Le Centre de Visionnage : Films et débats

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asketoner
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La bataille d'Alger, Gillo Pontecorvo, 1966

Impressionnante reconstitution des événements ayant opposé le FLN à l'armée française à Alger, tournée seulement dix ans après les faits, et deux ans après l'indépendance, par le réalisateur de Kapo. Je n'ai pas vu Kapo, mais il y a dans La Bataille d'Alger quelque chose de très louche, voire douteux (et pourtant on n'en parlerait même pas s'il s'agissait d'un film américain) : le suspense y est haletant, le récit et la mise en scène fonctionnant de concert pour que le spectateur s'attache aux personnages, prenne parti, et attende l'issue du conflit se (re)jouant sous ses yeux. C'est très compliqué de traiter l'Histoire de cette manière-là, et pourtant l'Histoire est absolument là (le film est très instructif, limpide), les mobiles et méthodes des uns et des autres sont très clairs, la ville est précisément décrite, et le film nous donne un bel aperçu de la vie quotidienne à Alger dans les années 50. Personne n'y est méprisé, pourtant personne n'est épargné. Même Ali la Pointe, qui fait figure de héros, est abordé de façon paradoxale. (Et même le chef des paras a ses raisons.) Et le plus beau est peut-être que le cinéaste n'oublie pas le peuple algérien, auquel l'épilogue est consacré, évoquant, après cette bataille, son soulèvement inopiné quelques années plus tard, sans lien direct avec le FLN.
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Tamponn Destartinn
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Lourdement démonstratif.
Rarement vu des dialogues aussi peu subtils, et tout ça pour n'enfoncer que des portes ouvertes.
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Tyra
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Le film jumeaux de Vice-Versa, en moins fort il me semble. Pete Docter nous réchauffe l'idée qui avait fait le succès de Vice-Versa : la représentation abstraite d'un espace inconnu, supposé existant (notre inconscient, l'eau delà), pour lesquels on peut se permettre une représentation libre et ludique. Cet ailleurs étant toujours en relation avec le réel, le monde que l'on connait. Comme dans Vice-versa, cette représentation est toujours possiblement sujet à critique (esthétiquement ou moralement), mais encore une fois l'auteur arrive à retomber sur ses pieds en balayant mes craintes. Il y a toujours, dans ces représentations abstraites (notamment des personnalités, on reste très proche de VV par moment), un gout de développent personnel, de formation au management douteuse. Heureusement Docter finit toujours par bifurquer et finir sur un contre-pied. Dans VV, les émotions schématiquement représentées par cinq personnalités s'en trouvaient mélangées et enrichies à l'arrivée de l'adolescence, le film reconnaissant la mélancolie comme donnée essentielle de l'existence.
Ici, c'est l'injonction à la performance, à suivre une voie, à poursuivre un rêve qui est remise en question, le film préférant finir une une valorisation de la vie par le goût de l'instant présent et des sensations, un message presque épicurien finalement. Prise de conscience mise en branle par cette formidable idée de l'interversion d'âmes dans un mauvais corps. Docter n'oublie pas non plus la veine cartoonesque de ses films et de l'animation en générale, réservant de beaux gags visuels, surtout si l'on aime les chats. :love2:


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Les 15 premières minutes du films doivent être ce que j'ai vu de plus gênant au cinéma cette année, cette vision condescendante de la vieillesse et de la fin de vie du grand-père gâteux, chouchouté par ses petits enfants qui emploient des manières d'infirmières infantilisantes et déshumanisantes. Le papy réifié devenant la poupée qu'on se trimbale fièrement, en essayant de ressentir un peu de la gloire de l'ancien militant et la fierté de renouer avec ses origines un peu perdues de vue... Et tout cela sans distance critique de la cinéaste...
D'ailleurs c'est toujours ce manque de distance, de recul, cette impression d'être entrainé sans ménagement dans l'égocentrisme de l'actrice qui rebute. Et puis elle règle ses comptes aussi, le linge sale se lave en famille, et rien ne nous sera épargné de la petitesse de ces gens.
Rien ne sera dit d'intéressant non plus sur l'obsession maladive du personnage de Maïwenn pour ses origines, probablement autobiographique, alors qu'il y avait un beau sujet.
Sur l'affiche vous pouvez voir Maïwenn toute heureuse de renouer avec ses racines algériennes à la fin du film, et participer aux manifestations de 2019 contre Bouteflika. Là encore on sent que toute cette foule, ce peuple descendu dans la rue, n'est là que pour satisfaire l'égo rassénéré de l'auteure, heureuse de s'afficher là où il fallait être, comme le ferait un post Instagram.
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asketoner
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Cache-cache pastoral, Shuji Terayama, 1974

Le psychédélique, c'est voir à travers. A travers des rideaux, des filtres colorés. A travers l'oubli, l'incohérence. C'est tenter de rendre au souvenir toute sa difformité, son grotesque, son caractère sexuel, son outrance et son insaisissabilité. Shuji Terayama (je n'avais rien vu de ce cinéaste) évoque ici son enfance, et vise l'étrangeté. Mais très vite elle est atteinte. Et alors une sensualité folle afflue, un calme quasi-organique, puis une détresse tellement lointaine qu'elle en devient un chant. On pourrait très vite voir Terayama comme le cousin japonais de Ruiz, mais il le surpasse largement, grâce à cette sensualité, et à l'assurance sans appui ni redondance de son geste esthétique - au point de devenir plutôt le neveu turbulent de Paradjanov. Cache-cache pastoral n'est jamais criard, pourtant tout est exacerbé. Alors Terayama réalise une vraie prouesse : faire quelque chose d'aussi vrai avec autant de faux.
Après 40 minutes, le film se brise : le cinéaste s'incarne à l'écran, commentant ce qu'on voyait, révélant que rien ne s'est vraiment passé comme il le décrit. Et même là, dans cet effet, le film reste humble, simple, très juste à son endroit alors qu'il se décentre. C'est ce qui lui permet de se défaire de son récit, et d'y revenir autrement, pour atteindre une beauté plus essentielle encore.
Il y a de très grandes scènes, visuellement marquantes, comme cette femme qui se fait gonfler par un nain muni d'une pompe à air, ou cette jeune fille qui joue à cache-cache dans un cimetière où les enfants se transforment en adultes inquiétants derrière les tombes, ou encore cette partie d'échecs au milieu d'un champ entre le réalisateur et son double adolescent. Mais c'est surtout un des plus beaux films sur la relation entre une mère et son fils. Car le cinéaste, lors de cette fameuse partie d'échecs, demande à celui qu'il était de tuer sa mère, pour voir s'il serait le même aujourd'hui. L'adolescent se dérobe (on peut être trahi par ses souvenirs), le décor tombe (littéralement), et la mère reste intacte, face au fils devenu vieux, au milieu des rues de Tokyo, sous le regard des passants auxquels se mêle une troupe de cirque.
Très impressionné par ce cinéaste, dont je me méfiais un peu (je pensais sa réputation d'Artaud japonais usurpée, argument de marketing, mais pas du tout) : je verrai bientôt d'autres films de lui, c'est certain.
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groil_groil
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Belle réussite et le film le plus drôle de l'année (mais qui réussit car il n'est pas "que" drôle). Ce qu'il y a de formidable, outre son humour, c'est son originalité, le film ne ressemblant à aucun autre - on peut penser parfois aux débuts de Donzelli, mais il y a moins de pathos, c'est plus réussi -, et le ton si particulier avec lequel jouent les acteurs. Il y a le duo qui est excellent (je ne connaissais pas le type, je le sais populaire, et il est en effet excellent, maitrisant un large registre comique), mais tous les acteurs secondaires semblent - je suis sûr qu'ils le sont - des vrais gens pris dans leur jus, et leur jeu si brut, original, vient enrichir le film. J'adore aussi l'outrance de ce gros ventre, cet ENORME ventre, qui est la seule apparition surréelle du film mais qui lui donne un sens supplémentaire, et le fait basculer dans un autre registre, ou plutôt qui élargit son champ d'action. Enfin, j'adore surtout comment le film bascule. Tout le comique du film vient du fait que l'homme gère la vie de sa femme, une grande pianiste autiste qui ne s'occupe de rien d'autre que de son piano et de ses concerts. Il est son mari, mais aussi son agent, son meilleur ami, sa nounou... Et c'est lui qui lui fait un enfant dans le dos et qui semble ensuite porter l'enfant à sa place - il prend 20kg, va aux cours d'accouchement, connait les infirmières et les patientes par leur prénom, etc. Il ne laisse aucune place à sa femme. Certes, elle ne veut pas de cette place, mais de toute façon elle n'a pas la possibilité de prendre cette place car il ne lui en laisse pas la possibilité. Et ce qu'il y a de formidable, c'est, lorsque l'enfant arrive, d'assister à la façon dont cette femme reprend sa place. Sa place de mère bien sûr, puisque la mère c'est elle et elle seule, même si son mari pense le contraire, mais plus largement sa place de femme, sa place d'être humain. Elle existe enfin. Et, lorsque lors de la belle scène finale, elle joue enfin en public et avec orchestre ce magnifique "Concerto en Sol" de Maurice Ravel, et qu'elle s'assoit sur son tabouret de concert, seulement deux jours après avoir accouché, elle a enfin trouvé sa place. Elle existe face au monde. Et le regard final de son enfant de deux jours lorsque, depuis la maternité, il entend jouer sa mère, est à la fois le plus beau contrechamp et le plus beau regard caméra vu depuis des années.
Modifié en dernier par groil_groil le mer. 6 janv. 2021 14:00, modifié 2 fois.
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cyborg
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@asketoner : :love: :love: :love:

Ha tu me fais très plaisir ! J'ai adoré découvrir ce cinéaste il y a deux ans, dont j'avais rapidement tout vu.
J'avais regardé dans l'ordre de sa filmographie et tout est bon, si on exclu sa production internationale avec Kinski et Dombasle "Les Fruits de la Passion", qui est lamentablement mauvais.
"The Boxer" est bien mais peut-être un peu plus classique.
Je te conseille surtout "Jetons les livres, sortons dans la rue".
Le sulfureux "Empereur Tomato Ketchup" mérite aussi la vision, si on y est prêt, mais alors il faut voir la version longue...
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
mer. 6 janv. 2021 10:24
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Belle réussite et le film le plus drôle de l'année (mais qui réussit car il n'est pas "que" drôle). Ce qu'il y a de formidable, outre son humour, c'est son originalité, le film ne ressemblant à aucun autre - on peut penser parfois aux débuts de Donzelli, mais il y a moins de pathos, c'est plus réussi -, et le ton si particulier avec lequel jouent les acteurs. Il y a le duo qui est excellent (je ne connaissais pas le type, je le sais populaire, et il est en effet excellent, maitrisant un large registre comique), mais tous les acteurs secondaires semblent - je suis sûr qu'ils le sont - des vrais gens pris dans leur jus, et leur jeu si brut, original, vient enrichir le film. J'adore aussi l'outrance de ce gros ventre, cet ENORME ventre, qui est la seule apparition surréelle du film mais qui lui donne un sens supplémentaire, et le fait basculer dans un autre registre, ou plutôt qui élargit son champ d'action. Enfin, j'adore surtout comment le film bascule. Tout le comique du film vient du fait que l'homme gère la vie de sa femme, une grande pianiste autiste qui ne s'occupe de rien d'autre que de son piano et de ses concerts. Il est son mari, mais aussi son agent, son meilleur ami, sa nounou... Et c'est lui qui lui fait un enfant dans le dos et qui semble ensuite porter l'enfant à sa place - il prend 20kg, va aux cours d'accouchement, connais les infirmières et les patientes par leur prénom, etc. Il ne laisse aucune place à sa femme. Certes, elle ne veut pas de cette place, mais de toute façon elle n'a pas la possibilité de prendre cette place car il ne lui en laisse pas la possibilité. Et ce qu'il y a de formidable, c'est, lorsque l'enfant arrive, d'assister à la façon dont cette femme reprend sa place. Sa place de mère bien sûr, puisque la mère c'est elle et elle seule, même si son mari pense le contraire, mais plus largement sa place de femme, sa place d'être humain. Elle existe enfin. Et, lorsque lors de la belle scène finale, elle joue enfin en public et avec orchestre ce magnifique "Concerto en Sol" de Maurice Ravel, et qu'elle s'assoit sur son tabouret de concert, seulement deux jours après avoir accouché. Elle a enfin trouvé sa place. Elle existe face au monde. Et le regard final de son enfant de deux jours lorsque, depuis la maternité, il entend jouer sa mère, est à la fois le plus beau contrechamp et le plus beau regard caméra vu depuis des années.


Très bonne critique ! :jap:
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groil_groil
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merci <3
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Narval
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asketoner a écrit :
mer. 6 janv. 2021 10:03
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Cache-cache pastoral, Shuji Terayama, 1974

Le psychédélique, c'est voir à travers. A travers des rideaux, des filtres colorés. A travers l'oubli, l'incohérence. C'est tenter de rendre au souvenir toute sa difformité, son grotesque, son caractère sexuel, son outrance et son insaisissabilité. Shuji Terayama (je n'avais rien vu de ce cinéaste) évoque ici son enfance, et vise l'étrangeté. Mais très vite elle est atteinte. Et alors une sensualité folle afflue, un calme quasi-organique, puis une détresse tellement lointaine qu'elle en devient un chant. On pourrait très vite voir Terayama comme le cousin japonais de Ruiz, mais il le surpasse largement, grâce à cette sensualité, et à l'assurance sans appui ni redondance de son geste esthétique - au point de devenir plutôt le neveu turbulent de Paradjanov. Cache-cache pastoral n'est jamais criard, pourtant tout est exacerbé. Alors Terayama réalise une vraie prouesse : faire quelque chose d'aussi vrai avec autant de faux.
Après 40 minutes, le film se brise : le cinéaste s'incarne à l'écran, commentant ce qu'on voyait, révélant que rien ne s'est vraiment passé comme il le décrit. Et même là, dans cet effet, le film reste humble, simple, très juste à son endroit alors qu'il se décentre. C'est ce qui lui permet de se défaire de son récit, et d'y revenir autrement, pour atteindre une beauté plus essentielle encore.
Il y a de très grandes scènes, visuellement marquantes, comme cette femme qui se fait gonfler par un nain muni d'une pompe à air, ou cette jeune fille qui joue à cache-cache dans un cimetière où les enfants se transforment en adultes inquiétants derrière les tombes, ou encore cette partie d'échecs au milieu d'un champ entre le réalisateur et son double adolescent. Mais c'est surtout un des plus beaux films sur la relation entre une mère et son fils. Car le cinéaste, lors de cette fameuse partie d'échecs, demande à celui qu'il était de tuer sa mère, pour voir s'il serait le même aujourd'hui. L'adolescent se dérobe (on peut être trahi par ses souvenirs), le décor tombe (littéralement), et la mère reste intacte, face au fils devenu vieux, au milieu des rues de Tokyo, sous le regard des passants auxquels se mêle une troupe de cirque.
Très impressionné par ce cinéaste, dont je me méfiais un peu (je pensais sa réputation d'Artaud japonais usurpée, argument de marketing, mais pas du tout) : je verrai bientôt d'autres films de lui, c'est certain.
Superbe film en effet, dommage que ce cinéaste soit si difficile à voir encore aujourd'hui ! Cache-cache pastoral est son plus connu, mais quid du reste de sa filmo (dont beaucoup de courts qui sont tout aussi uniques). Il y aurait un gros travail d'édition à faire à ce niveau.
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cyborg
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J'ai commencé l'année par deux revoyures :

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Ayant revu Stalker il y a trois mois à peine, je réalise à quel point Tarkoski déplie ici exactement le même film, s'en est sidérant. On pourrait simplement dire qu'il rebat à nouveau des motifs tarkovskiens, mais plus encore Nostalghia me semble vraiment un dédoublement de Stalker (qui est d'ailleurs sont précédent film), ceci passant tant par la mise en scène souvent très proche, que par toute une série de détails (celui qui m'a fait tilt : la tâche blanche dans les cheveux du personnage principal, exactement similaire à celle présente sur la tête du stalker).

Dans cette variation "le coeur de la zone" est atteint à la quasi-ouverture du film (les oiseaux s’échappant du manteau de la Vierge). Après un point mystique atteint de façon aussi prématurée (et plate !) que reste t-il, si ce n'est la pure errance et le désespoir qui ronge le personnage principal ? L'ancienne zone, étrange mélange entre ruines industrielles et nature sauvage, est ici bien concrète, dans ce petit village italien en décrépitude, où le brouillard ne dissimule pas tant qu'il n'oppresse. Plus de guide non plus, plus de dynamique de groupe à trois, le héros a pour comparses son assistante avec qui il semble vivre une vague histoire d'amour à laquelle on ne croit guère et qui disparait bien vite, et un fou pris dans ses propres pensées, mais qui sera au final le seul à tenir un vrai discours, sur l'art et la société. Même les dialogues et leurs dialectiques qui servent de moteurs habituels à ses films (dans Stalker, mais aussi dans Solaris par exemple) ne semblent plus possible. A quoi bon ? Il ne reste que le doute et la solitude, plongé entre présent et souvenirs. C'est un film terriblement triste non pas sur la mort des illusions mais constitué par la mort des illusions elle même.

Après le miroir il s'agit sans doute de l’œuvre la plus autobiographique de l'auteur, dépeignant indirectement l'exil auquel est contraint le réalisateur. Tarkoski réalise en effet ici son premier film loin de sa terre natale. Le documentaire "Tempo di Viaggio", sorte de making-off du film que j'ai regardé juste après semble le confirmer, montrant un Tarkoski totalement désabusé, apathique presque durant son repérage de l'Italie et répétant sans cesse ne pas savoir ce qu'il fait là...


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Nouvelle vision, 14 ans après la première...
Je ne m'en souvenais que dans les grandes lignes, alors que ce sont ses multiples détours qui donnent toute la saveur au film.
Le lieu ou se déroule le film est très beau : on se croirait sur une île ou l'on arrive sans cesse en bateau, mais l'isolation n'est que relative : on est bien sur une rive sur laquelle pèse d'imposantes montagnes que l'on fait semblant d'oublier.
C'est un film qui repose entièrement sur la parole et qui se construit comme une somme d'aller-retour entre le dire et le faire : il se passe un évènement, puis on en fait le récit à quelqu'un d'autre. Et il se déploie ainsi tout un jeu entre ce qui est vu, ce qui est dit, ce qui est fait, ce qui est imaginé, ce qui est pensé, tant pour les personnages que pour les spectateurs. Personne n'a jamais vraiment tort et personne n'a jamais vraiment raison. Et si le film s'ouvre en montrant une fresque représentant Don Quichotte, livre basé entièrement sur un équilibre entre des aventures et le récit qui en est fait, ce n'est pas pour rien...
J'avais oublié également, que derrière ce petit théâtre des relations, il y a tout un fil rouge sur le vieillissement ou la "maturation" du personnage de Brialy, venu sur place pour vendre sa maison de jeunesse, qui se laisse tout d'abord questionner par une (très) jeune fille, puis éprouve un béguin pour une fille un peu plus âgée, avant de finalement se transformer en conseiller quasiment paternel... Une tournure qu'il ne s'avouera bien sur jamais ! Mais la photographie qui semble épouser cette évolution, passant de l'éclat chaud aux tons gris et éteints (alors qu'on est toujours au cœur de l'été !), ne nous y trompera pas, elle...


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Impostors - Mark Rappaport - 1979

Déception devant l'avant dernier film de fiction de Rappaport. Ou lassitude, peut-être, devant cette tentative d'enrober d'une vague fiction les schémas (ces micro-fictions quasi sitcomesques, ces décors pauvres, ces dédoublements des acteurs...) qu'il explore depuis ses débuts. Rappaport ne manque pas d'idées, parfois drôles, et toujours soutenues pas un sens visuel impeccable, mais l'ensemble à malheureusement fini par me désintéresser.


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L'emmurée vivante - Lucio Fulci


Découverte (ou presque... je m'y connais très peu en tout cas) du Giallo et il faut bien avouer que l'esthétique est assez incroyable, par son sens du kitch mais surtout par son espèce de relecture moderne de l’expressionnisme incorporant jeux de couleurs et effets d'appareil.
L'emmurée vivante est un thriller assez réjouissant ou le medium cinématographique est sans cesse mis en parallèle, ou plutôt confronté, à l'appareil psychique, l'un semblant sans cesse jouer des capacités de l’autre : possibilité de sauter du passé au futur, de recomposer, de déformer... Jusqu'à ce que les deux finissent par se compléter en s'imbriquant parfaitement. Réjouissant.


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Tongues Untied - Marlon Riggs - 1989

Beau documentaire expérimental sur la communauté noire homosexuelle aux Etats-Unis et la double difficulté qu'elle rencontre pour exister. La parole ici est toujours rythmé, proche de la poésie ou du slam, venant donner une contenance incroyables aux nombreux témoignages. Les images sont quant à elle pleines de corps, de l'intimité sensuelle à la manifestation dans les rues. Le résultat est très sensible, jamais illustratif et au contraire complétement intégré à la cause qu'il défend. D'ailleurs le Voguing y est évoqué, et l'on se prend à rêver que "Paris is burning" ait été fait de la même façon...


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The Catch - Shinji Somai - 1983

Encore un incroyable film de Shinji Somai dépeignant avec âpreté des personnages qui semblent tous constitués de solitudes pures, dans un style formel incroyable. Somai excelle et utilise sa maestria à bon escient, par ses choix visuels, son sens des temporalités et ses plans-séquences démesurés.

Improbable, The Catch est un mélodrame dans le milieu de la pèche au thon, le portrait d'un vieux loup de mer moins adroit en pleine mer que l'on ne voudrait le croire et qui se révèle tout aussi peu à l'aise sur terre entouré de ses semblables. Comme le dit son ex-femme après une très longue course-poursuite à pied, le héros s'est toujours comporté avec les autres comme avec des proies, comme des thons qu'il devait harponner et tirer à lui. C'est d'ailleurs sur cette équivalence que semble reposer le film : que l'on soit sur la terre ferme ou sur la mer, les déséquilibres sont les mêmes car reposant avant tout sur de profondes failles intérieures.

Autour de lui gravitent quelques autres pécheurs avec qui il magouille, sa fille qui l'aide à sa vie quotidienne, et son beau fils qui le suppliera de lui apprendre à pécher. Mauvaise idée bien sur, la solitude des flots n'aidant nullement à desserrer les impossibles nœuds de la transmission et de la filiation. Dans ce petit port de pèche personne ne semble savoir se parler, si ce n'est sous l'influence de l'alcool ou par l'anecdote ou alors pile trop tard, juste sur le point du départ. Filmé le plus souvent en plan large, ce ne sont pas tant les espaces qui paraissent grands que les personnages qui paraissent petits, isolés sur eux-même. Et quand nous passons dans l'intimité, que les plans se resserrent, que l'on espère voir surgir une tendresse, c'est pour mieux régler de vieilles rancœurs ou imposer sa force à l'autre, criant alors ce que l'on a ni le courage de dire ou d'assumer. The Catch est un film ou les feux d'artifices se transforment en feux de détresse, un film peuplé d'êtres torturés par la seule idée d'exister et ou la solitude est une lâcheté car elle ne permet jamais d'accéder totalement à une liberté pourtant tant désirée.
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sokol
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cyborg a écrit :
mer. 6 janv. 2021 23:46
Le documentaire "Tempo di Viaggio", sorte de making-off du film que j'ai regardé juste après semble le confirmer, montrant un Tarkoski totalement désabusé, apathique presque durant son repérage de l'Italie et répétant sans cesse ne pas savoir ce qu'il fait là...
Oui, l'erreur de Tarkovski d'avoir quitté sa Russie éternelle... . La preuve : ses 2 films européens sont bien mois slave, russe, tarkovskien, que les précédents...
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Une membre du Mossad est envoyée en Allemagne afin de s'occuper pendant quinze jours d'une jeune femme libanaise exfiltrée après avoir travaillé pour les services secrets israéliens, et dont le visage vient d'être refait pour garantir son anonymat. Petite tromperie sur la marchandise, on te vend un film d'espionnage mais en fait c'est surtout un film sur le rapport entre ces deux femmes, qui finiront bien sûr par se rouler une pelle... ça se suit, mais c'est inintéressant et la fin est complètement ratée : la mise en scène est si maladroite qu'on ne sait pas si la dernière scène, d'une importance capitale, elle conditionne tout le film, est un rêve de l'héroïne ou se produit réellement. Ce pourrait être volontaire de la part du cinéaste de laisser planer le doute, mais ce n'est pas possible vu le contexte, j'ai repassé la scène 3 fois et il vraiment impossible de trancher, quelle fin ratée...


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Le seul Spielberg que je n'avais pas vu... je n'avais vraiment pas envie, mais je me suis forcé... Et comme attendu c'est nul... Enfin, c'est professionnellement fait, mais ça déroule du câble de choses convenues, conventionnelles et vues mille fois... et puis l'univers Roald Dahl, franchement, qu'est-ce que c'est emmerdant...
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Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, Robert Aldrich, 1962

C'est d'abord un numéro d'actrice impressionnant. J'ai passé la première demie-heure du film à regarder Bette Davis bouger, c'était presque suffisant, mais bien vite le scénario prend le dessus, et l'intérêt du film s'émousse un peu dans la violence qu'il met en oeuvre (j'ai pensé à la grande bouffe, avec la même lassitude qui succède au même genre de plaisir), avant de carrément s'annuler dans un retournement de situation final qu'on voit venir gros comme une maison et qui n'a aucun intérêt. Le problème vient peut-être du personnage de Joan Crawford, qui n'est pas très clair, ni assez révolté, ni totalement soumis.
Mais j'ai aimé la mise en scène d'Aldrich. Il y a dans ses plans beaucoup à voir à chaque fois. Beaucoup d'images dans les images. C'est très riche (voire copieux). Dans Baby Jane, le cinéaste semble surtout s'intéresser aux rapports des corps entre eux. Les compositions des cadres jouent toujours la disproportion, le fossé : l'énorme musicien un peu snob et sa petite mère qui fume en époussetant le piano, Baby Jane à 8 ans et la poupée à son effigie, Baby Jane à 50 ans et cette même poupée, les deux soeurs entre elles, celles qui est handicapée et celle qui est alcoolique, celle qui est en lumière et celle qui ne l'est pas, et le rapport de chacune à son image passée (quand Blanche, depuis son fauteuil roulant, regarde un film dans lequel elle jouait, qui passe à la télé). Aldrich fait du rapport à l'autre non pas un impossible, mais un insoutenable. La présence de l'autre est intolérable. Sa monstruosité, sa gloire, sa déchéance, tout écoeure. Jane conserve dans le tiroir de sa chambre une photo dédicacée de Blanche, mais elle a rayé son visage : ce qu'elle veut, c'est la signature, pour apprendre à l'imiter. Et le commun est tenu à distance : Jane refusera jusqu'au bout à la voisine la possibilité d'entrer pour voir Blanche, dont elle admire les films, et pour qui elle a pourtant coupé les fleurs de son jardin.
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Ha oui je voulais aussi signaler que le nom international un peu banal de The Catch est à l'origine "Gyoei no mure" qui semble vouloir dire "Groupe d'ombre de poissons solitaires".
Bien sur, intraduisible dans une autre langue... mais l'idée est superbe... et convient parfaitement à l’œuvre.
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cyborg
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@sokol : erreur...? j'imagine que ce n'était pas forcément de son plein grès ? Enfin je n'en sais rien, mais ça semble probable non ? Peut-être en sais tu plus...
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cyborg
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@Narval : si tu veux les films,tu peux m'écrire en mp, je sais ou ils sont ;)
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Narval
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cyborg a écrit :
jeu. 7 janv. 2021 15:20
@Narval : si tu veux les films,tu peux m'écrire en mp, je sais ou ils sont ;)
Merci pour la proposition, sans doute un de ces quatre ;)
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asketoner
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(cette scène est dingue. Terayama sait vraiment comment terminer un film.)

Le Labyrinthe d'herbes, Shuji Terayama, 1979

Ca commence par cette phrase empruntée à La Jetée, et déformée :
"ceci est l'histoire d'un homme à la recherche d'une chanson d'enfance".

Et c'est vrai que Terayama est un cinéaste "musical". (Il travaille toujours avec le même musicien, qui est aussi acteur : J.A. Seazer, dont le travail est tout de suite repérable. Il semble même composer ses films à partir des musiques de Seazer, accorder le montage aux différents mouvements. Au point que je me demandais (et la question vaut aussi pour @cyborg ): est-ce qu'on peut aimer les films de Terayama si la musique de Seazer nous dégoûte ? Les deux sont tellement liés.)

En tout cas c'est toujours la puissance de la synthèse poétique des plans qui m'impressionne ici, et leur calme également (un calme vivant, révolté, sans conformisme), leur silence qui parle si bien à nos solitudes. Le Labyrinthe d'herbes est un peu plus confus que Cache-cache pastoral, un peu moins grandiose aussi, mais je suis définitivement sensible au style du cinéaste.
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asketoner
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Jetons les livres, sortons dans la rue, Shuji Terayama, 1971

D'abord c'est un jeune homme qui s'adresse aux spectateurs, et répète que personne ne le connaît. Puis il promet de dire son nom, mais il ne le donne jamais. Alors le film (le récit, l'illusion) commence, tentant de donner un nom à ce jeune homme. Un nom, un être. Avec ce calme souverain propre aux grands films, alors même que le cinéaste tente mille expérimentations.
Les trois films de Terayama que j'ai vus jusqu'à présent mettent en scène des dépucelages de jeunes hommes, et à chaque fois c'est magnifique, ça dit la grâce et le déchirement dans le même mouvement, la mise à mort de l'enfance, la folie incestuelle de la première fois. Personne n'a jamais montré ça de cette façon. C'est une chose qui n'appartient qu'à Terayama, et qu'aucun cinéaste n'a eu l'audace de poursuivre ou de prolonger. Le film entier nous montre la formation d'un corps masculin, et il parvient à ne jamais être dans le discours.
Je ne sais pas comment dire la grandeur de ce cinéma. Parfois il y a tout simplement des fulgurances, des images fortes, comme ce drapeau américain qui brûle en son milieu et se déchirant s'ouvre sur un couple qui fait l'amour sous un pont. Mais il n'y a pas que de l'inspiration, il y a aussi de la pensée. Par exemple à un moment du film, le fils annonce à son père qu'il veut s'acheter un nouveau pantalon, et c'est une scène d'affirmation ou d'émancipation, mais alors la caméra se déplace un peu et on voit par la fenêtre un cul-de-jatte avancer péniblement dans la rue. Terayama n'oublie jamais qu'il y a toujours plus petit que soi.
L'avant-dernière scène est l'une des plus belles et des plus vibrantes du cinéma de Terayama. On y voit l'acteur principal, entouré de toute l'équipe du film, expliquer ce qu'il a vécu et dire adieu aux spectateurs. C'est tout simple, le jeune homme dit que le cinéma est un mensonge auquel il a cru, que pendant les 28 jours du tournage il a eu un père, une famille, des rêves, des amis qui n'étaient pas les siens mais auxquels il avait fini par croire, bien qu'après chaque scène il ait entendu le réalisateur dire "coupez", mais lui n'a rien pu couper, la nuit il rêvait de ce à quoi son personnage rêvait, le jour il pensait à ce à quoi son personnage devait penser, et tout cela ne devait durer que 28 jours. "Adieu le cinéma", s'écrie-t-il à la fin de cette scène magnifique. Alors Terayama filme dans un long travelling tous les visages de ses acteurs et collaborateurs, et tous nous regardent, et c'est la fin du film.
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Tyra
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:hello:
Comment trouves-tu ces films de Terayama ? Ca donne vachement envie.
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Tyra a écrit :
dim. 10 janv. 2021 13:52
:hello:
Comment trouves-tu ces films de Terayama ? Ca donne vachement envie.
mp ;)
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Le grand chantage, Alexander Mackendrick, 1957

Gros ennui devant ce film qui, se targuant de dénoncer le cynisme de la presse new-yorkaise spécialisée dans les potins mondains, le fait avec cynisme, sans rien donner d'autre à ses personnages que leur petite avidité. On les regarde barboter dans leur jus narcissique, et rien d'autre ne se passe. Ca m'a beaucoup fait penser à Social Network de Fincher.
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groil_groil
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beurk je n'avais pas du tout aimé non plus Sweet Smell of Success. Je ne comprends pas la réputation excellente de ce film.
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Je ne l'avais vu qu'une fois, version cinéma, il y a fort longtemps, et je revois ici sa version longue (dite TV) de 5h21. La film est superbe avec cette longueur, et superbe tout court, c'est le grand film proustien de Bergman, avec une esthétique qui ne lui est pas familière mais qui lui convient à merveille (plus chaude que d'habitude), un film étiré en 5 tableaux + un prologue et un épilogue, qui raconte la vie d'une femme au travers des yeux de ses deux enfants. Dans cette version, le film n'évite pas certaines longueurs, c'est obligé vu la durée mais elles ne sont jamais pesantes, elles ne cassent jamais la fluidité de la narration, elles servent au contraire à installer d'avantage un climat, une ambiance, à se rapprocher des personnages, à tel point qu'en voyant cette version-là j'étais incapable de me souvenir avec certitude qu'elles étaient les deux heures (et plus) que Bergman avait coupées pour sa version ciné.

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J'étais persuadé que c'était une comédie, et une comédie nullach', et en fait le film n'est pas une comédie (il y a bien quelques traits d'humour mais pas plus que ça), et n'est pas pas nulle non plus. Huppert est assez convaincante en traductrice judiciaire qui profite de ses écoutes pour détourner une grosse cargaison de cannabis et se livrer, déguisée en femme musulmane, au trafic de drogue dans les cités. Ce n'est en rien un bon film pour autant, mais disons que ça se regarde sans souffrance, ce qui, quand on sait que le film est de Salomé, n'était pas gagné d'avance.

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Je poursuis péniblement mon intégrale Spike Lee (je suis bientôt au bout) et celui-ci est l'un des plus pénibles que j'ai vu. Pourtant ça commençait bien. L''image était moins dégueulasse que d'habitude, le ton plus posé, on y voyait un jeune ado d'Atlanta qui venait passer les vacances d'été chez son grand-père qu'il ne connaissait pas, un grand-père pasteur. Ca promettait presque une rêverie naïve à la Kitano... malheureusement il n'en est rien. Le film perd un temps fou à écouter les prêches du pasteur, à tel point qu'on se demande si Spike Lee n'a pas viré cureton. Et puis, sur la fin du film, un type arrive dans l'Eglise et accuse violemment le vieux de pédophilie sur sa propre personne. Et la plus grosse erreur du film c'est qu'il ne répond jamais à cette accusation. Le film se termine sans qu'on sache. Honteux car s'il est coupable c'est moralement hallucinant de confier le rôle principal à un personnage pareil sans le juger, et s'il est innocent, pourquoi ne pas le dire ? Bref... Ce sera vite oublié.

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Spader est un jeune golden boy friqué de 27 ans et malgré lui il tombe fou amoureux de Sarandon, jouant une serveuse de fast-food un peu alcoolo de 43 ans. Le film narre leur passion hantée par deux traumas (lui a perdu sa femme dans un accident de voiture, elle a perdu son fils). C'est cliché à mort sur le papier, mais chez moi ça marche à 400%. J'adore les mélos, j'adore ces deux acteurs qui sont vraiment magnifiques ici, et malgré quelques scènes bâclées (leur vraie rencontre dans un bar de nuit est expédiée et complètement foirée par exemple), le film est plus profond qu'il n'en a l'air par le sujet de fond qu'il traite véritablement : la gêne qu'on peut avoir à présenter à sa famille quelqu'un qui est en dehors du cercle établi par cette famille. Ici il est double puisqu'il y a en plus de la différence de classe (Spader appartient à la bourgeoisie juive, classe très codifiée), il y a la différence d'âge. Au final j'ai trouvé ça super, et je verrai bien ce film dans une belle copie bluray si un jour un éditeur français se décide à faire découvrir ce film : il y a en effet une image très 90's mais très belle qui capte bien la ville et les ambiances nocturnes.

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Un des premiers films de Petri, et l'un de ses meilleurs, à une époque où il faisait déjà du cinéma politique mais où il faisait du cinéma avant de faire de la politique. Sordi est admirable dans ce rôle de petit instituteur qui décide par pur mercantilisme de se lancer dans l'industrie de la chaussure dans une ville dont c'est la spécialité et qui ne produit quasiment que ça. Le chemin de croix de ce petit bonhomme modeste et qui reviendra in fine à son point de départ, en ayant perdu sa femme au passage est admirablement écrit et mise en scène, créant une fable moderne sur la société de consommation et l'un des grands films italiens de l'époque (ok, même s'il y en a des centaines).

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Deuxième fois que je vois ce film et c'est l'un des meilleurs thrillers américains de l'époque (il est même clairement un peu en avance sur son temps car il date de 1985 et ressemble à s'y méprendre à un thriller 90's). Kurt Russell y joue un journaliste auquel le serial killer qui sème la terreur à Miami à décider de confier ses états d'âme, celui-ci pétant un plomb quand le journaliste va devenir plus célèbre que lui. Dans sa construction dramatique, Un Eté Pourri évoque Seven, et je suis quasiment certain que Fincher connaissait ce film avant de tourner. Mais il ne vaut pas que pour ça, c'est un magnifique film d'ambiance, qui capte admirablement tant la vie d'un journal, les presses, les coups de bourre de bouclage, que la géographie locale, les everglades... Généralement, les bons thrillers de cette époque sont ceux qui réussissent à aller plus loin que leur simple intrigue, qu'ils doivent réussir aussi. Ici, c'est coup double.

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Je le connais par coeur, j'y vois à chaque fois plein de défauts, mais j'ai pourtant souvent envie de le revoir. Déjà parce que c'est un film (traumatisant) d'enfance et que je regarde en espérant retrouver ce sentiment originel, ensuite parce que c'est l'une des plus belles partitions ever de Morricone et que Verneuil lui donne la part belle et l'utilise admirablement, mais aussi parce que c'est l'une des rares tentatives (avec Sans Mobile Apparent de Labro, là aussi sublime musique de Morricone), de Giallo à la Française. Et rien que pour cela c'est louable. Ce qu'il y de plus réussi dans le film, c'est la façon dont Verneuil film Paris, comme si c'était NY, se perdant dans les hautes tours de la Défense, filmant de nuit des milliers de lumières qui illuminent une ville sombre et inquiétante. Il réussit vraiment son coup. C'est magnifique encore aujourd'hui. Un Paris froid et flippant. Son méchant est top, le célèbre Minos, et ses scènes d'actions sont toutes très belles, qu'il s'agisse de la grande poursuite dans et sur le métro ou de celle des Galeries Lafayette. En revanche, Verneuil échoue dans ses dialogues (signés Veber) tous caricaturaux, cherchant le bon mot permanent à la Audiard. C'est fatigant et cela empêche de croire à ce que l'on voit. Belmondo est aussi un problème. Oui, il habite le personnage, mais un peu trop. Il commence déjà à Belmondiser et se met en permanence en avant, alors que le personnage principal du film c'est la ville. Du coup il y a un côté très caricatural sur la façon dont l'enquête est menée (il y a un nombre d'incohérences hallucinant) mais l'ambiance du film est si prenante qu'on finit toujours par y revenir.
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5 easy pieces, Bob Rafelson, 1970

Ras-le-bol des films américains avec des héros pourris qui cachent une blessure secrète. La caméra humilie les personnages secondaires (le copain benêt, la meuf pas très fine). La seule solution pour s'en sortir est de cabotiner. Ainsi naît Jack Nicholson, roi de la grimace mais sans le rire.

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No no sleep, Tsai Ming-Liang, 2015

Ce qui intéresse Tsai Ming-Liang, c'est de soumettre son acteur Lee Kang-Sheng à des états de corps particuliers. Ici : la lenteur (déambulation à deux centimètres à l'heure dans les rues de Taïwan), la chaleur (une scène dans un sauna), la torpeur (à la fin il s'endort), la solitude et le désir (un jeune homme traîne dans le coin, s'assied à côté de lui dans un bassin, l'effleure peut-être un peu du bout de la main mais jamais ne le touche).
C'est plastiquent très réussi comme souvent (je retiens le mouvement magnifique le long du métro qui sort d'un tunnel, sillonne la ville comme en apesanteur, s'enfonce dans l'obscurité, se trouve soudain coloré par les néons..., et la sueur sur le visage de Lee Sang-Sheng au sauna, qui s'évapore aussitôt qu'elle apparaît), mais malheureusement rien ne vient jouer avec les principes esthétiques mis en place, rien ne vient faire cinéma. Quand Lee Kang-Sheng s'endort, il s'endort et c'est tout. Et quand un passant le croise alors qu'il marche à deux centimètres à l'heure dans la rue, il le contourne tout bêtement. Rien n'est inventé d'autre que l'attendu, le banal, à partir de situations pourtant extra-ordinaires.
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Fulci dans un giallo assez classique déploie une mise en scène plutôt ample et réussie, filmant superbement San Francisco, où le film est intégralement tourné. Pour une fois, le scénario d'un giallo est assez intéressant et complexe, et tient debout jusqu'à la fin du film. C'est un giallo première période, on est encore à la fin des 60's, donc le film est plutôt limité en délires visuels, et plutôt sage dans son érotisme (il y en pas mal mais la frontière du mauvais goût n'est que rarement franchie). Après, cela reste un giallo dans sa fabrication artisanale, et un peu brinquebalante, et ce côté toc, post-synchro à outrance, caméra qui tremble, est à la fois un frein à l'adhésion au film et un signe distinctif du genre auquel on finit par s'attacher. C'est donc un bon Fulci, très pop, très swinging sixties, même s'il a réalisé ensuite plusieurs chefs-d'oeuvre du genre qui lui sont supérieurs.
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C'est l'histoire du néo-nazi John Irving qui avait fait un procès à l'historienne juive Deborah Lipstadt en la sommant de prouver lors de ce procès l'existence des chambres à gaz et de la solution finale. Evidemment le film est édifiant de par son sujet, mais c'est traité à l'américaine de manière bien ronflante et soporifique. A tel point que le procès, qui est le noeud du film et sa partie principale, est plutôt raté car on ne comprend jamais la logique de la pensée qui crée le cheminement narratif.

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Je précise que je n'ai jamais eu envie de voir l'original et que je n'aurais sans doute jamais vu le remake si je n'étais pas dans une intégrale Spike Lee. Du coup, je juge ce film sans savoir comment il dialogue avec le Park Chan-Wook, et sans savoir non plus quels sont les ajouts ou retraits propres à Spike Lee. Bon en gros, c'est un cinéma que je n'aime pas du tout, voire que je conspue. Un cinéma qui pousse le spectateur dans ses moindres retranchements, qui prend un malin plaisir à le faire souffrir, jusqu'à un dénouement au sommet de l'atroce pour bien enfoncer le clou. Je ne comprends pas trop non plus ce qui justifie les motivations du grand manipulateur. Enfin, si je les comprends, tout est très clair dans le récit, mais je trouve cela tellement gros, tellement impensable que je ne peux pas croire à un déroulé pareil. Après Lee fait ça avec un certain professionnalisme et s'efface au profit de son récit, donc le film se regarde. Mais quel intérêt, franchement ?
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Enquête sur la sexualité, Pier Paolo Pasolini, 1964

Pasolini, inspiré par le cinéma-vérité, parcourt l'Italie du Nord au Sud quatre fois de suite et pose des questions sur la sexualité aux gens qui viennent à sa rencontre. On ne peut pas dire que les gens répondent. Pourtant c'est précisément leur manière de s'esquiver, leurs silences, leurs grimaces qui nous donnent à comprendre ce qu'il se passe. Que fait le langage quand rien ne peut être dit ?
A la fin, Pasolini souhaite à deux mariés dont il filme les noces, à la fois l'amour et la conscience de leur amour. Tout le film s'emploie à ouvrir cette conscience. C'est drôle, c'est très bien fait, très charmant.
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Revisionnage d'un bon polar à la papa, qui a pris un sacré coup de vieux, mais qui survit quand même notamment grâce à la présence de ses acteurs.
Robin Davis fera beaucoup mieux par la suite avec le superbe "J'ai épousé une ombre".
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L'Empereur Tomato Ketchup, Shuji Terayama, 1971 (version longue)

C'est la première fois que je vois à ce point incarnée l'idée de troupe ou de collectif au cinéma. On sent que tout le monde, les enfants y compris, a l'intelligence du film. Que chacun y va de son improvisation, de son idée, de son imaginaire. Si bien qu'Empereur Tomato Ketchup est moins une fiction qu'un documentaire sur une petite bande de fous furieux (la troupe underground de Tenjo Sajiki, à laquelle se mêlent quelques enfants), ayant eu la présence d'esprit de s'atteler à un récit moins narratif que compilatoire, où laisser libre cours à l'évident plaisir qu'ils ont à inventer des scènes ensemble. Car le film est moins l'histoire d'une dictature future que son illustration ou sa mise en pratique. Terayama part de cette phrase de Marx : "le capitalisme irait à sa ruine si son but était la jouissance et non l'accumulation de richesse", et la pousse à son extrémité, en imaginant la constitution et les lois d'un monde dirigé par des enfants avec des fausses moustaches, ayant fait du ketchup l'aliment national. C'est grâce à ce genre de cinéaste que l'on comprend que le cinéma peut être bien plus qu'un film, que le film est un résultat, le résultat de quelque chose, et que donc pour qu'il y ait film, il faut qu'il y ait quelque chose. (J'ai eu le malheur d'écouter Jean-Paul Salomé l'autre soir à la radio, qui disait cette chose épouvantable : Jean-Paul Salomé : "Si on a le comédien dans le bon costume, on peut presque partir en vacances." Mais pars en vacances et ne reviens plus !)
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Tyra
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asketoner a écrit :
ven. 15 janv. 2021 10:55
(J'ai eu le malheur d'écouter Jean-Paul Salomé l'autre soir à la radio, qui disait cette chose épouvantable : Jean-Paul Salomé : "Si on a le comédien dans le bon costume, on peut presque partir en vacances." Mais pars en vacances et ne reviens plus !)
:D
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Boxeur, Shuji Terayama, 1977

Terayama ayant été lui-même boxeur, ce n'est pas tout à fait un film de commande. Mais ce n'est pas aussi original que ses autres longs-métrages. La différence est technique (la pellicule est plus propre, il y a des champs/contrechamps, de beaux raccords bien comme il faut), mais idéologique aussi : les héros sont au centre du film, alors que dans les précédents longs-métrages de Terayama, ils ne sont que les prétextes à la découverte d'un monde foisonnant. Ici, la petite bande du restaurant où traîne le jeune boxeur qui boîte n'existe pas vraiment, pas assez (on sent que Terayama ne s'est pas autorisé à les laisser plus exister).
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sokol
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Il faut que je touche un mot pour ces 2 films :
J’ai revu (pour la énième fois !) 2 Hong Sang-soo qui sont actuellement sur Arte :

Conte de cinéma :
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Probablement le film le plus rohmerien de HSS. À la toute fin, une fois n’est pas coutume, le personnage principal (celui qui pense qu’à se suicider et qu’on voit 2 fois sur la photo ci-dessus : à gauche, en tant que le personnage du film que son ami de Fac a réalisé ET à droite, en tant que lui-même), dit par la voix off : maintenant, je peux mieux me battre contre cette idée de suicide. Je pense que à l’époque, c’était une première chez HSS donc on peut dire que c’est son premier film rohmerien.
Puis, probablement, c’est le film le plus autobiographique du cinéaste car vers 2/3 du film il y a une image, celle de son ancien ami de Fac qui a réalisé le film sur sa vie (la première partie de “Conte de cinéma”) dans son lit de mort. Cela renvoie au “Miroir” de Tarkovski (le narrateur, dans son lit de mort, vers 2/3 du film !) et c’est frappant la ressemblance des plans.

Bref, je l’ai adoré. Je le mettrais premier dans un top HSS (tout en voulant revoir tous les autres, bien sûr !!).

Et :
La femme est l’avenir de l’homme

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C’est le proto-“Conte de cinéma” (ou : ce dernier est l’anti-“La femme est l’avenir de l'homme”).

C’est un film désespéré car à la fin, son héros principal fini comme un con au bord d’une route.
C’est aussi un film sur la pipe (un film sur la fellation, voir la chaudasserie) : la pipe revient à deux reprises (je soupçonne que la fellation est un phénomène qui est arrivé tardivement en Corée du Sud, plutôt comme une mode américaine).

J’ai énormément aimé aussi mais je le mettrais dorénavant en dessous de “Compte de cinéma”

ps : @asketoner : tu avais vu juste : Conte de cinéma est une merveille de chez merveille
ps 2 : cela dit, les 2 films sont des films sur la baise, le cul (la difficulté de certains et la facilité des autres à baiser)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner
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@sokol : Conte de cinéma est quasiment mon préféré, je crois, avec Woman on the beach (qui sont deux films très différents finalement, deux tendances du cinéma de Hong Sang-Soo). Par contre, @groil_groil l'a mis dernier de son top. Ca fait plusieurs fois que je veux lui demander pourquoi et je ne le fais pas.
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sokol
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asketoner a écrit :
dim. 17 janv. 2021 15:56
Par contre, @groil_groil l'a mis dernier de son top. Ca fait plusieurs fois que je veux lui demander pourquoi et je ne le fais pas.
Bon, "il ne l'a pas vu", on va dire (car c'est comme si nous, on mettait Blow out (ou Body double) ou Manhattan tout en bas des top De Palma et Allen :D )
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cyborg
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@asketoner : je t'avoue que je n'ai aucun souvenir "musical" des films de Terayama...! Etrange vu ce que tu dis là...

En tout cas super que tu les regardes tous... ainsi que ce que tu en dis.

"Emperor" est assez incroyable oui.
"Jetez vos livres" est superbe, je me souviens très bien des deux scènes que tu décris, avec le drapeau ainsi que la fin déconstruite.
En effet "Boxer" est moins intéressant/original, sans être mauvais pour autant.
D'ailleurs le seul livre traduit en français de Terayama se nomme "Devant mes yeux le désert" (paru chez "Inculte") et porte aussi sur la boxe. J'avais eu très envie de le lire après avoir tout regardé. Sur le coup cela m'a plutôt plu mais il ne m'en reste presque rien deux ans plus tard (enfin, il a tout de même infusé une idée pour une oeuvre que j'ai réalisé depuis lors... pas rien ^^ )

Tu as presque tout vu là, non ?
J'ai aussi accès aux films dont il a été scénariste si tu veux, mais je ne les ai pas vus.
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Tamponn Destartinn
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Evidemment, le premier film de 2021 vu est un film Netflix...
Bon. On est face à un film dont le morceau de bravoure est le "plan séquence de 20 minutes bourré de tension" sur lequel il s'ouvre (ou presque, t'as 5 minutes d'intro avant).
Si l'exercice est en effet très bien exécuté, la vraie question qui se pose en premier est : est-ce que le film reste intéressant une fois ce passage passé ?
Pour moi, la réponse est non. "L'après" semble beaucoup moins exciter le réalisateur. Les personnages s'éloignent de nous, tout comme l'intérêt qu'on porte pour eux.
C'est toute la différence avec un film comme Madre, au même début en long plan séquence tendu, mais qui en révèle finalement bien plus sous le capot une fois l'exercice de style terminé.
Tant pis.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 18 janv. 2021 15:33
Pieces of a Woman – Kornel Mundruczo
J'avais beaucoup aimé son tout premier film ("Pleasant days") ! Pas mal aussi "Johanna" et "Delta" (ce dernier, je crois que c'est prétentieux quand même). J'étais perplexe devant "White Dog" (mais je crois que je vais l'aimer si je le revois) et j'avais boudé "La lune de Jupiter".

J’aimerais bien voir celui dont tu parles.
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Tyra
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Pieces of a Woman – Kornel Mundruczo
Je vais en dire quelques mots moi aussi du coup... :D
Le plan-séquence de l'accouchement relève d'un certain cinéma actuel très en vogue, celui de la "simulation", où l'expérience cinématographique se résume à "l'accouchement comme si vous y étiez", ou "la guerre comme si vous y étiez" (dans 1917 de Sam Mendes), ou "la shoah comme si vous y étiez" (chez un autre Hongrois). Le plus amusant c'est que le grand représentant actuel du cinéma de simulation, Alfonso Cuaron, a déjà fait DEUX plans séquences d'accouchement dans ses films (Les fils de l'homme, Roma). On mesure alors le peu d'originalité de cette longue scène tant vantée, qui a juste le mérite d'être un peu moins esthétisante, plus proche de ses acteurs, que chez Cuaron.
Mais globalement il s'agit pour moi d'une fausse idée de ce que doit être le cinéma. Le cinéma ne peut rien contre le réel, un accouchement réellement vécu sera toujours plus fort que sa simulation "plus vraie que nature". Biffer les artifices et coutures du cinéma (cadre, montage) provoque rarement quelque chose d'intéressant. Bref.
La suite n'est pas plus réussie, tant les personnages, tous antipathiques, n'existent qu'à travers leur douleur, et les différentes manière de la gérer. La relation de l'héroïne avec sa terrible mère s'apparente à du sous-Bergman, et plus navrant encore, le symbolisme balourd du film (pomme et pont) achève de le rendre insupportable.
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cyborg a écrit :
lun. 18 janv. 2021 12:54
je t'avoue que je n'ai aucun souvenir "musical" des films de Terayama...!
C'est drôle parce que c'est très très présent. Tiens, peut-être que ça te dira quelque chose : https://www.youtube.com/watch?v=w82xZdvVGOE

En tout cas super que tu les regardes tous... ainsi que ce que tu en dis.

D'ailleurs le seul livre traduit en français de Terayama se nomme "Devant mes yeux le désert" (paru chez "Inculte") et porte aussi sur la boxe. J'avais eu très envie de le lire après avoir tout regardé. Sur le coup cela m'a plutôt plu mais il ne m'en reste presque rien deux ans plus tard (enfin, il a tout de même infusé une idée pour une oeuvre que j'ai réalisé depuis lors... pas rien ^^ )
J'ai adoré son roman ! Mais vraiment adoré. C'est la première fois que je sens à ce point ce que pouvait être le quartier de Shinjuku à Tokyo dans les années 60/70, dont on parle beaucoup, mais qui est aussi lointain et quasi-virtuel que le Quartier Latin ou St-Germain dans les années 50.

Tu as presque tout vu là, non ?
J'ai aussi accès aux films dont il a été scénariste si tu veux, mais je ne les ai pas vus.
Il me reste les fruits de la passion et la grande arche (qui ne me font pas envie du tout), et pas mal de courts après 75.
J'ai aussi parcouru l'internet japonais pour tenter de voir à quoi pouvait ressembler son théâtre, et je suis tombé sur de très belles affiches et des photos de la troupe en tournée en Europe.
Par contre je ne verrai pas les films pour lesquels il a écrit le scénario, mais merci quand même !
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sokol a écrit :
dim. 17 janv. 2021 17:48
asketoner a écrit :
dim. 17 janv. 2021 15:56
Par contre, @groil_groil l'a mis dernier de son top. Ca fait plusieurs fois que je veux lui demander pourquoi et je ne le fais pas.
Bon, "il ne l'a pas vu", on va dire (car c'est comme si nous, on mettait Blow out (ou Body double) ou Manhattan tout en bas des top De Palma et Allen :D )
Ecoutez les amis, je ne sais plus trop aujourd'hui, ça fait longtemps et tous ses films se ressemblent.
Bon, déjà, tout est classé dans un mouchoir de poche, donc il n'y a pas de différence fondamentale entre le 1er et le dernier chez lui, mais j'ai le souvenir que j'avais trouvé le processus du film vraiment pénible, calculé et petit bras. Je le reverrai puisque vous l'aimez tant, c'est promis.
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groil_groil a écrit :
mar. 19 janv. 2021 09:26
Ecoutez les amis, je ne sais plus trop aujourd'hui, ça fait longtemps et tous ses films se ressemblent.
Bon, déjà, tout est classé dans un mouchoir de poche, donc il n'y a pas de différence fondamentale entre le 1er et le dernier chez lui, mais j'ai le souvenir que j'avais trouvé le processus du film vraiment pénible, calculé et petit bras. Je le reverrai puisque vous l'aimez tant, c'est promis.
Oui. J'étais surpris moi-même par les deux films (pourtant, je les avaient vu, mais il y a un moment, deux (voir plus) fois chacun.
Et je suis entièrement d'accord : les top des cinéastes servent pour avoir, avant tout, une liste des films qu'on a vu de x ou y réalisateur.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Déjà la 4ème fois. Pour un film sorti en 2016 ça fait une fois par an. Et nouvelle vision qui confirme son statut de classique contemporain.

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De cet immense cinéaste on ne connait que ses trois tubes, les deux Frankenstein et l'Homme Invisible. Merci à Carlotta d'avoir édité ce film connu en France sous des noms différents mais dont celui qui va devenir pérenne est La Maison de la Mort. Sur un canevas relativement simple et totalement éculé par le cinéma d'horreur (un trio égaré sous la tempête trouve refuge dans une grande maison qui se trouve non pas hanté mais peuplée de gens malsains/dangereux), Whale parvient néanmoins à livrer un chef-d'oeuvre, grâce à une mise en scène incroyable et d'une grande modernité et une photographie hallucinante de beauté, très inspirée par l'Expressionnisme, qui joue à fond des contrastes de noirs et de blancs, accentuant les ombres jusqu'à la déformation des corps, et magnifiée par cette sublime restauration bluray. Et puis, il y a un truc qui dit tout de suite si un tel film est réussi : lors d'une scène d'intérieur, est-ce qu'en tant que spectateur je me sens dans un studio de cinéma ou dans une maison hantée ou malfamée ? Ici c'est, en permanence, la seconde option, ce qui dit avec évidence la réussite de ce grand film.

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Un des tout derniers Spike Lee (2015), tellement confidentiel qu'il n'est pas sorti en France, mais pourtant un de ceux que j'ai préféré, et pourtant le film est bancal. Il s'agit d'un film de vampires légèrement érotique, et je n'ai appris qu'au générique qu'il s'agit d'un remake d'un film de vampires blaxploitation (GANJA & HESS de Bill Gun (1973) ), film inconnu mais qui doit sortir cette année chez Capricci en bluray. Le film est bancal, voire raté, sur plein de trucs, scénarios, situations, crédibilité, mais ça marche quand même parce que Lee croit en ce qu'il fait. J'irais même jusqu'à dire que c'est de son côté bancal qu'il tire ses qualités, sa personnalité, un peu à l'instar d'un Lèvres Rouges d'Harry Kümel. Il y a des scènes fortes et un climat étrange mais marquant. En plus, le film se finit exactement comme un Jean Rollin, donc c'est une preuve ! Très content de l'avoir vu.

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Non, ce Spike Lee n'est pas un biopic d'un ancien Président français, mais un film de gangsters se déroulant à Chicago, Chi-raq étant le pseudo que les rappeurs locaux donnent à la ville. L'histoire est marrante, même si on en a vite fait le tour : deux bandes rivales s'affrontent continuellement, laissant des cadavres par dizaines, y compris ceux d'enfants. Les femmes et compagnes des membres des deux bandes s'unissent pour faire stopper ce massacre : leur règle est simple : elles interdisent tout rapport sexuel à leurs mecs tant qu'ils ne mettent pas fin aux affrontements, espérant ainsi soigner le problème à sa source. Un souci technique m'a empêché de voir la fin, je le reverrai à l'occase, mais le truc est compris d'entrée de jeu, c'est du Spike Lee en roue libre, sans grande surprise.

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Le dernier film en date de Spike Lee est la captation d'un concert de la dernière tournée de David Byrne, anciennement leader de Talking Heads. Les amis ayant eu la chance de le voir sur cette tournée m'en avaient parlé les larmes dans les yeux, comme l'un des plus beaux concerts vus dans leur vie. Je confirme. C'est absolument magnifique, extraordinaire. D'une beauté à couper le souffle. Byrne et sa dizaine de musiciens jouent sans aucun fil, tout est connecté numériquement, et sont donc totalement libres de leurs mouvements, y compris les nombreux percussionnistes, et se livrent tous à un ballet chorégraphié au millimètre, et réalisé avec un professionnalisme rare, tout en jouant des morceaux marquants de la carrière de Byrne, y compris de nombreux tubes de la période Talking Heads. Le concert est merveilleux, entrecoupé d'allocutions plutôt longue de Byrne, toutes pleines d'humanisme et de bon sens, et de son humour à froid post-dada qu'il a toujours pratiqué. Rien que ça, je serais déjà aux anges. Mais il y a plus. Spike Lee réalise ici l'un de ses plus beaux films, et tout simplement l'un des plus beaux concerts filmés qu'il m'ait été donné de voir. C'est simple, c'est peut-être le plus beau concert filmé depuis... celui de Talking Heads par Jonathan Demme en 1984 pour le film Stop Making Sense. C'est tout simplement aussi bien ! Lee ne se met pas en avant, comprend la musique et la chorégraphie, filme magnifiquement chaque chanson en se renouvelant, mais en n'essayant jamais de combler l'absence de narration par des effets de caméra moches, non, il est sobre, à la bonne distance, c'est simple, j'avais l'impression d'être dans la salle, voire sur la scène. Son image est magnifique d'un point de vue photo qui plus est. Bref, ce film est un émerveillement total. A la fin du concert, nous suivons les musiciens en coulisses, nous les voyons se féliciter les uns les autres, puis Byrne prend son vélo et rentre chez lui en pédalant...
Et le générique final est lui aussi merveilleux, puisqu'il s'agit d'une balade à vélo de tous les musiciens du groupe accompagnant Byrne.
Je termine donc en beauté mon intégrale Spike Lee.

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Revu en bluray ce chef-d'oeuvre de comédie 60's qui plus le temps passe plus elle devient mon film préféré ou pas loin du cinéaste. Ce film est un émerveillement de chaque instant, une des plus belles incarnation visuelle de comment on peut idéaliser ce qu'on entend par "60's". J'en ai les yeux qui pétillent rien que d'y repenser.

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Après l'intégrale Spike Lee, je me lance immédiatement dans une intégrale Yannick Bellon, cinéaste que j'avais très envie de découvrir. Ceci est son premier film est sans doute l'un de ses plus connus, et c'est un très beau film. Paris, début 70's, la cinéaste filme la ville de façon quasi documentaire, s'arrêtant sur des visages, déambulant dans des rues, des quartiers, visitant des chambres, des appartements, et quand même, sur des personnages. Un couple, en union libre, elle est architecte, indépendante, lui essaye d'écrire, mais surtout il est alcoolique. Elle essaie de le sortir de ça, sans y parvenir. On suit aussi un jeune homme, dans une ambiance post-68arde, qui cherche un sens à donner à sa vie. Bellon était à l'Idhec dans la même promo qu'Alain Resnais, et ça se sent parfois, sans y ressembler non plus. Elle est morte en 2019, à l'âge de 95 ans.
Modifié en dernier par groil_groil le mar. 19 janv. 2021 11:42, modifié 1 fois.
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@groil_groil :jap: :love2:
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Trois femmes, Robert Altman, 1975

Tout est réuni pour que j'aime ce film, c'est typiquement le genre d'histoire qui me plaît et tout y est très soigné, jusque dans les détails (il y a d'ailleurs des choses très fortes, la robe qui se coince dans la portière de la voiture, les parents de Pinky, les employées qui vont par deux à la sortie du travail...), et pourtant je m'y ennuie, parce que le style d'Altman ne me touche pas du tout. Ca tient notamment au regard qu'il porte sur ses personnages : il me semble qu'il ne les accompagne pas vraiment au bout de leur détresse, et qu'à un moment du film (l'accouchement), il les lâche, multipliant les effets visuels en oubliant son récit (d'ailleurs il y a une grosse ellipse sortie du chapeau du scénariste à la toute fin, qui ne me raconte pas grand chose, sinon une énième métamorphose de la situation (et pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre ?)). Mais c'est sensible aussi avant : je vois qu'Altman est dur avec ses personnages, et cette dureté lui permet d'atteindre un certain point de malaise plutôt rare au cinéma, mais je sens plus de gratuité que de désir de dire quelque chose de la solitude et du désespoir qu'il dépeint.
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asketoner a écrit :
mar. 19 janv. 2021 11:31

Trois femmes, Robert Altman, 1975

Tout est réuni pour que j'aime ce film, c'est typiquement le genre d'histoire qui me plaît et tout y est très soigné, jusque dans les détails (il y a d'ailleurs des choses très fortes, la robe qui se coince dans la portière de la voiture, les parents de Pinky, les employées qui vont par deux à la sortie du travail...), et pourtant je m'y ennuie, parce que le style d'Altman ne me touche pas du tout. Ca tient notamment au regard qu'il porte sur ses personnages : il me semble qu'il ne les accompagne pas vraiment au bout de leur détresse, et qu'à un moment du film (l'accouchement), il les lâche, multipliant les effets visuels en oubliant son récit (d'ailleurs il y a une grosse ellipse sortie du chapeau du scénariste à la toute fin, qui ne me raconte pas grand chose, sinon une énième métamorphose de la situation (et pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre ?)). Mais c'est sensible aussi avant : je vois qu'Altman est dur avec ses personnages, et cette dureté lui permet d'atteindre un certain point de malaise plutôt rare au cinéma, mais je sens plus de gratuité que de désir de dire quelque chose de la solitude et du désespoir qu'il dépeint.
Je ne l'avais pas aimé non plus, c'est pourtant sur grand écran que je l'avais découvert (il y a une dizaine d'années je crois).
Je suis de même avis, de a à z.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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moi j'adore 3 Femmes, vraiment, je l'ai découvert récemment et j'ai déjà très envie de le revoir. Je n'aime pourtant pas Altman en dehors de ce film et du Privé, ses deux chefs-d'oeuvre, assez différents du reste de l'oeuvre, je trouve. Perso je ne m'y suis pas ennuyé une seconde (alors que je comprends tout à fait qu'on puisse) car j'ai été captivé par sa mise en scène de bout en bout, ainsi que par la beauté plastique du film. C'est pour moi un des films qui a le mieux capté la lumière de la Californie (alors que je n'y ai jamais mis les pieds, hein, mais disons que c'est ainsi que je l'imagine). On aurait pu se passer de la scène de l'accouchement, mais en même temps il est filmé de suffisamment loin pour que ça passe. Et puis j'aime que le film ne réponde pas à plein de questions. C'est vraiment pour moi l'une des principales matrices de Mulholland Drive.
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Malgré ses nombreux défauts et sa bourgeoisie flagrante, j'aime le cinéma de Nicole Garcia, il y a quelque chose dans sa mise en scène, de l'ordre du pulsionnel, qui fait vibrer des choses qui deviendraient abjecte si elles étaient filmées, par exemple, par Anne Fontaine. Mais je dois tout de même préciser que ça fait des années que Garcia n'a pas pleinement réussi un film et qu'elle court de semi-échecs en semi-réussites. Son nouveau film qui est prêt à sortir dès que les salles pourront ouvrir à l'air très bien, attendons de le voir. Et je rattrapais donc son dernier film sorti, en 2016, nommé Mal de Pierres. C'est comme d'hab, des choses bien, d'autres beaucoup moins. Le film s'ouvre sur un postulat incroyablement misogyne à tel point que c'en est gênant : une femme à ses "chaleurs" (j'utilise ce mot atroce car c'est vraiment comme cela que la cinéaste nous la dépeint) en permanence et ne peut pas résister au fait de se foutre à poil devant des ouvriers inconnus ou de harceler un professeur marié dans un banquet en présence de sa femme enceinte. C'en est gênant tant Garcia la filme comme un animal. Je ne rentre pas dans les détails du scénario, mais outre ses incohérences sur la trajectoire du personnage, le film repose intégralement sur un énorme twist qu'on apprend à la toute fin et qui ne tient pas debout deux secondes si l'on s'amuse à remonter le fil du film en ayant connaissance de cet élément. Fieschi et Garcia sont pourtant des scénaristes aguerris, je ne comprend pas qu'ils puissent laisser passer (et leurs producteurs encore moins) des choses pareilles. Mais le film a aussi des qualités, son ambiance, une mise en scène fluide et sèche à la fois, qui va à l'essentiel sans oublier l'ornementation là où il faut, et ses acteurs en sont indéniablement un point fort, à commencer par Cotillard qui devient une bonne actrice en vieillissant, après le Dardenne, c'est la seconde fois que je la trouve vraiment convaincante.
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Madame de..., Max Ophüls, 1953

J'aurais aimé que le film s'arrête au moment où le Général offre de nouveau à la Comtesse le collier que le Baron vient de lui offrir. C'aurait été beaucoup plus fort, plus cruel et complexe. Au lieu de quoi le film se finit par une humiliation et un duel un peu convenus. Mais il y a des scènes merveilleuses : la recherche des boucles d'oreilles à l'opéra, la valse interminable avec le baron, le voyage ininterrompu... Ophüls a le sens du tourbillon, de la spirale, de l'infini.
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asketoner a écrit :
mer. 16 déc. 2020 15:10
Tyra a écrit :
mer. 16 déc. 2020 14:41
Mais pourquoi réactionnaire du coup ?
Réactionnaire dans la mise en scène.

En gros, faire un film sur la dysphorie de genre en nous montrant à quel point cette petite fille née dans un corps de garçon est attiré par le rose, les poupées, et les cours de danse classique, c'est vraiment n'avoir rien à dire sur la question du genre. (Tomboy était autrement plus pertinent, même si je n'en suis pas ultra-fan.) (Et bien sûr nous préciser que la prof de danse transphobe est russe, ça coûte pas cher en clichés.)
Mais ce n'est pas seulement le problème du sujet principal, car tout est à l'avenant. Par exemple, à un moment, les personnages partent en vacances à la mer. Et là, Lifshitz fait des plans où l'on voit qu'il n'a rien à dire sur la mer. Rien du tout ! L'horizon est au milieu, le sable en bas, le ciel en haut. C'est inouï, je ne sais même pas comment il ose. Après, la famille est sur le canapé, le plan dure 2 minutes parce que c'est produit par Arte : franchement je regrette que ça n'ait pas été produit par M6 parce qu'au moins le plan avec les regards vides sur le canapé aurait duré 1 seconde. (Et ça aurait raconté la même chose !)
Réactionnaire aussi dans la place laissée à l'enfant : elle ne parle jamais. C'est la mère qui parle à sa place, et qui semble se servir du documentaire pour défendre sa cause, qui doit être aussi celle du cinéaste (la mère le dit elle-même : elle s'est trouvée une mission ; Lifshitz, lui, a trouvé une émission). Mais en fait on transforme une petite fille en cause un peu niaise, pour faire chialer dans les chaumières. Et finalement, la question de la normalité, qui serait le point de vue politique de Lifshitz (montrer une petite fille trans normale), n'est jamais posée, si bien qu'on se retrouve face à cette énorme confusion entre normalité et norme. D'où : réactionnaire.


@groil_groil , @cyborg : franchement, vous pouvez vous en passer :D

MERCI !
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