Le Centre de Visionnage : Films et débats

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asketoner
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Card Counter, Paul Schrader

Ca démarre par une fausse promesse, celle d'un film sur l'ennui, la répétition et la jouissance, mais très vite le scénario débarque, la petite histoire d'amour, la filiation sortie du chapeau et la méchante vengeance que sous-tend une pénible question de rédemption. Je me serais contenté de ce que Schrader sait faire le mieux : penser les lieux avec le corps de ses acteurs. Au bout de 30 minutes, le cinéaste abandonne la partie en noyant son film sous une soupe musicale consternante. Il y a bien quelques éclats (les cadres chez Schrader sont prodigieux), mais on croirait assister à une resucée aléatoire d'un Scorsese sorti du tiroir, totalement arbitraire, cynique, dégradant.
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Tamponn Destartinn
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Wallah comment je ne suis pas d'accord avec asketoner !
C'est un film très simple, que j'ai adoré pour ça. Déjà, il y a un trio de personnages que je trouve incroyable. Ils sont iconisés en deux secondes, à l'aide de l'écriture mais surtout de part le choix de leurs interprètes et un souci du détail très marqués sur leurs costumes, leur façon de se tenir... Rien n'est laissé au hasard et il me suffit de voir dans le même cadre Oscar Isaac, avec son balai dans le cul, et Tye Sheridan, vouté ou avachi, pour être heureux. A partir de là, j'étais à fond sur tout ce que ça raconte. Le scénario est peut être programmatique, mais je m'en fous, j'ai cru à tout jusqu'au bout. Je connais encore mal Paul Schrader en metteur en scène, n'ayant vu que son First Reformed jusqu'alors (déjà très bien, mais je préfère plus celui là). Il faut que je rattrape.

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Avant cela, j'ai aussi revu les 3 premiers Matrix. J'ai d'ailleurs bien fait, ce 4e volet n'étant adressé qu'aux Néophytes (lol).
Leur intérêt et leur limite est cette ambiguité : sont-ce des films brillants qui exploitent les codes du blockbuster pour mieux faire avaler la pilule de leur propos ? Ou sont-ce des blockbusters laids qui pètent plus haut que leur cul, se la racontant pour paraitre plus intelligent que leurs petits copains moins hypocrites ?
"Intérêt", parce que personnellement, je suis très partagé sur cette question et que ça m'amène mine de rien à réfléchir sur mes conceptions du Cinéma. Il y a plein de choses que je devrais détester et qui d'une certaine manière me plaisent.
"Limite" parce que y a quand même des évidences en terme de gout personnel, du genre : oui, je trouve ça régulièrement laid et notamment les scènes de bagarre qui m'emmerdent au plus haut point quand ça dure. D'ailleurs, à ma surprise, je préfère l'épisode 3, dont la grosse bagarre est dans le monde réel, donc sans musique dégueu et ralentis à la con, et surtout me parait justifiée dans ce qu'elle veut raconter (cette guerre est ingagnable). Là où dans l'épisode 2, Néo qui se bat contre les hommes de Lambert Wilson + l'autoroute, je n'en pouvais plus d'ennui.

Bref, cet épisode 4 est bien un Matrix comme un autre, car nouvelle ambiguité : est-ce un film intelligemment méta qui interroge le spectateur sur son rapport aux blockbusters ? Ou bien est-ce un film qui passe une heure à s'excuser d'avance pour l'heure et demie suivante, racontant une histoire qui n'avait pas besoin d'être racontée, juste parce que "faut bien" ?
Pour continuer dans le méta, je ne trouve pas facile de répondre de manière binaire, c'est pas que foncièrement l'un ou foncièrement l'autre.
Disons que ce qui permet de donner du crédit à la première solution est que c'est quand même plus fin et recherché que dans d'autres blockbusters récents qui ont voulu faire la même chose, notamment Jurassic World. Et y a des trucs qui fonctionnent, comme l'histoire d'amour entre Néo et Trinity. Je ne l'ai pas dit avant, mais ça concerne aussi et même surtout les 2 et 3 : ado, j'étais très cynique sur ce rapport à l'amour plus fort que tout, mais maintenant ça me parle bien plus.
Mais bon, ce qui me fait pencher aussi sur la 2nde solution, c'est que la traduction du "sous"-texte donne la sensation d'une prétention infinie. En gros : "Matrix aurait dû être la clé pour changer la face du blockbuster mais à l'inverse vous préférez bouffer de la merde, bande de moutons". Moi, je veux bien, mais j'ai un doute sur la première partie de l'affirmation. Aussi, je devrais être content parce que clairement tout le monde a l'air de penser qu'ils sont trop vieux pour ces conneries de bagarre au ralenti, mais : dans ce cas, fallait juste ne pas en mettre du tout, parce que la pauvreté de mise en scène dans les moments où y en a, c'est flagrant. Et de fait, le film a le cul entre deux chaises, je trouve. Plus que les précédents, qui étaient plus absolus dans leur direction, même si ça impliquait parfois le mauvais gout.
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yhi
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Bon texte sur Matrix.

Mais j'ai l'impression que justement le film essaye pas de créer un mur entre "mon film" et "la merde des autres".
Dans les premiers films (ou le premier en tout cas, que j'ai revu) il y avait un vrai rejet de la matrice vs. la vérité du monde réel.
Dans ce nouvel episode la conclusion est bien plus ambiguë. La matrice est plutôt un lieu à réinventer.
De toute façon les Wacho évoluent tout de même dans le système des studios donc ils sont bien obligés de faire la part des choses. Et comme tu le dis les "passages obligés" de film d'action sont bien présents mais ratés, et en même temps je vois pas non plus Lana Wachowski pondre demain un truc auteuriste complètement déconnecté de ces codes là puisque ça reste leur fond de commerce principal. Peut être qu'il y a juste un certain rejet du public du fait que eux essayent de proposer des choses un peu différentes tout en restant dans les codes du blockbuster mais se ramassent bide sur bide quand même.

Enfin la avec Spiderman en face c'est bien parti pour continuer 😁.
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yhi
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cyborg a écrit :
jeu. 30 déc. 2021 11:03
le projet vit toujours sur laloupe.org pour ceux qui ne seraient pas au courant.
Ha oui, je n'étais pas au courant, je pensais que c'était un truc qui était passé par Facebook (que je n'ai pas) et j'avais laissé tombé. Là je me suis inscrit.
Mais je sais pas si j'en tirerai grand chose. J'ai une espèce de méthodologie de visionnage monomaniaque qui me fournit déjà tout un paquet de films à voir sans avoir le temps d'en voir beaucoup plus (bien que la raréfaction des sorties salles lors des confinement ait un peu aidé à contrer ça). Je t'avais demandé des Mani Kaul il y a quelques mois, et j'ai juste pris le temps d'en regarder un seul :blase: .
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asketoner
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 30 déc. 2021 18:24
j'ai cru à tout jusqu'au bout
C'est drôle parce que précisément mon problème est là : je ne crois à rien, ni à la vengeance ni à la rédemption, ni au fait que le type le plus solitaire du monde décide soudain de partager sa vie avec un gamin totalement atone. Je vois ce que tu veux dire quant aux postures, et là je suis d'accord : Schrader a vraiment le génie du corps, d'inscrire un corps dans un cadre, et il raconte des histoires de cette façon. (Dommage qu'il y en ait tellement d'autres autour.)
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
jeu. 30 déc. 2021 23:43
Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 30 déc. 2021 18:24
j'ai cru à tout jusqu'au bout
C'est drôle parce que précisément mon problème est là : je ne crois à rien, ni à la vengeance ni à la rédemption, ni au fait que le type le plus solitaire du monde décide soudain de partager sa vie avec un gamin totalement atone. Je vois ce que tu veux dire quant aux postures, et là je suis d'accord : Schrader a vraiment le génie du corps, d'inscrire un corps dans un cadre, et il raconte des histoires de cette façon. (Dommage qu'il y en ait tellement d'autres autour.)

En vérité, quand je suis allé sur le forum, je ne pensais pas écrire sur le film de suite, mais ta critique m'a donné envie d'écrire la mienne en réaction.
Ainsi, ce n'est pas innocent si j'ai orienté mon discours là dessus : j'avais compris que c'était là ton problème et donc notre différence.
J'ajoute d'ailleurs que je n'ai pas été totalement honnête quand j'ai écrit que j'aimais aussi son précédent film First Reformed. Car justement, s'il avait pour lui d'être peut-être un peu plus fou, j'avais eu pour problème de ne pas y croire jusqu'au bout. Cette fois, ça l'a fait, et j'en suis extrêmement heureux.
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Tamponn Destartinn
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yhi a écrit :
jeu. 30 déc. 2021 20:43
Bon texte sur Matrix.

Mais j'ai l'impression que justement le film essaye pas de créer un mur entre "mon film" et "la merde des autres".
Dans les premiers films (ou le premier en tout cas, que j'ai revu) il y avait un vrai rejet de la matrice vs. la vérité du monde réel.
Dans ce nouvel episode la conclusion est bien plus ambiguë. La matrice est plutôt un lieu à réinventer.
De toute façon les Wacho évoluent tout de même dans le système des studios donc ils sont bien obligés de faire la part des choses. Et comme tu le dis les "passages obligés" de film d'action sont bien présents mais ratés, et en même temps je vois pas non plus Lana Wachowski pondre demain un truc auteuriste complètement déconnecté de ces codes là puisque ça reste leur fond de commerce principal. Peut être qu'il y a juste un certain rejet du public du fait que eux essayent de proposer des choses un peu différentes tout en restant dans les codes du blockbuster mais se ramassent bide sur bide quand même.

Enfin la avec Spiderman en face c'est bien parti pour continuer 😁.

Oui, Lana Wachowski traverse clairement une impasse, probablement depuis un moment, et si elle a l'honnêteté de l'énoncer avec ce Matrix 4, toute la question est de savoir si ça résout quoique ce soit au problème. Pas sûr...

D'ailleurs, autre élément intéressant sur ce film, c'est justement qu'il n'est réalisé que par Lana Wachowski. Sa soeur a renoncé. Ca peut s'expliquer par bien des façons, donc je ne sais pas quelle conclusion en tirer, mais ça me semble très important de l'avoir en tête.
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yhi
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Le texte de Yal Sadat sur Matrix dans le nouveau numéro des Cahiers est assez remarquable.
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asketoner
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Supermarkt, Roland Klick, 1973

Un film très courageux, qui décrit de façon assez stricte la misère qui règne en RFA, et sa spécificité. Tout est prostitution dans le monde capitaliste, et l'être humain occidental en vérité n'a d'autre choix que de se vendre. Le héros est très représentatif de ce non-dilemme : qu'il choisisse la socio-démocratie (incarnée par le journaliste de gauche) ou la petite mafia et les sales coups, tous ses rêves finiront au supermarché.
Une scène splendide : la prostituée appelle le héros pour lui donner rendez-vous après son braquage. Contrechamp : dans le cadre de la porte se tient le policier qui note l'heure et l'adresse avant de partir et de laisser place à l'amie de la prostituée, qui lui montre ses jambes nues.
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Tyra
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C'est un film qui, en plus d'être extrêmement long et poussif, manque totalement sa satire tant il me semble passer à coté de son époque. Cette parabole sur le réchauffement climatique nous montre un monde qui regarde ailleurs plutôt que d 'affronter une catastrophe imminente, trop contente de se complaire dans une légèreté réconfortante (les problèmes de couple de vedettes du rap passent médiatiquement avant la catastrophe). Or notre époque est tout sauf légère, et ce n'est pas l'insouciance qui est le péril de notre temps. C'est là que le film passe à coté : l'existence d'un réchauffement climatique ne fait presque plus débat, le phénomène est de toutes les conversations (on en abuse, ressortant le sujet au moindre changement brusque de météo un peu inhabituel). Nous vivons plutôt dans un monde où l'annonce de la catastrophe, son récit, devient une réalité autonome, tellement terrifiante qu'on en oublie l'action et le concret, le réel. C'était peut être le sujet que le film devait traiter. Au lieu de ça il rajoute une couche à ce récit anxiogène qui recouvre notre époque d'une narration ivre d'elle même, sans apporter les solutions. Comme si l'acceptation du terrible constat était l'enjeu qu'il suffirait d'atteindre pour se sauver.
Cerise sur ce gâteau indigeste : une bonne conscience horripilante qui embarque avec lui le spectateur, le réconfortant d'être plus intelligent que tous ces pantins qui ne comprennent rien à rien, contrairement à lui qui ricane dans son salon (car le film n'est pas sorti en salle) sans avoir été lui aussi remis en question.
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groil_groil
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Bonne année les amis !

très peu de choses vues, et surtout des choses revues, pendant ces vacances trop cool :love2:

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Mon gamin avait été impressionné par le 1er, mais il m'a vite réclamé le second ! Gros plaisir de le voir découvrir cela une nouvelle fois, en attendant le 3ème que j'aime beaucoup.

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Celui-ci avait une double saveur. Déjà parce que je voyais avec mes deux enfants, qui ont adoré tout les deux. A raison, car c'est un très bon film.
Mais aussi car ce film est sorti précisément le jour de mes 6 ans, et que je l'avais vu au cinéma à sa sortie et que je m'en souviens parfaitement. J'avais même fait l'album Panini du film, mon premier album Panini d'ailleurs, et en revoyant le film, je me souvenais par coeur de chacune des vignettes, tellement je l'ai lu et relu.
Bref, c'était un grand moment d'émotion, décuplé par les yeux brillants de mes enfants.

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C'est toujours marrant, mais c'est surtout aux acteurs, excellents, qu'on doit ça. Le reste a pris un sacré coup dans le nez. Le scénar déjà, mais surtout la mise en scène, qui semble d'un autre temps.

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Vu avec mon gamin pour les fêtes, il a suradoré, surtout les pièges, mais je l'ai personnellement hautement réévalué. C'est un excellent film, et un excellent film de Noël, c'est du grand John Hugues (scénariste et producteur), mise en scène parfaite de Colombus, et musique superbe de Williams. Le divertissement rêvé du Hollywood 80's. Et j'adore l'oncle Frank :D

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Et la joie est complète lorsqu'on constate que le second volet est lui aussi une franche réussite, du même niveau que la première. J'adore le fait que le film débute exactement comme le premier, avec les mêmes plans, et puis peu à peu le décalage se fait et le film trouve sa personnalité, version décuplée du 1er, puisqu'on passe d'une maison comme aire de jeu à la ville de New York. Seul petit regret, hormis le fait que Macaulay Culkin commence à savoir qu'il est devenu une star et que ça se sent un peu, c'est que la séquence "pièges" finale, très réussie aussi, se déroule dans l'appartement en travaux de l'oncle, et pas dans la magasin de jouet ou le grand hôtel, deux autres lieux mythiques du film qui auraient été des terrains de jeux autrement plus ambitieux pour cela.

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Un petit polar américain de 1985, dont le titre français semble être "Que Justice soit faite", passé complètement sous les radars à l'époque, et on comprend pourquoi aujourd'hui; bien que ce soit très agréable, c'est complètement anecdotique.

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Du polar français mid-80's comme c'était la norme et comme on n'en fait plus depuis, tout en continuant de se demander comment il était possible qu'on fasse un truc comme ça. ça joue faux tout le temps, ça te sors une bimbo venue de nulle part (si quelqu'un à des infos sur cette Ambre, je suis preneur, genre maitresse de producteur ?) qui est plus souvent à poil qu'habillée dans le film (j'ai compté) et qui disparaitra des radars tout de suite après le film, c'est co-écrit par Christian Clavier (ah, tiens c'était peut-être sa maitresse à lui), le scénario ne tient pas debout deux secondes, la mise en scène est complètement décousue, c'est Otis Redding qui signe la musique, bref, ça ne tient pas debout, et c'est justement ce côté bancal en permanence (un peu à la Rue Barbare mais en moins appuyé) qui en fait son charme et qui sauve le film du nanar, le transformant en un objet bizarre, symptôme de son époque parce qu'il en synthétise tous ses défauts, mais aussi parce qu'il nous replonge dedans avec une nostalgie certaine.
Quoiqu'il en soit c'est toujours beaucoup mieux que La Môme.
I like your hair.
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Tamponn Destartinn
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Un thriller paranoiaque français, ça rend forcément curieux.
Le fait est que le scénario est excellent, à tel point que ça m'a rendu très gourmand sur le reste, pas à sa hauteur. Autrement dit, ce scénario mis en scène par un maitre du genre, comme DePalma, Polanski ou équivalent, ça aurait pu donner un putain de film ! A la place, j'ai vu de très bonnes intentions, filmées sans grand génie. Il n'y a rien d'honteux non plus, tu sens une volonté de bien faire, surtout dans le dernier tiers. Mais ce n'est jamais aussi prenant que ça ne devrait l'être. Très chaud pour un remake ricain, si jamais ça atterri entre les bonnes mains.
(dernier point : je critique aussi le metteur en scène pour sa direction d'acteur. Niney ça va, mais sinon, ça ne joue pas très bien. Surtout Lou de Laâge. Elle est mauvaise actrice tout court, ou c'est juste ce film ?)
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JanosValuska
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:hello:

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The Matrix resurrections - Lana Wachowski

On sent que Lana Wachowski n’a pas du tout envie de refaire un épisode de Matrix. Qu’elle en est contrainte par les studios : Toute la dimension méta du premier tiers, surlignée jusqu’à la nausée, appuie constamment là-dessus. Et si elle accepte de s’y replonger, c’est uniquement pour ses personnages, qu’elle adore, pour cette histoire d’amour entre Neo & Trinity, semble t-elle dire. Mais l’on sent qu’au fond ce qui lui manque c’est moins Matrix que l’ambiance de Sense8.

Lana Wachowski veut donc refaire Sense8. On y retrouve un geste similaire, plus léger, foutraque, plus queer aussi, et bien entendu des acteurs de la série. Mais cette troupe de personnages ne parvient jamais à exister puisqu’elle est dévorée par Neo et Trinity. Je ne sais pas si Sense8 est ce que les Wacho ont fait de mieux, mais c’est de très loin, selon moi, ce qu’elles ont fait de plus stimulant, romantique et émouvant, car ses huit personnages (et ceux qui gravitent parfois autour) sont superbes. Le problème ici c’est qu’il n’y a rien de stimulant, romantique et émouvant. On sent que Resurrections vise ceci bien plus que d’être à la fois un film d’action nouveau ou un Matrix en rupture. Mais ça ne fonctionne jamais.

C’est un très mauvais film d’action, déjà. Qui fait illusion par ses promesses, à la fois initiales dans son apparence nostalgique (rejouer l’ouverture du premier Matrix en changeant le point de vue ou plutôt en créant un programme dans un programme) que dans son installation dans le cadre : La scène de combat avec les Exilés, excitante sur le papier, est tuée dans l’œuf très vite tant elle est illisible. Mais il suffirait d’évoquer la scène du train pour s’en convaincre : C’est laid, incompréhensible, ni fait ni à faire. Quant au déluge final, c’est simple, il lance la promesse – avec cette pluie de corps se défenestrant en meute – mais ne parvient jamais, au hasard, au centième de la cheville de la scène de l’autoroute dans Reloaded.

Autre souci majeur : Le film est parcouru de blagues ou d’un ton potache qu’on a plutôt l’habitude de voir chez Marvel, à l’image de ce moment où Neo ne parvient pas à voler ou de ces machines « cools » - car il y a cette fois collaboration entre les hommes et des machines rebelles – qui s’extasient d’une réussite : C’est niveau Thor ou Les gardiens de la galaxie. Je n’ai fondamentalement rien contre ces films-là, j’en aime certains, mais au sein d’une saga comme Matrix c’est très gênant.

Tout semble un peu raté. Aussi bien la version hystérique du nouveau Morpheus – Difficile de passer après Laurence Fishburne, ceci dit – que le personnage de l’analyste, censé être le nouvel architecte (mais on voit surtout Barnay de HIMYM) ou le nouveau Smith, qu’on adore dans Mindhunter mais qui s’avère un peu à côté ici. C’est un film constamment moqueur, d’Hollywood, des fans, du monde contemporain, de façon grossière. Sa dernière scène, post-générique, absolument scandaleuse, clôt le débat : Le cinéma est mort, l’art est mort, on n’a plus qu’à faire des vidéos de chats, des catrix. Ok super. Moi j’ai vu plein de films géniaux cette année donc je vous laisse vous palucher sur votre discours méta-gogol de geek aigri et cynique qui crache grossièrement sur son spectateur formaté à renfort d’une avalanche de pilules bleues.

Mais le plus triste est ailleurs : Si Lilly (qui avait déjà quitté le navire Sense8 en cours) semble avoir flairé la fausse bonne idée, Lana s’y vautre, mais plutôt que de vouloir tout briser – Un peu ce que faisait chacun des trois épisodes de la saga – elle recycle. C’est beaucoup de recyclage, Resurrections. De plans recyclés : Un peu à l’image de celui des douilles qui tombent de l’hélicoptère. Ou pire : Une rafale de flashs très illustratifs, reprenant des séquences des trois films précédents.

In fine, Matrix Resurrections est à Lana Wachowski et la trilogie Matrix ce que L’amour en fuite est à François Truffaut et sa trilogie Doinel. Alors ça aurait sans doute pu être pire si ça avait été fait par quelqu’un d’autre, un peu comme Terminator, Dark fate. Mais à l’instar de ce dernier, qui scandait lui aussi son envie de réécrire ses propres règles, il s’agirait de le faire avant de le scander.

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West Side Story - Steven Spielberg

Avant sa sortie, on entendait souvent deux griefs à l’encontre du film. Tout d’abord, certains s’interrogeaient quant à l’utilité de refaire une nouvelle adaptation, soixante ans après celle de Robert Wise. Le second, que j’entendais encore dans la file d’attente en allant voir le film : « Quel intérêt d’aller voir West Side Story fait par un autre tandis qu’on connait déjà la fin de l’histoire ? ». Deux griefs qui ne prennent d’emblée pas en compte ce qui à mes yeux s’avère le plus important : La mise en scène. De mon côté je ne vais voir West Side Story uniquement pour ce que Spielberg va me proposer. D’une part car c’est un cinéaste en pleine possession de son cinéma, de ses obsessions et que le récit peut tout à fait être une matière éminemment spielbergienne. D’autre part car c’est un genre – la comédie musicale – dans lequel il ne s’est encore jamais essayé : Quoi de plus excitant, franchement ?

Afin d’être cloué au pilori d’entrée, je tiens à signaler que je ne suis pas un fan du film de Robert Wise & Jerome Robbins. Evidemment, j’ai conscience que c’est un grand classique, un film incontournable, majestueux, avec des chorégraphies dantesques, une utilisation fascinante de son décor en studio, un crescendo tragique judicieusement construit. Mais c’est un film qui me déçoit – voire m’ennuie – sitôt son ouverture, colossale, achevée. Sans doute parce qu’il souffre, à mon sens, d’imposants problèmes de rythme. Sans doute aussi que je ne parviens pas à le replacer dans le contexte de l’époque, que voir des blancs grimés en portoricains pour incarner les Sharks me gêne, qu’entendre l’horrible faux accent de Nathalie Wood qui tentait de rouler les R me tient à distance, que l’acteur incarnant Tony est aussi émouvant et charismatique qu’un grille-pain. En réalité je suis gêné que le film soit si moderne dans ce qu’il raconte – la violence des engrenages sociaux – encore d’actualité aujourd’hui et si rétrograde dans ses moyens pour le raconter. Mais qu’importe, je comprends l’exaltation qu’il procure. D’autant que c’est peut-être la première comédie musicale aussi engagée, politiquement.

L’ouverture du West Side Story de Spielberg se joue en deux temps troublants pour moi. Elle me sidère d’emblée, par ce premier plan très aérien – en hommage aux plans aériens qui ouvrait le film de Wise – qui vient capter les gravats, avant de s’envoler au-dessus d’un chantier (où l’on construira le Lincoln Center) et de redescendre le long d’une boule de démolition jusqu’à une bouche d’égout d’où s’extirpent les Jets. Ils sortent littéralement de la terre au milieu de ce qui s’apparente presque à une zone de guerre : de purs fantômes. Ce premier plan est déjà fou tant il témoigne de la gentrification, d’un quartier en train de mourir et donc d’un affrontement à venir entre deux bandes rivales qui se querellent pour un territoire, donc pour rien, puisque ce territoire est déjà mort.
Et dans un deuxième temps, cette ouverture me gêne tant elle veut produire un affrontement plus réaliste : Chez Wise, Sharks & Jets ne faisaient que danser, quand bien même cette danse prenait les atours d’une chorégraphie de combat. Chez Spielberg, ils dansent mais se foutent aussi sur la gueule, s’envoient des pots de peinture ou des poubelles dans la tronche. Ça m’a semblé en apparence plus frontal, plus brutal, plus grossier. Mais c’est aussi le programme qu’il annonce : Bien sûr la danse et le chant seront moteurs du récit, mais tout sera aussi nettement plus physique, organique, jusqu’aux visages perlées de sueurs, cicatrices apparentes : Riff & Bernardo incarnent cela à merveille, ils pourraient très bien sortir d’un film de Ken Loach. Les coups n’ont plus rien de « la légèreté dansée » du film de Wise, c’est une violence nettement plus crue, qui évoque plutôt Les guerriers de la nuit, de Walter Hill. Et dans sa romance, le film ira aussi dans ce sens, il sera plus à vif, plus fragile, plus émouvant.

Il semblerait par ailleurs que ce nouveau West Side Story soit plus proche de l’œuvre originale de Bernstein donc qu’il s’agisse moins d’un remake (du film de 1961) que d’une nouvelle adaptation du spectacle de Broadway, crée en 1958. Pourtant, il dialogue beaucoup avec le film de Wise. C’est ce qui m’a semblé si beau, ou la sensation d’une double déclaration d’amour. On raconte que Spielberg aurait été bercé, durant son enfance, par les compositions de Bernstein. On apprend à la toute fin que le film est dédié à son père, décédé cette année. C’est bouleversant tant on ressent la dimension personnelle, l’expression d’un cinéaste à cœur ouvert. D’un amour qui relève quasi du sacré. Dans la version de 1961, il y avait un vitrail dans la chambre de Maria. Il a disparu dans la version de 2021 : Spielberg le déplace et fait une scène dans une église, vitrail devant lequel Maria & Tony s’avouent leur amour, après que ce dernier ait tenté de la séduire par des mots espagnols approximatifs dont il a demandé conseil un peu plus tôt à Valentina, sa mère spirituelle : « Quiero estar contigo para siempre ». Elle rie, il lui demande de ne pas rire. Et elle lui répond les mêmes mots, en espagnol. C’est à la fois très drôle et très beau.

Revenons un instant sur Valentina. Personnage qui n’existe pas ni dans la version de Broadway ni dans l’adaptation cinéma de Robert Wise. En réalité, Valentina sera la version réactualisée de Doc, le propriétaire de la pharmacie qui employait Tony. On apprend dans le film de Spielberg que Doc est mort il y a longtemps et que sa veuve, Valentina, a hérité de son commerce. Quel est l’intérêt d’un tel changement ? La création d’une passerelle magnifique : En effet, Valentina est incarnée par l’actrice Rita Moreno, qui incarnait Anita dans la version de 1961. Mais ce n’est pas qu’un simple clin d’œil car ce qu’en fera Spielberg dans le dernier quart, sans rien dévoiler, est l’un des trucs les plus émouvants vus au cinéma depuis longtemps.

En réactualisant le film mais sans foncièrement changer grand-chose, Spielberg vient dire qu’en soixante ans, l’Amérique n’a pas bougé. L’Amérique pré-Kennedy et L’Amérique de Trump se ressemblent. Il ne modernise pas la comédie musicale mais prolonge l’engagement qu’en avait fait Robert Wise : Dans la version de 1961, les gangs étaient déjà violents les uns envers les autres, mais ils contournaient la marelle de la petite fille, sur le terrain de basket. Chez Spielberg, ils piétinent les dessins à la craie des deux gamins, comme ils remuent sans cesse la poussière, créée sans doute par le grand chantier dont le film s’extirpe dans la scène l’ouverture. Mais pas seulement : Outre le fait que Spielberg ne grime pas ses personnages portoricains, mais prenne de véritables interprètes d’origine portoricaines, il y a aussi une vraie plongée dans la difficulté du réel, la pauvreté et la barrière de la langue. Chez Wise les portoricains utilisaient parfois l’espagnol, mais ça sonnait faux, forcé. Ici, ils l’utilisent bien plus souvent, on les voit même se battre intérieurement pour utiliser l’anglais. C’est par ailleurs Anita qui ne cesse de rappeler à Bernardo ou à Maria de parler anglais, de s’intégrer. La langue espagnole n’est plus un simple décor, mais un vecteur du récit, aussi bien pour Anita, donc, que pour Tony, qui s’en sert pour séduire Maria.

Dans la version de 1961 on y trouvait aussi un personnage exclu, un garçon manqué qui n’était pas accepté par les Jets. On le retrouve bien évidemment chez Spielberg mais il va plus loin : L’acteur est incarné par une personne transgenre. Tous les acteurs sont par ailleurs impeccables. Mike Faist, celui qui incarne Riff, est une révélation. Ansel Elgort, qui campe le rôle ingrat de Tony, ne s’en sort pas trop mal contrairement à Richard Beymer, l’acteur-bulot dans le film de 1961. Mais c’est bien son casting féminin qui sidère. On a évoqué le cas Rita Moreno, émouvant, c’est évident. Mais il faut dire combien les deux actrices incarnant respectivement Maria & Anita, sont magnifiques : Rachel Zegler & Ariana DeBose. Deux purs cyclones.

C’est un film absolument parfait, de bout en bout. D’une virtuosité totale. Un enchantement permanent. Qui raconte la mort d’un monde mais le fait avec une vivacité paradoxale bouleversante. Spielberg au sommet de son art. Et pourtant, c’est un film aussi enthousiasmant par son envie de danser, chanter, vivre, raconter qu’il est mélancolique tant il ne cesse, malgré lui, d’annoncer la fin de Spielberg, donc la fin de cette forme de cinéma, dont il est l’unique représentant aujourd’hui, ayant élevé le divertissement à son point de perfection absolue. Qui aujourd’hui aurait pu faire ce film-là ? Avec ce respect et cette inventivité-là ? Sans jamais pervertir l’œuvre qu’elle adapte ni dénaturer celle qu’elle prolonge, mais tout en étant infiniment personnel. Génie :love2:
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JanosValuska
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Et voici les vingt découvertes (hors sorties 2021) qui m'ont marqués cette année :

01. Le bonheur - Agnès Varda - 1965
02. Ma première brasse - Luc Moullet - 1981
03. Vacances à Venise - Summertime - David Lean - 1955
04. Les révoltés de l'an 2000 - Quién puede matar a un niño ? - Narciso Ibáñez Serrador - 1977
05. Pluie noire - Kuroi ame - Shōhei Imamura - 1989
06. L'une chante, l'autre pas - Agnès Varda - 1977
07. Toni - Jean Renoir - 1935
08. L'incendie de Chicago - In old Chicago - Henry King - 1938
09. La comtesse aux pieds nus - The barefoot comtessa - Joseph L. Mankiewicz - 1955
10. Near dark - Kathryn Bigelow - 1988
11. Du rififi chez les hommes - Jules Dassin - 1955
12. Elle et lui - Love affair - Leo McCarey - 1939
13. La ville gronde - They won't forget - Mervyn LeRoy - 1937
14. Le reptile - There was a crooked man - Joseph L. Mankiewicz - 1970
15. Les nus et les morts - The naked and the dead - Raoul Walsh - 1959
16. Rendez-vous de juillet - Jacques Becker - 1949
17. Asphalte - Denis Amar - 1981
18. Winchester'73 - Anthony Mann - 1951
19. Ricky Bobby, roi du circuit - Talladega Nights, The Ballad of Ricky Bobby - Adam McKay - 2007
20. Cujo - Lewis Teague - 1983
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asketoner
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Ham on Rye, Tyler Taormina

Je ne m'attendais pas du tout à ça. Dans les meilleurs moments, c'est Jacques Tati qui filmerait un épisode de Twin Peaks. J'aime beaucoup l'attention que Tyler Taormina porte aux expressions des gens, et la façon qu'il a de les décontextualiser pour en rendre toute l'étrangeté. L'étrangeté en question est parfois un peu forcée, certains moments sont moins bons que d'autres, et le systématisme crée, si ce n'est de l'ennui, une petite impression de vanité, surtout lorsqu'il s'agit de couper toutes les scènes dès le moment où elles pourraient devenir dramatiques. J'ai beaucoup pensé à Lovers rock de Steve McQueen, très scénarisé pour le coup, avec des enjeux très lisibles et donnés d'emblée, mais très radical également, avec ses scènes de danse infinies. Tyler Taormina est plus chef d'orchestre : la danse n'est pas un point d'orgue, il ne cherche pas la durée mais le soulèvement, et dès que quelque chose s'embrase il lui faut aussitôt passer à autre chose.
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teklow13
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vous donnez tous envie avec Ham on rye !
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teklow13
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je veux voir en janvier :

OUI
1. Licorice Pizza - Paul Thomas Anderson
2. Vitalina Varela - Pedro Costa
3. Nightmare Alley - Guillermo del Toro
4. Scream - Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett

oui
5. Mes frères et moi - Yohan Manca
6. Nos âmes d'enfants - Mike Mills

on verra
7. Lynx - Laurent Geslin
8. J'étais à la maison, mais... - Angela Schanelec
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Tamponn Destartinn
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Surprise : c'est vachement bien.
Ca ne devrait pas être une surprise, vu à quel point c'est a la même hauteur que ses deux précédents film (La fille du 14 Juillet et La loi de la jungle), mais les echos et la bande annonce donnaient l'impression qu'il s'était planté. Je trouve qu'il n'en est rien. Ca reste le même humour absurde et très efficace pour moi, tout en étant le plus ouvertement possible politique, avec un message simple mais qu'on a besoin d'entendre : mangeons les riches.

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Le poids des références peut faire mal. Mais je trouve qu'en visant les étoiles, Barraud ne les a certes pas atteinte, mais il ne s'est pas cassé la gueule pour autant. C'est un bon exemple d'ambition. Et la mise en scène est vachement bien. J'ai plus des soucis avec des détails du scénar, qui met trop de temps à révéler son vrai sujet.
bref, c'est le deuxième film français depalma-esque que je vois cette semaine, et la morale est qu'Antoine Barraud aurait certainement dû réaliser le scénario de Boite Noire :D
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 5 janv. 2022 12:04
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Surprise : c'est vachement bien.
Ca ne devrait pas être une surprise, vu à quel point c'est a la même hauteur que ses deux précédents film (La fille du 14 Juillet et La loi de la jungle), mais les echos et la bande annonce donnaient l'impression qu'il s'était planté. Je trouve qu'il n'en est rien. Ca reste le même humour absurde et très efficace pour moi, tout en étant le plus ouvertement possible politique, avec un message simple mais qu'on a besoin d'entendre : mangeons les riches.
Je l'ai loupé (j'aime beaucoup ses films !) mais il est resté tellement peu chez moi :humpf: (et c'était durant mes vacances...) : les cinémas art & essai ont du faire la gueule et ne l'ont pas programmé, pour afficher leur mécontentement vis à vis du distributeur (qui a préféré le réseau des cinémas UGC). Je hais cette guéguerre à la con
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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:eek:
Bon, je comprends mieux : c'est son chef d’œuvre (et, à mon opinion, son seul beau film). C'est splendide bien sur.
Mais : il est impossible que Tarkovski n'ait pas pu voir ce film : tout son "Miroir" y est déjà !

ps: à mon opinion, il s'agit d'un des plus importants (beau, oui, mais surtout important) films du milieu des années 60, c'est une évidence, au même titre qu'un Muriel, Les chevaux de feu, Non réconciliés, Blow up, Les parapluies de Cherbourg ou Persona (et même Pierrot le fou même si je ne porte pas dans mon cœur ce film).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
mer. 5 janv. 2022 14:09
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 5 janv. 2022 12:04
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Surprise : c'est vachement bien.
Ca ne devrait pas être une surprise, vu à quel point c'est a la même hauteur que ses deux précédents film (La fille du 14 Juillet et La loi de la jungle), mais les echos et la bande annonce donnaient l'impression qu'il s'était planté. Je trouve qu'il n'en est rien. Ca reste le même humour absurde et très efficace pour moi, tout en étant le plus ouvertement possible politique, avec un message simple mais qu'on a besoin d'entendre : mangeons les riches.
Je l'ai loupé (j'aime beaucoup ses films !) mais il est resté tellement peu chez moi :humpf: (et c'était durant mes vacances...) : les cinémas art & essai ont du faire la gueule et ne l'ont pas programmé, pour afficher leur mécontentement vis à vis du distributeur (qui a préféré le réseau des cinémas UGC). Je hais cette guéguerre à la con


Y a peut être de ça.
je pense aussi qu'on vit une période où les films - nombreux ! - qui ne fonctionnent pas assez bien dès la première semaine de sortie se font trop vite dégagés.
Evidemment, on connaissait déjà ça très bien, mais ça c'est aggravé.
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JanosValuska
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sokol a écrit :
mer. 5 janv. 2022 14:40
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:eek:
Bon, je comprends mieux : c'est son chef d’œuvre (et, à mon opinion, son seul beau film). C'est splendide bien sur.
Mais : il est impossible que Tarkovski n'ait pas pu voir ce film : tout son "Miroir" y est déjà !

ps: à mon opinion, il s'agit d'un des plus importants (beau, oui, mais surtout important) films du milieu des années 60, c'est une évidence, au même titre qu'un Muriel, Les chevaux de feu, Non réconciliés, Blow up, Les parapluies de Cherbourg ou Persona (et même Pierrot le fou même si je ne porte pas dans mon cœur ce film).
Découvert cette année, moi aussi !
Un choc.
Quelle merveille !
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
mer. 5 janv. 2022 14:40
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:eek:
Bon, je comprends mieux : c'est son chef d’œuvre (et, à mon opinion, son seul beau film). C'est splendide bien sur.
Mais : il est impossible que Tarkovski n'ait pas pu voir ce film : tout son "Miroir" y est déjà !

ps: à mon opinion, il s'agit d'un des plus importants (beau, oui, mais surtout important) films du milieu des années 60, c'est une évidence, au même titre qu'un Muriel, Les chevaux de feu, Non réconciliés, Blow up, Les parapluies de Cherbourg ou Persona (et même Pierrot le fou même si je ne porte pas dans mon coeur ce film).

Ah bah enfin !!!
Je pense que tu as raison d'ailleurs, c'est sans doute son plus beau film, si je le revoyais lui et Cleo je pense que mon opinion évoluerait
Un des films les plus cruels de l'Histoire du cinema est aussi l'un des plus doux

(C'est marrant j'ai revu Le Plaisir d'Ophuls hier et je n'ai pas cessé de penser au Varda)
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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groil_groil
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Rererevu cet immense chef-d'oeuvre avec un plaisir intact. Tout est splendide dans ce film. La mise en scène de Clouzot n'a jamais autant brillé, les comédiens sont déments, le climat est oppressant dans chaque plan, et, on ne le dit pas assez lorsqu'un film est brillant dans sa mise en scène, le scénario est absolument exceptionnel. Alors oui c'est adapté de Boileau / Narcejac, on sait leurs qualités (je n'ai lu que d'Entre les Morts qui donna Vertigo, pas icelui), mais il y a une différence entre un bon livre, un bon scénario tiré de ce livre et une bonne mise en scène découlant de ce bon scénario. Ici, tout est splendide, mais surtout, tout semble fonctionner dans un seul but, le film final qui se déroule sous nos yeux.

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Titre français stupide, l'espagnol étant "Quien puede matar a un niño ?" mais film magnifique et imparable. Le parallèle fait dès le générique avec les innombrables (même s'il tente de les dénombrer) morts d'enfants lors des grandes guerres du XXème siècle et le film qui va nous être montré est glaçant, et est ce qu'il y a de plus réussi dans le film, dans le sens où il conditionne totalement notre regard. Il nous permet d'accepter le fait que les enfants veuillent tout simplement décimer les adultes. Un bémol sur ce beau film : je n'ai jamais été surpris. Et pourtant, je ne savais pas grand chose du film, à part son sujet, ce n'est donc pas dû à un surplus d'information, je pense juste que son déroulé est un peu trop programmatique. Mais c'est quand même génial, surtout d'avoir choisi de tourner ça sous un tel climat, avec un tel soleil...

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Curieux de voir l'opus 4, je me force un peu à revoir les 3 premiers pour y comprendre quelque chose. Si je n'étais déjà pas grand fan du 1er Matrix à sa sortie (les deux autres étaient dès l'époque des naufrages complets), le revoir 20 après fait pitié : le film est ridicule et laid du premier au dernier plan, et ne vaut pas mieux qu'une quelconque production Besson. Ah le passage aux années 2000 et l'arrivée du tout numérique est sans doute ce qui a pu arriver de pire au cinéma. Surtout quand on voit qu'un truc pareil reste comme l'un des grands films de l'époque.

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Comme souvent chez Dumont, le film a beaucoup partagé, et je suis moi-même très partagé par rapport à ce que j'ai vu. Disons que j'aime beaucoup la première heure, le moment où France est une vedette du journalisme. Dumont pour une fois prend son sujet au sérieux et me donne envie d'y croire. La seconde partie est plus discutable avec des trucs ridicules (cette histoire d'amour totalement foireuse avec le journaliste déguisé à Gstaad par exemple) et des choses magnifiques (le reportage embarqué sur le bateau des migrants, sublime de cynisme). D'ailleurs le film aurait dû s'arrêter là, sur le plan où France descend du zodiaque des migrants pour remonter sur son hors-bord, ça disait tout et c'était parfait. ça aurait même été un des meilleurs films de Dumont depuis longtemps, un film dans lequel il se renouvelle vraiment, ce qui est si rare chez ce cinéaste qui fut génial, mais qui est très feignant et imbu de lui-même et qui a tendance à se reposer sur sa réputation qu'il est le seul à croire durable. Mais non, Dumont fiche tout en l'air avec la demi-heure de trop, le moment où comme presque à chaque film, il se veut donneur de leçon, punir son/ses personnage(s) et punir son public en même temps. Ici c'est cette scène totalement gratuite, stupide, de l'accident de voiture, où il décide de punir France de son cynisme en supprimant sa famille. Pfff... franchement, avait-on besoin de cela pour condamner le personnage ? Evidemment que non. C'est un moment extrêmement gênant, limite "coussin de la honte", et il y en a malheureusement plusieurs dans le film. Le second tout aussi grave est celui où son assistante (je me le dis à chaque fois, mais qu'est-ce que Blanche Gardin est mauvaise comédienne, c'est hallucinant d'être aussi mauvais), actionne la manette de son de la régie sans qu'elle ni le réalisateur ne s'en rende compte, sans que personne n'intervienne immédiatement, et que bien sûr cela change le sens du film. C'est tellement mal fait, tellement improbable, tellement une mauvaise astuce de mauvais scénario mal filmée, que ça devient plus que gênant à regarder. Alors le dernier plan est magnifique, bouleversant (même si la scène du vélib est un autre grand moment ridicule), mais le film compte vraiment 30 à 40 minutes de trop. Dommage, mais aujourd'hui je garde surtout les beaux moments du film, j'apprécie le virage de Dumont qui tente enfin autre chose, et enfin je suis subjugué par les talents d'actrice de Léa Seydoux, qui est merveilleuse, parfaite, quasi irréelle dans ce film, et qui est aussi à l'aise chez Dumont, chez Wes Anderson ou dans un James Bond, c'est dire les talents sans limite de cette comédienne.

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Un type marginal élève ses 6 gosses planqués en pleine nature et coupés du monde. Ils chassent de leurs propres mains pour survivre, tout en étant tous érudits intellectuellement. Les parents voulaient simplement se couper d'un monde qui ne leur convenait pas. Puis la mère, bipolaire, a été internée. Lorsque le père apprend qu'elle s'est suicidée, les père décide de se rendre à son enterrement avec ses gosses, renouant alors avec un monde qu'il avait quitté et une belle-famille qui l'a renié complètement, le tenant responsable de la mort de leur fille. La réussite du film tient dans le fait qu'aucun monde proposé ne correspond à un idéal. La nature fait de la famille des sauvages (même si leur éducation est toujours aboutie et réussie), ils sont coupés du monde, ce sont des parias, des inadaptés, et la seule solution serait de rentrer dans le moule, et donc de céder à un rouleau-compresseur capitaliste contre lequel on ne peut rien. Mais c'est une toute petite réussite car Captain Fantastic se perd dans l'effet de mode du film indé US avec la petite musique indie, les plans de car qui roule au crépuscule et les personnages écorchés vif mais avec un coeur. Disons que ça se regarde.
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Tyra
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groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:22


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Comme souvent chez Dumont, le film a beaucoup partagé, et je suis moi-même très partagé par rapport à ce que j'ai vu. Disons que j'aime beaucoup la première heure, le moment où France est une vedette du journalisme. Dumont pour une fois prend son sujet au sérieux et me donne envie d'y croire. La seconde partie est plus discutable avec des trucs ridicules (cette histoire d'amour totalement foireuse avec le journaliste déguisé à Gstaad par exemple) et des choses magnifiques (le reportage embarqué sur le bateau des migrants, sublime de cynisme). D'ailleurs le film aurait dû s'arrêter là, sur le plan où France descend du zodiaque des migrants pour remonter sur son hors-bord, ça disait tout et c'était parfait. ça aurait même été un des meilleurs films de Dumont depuis longtemps, un film dans lequel il se renouvelle vraiment, ce qui est si rare chez ce cinéaste qui fut génial, mais qui est très feignant et imbu de lui-même et qui a tendance à se reposer sur sa réputation qu'il est le seul à croire durable. Mais non, Dumont fiche tout en l'air avec la demi-heure de trop, le moment où comme presque à chaque film, il se veut donneur de leçon, punir son/ses personnage(s) et punir son public en même temps. Ici c'est cette scène totalement gratuite, stupide, de l'accident de voiture, où il décide de punir France de son cynisme en supprimant sa famille. Pfff... franchement, avait-on besoin de cela pour condamner le personnage ? Evidemment que non. C'est un moment extrêmement gênant, limite "coussin de la honte", et il y en a malheureusement plusieurs dans le film. Le second tout aussi grave est celui où son assistante (je me le dis à chaque fois, mais qu'est-ce que Blanche Gardin est mauvaise comédienne, c'est hallucinant d'être aussi mauvais), actionne la manette de son de la régie sans qu'elle ni le réalisateur ne s'en rende compte, sans que personne n'intervienne immédiatement, et que bien sûr cela change le sens du film. C'est tellement mal fait, tellement improbable, tellement une mauvaise astuce de mauvais scénario mal filmée, que ça devient plus que gênant à regarder. Alors le dernier plan est magnifique, bouleversant (même si la scène du vélib est un autre grand moment ridicule), mais le film compte vraiment 30 à 40 minutes de trop. Dommage, mais aujourd'hui je garde surtout les beaux moments du film, j'apprécie le virage de Dumont qui tente enfin autre chose, et enfin je suis subjugué par les talents d'actrice de Léa Seydoux, qui est merveilleuse, parfaite, quasi irréelle dans ce film, et qui est aussi à l'aise chez Dumont, chez Wes Anderson ou dans un James Bond, c'est dire les talents sans limite de cette comédienne.
J'ai commencé à le regarder hier soir, et je pense tout pareil que toi de la première partie, qui comporte énormément de moments forts et une formidable Lea Seydoux. Je m'attendais à bien pire avec tous ces retours négatifs ici même. Sauf que j'ai du arrêter le film au moment où elle annonce reprendre son métier, pour cause de bébé à materner :D , je dois donc m'attendre à 40 dernières minutes décevantes. :(
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groil_groil
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Tyra a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:48
groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:22


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Comme souvent chez Dumont, le film a beaucoup partagé, et je suis moi-même très partagé par rapport à ce que j'ai vu. Disons que j'aime beaucoup la première heure, le moment où France est une vedette du journalisme. Dumont pour une fois prend son sujet au sérieux et me donne envie d'y croire. La seconde partie est plus discutable avec des trucs ridicules (cette histoire d'amour totalement foireuse avec le journaliste déguisé à Gstaad par exemple) et des choses magnifiques (le reportage embarqué sur le bateau des migrants, sublime de cynisme). D'ailleurs le film aurait dû s'arrêter là, sur le plan où France descend du zodiaque des migrants pour remonter sur son hors-bord, ça disait tout et c'était parfait. ça aurait même été un des meilleurs films de Dumont depuis longtemps, un film dans lequel il se renouvelle vraiment, ce qui est si rare chez ce cinéaste qui fut génial, mais qui est très feignant et imbu de lui-même et qui a tendance à se reposer sur sa réputation qu'il est le seul à croire durable. Mais non, Dumont fiche tout en l'air avec la demi-heure de trop, le moment où comme presque à chaque film, il se veut donneur de leçon, punir son/ses personnage(s) et punir son public en même temps. Ici c'est cette scène totalement gratuite, stupide, de l'accident de voiture, où il décide de punir France de son cynisme en supprimant sa famille. Pfff... franchement, avait-on besoin de cela pour condamner le personnage ? Evidemment que non. C'est un moment extrêmement gênant, limite "coussin de la honte", et il y en a malheureusement plusieurs dans le film. Le second tout aussi grave est celui où son assistante (je me le dis à chaque fois, mais qu'est-ce que Blanche Gardin est mauvaise comédienne, c'est hallucinant d'être aussi mauvais), actionne la manette de son de la régie sans qu'elle ni le réalisateur ne s'en rende compte, sans que personne n'intervienne immédiatement, et que bien sûr cela change le sens du film. C'est tellement mal fait, tellement improbable, tellement une mauvaise astuce de mauvais scénario mal filmée, que ça devient plus que gênant à regarder. Alors le dernier plan est magnifique, bouleversant (même si la scène du vélib est un autre grand moment ridicule), mais le film compte vraiment 30 à 40 minutes de trop. Dommage, mais aujourd'hui je garde surtout les beaux moments du film, j'apprécie le virage de Dumont qui tente enfin autre chose, et enfin je suis subjugué par les talents d'actrice de Léa Seydoux, qui est merveilleuse, parfaite, quasi irréelle dans ce film, et qui est aussi à l'aise chez Dumont, chez Wes Anderson ou dans un James Bond, c'est dire les talents sans limite de cette comédienne.
J'ai commencé à le regarder hier soir, et je pense tout pareil que toi de la première partie, qui comporte énormément de moments forts et une formidable Lea Seydoux. Je m'attendais à bien pire avec tous ces retours négatifs ici même. Sauf que j'ai du arrêter le film au moment où elle annonce reprendre son métier, pour cause de bébé à materner :D , je dois donc m'attendre à 40 dernières minutes décevantes. :(
ah oui, ça les films en plusieurs fois, on connait quand on a des biberons à préparer :D
Oui enfin désolé pour les spoils, mais il y a tout de même des belles choses dans la seconde partie hein !
heureux qu'on soit d'accord :)
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:56
Tyra a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:48
groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:22


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Comme souvent chez Dumont, le film a beaucoup partagé, et je suis moi-même très partagé par rapport à ce que j'ai vu. Disons que j'aime beaucoup la première heure, le moment où France est une vedette du journalisme. Dumont pour une fois prend son sujet au sérieux et me donne envie d'y croire. La seconde partie est plus discutable avec des trucs ridicules (cette histoire d'amour totalement foireuse avec le journaliste déguisé à Gstaad par exemple) et des choses magnifiques (le reportage embarqué sur le bateau des migrants, sublime de cynisme). D'ailleurs le film aurait dû s'arrêter là, sur le plan où France descend du zodiaque des migrants pour remonter sur son hors-bord, ça disait tout et c'était parfait. ça aurait même été un des meilleurs films de Dumont depuis longtemps, un film dans lequel il se renouvelle vraiment, ce qui est si rare chez ce cinéaste qui fut génial, mais qui est très feignant et imbu de lui-même et qui a tendance à se reposer sur sa réputation qu'il est le seul à croire durable. Mais non, Dumont fiche tout en l'air avec la demi-heure de trop, le moment où comme presque à chaque film, il se veut donneur de leçon, punir son/ses personnage(s) et punir son public en même temps. Ici c'est cette scène totalement gratuite, stupide, de l'accident de voiture, où il décide de punir France de son cynisme en supprimant sa famille. Pfff... franchement, avait-on besoin de cela pour condamner le personnage ? Evidemment que non. C'est un moment extrêmement gênant, limite "coussin de la honte", et il y en a malheureusement plusieurs dans le film. Le second tout aussi grave est celui où son assistante (je me le dis à chaque fois, mais qu'est-ce que Blanche Gardin est mauvaise comédienne, c'est hallucinant d'être aussi mauvais), actionne la manette de son de la régie sans qu'elle ni le réalisateur ne s'en rende compte, sans que personne n'intervienne immédiatement, et que bien sûr cela change le sens du film. C'est tellement mal fait, tellement improbable, tellement une mauvaise astuce de mauvais scénario mal filmée, que ça devient plus que gênant à regarder. Alors le dernier plan est magnifique, bouleversant (même si la scène du vélib est un autre grand moment ridicule), mais le film compte vraiment 30 à 40 minutes de trop. Dommage, mais aujourd'hui je garde surtout les beaux moments du film, j'apprécie le virage de Dumont qui tente enfin autre chose, et enfin je suis subjugué par les talents d'actrice de Léa Seydoux, qui est merveilleuse, parfaite, quasi irréelle dans ce film, et qui est aussi à l'aise chez Dumont, chez Wes Anderson ou dans un James Bond, c'est dire les talents sans limite de cette comédienne.
J'ai commencé à le regarder hier soir, et je pense tout pareil que toi de la première partie, qui comporte énormément de moments forts et une formidable Lea Seydoux. Je m'attendais à bien pire avec tous ces retours négatifs ici même. Sauf que j'ai du arrêter le film au moment où elle annonce reprendre son métier, pour cause de bébé à materner :D , je dois donc m'attendre à 40 dernières minutes décevantes. :(
ah oui, ça les films en plusieurs fois, on connait quand on a des biberons à préparer :D
Oui enfin désolé pour les spoils, mais il y a tout de même des belles choses dans la seconde partie hein !
heureux qu'on soit d'accord :)



Oui, complétement d'accord sur la première heure réussie, sur la foirade qu'est l'histoire "d'amour" avec le journaliste (horrible acteur) rencontré en cure et surtout sur le fait que ce Dumont serait génial avec un retour en montage et des coupes ultra vénères, sûrement pour arriver à 1h20, 1h30 max. Sachant que pour moi, c'est le cas de tous les Dumont depuis son virage "comédie". P'tit Quinquin = ça pourrait devenir un très bon long métrage, peut-être cette fois bien de 2h, mais maximum. Ma Loute = en coupant l'inutile à l'intérieur à des scènes, ça peut donner un truc tout aussi étrange mais bien plus digeste de 1h30 max aussi. France est donc la troisième fois qu'il nous fait le coup (ses Jeanne.tte, autre problème), et vraiment, si j'avais l'occasion de refaire le montage image, je m'y collerais avec grand plaisir, même si ce serait pour garder le résultat que pour moi.
Ceci dit, une exception par rapport à ce que tu dis : j'essaierais de tout faire pour garder la séquence de l'accident. Je la mettrais surement ailleurs, je comprends bien pourquoi elle est dégueulasse dans le fond, mais sur la forme je l'ai bcp aimé, une sorte de plaisir coupable chelou :D
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groil_groil
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 10:53
groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:56
Tyra a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:48

J'ai commencé à le regarder hier soir, et je pense tout pareil que toi de la première partie, qui comporte énormément de moments forts et une formidable Lea Seydoux. Je m'attendais à bien pire avec tous ces retours négatifs ici même. Sauf que j'ai du arrêter le film au moment où elle annonce reprendre son métier, pour cause de bébé à materner :D , je dois donc m'attendre à 40 dernières minutes décevantes. :(
ah oui, ça les films en plusieurs fois, on connait quand on a des biberons à préparer :D
Oui enfin désolé pour les spoils, mais il y a tout de même des belles choses dans la seconde partie hein !
heureux qu'on soit d'accord :)



Oui, complétement d'accord sur la première heure réussie, sur la foirade qu'est l'histoire "d'amour" avec le journaliste (horrible acteur) rencontré en cure et surtout sur le fait que ce Dumont serait génial avec un retour en montage et des coupes ultra vénères, sûrement pour arriver à 1h20, 1h30 max. Sachant que pour moi, c'est le cas de tous les Dumont depuis son virage "comédie". P'tit Quinquin = ça pourrait devenir un très bon long métrage, peut-être cette fois bien de 2h, mais maximum. Ma Loute = en coupant l'inutile à l'intérieur à des scènes, ça peut donner un truc tout aussi étrange mais bien plus digeste de 1h30 max aussi. France est donc la troisième fois qu'il nous fait le coup (ses Jeanne.tte, autre problème), et vraiment, si j'avais l'occasion de refaire le montage image, je m'y collerais avec grand plaisir, même si ce serait pour garder le résultat que pour moi.
Ceci dit, une exception par rapport à ce que tu dis : j'essaierais de tout faire pour garder la séquence de l'accident. Je la mettrais surement ailleurs, je comprends bien pourquoi elle est dégueulasse dans le fond, mais sur la forme je l'ai bcp aimé, une sorte de plaisir coupable chelou :D
ah oui 100% d'accord sur le montage, y a tout à refaire, et ça peut donner des films magnifiques.
Et l'accident, je ne l'ai volontairement pas mentionné mais je trouve la scène superbement réussie au niveau de la mise en scène. Mais le fond est tellement dégueulasse que je trouve ça honteux. :D
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 11:21
Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 10:53
groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:56


ah oui, ça les films en plusieurs fois, on connait quand on a des biberons à préparer :D
Oui enfin désolé pour les spoils, mais il y a tout de même des belles choses dans la seconde partie hein !
heureux qu'on soit d'accord :)



Oui, complétement d'accord sur la première heure réussie, sur la foirade qu'est l'histoire "d'amour" avec le journaliste (horrible acteur) rencontré en cure et surtout sur le fait que ce Dumont serait génial avec un retour en montage et des coupes ultra vénères, sûrement pour arriver à 1h20, 1h30 max. Sachant que pour moi, c'est le cas de tous les Dumont depuis son virage "comédie". P'tit Quinquin = ça pourrait devenir un très bon long métrage, peut-être cette fois bien de 2h, mais maximum. Ma Loute = en coupant l'inutile à l'intérieur à des scènes, ça peut donner un truc tout aussi étrange mais bien plus digeste de 1h30 max aussi. France est donc la troisième fois qu'il nous fait le coup (ses Jeanne.tte, autre problème), et vraiment, si j'avais l'occasion de refaire le montage image, je m'y collerais avec grand plaisir, même si ce serait pour garder le résultat que pour moi.
Ceci dit, une exception par rapport à ce que tu dis : j'essaierais de tout faire pour garder la séquence de l'accident. Je la mettrais surement ailleurs, je comprends bien pourquoi elle est dégueulasse dans le fond, mais sur la forme je l'ai bcp aimé, une sorte de plaisir coupable chelou :D
ah oui 100% d'accord sur le montage, y a tout à refaire, et ça peut donner des films magnifiques.
Et l'accident, je ne l'ai volontairement pas mentionné mais je trouve la scène superbement réussie au niveau de la mise en scène. Mais le fond est tellement dégueulasse que je trouve ça honteux. :D



Honteux, c'est sûr.
Mais le film était déjà devenu tellement honteux et en même temps chiant comme la pluie, ça m'a fait l'effet d'une claque, d'un réveil nécessaire.
D'autant plus nécessaire que, comme toi, je comprenais pas pourquoi le film continuait depuis 15 minutes, pourquoi ça ne s'était pas arrêté au moment du reportage, qui avait une très bonne porte de sortie.
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sokol
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groil_groil a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 09:22
le reportage embarqué sur le bateau des migrants, sublime de cynisme
Dans son émission en podcast Bégaudeau s'était lourdement trompé en considérant cette scène comme une invention extraordinaire or, ce truc, a déjà bel et bien existé en réalité à plusieurs reprise de surcroit (c'était sur iTélé, CNews actuellement, au moment des vagues des migrants syriens venant des cotes turques).

Essayez de le revoir ce film, vous n'allez pas tenir plus que 15 minutes.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 10:53
...ce Dumont serait génial avec un retour en montage et des coupes ultra vénères, sûrement pour arriver à 1h20, 1h30 max. Sachant que pour moi, c'est le cas de tous les Dumont depuis son virage "comédie". P'tit Quinquin = ça pourrait devenir un très bon long métrage, peut-être cette fois bien de 2h, mais maximum. Ma Loute = en coupant l'inutile à l'intérieur à des scènes, ça peut donner un truc tout aussi étrange mais bien plus digeste de 1h30 max aussi. France est donc la troisième fois qu'il nous fait le coup (ses Jeanne.tte, autre problème), et vraiment, si j'avais l'occasion de refaire le montage image, je m'y collerais avec grand plaisir
et là, "Première" ou "Le Figaro" crieraient au génie :D

Non, sérieux, Dumont sait très bien ce qu'il fait (surtout au niveau du montage !!!) : justement, c'est ça le problème, c'est que, si je peux le dire d'une manière un peu figurative, il ne supporterait pas d’être applaudi par Première ou Le Figaro.
Ou, comment le dire encore et encore plus simple: il n'assume pas son coté réac (au fond, la forme ce n'est que le fond) donc, il faut bien qu'il le cache
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 13:21
Tamponn Destartinn a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 10:53
...ce Dumont serait génial avec un retour en montage et des coupes ultra vénères, sûrement pour arriver à 1h20, 1h30 max. Sachant que pour moi, c'est le cas de tous les Dumont depuis son virage "comédie". P'tit Quinquin = ça pourrait devenir un très bon long métrage, peut-être cette fois bien de 2h, mais maximum. Ma Loute = en coupant l'inutile à l'intérieur à des scènes, ça peut donner un truc tout aussi étrange mais bien plus digeste de 1h30 max aussi. France est donc la troisième fois qu'il nous fait le coup (ses Jeanne.tte, autre problème), et vraiment, si j'avais l'occasion de refaire le montage image, je m'y collerais avec grand plaisir
et là, "Première" ou "Le Figaro" crieraient au génie :D

Non, sérieux, Dumont sait très bien ce qu'il fait (surtout au niveau du montage !!!) : justement, c'est ça le problème, c'est que, si je peux le dire d'une manière un peu figurative, il ne supporterait pas d’être applaudi par Première ou Le Figaro.
Ou, comment le dire encore et encore plus simple: il n'assume pas son coté réac (au fond, la forme ce n'est que le fond) donc, il faut bien qu'il le cache


Je ne trouve pas que son montage permet de cacher son côté réac.
Au contraire même. Les coupes que j'ai en tête pourraient permettre d'arrêter de jouer au confus.

Après, t'as peut être raison : Dumont fuit potentiellement un succès critique venant de gens qu'il déteste et massacre son film pour mieux jouer à l'incompris.
Une autre facon de faire, après Lars Von Trier qui a très mal vécu que son Melancholia plaise autant à Cannes et s'est donc sabordé autrement durant la conférence de presse :D
Après, cet exemple est aussi parlant pour moi, car : Melancholia est son meilleur film. Les Antichrist et Nymphomaniac, moins bien accueillis par tous, sont aussi très bien, mais donc je suis en désaccord sur l'idée de "l'un ou l'autre", mais jamais "l'un et l'autre".

Bref, arrêtons de nous demander si ça plaira au Figaro, demandons nous si ça nous plaira à nous avant tout. Ce que j'avance donne peut-être l'impression que j'ai des gouts dit "conventionnels". Pour moi ce sera un raccourci trop facile, et je reste sur ma position que Dumont est dans une impasse à jouer au con avec son montage (et surtout son scénario. c'est le problème principal : plus personne n'ose lui dire qu'il fait de la merde dès ce stade)
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B-Lyndon
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C'est dingue en vous lisant sur Dumont je m'aperçois que ce film (que j'avais complètement oublié) m'énerve encore rien que d'y penser. :D
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
jeu. 6 janv. 2022 16:08
C'est dingue en vous lisant sur Dumont je m'aperçois que ce film (que j'avais complètement oublié) m'énerve encore rien que d'y penser. :D
Comment dire... , "la faute à Bresson"

ps: Vers la fin de sa vie, Staline a laissé une enveloppe à ses camarades du Politburo. Ils leur a dit : quand je vais mourir, s'il vous arrive des problèmes graves, ouvrez l'enveloppe et lisez la lettre.
La crise des missiles à Cuba arrivent. Ses camarades ouvrent l'enveloppe et lisent la lettre. Il a été écrit : "C'est la faute à Staline".

Dumont ? "C'est la faute à Bresson" quoi :D
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tyra
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Rapidement, deux choses :
- Quelque chose s'est perdu en route dans le cinéma de Desplechin, et c'est flagrant avec ce film, puisqu'il revient à quelques formules qui ont fait sa "gloire" dans les années 90. Ainsi le film s'ouvre par exemple dans les loges d'un théâtre, où Léa Seydoux nous parle face caméra pour lancer le récit, comme le faisait par exemple Emmanuelle Devos dans Comment je me suis disputé . Réactivation des vieux schémas littéraires, romanesques comme on dit, mais qui me paraissent complètement à bout de souffle. Mais en plus de cela, le film ressasse les dernières obsessions du cinéaste, notamment sur les juifs et Israël, se cachant encore une fois derrière une "figure" de l'intellectuel juif (Philipp Roth ici, c'était Claude Lanzmann dans Ismaël) donnant des scènes fatigantes voir gênantes.
- Autre problème : je pense que le cinéma de Desplechin, qui est à la base assez égocentrique, se sort souvent du piège du nombrilisme par une forme chorale, en faisant vivre une galerie de personnages souvent forts qui équilibrent le film, tissant une toile où les extrémités sont tenues par les seconds rôles qui soutiennent l'ensemble. Ici, le centre de gravité reste Podalydès, irrémédiablement, quand bien même la ribambelle de femmes qui apparaissent à l'écran arrivent à exister, c'est toujours pour mettre ce personnage principal au centre. D'ailleurs celui-ci n'est pas très intéressant, ni héroïque ni infame, juste lâche et plein de petitesses, juste bon à recevoir les plaintes de ses maitresses dont on se demande ce qu'elles ont pu lui trouver.
Il est notable que Desplechin abandonne Amalric pour jouer ce rôle, acteur probablement trop grand pour un si petit personnage et un si petit film.
Kahled
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Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 18:04

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Bloody Hell, Alister Grierson (2020)

Série B qui casse pas 3 pattes à un canard mais qui se regarde sans grand ennui.

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House of Gucci, Ridley Scott (2021)

Il y a un décalage entre le sujet du film (la famille quasi-mafieuse, la mode, le bling-bling) et le ton avec lequel il est abordé, sans gros coup d’éclat (pas même quand arrive LE moment fatidique) et avec une sobriété générale qui donne un peu l’impression que le film passe à côté de son sujet (alors qu’à mon avis, pas vraiment, en fin de compte le film traite tout ce qui doit l’être). Du coup il y a quand même une certaine frustration, celle d’avoir assisté à un acte manqué dans les choix de mise en scène de Scott mais le film a une mécanique tellement huilée que je n’ai pas pu m’empêcher de regarder ça avec intérêt en me demandant comment l’histoire allait en arriver jusque là (je connaissais l’assassinat et le commanditaire mais je n’avais aucune idée des motivations de ce dernier). Plutôt emballé en fin de compte (et supers acteurs y compris Jared Leto dont le personnage ridicule m’a attiré quand même de la compassion).

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De son vivant, Emmanuelle Bercot (2021)

Symptomatique de tout ce que je déteste dans le cinéma « médico-social » français d’aujourd’hui : ça aime pleurer et du coup faire pleurer (facilement), ça se croit délicat et sensible alors que c’est neuneu et ça enchaîne tous les clichés faciles et pas permis de la maladie, celle-ci n’étant jamais montrée, le film préférant s’intéresser à des histoires de famille médiocres plutôt qu’à la frontalité avec laquelle il aurait dû aborder la fin de vie du personnage avec tout ce qu’elle implique comme dénuement physique (on est loin par exemple du 120 battements par minute de Robin Campillo). J’aime plutôt bien Emmanuelle Bercot comme cinéaste d’habitude, elle n’a jamais été géniale mais elle a toujours su traiter les sujets qu’elle abordait dans toute leur complexité. Mais là elle est passée clairement du mauvais côté de la barrière.

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Madres Paralelas, Pedro Almodovar (2021)

Un peu moins bien que son précédent film, le superbe Douleur et Gloire. Celui-ci est clairement plus dans la veine de Julieta mais il confirme à nouveau le virage qu’a pris Almodovar en choisissant davantage l’épure et la sobriété de la mise en scène à la flamboyance et aux envolées mélodramatiques qu’on lui a connu par le passé. Le film en offre deux en un, deux intrigues parallèles, la première (qui questionne la mémoire franquiste) délaissée (ou plutôt mise en suspend) au profit de la seconde (plus almodovarienne avec son beau double portrait de femmes et de mères, d’abord amies puis amantes) avant que les deux ne se rejoignent définitivement sur le dernier quart qui tend, symboliquement, à unifier trois générations dans un devoir de mémoire collectif. Bref, narrativement Almodovar est ici plus linéaire que par le passé mais cette linéarité est d'une maîtrise totale dans le déploiement de son récit, le cinéaste semblant plus sûr que jamais de ses procédés de mise en scène. Et ça lui va très bien.

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Où est Anne Frank !, Ari Folman (2021)

Le dernier Ari Folman semble visiblement être passé inaperçu et c'est plutôt dommage parce que s'il n'atteint pas la puissance vertigineuse de son précédent film, Le Congrès, il est, en ces temps troublés, un film digne qui me parait essentiel en questionnant (tout comme le Almodovar d'ailleurs tiens) l'importance du devoir de mémoire en désacralisant l'histoire d'Anne Frank, muséifiée, et en redonnant à son histoire toute la vie qu'elle mérite pour mieux questionner notre présent, en l’occurrence le rapport entretenu par les pays européens vis-à-vis des migrants. Le parallèle, casse-gueule, est ici abordé avec un tel optimisme (notamment vis-à-vis de la jeunesse, encore une fois) que Folman parvient, modestement, à réussir son film, malgré sa naïveté sous-jacente.

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Game Night, John Francis Daley et Jonathan Goldstein (2018)

J'ai revu pour la seconde fois cette superbe comédie nocturne, pleine d'entrain et de mouvement. Un couple de geeks (Jason Bateman et Rachel McAdams, plus sublime que jamais) organise régulièrement des soirées jeux avec d'autres couples d'amis et un jour, le frère du premier (Kyle Chandler, superbe de suffisance) débarque en décidant de dynamiter le concept et en proposant également sa propre soirée avec un jeu de rôles qui va déraper de manière assez inattendue. Le film est ludique, joyeusement retors et ne néglige absolument aucun de ses personnages, jusqu'au plus tertiaire (quand bien même c'est les deux têtes d'affiche qui sont au centre des réjouissances), accordant à tous suffisamment d'espace à l'écran pour déployer généreusement un réseau hallucinant de gags, de micro-vannes et de sous-intrigues sans que ça ne soit à aucun moment indigeste, les deux réalisateurs pensant chacune de leur scène de telle sorte à exploiter au maximum le ludisme et le potentiel comique de leur concept. Au niveau du ton, on n'est parfois pas loin de la screwball comedy et le film multiplie à l'excès mais avec beaucoup de vitalité les références à la culture populaire, entre clins d'oeil et reprises de scènes cultes mais en n'oubliant absolument JAMAIS d'être un film qui existe par lui-même et pour lui-même, jamais écrasé par ses références (qui apportent une dimension ludique supplémentaire mais qui pourraient tout aussi bien ne pas être là sans que ça ne change fondamentalement le film). Je le reverrais bien volontiers à nouveau.

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West Side Story, Steven Spielberg (2021)

J’avais trouvé l’original de Robert Wise plus que moyen avec sa mise en scène dépassée, de mémoire assez plan plan et ça serait un euphémisme de dire que je n’abordais pas cette nouvelle version avec un grand enthousiasme, Steven Spielberg ou pas à la barre. Les quelques réserves que j’avais au début se sont vite envolées. Spielberg n’étant pas Wise, c’est donc un vrai cinéaste qui propose cette nouvelle version et non un simple faiseur et cette différence montre bien que ça peut radicalement changer un film tant sa mise en scène est ici alerte, précise, jamais figée, plus narrative que jamais (chaque morceau musical faisant sens vis-à-vis du déploiement de la narration) et s’inscrivant dans un contexte social d’actualité en prenant à bras le corps les problématiques du pays (entre tensions raciales et pauvreté ambiante des classes populaires), problématiques questionnées en permanence par la mise en scène, plus dialectique que jamais (en ce sens, le morceau America est un modèle du genre) chose que ne faisait pas Wise dont le seul but semblait visiblement de se servir du contenu de l’histoire et de la conception musicale de Bernstein et Sondheim comme simple prétexte à un exercice filmique techniquement impressionnant avec sa promotion de la Panavision 70 et du Technicolor. Spielberg ancre son film dans les années 1960, se référant en permanence au classicisme du cinéma américain de l’époque, jusque dans son énième collaboration avec Kaminski qui livre ici l’une de ses meilleures photographies, granuleuse, rétro mais jamais désuète, pleine de vie et ancrant le film dans un New-York populaire débordant de vitalité (bien plus que celui de Wise) en dépit de sa déchéance ambiante avec ses rues sales, sa ferraille, ses ruines et ses volutes de vapeur constantes. Bref, la ville est un personnage à part entière, quasi palpable, condition sine qua non pour réussir un tel film qui se veut géographiquement bien identifié, et cela fait donc entrer le film dans une dimension que ne prenait pas en compte celui de 1961 : celle de l'authenticité (je ne sais pas si celui-ci avait été tourné dans des décors réels ou en studio mais dans un cas comme dans l'autre, le problème vient donc de la mise en scène). J'ai lu pas mal de choses assez déplorables sur cette nouvelle adaptation, les gens lui reprochant souvent son statut de remake sans s'interroger sur ce que cette version apporte de plus vis-à-vis du film original (réponse : considérablement plus). Concernant les chansons, si elles m’avaient complètement indifférer dans le film original au point de complètement les oublier (sans exception, c'est dire si le film ne m'a pas marquer), je les ai trouvées pleines d’entrain chez Spielberg, bien plus musicales et si je ne les retiendrai peut-être pas toutes (c'est très rare en ce qui me concerne avec les comédies musicales, genre qui possède ses propres limites dont celle-ci), certaines me resteront définitivement en mémoire à l’avenir. Bref, j’ai adoré et je crois que je pourrais en parler encore plus (notamment sur le fait que l'actrice qui joue la nouvelle Anita livre la plus belle prestation du film et que l'idée de reprendre Rita Moreno, qui jouait Anita en 1961, dans le rôle de Valentina aujourd'hui est l'une des plus belles idées du film).
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asketoner
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Dans ma chambre d'hôtel, j'ai allumé la télé et j'ai vu un gros morceau de :

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Rock n'roll, Guillaume Canet, 2017

J'ai été sidéré par la débilité de ce film. Le pire, c'est que Canet n'a aucun scrupule à se montrer minable, creux et d'une bêtise abyssale. En fait, il ne craint tellement rien qu'il ne fait aucun effort, ni de cinéma, ni de séduction pour nous entourlouper. C'est le film de quelqu'un pour qui tout est acquis. On y voit Johnny Hallyday ajouter des bûches dans la cheminée en chantonnant "Allumer le feu", un réalisateur demander à un acteur de se mettre torse nu pour faire des mines dégoûtées devant son ventre flasque, et une femme quitter son mari parce que ses lèvres sont gonflées. D'ailleurs on ressent beaucoup de solitude chez Canet, à qui personne ne dit de couper quand il se répète ou quand ses blagues ne fonctionnent pas. Il est en roue libre, personne ne le regarde, personne ne lui parle. De toute façon, personne ne semble avoir pensé que ce film serait vu, il n'a pas été fait pour être vu, seulement pour contenter son auteur.
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
ven. 7 janv. 2022 23:06
Dans ma chambre d'hôtel, j'ai allumé la télé et j'ai vu un gros morceau de :

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Rock n'roll, Guillaume Canet, 2017

J'ai été sidéré par la débilité de ce film. Le pire, c'est que Canet n'a aucun scrupule à se montrer minable, creux et d'une bêtise abyssale. En fait, il ne craint tellement rien qu'il ne fait aucun effort, ni de cinéma, ni de séduction pour nous entourlouper. C'est le film de quelqu'un pour qui tout est acquis. On y voit Johnny Hallyday ajouter des bûches dans la cheminée en chantonnant "Allumer le feu", un réalisateur demander à un acteur de se mettre torse nu pour faire des mines dégoûtées devant son ventre flasque, et une femme quitter son mari parce que ses lèvres sont gonflées. D'ailleurs on ressent beaucoup de solitude chez Canet, à qui personne ne dit de couper quand il se répète ou quand ses blagues ne fonctionnent pas. Il est en roue libre, personne ne le regarde, personne ne lui parle. De toute façon, personne ne semble avoir pensé que ce film serait vu, il n'a pas été fait pour être vu, seulement pour contenter son auteur.


Je connais plusieurs personnes très sérieuses, que je respecte dans leur gout, qui soutiennent que ce film de Canet est un grand film incompris, peut-être même par son propre auteur, bref une anomalie dans sa filmographie.
Je suis, depuis, ultra méga hypé pour le regarder :D
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JanosValuska
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Le magicien d'Oz - The wizard of Oz - Victor Fleming - 1939

Je n'arrive pas à aimer cela.
Enfin, c'est mignon, quoi.

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L'ennemi public - The public enemy - William A. Wellman - 1931

Très beau film de gangsters du début des années 30, pré-Code donc, dans la veine de Scarface, d'Howard Hawks et Le petit César, de Mervyn Leroy. Avec un James Cagney habité et magnétique dans un rôle sur-mesure qui ressemble à celui qu'il arborera plus tard dans Les fantastiques années 20, de Raoul Walsh. Le recit se deroule sur une quinzaine d'années à Chicago, un peu avant puis surtout pendant la prohibition. Le film est âpre, sans pitié, n'hésitant pas à brosser le portrait de deux frères que tout oppose, l'un gravissant les échelons de la contrebande et du crime tandis que l'autre part sur le front de guerre, tout en leur offrant de sombrer vers le néant, la folie ou la mort. Le visage de cette mère au centre, dévouée et désespérée, est sans aucun doute la douce émotion d'un film par ailleurs très sec, carré, brutal où Wellman fait déjà des miracles d'un point de vue visuel (l'appartement assiégé, la pluie de la vengeance...) mais aussi par quelques images chocs : Le final, d'une violence et d'une noirceur terrible. Un film qui en somme pose bien les bases, d'un genre et d'un auteur.

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Cœur fidèle - Jean Epstein - 1923

C'est un film d'une tristesse déchirante. Littéralement habité par un regard, celui de Gina Manes. Elle y incarne une orpheline, réfugiée chez des simili Thenardiers du Vieux Port qui l'exploitent comme serveuse. Elle est promise à Petit Paul, agressif et alcoolique qu'elle deteste, mais n'a d'yeux que pour Jean, un ouvrier, autre oublié qui l'aime tout aussi passionnément.
Mais à cette mélancolie permanente se superpose une image vive, toujours en mouvement, secouée d'effets et de tentatives d'une audace folle. Notamment de magnifiques gros plans et surimpressions dont est coutumier Epstein.
Ce récit de manège tragique est aussi dense qu'il est classique. Et Epstein en tire un pur manifeste d'avant garde.

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Eden - Mia Hansen-Løve - 2014

Etant donné que j'adore absolument tous les films de Mia Hansen-Løve je tenais à redonner une chance à celui-ci qui m'avait un peu déçu en salle à l'époque. J'ai bien fait, j'ai trouvé ça magnifique. C'est son Inside Llewyn Davis, en fait.

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Tricheurs - Barbet Schroeder - 1984

Après la claque The Card counter, j'ai pensé que c'était le bon moment pour découvrir ce Schroeder qui se déroule aussi dans l'univers des casinos. Cette fois moins autour du poker que de la roulette. C'est un beau film sur un homme dévoré par le jeu. Voire dévoré par la sensation de perdre. "Tout est plus beau quand j'ai perdu". Le parfait pigeon des casinos, en somme. Puisque s'il gagne, Elric (Jacques Dutronc) relance systématiquement ses gains, de façon compulsive : Il faut le voir courir de table en table, en sueur, et y balancer ses jetons : terrifiant. Et il perd souvent tout, inéluctablement. Une première rencontre le fait se raccrocher à la chance, une superstition autour du chiffre 7 arboré par une autre joueuse, Suzie (Bulle Ogier) qu'il croise autour d'une table à Madère. Le tandem qu'ils vont former ensemble est aussi beau que troublant, comme si deux aimants s'étaient trouvés. C'est pourtant une autre rencontre qui va un temps les séparer. Elric va croiser la route de Jorg, tricheur professionnel, qui va l'embarquer dans ses combines. Jorg ne sera que moteur de ce glissement puisque c'est avec Suzie, qu'Elric retrouve plus tard, qu'il va se lancer dans un autre système de triche. Il y a le fantasme d'un château au bord du lac Leman mais ce n'est jamais une fin en soi. Le happy end masque un ton nettement plus grave tant il est évident qu'Elric, dépendant à la perte, reviendra au jeu très vite, aux tables d'Annecy. La mise en scène de Schroeder colle au personnage, tant elle aussi répétitive et monocorde (d'un classique froid, élégant mais troublant) que lumineuse et insondable - notamment dans son utilisation des ellipses, sa captation très étrange des lieux et sa photo instable résultante légitime de l'instabilité de son personnage. Pour ne pas dire de son cinéaste, qui après ses films emblématiques de la culture hippie (More & La vallée), un docu sur Idi Amin-Dada, un film autour du sadomasochisme et un autre autour du jeu, s'envolera bientot pour Hollywood.

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Snow - Geoffrey Jones - 1963

Le film rêvé : Des trains, de la neige, des trains fendant la neige, des paysages blancs, des mécanismes, de la vitesse, le confort des passagers face au labeur des cheminots. Et un montage frénétique, empruntant bien plus à Vertov et L'homme a la caméra qu'aux Lumières et L'arrivée d'un train en gare de la Ciotat. Une rafale d'images prises sur les chemins de fer anglais durant l'hiver, calées sur le Teen beat de Sandy Nelson, par Johnny Hawksworth, réarrangé à deux fois sa durée dans un tempo hyper rapide. Ça dure huit minutes et c'est fabuleux.

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Measuring change - James Benning - 2016

Le film s’ouvre sur un carton à la temporalité très précise : 28 décembre 2015. 8.57AM. Le premier plan dévoile La spirale Jetty, asséchée, sur une plage de Salt Lake City. Il s’étend sur trente minutes. Il y a une fixité totale puisque la mer semble loin. Si loin et sombre, qu’elle ressemble à un mur de pierres. Le ciel, lui, est bleu azur, il n’offre aucun changement de luminosité. C’est le vent qui imprime de la variation. Le vent et le retentissement d’un avion de chasse qui un moment donné passe brièvement, hors champ. On aperçoit une terre montagneuse, au loin. Un continent ? Des îles ? Il faudra attendre quinze minutes pour voir apparaître un vrai mouvement, un corps dans le cadre. Il emprunte la spirale, vogue entre les roches au gré des bourrasques. Puis, une autre silhouette, quelques instants plus tard, l’imite. Puis d’autres encore. Qui arpentent cet escargot de pierres avant de quitter les lieux, le plan.

Un nouveau carton fait son apparition : 3.12PM. Suivi du même plan, d’un autre paysage. Les « îles » ont quasi disparu, ne restent que des ombres lointaines. Le sable s’est noirci, il semble humide, comme si la marée était montée et s’était déjà retirée. Entre temps il a aussi neigé. Le gris s’est emparé du plan. Seul le vent n’a rien changé de sa valse. L’apocalypse semble avoir eu lieu. Le peu de mouvement se situe dorénavant dans le ciel : Des nuages qui apparaissent ou se craquellent. Si lentement qu’il est difficile de le percevoir en temps réel. Un groupe de personnes viendra à nouveau habiter le plan. Se promener autour de la spirale, pour finalement s’en éloigner, comme s’ils la fuyaient mystérieusement. Elle était source de jeu et de fascination dans le premier plan. Elle devient invisible, méprisée dans le second. Les trois silhouettes iront bientôt se dissoudre dans le gris de l’horizon, avalés par un mirage entre sable et océan, tandis qu’un autre bruit de moteur d’avion aura fermé la boucle.

C’est un film sur le pouvoir du hors champ. Que s’est-il passé en l’espace de six heures ? N’est-ce vraiment qu’un changement de temps et de marée ? Dans BNSF le hors-champ c’est le modèle (Le train) quand le temps, lui, se déroule sans montage, sans cassure. Dans Measuring change, c’est l’inverse : Le temps crée du hors champ quand le modèle (La spirale Jetty) ne bouge pas. Il ne faut plus un plan, mais deux, pour le voir. Il faut un cut au noir de dix secondes (sur lequel reste imprimé le bruit du vent) en son mitan, concentrant six heures. Sans doute la plus belle idée du film. Idée que Benning n’avait jamais déployée, semble t-il. C’est un beau prolongement de Casting a glance (qui déjà captait des images de cette spirale sur quatre décennies, sans jamais utiliser le plan classique d’ensemble utilisé ici) au même titre que BNSF était un prolongement de RR. Des versions hardcore. L’ascétisme de Benning est ici à son point de rupture.
len'
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Matrix Resurrections de Lana Wachowski

La première moitié du film laisse penser qu'il s'agit d'un film sur la dépression, mais la deuxième rétablit la vérité : c'est le film lui-même qui est dépressif. Les scènes d'action, les dialogues, la matrice comme le monde réel, Keanu Reeves qui arbore le même visage défait du début à la fin, peu importe où il se trouve, peu importe avec qui. Tout est effets vus ailleurs, tout sonne creux, y compris l'amour entre Neo et Trinity qui ressemble à un fantasme mâtiné de nostalgie. Les images les plus belles ne sont-elles pas les résurgences des premiers Matrix, avec son teint verdâtre identifié, ses ralentis jusqu'à l'extrême, ses visages fripés par les chocs ? Le premier volet incarnait le début d'une nouvelle ère parmi les blockbusters, et ce Resurrections en annonce la fin. Beaucoup considéraient que le premier était visionnaire, mais celui-ci l'est pourtant bien davantage puisqu'il enterre un cinéma nourri de références au moment où un autre film, sorti quasiment en même temps, fait un carton grâce à cette idée éculée (l'illusion fonctionne toujours en donnant la fausse apparence de la nouveauté, mais jusqu'à quand ?) Toute la force de ce Resurrections - à son insu - c'est d'apporter un certain malaise là où on s'attendait à une révolution ou au moins à une nostalgie heureuse (ce que recherche avant tout Lana Wachowski,  hantée par la mort de ses parents). Le malaise est d'autant plus troublant que l'identification du spectateur qui a grandi avec Matrix, qui s'est cru l'élu derrière son écran au moment de l'explosion d'internet, est ici confronté à sa propre dépression et à son impuissance face à un metaverse encore en devenir et déjà condamné au cul-de-sac existentiel. Matrix était le choix entre deux pillules jusqu'à faire oublier la troisième voie qui consistait à ne pas en prendre du tout, et il le faisait oublier parce qu'il faisait du cinéma. Ce matrix-là, en oubliant de faire du cinéma, fait mal parce qu'il n'est plus que reflet dans un écran, expression fantomatique de notre propre finalité et vacuité.
Heureusement que, pour nous réconforter un peu, le papa des blockbusters sort aussi son film basé sur une histoire vue et revue. Mais il fait du cinéma, et c'est là que naît l'espoir.
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asketoner
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Tamponn Destartinn a écrit :
sam. 8 janv. 2022 18:36
asketoner a écrit :
ven. 7 janv. 2022 23:06
Dans ma chambre d'hôtel, j'ai allumé la télé et j'ai vu un gros morceau de :

Rock n'roll, Guillaume Canet, 2017

J'ai été sidéré par la débilité de ce film. Le pire, c'est que Canet n'a aucun scrupule à se montrer minable, creux et d'une bêtise abyssale. En fait, il ne craint tellement rien qu'il ne fait aucun effort, ni de cinéma, ni de séduction pour nous entourlouper. C'est le film de quelqu'un pour qui tout est acquis. On y voit Johnny Hallyday ajouter des bûches dans la cheminée en chantonnant "Allumer le feu", un réalisateur demander à un acteur de se mettre torse nu pour faire des mines dégoûtées devant son ventre flasque, et une femme quitter son mari parce que ses lèvres sont gonflées. D'ailleurs on ressent beaucoup de solitude chez Canet, à qui personne ne dit de couper quand il se répète ou quand ses blagues ne fonctionnent pas. Il est en roue libre, personne ne le regarde, personne ne lui parle. De toute façon, personne ne semble avoir pensé que ce film serait vu, il n'a pas été fait pour être vu, seulement pour contenter son auteur.


Je connais plusieurs personnes très sérieuses, que je respecte dans leur gout, qui soutiennent que ce film de Canet est un grand film incompris, peut-être même par son propre auteur, bref une anomalie dans sa filmographie.
Je suis, depuis, ultra méga hypé pour le regarder :D

Ok, mais d'abord il faut regarder : Image pour vraiment bien comprendre :D
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asketoner
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Residue, Merawi Gerima

C'est dommage, le cinéaste faisait presque le choix du cinéma (même s'il semble encore un peu fasciné par ses propres effets, obsédé par son style), et puis à la toute fin c'est le scénario qui l'emporte. Il y avait pourtant une très belle façon de mettre en scène le souvenir, d'en convoquer les images depuis celles du présent, de faire se chevaucher, se confondre les temps, les voix, les réalités, d'abolir l'espace réaliste pour en former un autre, plus sensible, ou perceptif, comme dans cette scène très belle où le héros retrouve un ami d'enfance en prison, et où les moments de parloir se collent, dans la continuité du dialogue, à des moments de forêt... Ou cette autre scène, réellement merveilleuse, où le héros tapote par ennui sur une chaise, dans le demi sous-sol où il vit, et où la caméra cherche la porte, et par la porte laisse entrer le passé, les visages du passé, l'enfance perdue. Mais à la fin, rien ne va plus, on est tout de même aux Etats-Unis, il faut encore que la morale vienne résoudre quelque chose, en dépit des personnages, de leur liberté, de leur souffle singulier. Il faut que l'article de journal prenne le pas sur le film, que l'histoire ait une finalité, et tant pis si pour cela on laisse le héros commettre un acte ridicule, totalement hors de propos.

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Guanzhou, une nouvelle ère, Boris Svartzman

Excellent documentaire montrant l'expropriation difficile des paysans d'une petite île de Canton, forcés de rendre à l'état les terres de leur collectivité pour que se construisent à la place des tours dites écologiques. Leurs maisons ont été détruites, mais, insatisfaits du traitement qui leur est réservé, ils persistent à vivre parmi les ruines, traînant leurs souvenirs, leur pauvreté, leurs souffrances physiques, leur désespoir et leurs revendications au milieu des mauvaises herbes, continuant de cultiver quelques papayes et deux ou trois légumes, pour tenir, sans espoir réel. L'articulation entre la parole et les moments plus contemplatifs est très réussie, le film réussissant à ne jamais se contenter de son esthétique, et à tenir un propos clair et précis sur un fait qui est loin d'être isolé, puisque la Chine s'est presque totalement séparée de sa ruralité en quelques années. Et plus le propos est précis, plus ce qu'on ressent est vaste : on voit des êtres humains tenter d'habiter un lieu qui s'effondre, contre les décisions des autorités, vivant dans la folie d'un refus qui n'est pas un déni mais une lutte.
Kahled
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Belle, Mamoru Hosoda (2021)

J’ai bien aimé, cependant je pense que c’est celui qui m’a le moins convaincu de la part de Mamoru Hosoda (il faudrait que je revois La traversée du temps et découvre enfin Summer Wars). Mais j’attends de voir comment il va mûrir car j’aime quand même beaucoup de choses dans ce qu’il propose. Déjà, en tant que réalisateur d’animés, j’aime comment Hosoda s’affirme définitivement comme l’un des cinéastes les plus modernes de sa génération, il a définitivement compris les enjeux de cette époque qui consacre la technologie et les réseaux sociaux comme nouvelle manière de vivre et s’il est conscient des limites qu’ils présentent (entre la culture du paraître et la recherche effrénée de la popularité) il est, à l’inverse, d’autant plus conscient des opportunités qu’ils ont également à offrir au point de livrer l’un des films les plus optimistes qui ait pu être fait sur le sujet sans jamais pour autant tomber dans l’inconséquence béate et la promotion malsaine de ce que l’on nomme vulgairement les NTIC (d’ailleurs, en y réfléchissant, je me demande en fin de compte quel autre film a, à ce point, présenté cette technologie et donc cette époque sous un versant aussi positif au-delà du regard critique qu’il ne manque pas d’adopter) et les personnages qu’il met en scène finissent définitivement par s’émanciper et venir en aide aux autres par le biais d’une virtualité qui ne leur fait plus fuir la réalité mais les aident au contraire à mieux l’appréhender puis à l’affronter, les avatars proposés n’étant pas des versions fantasmées et irréelles des personnages (comme ce que proposait Ready Player One par exemple) mais des créations qui dévoilent leur identité profonde et le potentiel qu’ils ont à offrir au monde : c’est peut-être la plus belle idée du film (concrétisée par le fait que l’avatar créé se calque sur les données biométriques de son utilisateur et que celui-ci peut à tout moment perdre son anonymat, proposition de cinéma d'une ingéniosité totale que le cinéaste va brillamment mettre en scène dans son dernier acte). Par ailleurs, je ne m’attendais pas à ce qu’Hosoda par sa relecture de La Belle et la Bête, s’approprie à ce point le conte initial pour en livrer une version qui délaisse la romance qu’on aurait pu s’attendre à avoir en adoptant un angle tout nouveau, avec un sujet (que je ne dévoilerai pas) aussi grave et aussi tristement courant. Sacré choix de sa part (Disney prenez-en de la graine !) mais qui est en fin de compte cohérent avec ce qu’il a pu offrir avec ses autres films. C’est aussi un film riche dans ce qu’il propose d’un point de vue narratif. Suzu est le personnage principal mais Hosoda fait graviter autour d’elle tout un réseau de personnages, de sa meilleur amie Hiro jusqu’aux cinq femmes qui font partie de sa chorale en passant par sa prétendue rivale, son ami d’enfance constamment présent, effacé d’abord puis soutien moral définitif par la suite ou encore son père, en retrait, évoluant à côté, rarement à l’écran et davantage en hors-champ, mais remarquable justement par son absence et par ce que cette absence souligne des rapports père-fille et d’un deuil difficilement surmonté. Et tout ce réseau de personnages, disparate, va se constituer en collectif dans un dernier acte émancipateur dans lequel Hosoda n’oublie personne. Bref, il livre un film superbe d'abondance de fils narratifs entrelacés, qui prend le temps de se construire et de dévoiler ses enjeux et c’est aussi ce qui en fait un film réussi.

Cela étant dit, je suis bien plus sceptique sur certains de ses choix esthétiques. Déjà, j’ai trouvé que l’univers qu’il donne à voir avec le monde virtuel de U est assez pauvre en terme d’idées visuelles. Cet univers parallèle est censé être le moteur du film, celui qui pousse ses personnages vers l’avant, et si l’idée est effectivement belle, sa concrétisation à l’écran est malheureusement décevante malgré quelques belles trouvailles visuelles (avec par exemple, de la même manière que ce qu’Hosoda avait proposé avec Le Garçon et la Bête, ce motif récurrent de la baleine qui revient en permanence, ici comme représentation de la force vitale du personnage de Suzu). Et c’est d’autant plus regrettable que la principale vertu de l’animation est de s’affranchir des contraintes techniques pour permettre une représentation sublimée du monde et du point de vue du cinéaste. Ici, malheureusement, Hosoda ne fait pas grand chose de ce potentiel pourtant prometteur, d’une part au regard du sujet et d’autre part au regard de ce qu’il a lui-même déjà prouvé par le passé en tant que cinéaste ayant un sens affiné du visuel (le monde des Bêtes dans Le Garçon et la Bête ou la matérialisation de la psyché et des peurs d’un petit garçon dans Miraï, ma petite sœur). Bref, c’est un peu regrettable, et sans aller jusqu’à parler de plantage (encore une fois Hosoda propose quand même de très belles choses), il y a clairement une opportunité de manquée. Deuxième chose et pas des moindres à mon goût : les chansons. Elles ne manquent pas de vitalité mais malheureusement ça reste de la soupe et si c’est aussi gênant c’est parce qu’elles ont une place importante dans le film, d’une part parce qu’elles sont ce qui permet au personnage de Suzu de s’épanouir et d’autre part car c’est avec elles qu’elle va, dans le dernier acte, décider de se révéler au monde pour apporter son aide. Le film aurait été plus travaillé sur ces deux niveaux (visuel et sonore), Hosoda aurait livré son chef d’œuvre. Cela n'est pas le cas mais cette proposition n'en demeure pas moins hautement réjouissante.
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asketoner
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Neige, Juliet Berto & Jean-Henri Roger, 1981

Un film qui a le mérite de montrer Paris telle que les artistes la vivaient, et pas comme les bourgeois voulaient la voir. Ca aurait pu être une très belle déambulation nocturne à Pigalle, malheureusement la drogue vide les scènes de tout enjeu et de toute durée. L'informe prend le pas sur l'informel.
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Tamponn Destartinn
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Les Magnétiques - Vincent Maël Cardona

Deux très belles scènes de composition musicale en direct, surtout la seconde à la radio. Rien que pour elles, le film vaut le coup, mais mon souci est que peut-être qu'en comparaison, le reste du film me parait trop sage. C'est un beau témoignage d'une époque que je n'ai pas connu et que me fascine, notamment pour le service militaire obligatoire, mais quelque chose m'a manqué pour me sentir vraiment embarqué. Je pense que le problème vient de la relation fraternelle. Le frère n'est pas du tout développé, toutes les scènes avec lui sont les mêmes et son acteur est bof, donc très vite l'intérêt de cette intrigue se perd. Et comme il en fait le coeur de son film...


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Bac Nord - Cédric Jimenez

C'est dommage que SSJack ne vienne plus ici, depuis le temps qu'il veut que je le vois, son putain de film :D :D
Sur la grande question du film fasciste ou pas, je ne suis pas encore décidé, figurez-vous. Mais du coup je trouve que la question se pose en effet.
En tout cas, j'ai été très étonné de la position héroïque, jamais écornée de ci de là, des personnages principaux. Pour moi, leur position de ripoux allait être un peu plus nuancée. Finalement non : les mecs ont une raison très précise de commettre une infraction, ils n'en font pas d'autres, et le pire est cette loooongue dernière partie d'agonie dans la prison pour bien insister sur le fait que celui qui connait l'indic pouvant confirmer leur "innocence" préfère croupir en taule que la balancer. A deux doigts de devenir des figures christiques, les gars. Et rien que ça, cet angle de scénario, c'est pas possible pour moi. Il y a 20 ans, on faisait aux US The Shield, qui posait la grande question du "moindre mal" avec des flics aux méthodes violentes et ultra ripoux, sans jamais défendre leur position mais en réussissant quand même à nous ouvrir à leur point de vue et à nous mettre en empathie. C'était plus franc, honnête et complexe, et encore une fois ça a 20 ans, quoi !
Ce qui sauve le film est en effet un certain savoir-faire de mise en scène. Notamment la grande attaque de milieu de film. Comme pour Les Magnétiques, j'ai envie de dire que ça vaut le coup rien pour cette scène. La différence est que c'est une scène que j'ai l'impression d'avoir déjà vu ailleurs, quand même. Ca n'empêche qu'elle est bien faite, mais c'est pas non plus un choc esthétique comme si c'était du jamais vu.
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groil_groil
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Formidable satire de l'époque qui tire à boulets rouges sur à peu près tout le monde, et qui le fait avec un sens de la dérision et une acuité permanents, et qui prennent encore plus de valeur au regard de l'ensemble de l'oeuvre de McKay, qui ne cesse de se bonifier, dans le sens ou il évolue vers des sujets de plus en plus sérieux, sans rien perdre de son acidité première, jadis associée à des potacheries jubilatoires. Les acteurs sont tous hilarants et géniaux, bien sûr ils en font tous trop, mais c'est le principe même de la satire que de pousser les potars à la saturation pour mieux mettre en valeur ce qu'il y a à dénoncer.


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Paul Thomas Andrerson est un cinéaste qui n'en finit plus de me surprendre. Je pensais ne jamais rien attendre d'un type dont je détestais tous les premiers films, jusqu'à There Will Be Blood inclus (c'est d'ailleurs l'un des pires) et le virage amorcé dans les années 2010 est vraiment satisfaisant car j'aime ses 4 derniers films, mais chacun plus que le précédent. Ainsi, Inherent Vice était meilleur que l'appréciable The Master, Phantom Thread encore plus réussi qu'Inherent Vice, et Licorice Pizza les enterre tous haut la main ! Dans les 3 premiers, je voyais encore des défauts des premiers films que je n'aime pas (de moins en moins), ce truc très américain de volontairement vouloir niquer son récit, le complexifier inutilement, le rendre nébuleux, pour montrer qu'on est un cinéaste "intellectuel", chose impensable en Europe car un cinéaste est intellectuel a priori. Et ce n'est plus du tout le cas sur ce lumineux Licorice Pizza, je pense le premier film où son auteur à totalement confiance en lui, puisque le film ne dit rien d'autre que ce qui nous est montré, et que cela suffit amplement à nous rassasier et à nous réjouir. Ce film vendu comme un teenage movie ou une rom com en empreinte certaines des codes, mais n'est vraiment ni l'un ni l'autre, il se contente de nous embarquer avec ses deux personnages dans le Los Angeles lumineux du début des 70's et nous donner l'impression, à la manière de grands cinéastes européens, de littéralement vivre avec ces personnages. J'ai pu lire des reproches voyant le film comme une ode au capitalisme entrepreneurial, je ne pense pas du tout, je pense qu'il s'agit juste de traiter la question du déterminisme, ou disons d'aller au bout de ce qui construit un individu, et par rapport à soi, et par rapport à l'autre. Ainsi ce gamin de lycée, âgé de 15 ans, qui croise une jeune femme de 25 et qui décide qu'ils seront amoureux. Ce n'est évidemment pas le coup de foudre de son côté à elle, mais lui va mettre le film entier à lui prouver qu'il a raison. C'est justement pour cela que le dernier plan du film est celui-là et pas un autre ! Et pour y parvenir, le gamin va entreprendre, c'est à dire construire une vie, la sienne, celle de la jeune femme, leur vie commune, passant de chanteur / danseur dans des revues de Broadway à créateur d'une boite de vente de matelas à eau pour finir tenancier d'une salle de flippers, tout ça avant d'avoir 16 ans, pas du tout pour épancher une soif de réussite, mais pour construire un environnement suffisamment attirant pour séduire la femme qu'il aime. C'est d'une pureté, d'un angélisme même, qui m'a donné un large sourire pendant les 2h15 du film. Dire aussi le génie du casting d'Anderson qui nous fait découvrir ici deux des comédiens les plus beaux que j'ai vus depuis des années. Il se trouve que lui est le film de Philip Seymour Hoffmann, et qu'elle est chanteuse dans un groupe féminin avec ses deux soeurs. Qui jouent le rôle de ses deux soeurs dans le film, et leurs parents jouent leurs parents. Ces acteurs géniaux sont beaux, splendides, car leurs physiques ne sont pas des physiques de cinéma, ils sont atypiques et donc uniques, et ils sont un reflet de la vie, de la vraie vie, celle qui est si palpable de ce film merveilleux.

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Le baroud d'honneur d'un maire d'une grande ville américaine pour se faire réélire. Le film de Ford est étonnant car très moderne, dans le sens où il ne cède à aucun des poncifs dramaturgiques alors en vogue dans l'industrie hollywoodienne. C'est un contraire un film analytique, très posé, parfois même un peu froid par tant de rigueur, qui déconstruit méthodiquement tout le procédé d'une campagne électorale puis d'une élection. Sous couvert de film froid et qu'on pourrait juger plat, il fait preuve au contraire d'une grande maitrise cinématographique pour déjouer l'attendu.

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Si j'ai moins souffert que la première fois, c'est uniquement parce que je savais à quoi m'attendre. ça reste et de loin le pire film de son auteur. Rien à sauver, peut-être la scène de baise collective dans l'avion qui est la seule où il doit y avoir un peu d'envie et une idée ou deux, sinon c'est le zéro absolu, à tel point qu'on se demande ce qui a pu le motiver pour faire ça...

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Vu avec le fils, et c'était ma foi un petit plaisir vintage et désuet bien agréable.

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Oui Boite Noire est un bon film, ultra prenant, et ça fait du bien de voir ça en France. C'est un thriller paranoïaque dans le milieu des enquêteurs et analystes de boites noires suite aux crashes d'avions. C'est bien, ambitieux et tout, même la fin est réussie, mais ce n'est pas transcendé (et donc transcendant) non plus. Déjà parce que le film ressemble beaucoup trop au Chant du Loup d'Antonin Baudry, sauf qu'au lieu d'enquêter auditivement sur un sous-marin on le fait sur un avion. Et ensuite, le film veut vraiment se la jouer "à l'américaine", il en reprend tous les codes, mais il ne s'en donne pas les moyens. ça manque de liant entre les scènes, entre les plans, c'est souvent un peu trop froid, pas assez fluide, un peu récité, la musique n'est pas assez fluide. Ce n'est pas grand chose, c'est juste du réglage, mais ces réglages mal calibrés empêchent Boite Noire d'être un grand film, même si c'est néanmoins une belle réussite.

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Autant j'espérai quelque chose du 1er et j'ai été monstrueusement déçu de voir quelle bouse s'était, autant je n'attendais vraiment rien du revisionnage du second et, je ne veux pas dire que j'ai été agréablement surpris, ça reste nul bien sûr, mais peut-être moins nul que ce que je redoutais. Y a moins de préchi-précha millénariste que dans le 1er et puis le film est plutôt marrant à partir de la scène du Mérovingien, c'est à dire toute la seconde partie, qui se divise elle-même en trois temps : la scène du Mérovingien (débile, mais ça me fait rire de voir Wilson et Bellucci là-dedans, ça amène un peu de déconne), la grande course poursuite sur l'autoroute (qui reste encore un modèle et qui inspire encore les cinéastes - récemment Nolan pour Tenet) puis la scène du maitre des clefs, qui apporte un peu de ludique là-dedans. Pas de quoi décintrer une banane hein, mais c'est moins pire que le sentencieux du 1er film.
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
lun. 10 janv. 2022 14:24
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Formidable satire de l'époque qui tire à boulets rouges sur à peu près tout le monde, et qui le fait avec un sens de la dérision et une acuité permanents, et qui prennent encore plus de valeur au regard de l'ensemble de l'oeuvre de McKay, qui ne cesse de se bonifier, dans le sens ou il évolue vers des sujets de plus en plus sérieux, sans rien perdre de son acidité première, jadis associée à des potacheries jubilatoires. Les acteurs sont tous hilarants et géniaux, bien sûr ils en font tous trop, mais c'est le principe même de la satire que de pousser les potars à la saturation pour mieux mettre en valeur ce qu'il y a à dénoncer.


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Paul Thomas Andrerson est un cinéaste qui n'en finit plus de me surprendre. Je pensais ne jamais rien attendre d'un type dont je détestais tous les premiers films, jusqu'à There Will Be Blood inclus (c'est d'ailleurs l'un des pires) et le virage amorcé dans les années 2010 est vraiment satisfaisant car j'aime ses 4 derniers films, mais chacun plus que le précédent. Ainsi, Inherent Vice était meilleur que l'appréciable The Master, Phantom Thread encore plus réussi qu'Inherent Vice, et Licorice Pizza les enterre tous haut la main ! Dans les 3 premiers, je voyais encore des défauts des premiers films que je n'aime pas (de moins en moins), ce truc très américain de volontairement vouloir niquer son récit, le complexifier inutilement, le rendre nébuleux, pour montrer qu'on est un cinéaste "intellectuel", chose impensable en Europe car un cinéaste est intellectuel a priori. Et ce n'est plus du tout le cas sur ce lumineux Licorice Pizza, je pense le premier film où son auteur à totalement confiance en lui, puisque le film ne dit rien d'autre que ce qui nous est montré, et que cela suffit amplement à nous rassasier et à nous réjouir. Ce film vendu comme un teenage movie ou une rom com en empreinte certaines des codes, mais n'est vraiment ni l'un ni l'autre, il se contente de nous embarquer avec ses deux personnages dans le Los Angeles lumineux du début des 70's et nous donner l'impression, à la manière de grands cinéastes européens, de littéralement vivre avec ces personnages. J'ai pu lire des reproches voyant le film comme une ode au capitalisme entrepreneurial, je ne pense pas du tout, je pense qu'il s'agit juste de traiter la question du déterminisme, ou disons d'aller au bout de ce qui construit un individu, et par rapport à soi, et par rapport à l'autre. Ainsi ce gamin de lycée, âgé de 15 ans, qui croise une jeune femme de 25 et qui décide qu'ils seront amoureux. Ce n'est évidemment pas le coup de foudre de son côté à elle, mais lui va mettre le film entier à lui prouver qu'il a raison. C'est justement pour cela que le dernier plan du film est celui-là et pas un autre ! Et pour y parvenir, le gamin va entreprendre, c'est à dire construire une vie, la sienne, celle de la jeune femme, leur vie commune, passant de chanteur / danseur dans des revues de Broadway à créateur d'une boite de vente de matelas à eau pour finir tenancier d'une salle de flippers, tout ça avant d'avoir 16 ans, pas du tout pour épancher une soif de réussite, mais pour construire un environnement suffisamment attirant pour séduire la femme qu'il aime. C'est d'une pureté, d'un angélisme même, qui m'a donné un large sourire pendant les 2h15 du film. Dire aussi le génie du casting d'Anderson qui nous fait découvrir ici deux des comédiens les plus beaux que j'ai vus depuis des années. Il se trouve que lui est le film de Philip Seymour Hoffmann, et qu'elle est chanteuse dans un groupe féminin avec ses deux soeurs. Qui jouent le rôle de ses deux soeurs dans le film, et leurs parents jouent leurs parents. Ces acteurs géniaux sont beaux, splendides, car leurs physiques ne sont pas des physiques de cinéma, ils sont atypiques et donc uniques, et ils sont un reflet de la vie, de la vraie vie, celle qui est si palpable de ce film merveilleux.

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Le baroud d'honneur d'un maire d'une grande ville américaine pour se faire réélire. Le film de Ford est étonnant car très moderne, dans le sens où il ne cède à aucun des poncifs dramaturgiques alors en vogue dans l'industrie hollywoodienne. C'est un contraire un film analytique, très posé, parfois même un peu froid par tant de rigueur, qui déconstruit méthodiquement tout le procédé d'une campagne électorale puis d'une élection. Sous couvert de film froid et qu'on pourrait juger plat, il fait preuve au contraire d'une grande maitrise cinématographique pour déjouer l'attendu.

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Si j'ai moins souffert que la première fois, c'est uniquement parce que je savais à quoi m'attendre. ça reste et de loin le pire film de son auteur. Rien à sauver, peut-être la scène de baise collective dans l'avion qui est la seule où il doit y avoir un peu d'envie et une idée ou deux, sinon c'est le zéro absolu, à tel point qu'on se demande ce qui a pu le motiver pour faire ça...

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Vu avec le fils, et c'était ma foi un petit plaisir vintage et désuet bien agréable.

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Oui Boite Noire est un bon film, ultra prenant, et ça fait du bien de voir ça en France. C'est un thriller paranoïaque dans le milieu des enquêteurs et analystes de boites noires suite aux crashes d'avions. C'est bien, ambitieux et tout, même la fin est réussie, mais ce n'est pas transcendé (et donc transcendant) non plus. Déjà parce que le film ressemble beaucoup trop au Chant du Loup d'Antonin Baudry, sauf qu'au lieu d'enquêter auditivement sur un sous-marin on le fait sur un avion. Et ensuite, le film veut vraiment se la jouer "à l'américaine", il en reprend tous les codes, mais il ne s'en donne pas les moyens. ça manque de liant entre les scènes, entre les plans, c'est souvent un peu trop froid, pas assez fluide, un peu récité, la musique n'est pas assez fluide. Ce n'est pas grand chose, c'est juste du réglage, mais ces réglages mal calibrés empêchent Boite Noire d'être un grand film, même si c'est néanmoins une belle réussite.

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Autant j'espérai quelque chose du 1er et j'ai été monstrueusement déçu de voir quelle bouse s'était, autant je n'attendais vraiment rien du revisionnage du second et, je ne veux pas dire que j'ai été agréablement surpris, ça reste nul bien sûr, mais peut-être moins nul que ce que je redoutais. Y a moins de préchi-précha millénariste que dans le 1er et puis le film est plutôt marrant à partir de la scène du Mérovingien, c'est à dire toute la seconde partie, qui se divise elle-même en trois temps : la scène du Mérovingien (débile, mais ça me fait rire de voir Wilson et Bellucci là-dedans, ça amène un peu de déconne), la grande course poursuite sur l'autoroute (qui reste encore un modèle et qui inspire encore les cinéastes - récemment Nolan pour Tenet) puis la scène du maitre des clefs, qui apporte un peu de ludique là-dedans. Pas de quoi décintrer une banane hein, mais c'est moins pire que le sentencieux du 1er film.





Je n'ai pas vu Les Amants passagers, mais de ce que j'ai compris de ce film, je me demande s'il n'a pas pour lui d'avoir été ultra important pour le réveil d'Almodovar. Genre il s'est vu foncer dans le mur, et il s'est dit "wow, je branle quoi là, faut que je me saisisse !"

Et pour Matrix, j'ai vécu pareil il y a un mois. Je suis donc curieux d'avoir ton avis sur le 3, parce que ce fut ma vraie grosse surprise perso (mon opus pref de très loin)
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groil_groil
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oui si ça a servi à ça on va dire que c'est un mal pour un bien :D
bizarre pour le 3, je te dirais, j'ai le souvenir d'un nanar (comme tout le monde :D)
I like your hair.
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
lun. 10 janv. 2022 14:56
oui si ça a servi à ça on va dire que c'est un mal pour un bien :D
bizarre pour le 3, je te dirais, j'ai le souvenir d'un nanar (comme tout le monde :D)
Il a pour lui de se passer plus que les autres dans le "vrai" monde. (enfin sauf le premier quart d'heure)
Pour certains, c'est une critique, pour moi, ça permet de s'éloigner de l'image verdatre, du mauvais gout esthétique en général. Je crois aussi plus aux enjeux de vie et de mort, c'est à dire que les longues bagarres ont au moins pour elle d'apporter ça, d'amener le sentiment que tout le monde peut y passer, et donc d'être plus viscérales. Et puis surtout, dans son fond, c'est une conclusion simple mais assez intelligente. J'en dis pas plus ici, tu verras bien.
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asketoner
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J'étais à la maison, mais... Angela Schanelec

C'est le syndrome du film biocoop : bien achalandé, bien rangé, mais un peu trop en accord avec le monde tel qu'il est pour être honnête. J'en ai vraiment marre des films où les gens n'arrivent pas à exprimer leurs émotions parce qu'ils vivent dans un pays riche. J'ai juste envie de leur dire : bon, faites au moins un effort. J'en ai marre aussi des films où les acteurs jouent un peu terne - on dirait qu'ils ont peur de jouer faux (comme si c'était vulgaire).
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