Le Centre de Visionnage : Films et débats

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asketoner
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Sonate d'automne, Ingmar Bergman, 1978

La colère de Liv Ullman contre sa mère au milieu de la nuit est une des choses les plus déchirantes que Bergman ait filmées. Il a su organiser cette colère, la laisser se déployer progressivement, et lui laisser tout le temps d'atteindre un paroxysme : bref, il a su la mettre en scène. La réponse de la mère, face à cela, est assez anecdotique, et je suis partagé entre la violence univoque de la charge, et l'émotion terrible que crée cette réponse nécessairement insuffisante, toujours fuyante.
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asketoner
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Hit the road, Panah Panahi

Il y a un charme qui tient aux paysages et aux comédiens, à l'humour qui se déploie dans les scènes, au temps qu'on prend pour poser une situation et amener les spectateurs à la regarder vraiment. Mais le film, à force d'éviter de révéler son histoire, en devient la laborieuse paraphrase, et se perd en bavardages et coquetteries.
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asketoner
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Qui à part nous, Jonas Trueba

J'ai eu l'impression qu'on me passait la version commentée d'un film, comme il en existe parfois sur les dvd, avec le chef op qui dit "et là c'était très difficile à éclairer, en plus on avait tout le temps peur que le groupe électrogène tombe en panne", etc... Sauf que la voix off dans Qui à part nous ne disgresse jamais, elle ne fait que redoubler l'image : "et là elle pose sa tête sur son épaule", et effectivement, elle pose sa tête sur son épaule. Difficile de trouver là-dedans la moindre émotion.
Je n'ai pas non plus vraiment réussi à savoir si ce que je voyais était un documentaire très fabriqué ou une fiction super pauvre. En tout cas, en terme de récit, ce n'est pas la révolution : la fille la plus jolie de la bande sort avec le mec de 19 ans et le garçon le plus timide va finir par embrasser la fille à lunettes. C'est dommage, parce que le garçon qui s'habille à moitié comme il veut et à moitié comme ses parents voudraient qu'il soit est une idée de personnage vraiment grandiose, mais Jonas Trueba oublie de le filmer. Il aurait pu un peu outrepasser les cases que le film ne cesse de tracer et de retracer autour de ses héros.
Enfin, je me disais pendant le film que le cinéma, sans doute sous l'influence des séries, essaye de plus en plus de nous faire croire qu'il nous montre "la vie telle qu'elle est". Et on y va pour prendre un morceau de ça. Mais moi ça ne m'intéresse pas du tout. Je ne vais pas au cinéma pour voir la vie, mais plutôt la forme que quelqu'un a tenté de donner à un sentiment, une histoire, un souvenir ou une rencontre. Or dans Qui à part nous, il n'y a pas de forme, il n'y a que ce semblant de vie.
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Tyra
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:hello:
Vu peu de films ces derniers temps, que ce soit au cinéma ou chez moi par manque de temps.

Rattrapage des sorties de fin d'année dernière :

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Je suis toujours curieux de voir ce qui remporte aujourd'hui du succès, encore plus en ce moment où les salles se portent mal. Et donc, voici le film qui fait courir les gens au cinéma, et qui me fait me sentir de plus en plus vieux. Ou décalé plutôt, puisque ce film vise une nostalgie de la génération de mon âge.
Je passe rapidement sur le pitch et le scénario prétexte, d'une abyssale débilité, qui arrive à ne pas tenir debout dans un univers où pourtant règne déjà l'invraisemblable. Je passe sur l'humour nul qui ne tente même pas de se poser sur un tempo comique. Je passe sur cette navrante idée de guérir les méchants pas beaux de leur méchanceté, tellement Spiderman il a un grand cœur.
Bref, il est question ici de la mise en place d'un "multivers" dans la série des Marvel. C'est à dire que plusieurs univers coexistent, et chacun d'eux comportent de multiples variations du même monde. Et donc ici, de multiples Spiderman et les méchants qu'ils ont affronté dans les films précédents. Un magicien au look invraisemblable a le pouvoir de faire communiquer ces mondes entre eux via l'ouverture de portes. C'est donc l'occasion de faire revenir les méchants et donc si vous ne le savez pas, les acteurs des deux séries précédentes, Tobey McGuire et Andrew Garfield.
C'est vertigineux quand on y pense, une porte magique qui donne sur un ailleurs, grand classique du récit fantastique, n'est ici plus du tout la porte ouverte vers le merveilleux, mais l'ouverture d'un placard à jouet que les young-adultes rouvrent à loisir pour prendre un grand bain de nostalgie. J'imagine que pour eux, le merveilleux consiste donc à retrouver un Tobey McGuire vieilli qui fait peine à voir, au milieu d'un bain numérique foutraque où rien n'a d'importance, où tout est numérique, où tout s'annule, la mort, la mémoire...
A ce compte là d'ailleurs, la seule séquence un peu réussie est cette course poursuite numérique et pyrotechnique entre Dr Strange et Spiderman, où les deux protagonistes modèlent l'espace à leur guise créant moults effets presque psychédéliques et caléidoscopiques, où le film se libère enfin du réel et assume qu'il n'en a rien à faire.
A noter aussi, puisque le film tente constamment de se rendre cool, l'utilisation d'I Zimbra des Talking Heads en début de film.


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Tentative française de thriller vaguement Hitchcockien, reprenant le thème de la double identité, qui fait pchit comme souvent, faute d'une histoire crédible et surtout d'un vrai metteur en scène à la barre. Enième occasion aussi de déplorer les problèmes de son dans le cinéma francophone notamment lorsque les acteurs ont la mauvaise idée de chuchoter souvent, ou d'avoir un accent à couper au couteau comme celui qui donne la réplique à Efira.


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Vous êtes biens gentils avec ce film, qui fonctionne le temps d'un premier quart d'heure enlevé, avant de tomber dans une mollesse et un manque d'idée rédhibitoire pour une comédie. Peretjatko est avant tout un auteur de gags et se montre donc peu à l'aise quand le comique porte davantage sur les situations ou les dialogues. Et Philipe Katherine est cruellement sous-exploité (comme souvent).
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Tyra
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Je continue avec les films de 2022.

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Ca commence à devenir une tendance assez forte, ces réalisateurs américains qui ont de la bouteille et qui reviennent sur leur enfance et l'époque qui s'y attache. Ce sera le cas de Spielberg l'année prochaine ("The Fablemans", titre qui a un certain rapport avec ce qui nous est raconté ici), mais on pense forcément au Licorice Pizza de PTA sorti en début d'année. D'ailleurs, fait amusant, l'enfant du Linklater a 9 ans en 1969, année de l'alunissage, tandis que l'adolescent du PTA a 15 ans en 1973, les dates se recoupent presque, comme s'il s'agissait de l'évolution d'un seul et même personnage. Mais à deux endroits différents, car ici il s'agit du Houston des années 60, lieu presque entièrement tourné vers l'exploration spatiale. Comme un ailleurs, une promesse d'évasion, en réalité inaccessible malgré la fabulation (probable mais jamais explicite) de l'enfant sur ce sujet, l'imaginaire se constituant finalement entièrement sur la société de consommation de l'époque, ses produits, sa télévision, ses parcs d'attractions, ses loisirs, comme un précipité de l'américan-way-of-life. Cette mythologie capitaliste ne produit pas ci d'héroïsme ou de grande aventure comme chez PTA, mais une suite d'anecdotes ou de légendes urbaines souvent drôles que Liklater a probablement tiré de son enfance, elle aussi passée à Houston. Une nostalgie iconisée par le procédé de la rotoscopie, déjà utilisée pour A Scanner Darkly, enveloppant le film d'un halo pop-art comme si cette société marchande et publicitaire avait engloutie nos personnages. Participant à donner à ce film souvent réjouissant une inquiétante étrangeté. En tout cas le film me reste pas mal en tête et me donne envie de le revoir, tant la vitesse de l'ensemble m'empêche de tout assimiler.
Episode de la gène occasionnée sur le film :
https://soundcloud.com/la-gene-occasionnee


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Attention spoilers
Assez déçu. Je suis peut être trop terre à terre, mais je ne m'attendais pas à ce que le film ne dévoile jamais la raison du départ du fils. De quoi s'agit-il ? Fuite de la prison, de l'armée ? Ou simple tentative d'émigration ? Dans ce cas-là, pourquoi se cacher de cette manière ? Est-il impossible d'émigrer pour un Iranien sans se cacher de l'Etat ? J'ai l'impression qu'il me manque quelques pièces pour comprendre, et cette frustration m'a constamment éloigné de ce que vivaient ces personnages.
De plus les dernières minutes, avec la multiplication des chansons (la dernière sur le lac, avec le playback de l'enfant, vraiment pénible), et ce père allongé dans l'herbe qui se transforme en ciel étoilé, c'est NON. On dirait du Michel Gondry.

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Je le préfère au précédent, moins précieux, moins chichiteux, mais ça reste toujours aussi guindé, voir frigide (le sexe est pourtant de toutes les conversations) ce qui m'empêche constamment de voir le Rohmer que tout le monde voit chez Hamaguchi, alors que le titre et la forme du film sont un hommage explicite. C'est toujours très écrit mais ça manque d'esprit, ça fait confiance à la durée mais cette durée ne produit pas toujours grand chose. C'est un cinéma que je devrais aimer mais qui me laisse toujours à distance.
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Tyra a écrit :
mar. 3 mai 2022 16:37
Hit the Road
Attention spoilers
Assez déçu. Je suis peut être trop terre à terre, mais je ne m'attendais pas à ce que le film ne dévoile jamais la raison du départ du fils. De quoi s'agit-il ? Fuite de la prison, de l'armée ? Ou simple tentative d'émigration ? Dans ce cas-là, pourquoi se cacher de cette manière ? Est-il impossible d'émigrer pour un Iranien sans se cacher de l'Etat ? J'ai l'impression qu'il me manque quelques pièces pour comprendre, et cette frustration m'a constamment éloigné de ce que vivaient ces personnages.
Ce que j'ai éprouvé au visionnage est très similaire : Panahi souhaitait que la raison du départ ne soit pas révélée pour universaliser le ressenti de la fuite et de l'exil, mais il me semble être passé à côté de cet objectif. J'ai été très dérangé d'être placé dans le rôle de l'enfant - le seul à ne pas connaître la raison de ce voyage - tout au long du film. En ce qui concerne la raison de l'exil (qui me semble bien subi, et non choisi) du fils, la Turquie joue le rôle de pays-sas pour nombre d'homosexuels iraniens en vue d'un exil futur vers l'Occident. J'ai privilégié cette théorie ...
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asketoner
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Damnation, Bela Tarr, 1987

Par les fenêtres du film, on voit toujours ce téléphérique pour marchandise, charriant on ne sait trop quoi dans ces nacelles, avançant lentement le long de vieux fils, dans un paysage gris, pluvieux ou brumeux. Plus tard, au Titanik bar, après que la chanteuse a chanté sa chanson désespérée dans un demi-sommeil, les yeux fermés et la tête appuyée contre un mur ([youtube]https://www.youtube.com/watch?v=DTg7OiDSX5s[/youtube]), les clients se lancent dans une ronde un peu désordonnée, une chenille de la dernière chance, avant transformation de l'humanité en flaque humide et quelques ordures. La prophète aux longs cheveux clairs vient de parler : il faut danser, dit-elle à ceux qui ne l'écoutent plus, on ne sait jamais ce qu'il pourrait se passer. Un être humain subsiste : il ne peut plus s'arrêter de danser. Ces mouvements n'ont pas de sens, mais ils sont ceux du monde dans lequel nous vivons. Mouvements des marchandises, mouvements des danseurs. Quelque chose tend à disparaître.
L'émotion est là, dans la fragilité du monde filmé, dans la valeur quasi-héroïque de chaque plan, où tout geste, toute parole semble arrachée au dernier exemplaire d'une encyclopédie rongée par les vers. Bela Tarr filme les hommes qui passent dans les rues, et quand ils sont passés, il continue de filmer, pour montrer les chiens qui les suivent, les chiens qui passent après. Qu'est-ce qu'ils font ? Ils cherchent eux aussi quelque chose, sur ces trottoirs trempés. Ils cherchent ce que les humains ont pu laisser. Les premiers ne sont pas très bien servis, mais il y a les suivants aussi, tout un monde, une hiérarchie, une déclinaison d'êtres qu'aucune satisfaction ne peut étreindre.
Le film tient à ses images ; il tient aussi à ses chansons. On y assiste comme on écoute un album, piste après piste, avec quelques échos entre les morceaux. C'est la mélancolie qu'on vient trouver ici. Une émotion qui n'est pas liée au récit en tant que tel, auquel je ne comprends toujours pas grand chose, bien que ce soit la troisième fois que je vois Damnation, mais bien plutôt à l'ensemble des situations, à ces dérives dans la nuit, ces jalousies, ces colères, ces solitudes, ces joies, ces complots, qui nous rappellent quelque chose. Comme si c'était un peu plus vrai que ce qu'on croit vivre, ce qu'on voit sur l'écran, mais trop insupportable pour s'en souvenir vraiment, une fois que le film est fini.
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sokol
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asketoner a écrit :
sam. 30 avr. 2022 22:57
Mais le film, à force d'éviter de révéler son histoire, en devient la laborieuse paraphrase
Pas tant que ça : Panahi Junior est Kiarostamien donc, pour lui, le vrai film commence plutôt quand sort du cinéma.
Est-ce qu'il réussit vraiment cela ? Pas tout à fait, mais il essaie.Un peu comme le dernier Guiraudie
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:05
C'est la mélancolie qu'on vient trouver ici. Une émotion qui n'est pas liée au récit en tant que tel, auquel je ne comprends toujours pas grand chose, bien que ce soit la troisième fois que je vois Damnation, mais bien plutôt à l'ensemble des situations
...
. Comme si c'était un peu plus vrai que ce qu'on croit vivre, ce qu'on voit sur l'écran, mais trop insupportable pour s'en souvenir vraiment, une fois que le film est fini.
:jap: :jap: :jap: Que tu le dis bien. C'est ça Damnation. Merveille de chez merveille
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sokol a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:40
Pas tant que ça : Panahi Junior est Kiarostamien donc, pour lui, le vrai film commence plutôt quand sort du cinéma.
Pour moi ça ne commence pas quand on sort, Kiarostami, ça continue. C'est quand même différent.
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Tyra a écrit :
mar. 3 mai 2022 16:37
Est-il impossible d'émigrer pour un Iranien sans se cacher de l’État ?
Oui, tout à fait. L'état s'en fiche. Mais on ne peut que partir illégalement (en traversant la frontière avec la Turquie) car pour les iraniens, il est très difficile d'obtenir un visa.
Modifié en dernier par sokol le mer. 4 mai 2022 11:03, modifié 1 fois.
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asketoner a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:44
Pour moi ça ne commence pas quand on sort, Kiarostami, ça continue. C'est quand même différent.
Oui oui, je me suis mal exprimé. Panahi Junior a voulou que ça continue. mais c'est la fin qui n'est pas terrible (il y a deux fins, deux fois des chansons)
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sokol a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:48
asketoner a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:44
Pour moi ça ne commence pas quand on sort, Kiarostami, ça continue. C'est quand même différent.
Oui oui, je me suis mal exprimé. Panahi Junior a voulou que ça continue. mais c'est la fin qui n'est pas terrible (il y a deux fins, deux fois des chansons)
Oui c'est vraiment la fin qui est ratée, mais je trouve qu'elle révèle le ratage global du film.
Ce qui est circonvolution chez Kiarostami ou chez Panahi est ici évitement. C'est très superficiel, je trouve. D'ailleurs il y a beaucoup de recherche d'effets.
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NotExpected a écrit :
mer. 4 mai 2022 09:43
En ce qui concerne la raison de l'exil (qui me semble bien subi, et non choisi) du fils, la Turquie joue le rôle de pays-sas pour nombre d'homosexuels iraniens en vue d'un exil futur vers l'Occident. J'ai privilégié cette théorie ...
C'est encore plus simple : la Turquie est le seul pays frontalier avec l'Iran à travers lequel on peut venir en Europe.

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asketoner a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:51
D'ailleurs il y a beaucoup de recherche d'effets.
C'est les jeunes ça :D (c'est comme si je dis: je suis vieux :lol: ). Mais @B-Lyndon (pas vieux) l'avait bien dit à propos de Lapid, par exemple, et il a bien raison. Sauf que Lapid s'en sort via un montage excellent (merci maman)
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asketoner a écrit :
mer. 4 mai 2022 10:51
Oui c'est vraiment la fin qui est ratée, mais je trouve qu'elle révèle le ratage global du film.
or moi, j'ai bien aimé le film (la preuve : je ne voulais partir à aucun moment tandis que, pour être franc, j'ai failli partir au bout de 10 minutes de "Retour à Reims").
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Il buco, Michelangelo Frammartino

Deux récits se croisent : celui d'une expédition spéléologique dans une faille très profonde en Calabre, et celui d'un vieux berger qui va mourir. On voit le rapport : tout le monde descend, s'enfonce, cherche la fin de quelque chose (la vie, le trou). Ca se suit sans grand plaisir ni étonnement. Tout semble un peu fabriqué.
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asketoner a écrit :
jeu. 5 mai 2022 14:03
Il buco, Michelangelo Frammartino

Deux récits se croisent : celui d'une expédition spéléologique dans une faille très profonde en Calabre, et celui d'un vieux berger qui va mourir. On voit le rapport : tout le monde descend, s'enfonce, cherche la fin de quelque chose (la vie, le trou). Ca se suit sans grand plaisir ni étonnement. Tout semble un peu fabriqué.
Perso, je n'avais pas aimé du tout son "Le quatro volte" mais je crois que tu l'avais beaucoup aimé, non ?

ps: ça devient une mode pour le cinéma indépendant italien ces films écolo-en-costume-rétro-ma-non-troppo. "La Légende du roi crabe" s'en était un autre
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sokol a écrit :
jeu. 5 mai 2022 14:07
asketoner a écrit :
jeu. 5 mai 2022 14:03
Il buco, Michelangelo Frammartino

Deux récits se croisent : celui d'une expédition spéléologique dans une faille très profonde en Calabre, et celui d'un vieux berger qui va mourir. On voit le rapport : tout le monde descend, s'enfonce, cherche la fin de quelque chose (la vie, le trou). Ca se suit sans grand plaisir ni étonnement. Tout semble un peu fabriqué.
Perso, je n'avais pas aimé du tout son "Le quatro volte" mais je crois que tu l'avais beaucoup aimé, non ?

ps: ça devient une mode pour le cinéma indépendant italien ces films écolo-en-costume-rétro-ma-non-troppo. "La Légende du roi crabe" s'en était un autre
Oui je me souviens, tu avais détesté la mouche sur le visage du vieux dans Le Quatro Volte, tu avais trouvé ça indigne. :D Moi j'avais plutôt aimé, c'était le côté Tati...
J'ai raté la légende du roi crabe, je voulais le voir. Mais oui, d'ailleurs je ne savais pas que Il Buco était un film d'époque... Mais tout ce petit monde-là ne vaut pas grand chose à côté de Piavoli, qui fait des films sur la nature, sans dialogue ni personnage, mais beaux à pleurer.
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sokol
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asketoner a écrit :
jeu. 5 mai 2022 15:55
Mais tout ce petit monde-là ne vaut pas grand chose à côté de Piavoli, qui fait des films sur la nature, sans dialogue ni personnage, mais beaux à pleurer.
le Péléchian des italiens !
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sokol a écrit :
jeu. 5 mai 2022 17:08
asketoner a écrit :
jeu. 5 mai 2022 15:55
Mais tout ce petit monde-là ne vaut pas grand chose à côté de Piavoli, qui fait des films sur la nature, sans dialogue ni personnage, mais beaux à pleurer.
le Péléchian des italiens !
oui, totalement !
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groil_groil
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:hello: Salut les amis. Vu beaucoup moins de films ces derniers temps, notamment à cause d'un formidable séjour à Rome de 10 jours, mais tout de même quelques mots sur :

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Beau film de Dimitri Kirsanoff (1926), croisement entre Renoir et Dziga Vertov on va dire, entre l'idée d'un réalisme poétique qui n'existe pas encore et l'avant-garde très à la mode dans la seconde partie des années 20. C'est assez beau.

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Par le réal du formidable Victoria (pas le nanar avec Efira, mais le génial film allemand en plan séquence unique). On y suit un gamin anglais en vacances au Maroc, qui pète un plomb, pique le camping car de son beau-père (alors qu'il est encore mineur) et décide de remonter jusqu'en Angleterre pour retrouver son père. Il embarque avec lui un jeune sans papier qu'il va aider à faire passer les frontières successives pour arriver en Angleterre. Si le film n'est pas sans défaut, notamment dans la succession des événements, des scènes, parfois difficiles à justifier ou tout simplement à faire tenir debout, le film est pourtant emporté de bout en bout par une énergie communicative, et change complètement de braquet en cours de route, puisque de road movie inconscient il devient vite un film engagé à la cause des réfugiés.

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On pourrait qualifier ce film d'opportuniste, puisqu'il s'agit d'une suite non-officielle du film d'Herzog, qui parvient tout de même à donner le rôle principal au même acteur, un Kinski de plus en plus halluciné et de moins en moins concerné, qui relance l'intrigue à Venise (pour moi, c'est le pied, car la ville est de chaque plan) mais au final on ne peut même pas leur reprocher cela tant le résultat est branque, bancal, coincé entre le film d'horreur, le giallo, le Z, et donnant l'impression double que personne ne sait vraiment ce qu'il fait là ni à quoi va ressembler le film.

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Sous cet affreux titre français (auquel on préférera largement l'original Soapdish) se cache une assez cocasse satire des médias, du cinéma et de la télévision, tirant à boulet rouge et avec beaucoup d'humour (parfois un peu trop d'hystérie) sur tout ce qui bouge. Le film doit beaucoup à son impeccable casting : Sally Field, Kevin Kline, Robert Downey Jr., Elisabeth Shue, Whoopi Goldberg, Teri Hatcher...

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Longtemps que je veux voir ce film rapidement devenu culte de Michele Soavi, qui vient d'être édité par Thoret, qui le survend un peu trop dans sa présentation, il parle de chef-d'oeuvre avec beaucoup trop d'enthousiasme. Pour autant le film est bien, une relecture fin 80's des films de la Hammer ambiance cimetière gothique et des films d'horreur tendance zombies d'outre-tombe, avec un fin qui ouvre sur quelque chose de plus spirituel, énigmatique, mais qui, à mon humble avis, pouvait aller encore beaucoup plus loin que cela pour recevoir de tels éloges.

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De retour de Rome, j'ai envie de voir / revoir plein de films italiens, Vacances Romaines et tout Moretti, et c'était l'occasion idéale de revoir mon top 1 2021, à savoir Tre Piani, film toujours aussi magnifique au second visionnage. Le film de Moretti le plus Almodovarien, son film le plus construit, le plus maitrisé, qu'on peut parfois trouver un peu gros dans son enchainement, tant telle scène entraine l'autre avec un peu trop de précision, comme si tout était calculé d'avance, disons qu'on voit le canevas, je ne dirais pas qu'on voit le scénario car Moretti est un trop bon metteur en scène pour cela, mais voilà, le film est très carré, comme l'immeuble où il se déroule. Mais pour autant, cela ne me gêne absolument pas car cette structure n'est jamais étouffante et ne débouche sur rien d'autre que de faire exister des personnages, de leur donner de l'humanité en creusant leurs failles. Ce principe aurait pu deservir le film si la finalité était putassière, et comme ce n'est jamais le cas, cette construction l'élève d'avantage et le fait parfois toucher au sublime.

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Formidable film allemand muet de 1930, réalisé par trois jeunes gens qui ne tarderont pas à quitter le pays à la montée du nazisme quelques années plus tard et à devenir célèbres ailleurs : Billy Wilder au scénario, Robert Siodmak & Edgar G. Ullmer à la mise en scène. Le film est super beau, raconte un dimanche en 4 jeunes gens, deux hommes, deux femmes, plein d'inventivité de mise en scène et de liberté de ton.

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Un couple de comédiens, dont la pièce est un bide total, se déchire tout en tentant de trouver des solutions pour vivre de leur métier. C'est un film mal-aimable, souvent triste, sale et désenchanté, sur la difficulté de vivre de son métier de comédien, et plus encore sur la difficulté d'aimer. Miou-Miou, Claude Brasseur et Bruno Cremer sont impeccables.
I like your hair.
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cyborg
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Ha que n'ai-je le temps de voir des films, et de venir écrire ici.
Mon mois de mai est un long sillonage de la France (sous la forme d'un W) et je dois dépasser les 24h de train cumulées, j'aurais peut-être le temps de me glisser dans quelques visionnages.

Néanmoins en avril j'ai pu voir :

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J'ai découvert l'existence de "Ogawa Pro" (ou "Ogawa Production" du nom de son fondateur Shinsuke Ogawa) lors de La Loupe première du nom : un groupe de réalisation de documentaires, très impliqué politiquement, s'engageant sur des durées longues dans ses sujets et allant jusqu'à s'installer et prendre part des années durant aux activités des paysans qu'ils filment (m'avait-on dit). Tout pour exciter ma curiosité.
J'ai enfin pu me pencher sur leur filmographie, et j'ai commencé par la dernière de leur œuvre qui est aussi leur plus courte (1h, comparé à des docu fleuves de 3 ou 4h habituellement semble-t-il). Il ne s'agissait sans doute pas du meilleur élément pour débuter malheureusement, Ogawa étant décédé durant la production et le projet ayant été fini par l'un de ses disciples, on comprend vite que l'heure que dure le projet est une durée par défaut.
Bref, cela permet néanmoins de comprendre l'esprit du groupe, s'intéressant ici à la culture traditionnelle des kakis, en laissant toute la place aux gestes, aux témoignages, aux histoires personnelles, tout en les incluant dans des temporalités longues.


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Magino Village: A Tale - Ogawa Pro

Deuxième rencontre plus concluante avec le travail des Ogawa avec le visionnage de ce documentaire de plus de 3h sur le village de Magino, compilant des images réalisées durant plus de 10 ans. Si la culture du riz et ses diverses techniques de production occupe le début du film celui-ci fini par s'élargir à diverses couches d'activités, de temporalités mais aussi de folklores et autres traditions locales, n'hésitant pas à basculer vers une longue représentation donnée (pour la caméra) par les habitants locaux. Si le film est particulièrement long, pour ne pas dire parfois un peu fastidieux il atteint, par son ampleur, son ambition et sa radicalité totale, des niveaux que peu de créateurs ont atteint et j'ai uniquement en tête les 18h du "Voyage" de Peter Watkins pour tenir la comparaison. Ici toute la place est laissé à ceux qui sont filmés, avec tout le respect, l'humanisme, la douceur et la confiance qui leur est -naturellement, oserait-on dire si notre monde n'était pas si cynique- du. Les temporalités, toujours longues, s'entremèlent, et si le film se conclu par un plan du soleil ce n'est pas un hasard, finissant par tous nous renvoyer à l'échelle de fourmi qui est la notre. Il va falloir trouver le temps mais j'espère voir d'autres de leurs oeuvres bientôt.

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Qu'il est bon de voir du cinéma expérimental sur grand écran. Qu'il est encore plus bon de voir du cinéma expérimental réalisé par une femme sur grand écran. Et qu'il est encore meilleur de voir du cinéma expérimental réalisé par une femme d'origine indienne sur grand écran, qui plus est dans le circuit de distribution classique.
Rien que pour ce trio rarissime de caractéristiques les gens devraient se jeter sur Toute Une Nuit Sans Savoir.
Mieux encore : le film est d'une splendeur rare.Quel autre film nous rappelle avec autant de justesse que les trois éléments centraux de la vie sont l'art, l'amour et la politique ? Plus précisément : que la politique doit avant tout être composés des deux brins indémêlables que sont l'amour et l'art ? Merci Payal Kapadia.


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LA RECONSTITUTION - Lucian PINTILIE

Découvert par hasard en zonant sur le site de streaming gratuit mis en place par mk2 - Mk2 Curiosity- exhumant des pépites de leur catalogue. Découverte par la même occasion du réalisateur roumain Pintilie, qui a pourtant connu une belle carrière.
Deux jeunes garçons sont condamnés à reconstituer devant la caméra une scène de beuverie les ayant fait condamner, afin de permettre la réalisation d'un film pédagogique qui sera diffusé dans tous le pays. La mise en scène de Pintilie est absolument géniale, gérant admirablement l'espace et le jeu de dédoublement du réel de la scène devant être rejoué par les deux garçons. Et quand l'unicité de temps, de lieu et d'action aurait pu faire tourner court le film, celui-ci se permet une virée en hors champs dans la nature ou se déroule une vague amourette, puis de faire rentrer l'autre hors-champ du film : la foule venu assister à un match de foot que l'on entend gronder au loin, surgit en masse, venant donner une dimension politique encore nouvelle au film. Brillant !


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La nomination à Cannes d'un jeune réalisateur belge dont je n'avais jamais entendu parler m'a donné envie de voir son premier film, Girl. Celui-ci s'intéresse aux études d'un jeune garçon, alors en pleine transition de genre, désirant devenir danseuse étoile. Un sujet pour le moins brulant dans les débats contemporains, et qu'on pourrait craindre "inattaquable", cad "trop important" pour que l'on puisse discuter de l'approche "cinéma" du projet. La représentation par le réalisateur du corps-trans/en transition ayant fait débat au sein de la communauté LGBTQ+ je me permet de dire qu'à mes yeux, le film est cinématographiquement très pauvre. Celui-ci me semble typique d'un style contemporain dans lequel la seule mise en scène semble être celle de bêtassement filmer ce qui est mis devant la caméra. Hers dit vouloir "montrer ce que la danse fait au corps" mais cela reste toujours au niveau de la note d'intention, esquissé dans une bête phrase au début du film, avant d'être mis de côté. Alors que cela aurait pu être une complémentarité passionnante en parallèle de la question d'une transition de genre. A ce niveau le film évacue presque toute approche psychologique pour se concentrer sur un étrange jeu de vu/non vu/montré/non montré de l'entre-jambe/appareil génital du personnage en transition ce qui me semble, pour avoir un petit peu évoqué le sujet avec des amis en transition, une approche quelque peu superficielle du sujet... Je ne suis donc guerre convaincu du résultat, et peu enclin à voir le futur film de Hers.
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yhi
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et peu enclin à voir le futur film de Hers.
Fais gaffe parce qu'au final, comme tu t'es trompé de gars tu pourrais quand même te retrouver à voir son second film par inadvertance :D
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asketoner
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@cyborg : je suis content que tu aies aimé le Payal Kapadia ! :love2:
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groil_groil
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Contient du SPOIL : Film aussi étrange que fascinant, qui change complètement de braquet à une heure de la fin (il dure deux heures trente), commençant comme une romance en forme de triangle amoureux pour devenir une relecture sud coréenne et fantastique de L'Avventura. La mise en scène est tenue et cohérente sur chacune des parties, faisant passé le film d'un ton léger à celui d'un thriller pour s'achever dans une abstraction un peu trop dépendante des modes de l'époque, mais qui ne nuit pas au film pour autant. Au final, est-ce que cette jeune femme a disparu, et si oui, où est-elle ?, ou est-ce qu'elle n'est que le fruit de l'imagination du protagoniste ?, chacun peut conclure le film comme il l'entend. Pour moi, il n'y a pas de doute, tout vient de l'imagination du héros, ce n'est pas pour rien qu'il finit complètement à poil sur le dernier plan. Il recommence tout de zéro, comme un reboot, pour se mettre à vivre la vraie vie. Il serait super intéressant de revoir le film en en connaissant la finalité (je l'ai vu sans même en connaitre le sujet) afin de déceler au gré des plans, je suis persuadé qu'il y en a partout, les indices permettant de certifier que cette jeune femme n'a en fait jamais existé ailleurs que dans l'imagination du jeune homme. Premier film que je vois de Lee Chang-dong, y a d'autres choses intéressantes ?
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sokol
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yhi a écrit :
ven. 6 mai 2022 20:49


Fais gaffe parce qu'au final, comme tu t'es trompé de gars tu pourrais quand même te retrouver à voir son second film par inadvertance :D
:lol:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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cyborg a écrit :
ven. 6 mai 2022 18:13
Quel autre film nous rappelle avec autant de justesse que les trois éléments centraux de la vie sont l'art, l'amour et la politique ?
T’as oublié le quatrième, la science. Les 4 vérités quoi
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tamponn Destartinn
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J'ai tenu une heure et je me suis barré.
C'est terrible. J'aime tellement ce cinéaste. Mais je m'endormais sur place et je ne me voyais pas tenir 2h40 de plus comme ça.
Qu'est-ce qui m'a causé problème ? Est ce la fatigue ou le film en lui-même ? Je dirais les deux. J'ai tenu une heure pour comprendre le dispositif du cinéaste et je considère qu'après ça, si je ne comprends toujours pas ce que je regarde, et surtout quel est son intérêt cinématographique, ça suffit. Asketoner l'a très bien résumé : (de tête) "impossible de savoir si on regarde un documentaire très fabriqué ou une fiction très pauvre". C'est ça.
Je ne sais pas encore si je le mets dans mon top année ou j'attends de le revoir dans une autre condition (étonnamment, y a moyen que j'apprécie plus en dehors d'une salle de cinéma, en le regardant de chez moi au rythme que je veux)
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cyborg
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@yhi : haha, bien vu... J'ai écrit ça rapidement et je me suis planté ! Rien vu de Hers d'ailleurs.

@sokol : oui et non...? enfin quoi qu'il en soit ce n'est pas abordé dans le film donc je me voyais mal dire ça :D
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asketoner
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Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 8 mai 2022 11:33
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J'ai tenu une heure et je me suis barré.
Donc tu es parti avant le premier entracte ?
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
dim. 8 mai 2022 21:52
Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 8 mai 2022 11:33
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J'ai tenu une heure et je me suis barré.
Donc tu es parti avant le premier entracte ?

j'avais zappé cette histoire d'entracte
oui, je crois bien...
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asketoner
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Burning, Lee Chang-Dong

Moi non plus je ne l'avais pas vu, et le post de @groil_groil m'a donné envie.
Le début m'a beaucoup impressionné, parce que Lee Chang-Dong donne beaucoup d'intensité aux lieux. L'arrivée dans la toute petite chambre de l'héroïne est un moment très fort, d'autant qu'on vient de passer quelques secondes dans un escalier plein de baies vitrées ouvrant sur la ville et le ciel. Mais la ferme du père du jeune homme est très bien elle aussi : c'est l'espace du père, de son désastre, mais c'est aussi le lieu de l'enfance et des souvenirs, et le petit veau solitaire dans la grange a quelque chose de poignant, tandis que la propagande nord-coréenne diffusée par des hauts-parleurs depuis la frontière proche décale la dimension bucolique des paysages environnants. L'appartement du garçon très riche est un peu plus convenu, mais l'espace existe lui aussi, notamment avec le garage, la rue, le couloir menant aux toilettes : il y a une dramaturgie géographique très claire et pertinente. Et bien sûr, le film ne se prive pas de circuler entre ces trois mondes, et c'est ce qui en fait tout l'intérêt : la coexistence de vies irréconciliables.
J'ai aimé aussi la légèreté du style. Il y a quelque chose de très flottant dans les scènes, tendu mais pas surligné, assez subtil en somme, et qui, en s'attardant, semble chercher quelque chose, peut-être pas un point de rupture, mais une faille. Il n'y a pas d'éclat, de dispute ou de drame, mais l'inquiétude est toujours là. Les scènes sont souvent tournées au coucher du soleil, et le soleil figure régulièrement dans le champ, comme un point de mire, un objectif : brûler. Jusqu'au dernier plan où un vrai feu remplace le soleil.
Ma seule réserve tient au récit, que je trouve un peu limité. Les personnages sont rapidement dessinés, et le temps long des scènes ne leur donne pas beaucoup d'épaisseur. Certains propos semblent d'ailleurs tomber à côté, et le personnage principal, en petit autiste faulknérien, manque peut-être de contrepoints. La fille est condamnée à lever les bras au ciel et danser. Et le riche, hormis son sentiment d'impunité très bien vu, n'est pas aussi mystérieux que les autres personnages le prétendent.
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Tyra
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groil_groil a écrit :
sam. 7 mai 2022 09:06
Premier film que je vois de Lee Chang-dong, y a d'autres choses intéressantes ?
J'ai vu Peppermint Candy et Poetry, mais j'en garde peu de souvenirs, ça m'a nettement moins plu que Burning.
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sokol
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asketoner a écrit :
lun. 9 mai 2022 11:50
Ma seule réserve tient au récit, que je trouve un peu limité. Les personnages sont rapidement dessinés, et le temps long des scènes ne leur donne pas beaucoup d'épaisseur.
:jap:
Je pense que c'est le problème des films basés sur de bons romans : la beauté du roman perturbe le metteur en scène et l’empêche de s’appuyer bien plus sur sa mise en scène, de peur qu'il trahit la beauté (j'ai dit la beauté ! et pas le roman lui-même) du roman. Du coup, ce n'est ni une adaptation (au sens presque mainstream, tel que Hollywood conçoit les adaptations cinématographiques des romans), ni un film totalement libre qui s'inspire d'une œuvre littéraire (mais qui se permet beaucoup de liberté).

ps: j'ai peur que, si je revois ce film, je vais l'aimer bien moins qu'à sa sortie
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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C'est fait avec un énorme respect des deux films originaux, on dirait du Amblin (je sais les premiers n'en sont pas, mais vous voyez ce que je veux dire), et je pense qu'on ne pouvait pas donner une meilleure suite à ces deux films. Deux films qui sont tout sauf géniaux, mais dont le souvenir qu'on en garde est toujours meilleur que les films eux-mêmes. Alors pourquoi c'est si bien fait ? Car c'est signé Jason Reitman, fils d'Ivan, réal des deux premiers et que cette filiation est un hommage en soi, et la condition première pour que le film conserve son âme.

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L'étonnant Richard Linklater réalise son troisième film en rotoscopie, et c'est une totale réussite. Il y raconte la vie d'un gamin américain de la fin des années 60's, en pleine conquète spatiale, et qui s'imagine faire partie de la mission Apollo qui mettra le pied sur la Lune. Outre le versant purement spatial, qui est déjà passionnant en soi, le film est un prétexte pour Linklater pour raconter tous les détails de la vie quotidienne d'un enfant américain de l'époque, et on imagine que le film est truffé de souvenirs personnels. C'est drôle, touchant, intelligent, et magnifique plastiquement.

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En voyage à Rome, mon ami Cristiano me parle d'un personnage de légende du cinéma italien, Fantozzi, joué par Paolo Villaggio, aussi connu en Italie que Louis de Funès l'est chez nous, mais dont la notoriété, comme celle du Gendarme, n'a pas franchi les Alpes. Fantozzi au cinéma c'est 10 films, de 1975 à 1999, et c'est sans doute le personnage comique le plus célèbre de son pays depuis Toto. Le personnage est un petit comptable romain, gauche et sans cesse humilié, rabaissé, présenté dans des situations qui font qu'il est en permanence ridiculisé. Ce film est donc le premier, celui qui a lancé la légende, bien que le personnage ait existé en amont, d'abord à la télévision dès 1968, puis sous forme de romans, écrits par Villaggio également. A découvrir aujourd'hui par quelqu'un qui ignore tout du mythe, c'est un peu comme si un Italien de 50 piges découvrait le premier Gendarme sans jamais en avoir entendu parler. C'est donc un curieux objet, mais c'est beaucoup mieux que le Gendarme. Disons que c'est du vrai cinéma populaire italien, du cinéma comique bien gras avec des gags bien lourds en permanence (on pense beaucoup aux Charlots), mais qu'il y a aussi une grande dose d'absurde et de poésie de l'absurde, Tati n'est jamais loin, mais tout cela baigne en permanence dans la critique sociale acerbe, constante du cinéma italien des 70's, et qu'un Affreux, Sales et Méchants de Scola n'est jamais loin. Enfin, et même si c'est drôle, c'est un cinéma qui n'est pas que comique dans le sens où Fantozzi est humilié en permanence, et que cette humiliation crée un vrai sentiment de gène qui vire souvent au tragique. Bref, très heureux d'avoir découvert ce monument du cinéma italien, en espérant pouvoir découvrir les 9 films suivants car uniquement le premier est sorti sur support en France (et très récemment, merci à Tamasa pour cette initiative, même si cette jaquette immonde a du faire fuir 99% des gens susceptibles d'être intéressés - ce qui fut mon cas avant qu'on me le conseille).

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Un très bon Ferreri que je n'avais encore jamais vu, et qui dépeint avec une acuité rare la vulgarité des 80's, et dont le sujet, sous couvert d'un triolisme où un couple un peu bordeline accueille une femme enceinte d'abord désirée par la femme puis par les deux, semble être la solitude au sein du couple, et le désir de rompre, ici incarné par une tierce personne, sublime Ornella Muti enceinte jusqu'au cou mais présentée par Ferreri comme une Vierge Marie qui vient se substituer à toute action de l'un des membres, les sidérant par sa beauté. A noter que les extérieurs du film, il y a en a peu et c'est dommage, sont absolument extraordinaires de beauté, et je pèse mes mots, ce sont des plans quasi miraculeux, comme peuvent l'être certains plans de Tarkovski.

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Le duo Delon / Signoret a donné deux grands films des 70's, celui-ci et Les Granges Brûlées, sorties récemment en bluray et que je me réjouis de revoir tant ils furent des films importants de mon enfance, je les ai alors vus et revus. Je crois que le meilleur des deux est l'autre, mais j'ai eu beaucoup de plaisir à revoir La Veuve Couderc qui, comme le Ferreri que je chronique plus haut, est aussi une histoire de triangle amoureux, mais construit uniquement sur des impasses, donc voué à l'échec. Prisonnier évadé et en fuite, Delon s'installe pour travailler dans la ferme tenue par Signoret, veuve et fachée à mort avec la famille de son mari qui vit dans la maison d'en face (les deux maisons étant séparées par une rivière et un pont mobile - super idée de cinéma). La belle-famille a une fille, jeune mère là aussi sans père. Signoret tombe amoureuse de Delon, qui tombe amoureux de la jeune femme, et ce double amour en sens unique causera la perte des trois. Adapté d'un roman de Simenon, le film est sobre, y compris dans ses dialogues, et assez sec, ce qui correspond bien avec l'aridité des lieux et des personnages.

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Des histoires de couples, souvent amères et fanées, dans un dancing retro (pour ne pas dire vieillot) du New York des seventies. Reprise timide de mon intégrale Ivory avec un film qui ne donne pas envie d'y replonger, une sorte de mauvais Altman pour 3ème âge dont on a bien du mal à comprendre la motivation d'un cinéaste pour monter un tel projet.
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asketoner
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Les Passagers de la nuit, Mikhaël Hers

Le film entremêle trois voix par lesquelles tout traverse, tout se transmet toujours, tout arrive à destination : celle de Charlotte Gainsbourg, mère idéale, femme fragile mais vaillante, débarrassée de tout désir de revanche, simplement prête à vivre enfin après quelques années de maladie et de disparition dans un couple défait, et qui offre à son fils, par sa sensibilité, sa manière d'accueillir (accueillir les voix qui appellent le standard tous les soirs pour l'émission de radio où elle officie, accueillir la jeune fille qui n'a nulle part où dormir), son premier amour, et la possibilité d'inventer sa vie à sa façon ; celle d'Emmanuelle Béart, dont l'intégrité et la force soutiennent tout un monde, tout un peuple d'insomniaques blessés, qui manquent de se confier, et à qui elle accorde sa confiance, son écoute, ses nuits blanches ; celle de Noée Abita, ressuscitant la voix d'une autre actrice, Pascale Ogier, qui traverse le film comme un fantôme resurgi des années 80, secret mal gardé de cette époque au bord de la catastrophe. Tout se donne à travers ces voix, tout se dit, et surtout l'essentiel : l'amour, la confiance en l'autre. Le film est utopique : le travail surgit dans la vie de Charlotte Gainsbourg comme un rêve enfin atteint, la famille est un lieu sécurisant mais pas clos, ouvert à ce qui vient, à la musique des voisins, à la jeune femme à la dérive, les personnages sont pleins d'une grande bonté, et ne connaissent aucun ressentiment. Les ellipses permettent de créer cette étrange illusion : en 1984, le fils ne va plus beaucoup au lycée ; en 1987, il travaille à la piscine ; personne ne le déplore, et lui non plus ne s'en plaint pas, il fait ce qu'il a à faire, il aime lire et c'est tout, et personne ne trouve rien à redire à cela. Mikhaël Hers joue beaucoup de cette capacité qu'il a à transfigurer les relations humaines, à dissocier le beau du sordide (et en ce sens, on peut considérer qu'il est à l'exact opposé de Bergman par exemple) ; dès lors qu'il évoque le sordide, on voit bien qu'il n'a pas grand chose à en dire (les quais où traîne Noée Abita pour se droguer semblent sortis d'un imaginaire très romantique) ; et d'ailleurs, son cinéma entend réparer quelque chose de ces années-là, puisque Noée Abita, au contraire de Pascale Ogier, se sort de la drogue, survit, devient ouvreuse de cinéma, n'abuse pas de la fascination qu'elle suscite sur le jeune homme chez qui elle était hébergée pendant tout ce temps, etc... Le mal est absent du film ; son ombre plane un peu, mais alors il s'agit surtout du futur. Une furtive conversation entre Béart et Gainsbourg annonce la couleur : l'émission est en danger, car elle ne souffre d'aucune concurrence ; bref, c'est le libéralisme qui arrive, la compétitivité, les questions d'audience. On ne pourra plus écouter celles et ceux qui veulent confier leur peine une nuit où le sommeil leur manque ; on ne prêtera plus attention qu'à ce que font les autres ailleurs, aux endroits où l'on n'est pas, pour tenter de faire comme eux, d'empiéter sur leur territoire, toujours plus enviable. Le film de Mikhaël Hers n'échappe pas au "c'était-mieux-avant" que les images d'archive, fétichisant le paysage parisien, induisent par leur texture fragile, fantomatique et trouble. Au détour d'un plan, c'est Rivette qui surgit, simple figurant dans le wagon d'un métro. Indiana Jones, Les Nuits de la pleine lune, Le Pont du Nord, l'élection de François Mitterrand : le monde culturel et politique de l'époque est ranimé le temps d'un film, et nous n'avons pas d'autre choix que de le trouver beau. C'est à cet endroit-là, précisément, de la reconstitution, que le film déploie sa sensibilité, dépendante d'un temps, fidèle, un peu tricheuse aussi, mais trouvant dans la tricherie (ou la réparation, peu importe) la matière d'une fiction.
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groil_groil
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asketoner a écrit :
mer. 11 mai 2022 13:38
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Les Passagers de la nuit, Mikhaël Hers

Le film entremêle trois voix par lesquelles tout traverse, tout se transmet toujours, tout arrive à destination : celle de Charlotte Gainsbourg, mère idéale, femme fragile mais vaillante, débarrassée de tout désir de revanche, simplement prête à vivre enfin après quelques années de maladie et de disparition dans un couple défait, et qui offre à son fils, par sa sensibilité, sa manière d'accueillir (accueillir les voix qui appellent le standard tous les soirs pour l'émission de radio où elle officie, accueillir la jeune fille qui n'a nulle part où dormir), son premier amour, et la possibilité d'inventer sa vie à sa façon ; celle d'Emmanuelle Béart, dont l'intégrité et la force soutiennent tout un monde, tout un peuple d'insomniaques blessés, qui manquent de se confier, et à qui elle accorde sa confiance, son écoute, ses nuits blanches ; celle de Noée Abita, ressuscitant la voix d'une autre actrice, Pascale Ogier, qui traverse le film comme un fantôme resurgi des années 80, secret mal gardé de cette époque au bord de la catastrophe. Tout se donne à travers ces voix, tout se dit, et surtout l'essentiel : l'amour, la confiance en l'autre. Le film est utopique : le travail surgit dans la vie de Charlotte Gainsbourg comme un rêve enfin atteint, la famille est un lieu sécurisant mais pas clos, ouvert à ce qui vient, à la musique des voisins, à la jeune femme à la dérive, les personnages sont pleins d'une grande bonté, et ne connaissent aucun ressentiment. Les ellipses permettent de créer cette étrange illusion : en 1984, le fils ne va plus beaucoup au lycée ; en 1987, il travaille à la piscine ; personne ne le déplore, et lui non plus ne s'en plaint pas, il fait ce qu'il a à faire, il aime lire et c'est tout, et personne ne trouve rien à redire à cela. Mikhaël Hers joue beaucoup de cette capacité qu'il a à transfigurer les relations humaines, à dissocier le beau du sordide (et en ce sens, on peut considérer qu'il est à l'exact opposé de Bergman par exemple) ; dès lors qu'il évoque le sordide, on voit bien qu'il n'a pas grand chose à en dire (les quais où traîne Noée Abita pour se droguer semblent sortis d'un imaginaire très romantique) ; et d'ailleurs, son cinéma entend réparer quelque chose de ces années-là, puisque Noée Abita, au contraire de Pascale Ogier, se sort de la drogue, survit, devient ouvreuse de cinéma, n'abuse pas de la fascination qu'elle suscite sur le jeune homme chez qui elle était hébergée pendant tout ce temps, etc... Le mal est absent du film ; son ombre plane un peu, mais alors il s'agit surtout du futur. Une furtive conversation entre Béart et Gainsbourg annonce la couleur : l'émission est en danger, car elle ne souffre d'aucune concurrence ; bref, c'est le libéralisme qui arrive, la compétitivité, les questions d'audience. On ne pourra plus écouter celles et ceux qui veulent confier leur peine une nuit où le sommeil leur manque ; on ne prêtera plus attention qu'à ce que font les autres ailleurs, aux endroits où l'on n'est pas, pour tenter de faire comme eux, d'empiéter sur leur territoire, toujours plus enviable. Le film de Mikhaël Hers n'échappe pas au "c'était-mieux-avant" que les images d'archive, fétichisant le paysage parisien, induisent par leur texture fragile, fantomatique et trouble. Au détour d'un plan, c'est Rivette qui surgit, simple figurant dans le wagon d'un métro. Indiana Jones, Les Nuits de la pleine lune, Le Pont du Nord, l'élection de François Mitterrand : le monde culturel et politique de l'époque est ranimé le temps d'un film, et nous n'avons pas d'autre choix que de le trouver beau. C'est à cet endroit-là, précisément, de la reconstitution, que le film déploie sa sensibilité, dépendante d'un temps, fidèle, un peu tricheuse aussi, mais trouvant dans la tricherie (ou la réparation, peu importe) la matière d'une fiction.
:jap:
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len'
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Uzak de Nuri Bilge Ceylan

Cinéaste dont je (re)découvre les anciens films sur le tard, lui qui m'a ébloui avec "le poirier sauvage" après m'avoir donné envie de me pendre avec "Winter sleep". Ce ne devait pas être ce film-là, mais j'avais le souvenir qu'il se déroulait dans de grands espaces, en pleine nature (ou alors c'est uniquement le début et la fin qui m'ont marqué). Parce que s'il est question ici de grands espaces, ils sont surtout intérieurs et expriment un autre vide que celui des extérieurs désolés. C'est le vide des sociétés repliées sur eux-mêmes, un vide étouffé par les murs, les portes et illuminé artificiellement par les écrans. C'est aussi désespérant que beau, parce que la vie reste en dépit de tout, nichée dans les fissures comme cette souris qui hante l'appartement : quand elle se retrouve piégée, elle ne meurt pas, elle souffre, elle crie et irradie la pièce et les hommes qui la regardent en ne sachant que faire. L'aspect comique de certaines scènes (voire dauto-dérision, comme cette longue séquence de passage d'un train à la tv) ne rend pas le propos moins profond, bien au contraire, il en souligne l'absurdité. Les rares séquences en extérieur sont là, comme une respiration, pour constater le gouffre entre les écrans étriqués mais rassurants et l'horizon sans cadre mais effrayant - et se projeter en tant que spectateur face à son propre écran. Mais je me demande comment Ceylan aurait fait en 2022 alors que nous avons désormais un écran dans la poche. Est-ce encore possible de voir au loin ?
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Narval
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len' a écrit :
ven. 13 mai 2022 21:13
(voire dauto-dérision, comme cette longue séquence de passage d'un train à la tv)
Cette scène provient de Stalker ;)
len'
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Narval a écrit :
dim. 15 mai 2022 11:47
len' a écrit :
ven. 13 mai 2022 21:13
(voire dauto-dérision, comme cette longue séquence de passage d'un train à la tv)
Cette scène provient de Stalker ;)
Eh ben je me suis bien fait piéger, j'avais complètement oublié ce passage. Le contexte me l'a fait voir comme quelque chose qui n'appartient plus à Tarkovski mais à la blague de Ceylan. En tout cas j'ai bien ri.
len'
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La belle époque de Nicolas Bedos

Ici, difficile de prendre un bout du film pour faire une blague dans un autre : ce sont déjà des petits bouts assemblés les uns aux autres avec une colle extra-forte et vas-y qu'on appuie bien dessus pour les faire tenir ensemble.
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groil_groil
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Un industriel italien, qui fabrique des bonbons, devient obsédé jusqu'à la démence, jusqu'au suicide, en tombant sur un ballon gonflable et en se posant cette question insoluble : jusqu'où peut-on gonfler un ballon avant qu'il n'éclate ? Mastroianni passe donc la totalité du film à gonfler des ballons, tentant d'insuffler le maximum d'air sans qu'ils n'éclatent et repoussant ce couperet fatidique de plus en plus loin. Ce film est un pur chef-d'oeuvre, pour moi le meilleur Ferreri vu à ce jour, en tout cas, c'est lorsque le cinéaste se concentre sur une idée (absurde mais pas toujours) et qu'il décide de la pousser à son extrême (ici, mais aussi dans Dillinger est mort ou La Grande Bouffe) qu'il est à son meilleur, égalant un Buñuel dans l'analyse de l'absurdité du monde. Le film traverse insidieusement toute l'arrivée du psychédelisme, le confrontant avec la bourgeoisie mourante d'un monde révolu, et le choc entre ces deux mondes est aussi violent et soudain que l'éclatement d'un ballon. Surtout, Break-Up est un film où la sexualité est omniprésente, et où Mastroianni s'y refuse, occupé à gonfler ses ballons. Cet acte n'est autre qu'une métaphore de la masturbation évidente (il n'y a qu'à voir l'acteur gonfler les ballons à la pompe à vélo, singeant une évidente et gargantuesque branlette), et le film parle in fine de ça, de ce refus du corps de l'autre, occupé à se concentrer sur une autosatisfaction impossible, puisque le ballon finit toujours par éclater, et cet acte auto-centré et vain entre en résonnance avec notre monde moderne avec beaucoup de force, tant il évoque l'individualisme contemporain. Chef-d'oeuvre.

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Evoquant par son titre un classique du film noir de Delmer Daves, le nouveau film de Mikhaël Hers est au contraire un film solaire, malgré sa photo d'époque (le film se déroule de 1981 à 1988) plutôt dans des tons éteints. Hers trace le portrait d'une femme, Elizabeth, et de ses deux enfants, laissée pour compte avec un cancer du sein sous le bras, abandonnée par son mari, elle qui n'a jamais travaillée, épleurée dans le quartier de Beaugrenelle et ses immeubles étranges. Mais le film évite immédiatement le misérabilisme attendu pour, en trouvant des solutions à ses personnages, aller vers la lumière. La mère trouve du travail, et est engagée à Radio France (après Les Magnétiques, voici un second film qui s'intéresse à la radio dans les 80's, c'est étonnant et réjouissant) dans l'émission qu'elle écoute chaque nuit, celle où un ersatz de Macha Béranger, Vanda Dorval (excellente Emmanuelle Béart) vient panser les coeurs et les solitudes, meilleur moyen de dissimuler la sienne. En s'investissant dans ce travail qui est aussi une passion, la mère va réaliser une véritable révolution. Et entrainer avec elle ses deux enfants, déjà grands ados ou jeunes adultes, à moins que ce ne soient eux qui l'incitent à. Tous trois sont en tout cas aidés par un ange déchu, une jeune femme repondant au pseudonyme de Tallulah, une paumée de 17 ans qui débarque à Paris avec son sac à dos, dormant sous les ponts et dépendante à l'héroïne, qui débarque pour témoigner dans l'émission de Vanda Dorval. Elizabeth est émue par cette jeune femme, et lui propose, plutôt que de dormir sous un pont, de dormir dans leur chambre de bonne inoccupée. Tallulah devient vite le 4ème élément de cette famille, le quatrième pied d'une table qui lui redonne sa stabilité. Car en se concentrant sur cette jeune femme qui va mal (l'adolescent va même vivre une histoire d'amour avec elle), les trois se concentrent sur autre chose que leurs propres difficultés et peuvent aller de l'avant. En faisant aller ses personnages au cinéma pour une séance des Nuits de la Pleine Lune de Rohmer, Hers dresse un parallèle volontaire entre son personnage et Pascale Ogier qui joue le rôle principal du Rohmer, morte d'overdose à 25 ans, d'autant que les deux actrices ont des physiques et des voix très proches. Mais voilà, Tallulah s'en sort, elle décroche de la drogue et ne meurt pas, grace à cette famille qui l'accueille et prend soin d'elle. La façon dont Hers filme tout cela, contribue à y ajouter la douceur nécessaire. Une bande son pop indé, des tas d'images d'archives crée une illusion, dont personne n'est dupe, de revivre la douceur, parfois un peu aigre, de cette époque. Hers a une manière très particulière d'utiliser les images d'archives (il y en a plein, de toutes sortes, on voit même Jacques Rivette (encore un tonton) dans le métro). Après chaque séquence fictionnelle, il enchaine des images d'archives d'époque, puis des images tournées par lui en super 8 ou en 16, non narratives, puis il revient en 35mm pour la séquence suivante. L'archive s'insère donc tout en douceur, ne créant jamais de rupture avec sa fiction, mais venant s'y lover, tout en lui donnant de la crédibilité documentaire. Il est amusant de constater qu'une autre fiction contemporaine sortie cette année, Memory Box, inscivait aussi l'archive - archive intime, comme archive de la guerre du Liban - au coeur même d'un récit fictionnel. C'est une manière nouvelle et très stimulante qu'on les auteurs de cinéma pour convoquer le passé, leurs références, leurs souvenirs, dans des films qui regardent pourtant le présent.

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Un très bon poliziottesco se déroulant à Naples au sein de sa légendaire pègre, qui a le mérite de tenir jusqu'au bout son scénario - c'est tellement rarement le cas - et de regorger d'inventivités de mise en scène.

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Autant j'ai adoré Break-Up vu la veille, autant j'ai détesté L'Histoire de Piera qui représente vraiment ce que Ferreri peut faire de pire, à savoir de la provocation à deux balles uniquement là pour choquer le bourgeois, n'hésitant pas à convoquer, voire glorifier, l'inceste ou la pédophilie de manière ostentatoire uniquement pour faire son rebelle d'opérette, rappelant les pires travers d'un Blier ou d'un Bigas Luna, à savoir un cinéma provoc et qui manque cruellement de sens.

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L'un des trois grands films de guerre de Raoul Walsh, avec Aventure en Birmanie et Le Cri de la Victoire, adapté du roman que Norman Mailer écrit à 24 ans, et qui lui fait obtenir le prix Pulitzer. Le film est magnifique, surtout la seconde partie qui nous plonge au coeur de la jungle embarqué avec les soldats (certaines scènes m'ont par ailleurs rappelé Outrages de De Palma), mais j'ai tout de même une préférence pour les deux autres films cités plus haut, notamment parce que Walsh y déploie beaucoup plus d'empathie vis à vis de ses personnages. Mais ça reste un must du genre, bien évidemment.

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Après La Veuve Couderc, je revois donc Les Granges Brûlées, soit l'autre grande confrontation avec les deux monstres Delon et Signoret, deux films qui ont laissé une vive empreinte dans ma cinéphilie d'enfant. J'aime beaucoup les deux films, mais je ne me souvenais pas qu'ils étaient en fait si différent. Celui-ci est vraiment passionnant, presqu'un un Melville campagnard, dans la façon qu'il a de confrontrer ses deux personnages. Elle est la propriétaire d'une ferme, où vivent et travaillent ses enfants et leurs familles. Dans la neige épaisse de l'hiver, on retrouve une nuit le corps d'une femme assassinée. Lui, Delon, impérial de calme et de flegme, est le procureur général chargé de l'enquête. Il est persuadé dès le départ que l'un des enfants de cette femme est responsable de ce meurtre. Il ne va jamais perdre cette conviction, même s'il n'en a jamais la preuve. Il y a quelque chose d'une tragédie grecque dans cet affrontement stoïque et quasi immobile de ces deux personnages, chacun campé dans leurs convictions. Quelque part entre la tragédie grecque et le western statique, dans la neige paysanne.

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Documentaire de James Ivory consacré à Nirad C. Chaudhuri, écrivain indien qui donne son point de vue sur son rapport à la culture, l'histoire, la religion et la société. Chiant comme la mort.

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L'Espace Rapide - Marin Gérard (2021)

Court-métrage de fin d'étude d'un étudiant de la Femis, dont le titre est inspiré par le groupe Quickspac e et dans lequel on voit notamment jouer Quentin Dolmaire. Le film évoque en trois tableaux des instantanés se déroulant la Parc des Buttes-Chaumont. Une discussion de deux jeunes hommes sur une conquête amoureuse. Puis deux adolescents allant draguer avec innocence et maladresse une jeune femme américaine. Et enfin une équipe de tournage tentant de réaliser un film "à la John Ford". Le film est beau car en si peut de temps, c'est un court mais qui plus est divisé en trois, il parvient à faire exister ses personnages et à nous faire nous y attacher. Il crée même de la frustration, car on aimerait passer plus de temps avec eux, alors qu'on ne fait qu'entrevoir des bribes de leurs vies. J'ai pensé aux Nuits avec Théodore de Sébastien Betbeder qui comme lui se déroule intégralement ou presque aux Buttes Chaumont, en réalisant qu'on pouvait filmer les mêmes lieux en leur faisant dire des choses totalement opposés, et que ce qui compte c'est de savoir ce qu'on va leur faire dire. Le Betbeder est un film nocturne, occulte, très mystique, alors que le Gérard est solaire, et en cela rappelle quelque fois le cinéma de Brac (notamment les deux situés sur la base nautique). Découverte d'un cinéaste naissant, qui aura sans doute de très belles choses à dire, et à filmer.

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Qu'on regarde nos mains - Lilian Fanara (2021)

Un homme aveugle recouvre miraculeusement la vue au moment de l'incendie de Notre-Dame. Redevenu valide, l'une de ses premières décisions sera de se rendre chez son père vieillissant - excellent Féodore Atkin -, très marqué par l'incendie, notamment parce qu'il a travaillé jadis dans la rénovation des vitraux de la Cathédrale. Cette rencontre sera l'occasion pour le père et le fils de renouer des liens alors distendus. Quel plaisir de découvrir l'un des films, et de rencontrer enfin, un alédien devenu cinéaste ! Film superbe, qui traite de la foi - la question du miracle étant centrale -, mais envisagée à hauteur d'homme et non dans une logique de sacré. J'ai pas mal pensé à Godard, notamment bien sûr à cause des très beaux plans de mains qui ouvrent et ferment le film, mais pas seulement; le film évoque le Godard des 90's, Nouvelle Vague, Hélas pour moi, bref un moment où la question du sacré est également essentielle chez lui. Hâte de voir les autres !!!

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Un excellent giallo, d'un cinéaste n'ayant jamais commis autre chose de notable a priori, qui s'inspire de la trame de l'Inconnu du Nord Express, donnant à son film une aura mystique et très sombre, inspirée du cinéma d'Aldo Lado, qui se trouve en être l'un des coscénaristes. De nombreuses scènes se déroulant à Venise, la présence énigmatique de Pierre Clémenti et une fin très réussie terminent d'en faire une des réussites du genre, et même si le film fait volontairement un pas de côté par rapport aux canons du dit-genre.

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au moment du passage muet / parlant, un acteur / scénariste / metteur en scène / producteur vedette qui n'a pas tourné de film depuis 5 ans, convoque tout le gratin d'Hollywood dans sa luxueuse demeure pour une grande fête dont le point d'orgue sera la projection en avant première de son nouveau film, notamment en présence de puissants distributeurs. La projo se passe mal, le film est jugé ringard, et la grande fête dégénère, se terminant d'abord en partouze puis en bain de sang. Parrallèlement, il voit sa compagne - sublimissime Raquel Welch au fait de sa splendeur -, qu'il traite de manière violente et honteuse, s'éloigner de lui pour tomber dans les bras d'un jeune bellâtre. Ivory s'aventure une fois de plus sur des territoires très altmaniens avec un film qui semble un peu hors du temps, mais qui est malgré tout plutôt amusant à suivre.
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asketoner
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@groil_groil : oui j'ai pensé aussi à Memory box en voyant les Passagers de la nuit, peut-être que le cinéma contemporain est en train de s'ouvrir à la question de l'archive, ou même au film dans le film avec ce morceau de Rohmer inséré au milieu - en fait, ça y est, le cinéma commence à avoir une mémoire
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Tyra
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Je parlais l'autre fois de cette vague nostalgique actuelle, qui voit de nombreux metteurs en scène revenir sur les lieux de leur jeunesse (on va voir si le Gray présenté à Cannes aura ce même parti pris), celui-ci en fait partie. Et comme les autres, ce film livre une vision finalement presque délivrée des conflits de l'époque racontée. Enfin disons qu'il y a du conflit, que des enjeux de l'époque sont représentés, mais que ceux-ci on tendance à glisser sur les personnages et les spectateurs, comme une toile de fond. Autant le Linklater était rattaché à la matérialité de souvenirs concrets, à l'anecdote, autant le souvenir ici se fait rêve, cotonneux, enveloppant comme un grand bain chaud dont on n'a pas envie de sortir. C'est un parti pris qui peut déranger évidemment, car on ne saura pas vraiment ce que c'est que de lutter contre la drogue et ce que vit Talulah, ce que c'est de galérer à chercher du travail (Gainsbourg n'aura qu'à traverser, non pas la rue, mais la Seine pour trouver son job), on saura un peu, mais pas tellement, ce que c'est de travailler à la radio ou dans une bibliothèque municipale, etc... Reste donc un sentiment, non pas de l'été, mais du Paris des années 80, dont on se demande s'il a bel et bien existé ou s'il est simplement rêvé. Je dois avouer avoir marché à fond, regardant tout ça la banane aux lèvres et la gorge serrée parfois.
Modifié en dernier par Tyra le jeu. 19 mai 2022 13:39, modifié 3 fois.
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yhi
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Un truc que je ne vois pas beaucoup soulevé sur le film de Hers et qui m'a pourtant frappé et qui fait que je l'aime bien, c'est sa bienveillance d'ensemble. Il n'y a en soi aucun conflit entre personnages. Les seuls élements perturbateurs de l'intrigue sont des aléas (drogue, cancer...), masi l'ensemble des personnage ne veut que du bien aux autres tout le temps.
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Tyra
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yhi a écrit :
jeu. 19 mai 2022 13:30
Un truc que je ne vois pas beaucoup soulevé sur le film de Hers et qui m'a pourtant frappé et qui fait que je l'aime bien, c'est sa bienveillance d'ensemble. Il n'y a en soi aucun conflit entre personnages. Les seuls élements perturbateurs de l'intrigue sont des aléas (drogue, cancer...), masi l'ensemble des personnage ne veut que du bien aux autres tout le temps.
Un anti-Desplechin en fait. :D (puisque celui-ci sort encore un film sur le conflit et la haine larvée). Quoi que, lorsque lui aussi a fait son film sur la jeunesse, il y avait une plus grande tendresse là aussi.
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cyborg
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Pour les gens de ma génération, Alain Fleisher est avant tout connu pour être le créateur de cette étrange école hybride qu'est le Fresnoy. Un petit peu pour ses textes également. Quant à ses films c'est bien simple : on ne le cite à peu près jamais. Ils sont pourtant disponibles en dvd mais leur diffusion semble infime. Pourquoi ? Mystère.
Je dois bien avouer que je redoutais le pire en démarrant Zoo Zéro. Comme peut le laisser supposer l'affiche il faut s'accrocher au début dans cet univers kitsch mais pauvre semblant piocher comme bon lui-semble dans l'histoire du cinéma (chez Cocteau notamment), aboutissement de la folie des 70s et ersatz des 80s .
Et puis surgit Kinsky, aussi dingue qu'à l'habitude, et on pense à Herzog... mais non : nous sommes trois ans avant Fitzcareldo. Zoo Zéro pourrait d'ailleurs en être le film miroir. Ici ce n'est plus l'homme qui amène l'opéra au milieu de la jungle sauvage mais la nature factice (le zoo) qui devient source de l'opéra. C'est à ce rapport entre nature et culture, entre animaux et humains que s'intéresse Zoo Zéro. Au début du film un homme enlève un masque de singe. Sous celui-ci, son visage simiesque ressemble encore à un singe. Le film est ainsi, plein de surprises, d'idées, de folies plus ou moins heureuses mais totalement sérieuses. Ici tout est faux, donc tout est vrai. La dernière partie est incroyable, le film se mute en opéra total, plastiquement délirant, dans un zoo de Vincenne (là encore trois ans avant Le Père-Noel... prend ça Le Splendid !) transformé en scène lyrique sous un soleil levant irradiant. Le naufrage aurait pu être total mais la réussite est intégrale. Pourquoi ? Parce que Fleisher y croit. Et nous aussi. Est-ce du à la patine du temps ? Peut-être... mais je serais très curieux de me pencher désormais sur la filmo de Fleisher.



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également connu sous le nom de Tortillard pour Titfield

Découverte du studio anglais Ealings, roi de la comédie des années 40/50 essentiellement connu de nos jours pour avoir produit "Ladykiller" à qui les Coen ont offert un remake au début des années 2000.
Un petit village britannique voit sa ligne de chemin de fer menacé de fermeture... les locaux vont se battre corps et âmes pour la maintenir en fonction... L'humour est poussif et l'histoire simpliste au possible : jamais le mot "vieillot" n'a paru aussi approprié pour décrire une œuvre. Rien de déplaisant néanmoins. Prercurseur, le film semble prophétiser le "rapport Beeching" qui préconisera de fermer les lignes les moins rentables au début des années 60. Ligne qui, dans le film, est directement en compétition avec une ligne de bus flambant neuf... Situation qui ne sera pas sans rappeller les fameux "bus Macron" qui ont fait débat chez nous plus de 60 ans plus tard !

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Belle découverte du cinéma du tout jeune réalisateur français Clément Schneider avec ce court-film (1h10) en costume, se servant du décor de la révolution française et d'un monastère isolé pour narrer le parcour d'émancipation d'un jeune moine. La reconstitution, tout en sobriété, n'est pas l'intérêt du réal, celui-ci s'en servant davantage comme une forme d'abstraction possible pour viser à l'universalité de son propos. Désir de vie, d'amour et de sensibilité constitue le cœur du film, dont l'élégante mise en scène n'hésite pas d'audacieux décrochages stylistiques. Film d'une belle intelligence qu'il est réjouissant de découvrir de nos jours. Auteur à suivre.

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La découverte du réalisateur philippin Lino Brocka fut l'une de mes plus belles réalisé grâce à La Loupe. C'est un cinéma assez pauvre, fait avec peu de moyen et en décors directs, toujours au cœur des quartiers populaires -style bidonvilles- de Manille. On y suit la vie ordinaires des hommes et des femmes luttant pour leurs survies, entre jobs harassants, petites combines, rêves d'émancipations et pressions familiales. A y penser Brocka c'est un peu le Ken Loach d'Asie du sud est...

Tuning travaille dans une petite imprimerie, dont l'équipe décide de se mettre en grève pour protester contre ses mauvaises conditions de travail. Mais la femme de Tuning est également enceinte et a la santé fragile. Le coût des traitements va le contraindre à frayer avec d'anciennes mauvaises fréquentations, tandis que la tentative de monter un syndicat va lui jouer des tours...

Les enjeux sont aussi simples que clairs. Manichéens diront les détracteurs, plutôt didactiques leur répondrais-je. Brocka fait un cinéma non prétentieux, au plus près de ceux qu'il filme, doté d'une portée politique ouvertement revendiqué. Ici le "bris du 4ème mur" venant conclure le film par un regard déchirant de l’héroïne confirme la pleine connaissance et conscience de ses moyens d'expressions.


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Je me souviens découvrir les Safdie à Cannes avec la projection de leur premier film, Lenny and the kids (Go get some rosemary). Que de chemin parcouru depuis lors !
D'une long travelling-arrière colioscopique de l'anus du personnage principal à un long travelling avant d'une balle perforant la tête du même personnage, tel est la trajectoire de Uncut Gems. Entre les deux : l'hystérie comme proposition de mise en scène, suivant les business foireux d'un diamantaire juif new-yorkais. Si Scorcese est à la prod c'est plus au Snake Eyes de De Palma que j'ai songé tout du long. Bien que les enjeux en soient tout autre (on est dans un film très théorique comme toujours chez De Palma -qui se conclut lui aussi sur un lent travelling avant vers un diamant fiché dans un mur, alors qu'on est ici dans un portrait d'une masculinité absurdement toxique) le spectateur est plongé dans la même tension totale, débordante, psychédélique avec un incroyable Adam Sandler à contre-emploi total. J'ai rarement été aussi pris par un long-métrage, happé par la folie de son héros. Et moi qui n'ai que faire de tout sport jamais n'ai-je eu autant d'excitation à suivre un match que celui venant conclure le film. L'adrénaline étant à son comble, la chute finale, pourtant inévitable, n'en est que plus rude. Après ces deux heures hypnotiques, c'est tremblant que je suis ressorti du visionnage...
Kahled
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Coupez !, Michel Hazanavicius (2022)

Je n'en attendais strictement rien et c'est en fin de compte une excellente surprise, je ne suis pas loin de penser que le film égale totalement les deux OSS 117 du cinéaste (pas loin). Je n’ai pas vu le film original (ce nouveau Hazanavicius est un remake) et je ne sais donc pas quel est son degré de fidélité par rapport à l’œuvre nippone (tout en pensant, malgré tout, que le film se tourne beaucoup en dérision à ce sujet, ne serait-ce que par cette idée assez géniale de donner des prénoms exclusivement japonais à des personnages interprétés par des acteurs français). Quoiqu’il en soit, en l’état, c’est un film qui respire le cinéma, transpire le cinéma et pense le cinéma avec une modestie mais aussi une générosité totale. Et qui, surtout, répond à une question que je me suis toujours posée en le faisant de la manière la plus politique qui soit : comment mettre en scène le défi technique que représente la réalisation d’un plan-séquence qui doit, qui plus est, être obtenu en une seule prise de trente minutes ? Réponse, en faisant appel à une autre grammaire du langage cinématographique, peut-être la plus basique qui puisse exister mais également la plus élémentaire : le champ / contre-champ, procédé qui montre, ici, la confrontation entre deux visions du cinéma (et donc deux visions du monde), dans un premier temps celle du réalisateur-roi, despote tyrannique qui martyrise ses acteurs (le champ), et dans un second temps celle du collectif, dont la volonté et l’investissement permettront de finaliser un tournage au parcours chaotique (le contre-champ).

Le champ, ici, c’est donc toute la première partie du film, soit un court-métrage de genre, de série B voir de série Z, bancal, fauché et bricolé à l’arrache qui sombre sans complexe dans le nanar amateur, pouvant être considéré comme un film à part entière, tout nanar qu’il soit, et réalisé, en direct pour une nouvelle plateforme, en un unique plan-séquence qui met en scène un cinéaste obsessionnel voulant réaliser un film de zombies et qui déclenche, pour se faire, une malédiction qui va réveiller de véritables morts-vivants qu’il cherchera à faire confronter à ses acteurs, lesquels seront décimés les uns après les autres, à l’exception notable de l’actrice principale qui se chargera personnellement d’en finir avec le cinéaste despote (interprété par Romain Duris, assez génial dirigé par Hazanavicius il faut quand même bien le reconnaître).

La suite du film, une fois ce court-métrage terminé, revient sur son processus créatif, de la préproduction jusqu’au tournage (le contre-champ) au cours duquel toute l’équipe, du réalisateur aux acteurs en passant par le cameraman, les assistants, le compositeur et le producteur vont s’arracher les cheveux pour arriver au résultat escompté (un film de genre en plan-séquence de trente minutes) en recourant à toutes sortes d’artifices et de bricolages, en faisant face à une longue série d’aléas et d’imprévus, intervertissant les rôles et improvisant au gré des situations avec comme principal objectif de ne jamais cesser de filmer, jusqu’à l’acte final concrétisé par une pyramide humaine assemblée tel un Tetris géant (cette image va me rester je pense), bancale comme le film tourné mais qui témoigne d’une pugnacité totale pour parachever le film, pugnacité qui ne peut être le résultat que du collectif.

Ce nouveau film de Hazanavicius est donc une proposition de cinéma merveilleuse, éminemment politique (c’est quasiment un film communiste quand on y pense), franchement hilarante (le casting, Bérénice Béjo en tête, est exceptionnel) et avec un sens du rythme et de la mise en abyme vertigineux tout en étant intelligemment pensé (sur ce plan, c’est d’ailleurs 100 niveaux au-dessus du dernier Scream qui fait pâle figure avec son côté méta forcé et artificiel). J’en suis ressorti le sourire aux lèvres tout en pensant que Michel Hazanavicius est un meilleur cinéaste que le simple pasticheur que beaucoup voient lui, utilisant la pastiche pour confronter des visions opposées du monde.
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asketoner
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Vortex, Gaspar Noé

Il y a deux manières de prendre le film : soit on se laisse attraper par la radicalité de Gaspar Noé, et alors on se laisse décevoir peu à peu à cause de la superficialité de certaines scènes, et de sa façon de ne pas tenir ce qu'il déploie pourtant si bien au début ; soit on doute d'emblée, échaudé par le maniérisme et l'affectation, et peu à peu quelques moments surprennent et donnent une allure inattendue à l'ensemble. Je fais plutôt partie de la première équipe. Les premières minutes du film atteignent un point de réalisme assez rare. On observe deux vieillards se réveiller lentement, errer dans leur appartement, préparer un café, pisser, s'égarer : Noé recrée le temps du troisième âge, sa lenteur, sa faiblesse, ses gouffres, et je trouve ça bouleversant. Le split screen est peut-être grossier mais il marque à merveille ce qui fait qu'un couple ne s'unit que la nuit dans le sommeil et vit deux journées très différentes, même en restant au même endroit, comme si deux mondes se superposaient (ou bien, comme il est dit dans le film : comme si l'un était le rêve de l'autre, qui est un rêve lui-même). Le réalisateur va si loin dans le réalisme qu'il brise les codes de représentation traditionnels et atteint le même point d'extrême déréalisation que Chantal Akerman avec Jeanne Dielman : il s'agit de rendre au temps tout son pouvoir, de ne pas l'assujettir au récit. Françoise Lebrun visite les rayons d'une épicerie tentaculaire, Dario Argento la cherche, c'est long, c'est vide, c'est parfait.
Et puis Gaspar Noé ne peut pas s'empêcher de nourrir son récit avec son imaginaire habituel : la drogue et le cinéma. Et là, à mon avis, tout s'écroule. Le personnage du fils est une catastrophe, les préoccupations intellectuelles du père semblent très artificielles, et certaines lignes de dialogue de la mère révèlent l'évitement à l'oeuvre. Alors même que le film semble très documenté dans sa dimension physique, les répliques sont toujours un peu trop signifiantes, et jamais au bon endroit, comme si Noé cherchait quand même, malgré sa radicalité affichée, la connivence du spectateur, en lui lançant des clins d'oeil par les mots quand l'image parvenait à l'ignorer parfaitement.
Par ailleurs, l'ensemble laisse une impression de machisme assez désagréable, comme si le réalisateur avait essayé de toutes ses forces d'ignorer l'inconscient de son récit. Le refus de la psychologie chez Gaspar Noé (et chez quelques autres cinéastes français de la même génération (je pense à Grandrieux par exemple)) est un refus de profondeur - et finalement, c'est le spectateur qui se retrouve avec le linge sale de la psyché du réalisateur entre les bras.
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