Le Centre de Visionnage : Films et débats

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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 9 mars 2022 11:15
mais il essaie.
C’est exactement ce que je me suis dit à la fin du film
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 9 mars 2022 11:15
(le personnage de Selim est légèrement raté.
Car très complexe donc, le plus interessant !
Résumons : Selim est rebeu, homo (même s’il ne s’assume pas) et, ET, se fait sucer par… une pute !! Puis, il y a cette explication (pas si naïve qu’on croit !) selon laquelle la plupart des jeunes qui sont parti pour le djihâd, étaient des puceaux (j’avais lu il y a une vingtaine d’année un excellent étude concernant le rapport entre le sex et la religiosité au sein des jeunes sortis de l’émigration maghrébine et c’était vraiment passionnant car c’était un vrai travail d’investigation).
Donc oui, il n’est pas ‘parfait’ comme personnage mais il est intéressant (perso, dès qu’elle j’ai vu Selim avec une serviette autour de la taille, je me suis dit : ah, il est amoureux de notre héros ! 😀)
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Jean-Marie Straub
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asketoner
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sokol a écrit :
mer. 9 mars 2022 16:20
asketoner a écrit :
mer. 9 mars 2022 11:15
(le personnage de Selim est légèrement raté.
Car très complexe donc, le plus interessant !
Résumons : Selim est rebeu, homo (même s’il ne s’assume pas) et, ET, se fait sucer par… une pute !! Puis, il y a cette explication (pas si naïve qu’on croit !) selon laquelle la plupart des jeunes qui sont parti pour le djihâd, étaient des puceaux (j’avais lu il y a une vingtaine d’année un excellent étude concernant le rapport entre le sex et la religiosité au sein des jeunes sortis de l’émigration maghrébine et c’était vraiment passionnant car c’était un vrai travail d’investigation).
Donc oui, il n’est pas ‘parfait’ comme personnage mais il est intéressant (perso, dès qu’elle j’ai vu Selim avec une serviette autour de la taille, je me suis dit : ah, il est amoureux de notre héros ! 😀)
Oui, mais tout reste très flou autour de cette question justement.
Ce que je trouve beau dans le film, c'est que tous les personnages cherchent quelque chose qui pourrait s'appeler l'amour. Pour Selim, c'est moins clair, il reste un peu coincé dans les circonstances de son apparition. (Et du coup il reste enfermé dans la question de sa sexualité, alors que ce n'est pas vraiment le cas des autres personnages.)
Pour le voisin, je trouve ça superbe. Le voisin guerrier, qui met la main sur la cuisse du héros pour lui parler de la guerre, et puis qui ne lui laisse pas le choix de dormir chez lui parce qu'il a "vécu quelque chose de trop fort pour dormir seul".
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groil_groil
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Le biopic que consacre James Ivory à Picasso est centré uniquement ou presque sur son histoire d'amour avec Françoise Gillot, avec qui il vécut dix ans, et eut deux enfants, Claude et Paloma. Femme très importante dans sa vie, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir des maitresses et de lui mener une vie très compliquée, même si elle était éperdument amoureuse. Le film se déroule donc à Paris, dans l'immédiat après-guerre, le film commence d'ailleurs par la libération de la ville. Excercice périlleux, le film d'Ivory est aussi incarné que réussi, notamment car il n'hésite pas à montrer le vrai visage de l'artiste, un visage vraiment mal aimable. Ivory ne s'intéresse pas tellement à son art, ou plutôt montre que c'est un moment où Picasso n'en a un peu plus rien à foutre et surfe sur la popularité de son nom, préférant se concentrer sur son rapport aux femmes, et particulièrement à Françoise. Celle-ci est d'ailleurs magnifiquement interprété par Natasha McElhone, actrice que j'adore et qui mériterait d'être plus connue que ce qu'elle est, son interprétation est vraiment l'un des points forts du film. Une autre est celle de Anthony Hopkins, tellement bon qu'on oublie parfois que c'est lui et qu'on croit voir le peintre. Je redoutais donc le combo Ivory + Biopic et il s'avère que c'est l'un de ses très bons films.

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Premier long métrage d'Ivory, datant de 1963, celui-ci est, comme beaucoup d'autres de sa carrière, mais surtout de son début de carrière, tourné intégralement en Inde, et avec des acteurs indiens, mais en langue anglaise. L'histoire aussi est typiquement indienne, c'est celle d'un jeune chef de famille (householder) à peine sorti de l'adolescence, mais déjà marié et professeur dans un lycée de Delhi. Celui-ci se faisant humilier en permanence durant ses journées de travail, tant par ses étudiants que par ses collègues et supérieurs, qu'il mène une vie d'enfer à sa jeune et charmante épouse une fois rentré à la maison, la tyrannisant sur tout et n'importe quoi, et allant jusqu'à faire venir sa mère à domicile, encore pire que lui dans ses rapports avec la jeune femme. Mais tout ceci est traité avec légèreté et même un peu d'humour, d'autant que le film trouvera une issue positive et que le couple s'aimera de nouveau comme au premier jour. C'est mieux qu'une curiosité, c'est un coup d'essai remarquable, d'un cinéma étonnant puisqu'il vient d'un cinéaste américain qui semble s'inspirer des différentes nouvelles vagues européennes tout en faisant du cinéma indien. D'ailleurs, on pense beaucoup à Satyajit Ray tout le long, car il est convoqué directement à plusieurs reprises, jusqu'au générique final où l'on apprend qu'il a carrément participé au film en tant que, visiblement, conseiller à la mise en scène. Bluffant, mais pas si étonnant.
A noter et c'est ça qui m'a le plus scotché, que le film est écrit par Ruth Prawer Jhabvala et produit par Ismail Merchant, et que ces deux personnes seront unis à Ivory sur toute sa carrière, la première ayant écrit et le second ayant produit absolument tous ses films.
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B-Lyndon
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asketoner a écrit :
mer. 9 mars 2022 16:34
sokol a écrit :
mer. 9 mars 2022 16:20
asketoner a écrit :
mer. 9 mars 2022 11:15
(le personnage de Selim est légèrement raté.
Car très complexe donc, le plus interessant !
Résumons : Selim est rebeu, homo (même s’il ne s’assume pas) et, ET, se fait sucer par… une pute !! Puis, il y a cette explication (pas si naïve qu’on croit !) selon laquelle la plupart des jeunes qui sont parti pour le djihâd, étaient des puceaux (j’avais lu il y a une vingtaine d’année un excellent étude concernant le rapport entre le sex et la religiosité au sein des jeunes sortis de l’émigration maghrébine et c’était vraiment passionnant car c’était un vrai travail d’investigation).
Donc oui, il n’est pas ‘parfait’ comme personnage mais il est intéressant (perso, dès qu’elle j’ai vu Selim avec une serviette autour de la taille, je me suis dit : ah, il est amoureux de notre héros ! 😀)
Oui, mais tout reste très flou autour de cette question justement.
Ce que je trouve beau dans le film, c'est que tous les personnages cherchent quelque chose qui pourrait s'appeler l'amour. Pour Selim, c'est moins clair, il reste un peu coincé dans les circonstances de son apparition. (Et du coup il reste enfermé dans la question de sa sexualité, alors que ce n'est pas vraiment le cas des autres personnages.)
Pour le voisin, je trouve ça superbe. Le voisin guerrier, qui met la main sur la cuisse du héros pour lui parler de la guerre, et puis qui ne lui laisse pas le choix de dormir chez lui parce qu'il a "vécu quelque chose de trop fort pour dormir seul".
C'est vrai qu'il est très beau ce personnage de voisin.
Même quand c'est plus faible que d'habitude, il y a toujours ça avec Guiraudie : les films restent parce qu'ils nous donnent l'impression qu'on a passé du temps avec des gens merveilleux, et que ce temps ne nous a pas été volé. C'est un cinéma moral.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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groil_groil
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La vie d'une jeune femme paumée et originale dans le milieu arty et artistique New Yorkais de la fin des années 80, balladée par un mec acteur qui la délaisse et tentant de vendre et commercialiser les chapeaux qu'elle fabrique. C'est un drôle de film qui se glisserait aisément dans le sillage d'un Recherche Susan désespérement, qui se veut jeune, branché, presque indé, ce qui est tout à fait étonnant de la part d'un cinéaste comme James Ivory, surtout que c'est le film qu'il réalise tout de suite après Maurice, on se demande ce qui lui est passé par la tête. Il adapte en fait les nouvelles d'une autrice alors en vogue, Tama Janowitz, membre du Brat Pack aux côtés de Bret Easton Ellis, et c'est d'ailleurs elle qui est au scénario, Ivory faisant une infidélité à sa scénariste de toujours, Ruth Prawer Jhabvala. Et je pense qu'on doit le gros changement de braquet au changement de scénariste, et c'est à ça aussi qu'on voit qu'Ivory n'est pas du tout à l'aise avec ce qu'il filme. Il a du mal à comprendre personnages et situations et mulitplie les effets visuels sans aucun sens, tels que des split screens, des incrustations d'images, etc. qui ne correspondent en rien à son langage et qui finissent par composer un film maladroit et plutôt raté, même si sur certaines scènes plus développées il parvient tout de même à capter l'esprit de l'époque.
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cyborg
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Le Pélican - Gérard Blain

Je continue à découvrir, sidéré, le cinéma de Gérard Blain.
Les films de Blain semblent toujours s’intéresser à l'enfance/l'adolescence et au rapport trouble, incertain, qui peut se mêler avec le monde adulte. Nous suivons ici le combat d'un père pour revoir son fils dont la garde lui a été déchu suite à un séjour de 10 ans de prison.
La force de l’œuvre de Blain se situe exactement entre la grande rigueur de sa mise en scène (héritier de Bresson comme je l'ai dit auparavant) et la très forte ambiguïté qui transpire des situations décrites.
Comme le dis Roland Barthes dans un texte trouvé sur internet : Le Pélican met en scène un "oedipe inversé" : non pas un fils qui veut se débarrasser de son père mais un père qui aime son fils. Avec toute la duplicité que peut sous entendre le terme "aimer".
Si dans son premier, Les Amis, la relation entre le jeune héros et le chef d'entreprise est sous l'emprise d'un incertain tabou, celui-ci tombe dans son troisième film, plus autobiographique, Un Enfant dans la Foule, dans lequel un jeune garçon cherche ouvertement la compagnie des adultes. Ici, 2ème film de l'auteur, le non dit reste présent et une grande partie du sujet passe par la question du regard et le désir naissant entre le vu et le non-vu à divers niveau (tant pour le héros (la prison, l'absence de son propre père, le dernier plan sur lui qui regarde l'appartement depuis la rue, les longues scènes "pulsions scopiques" d'observation à la jumelle) que pour le spectateur (par l'usage aigu de l’ellipse par le réalisateur).
Le résultat est très troublant.

Encore "Le rebelle" sous le coude à voir...


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Quelle merveille !
Qu'ils sont durs à faire les documentaires qui filment villes et territoires et cherchent à les unir par une série de portraits kaléidoscopiques.J'ai encore en tête la déconvenue relative que fut le pourtant célèbre Amsterdam Global Village de Van Der Keuken vu il y a quelques mois.
Et pourtant Alice Diop y arrive ici haut la main, tout simplement par la justesse et la douceur de son regard, qui ne juge pas, qui ne discoure pas, qui ne cherche jamais ni le trop ni le trop peu ni le bêtement banal ni l’extraordinaire, mais qui simplement "est" et plus encore laisse ceux qu'elle filme 'être".
La clé me semble se trouver dans la très belle scène d'ouverture durant laquelle une famille observe un cerf de l'autre côté d'une clairière. Ou serait-ce plutôt le cerf qui les observe ? Chacun se voit, se sent, se surprend et c'est dans l'espace qui les sépare, cet espace du "commun" que s'esquisse le "nous", fragile mais déjà présent. Et c'est en gardant toujours cette attitude, très respectueuse, qu'elle nous parle de parfaits inconnus ou bien intiment de sa famille (et qu'elle s’inclue ainsi elle même dans le champs et la problématique), qu'Alice Diop arrive à composer un film aussi beau.

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Titre plutôt juste pour ce film de Cavalier qui se révèle être une surprenante variation du road-movie, délaissant la voiture pour lui préférer la marche et le train. Ou plus exactement la marche le long d'une voie ferrée...
Lorsque Jean Rochefort comprend que sa mère à disparu lors d'un voyage en train entre Troyes et Paris, il décide de longer la ligne à pied en espérant y retrouver (ou non...) sa dépouille. Il entraine sa fille, qu'il connait mal, dans l'aventure. L'occasion pour eux d'apprendre à se connaitre et imaginer ce qu'aurait pu être un vie de famille "normale". Le film est aussi simple que ne le laisse supposer le synopsis et c'est autant ce qui fait sa force que sa limite. Le résultat, pas déplaisant, est une curiosité qui s'inscrit assez logiquement dans l’œuvre de Cavalier, tendant toujours plus fort vers l'ascèse et la sphère intime (l'actrice principale -et co-scénariste ?!- étant d'ailleurs la fille de Cavalier lui même...).

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Tous les retours que je vois sur le film semblent toujours le comparer aux "œuvres précédentes de Guiraudie". Oui, Viens je t'emmène n'a pas l'ampleur de Rester Vertical, film vertigineux et presque malade de sa grandeur. Mais, et alors ?
"Viens je t'emmène" n'a pas les mêmes ambitions et se pose aussi bien plus simplement comme une comédie... mais quelle comédie ! Utilisant les codes surannés du vaudeville en les poussant dans un extrême surréaliste au sein de la troublante époque qui est la nôtre, Guiraudie fait ainsi basculer un genre habituellement léger et anodin en fable politique sur le vivre ensemble. C'est bien ce que vient nous dire cette scène finale fleurant bon les 70s (la musique du générique semblant confirmer l'inspiration) dans laquelle tous les personnages décide de rester ensemble. Et surtout qui filme aussi bien -et sans aucune méprise- au sein du cinéma français les classes moyennes, les villes de provinces et des corps à la flasque beauté banale ? Personne. Et rien que ceci est un geste politique trop important pour bouder son plaisir.
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Tamponn Destartinn
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cyborg a écrit :
jeu. 10 mars 2022 23:35

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Tous les retours que je vois sur le film semblent toujours le comparer aux "œuvres précédentes de Guiraudie". Oui, Viens je t'emmène n'a pas l'ampleur de Rester Vertical, film vertigineux et presque malade de sa grandeur. Mais, et alors ?
"Viens je t'emmène" n'a pas les mêmes ambitions et se pose aussi bien plus simplement comme une comédie... mais quelle comédie ! Utilisant les codes surannés du vaudeville en les poussant dans un extrême surréaliste au sein de la troublante époque qui est la nôtre, Guiraudie fait ainsi basculer un genre habituellement léger et anodin en fable politique sur le vivre ensemble. C'est bien ce que vient nous dire cette scène finale fleurant bon les 70s (la musique du générique semblant confirmer l'inspiration) dans laquelle tous les personnages décide de rester ensemble. Et surtout qui filme aussi bien -et sans aucune méprise- au sein du cinéma français les classes moyennes, les villes de provinces et des corps à la flasque beauté banale ? Personne. Et rien que ceci est un geste politique trop important pour bouder son plaisir.

:jap: :jap: :jap:
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yhi
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Surtout pour @sokol qui a apprécié Sous le ciel de Koutaïssi. J'ai beaucoup aimé le film aussi, et j'ai vu ce weekend que Mubi proposait 3 des ses autres films, donc je me suis lancé par curiosité.

Dans Let the summer never come again, son premier long métrage, on retrouve une certaine façon de vouloir raconter, de manière fleuve (3h20) et très digressive avec même, en plus d'un des acteurs principaux, des choses assez précises qu'on retrouve dans Koutaïssi (la barre de traction, une place importante réservée aux chiens qui glandouillent ça et là dans la ville). Bon, par contre, autant le film vu en salle avait le charme du film "qui ne vend rien" sauf peut être une petite dose d'espièglerie, autant ce premier long fait vraiment office de concaténation de rushes qu'on aurait oublié de passer par la table de montage. C'est vraiment extrêmement léger en terme narratif, il n'y aucun dialogue et très peu de voix off et ça s'égare parfois joliment (une scène ou un homme en attend un autre à une fontaine, et finalement on assiste à une personne inconnue qui fait un malaise et qui se fait emmener sur un brancard, on voit finalement même pas la scène de rendez-vous vendue initialement), mais souvent inutilement. Et sur 3h20 (qui plus est chez soi et pas en salle) c'est vraiment très - trop - long.

Meilleure pioche du côté des courts métrages. Colophon est lui aussi sans dialogues et fonctionne par jeu d'intertitres qui narrent une histoire un peu fantastique dont on ne voit rien à l'image. On imagine assez facilement que le narrateur est le batelier qu'on voit dans ce qui est filmé, mais encore une fois, comme dans Koutaïssi, on a tendance à nous retirer du regard ce qui est raconté (ici une femme qui pleure des larmes aux formes géométriques). On aperçoit bien une femme au détour d'un ou deux plans, mais pas évident de dire si c'est de celle là dont on nous parle. Comme dit dans la critique des Cahiers sur Koutaïssi, les choix de mise en scène peuvent rappeler ce que fait Llinas dans son cinéma, soit réussir à raconter beaucoup sans moyens conséquents.
Au contraire, Linger on some pale blue dot accorde cette fois beaucoup plus de place à l'image puisqu'il s'agit d'un documentaire sur la fabrication de pain dans une boulangerie. Intéressant pour son montage, à la fois de l'artisan dont on ne voit quasiment que les mains et dont les temps de pause café sont comptés comme partie intégrante du processus de fabrication, mais aussi pour les raccords de début et de fin qui coupent sur des images qui n'ont a priori rien à voir avec la boulangerie, et qui donnent au court métrage une dimension supplémentaire.
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groil_groil
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Que devient un homme bon et aimé de tous, qui plus est représentant des forces de l'ordre, lorsqu'il tue un homme alors qu'il tentait de le protéger ? C'est à cette question insondable que tente de répondre assez admirablement le nouveau film de Xavier Beauvois, cinéaste dont je me suis rendu compte que j'aimais tous les films (il n'y a que sa comédie que je n'ai pas vue). Ce film est digne, beau, d'une grande intelligence, et raconte par la mise en scène, c'est con à dire car c'est ce qu'on attend d'un film, mais ça n'arrive pas à chaque fois. J'ai aussi été particulièrement sensible à l'image, sublime dans son appréhension des lumières le long des côtes d'Etretat. On pourra trouver la seconde partie un peu facile, elle arrive comme une rupture, mais je l'ai trouvée, même si en deça de l'intensité de la première, assez remarquable tout de même.

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Une troupe de théâtre anglaise, essentiellement formée autour d'un couple et de leur fille, parcourt l'Inde pour y jouer Shakespeare. La jeune femme va tomber amoureuse d'un homme marié à une comédienne célèbre, et sera partagée entre son amour du théâtre et de la route, et cet amour naissant, d'autant que la désillusion prend vite de l'importance des deux côtés, notamment lorsque nous comprenons que cette troupe joue à l'exotisme par dépis, et parce qu'elle ne parvient pas à subsister dans son pays. Deuxième long-métrage d'Ivory, et deuxième film en Inde (sans compter les courts) qui semble vraiment sa seconde patrie tellement son cinéma s'y épanouit. La référence à Satyajit Ray est encore très présente, dans le ton, dans l'image, et dans la musique, puisque c'est un grand bonheur de découvrir au générique que c'est l'immense cinéaste indien qui en a composé la bande son.

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Globalement je pense exactement pareil que mon Cybou d'amour, mais je vais essayer d'être un peu plus explicite.
J'ai lu avant de voir le film beaucoup de gens excités par sa sortie, et ensuite pas mal de gens déçus, comme s'ils attendaient trop d'un film de Guiraudie. Mais le film est pourtant excellent, à hauteur d'homme, c'est à dire un film non prétentieux et qui ne se donne pas l'impression de vouloir nous faire la leçon, tout en étant un constat à la fois drôle et hyper amer de notre société. Bref, on serait dans un truc de comm, on dirait que c'est un beau manuel décalé du vivre-ensemble, mais je pense que ça va plus loin que ça, que c'est plus fin que ça. Guiraudie nous met face à plein de trucs comme : est-ce que le désir féminin est quelque chose qui a de la place dans la société, est-ce qu'on est capable de regarder un jeune arabe sans penser que c'est un potentiel terroriste, est-ce qu'un gars armé et pétri de sentiments d'auto-défense peut être un type sympa, est-ce qu'un vieux qui protège une jeune ado est forcément pédophile ? Bref, toutes ces questions font que se forme au sein du film une bande de pieds nickelés hilarants, qui n'ont rien à foutre ensemble mais qui vivent pourtant les uns avec les autres et qui y trouvent du sens. Et ce groupe-là à tellement plus de saveur et d'authenticité que les groupes ©Benetton des films américains où chaque communauté se doit d'être représenté pour ne vexer personne mais dont la notion de groupe est totalement dénuée de sens.
Ah et sinon je voulais dire un mot du personnage principal, joué par Jean-Charles Clichet, excellent acteur. Je suis persuadé que Guiraudie a piqué le personnage à Sébastien Betbeder dans le film Ulysse & Mona. Il y joue un second rôle, et c'est exactement le même. C'est un joggeur, il est habillé exactement pareil, joue exactement de la même façon, et je suis certain que Guiraudie a vu Ulysse & Mona et qu'il lui a piqué un personnage.

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Une superstar du rock anglosaxon débarque en Inde pour apprendre le maniement de la sithar et autres instruments indiens, enseigné par un musicien indien, guru respecté et idolatré. A ses côtés, une jeune occidentale qui vit en Inde va suivre le même cursus et les deux vont se rapprocher. Comment ne pas voir un portrait amusé des musiciens 60's allant tous faire leur pélerinage musical en Inde, à l'instar des Beatles... Un film touchant, laissant forcément une belle place à la musique.

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The Sword and the Flute (James Ivory, 1959)

Un documentaire sur l'histoire de l'Inde, son "fondateur" Akbar et ses dieux, racontée en voix-off et en utilisant des gros plans sur des peintures comme images, un peu comme le cinéaste le fait dans son film sur Venise.

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Sans le moindre doute, ce qu'il y a de plus terrifiant dans ce nouveau Scream, c'est, et de très très loin, la gueule de Courteney Cox... J'avais rarement vu quelque chose d'aussi effroyable et je ne m'en suis toujours pas remis. Sinon, le film... Disons que c'est correctement fait et qu'on suit ça sans vouloir gâcher son plaisir, mais franchement, le méta du méta du méta dans la mise en abyme permanente poussé à chaque fois à un degré supplémentaire, ça a déjà état fait et refait sur cette série et ça ne rime plus à rien. Vu, oublié en 5mn. Sauf la gueule de Courteney Cox qui va me hanter jusqu'à la fin de mes jours...

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The Delhi Way - James Ivory (1964)


Un beau documentaire sur la ville de Delhi, qui montre encore une fois l'attachement du cinéaste à ce pays. Je n'imaginais pas avant de me lancer dans cette intégrale que l'Inde avait eu autant d'impact sur sa filmographie.
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:jap: pour Viens je t'emmene !
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Je ne m'y attendais pas, mais j'ai aimé le film, malgré ses tics, je trouve que c'est un film parfaitement de son époque, et qui parle formidablement bien des jeunes hommes et des jeunes femmes d'aujourd'hui. Disons que c'est un film totalement de son temps, dans ses qualités comme ses défauts, et j'ai beaucoup aimé cette idée de connexion avec un présent, certes imagé, reconstitué dans une fiction, qui me semble correspondre avec ce qu'il est. Le film est incroyablement influencé par celui de Desplechin, la voix-off omniprésente et le découpage en chapitres est quasi un décalque, mais Trier va plus en refaisant des plans à l'identique (comme celui du sang sous la douche par exemple, qui est l'un des plans iconiques de Comment je me suis disputé). J'ai aussi beaucoup pensé à la série GIRLS, car comme elle, le film prends le pouls d'une jeunesse dans un environnement privilégié (Oslo d'un côté, Brooklyn de l'autre), va assez loin dans la provocation et la crudité, et je pousse le parrallèle encore plus loin car l'une des deux grandes histoires d'amour de Julie, Eivind, joué par un acteur excellent nommé Herbert Nordrum, et ce gars se trouve être un sosie norvégien d'Adam Driver. La même gueule, les mêmes mimiques, le même sourire ravageur, bref, c'est flagrant. Mais surtout, le film comme la série montrent avec beaucoup de justesse et d'émotion comment une jeune fille devient une femme. Car c'est cela le seul sujet de Julie en 12 chapitres : comment une gamine (interprétée par une actrice remarquable qui porte le film de bout en bout), qui se cherche en tout, en amour, en boulot, dans sa famille, dans son rapport à la maternité, va peu à peu, et même si cela nécessite de faire des sacrifices, des renoncements, des choix difficiles, même si cela implique de finir seule, même pour un moment, devenir une femme.
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Tamponn Destartinn
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Rien à foutre - Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

J'adore la première partie, celle où le génial titre du film se justifie. L'itinéraire d'une exploitée qui ne cherche pas à faire de sa condition un combat, elle subit et a pour unique réflexe de survie son individualisme. C'est le portrait d'une époque et de sa jeune génération assez acerbe mais jamais jugeur. J'aime le film jusqu'à son pivot, quand elle finit par faire preuve d'humanité et est instantanément punie pour cela.
Ensuite, il y a le dernier tiers au sein de sa famille. Si j'aime certaines séquences, très vite j'ai trouvé dommage de rendre l'implicite explicite. On avait déjà compris les raisons de son comportement, son trauma initial (rien que la scène avec Orange au téléphone suffisait). Le film devient à ce moment là plus psychologisant et surtout devient trop long. Un film comme ça, s'il dépasse les 1h45 générique compris, il a intérêt à avoir une bonne raison. Je trouve qu'ici il ne l'a pas. Dommage, mais pas grave : ça reste un très bon premier film !
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asketoner
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Soy Libre, Laure Portier

Une femme filme son frère. Elle fait du cinéma, et lui, de la prison. De ce rapport très inégal surgissent un grand nombre de frictions, d'attirances et de répulsions, que la cinéaste ne cache pas ; c'est même ce à partir de quoi elle compose son film. Soy Libre est à la fois le portrait d'un jeune homme, mais aussi celui d'une enfance, plus ou moins partagée, blessée, dévastée - un chaos commun, créant complicité, rejet, loyauté, amour, désespoir : jusqu'à ce film, qu'ils font ensemble, même lorsqu'il sont à distance l'un de l'autre. Laure Portier se fait témoin de son frère, qui est lui-même témoin de la cinéaste : ils témoignent l'un pour l'autre - le lien est là, scellé. Ils s'adressent l'un à l'autre : ils ont quelqu'un à qui s'adresser, quoiqu'il arrive.
J'ai trouvé le film bouleversant pour cette raison, mais aussi pour le propos qu'il porte, en creux. Car le frère, après un séjour en prison, décide de voyager. Il part en Espagne, où il vole des mobylettes et de quoi manger dans les supermarchés. Et puis il part encore, au Pérou cette fois, où il participe à des émeutes, casse tout, pille, vandalise. Et un jour, au fond d'un forêt péruvienne, il trouve quelque chose pour lui, un destin valable, une vie vivable. Or cette vie, il n'en aurait pas eu l'idée s'il était resté en France. Laure Portier montre l'exil depuis l'autre côté, et à quel point il peut sauver, ou du moins transformer un être. Au début, on ne réfléchit pas au fait que ce garçon parte dans d'autres pays, puisqu'il est français on ne se pose pas la question du droit, ça nous semble normal. Et peu à peu, comme on voit que c'est un type plutôt infréquentable, on se rend compte que quelqu'un comme lui venant d'un pays plus pauvre et commettant le dixième des méfaits qu'il commet serait traité de terroriste et renvoyé le plus vite possible. Mais comme il est blanc et français, il passe entre les gouttes de la légalité, et il traverse toute la violence qu'il contient pour finalement réinventer sa vie. Et cela, seul l'exil le permet.
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asketoner
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Un Peuple, Emmanuel Gras

Très bon documentaire, où l'on suit quelques Gilets Jaunes occupant un rond-point du côté de Chartres, et venant parfois le samedi à Paris pour manifester. La force du film tient à sa façon de ne jamais vouloir résumer le mouvement, à ne jamais le traiter par le mépris de l'édito. A toujours chercher, au contraire, à en dire le plus possible, à en révéler toute la complexité - politique, sociale, psychologique, existentielle. Emmanuel Gras est un cinéaste qui sait y faire : la première séquence, en chanson, présentant la ville de Chartres et son rond-point ; celle de l'attaque des CRS contre les manifestants ; la fin, avec le rond-point vide et la salle de sport pleine de gens qui courent sur des tapis... Le cinéma n'est jamais en berne par rapport au propos. Peut-être est-il trop au service de celui-ci par moments, mais en tout cas il est toujours actif, vivant.
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sokol
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yhi a écrit :
dim. 13 mars 2022 21:15
Surtout pour @sokol qui a apprécié Sous le ciel de Koutaïssi. J'ai beaucoup aimé le film aussi, et j'ai vu ce weekend que Mubi proposait 3 des ses autres films, donc je me suis lancé par curiosité.
Excuse du retard, j'étais absent. Merci de ton message, je vais regarder aussi car j'ai Mubi également.

Merci encore ! :love2:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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groil_groil
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Quel bonheur de voir Adrian Lyne, cinéaste conspué dans les 80's mais qui a tout de même réalisé quelques bons films (L'Echelle de Jacob, Liaison Fatale) revenir à 81 ans, après 20 ans de silence, avec un film aussi réussi, le meilleur thriller domestique vu depuis Apparences de Robert Zemeckis, un film d'une grande intégrité et d'une tension permanente, un vrai film noir et en même temps d'une grande beauté plastique. Il s'agit de la seconde adaptation du livre de Patricia Highsmith après l'excellent Eaux Profondes de Michel Deville, et Lyne se rapproche ici pas mal de l'ambiance des derniers Finchers, on pense pas mal à Gone Girl, et pas qu'à cause de Ben Affleck. Bref, une des plus belles surprises de ce début d'année, que j'ai déjà envie de revoir, et qui me donne l'idée d'une intégrale Lyne, pour redonner une chance aux films que je n'aime pas, et découvrir les autres, sa filmographie étant très courte.

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Quelle drôle d'idée, qu'on doit au producteur Jerry Bruckheimer, de refaire en 1976 un film noir en en reprenant tous les codes des 40's sans les faire évoluer. On adapte Chandler avec le détective Philip Marlowe, le film est d'ailleurs le remake d'un vieux Dmytryck de 1944 avec Dick Powell, et on ressort l'un des grands monstres de cette génération, l'immense Robert Mitchum, pour jouer le rôle de Marlowe. Sauf que tout ça arrive trente ans trop tard, et que le film ne prend absolument pas en compte le fait que l'époque a changé, comme le fait par exemple formidablement bien Altman quand il fait Le Privé, en livrant un film post-moderne, reflexion sur le genre noir lucide et désenchantée. Non, ici on fait comme si on était en 44, et tout est faux, toc, une voix off récite en permanence ce que les comédiens n'arrivent pas à jouer, et le pauvre Mitchum semble complètement à l'Ouest. Seule la présence de la superbe et diaphane Charlotte Rampling apporte un peu d'étrangeté et de mystère à ce ratage annoncé.
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yhi
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T'es bien le seul que je vois donner un avis positif sur Eaux profondes !
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yhi a écrit :
lun. 21 mars 2022 16:38
T'es bien le seul que je vois donner un avis positif sur Eaux profondes !
ah non plusieurs personnes croisées sur FB aiment le film passionnément, dont Vincent Malausa d'ailleurs.
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La grande enigme de 2021 tourne pour moi autour de Balzac : pourquoi le magnifique et apre Eugénie Grandet de Marc Dugain, vrai film d'auteur et interprétation moderne du roman, n'a eu aucun succès, aucune séléction aux César et est passé totalement inaperçu, et pourquoi ces Illusions Perdues ont eu un succès fou et raflé je crois 7 César... La réponse est assez facilement décelable, en regardant le film. C'est une grosse machine, fait sans âme et sans véritable compréhension de ce qu'est le livre de Balzac, on se contente d'en reprendre le scénario, et c'est justement ça qui est passionnant dans le film, c'est l'apport de Balzac. Mais Giannoli ne va pas plus loin, se contentant d'un Barry Lyndon du pauvre, n'arrivant jamais à faire sentir l'époque ni sa véracité, préférant enrober l'ensemble d'une image déguelasse et métallique, pensant camoufler ainsi ses nombreux effets spéciaux torchés sur fond vert. Le film n'est pas non plus dur à suivre, car la trame de Balzac encore une fois, et plusieurs des acteurs se donnent du mal, mais je pense sincèrement que ce genre de films français, des films de patrimoine, adaptations historiques ou de grands classiques de la littérature, faits sans âme et avec beaucoup de pognon, sont nos films de super-héros à nous, tant ce qu'il en reste est identique, à savoir rien du tout.
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asketoner
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Rien à foutre, Emmanuel Marre et Julie Lecoustre

Un film qui fait subir à sa comédienne exactement la même chose que ce que le personnage subit dans sa vie professionnelle : personne ne lui offre un cadre, une scène, une ligne de dialogue (ni même une prise de son à peu près valable), bref, quelque chose à défendre qu'elle n'ait pas à inventer toute seule, qui ne repose pas entièrement sur elle. Adèle Exarchopoulos est totalement exploitée dans ce long-métrage, qui entend montrer les méthodes de management néo-libéral dans une compagnie d'aviation, en s'attachant à un personnage qui prétend ne pas en souffrir (mais évidemment c'est faux). C'est une très bonne actrice, certains moments sont plutôt bons grâce à elle, d'autres sont ratés (pourquoi les avoir gardés alors que le film est si long ?). La fin m'a déprimé et écoeuré, n'offrant aucun soulèvement, aucun écart - et cela m'a paru d'autant plus flagrant après le film très digne d'Emmanuel Gras sur sa bande de Gilets Jaunes, où les rêves et les détresses de chacun sont pris aux sérieux, et pas de haut ou de loin comme ici.
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Et le pire c'est peut-être de voir un film passer totalement à côté de ce qu'il pourrait offrir : s'arrêtant juste avant de devenir très drôle à force de cruauté, et inhibant toute émotion trop grande par paresse esthétique.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
mar. 22 mars 2022 10:39
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La grande enigme de 2021 tourne pour moi autour de Balzac : pourquoi le magnifique et apre Eugénie Grandet de Marc Dugain, vrai film d'auteur et interprétation moderne du roman, n'a eu aucun succès, aucune séléction aux César et est passé totalement inaperçu, et pourquoi ces Illusions Perdues ont eu un succès fou et raflé je crois 7 César... La réponse est assez facilement décelable, en regardant le film. C'est une grosse machine, fait sans âme et sans véritable compréhension de ce qu'est le livre de Balzac, on se contente d'en reprendre le scénario, et c'est justement ça qui est passionnant dans le film, c'est l'apport de Balzac. Mais Giannoli ne va pas plus loin, se contentant d'un Barry Lyndon du pauvre, n'arrivant jamais à faire sentir l'époque ni sa véracité, préférant enrober l'ensemble d'une image déguelasse et métallique, pensant camoufler ainsi ses nombreux effets spéciaux torchés sur fond vert. Le film n'est pas non plus dur à suivre, car la trame de Balzac encore une fois, et plusieurs des acteurs se donnent du mal, mais je pense sincèrement que ce genre de films français, des films de patrimoine, adaptations historiques ou de grands classiques de la littérature, faits sans âme et avec beaucoup de pognon, sont nos films de super-héros à nous, tant ce qu'il en reste est identique, à savoir rien du tout.
Totalement d'accord. Ce n'est même pas que ça ne va pas (les acteurs, le récit, ça se tient), c'est juste sans âme.
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asketoner a écrit :
mar. 22 mars 2022 11:25
groil_groil a écrit :
mar. 22 mars 2022 10:39
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La grande enigme de 2021 tourne pour moi autour de Balzac : pourquoi le magnifique et apre Eugénie Grandet de Marc Dugain, vrai film d'auteur et interprétation moderne du roman, n'a eu aucun succès, aucune séléction aux César et est passé totalement inaperçu, et pourquoi ces Illusions Perdues ont eu un succès fou et raflé je crois 7 César... La réponse est assez facilement décelable, en regardant le film. C'est une grosse machine, fait sans âme et sans véritable compréhension de ce qu'est le livre de Balzac, on se contente d'en reprendre le scénario, et c'est justement ça qui est passionnant dans le film, c'est l'apport de Balzac. Mais Giannoli ne va pas plus loin, se contentant d'un Barry Lyndon du pauvre, n'arrivant jamais à faire sentir l'époque ni sa véracité, préférant enrober l'ensemble d'une image déguelasse et métallique, pensant camoufler ainsi ses nombreux effets spéciaux torchés sur fond vert. Le film n'est pas non plus dur à suivre, car la trame de Balzac encore une fois, et plusieurs des acteurs se donnent du mal, mais je pense sincèrement que ce genre de films français, des films de patrimoine, adaptations historiques ou de grands classiques de la littérature, faits sans âme et avec beaucoup de pognon, sont nos films de super-héros à nous, tant ce qu'il en reste est identique, à savoir rien du tout.
Totalement d'accord. Ce n'est même pas que ça ne va pas (les acteurs, le récit, ça se tient), c'est juste sans âme.
Oui c'est ça, ça n'a même pas le privilège d'être nul.
D'ailleurs, tu avais écrit dessus ? rien trouvé sur SC.
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groil_groil a écrit :
mar. 22 mars 2022 15:45
asketoner a écrit :
mar. 22 mars 2022 11:25
groil_groil a écrit :
mar. 22 mars 2022 10:39
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La grande enigme de 2021 tourne pour moi autour de Balzac : pourquoi le magnifique et apre Eugénie Grandet de Marc Dugain, vrai film d'auteur et interprétation moderne du roman, n'a eu aucun succès, aucune séléction aux César et est passé totalement inaperçu, et pourquoi ces Illusions Perdues ont eu un succès fou et raflé je crois 7 César... La réponse est assez facilement décelable, en regardant le film. C'est une grosse machine, fait sans âme et sans véritable compréhension de ce qu'est le livre de Balzac, on se contente d'en reprendre le scénario, et c'est justement ça qui est passionnant dans le film, c'est l'apport de Balzac. Mais Giannoli ne va pas plus loin, se contentant d'un Barry Lyndon du pauvre, n'arrivant jamais à faire sentir l'époque ni sa véracité, préférant enrober l'ensemble d'une image déguelasse et métallique, pensant camoufler ainsi ses nombreux effets spéciaux torchés sur fond vert. Le film n'est pas non plus dur à suivre, car la trame de Balzac encore une fois, et plusieurs des acteurs se donnent du mal, mais je pense sincèrement que ce genre de films français, des films de patrimoine, adaptations historiques ou de grands classiques de la littérature, faits sans âme et avec beaucoup de pognon, sont nos films de super-héros à nous, tant ce qu'il en reste est identique, à savoir rien du tout.
Totalement d'accord. Ce n'est même pas que ça ne va pas (les acteurs, le récit, ça se tient), c'est juste sans âme.
Oui c'est ça, ça n'a même pas le privilège d'être nul.
D'ailleurs, tu avais écrit dessus ? rien trouvé sur SC.
J'avais fait court :

(Que j'ai vu pour entrer dans le plus vieux cinéma du monde, l'Eden Théâtre à la Ciotat (dont la programmation, malheureusement, n'est pas top).)

Quelqu'un fait la lecture des meilleures pages du roman de Balzac, et quelqu'un d'autre illustre avec des images jaunes et des visages célèbres. Parfait pour les paresseux qui ne peuvent plus lire, mais tant pis pour le cinéma.
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asketoner a écrit :
mar. 22 mars 2022 16:06
groil_groil a écrit :
mar. 22 mars 2022 15:45
asketoner a écrit :
mar. 22 mars 2022 11:25


Totalement d'accord. Ce n'est même pas que ça ne va pas (les acteurs, le récit, ça se tient), c'est juste sans âme.
Oui c'est ça, ça n'a même pas le privilège d'être nul.
D'ailleurs, tu avais écrit dessus ? rien trouvé sur SC.
J'avais fait court :

(Que j'ai vu pour entrer dans le plus vieux cinéma du monde, l'Eden Théâtre à la Ciotat (dont la programmation, malheureusement, n'est pas top).)

Quelqu'un fait la lecture des meilleures pages du roman de Balzac, et quelqu'un d'autre illustre avec des images jaunes et des visages célèbres. Parfait pour les paresseux qui ne peuvent plus lire, mais tant pis pour le cinéma.
:jap: en même temps tout est dit.
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cyborg
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Terre en transe - Glauber Rocha - 1967

Dans le pays imaginaire d'Eldorado, un jeune poète est mêlé à un coup d'état et se retrouve aux prises entre deux jeux de pouvoir, l'un conservateur et l'autre populiste. Mais ni l'un ni l'autre ne satisfont sa soif d'idéal... Dans un style tout à fait Rocha-esque le film est globalement peu compréhensible et décousu, mais porté par une fascinante énergie faisant pardonner tout le reste. Si la forme très "opéra" explosera chez Rocha quelques années plus tard avec Le Lion A Sept Têtes, elle est déjà totalement en germe dans cette ode lyrique révolutionnaire.

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Bresson est toujours à l'esprit lorsque l'on regarde un film de Blain, quelque par ici entre L'Argent et Le Diable Probablement. Nouvellement orphelin, un jeune homme d'une vingtaine d'année tente de subvenir à ses besoins et à ceux de sa petite sœur. Pour ce faire il n'hésite pas à commettre de multiples larcins, tout en refusant catégoriquement les engagements politiques que lui propose ses amis. Le Rebelle est un film sec et désespéré, porté par un amour filial infini et traversé d'une rage révolutionnaire profonde pourtant bien conscient de ses propres limites. Je ne sais pas pourquoi ce cinéaste est si rare alors qu'il propose des films aussi puissant et singulier...

Après avoir vu 4 Blain, ses autres films semblent introuvables (celui-ci est sur youtube, pour les curieux) mais j'aimerais beaucoup voir Un Second Souffle ainsi que son dernier, Ainsi Soit Il, lui ayant valu un deuxième léopard d'or 30 ans après celui obtenu avec son premier film (quelle carrière !). Si quelqu'un à des pistes...


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(aussi nommé Journal intime d'une femme mariée, en français)

Satire totale de la société américaine machiste, patriarcale et misogyne des années 60, vue à travers les yeux d'une femme au foyer. Engagé dans un mariage auprès d'un homme qui l'exploite et la méprise, Tina s'autorise une improbable passade au près d'un jeune auteur à succès. Celui-ci se révélera rapidement ne valoir guère mieux que son mari...
Si tous les traits sont ici exagérément grossis jusqu'à l’excès, le film n'en reste pas moins terriblement pertinent sur la condition féminine et l'aliénation qui lui est lié. Le coup de génie du film tient d'ailleurs dans sa dernière scène : l'héroïne était en réalité en train de conter son histoire à un groupe de parole... qui finit par la juger totalement, le réalisateur déplaçant ainsi le propos du film de l'intime du couple vers l'ensemble de la société. S'en suit un dernier plan sur les yeux du personnage, en pleine réflexion face aux propos qu'elle reçoit tandis que le générique se met à dérouler autour de son visage : le protocole d'émancipation est en marche...
Frank Perry (ici aux manettes avec sa femme Eleanor Perry d'ailleurs), confirme être un réalisateur passionnant et n'être pas l'homme que d'un seul film, The Swimmer pour ne pas le nommer.

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Desert Heart - Donna Deitch - 1986

A la fin des années 50, fuyant un divorce, une professeure de littérature vient se réfugier dans un ranch du Nevada. Elle y fera la rencontre de la jeune Cay (sublimissime Patricia Charbonneau, damned je suis amoureux) avec qui naitra progressivement une relation amoureuse....
L'homosexualité féminine est un sujet particulièrement rare au cinéma, tout comme l'est -tristement- un film au casting quasi-intégralement féminin. Si cela fait presque bizarre de voir un tel film en 2022, j'imagine l'effet qu'il à du produire à la fin des années 80 ! Le film est simple, très tendre, peut-être un peu faible cinématographiquement (trop de fondus-enchainés...) mais il à la bonne idée de se concentrer sur ses personnages et l'éclosion de leurs sentiments sans s'appesantir dans une position politique ou revendicative que le contexte du far-west aurait pu rendre lourdingue. Le résultat est une belle romance, traitée avec délicatesse, comme on aimerait en voir plus souvent.
len'
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The Batman de Matt Reeves

C'est d'abord un travail sur l'image assez déroutant pour un blockbuster de ce calibre, parfois minimaliste, parfois même impressionniste quand on ne distingue plus que les lumières dans la nuit. La séquence de course poursuite est à ce titre une des scènes d'action les plus enthousiasmantes que j'ai vues depuis longtemps : on n'est ni dans le fantastique de Burton, ni dans l'hyper réalisme de Nolan mais dans un entre deux où lumière et obscurité s'accoupleraient pour former une brume à la fois aérienne et solidement ancrée au sol. Et quoi de mieux pour mettre en image sa vision des limbes que la ville de Gotham, en réalité le New-York des années 70.
Ce n'est pas le seul cinéaste, ces temps-ci, à retourner vers ce passé à la fois chaotique et inspirant pour le cinéma américain qui s'est révolté comme il ne l'avait encore jamais fait auparavant. Mais pour le cas de Reeves, c'est une obsession qu'il cultive depuis Cloverfield qui mettait déjà en scène un New-York plongé dans le noir, démesuré et effrayant à chaque coin de rue. Bien sûr, c'était un écho évident au 11/09 mais pas seulement. Tout comme Batman incarne l'idée d'un pays riche, puissant à l'extérieur, fragile et névrosé de l'intérieur, torturé entre des sentiments de haine et une volonté de bien faire alors qu'il est aussi la source du problème, Gotham devient ici le New-York des années 70 qui n'existe plus en tant que simple ville mais comme un monde en soi. Inégalités, corruptions, violence... Il ne s'agit pas d'un retour au passé mais bien d'une vision du présent, voire du futur, en insistant sur les répétitions jusqu'à la nausée.
Reeves filme ainsi la ville ou plutôt il la fait ressentir, non pas comme s'il s'agissait d'un simple décor mais comme un personnage vivant, usé et vidé par ce qu'on lui inflige encore et toujours, jusqu'à la grande scène finale de cassure, cliché symbolique mais très cohérent avec ce qui la précède. Là où il se différencie de Joker, c'est qu'il ne cède jamais à l'opportunisme en recyclant efficacement des éléments du passé. Reeves est dans une vision d'aujourd'hui, une recherche brouillonne avec tout ce que cela suppose d'errances et de ratés. C'est bien plus intéressant, ses inspirations filmiques donnant l'authentique sensation de malaise et de répétition d'un passé qui se répètait déjà, là où Joker maintenait l'illusion d'un renouveau qui n'était en réalité que recyclage soigné de scènes chocs. Reeves n'est pas dans l'efficacité de court terme, il est dans une démarche d'ensemble, qui ne se contente pas du premier plan.
Ce n'est donc pas tant l'intrigue policière qui explique la longueur du film que ce temps nécessaire pour s'imprégner de l'atmosphère d'un lieu riche en échos (autant en matière de cinéma que de la société occidentale des années 70 à nos jours) et profondément vissé dans la chair de ses habitants, notamment celle de Bruce Wayne. Contrairement à ce que laisse penser d'abord le film, ce n'est pas non plus un simple recyclage de Seven dont l'intrigue et le rythme étaient tellement soutenues que ça laissait peu d'air pour autre chose, c'est même son antithèse. Avant d'être une intrigue, le film a surtout vocation à associer un espace avec l'esprit d'une personne repliée sur elle-même et qui se veut plus que ce qu'elle est. Ainsi, si au début les visages paraissent presque secondaires ou tapis dans l'ombre, l'apparition de Catwoman avec son visage qui brille provoque un premier choc sensible pour Batman, une première rencontre. L'ultime confrontation avec celui qu'il aurait pu être et dont il partage certains vices (se camoufler ou épier les gens de loin avec des jumelles) l'amènera finalement à reconnaître le visage des autres.
C'est ainsi qu'à la fin, quand il tend la main pour se lier aux habitants de Gotham, il passe de jeune homme renfermé dans son monde intérieur (presque ridicule et gênant dans son costume en kevlar au début de l'enquête) à super-héros auréolé de sa beauté mystique. C'est paradoxalement en se mélangeant aux autres qu'il devient un être à part. Reeves finit donc sur une légère touche d'optimisme nuancée par une nouvelle séparation et un nouveau retour vers Gotham, sa seule maison. Ce qui fait penser qu'il y aura d'autres suites, d'autres répétitions, comme une petite flamme condamnée à vaciller dans la noirceur du monde.
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A plein temps, Eric Gravel

C'est un film qui tient à son récit, son montage, sa musique, son actrice... Un film qui fabrique du suspense, mais un suspense du quotidien. On suit Laure Calamy tenter d'attraper son RER malgré les grèves, passer un entretien d'embauche bien qu'elle soit déjà employée quelque part. Ca fonctionne à peu près (même si, par moments, j'avais juste envie de hurler : prends un Vélib !), mais la fin est catastrophique et met le film à terre : j'espérais quand même qu'il nous raconterait quelque chose de plus que "qui veut peut".

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Plumes, Omar El Zohairy

Ce qui m'a d'abord plu, c'est la multitude à l'intérieur des plans. Il y a parfois beaucoup de personnages, et Omar El Zohairy leur laisse la place à chacun. D'ailleurs chaque plan comporte un enjeu esthétique de cet ordre, ce qui donne au film à la fois sa vitalité (c'est un film chargé d'intentions, de désirs), et une certaine lourdeur aussi. Une lourdeur contre laquelle les personnages ne peuvent pas grand chose, eux-mêmes un peu figés dans des stéréotypes par le scénario trop clair, qui se sert de la métaphore pour surprendre mais pas pour ouvrir. L'ensemble est un peu raide, mais quand même intéressant. Omar El Zohairy a l'air d'être très inspiré par Kaurismaki. J'irai voir son deuxième film.

Et sinon, à l'hôtel :

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Prête-moi ta main, Eric Lartigau, 2006

Dégueulasse d'un bout à l'autre.

Une ligne de dialogue résume assez bien l'imaginaire du film, son exigence :
Alain Chabat demande à Charlotte Gainsbourg de se rendre détestable auprès de sa famille. La première chose que dit Charlotte Gainsbourg suite à ce conseil, face à la soeur d'Alain Chabat : "je vais faire caca". (Puis elle roule une pelle à l'autre soeur.)
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Une femme mariée et aimée, retombe amoureuse d'un amour de jeunesse, et cette passion sera dévastatrice. J'aime beaucoup le cinéma de Nicole Garcia, même si elle rate souvent ses films, enfin je dirais qu'elle ne les réussit jamais complètement, elle s'arrête avant, et c'est justement cette fugacité, cette frustration de passer à côté de quelque chose de grand, qui me rend cette cinéaste aimable, comme si l'aveu d'échec était en soi un geste artistique. Sinon, je pense qu'elle est aujourd'hui la seule digne héritière de Sautet.

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Adapatation du Houellebecq en téléfilm en deux parties, avec deux comédiens excellents. ça se regarde sans problème du début à la fin, mais comme pour l'adaptation cinématographique allemande qu'il y avait eu il y a une dizaine d'années, j'ai l'impression qu'on se contente ici d'adapter le fil narratif, et qu'on passe complètement à côté de l'essentiel. A savoir, jamais ici je ne ressent l'esprit Houellebecq, son profond désespoir. On me raconte la même histoire, mais c'est quelqu'un d'autre qui me la raconte, et ce quelqu'un ne m'intéresse pas.

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Un slasher dans un train au beau milieu d'une soirée étudiante avec David Copperfield qui fait des tours de magie, et la belle Jamie Lee Curtis alors Scream Girl en chef. On m'avait parlé de ce film comme d'un gentil nanar mais j'ai plutôt trouvé ça cool.

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Avant d'avoir été le 3ème président américain, Thomas Jefferson était ambassadeur à Paris, au moment de la Révolution Française, et ce sont ces quelques années que nous conte Ivory, mettant ses relations amoureuses en avant au moins autant que ses décisions politiques. Ivory réalise ce film juste après plusieurs de ses meilleurs, mais je m'y suis beaucoup ennuyé, au moins au temps que Nick Nolte qui doit encore se demander ce qu'il foutait dans ce rôle.

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Une mamie bien sous tous rapports est obligée d'aller taper des branlettes dans le glory hole d'un peepshow pour gagner suffisamment d'argent pour payer l'opération de son petit fils mourrant. L'intention est belle, le rythme du film déconcertant, mais la seule originalité est de voir Marianne Faithfull en occuper le premier rôle. Sinon, tout est cousu de fil blanc, et ça déroule du câble au rythme incéssant de la branlette monotone.

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Une Rosetta, belge forcément, en babygro... Franchement, je ne savais même pas qu'on pouvait encore faire du cinéma comme ça en 2022, soit caméra épaule qui suit une gamine de dos, et qui tremble même quand elle est posée sur un bureau d'école. Le film se veut une immersion dans l'école d'aujourd'hui pour en montrer les difficultés et la violence subie par les enfants, mais j'ai du mal à supporter ce manichéisme qui tend à dire qu'un enfant est soit une victime, soit un bourreau, et qui rend l'ensemble bien peu aimable et totalement faux. C'est une vision de l'école fantasmée par la cinéaste qui est montrée ici, fantasmée pour qu'elle puisse y insérer ses petits démons, qu'elle essaie de nous faire avaler en les enrobant dans un pseudo réalisme de pacotille.
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asketoner a écrit :
mar. 22 mars 2022 11:11
personne ne lui une ligne de dialogue (ni même une prise de son à peu près valable), bref, quelque chose à défendre qu'elle n'ait pas à inventer toute seule, qui ne repose pas entièrement sur elle.
En albanais, il y a un proverbe qui dit : "Monte sur l'arbre sinon je te tue ! descend de l'arbre sinon je te tue" :D
Je veux dire : pourquoi tu veux que l'actrice principale d'un film doit exécuter ce que le metteur en scène lui dit de dire ?? Dans un cas pareil, je suis sur que tu aurais dit : tout est préfabriqué, écrit d'avance.
:D

asketoner a écrit :
mar. 22 mars 2022 11:11
La fin m'a déprimé et écœuré, n'offrant aucun soulèvement
Pas de soulèvement pour l'instant (Dubaï comme horizon, tout comme Singapour dans "Les siffleurs" : il y a 2 ans, on a eu le même débat ensemble). Les bons cinéastes l'ont compris : nous sommes entre-deux-temps, dans le clair-obscure de Gramsci :

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les monstres en image :

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Tyra
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Les sabots de Jane Campion sont toujours aussi lourds, et la symbolique sur l'homosexualité refoulée du "méchant" pachydermique. La néo-zélandaise était l'auteur de quelques films pratiquement irregardables dans les années 90 (Holy Smoke, In the cut). Ici, le film se suit pour une fois sans déplaisir malgré sa balourdise, surtout dans sa dernière partie avec le développement d'une relation possiblement homosexuelle entre le cow-boy et son "apprenti", déroulant un suspense psychologique assez efficace qui aurait mérité de prendre davantage de place dans le film.


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Franchement décevant. Absolument tout le film est un pot-pourri d'influences et références déjà vues ailleurs (les précédents Batman, déjà), dans le film noir, le film policier (Seven et Zodiac) le film d'horreur (Saw), ou de maffia. Tous les clichés, scénaristiques et thématiques (le deus ex machina de la fin, le méchant encore une fois caricaturalement fou) sont convoqués pour former ce film bancal qui ne sait pas trop quoi raconter. Les enjeux "politiques" de l'opposition vengeance/justice sont déjà vus ailleurs, déjà dans Batman d'ailleurs, et le problème nous est souvent présenté comme un faux dilemme, en effet le héros me semble "du coté" de la justice dès le début, sa violence ne débordant pas du cadre moral établi d'avance dans ce type de film. Sous ses apparences sombres de film noir, le film est finalement très sage, la violence constamment édulcorée pour être tout public. Coincé entre l'exubérance de l'expressionisme allemand des Burton et le polar urbain froid des Nolan, sans réussir à vraiment trouver une voie intermédiaire. Reste de belles scènes par-ci par là, un plaisir de l'enquête lié au genre, mais c'est assez maigre.
J'aime par contre la manière qu'à le film de placer régulièrement dans le plan Batman au milieu des policiers, comme un maillon supplémentaire de la ""violence légitime de l'état", alors qu'il faisait bande à part dans les films précédents.

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Le titre résume bien ce que je pense du film, malheureusement. La mise en scène scrupuleuse d'une profession et l'interrogation autour du spleen d'un personnage ne suffisent pas à faire un film. Le regard est probablement trop distancié, trop ethnologue pour créer quelque chose de fort. Le film reste à distance de la mélancolie de Cassandre sans l'incarner et trouve en plus de cela la mauvaise idée de l'expliquer par un deuil et un drame familial.
La dernière partie belge, très critiquée, n'est en fait que la continuité plate du film, dépouillée de la curiosité qu'on avait à la découvert d'un milieu professionnel peu vu au cinéma.
Gros problème de son aussi, je ne comprenais que la moitié des dialogues.
Modifié en dernier par Tyra le lun. 28 mars 2022 15:05, modifié 1 fois.
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sokol a écrit :
lun. 28 mars 2022 12:25

Pas de soulèvement pour l'instant (Dubaï comme horizon, tout comme Singapour dans "Les siffleurs" : il y a 2 ans, on a eu le même débat ensemble). Les bons cinéastes l'ont compris : nous sommes entre-deux-temps, dans le clair-obscure de Gramsci :
La fin est aussi belle que désespérée, mais elle est assez méprisante pour Cassandre. Comme un jugement définitif, alors qu'elle aurait pu être quelque chose de plus profond que ce papillon attiré par la lumière du bling bling instagramable de Dubaï.
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Tyra a écrit :
lun. 28 mars 2022 15:01
La fin est aussi belle que désespérée, mais elle est assez méprisante pour Cassandre.
Ben non, une fin n'est pas un but en soi (la fin d'un film comme un résumé ou un truc comme ça). Comme tu dis, c'est une fin belle et désespérée, et c'est largement suffisant (à ce moment-là, j'avais dit dans ma tête, silencieusement, comme j'aime bien le faire souvent au cinéma : cut ! Et c'était effectivement la fin :D )
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Tyra a écrit :
lun. 28 mars 2022 14:46
Le titre résume bien ce que je pense du film, malheureusement. La mise en scène scrupuleuse d'une profession et l'interrogation autour du spleen d'un personnage ne suffisent pas à faire un film. Le regard est probablement trop distancié, trop ethnologue pour créer quelque chose de fort. Le film reste à distance de la mélancolie de Cassandre sans l'incarner et trouve en plus de cela la mauvaise idée de l'expliquer par un deuil et un drame familial.
La dernière partie belge, très critiquée, n'est en fait que la continuité plate du film, dépouillée de la curiosité qu'on avait à la découvert d'un milieu professionnel peu vu au cinéma.
Gros problème de son aussi, je ne comprenais que la moitié des dialogues.
Entièrement d'accord avec ça.

Et pour répondre à Sokol, j'ai aussi pensé aux Siffleurs figure-toi, mais pour moi, ces fins (dans les deux cas, avec leur ironie), c'est un mensonge, c'est un résumé, et c'est du mépris.
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asketoner a écrit :
lun. 28 mars 2022 17:47

Et pour répondre à Sokol, j'ai aussi pensé aux Siffleurs figure-toi, mais pour moi, ces fins (dans les deux cas, avec leur ironie), c'est un mensonge, c'est un résumé, et c'est du mépris.
Mais puisque ces fins existent (puisque nos héros y vont dans ces endroits-là), autant les filmer !! Pourquoi nier la réalité, même si elle est triste à mourir ?? Du moment qu’on les filme dignement, il n’y a rien à dire ! (à croire que tu veux ‘embellir’ une réalité indéniable, même si triste et moche au possible).

ps : prenons des exemples ‘classique’ : quand le petit dans Allemagne année zero se jete du 5e étage ou quand Nana se fait buter comme un chien dans Vivre sa vie, Rossellini ou Godard ne font que filmer, n’est ce pas ? Pourquoi ? Mais parce que l’époque est exécrable, désespérante donc il n’y a qu’à filmer
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sokol a écrit :
lun. 28 mars 2022 18:47
asketoner a écrit :
lun. 28 mars 2022 17:47

Et pour répondre à Sokol, j'ai aussi pensé aux Siffleurs figure-toi, mais pour moi, ces fins (dans les deux cas, avec leur ironie), c'est un mensonge, c'est un résumé, et c'est du mépris.
Mais puisque ces fins existent (puisque nos héros y vont dans ces endroits-là), autant les filmer !! Pourquoi nier la réalité, même si elle est triste à mourir ?? Du moment qu’on les filme dignement, il n’y a rien à dire ! (à croire que tu veux ‘embellir’ une réalité indéniable, même si triste et moche au possible).

ps : prenons des exemples ‘classique’ : quand le petit dans Allemagne année zero se jete du 5e étage ou quand Nana se fait buter comme un chien dans Vivre sa vie, Rossellini ou Godard ne font que filmer, n’est ce pas ? Pourquoi ? Mais parce que l’époque est exécrable, désespérante donc il n’y a qu’à filmer

Je sais, c'était déjà ton argument dans les Siffleurs, "c'est la réalité". Mais je ne suis pas d'accord, c'est un angle, c'est une restriction. Quand on montre quelque chose il y a tout ce qu'on ne montre pas. Et le film d'Emmanuel Gras, par exemple, est là pour témoigner d'une autre réalité. Le désir de la masse n'est pas le désir du monde entier. La masse, en réalité, est minoritaire. Quand on dit, par exemple, "tout le monde est allé voir Titanic", en fait, il s'agit de 20 millions de personnes en France. Il y a en a donc 40 millions (une majorité) qui n'y est pas allée, qui avait un autre désir que celui d'aller voir Titanic quand Titanic est sorti.
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Narval
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Rien à voir mais je viens d'apprendre que le remake américain de La famille Bélier venait de gagner le meilleur film aux Oscars :lol:
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Narval a écrit :
mar. 29 mars 2022 06:14
Rien à voir mais je viens d'apprendre que le remake américain de La famille Bélier venait de gagner le meilleur film aux Oscars :lol:
Le cinéma va de mieux en mieux quoi :D
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asketoner a écrit :
mar. 29 mars 2022 00:26
Quand on dit, par exemple, "tout le monde est allé voir Titanic", en fait, il s'agit de 20 millions de personnes en France. Il y a en a donc 40 millions (une majorité) qui n'y est pas allée, qui avait un autre désir que celui d'aller voir Titanic quand Titanic est sorti.
Tout à fait d'accord. LE problème est que, Emmanuel Marre et Julie Lecoustre ont choisi de filmer Cassandre qui fait partie de ces 20 millions qui sont allé voir Titanic ! C'est ça le problème !
Ah ok, si tu dis qu'il ne fallait pas filmer Cassandre (qui-est-allée-voir-Titanic) mais, admettons, Lou (qui-n'est-pas-allée-voir-Titanic), là oui, on peut discuter (pourquoi Lou plutot que Cassandre).
Modifié en dernier par sokol le mar. 29 mars 2022 11:03, modifié 1 fois.
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C'est surtout sa suite, Démons 2, qui est important pour moi, j'y reviendrai dans quelques jours, mais j'étais également très heureux de revoir ce premier volet, les deux venant d'être magnifiquement réédités par Carlotta, dans une édition dont on n'osait rêver. Ce film au pitch minimaliste est le fruit d'une collaboration étroite entre Dario Argento et Lamberto Bava, fils de Mario, qui avait déjà fait quelques films avant, mais qui tient sa légende à lui notamment grâce à ce dyptique. Ce premier volume raconte simplement une invasion de zombies dans un cinéma, huis clos bizarrement situé à Berlin (on sort quand même un peu de cinéma dans le film). Evidemment c'est un film qui est devenu l'emblême d'une génération, celle de la VHS gore, et tous les gens ayant a peu près mon âge savent de quoi je parle. Démons n'est pas exempt de défauts, de jeu, de scénario, de crédibilité, c'est de l'outrance en permanence, des effets spéciaux maison qui font le charme de ce genre de production, donc c'est le régal absolu de tout amateur de Z. Mais au-delà de ça, le film est éminemment politique. Bien sûr c'est une remise en question du cinéma à la papa, avec une armée de zombies qui viennent foutre la misère dans une salle de cinéma, ce n'est pas rien comme message, un désir flagrant de faire table rase du passé, mais le film va bien plus loin à cause de pedigree de son auteur. Lamberto Bava est le fils de Mario Bava, dont le premier film et grand chef-d'oeuvre est Le Masque du Démon. Ici son gamin reprend le mot Démon dans son titre et, il l'assume lui-même comme un clin d'oeil hommage à son père, le virus zombie se propage à cause d'un masque métallique qu'un des personnages se met sur le visage en début de film, exactement comme celui qui recouvrait de force le visage de Barbara Steele. Lamberto ouvre donc ce film manifeste par un hommage évident à son père, mais va tout mettre en oeuvre pour ensuite en casser les codes. Le film projeté dans son cinéma est un film d'horreur (fictif, réalisé spécialement pour Démons), et le message sous-jacent du film est également de faire table rase du cinéma du paternel, pionnier dans l'horreur certes, mais avec un certain classicisme, une élégance certaine dirons nous, en le saccageant joyeusement. Même si Lamberto Bava a déjà 40 ans au moment du tournage, Démons apparait comme une belle crise d'adolescence par l'affirmation de l'individu en opposition à la figure paternelle.
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Avant de le voir, je pensais voir un film racontant la vie d'un évangélisateur un peu timbré, un peu comme le très bon Prédicateur de Robert Duvall. Mais non, dans le Malin, ce n'est pas seulement le protagonistre qui est timbré, mais l'ensemble du film, des personnages, de l'environnement qui le sont. C'est un film complètement dingue, fauché, indépendant - venant pourtant d'un géant d'Hollywood de 73 piges -, qui ressemble beaucoup à deux trois maverick du Nouvel Hollywood (The King of Marvin Gardens par exemple), qui a comme ambition de montrer la dégénérescence d'un pays malade et totalement dingue, en tout cas de certains états. Plus aucune règle, plus aucune mesure entre les individus, seule la folie et la sauvagerie primales règnent, à tel point qu'on dirait parfois que les monstres qui font office de personnages dans le film sont tout droit sortis de la black lodge de Twin Peaks ou d'une roulotte de Freaks. Terrifiant et fascinant.

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Une écrivain anglaise débarque à Bombay et débute une relation amoureuse tumultueuse avec un acteur de comédies musicales local. Film plaisant, mais assez secondaire, de la période indienne d'Ivory, à ranger aux côtés du Guru. Intéressant pour ce qu'il montre de Bombay.
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Polar 90's mi-gore mi-paranoïaque, typique de son époque et dans son côté provoc et dans son esthétique, nul et affreusement daté.

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En noir et blanc, une bande de sauvages dans une forêt est perturbée par la découverte d'une boule de cricket, puis découvre une maison cossue dans laquelle ils foutent le bordel. Cut. Puis en couleurs, une bande d'aristos fin de race, dans la même demeure, dine, festoie, s'autocongratule avant de partir en couilles et de revenir à l'état sauvage. La dichotomie du premier long métrage d'Ivory après sa période indienne est vraiment lourde et simpliste, et le film globalement inintéressant même si sa folie générale est assez surprenante.
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Atroce. A se demander si c'est ça la norme esthétique contemporaine, mais si c'est le cas c'est vraiment à pleurer. ça donne en tout cas hyper envie de revoir le John Guillermin pour se laver les yeux.

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Un vieil universitaire anglais, le toujours impérial James Mason, se rend dans l'appartement d'une princesse indienne, et ensemble ils vont, célebrant ainsi son anniversaire et projetant des films issues d'images d'archives, se remémorer son père, puissant Maharadjah qui finira déchu, et dont l'Anglais était un proche. A part les images d'archives, le film ne quitte pas le salon de l'appartement, et plutôt que de cette princesse, c'est plutôt la biographie de son père qui est faite, avec bien sûr, la sienne en creux. Drôle de film, à la courte durée (même pas une heure), anecdotique mais en même temps étrange, et qui semble en même temps être une clef de voûte pour comprendre l'oeuvre du plus anglais des cinéastes américains. Disons que ces deux centres d'intérêt sont l'Inde et l'Angleterre, et l'on comprend ici qu'il a pu s'intéresser à l'Angleterre du début du 20ème siècle après s'être intéressé à l'Inde, grâce aux rapports ténus entretenues entre les deux nations.
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Le Grand mouvement, Kiro Russo

Le film est très inconsistant, je m'y suis ennuyé très vite, et pourtant, au milieu de l'ennui, soudain, une trouvaille expérimentale émerge, comme ce chien blanc dans la nuit, ces visages qui s'additionnent à toute allure, ces vendeuses qui se moquent du protagoniste au milieu des fruits, ou ce train en surimpression qui semble surgir des poumons obstrués du héros. Kiro Russo cherche le beau et l'inédit, c'est déjà bien.
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Bruno Reidal, Vincent Le Port

Mystère d'un premier film à la fois très aventureux (dans son propos, admirable, parfait, d'une tenue exemplaire, et qui suscite l'intérêt tout du long grâce à une totale absence de compromis, une sorte de fièvre du sens) et terriblement conventionnel (dans sa forme, bourrée de musique, de mains qui tremblent sur des stylos plume, de ralentis lourdauds, de dates qui s'inscrivent à l'écran)... Et je suis sûr que le deuxième film sera déjà moins bon (c'est horrible à dire, mais c'est comme ça, parfois on le sent, dès le premier film on voit quelle place le cinéaste souhaite occuper dans le paysage). Mais pour le moment, c'est assez fort, un film qui aborde de front la question de la confusion entre désir sexuel et désir meurtrier, et qui situe son action dans le Cantal, région du couteau, dans un milieu où toute l'éducation passe par la lame.
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Eli, eli, lema sabachthani ? (Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné) - Shinji Aoyama - 2005

On sait la difficulté que peut avoir le cinéma à représenter à l'écran d'autres formes d'art que lui-même : si les bons films sur le cinéma sont légions, on compte sur les doigts de quelques mains les bons films sur les peintres(/la peinture), la littérature (/les auteurs), les musiciens (/la musique) etc etc. Et ceci essentiellement pour une question de médium : ce qui est intéressant sculpturalement ne rend pas forcément quelque chose d'intéressant cinématographiquement sans tomber dans l'illustratif, et rares sont les auteurs arrivant à retranscrire l'essence de l'un en l'autre.
Il fallait sans doute un réalisateur japonais, pays dont on sait le peuple infiniment mélomane, pour réussir adroitement un tel exercice au sujet de la musique. Et plus encore il fallait définitivement un réalisateur japonais pour réaliser adroitement un film sur la musique expérimentale, le Japon étant doté d'une très grande scène musicale donnant dans les expérimentations extrêmes
Eli, eli, lema sabachthani ?, de Aoyama (venant de décéder et dont son film le plus célébré n'est autre que le splendide Eureka) est une curiosité totale, porté par un scénario abracabrantesque. Alors que l'humanité est en proie à un mystérieux virus (dit "du lemming") poussant une grande part de la population à se suicider, certain se mettent à supposer que la musique jouée par un duo de musique noise peut guérir du virus... Un homme dont la petite-fille est atteinte du virus va donc les trouver pour les supplier de jouer un concert pour sa petite-fille, elle même fan du dit groupe... Le scénario n'est pas beaucoup plus détaillé que cela et le réalisateur en profite essentiellement pour filmer les deux membres du groupes vaquer à leurs activités créatrices normales : faire du field-recording, faire tournoyer des tuyaux en plastiques et taper sur leurs guitares, et ceci jusqu'au "grand concert curatif", longue plage de harsh-noise-wall en plein milieu d'un champ ensoleillé durant pas moins de 12 minutes. Franchement, mazette.
Le résultat est sans doute plutôt à réserver aux amateurs de musique expé (ça tombe bien, j'en suis) mais ce qui est assez génial c'est que les deux types ne sont jamais montrés comme bizarre ou étrange : ils font juste leurs musiques comme bon leur semble et c'est l'acte créatif qui devient le coeur du film. C'est ici que se cache le coeur de la problématique du film : comment un geste artistique radical peut-il vivre au sein du monde et doit-il, ou non, le considérer pour exister ?


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The death of the horse - Kumbaro - 1992

Le cinéma albanais est bien trop rare pour que je ne me jette pas sur ce film diffusé sur le service de streaming de Arte. Paru juste après la chute du régime autoritaire du pays, le film dresse un portrait acerbe de son ancien système politique à travers l'histoire d'un homme condamné à tort (ou presque) de ne pas avoir abattu un cheval considéré comme malade, avec toute la métaphore que peut recouvrir cette thématique...
On ne peut pas vraiment dire que l'on soit face à un du grand cinéma, mais le ton me semble suffisamment juste pour décrire correctement l'absurdité d'une dictature militaire sous toutes ses insidiosités.

Sokol si tu nous lis... connais tu ? l'as tu vu ?


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Vu à l'occasion d'un mini-cycle sur le cinéma Ukrainien diffusé à Nantes à cause de l'actualité internationale, je me suis laissé tenté par le nom de Loznitsa mais peut-être aurais-je du aller voir l'un des deux autres films présentés.
Loznitsa semble être le cinéaste du flux et du flot, de la lente dérive barrée d'obstacles, avec plus (son premier long métrage de fiction, My Joy, dont je garde un souvenir fort, bien qu'éloigné) ou moins (Une femme douce) de réussite. Ici la forme est à nouveau proche et c'est sur la frontière de la zone occupé d'Ukraine que l'on bute sans cesse et le long de laquelle se croisent sans cesses divers protagonistes. Loznitsa est aussi documentariste (mais je n'ai rien vu de lui de ce genre) et adopte ici une forme très télévisuelle flirtant avec le reportage, toujours aux plus près de ceux qu'il filme. Le problème principal est que le résultat est assez peu clair et que l'on fini pas ne plus savoir très bien qui est qui et qui fait quoi...et si certaines situations ne frisent pas la caricature par leur absence de contraste. Une somme d'élément un peu problématique pour un film qui se veut aussi militant, et dont l'écho n'a pris que plus d'ampleur depuis un mois (ce film date de 2018). Le silence circonspect qui planait sur la salle (quasi pleine !) à la sortie du film n'a fait que confirmer mes craintes.

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Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère...(1976) de René Allio semble être l'inspiration la plus directe du premier film de Vincent Le Fort. Mon visionnage date, mais dans mon souvenir l'inamabilité du sujet était rendu tolérable par la sèche raideur de la mise en scène, tandis que Vincent Le Fort semble fasciné par son sujet et son jeune héros en étant toujours à la recherche du beau plan.
Le film se construit autour de la confession de Bruno Reidal, narrant devant trois médecins divers épisodes de sa jeunesse jusqu'au meurtre qu'il commit début septembre 1905 . Et la parole, sa parole, entière de devenir la béquille des images, qui viennent essentiellement en illustrer les propos. Si on rajoute à cela la lourdeur de certaines techniques employées (la musique bon dieu... les plans "d'écritures", l'un ou l'autre ralentis, par exemple) et il ne reste plus grand chose de ce film qu'on veut vendre comme "radical" mais qui se rêve comme tel plus qu'il ne l'est véritablement (même les plans ne durent pas, et aucun sens du rythme particulier ne vient relever le chose). J'ose espérer que Le Fort penche vers ses envies de rigueur dans ses prochains films, sinon il sera sans doute un excellent metteur en scène de biopics en costumes, pour les amateurs du genre...
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Bon ben @asketoner je crois qu'on est plus ou moins raccord sur Bruno Reidal :D
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cyborg a écrit :
lun. 4 avr. 2022 01:37
Bon ben @asketoner je crois qu'on est plus ou moins raccord sur Bruno Reidal :D
C'est drôle, on dirait qu'on l'a vu ensemble et qu'on a passé la soirée à rigoler sur la scène du stylo plume ! :lol:
Mais je suis plus indulgent que toi, car le propos est très courageux - d'ailleurs les spectateurs dans la salle où j'étais hier soir étaient choqués.
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cyborg a écrit :
lun. 4 avr. 2022 01:33
on compte sur les doigts de quelques mains les bons films sur les peintres(/la peinture), la littérature (/les auteurs), les musiciens (/la musique) etc etc. Et ceci essentiellement pour une question de médium : ce qui est intéressant sculpturalement ne rend pas forcément quelque chose d'intéressant cinématographiquement sans tomber dans l'illustratif, et rares sont les auteurs arrivant à retranscrire l'essence de l'un en l'autre.
Je pense que c'est, comme tu dis, vraiment compliqué. Dans le sens que il n'y a pas de règle car, si "Edvard Munch"(que j'ai vu 3 fois !) intègre les deux approches (c'est à dire : le metteur en scène mise et sur la biographie cinématographique de l'artiste plasticien donc sur la dramaturgie tirée du vécu du personnage et sur son processus créateur), un film comme "Le songe de la lumière" mise uniquement sur ce dernier (sur les étapes essentielles du processus créateur). Les deux films en question son magnifiques mais je crois que le deuxième (que j'ai vu qu'une fois ! tiens tiens) est, à mon avis, plus difficile donc il demande plus d'estomac car nettement moins dramaturgique donc moins vendeur. Et du coup, plus "producteur de temps".


cyborg a écrit :
lun. 4 avr. 2022 01:33
The death of the horse - Kumbaro - 1992

Le cinéma albanais est bien trop rare pour que je ne me jette pas sur ce film diffusé sur le service de streaming de Arte. Paru juste après la chute du régime autoritaire du pays, le film dresse un portrait acerbe de son ancien système politique à travers l'histoire d'un homme condamné à tort (ou presque) de ne pas avoir abattu un cheval considéré comme malade, avec toute la métaphore que peut recouvrir cette thématique...
On ne peut pas vraiment dire que l'on soit face à un du grand cinéma, mais le ton me semble suffisamment juste pour décrire correctement l'absurdité d'une dictature militaire sous toutes ses insidiosités.

Sokol si tu nous lis... connais tu ? l'as tu vu ?
Que fut grande ma surprise quand j'ai vu qu'Arte a mis ce film dans son Replay !
Oui, je connaissais son existence (qui a profité du fait que, juste après ce qu'on appelle en Albanie "la chute de la dictature communiste", le Kinostudio (le Hollywood ou Le Mosfilm albanais) continuait encore à produire quelques films - sache que jusqu’en 1990, le Kinostudio produisait obligatoirement (je dis bien obligatoirement !) 13 films par ans (autant que les membres du politburo du Parti Communiste ou les 13 apôtres de Jésus de Nazareth :D ) ce que faisait d'Albanie le pays qui produisait le plus grand nombre de films par an au monde par rapport à sa population : 13 film pour 3 millions d'habitant ou 4 film pour 1 million d'habitant - la France produit aujourd’hui 300 films par an, c'est à dire 5 film pour 1 million d'habitant). C'est dire ! C’était vraiment énorme à l'époque (les chaines de Télé chinoise, encore à nos jours diffusent de vieux film albanais puisque le pays était maoïste de 1960 à 1978).
Bref, "La mort d'un cheval" a profité de cette ancienne dynamique de production, même si il y a déjà déjà l'influence des collaborations étrangère (la musique est écrite par un français : as tu reconnu le générique de "Bas les masques", l'émission de Mireille Dumas dans les année 90 ? :lol: https://www.youtube.com/watch?v=iBlU3wDv4a0 (et dans le film : https://youtu.be/TRKnHKjco2w?t=1279 - la 21:19 minute)

Je ne l'avais jamais vu le film, même s'il est depuis la nuit des temps sur Youtube. Là, je l'ai vu vendredi dernier, mais juste les 20-25 premières minutes : impossible d'aller plus loin. Perso j’appelle ça : zéro cinéma. Autrement dit, de l'illustration d'un scénario (on a même l'impression que les images illustrent plutôt la musique ou alors c'est parce que j'ai tellement vite reconnu le générique de "Bas les masques" que j'ai eu un fou rire et je trouvais ça carrément pathétique, foutage de gueule quoi :D

ps: c'est fort dommage car 2 ou 3 ans avant, le Kinostudio produisait des films, certes dans un cadre idéologique (mais, est ce que le cinéma peut échapper à l'idéologie ?? vaste débat), mais nettement mieux cinématographiquement parlant. C'est à dire : qu'on peut les voir dans leurs totalités.
Modifié en dernier par sokol le lun. 4 avr. 2022 12:37, modifié 2 fois.
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