon a écrit :
dim. 3 janv. 2021 18:31


En 1998, Godard emménage son bureau au dessus de celui de Rohmer, Rohmer est désormais le cinéaste d'un film "amateur" et "pauvre" que Godard adore, "Le Rayon Vert". Et Rohmer est odieux avec Godard quand il le croise, le regarde à peine, ne lui répond pas quand il lui parle.
Cela ne m'étonne pas du tout venant de Godard (car c'est une teigne socialement parlant, voir une saloperie :D) mais ce qui m'intrigue c'est que, en 1998, Godard était déjà à Rolle ! Or, probablement, il s'agit de bureau à Paris, n'est ce pas ?
Bizarre...
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et voilà quelques mots sur Down by law de Jim Jarmusch


Etre et se faire avoir

Down by law s'ouvre sur un échange de répliques minimal, sans enjeu, sans affect, typique du cinéma de Jim Jarmusch, entre John Lurie et une jeune femme sur un rocking chair :
- Qu'est-ce que tu fais Julie ?
- Je regarde la lumière qui change.
La jeune femme reste assise, John Lurie retourne à l'intérieur de la maison. C'est presque une blague, et presque un manifeste. Les personnages de Jarmusch sont tout sauf ordinaires : ils n'ont aucun problème à vivre au présent, c'est l'avenir qui est pour eux hors d'atteinte (tout projet leur semble dérisoire), et le passé reste enfoui (ici, Roberto Benigni se souvient tout de même de sa mère qui égorge si bien les lapins malgré sa tendresse apparente, mais les deux autres personnages ne parlent pas de leur enfance, comme s'ils étaient encore en train de la vivre). Après une dispute avec sa petite amie, Tom Waits reconnaît : "tu as raison, on ne peut pas toujours vivre au présent". Alors on tente quelque chose, on fait un plan, on accepte une proposition malhonnête, et on finit en prison.
Et Jarmusch d'aboutir à ce paradoxe : filmer des hommes libres en prison.

La beauté du film tient à ce que les trois personnages incarcérés, Lurie, Waits et Benigni, inventent ensemble comme façon(s) d'être(s) à partir du présent, comme dans cette séquence où, au détour d'une partie de cartes, ils se mettent à répéter de plus en plus fort la ritournelle I Scream For Ice Cream, tournant en rond dans leur cellule rectangulaire, entraînant dans leur délire tous les autres prisonniers alentour (mais hors-champ), jusqu'à l'arrivé des matons, où la partie de cartes reprend, l'air de rien.
Or que font des hommes libres en prison, sinon s'évader ? Waits et Lurie en sont bien incapables, mais Roberto Benigni, lui, le peut. C'est l'exilé (l'émigré) qui a la clef des champs, évidemment.
Il est cependant difficile de s'évader vraiment, même après avoir franchi le mur de la prison. Les trois fuyards, pensant trouver refuge dans une petite maison sur pilotis au-dessus d'un marais de la Nouvelle-Orléans, s'aperçoivent que leur abri présente la même disposition (deux fois deux lits superposés) que leur cellule. On croit être libres, mais la structure carcérale se retrouve partout dans nos vies. Jarmusch filme trois destins, trois êtres-au-monde bien différents les uns des autres, qui pour s'accomplir devront trouver chacun leur forme, leur chemin.

C'est toujours l'être qui intéresse Jarmusch, bien plus que l'avoir. Il filme une Jaguar, mais elle est d'emprunt (et il y a un cadavre dans le coffre). L'être passe aussi par le costume : Tom Waits, jeté hors de chez lui en même temps que ses affaires, décide de porter des bottines argentées. Il s'assied sur le rebord du trottoir, les enfile, les frotte, cherche à les faire briller. C'est qu'il n'y a qu'une seule manière de posséder : ramener tout ce qu'on a à ce qu'on est. Et puis ça ne dure pas. Bientôt chacun des personnages se trouvera déguisé en prisonnier. Il n'y a pas de vêtements, il n'y a que des déguisements. Chaque chose possédée témoigne imparfaitement d'un état, d'un moment de nos vies.
Pour Jarmusch, à chaque film, il s'agit de trouver, d'étudier un être au monde particulier, voir si ça tient, si ça vaut la peine. Les plus beaux sont sans doute ceux où le cinéaste parvient à créer des tensions, des paradoxes, une dialectique. Ici : être en prison & être libre. Dans Paterson, être poète & être salarié. Dans Dead Man, être mort & être à l'écoute des vibrations du monde. Dans Ghost dog, être un guerrier & être aérien. Dans Stranger than paradise : être d'ailleurs & être d'ici. Mais aussi : être zombies, être vampires, être Iggy Pop, être amis, amants, être seul & être en couple.
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Babs
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groil_groil a écrit :
lun. 4 janv. 2021 09:27
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Je ne connais pas du tout ce "Maxie" :??: ça n'a pas dû sortir en France à l'époque, parce que c'est typiquement un truc que j'aurais vu en VHS :lol: ..en plus il y a Mandy Patinkin dedans ?!? j'adore Mandy (because "Yentl", Sunday in the Park with George", "Homeland" of course !).
Je garde un bon souvenir du "Cléopâtre" de DeMille. C'est pré-code ou à la lisière. Il y a un petit côté Sternberg dans la préciosité de l'image, la glamourisation, les costumes, décors...la véracité historique, Hollywood s'en est toujours en peu tamponné, hein ? Les enjeux sont ailleurs :D

vu
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Kaiser: The Greatest Footballer Never to Play Football - Louis Myles - 2018

Un documentaire ludique sur un fabulateur de génie. Un brésilien qui revendique 26 ans d'une carrière footballistique sans avoir jamais joué aucun match. Incroyable :lol: C'est le Jean-Claude Romand du ballon rond, les crimes en moins. La forme du doc n'a rien de révolutionnaire, mais le sujet est suffisamment fort pour faire passer la pilule.
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
lun. 4 janv. 2021 16:54
B-Lyndon a écrit :
dim. 3 janv. 2021 18:31


En 1998, Godard emménage son bureau au dessus de celui de Rohmer, Rohmer est désormais le cinéaste d'un film "amateur" et "pauvre" que Godard adore, "Le Rayon Vert". Et Rohmer est odieux avec Godard quand il le croise, le regarde à peine, ne lui répond pas quand il lui parle.
Cela ne m'étonne pas du tout venant de Godard (car c'est une teigne socialement parlant, voir une saloperie :D) mais ce qui m'intrigue c'est que, en 1998, Godard était déjà à Rolle ! Or, probablement, il s'agit de bureau à Paris, n'est ce pas ?
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Oui Godard a toujours eu un bureau à Paris ! (mais là je crois qu'il n'y va plus)
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Babs, sisi Maxi est bel et bien sorti en salle, mais je n'en avais aucun souvenir ;)
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Asky : merci pour Problemos et pour Wilder.
Dans les deux cas, tout est dit :)
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Film sulfureux s'il en est, histoire d'une jeune femme bien sous tous rapports le jour qui se prostitue façon hardcore la nuit. Si Kathleen Turner se met bel et bien en danger dans ce film, c'est un peu son seul atout. Même si l'esthétique 80's est intéressante, rappelant parfois celle de Coup de Coeur de Coppola, lorgnant sur celle de Jarman, voire de Wenders, ou bien chez le Crusing de Friedkin pour la thématique, cela n'empêche pas Russell, comme souvent, de tomber en permanence dans le ridicule le plus total, et le temps passant, l'outrance et le désir de choquer n'entrainent plus que gène et consternation. Content néanmoins de l'avoir vu, ça faisait longtemps que je le souhaitais.

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Revu avec toujours beaucoup de plaisir le dernier film en date de Spielberg, en attendant West Side Story. Le film est bourré de défauts, mais il y a une telle croyance dans ce qu'il a à raconter que ça emporte tout. Après, il n'en reste pas grand chose de plus que lorsqu'on vient de passer une soirée devant un jeu vidéo, mais le plaisir immédiat est toujours présent.
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