Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
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groil_groil
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Film important de mon enfance, que je regardais avec mon père, qui m'a appris ce que c'était que l'injustice, la peine de mort, la guillotine. ça tient bien la route encore aujourd'hui, Giovanni n'en fait pas trop. Il surdialogue un peu de temps en temps, son démon Audiard le rattrape, mais pas trop. Gabin cabotinne beaucoup trop aussi, fin de carrière oblige, mais l'ensemble se tient vraiment bien, Delon est impeccable dans cette sorte de Carlito's Way de province française avant l'heure, et Bouquet dans son rôle de fdp intégral est littéralement glaçant...

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Un collectionneur d'art américaine et une riche héritière anglaise et odieuse sont invités à la cour d'un Maharadjah et vont tous deux tenter d'acquérir sa magnifique collection de peintures traditionnelles indiennes. Mouaif... Ivory s'est vraiment perdu longtemps dans son entre deux périodes, une fois passée l'indienne et avant de se consacrer à son viscontisme anglo-saxon. Le tunnel est long, et chacun des films semble être le brouillon du suivant.

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Mon voyage à Rome m'a remis à fond dans le cinéma de Moretti et c'est tant mieux. Bianca était l'un de mes préférés, et je ne l'avais vu qu'une fois en salle. C'est mon premier revisionnage, dans la belle copie restaurée récemment via Carlotta. J'ai adoré revoir le film, même si forcément c'est un tout petit peu moins bien dans mon souvenir (c'est souvent ainsi pour le second visionnage), et c'est l'un des films où le personnage mythique de Michele Apicella, protagoniste d'une grande partie de son oeuvre, est sans doute le plus timbré. A la manière d'un Woody Allen transalpin, le cinéaste met dans son personnage toutes ses névroses et le/se filme avec beaucoup d'autodérision et sans pitié aucune. Un régal.

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30 ans après son chef-d'oeuvre, l'immense JFK, Stone remet le couvert et livre cette fois un long film documentaire, enquête fouillée sur l'assassinat, s'appuyant des éléments nouveaux et inédits à l'époque de son film, à savoir l'ouverture publique des milliers de dossier de la commission Warren, dossiers qui ont pu être rendus publics grâce au retentissement de JFK le film justement. C'est une nouvelle fois d'une grande richesse, absolument passionnant, donnant encore plus de preuves, si certains en avaient encore besoin, que la mort de Kennedy est bien un complot orchestré par la CIA (entre autres) et il faut mieux bien connaitre l'affaire et avoir vu le film 25 fois pour être sûr de ne rien perdre de cette foisonnante matière. ça tombe bien, c'est mon cas, et le film m'a passionné de bout en bout.

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Construit en 3 parties disctinctes mais qui s'enchainent parfaitement, Evolution parle des dommages et conséquences de l'antisémitisme sur une famille juive durant 3 générations. Une grand-mère, alors bébé sur la première partie dans les décombres de la seconde Guerre Mondiale, une fille et son petit-fils, chacun étant le point central d'une partie. On sent que depuis qu'il fait ses films avec son épouse, Kornél Mundruzcó met un peu d'eau dans son vin pour devenir le Grand cinéaste que Frémaux et Cannes veulent qu'il soit, mais malgré une belle ambition, et des choses réussies (il y en a), je crois que je n'aime pas le film. Il est pourtant brillamment mis en scène, construit en seulement trois plans séquence (un par partie), même s'ils sont truqués pour le bien du récit, mais malgré cette ampleur, cette ambition visible, le cinéaste ne résiste pas à deux sirènes ô combien nocives, celles de l'épate et de la provoc. L'épate est essentiellement visuelle bien évidemment, quant à la provoc, elle surtout liée à une scène de merde, au sens premier du terme, sur laquelle Mundruzco s'appesantit plus que de raison, humiliant un personnage pour un message in fine complètement con, à savoir qu'elle évacuerait ainsi toute la merde d'Auschwitz. Bref, j'ai failli me barrer à ce moment du film, je suis resté car je savais le film construit en sketches, et qu'on allait passer à autre chose. J'ai d'ailleurs bien fait car il y a de belles choses dans la partie 3, même si on est loin de White Dog, qui reste son plus beau film à ce jour.

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Si vous me connaissez un tout petit peu, vous savez que c'est l'un de mes films préférés ever, et j'ai encore eu un plaisir fou à cet énième visionnage, le premier en bluray, et le plaisir est encore plus fort quand on le voit au retour de Rome. La première partie, Sur ma Vespa, la plus belle, raisonne avec encore plus d'écho.

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Des cousins éloignés ayant emigrés en France, débarquent à Boston pour rendre visite à une branche de leur famille. Des histoires de coeur en naissent. Ivory prend doucement, tout doucement, le chemin de la deuxième partie intéressante de sa carrière, mais ne suscite ici l'adhésion que par bribes.

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J'en suis le premier surpris mais j'ai trouvé ça bien. On sent que Joker a fait beaucoup de bien à la frange "indé" des super-héros, montrant qu'il était possible de faire des bons films. Ici, on retrouve vraiment l'esprit des BDs de Frank Miller, il y a un style, c'est sombre mais non dénué d'ironie permanente, et surtout c'est construit comme un film, ce qui est suffisamment rare pour être noté. j'ai vu que ça avait été fait par Matt Reeves, auteur de Cloverfield et de deux Planètes des Singes, c'est normal, et compréhensible. Il y a même un côté Mission Impossible dans la construction de ce Batman, qui n'a jamais été aussi humain. Le déroulé de l'enquête est certes un peu simpliste, du genre A + B = C mais je ne me suis pas ennuyé une seconde alors que ça dure trois heures, et j'y sens de l'envie, autre que celle de pondre un énième produit marketing.

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On en est à confier des premiers rôles à Laure Calamy, et même à lui donner des rôles prises de risques. Un peu Coluche qui fait son Tchaô Pantin, alors que sa carrière débute à peine. Enfin, non, mais son exposition au premier plan, oui. Donc elle joue une prostituée à son compte, obligée d'aller travailler dans un bordel allemand (avec tous les soucis et sévices qu'on imagine) pour financer les études de son fils. Sauf que ce film n'est qu'un décalque d'un film déjà médiocre, Irina Palm, qui avait au moins le mérite de jouer du contre-emploi. Là, ce n'est jamais nul, même pas, mais cousu de foutre blanc, ça déroule vers une fin que t'imagines 3 km avant, et que tu crois avoir vu dans une cinquantaine de films auparavant.

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Adapté de Simenon, et déjà tourné au cinéma par Duvivier avec Michel Simon, Monsieur Hire est le seul bon film de Leconte, et on se demande comment il est parvenu à ça. C'était même un film emblême de ma génération, aux côté des Ailes du Désir, on s'y retrouvait, sa poésie noire traçait des lignes qui nous aidait à nous définir. Aujourd'hui, vu en copie restaurée, c'est certes très, trop, marque esthétiquement, mais ça reste un superbe film, habité, super bien joué, avec une musique magnifique de Michael Nyman, et, osons le mot, presque bien mis en scène pour du Leconte. Mais surtout, prédomine la puissance émotionnelle quant au triste destin de ce pauvre Monsieur Hire, accentué par la trahison de cette jeune femme que nous aussi on a cru, un instant, sincère.

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Une femme fraichement séparée, s'éprend d'un type rencontré dans un train. Le mec est dingue, violent, ultra possessif, mais il lui fait bien l'amour. Alors elle prolonge cette relation ultra-nocive et se rendra compte de son erreur beaucoup trop tard. Le film n'est pas sans défaut, tire un peu à la ligne une fois que le principe est installé, mais je dis oui tout de même. C'est pas de la daube, c'est un vrai film, avec des intentions, parfois transformées et deux comédiens qui donnent beaucoup d'eux-mêmes dans un huis-clos pas facile à jouer, qui rappelle parfois Breillat (que j'ai retrouvée citée comme consultante du scénario, il n'y a pas de hasard).

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Dans un petit village d'Autriche, perdu dans les montagnes, un couple et ses trois enfants vivent dans l'amour et l'harmonie. A la Malick, en somme, on frôle les blés, en chuchotant qu'on s'aime, le soleil plein cadre. La guerre appelle l'homme, mais il refuse de s'engager, il ne veut pas faire la guerre, encore moins soutenir le régime d'Hitler. La famille est montrée du doigt, puis conspuée au village. Puis les militaires viennent le chercher de force. Comme il refuse de combattre, il est emprisonné. Il pourrait sortir en signant son adhésion au régime, et retrouver sa famille, mais ses convictions sont plus fortes que tout. Il finira condamné à mort, sans jamais regretter son choix. C'est un homme bon, ne cesse de nous dire Malick, le filmant comme un nouveau Jésus Christ. Je lui répondrais plutôt que c'est un homme con. Buté sur ses convictions nombrilistes et égocentriques, laissant seule sa femme et ses trois gosses, qu'il préfère ne jamais revoir plutôt que de revenir sur une décision qui le prive et les prive tout simplement du droit de vivre. Bon, j'avais entendu du bien de ce film, mais Malick est vraiment définitivement perdu. Toujours les mêmes défauts accentués de film en film. Maintenant il ne filme plus qu'avec un fish-eye, anamorphosant chacun de ses plans, les étirant jusqu'au grotesque. Il filme toujours avec les mêmes tics, refusant de couper (3 heures de film qui tenaient facilement en 1h30) et annonnant plutôt que de narrer. C'est un petit mieux que To the Wonder (j'avais arrêté de voir ses films après cette catastrophe grotesque) et au niveau de Tree of Life (un peu moins chiant quand même), son premier film odieux et boursouflé. Je crois que c'est de tous le cinéaste qui me divise le plus : j'adore littéralement ses premiers films, jusqu'au Nouveau Monde inclus, même si j'ai bien conscience que c'est le film-bascule, et je trouve consternant les suivants, n'étant plus que la parodie navrante de lui-même.
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groil_groil
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Pas mal, mais je ne suis pas un fan du genre Poliziotteschi. Mais le film est bien, même si la fin, où alors je n'ai rien compris, laisse trop de choses en suspens (quid du mari de Claudia Cardinale par exemple ?) Bref, je n'ai pas grand chose à en dire.
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len'
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Les passagers de la nuit de Mikhaël Hers

C'est un film doudou qui vient réconforter, qui vient se frotter à nous pour rappeler que le cinéma est un présent éternel. "Quand on voit des films, on s'oublie", dit Talulah, des mots qui flottent dans l'air et pourraient s'arrêter là ou être complétés par d'autres : "et on partage... et on se lie... et on devient quelqu'un d'autre". Les films de Hers sont aussi des films que j'oublie, ce qui pourrait être mal perçu s'il n'y avait cette sensation de rêve dont il reste toujours des bribes dans un coin de la tête, prêtes à ressurgir à tout moment. Étrange comme les quelques dates défilent et ne veulent finalement pas dire grand chose, tant la linéarité du temps, le poids des années, ne se lit pas sur les visages des personnages (celui de Charlotte Gainsbourg paraît même plus vieux au début qu'à la fin). Ce sont en réalité les sentiments qui animent leurs visages, l'amour autant que la peine ; et si les affres du passé s'impriment sur les corps, ce sont encore les sentiments, des autres, qui en changent la manière de voir. La notion du temps s'en trouve déstabilisée, comme cet espace de vie qui se resserre ou grandit selon ce qu'on écoute, ce qu'on écrit ou qui on accueille. Du passé, on passe ainsi au futur, et nous, dans la salle, au présent imparfait, imaginons ce qui pourrait être malgré ce qu'il pourrait y avoir. Les archives sont émouvantes, que ce soit dans leur grain ou dans leurs voix, échos fantomatiques de réalisateurs, d'actrice, mortels, trop mortels. Mais Hers, en s'incrustant en douce dans la salle de cinéma avec ses propres acteurs - le choix de Noée Abita, magnétique, semble aussi évident que celui de Vincent Lacoste pour Amanda - tente l'impossible : la résurrection. Il y parvient, sans devenir un Frankenstein dont la science est la limite, parce qu'il sait que c'est dans l'intuition de ce qu'il filme que passe un nouveau souffle.
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asketoner
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Les Crimes du futur, David Cronenberg

Cronenberg a encore de bonnes idées, c'est-à-dire des idées qui offrent au monde des images déformées et monstrueuses de lui-même (l'enfant qui mange du plastique, la chirurgie comme performance, la tumeur comme oeuvre d'art, l'humain trop souffrant pour manger et dormir sans assistance...), mais pour quelle mise en scène ? Champ, contrechamp, histoire de distribuer les répliques, tout le temps : quel ennui à la longue. Le film se voudrait sexuel, obscène, révulsant, il paraît au contraire protocolaire et sentencieux. La très étrange prouesse de Crash ne se reproduit pas. Et le plaisir intellectuel d'eXistenZ, s'il resurgit quelquefois dans Les Crimes du Futur, semble plombé, s'arrêtant trop souvent, peinant à déployer ses concepts au-delà de l'image illustrative et du dialogue explicatif.
Deux plaisirs : les rendez-vous nocturnes de Viggo Mortensen avec le flic & le duo Kristen Stewart / Don McKellar où chacun toussote pour laisser la parole à l'autre.
Une confirmation : je n'aime pas du tout Léa Seydoux, d'ailleurs le film ressemble à sa façon de jouer : doucereux et presque éteint, plein de bonnes manières.
Kahled
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asketoner a écrit :
sam. 28 mai 2022 11:10
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Les Crimes du futur, David Cronenberg

Cronenberg a encore de bonnes idées, c'est-à-dire des idées qui offrent au monde des images déformées et monstrueuses de lui-même (l'enfant qui mange du plastique, la chirurgie comme performance, la tumeur comme oeuvre d'art, l'humain trop souffrant pour manger et dormir sans assistance...), mais pour quelle mise en scène ? Champ, contrechamp, histoire de distribuer les répliques, tout le temps : quel ennui à la longue. Le film se voudrait sexuel, obscène, révulsant, il paraît au contraire protocolaire et sentencieux. La très étrange prouesse de Crash ne se reproduit pas. Et le plaisir intellectuel d'eXistenZ, s'il resurgit quelquefois dans Les Crimes du Futur, semble plombé, s'arrêtant trop souvent, peinant à déployer ses concepts au-delà de l'image illustrative et du dialogue explicatif.
Deux plaisirs : les rendez-vous nocturnes de Viggo Mortensen avec le flic & le duo Kristen Stewart / Don McKellar où chacun toussote pour laisser la parole à l'autre.
Une confirmation : je n'aime pas du tout Léa Seydoux, d'ailleurs le film ressemble à sa façon de jouer : doucereux et presque éteint, plein de bonnes manières.
:jap:

J’en ressors, même constat (y compris sur Léa Seydoux).

Par contre, j’ai trouvé ça troublant la manière dont le film semble être construit à partir des restes de sa filmographie (par exemple l’enfant né avec une anomalie génétique et qui mange du plastique en sécrétant de l’acide blanche pourrait être vu comme l’enfant né de l’union hybride entre Geena Davies et Jeff Goldblum dans La Mouche, j’ai eu l’impression que plusieurs répliques dans le film semblaient s’y référer, presque inconsciemment).

Et le résultat, très bancal, donne une idée de la créativité actuelle du cinéaste. Franchement, il aurait dû en rester à Maps to the stars.
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asketoner
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le film semble être construit à partir des restes de sa filmographie (par exemple l’enfant né avec une anomalie génétique et qui mange du plastique en sécrétant de l’acide blanche pourrait être vu comme l’enfant né de l’union hybride entre Geena Davies et Jeff Goldblum dans La Mouche
Oui totalement, il lui reste des idées super, mais c'est tout. C'est déjà pas mal, mais bon...


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Junk Head, Takahide Hori

Je ne vais jamais voir de film d'animation mais celui-ci m'attirait. L'animation vient se placer pile à l'endroit où je la supporte, c'est-à-dire au niveau du brouillage des repères humains habituels, où la monstruosité vient remettre en question la notion de vivant. J'ai trouvé l'ensemble plutôt réussi, très drôle par moments, déployant un imaginaire à la fois archaïque (très porté sur les fluides et les obstructions) et touchant. Le héros vit une série de chutes : il tombe de plus en plus bas dans les souterrains d'un nouveau monde. On le prend tantôt pour un Dieu, tantôt pour un Déchet. Alors qu'il n'est rien de mieux qu'un humain qui n'avait plus assez d'argent pour danser et qui a accepté une mission rémunérée mais sans doute mortelle. Sa quête est sans cesse détournée par d'autres affaires plus pressantes : aller chercher des champignomes (l'équivalent externe des tumeurs artistiques du dernier Cronenberg : un enfer), déjouer les entourloupes d'un type un peu collant qui veut les lui voler, offrir une chaise à un homme debout depuis trop longtemps devant un vieux feu, échapper aux sucs digestifs d'un gros ver avec des dents molles, etc... L'attention est sans cesse sollicitée par les trouvailles des personnages et des situations, et leur rythme burlesque, tendant vers la destruction du héros. La troisième partie est un peu moins convaincante narrativement : il s'agit simplement d'affronter un gros monstre. Et en plus, le film s'arrête très brutalement, car il s'agit seulement d'un premier volet. Dommage, 1h40 me suffisait largement.
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yhi
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asketoner a écrit :
lun. 30 mai 2022 00:29
Je ne vais jamais voir de film d'animation mais celui-ci m'attirait.
Cool :love2:
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Tyra
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asketoner a écrit :
sam. 28 mai 2022 11:10

mais pour quelle mise en scène ? Champ, contrechamp, histoire de distribuer les répliques, tout le temps : quel ennui à la longue. Le film se voudrait sexuel, obscène, révulsant, il paraît au contraire protocolaire et sentencieux.
On le remarque maintenant parce que Cronenberg a fait des films verbeux comme Cosmopolis dans les années 2000, déjà mis en scène de cette façon, mais c'était déjà présent en germe dans ses films des années 90 comme Le Festin nu ou eXistenZ. Films que j'aime beaucoup mais déjà très statiques, découpés, bavards.
J'ai découvert Frissons (Shivers) ce weekend, un film un peu fauché, encore un peu amateur mais, comme ses autres films d'horreur des années 70, plein d'une force brute qu'il a un peu perdu par la suite, au profit d'une intellectualisation de son cinéma qui passe par une parole très didactique.
Je vais essayer de voir son dernier film quand même.


Sinon :
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Chaque nouveau Desplechin est l'occasion d'une comparaison à son désavantage avec ses premiers films, dont la magie semble un peu perdue. Ici pas d'exercice théorique à la Ismael, Roubaix ou Tromperie, mais un retour sur les vielles marottes du cinéaste, probablement tirées de sa vie personnelle, où la haine larvée fait encore office de moteur scénaristique et d'énigme à résoudre. On pense à Rabier dans Comment je me suis disputé, ou au frère et sœur de Conte de Noel, quand une haine inexpliquée servait de fil rouge dans des films choraux. Ici elle prend toute la place dans le film, et se voit mise en scène de façon complètement exacerbée. Cet anti-naturalisme, ce grotesque assumé dans la mise en scène est ce qu'il y a de plus réussi, parce qu'on voit rarement au cinéma des acteurs s'évanouir ou balancer une chaise comme le fait Cotillard ici. On va au delà du réalisme, au delà du bon/mauvais acteur, au delà du soucis de vraisemblance, et cet aspect là du film me plait. Mais le reste est malheureusement raté, des personnages secondaires (Farahani, au secours) aux séquences oniriques (Poupaud qui s'envole au dessus de Roubaix, au secours). Et puis Desplechin rate totalement sa dernière partie post-réconciliation, comme s'il était perdu une fois les conflits résolus.
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groil_groil
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Les films d'Alexandre Astruc sont difficiles à voir (un comble !) et je ne connaissais jusqu'à présent que sa merveilleuse adaptation de Flaubert, L'Education Sentimentale, un film aussi beau qu'un grand Antonioni période L'Eclipse. Très heureux donc de découvrir une autre adaptation d'un classique, de Maupassant cette fois, dans ce film datant de 1958, et qui fait tout de même un peu old school au premier abord : les acteurs jouent vraiment dans un style pré-nouvelle vague, et l'image, non restaurée, semble un peu jaunie. Pourtant, Astruc finit par l'emporter grâce à le puissance de sa mise en scène, qui, sans transcender non plus le texte de Maupassant, le rend véritablement vivant à l'écran. A noter que le premier rôle est tenu par Maria Schell, une actrice un peu oubliée en France aujourd'hui, mais qui était alors une superstar, ayant tenu des premiers rôles chez des cinéastes immenses tels que : Siodmak, Clément, Visconti, Brooks, Daves, Frankenheimer, Anthony Mann, Chabrol, De Broca, Jess Franco ou Richard Donner...

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C'est une première dans ma vie, et c'est une grande émotion : mon fils de 8 ans m'a fait découvrir un film. Et en plus c'est un Bo Widerberg et en plus le film est génial. Nous sommes en Suède, juste avant la Coupe du Monde de football de 1974, et un jour pro découvre, lui faisant perdre tous ses moyens, un petit garçon de 6 ans qui joue au foot, littéralement comme un dieu. Sans se poser une seule seconde une question de crédibilité, et c'est ce qui fait le sel du film, transformant son histoire en un conte intemporel, le gamin intègre très rapidement l'équipe nationale suédoise et dispute la Coupe du Monde. Les scènes de matches sont d'ailleurs incroyables, ce sont les vrais joueurs de l'équipe suédoise qui jouent, c'est tourné dans de vrais stades plein à craquer, et les scènes d'actions de jeu sont incroyablement filmées, avec un enfant véritable prodige du passement de jambes. Comme il est hyper doué, il est décisif, marque plein de buts, et conduit son équipe en finale. Mais le petit décide de ne pas disputer cette finale et de rentrer chez lui, en annonçant tout simplement qu'il préfère sa vie d'enfant. Cette conclusion est à l'image du film, aussi modeste que sincère, et surtout elle va à l'encontre de la surenchère permanente et de la soif (de l'obligation) de réussite inculquée à coup de marteau par le cinéma américain comme la seule alternative possible au développement d'un enfant. Merci mon fils <3

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Le film est célèbre par son beau nom, mais il était difficile à voir avant sa récente restauration. Belle idée, car c'est vraiment un des meilleurs giallos que j'ai pu voir. Tessari est un cinéaste assez habile, mais là il se surpasse pour un giallo construit comme un film de procès où l'attention du spectateur, et ce qui lui est dévoilé, change et se développe en fonction de l'avancée du film et du procès. Le scénario est habile jusqu'à la dernière scène, la mise en scène étonne car elle va à l'encontre des canons du genre, jamais dans la monstration forcée, allant même jusqu'à filmer des meurtres hors-champ (un comble pour un giallo), mais pensée pour servir au mieux son récit. J'ajoute une superbe bande son signée du méconnu Gianni Ferrio et on tient là un des plus beaux fleurons du genre.

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L'archétype du film mal vendu à cause de son marketing. J'avais volontairement zappé ce film n'ayant aucune envie de me fader l'histoire d'un gamin apprenant le piano, façon Whiplash ou autre, merci bien. Sauf que le film ce n'est pas du tout ça, et que le piano doit representer 5% de ce qui est filmé. Mais le marketing français a décidé de n'appuyer que là-dessus (l'affiche japonaise est déjà beaucoup plus intéressante). Bref, il s'agit de suivre une famille, deux parents, deux garçons, qui part en couille, et qui se dérègle progressivement, sous l'impulsion d'une société japonaise qui empêche l'échec, qui refuse le dialogue et qui inscrit les individus dans une situation de dominés en permanence. Du coup les 4 personnages, chacun à leur façon, n'ont qu'un désir, enfin, ça devient vite une nécessité, c'est celle de la fuite. Ce film raconte ça, une énorme force centripète, qui explose un noyau familial pour en dispersé les membres aux 4 points cardinaux. Je trouve que Kurosawa est un cinéaste très surestimé en France, mais c'est clairement un de ses films les plus réussis.

Bon sinon, qu'est-ce que c'est agréable d'enchainer quatre films sans qu'un seul ne soit américain...
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sokol
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Tyra a écrit :
lun. 30 mai 2022 16:55

On le remarque maintenant parce que Cronenberg a fait des films verbeux comme Cosmopolis dans les années 2000, déjà mis en scène de cette façon, mais c'était déjà présent en germe dans ses films des années 90 comme Le Festin nu ou eXistenZ. Films que j'aime beaucoup mais déjà très statiques, découpés, bavards.
🙏🙏

En voyant ses films au cinéma à partir des années 2000-2001 j’ai commencé à sentir un peu ça. Bien plus tard, quand j’ai découvert ses films antérieurs, je me suis vraiment rendu compte de ce que tu dis : à de rares exceptions, cette tendance n’a fait que s’imposer dans son œuvre (dieu que j’avais détesté, par exemple, A dangerous method ou Cosmopolis). Et je suis vraiment triste quand je déteste un film d’un cinéaste que j’aime (c’est complètement différent quand tu ignores ou tu t’en fiches…) mais détester…
😨
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Jean-Marie Straub
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cyborg
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@groil_groil : et oui, que cela fait du bien... pour ma part c'est presque devenu un critère de choix pour ce que je regarde et j'essaie de diversifier au maximum les nationalités des films et réalisateurs !

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La femme de nulle part - Louis Delluc

J'étais très curieux de découvrir le cinéma de Delluc, que je ne connaissais jusqu'à présent qu'à travers le prix qui porte son nom...
Si je disais plus haut qu'il est bon de voir du cinéma non-américain, il est toujours aussi bon également de voir du cinéma non-narratif où, dans ce cas précis, muet.
L'histoire est simple : une vieille femme revient dans la maison de sa jeunesse et convainc la résidente actuelle de ne pas céder à la tentation de fuir son quotidien pour refaire sa vie... ce qu'elle-même avait fait à l'époque. Autant dire que le final, dans lequel un couple sans passion se renoue, ne semble ni progressiste ni émancipateur... peut-être facile à dire avec 100 ans de recul, mais néanmoins...
Ce point mis à part, ce film à l'augure fantomatique est aussi glacial que dépouillé. Delluc laisse toujours beaucoup de place autours de ses personnages, semblant intéressé par la création d'ambiance et une certaine liberté au jeu de ses acteurs. Le contre point entre la grande bâtisse à la campagne, lieu principal de l'action, et la trame du mari s'éclipsant quelques jours dans la grouillante ville de Gênes fonctionne ainsi à la perfection. L’œuvre est ainsi plus notable pour son approche plastique (j'ai songé quelques fois aux pictorialistes, même si le style est censé s'être dissipé avant la première guerre mondiale) que narrative.


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En 81 et 88 les personnages du film vont voter pour le candidat de gauche avec la même ferveur, la même envie, sans que ne soit jamais évoqué ce qui -si j'en crois mes souvenirs de cour d'histoire...- fut un changement politique brutal : le "tournant de la rigueur" mis en place dès 1983 par le gouvernement socialiste. Dans le monde du film ce tournant n'existe pas, ou alors il est lointain et vague (on évoque l'audience de l'émission de radio et la compétition nouvelle, mais c'est à peu près tout). Les passagers de la nuit est donc un film pansement, un film qui voudrait faire "comme ci", presque une uchronie. Un conte peut-être plutôt. On en retrouve d'ailleurs certaine formes classiques, avec un côté lumineux (le cocon familial, l'émission de radio) doublé d'un côté sombre (la nuit sous les ponts, la drogue qui surgit dans le foyer), ainsi qu'un certain trajet initiatique. Un conte qui voudrait croire en la bonté des relations humaines et la douceur du vivre-ensemble. Et il est vrai qu'il est bon de voir un film sans cynisme, où règne une bienveillance qui ne tourne pas en mièvrerie et niaiserie. Malgré cela j'ai du mal à m'intéresser véritablement au film, dont le manque d'aspérité finit par le faire glisser loin de moi.


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Om-Dar-B-Dar - Kamal Swaroop - 1988

Les éblouissantes découvertes de Mani Kaul l'an passé et plus récemment de "Toute une nuit sans savoir" m'ont donné envie de connaitre un peu mieux le cinéma indien. Cela tombe bien : je me suis récemment fait un copain indien ayant quelques connaissances cinématographiques !
On voit beaucoup de grenouilles dans Om-Dar-B-Dar : des grenouilles pleines de vie, mais aussi des têtards et des grenouilles mortes. On voit aussi souvent le jeune personnage principal bondir dans l'eau et dire qu'il est particulièrement fort pour retenir longtemps sa respiration. Dans cette histoire déconstruite ce n'est pas la grenouille qui devient prince charmant mais l'enfant qui veut devenir grenouille. Est-ce que cela veut dire quelque chose ? Je ne sais pas. Est-ce bien de cela que parle Om-Dar-B-Dar ? Je ne sais pas non plus, et ce n'est pas bien grave. Beaucoup d'éléments du films ont du m'échapper, semblant se moquer allégrement de la tradition indienne (tant religieuse que cinématographique). Mais peu importe. Si le base-line choisie pour le film (The great indian LSD trip) me semble excessive (pas vraiment de psychédélisme ici, tout au plus de l'expérimentation aventureuse) c'est bien l'énergie débordante qui fait tenir le film debout. Une énergie que j'ai l'impression de n'avoir vu jusqu'alors que dans deux très grands films de l'histoire du cinéma : Pierrot Le Fou de Jean-Luc Godard et Touki Bouki de Djibril Diop Mambéty.

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Furuyashiki, un village japonais - Ogawa Production - 1945

Tourné en parallèle/complément (et paru en amont !) de "Magino Village – A Tale", cet autre documentaire fleuve (3h30) de Ogawa Production est tout autant extraordinaire. Se concentrant sur un petit village perdu dans les montagnes japonaises, le film commence comme un documentaire scientifique cherchant à comprendre les déplacements d'air froid dans la géographie locale et les mauvaises récoltes qu'elles causent, afin d'aider les locaux. Très vire surgit le témoignage d'une femme narrant l'histoire de sa grand-mère qui a trouvé un fossile marin en haut d'une proche montagne. Oui, ce territoire avant d'être habité, colonisé, exploité était, il y a des millions d'années, sous la mer. C'est exactement avec ce rapport d'échelle vertigineux que jouent les films d'Ogawa. Ici nous sommes toujours au plus près de ce village isolé et l'ailleurs surgit par l'homme, les techniques et les histoires qu'il porte, des croyances religieuses aux témoignages de la deuxième guerre mondiale, encore fraiche pour les octogénaires qui peuplent le village. Ce long film est un témoignage plein d'humanité dans lequel chaque temporalité, chaque geste, chaque Homme, sont des strates indémêlables au sein d'un mode de vie sur le point de disparaitre.
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asketoner
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Variety, Bette Gordon, 1983

Une femme accepte un boulot de caissière dans un cinéma porno, et se trouve dès lors terriblement attirée par le monde des hommes. Tout l'enjeu du film est de placer son héroïne où on ne l'attend pas, dans les cabines d'un peep show parmi les clients, dans un marché aux poissons, dans un motel miteux à fouiller dans un sac qui ne lui appartient pas, la nuit sous le pont d'une rocade à épier les gestes de gens qui portent des imperméables, etc... Jusqu'à cette scène assez merveilleuse, où elle se plante devant un gars qui joue au flipper et lui raconte une longue histoire érotique. J'ai beaucoup aimé, c'est à la fois beau et un peu trop long comme un Rivette, ça joue sur d'étranges mystères (parfois l'héroïne passe un coup de fil et personne ne répond, on ne sait pas ce que la scène vient faire là, sinon fabriquer du trouble), et sur un renversement non moins étrange duquel on ne cesse de s'étonner.
Nan Goldin joue son propre rôle dans le film : celui d'une serveuse qui expose ses photos dans le bar où elle travaille et qui n'arrive pas à les vendre. Elle se demande si elle va être encore serveuse à 50 ans.
(Et même Cookie Mueller fait une apparition.)
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asketoner
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Bustarenga, Ana Maria Gomes, 2019

Une femme célibataire approchant la quarantaine retourne dans son village d'enfance au Portugal et demande à toutes les femmes de sa famille ce qu'elles pensent de l'amour, du couple, des rencontres et des hommes en général. Le film est très drôle, jamais en surplomb (le procédé pouvait laisser craindre le pire : la Parisienne auscultant les moeurs archaïques d'un village), multipliant les entretiens et les mises en situation, si bien qu'on ne peut en tirer aucune conclusion d'ordre sociologique voire ethnologique, simplement constater une diversité des rapports, une plus ou moins grande ouverture d'esprit, et surtout une incapacité générale à former un avis définitif ou à trouver une solution qui viendrait tout résoudre. Il y a beaucoup d'énergie dans Bustarenga ; manque peut-être un contre-point un peu plus autobiographique (j'aurais aimé savoir ce que la réalisatrice attendait, et pourquoi elle s'en remettait aux femmes de sa famille).

&

Epouse, fille, mère, Alain della Negra & Kaori Kinoshita, 2019

Les femmes ont disparu de la surface de la Terre, les hommes tentent de les remplacer par des poupées.
Un film très complaisant, qui montre que les hommes sont des porcs, qu'ils n'aiment que les filles de 14 ans et qu'ils peuvent passer quinze minutes à leur enlever leur culotte. Le film reproduit placidement les situations les plus banalement dégoûtantes.
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asketoner
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A nous la liberté !, René Clair, 1931

Film parfait, anarchiste jusqu'au bout, où deux prisonniers parviennent à s'évader : l'un crée une entreprise et l'autre tombe amoureux ; mais au dernier moment il leur faut renoncer ensemble à la fortune et au mariage, et continuer à vagabonder tous les deux. L'amitié est la seule chose à sauver dans cette société. Le reste n'est jamais à la hauteur de la dérision des héros. Que c'est beau de voir un film si moqueur, si peu précautionneux dans sa façon de faire sens : le parallèle esthétique entre la prison et l'usine est posé comme une évidence, sans contestation possible.
len'
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Top Gun : Maverick de Joseph Kosinski

Sorti au milieu de l'ère Reagan, quelques années avant la fin de la guerre froide, le premier top gun connut un succès retentissant qui influença autant qu'il suscita quelques railleries. Charmeur, fonceur, persévérant, Tom Cruise incarnait la nouvelle version du mythe américain qui n'a jamais vraiment dévié depuis la conquête du territoire. Une version "années 80", années qui entamaient le début d'un cycle économique post chocs pétroliers tourné vers le toujours plus, le toujours plus vite. De voir les deux top gun aujourd'hui, c'est comme de constater l'écart entre deux époques, de la jeunesse insouciante à la vieillesse qu'on voudrait ignorer.
Cela a été et reste une des plus grandes forces d'Hollywood, cette capacité à partager ses mythes pour qu'ils deviennent une réalité souhaitée par une partie du monde (même dans les pays soviétiques, on préférait s'échanger sous le manteau des vhs archi usées de blockbusters américains que des films locaux). Ces films font rêver les masses en leur parlant en tant qu'individu triomphant. Ces films me faisaient rêver aussi quand j'étais enfant, et d'une certaine façon, ça me fait encore rêver. Mais difficile désormais de ne plus penser aux à côtés, ces éléments plus sombres qui s'accumulent et entachent une conception du monde reposant sur : "qui saura le mieux se servir de son gros engin, qui pissera le plus loin et qui pétera le plus fort". L'introduction ne dément pas cette logique, elle la pousse même dans ses derniers retranchements en envoyant Tom au firmament. Quoi faire après ça ? Eh bien on répète le 1 avec un peu plus de technique, un peu moins de sueur et une bonne dose de mélancolie. La mort d'un personnage est toujours au coeur de l'histoire, comme un aveu témoignant que l'élévation des uns entraîne possiblement la chute des autres, et que cela laisse des traces, à jamais.
Malgré tout, il y a des choses qui ont changé, et c'est là où le film est le plus intéressant, à son insu. Il y a ce qu'on voit : des scènes dans les airs qui en mettent plein les mirettes, des acteurs charismatiques, des retrouvailles émouvantes... et il y a ce qu'on ne voit pas : les ennemis sans visage et sans identité, l'actrice principale du premier volet absente, la musculature de Tom Cruise bien moins mise en avant, des séquences moins ambiguës, plus terre à terre... Cela reste à l'honneur de Tom Cruise d'avoir insisté pour faire apparaître Val Kilmer, malade, parce qu'il aurait pu être absent également.
Ce qu'on voit est encore suffisamment impressionnant pour faire oublier le décalage avec le premier volet, passant de l'énergie décomplexée à l'usure bien maquillée. Le trio Cruise/McQuarrie/Kosinski y croit encore et a le savoir-faire, sait que pour faire tenir le rêve il faut l'ancrer dans une certaine réalité. Mais à l'aune de nouveaux chocs, il y a plus que jamais ce sentiment d'être face à une vision du monde dépassée par elle-même.
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groil_groil
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Quel bonheur de voir Cronenberg revenir à son plus haut niveau avec un film qui est l'un des plus sombres et l'un des plus durs de l'ensemble de son oeuvre (qui ne brille pas par son caractère primesautier pour autant), et qui convoque des éléments de l'ensemble de ses films précédents, sans jamais pour autant donner l'impression d'une compilation de luxe. Je dirais plutôt qu'il est une sorte d'aboutissement de l'ensemble de sa réflexion, et que la pertinence d'icelle, et du film, sont que le film entre parfaitement en résonnance avec son époque. Le film est donc un heureux croisement de Crash et du Festin Nu, qui cumule la noirceur absyssale des deux, tout en montrant des personnages de fin du monde, dans un cimetière de bateaux échoués, où les seuls divertissements qui s'offrent à eux sont de se faire tatouer leurs organes nés de mutations biologiques avant de se les faire extraire dans des happenings construits comme de malsaines performances artistiques, et où la seule nourriture qu'il devient possible d'ingurgiter est le plastique. Le film parle aussi beaucoup, et avec beaucoup de douleur, de la maltraitance faite aux enfants, la dernière performance est d'ailleurs proprement insoutenable, et je crois que jamais Cronenberg n'avait été dans l'un de ses films autant prophète de son temps, annonçant la fin de la civilisation et la fin du monde dans un calme et une froideur qui continuent à me glacer le sang plusieurs jours après la projection.

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Si on m'avait dit que j'aimerais un jour un film de Stéphane Brizé, je ne vous aurais pas cru. Celui-ci, même s'il est proche thématiquement de La Loi du Marché, c'est tout l'inverse en terme cinématographique. Lindon joue le rôle d'un ouvrier syndicaliste qui part littéralement en guerre contre la multinationale allemande qui a décidé de fermer l'usine française dans laquelle il travaille, car celle-ci n'est pas suffisamment bénéficiaire alors que la boite dans sa globalité roule sur l'or, mettant ainsi au chômage plus de 1,100 personnes. C'est vraiment filmé comme un combat permanent. Lindon est le seul acteur professionnel, tous les autres ont été pris sur le terrain et bien souvent jouent leur propre rôle, et Brizé réalise un film engagé, militant, absolument passionnant comme peut l'être la vie dans des instants aussi intenses, et d'une grande noirceur, puisque malgré tous les espoirs entretenus par le combat de ces quelques hommes et femmes, on sait le combat perdu d'avance, même si on n'imagine pas encore que la finalité est encore pire que ce qu'on imaginait. Bref, c'est un vrai coup de poing dans la gueule, et pourtant c'est tout sauf un film-choc, clinquant, il n'y a pas d'effet, rien d'autre qu'une mise en scène qui veut capter ce combat et qui le rend avec le plus de véracité possible. Film éprouvant et essentiel.

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Après leur mort, les gens arrivent dans une grande maison triste, le purgatoire, où ils sont écoutés par des salariés du coin, qui leur demandent de choisir leur plus beau souvenir de leur existence. Ce souvenir sera ensuite mise en scène par une équipe audiovisuelle, et une fois que celui-ci sera tourné, la personne concerné s'en ira (au paradis ? en enfer ? on n'en sait rien) emportant avec lui son souvenir le plus cher. Ce Kore-Eda de tout début de carrière est assez nul en fait, car outre le fait que ce pitch est neuneu comme c'est pas permis, il a comme conséquence de tout enfermer, tout verrouillé, tout mettre dans des cases, comme si le cinéaste tendait à dire que même après sa mort, l'homme doit encore s'organiser et trier ses petits papiers.

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Au sortir du musée Van Gogh, pris d'une envie de revoir le chef-d'oeuvre de Pialat, qui est bien le chef-d'oeuvre dont je me souvenais. Pialat parvient sans explication, sans préambule, à nous faire vivre instantanément aux côtés du peintre, ou plutôt devrais-je dire aux côtés de l'homme Van Gogh. Evidemment Dutronc est prodigieux (quel casting génial) mais le film ne se résume évidemment pas à sa performance. Assez proche de La Maison des Bois, le film Van Gogh est aussi, je ne saurais pas expliquer pourquoi, assez Proustien dans son écriture, et éclairé avec tant de virtuosité qu'à certains moments on dirait presque que c'est Van Gogh lui-même qui fut chef-op du film.

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Deuxième film de Catherine Corsini, qui aura ses lettres de noblesse avec son troisième (La Nouvelle Eve), Les Amoureux est un film non dénué de défauts, mais qui parvient tout de même à séduire par son envie de raconter, par son côté fougueux et libre, qui doit beaucoup à son héroine, la géniale Nathalie Richard, sans doute ici dans l'un de ses rôles les plus importants, mais aussi à cette énergie qu'il y avait dans le cinéma français des années 90 (on pense beaucoup à la série Tous les Garçons et les Filles de leur âge par exemple) qui a globalement disparu aujourd'hui et on se rend compte que ce cinéma-là, y compris avec ses gros défauts, manque cruellement.
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asketoner
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Compétition officielle, Mariano Cohn et Gaston Duprat

Ca présente à peu près la même grandiloquence kubrickienne que les films de Ruben Ostlund ou Yorgos Lanthimos (cette façon de toujours ramener l'existence humaine au silence cosmique), mais les cinéastes ont moins d'idées, alors ils sont un peu plus obligés de s'appuyer sur les acteurs. Banderas et Cruz sont vraiment géniaux, et j'ai pris beaucoup de plaisir à les regarder jouer. Les dix dernières minutes, malheureusement, s'empressent de conclure par un événement bien cynique (un pur effet de scénario), alors que j'avais pu espérer mieux (une émotion peut-être, une ouverture sensible).
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Le Desplechin divise pas mal, mais perso j'ai trouvé ça super bien. Il brasse toujours les mêmes thèmes, un affrontement viscéral entre un frère et une soeur qui se détestent, de manière si ancestrale qu'ils en ont presque oublié la cause. J'aurais pu tout aussi bien le détester ce film, à pas grand chose près, comme je déteste Conte de Noël (alors que Comment je me suis disputé... est un de mes films préférés ever), mais c'est ce pas grand chose qui fait toute la différence : disons que ce coup-ci je n'y vois pas la méchanceté du Conte de Noël, le film n'est pas un pugilat tel que pourrait le faire l'horrible Vinterberg, mais c'est un film qui cherche des solutions pour ses personnages, et qui ne souhaite pas les enterrer vivants. J'aime que le sujet du film soit in fine le pardon, la rédemption, et cette idée me permet de voir le film avec un oeil totalement différent, et c'est ça qui me fait l'aimer. Sinon Desplechin est toujours un immense directeur d'acteurs (quel bonheur de voir Timsit dans un si beau rôle par exemple, et même si ça fait bizarre de voir Poupaud jouer Amalric, il le fait bien) et un sacré metteur en scène (l'enchainement des deux scènes inaugurales, ça fait son effet...)

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La maire d'une ville sensible se bat pour la rénovation d'un immeuble insalubre et dangereux pour ses habitants, au moment où on lui propose un poste de ministre, et va devoir gérer sa carrière entre ce tiraillement. Les intentions sont bonnes, mais le réalisateur peine un peu à démeler les fils de son récit (qui se voudrait un croisement entre Borgen et Erin Brokovich) et ne convainct pas vraiment, sans pour autant ennuyer. Un archétype du "moyen".

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Etonnamment, un des rares Hong Sang-Soo que je n'avais pas encore vus... Et c'est un film formidable, très beau, touchant, à la fois plein de vie et de mélancolie, et qui fait vraiment comprendre un truc, c'est que le minimalisme extrême qui est devenu la norme du cinéma de HSS n'est pas forcément ce qui lui va le mieux. Je trouve qu'ici, on est en 2004, le réglage est absolument parfait.

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Une femme, qui ne s'appelle pas du tout Madeleine Collins, mène une double vie. Elle est mariée, avec deux fils, et elle prétexte chaque semaine devoir passer trois ou quatre jours en déplacement pour son travail de traductrice. Elle s'éclipse, et on découvre qu'elle a une autre vie, un autre mari, une fille, et surtout un autre nom, qui n'est pas Madeleine Collins non plus. Elle semble vivre depuis des années de cette façon-là, le mensonge et la dissimulation gérant sa vie de famille(s) comme celle d'un agent secret. Elle semble en maitriser parfaitement les codes, jusqu'au jour où un grain de sable va se coincer dans l'engrenage et provoquer l'effondrement du système. Je n'attendais rien de ce film, mais je me suis pris une petite claque. Le metteur en scène tient son truc de bout en bout, et mieux que ça encore, s'autorise un final très réussi et qui permet justement de comprendre le titre du film (titre absolument génial, mais qu'on ne comprend qu'une fois qu'on a vu le film). Et puis j'ai regardé qui était ce Antoine Barraud, dont le nom me disait rien, et il se trouve qu'il est l'auteur de l'excellent Dos Rouge, film super prometteur de 2015, qui laissait deviner un cinéaste passionnant à l'univers d'une grande richesse. Il y donnait d'ailleurs la rôle principal à Bertrand Bonello, ce qui est un signe, et ce n'est donc pas une surprise de découvrir Nadav Lapid jouer un rôle, certes plus court mais décisif, dans Madeleine Collins. Très belle surprise, et sans doute l'un des films où Virginie Efira est la meilleure.

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J'aime le livre de Stephen King, j'aime le premier film (avec une excellente BO de Tangerine Dream), mais ce remake 2022 ne vaut malheureusement rien. C'est un film totalement aseptisé, sans âme, sans envie, avec des acteurs endives qui ne dégagent absolument rien, tellement creux et insipide que ça pourrait être un produit Netflix. ça n'a même pas assez de personnalité pour être mauvais, c'est dire. C'est juste du vent. Il y a bien John Carpenter qui signe la BO, seul truc qui pourrait être digne d'attention, mais elle est sans aucune imagination, lui aussi déroule, et ne dérange même pas le tympan.
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La première nuit - George Franju - 1958

A la sortie de l'école, un petit garçon s'échappe et part déambuler dans le métro parisien. Il finira par y passer la nuit entre rêve et réalité.
Très beau petit court-métrage de Franju sans un seul mot prononcé. Les longs couloirs se transforment en dédales, le monde de la nuit laissant exploser la fantasmagorie du jeune personnage principal. Réalisé la même année que son premier long métrage, ce film annonce déjà totalement la grande maitrise cinématographique de Franju, ici dans une sorte de réalisme-poétique tardif.

VIsible ici https://vimeo.com/275395740?embedded=tr ... r=13507230



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La morte rouge - Victor Erice

Court-métrage de 2006 (l'une de ses dernières réalisation en date, d'ailleurs) du trop rare Victor Erice. L'auteur y narre son premier souvenir marquant de cinéma : le visionnage de La griffe écarlate (un Sherlock Holmes) tandis que la guerre ravageait l'Espagne. Différents souvenirs et temporalités finissent par se mélanger, faisant exploser la cinématographie de ce qui n'aurait pu être qu'une banale anecdote. Le résultat est un beau film sur le passage à l'adulte et le regard d'un vieil homme sur ce qui constituera l'expérience crucial de son futur rapport au monde et à la création.

Visible ici https://vimeo.com/293801644

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Tropisme à part entière du cinéma français, le film de vacances trouve avec I Comete une nouvelle variation qui, si elle ne me convainc pas totalement, à l'audace de proposer une forme qui lui est propre. Tel un faux semblant Tatiesque, I Comete est conçu sous forme d'enchainement de plans fixes (un seul mouvement de caméra, que je n'ai pas trop compris, vers la fin). Des lieux et des personnages réapparaissent régulièrement, les fils sont décousus et c'est au spectateur de reconstruire les intrigues et les situations. Le réalisateur (l'acteur Pascal Tagnati) semble ainsi plus intéressé par la captation d'une ambiance estivale et d'un état d'esprit que d'une quelconque intrigue. Si l'un des arguments de vente du film est d'être "totalement corse", de la langue parlée par moment à l'équipe du film elle-même, je trouve qu'on voit au final assez peu l'île : les plans respirent peu et sont souvent serrés : les paysages sont aux mieux relégués au lointain rang d'arrière-plan. L'équilibre final entre cette surreprésentation de personnages dont on ne connait pas grand chose et cette absence d'alternative est assez perturbant et pas forcément la plus réussi. Néanmoins curieux de voir ce que Tagnati pourrait faire par la suite.

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Documentaire d'une heure se concentrant sur trois "shinjuku", à savoir trois femmes devenus hommes et travaillant dans des bars "à hôtesses" (même si ce n'est du coup pas le bon mot...). La réalisatrice, très pudique, laisse pleine place à la parole de ceux qu'elle filme et qui se confient sur leurs quotidiens et leurs difficultés à se faire accepter par leur famille. Beau document, particulièrement en avance sur son temps (1995) sur un thème crucialement d'actualité au début des années 2020.

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Une infinie tendresse - Pierre Jallaud - 1972

Le quotidien d'un jeune enfant handicapé physique et mental : sortie au parc, repas, observations des trains et des avions qui passent. Un jour un autre jeune garçon handicapé arrive dans la même institution, avec qui il se liera très vite d'amitié. Comme indiqué en ouverture du film il ne s'agit pas d'un documentaire au style "cinéma-vérité" mais bien d'une fiction écrite avec et pour les deux personnages principaux. Je dois bien admettre n'avoir jamais vu un film aussi proche et aussi respectueux de son sujet : tout est filmé à auteur d'enfant (comprendre : à hauteur de fauteuil roulant, position dans laquelle sont les deux personnages 97% du temps) afin de les laisser s'exprimer du mieux que faire se peu et communiquer aux spectateurs leurs émotions. Ce serait mentir de dire que le film est entièrement passionnant, mais la radicalité du fond comme de la forme force le respect face à cet objet cinématographique unique dont le plus proche parent (dans un genre encore plus radical) serait sans doute les expérimentations de Fernand Deligny.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
mar. 14 juin 2022 15:24

Et c'est un film formidable, très beau, touchant, à la fois plein de vie et de mélancolie, et qui fait vraiment comprendre un truc, c'est que le minimalisme extrême qui est devenu la norme du cinéma de HSS n'est pas forcément ce qui lui va le mieux. Je trouve qu'ici, on est en 2004, le réglage est absolument parfait.

:jap: :jap: :love2:
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JanosValuska
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:hello:

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125, rue Montmartre - Gilles Grangier

Lino Ventura y incarne Pascal, vendeur de journaux à la sauvette dans Paris, qui se lie d’amitié avec Didier (Robert Hirsch) un garçon mystérieux et dépressif qu’il sauve de la noyade. Ce dernier lui apprend qu’il a hérité d’une fortune mais que son ex-femme fait tout pour le faire interner. Pascal accepte alors de se rendre chez lui pour dérober l’argent mais se retrouve embringué dans une improbable histoire de meurtre. C’est un film noir très classique raconté ainsi. Mais le film est passionnant car il est clairement scindé en deux parties. Le début ressemble à du Duvivier, ou au Verneuil de Des gens sans importance, dans sa fine description du milieu, de cette amitié naissante, la suite davantage au Grangier que l’on connait quand il fait jouer Gabin. Les dialogues d’Audiard sont excellents et une fois n’est pas coutume ne phagocytent pas l’atmosphère du film. Mais c’est bien Ventura qui impressionne, tant il incarne une sensibilité à l’époque assez nouvelle dans son jeu, qu’il déploiera évidemment chez Melville.

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Oranges sanguines - Jean-Christophe Meurisse

Celles et ceux qui ont vu Apnée (2016), le premier film de Jean-Christophe Meurisse, ne seront pas surpris : Oranges sanguines en reprend clairement les codes, le ton, la méchanceté, déclinant l’humour des Chiens de Navarre (Il faut rappeler l’irrésistible titre de l’une de leurs pièces : « La peste c’est Camus, mais la grippe est-ce Pagnol ? ») de la scène à l’écran.

Comme si les Blier et Délépine & Kervern d’aujourd’hui avaient (de nouveau) un peu de folie et d’inventivité. Celui-ci va plus loin encore, il est plus trash, plus « bête et méchant », plus dans la lignée d’une actualisation d’un C’est arrivé près de chez vous, disons.

Et il opte moins pour le parcours initiatique et franchouillard de trois clampins (Il y avait du Peretjatko dans Apnée, qui était plus doux, poétique et absurde) que pour une mixture de film à sketchs et de film choral, au point de citer sans vergogne Pulp fiction à plusieurs reprises.

Il y est donc question d’un couple de vieux participant à un concours de rock dans l’espoir d’éponger leurs dettes ; D’un ministre du budget plongé en pleine affaire de fraude fiscale ; de l’éveil d’une adolescente à la sexualité. Tout va se mélanger, y aura du viol, de la torture, des morts. Il, y aura Blanche Gardin en gynécologue, Patrice Laffont en présentateur d’émission de danse, un sanglier dans le salon d’un péquenot grimé en joker, un chien mangeant des testicules.

C’est inégal bien entendu. C’est aussi très dérangeant, cynique et violent, mais ça fait plaisir de voir une vraie comédie méchante, un vrai film punk, tour à tour léger et grave, ignoble, euphorique et triste, à travers un mélange détonnant de farce politique et d’humour régressif.

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Les crimes du futur - David Cronenberg

Probablement le film qui me faisait le plus saliver depuis le début de l’année : J’étais persuadé de retrouver le Cronenberg qui me manquait, celui de Crash, de Faux-semblants, d’Existenz, de Chromosome 3 à la seule découverte du pitch : « Dans un futur proche, tandis que le corps humain est l’objet de transformations physiques nouvelles, le célèbre artiste Saul Tenser met en scène l’extraction de ses organes et tumeurs, dans des spectacles d’avant-garde ». J’en rêvais (et en tremblais) déjà. Le pire étant que ça ne s’arrête pas là : Il y a aussi ces enquêteurs du bureau des organes, le meurtre d’un enfant se nourrissant de plastique et un simili groupe terroriste sur le point de révéler l’ultime mutation génétique. J’en faisais déjà des rêves, des cauchemars. Je voyais un truc sombre dans la veine de la fin de Crash (« maybe the next time, darling ») mais à l’échelle de l’humanité tout entière. A l’échelle de la fin du monde. Je voyais le chef d’œuvre. Il restera sur le papier, malheureusement. Car le film ne m’a rien offert de plus que cette promesse sinon le relatif plaisir de la compilation. Il a glissé sur moi. L’impression d’être face à un Cronenberg de synthèse, beau mais désincarné, avec quelques fulgurances éparses (les séquences le long des ferries rouillés échoués, dans un crépuscule orangé, superbes) mais surtout beaucoup de déception (la pauvreté visuelle des machines, par exemple) et d’ennui. A vrai dire je l’ai déjà oublié.

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Uncharted - Ruben Fleischer

À ceux qui ont joué aux jeux Uncharted :
- Ça parle autant dedans ou ils se foutent un peu sur la tronche, parfois ?
- Était-ce déjà sur ce ton, qui reprend grosso modo la méthode Marvel ?
- Y a t-il aussi un max de référence lourdingues au cinéma d'action ?
- Le personnage de Nathan Drake fait-il aussi puceau et débile ?
Moi je n'ai jamais joué aux jeux en question donc aucun moyen de m'attraper sur ce point. Je voulais juste voir un bon film d'action du dimanche soir.
Malheureusement on est une nouvelle fois face à un produit décliné et complètement marvellisé : Ça ressemble à tout ce qui ce fait (de mauvais) dans le genre depuis vingt ans, de Benjamin Gates à Fast and Furious (alors que ça cite grassement Indiana Jones, évidemment sans lui arriver à la cheville) et on ne tremble pour aucun personnage tout simplement car on ne peut croire ne serait-ce qu'une seconde qu'ils peuvent mourir.
Dès la première scène c'est une catastrophe : Il faut arrêter avec ces scènes d'intro qui rejouent une partie de la grosse scène centrale d'un film, ça ne sert à rien, surtout ça enlève complètement la force de cette dite-scène quand elle arrive en entière. C'est donc la scène de l'avion. Celle qui aurait pu offrir un truc pour lequel on se soutiendrait un peu du film. Raté, elle est nulle.
Un bon point néanmoins : Le film dure moins de 2h ce qui dans l'univers des blockbuster aujourd'hui fait presque office de court métrage.
Que dire d'autre si ce n'est que je n'ai rien contre Tom Holland mais alors autant en Spiderman il est correct autant là il est nul car sans masque il a vraiment le charisme d'un bigorneau à l'agonie.
Bref, ça démarre comme un très mauvais James Bond et ça se termine comme un très mauvais Pirates des Caraïbes.
C'est nul, désincarné, aseptisé.
Mais bon, fallait-il attendre autre chose de la part de Ruben Fleischer ?

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La méthode Williams - Reinaldo Marcus Green

Biopic académique, calibré pour les oscars et à la conception un brin douteuse (j’y reviens) le film déploie au moins une belle idée dans son dernier tiers à savoir suivre le premier tournoi pro de Vénus Williams, à Oakland. La jeune femme a seulement quatorze ans et privilégie d’une invitation. Elle crée la sensation en éliminant sèchement Shaun Stafford (59e mondiale) au premier tour puis chute face à Arantxa Sanchez au second après avoir mené 6.2 3.1. (Il faut signaler que c’est le moment qu’avait choisi l’espagnole, alors numéro une mondiale, pour faire une pause pipi : Vénus n’a plus marqué un seul jeu ensuite). Et pour le coup, le film capte bien l’instant, ce mélange d’euphorie et d’étrangeté, l’ambiance sur le court et dans les gradins, ainsi que les émotions qui traversent la jeune joueuse. Par ailleurs, personne n’en parle, car le film est plutôt un biopic sur Richard Williams et il est donc dévoré par le jeu outrancier de Will Smith (j’y reviens, bis) mais Saniyya Sidney, qui incarne Vénus Williams (à 14 ans) est exceptionnelle.

Bref, c’est un film que j’étais très curieux de découvrir aussi pour voir comment il allait traiter de la monstruosité en général. Moins de celle des sœurs Williams, qui sont des génies du tennis et des anomalies sportives fabriquées, que de celle de leur père, qui rappelons-le avez prévu, avant même leur naissance, d’en fabriquer des championnes de tennis. Il avait un plan. Et le film ne manquera pas d’appuyer là-dessus, de façon bien lourde, pendant le film (à travers ses dires) et à la fin du film (à travers des images d’archives et un carton parfaitement clair) : Vénus serait la première joueuse noire numéro une mondiale & Serena la plus grande joueuse de l’ère Open. Evidemment, La méthode Williams n’évoquera jamais l’étrangeté de ce plan, au contraire, il sacrera volontiers Richard en tant que héros, qui avait raison sur tout : De la conception de ce plan jusqu’à son exécution hors des sentiers battus, puisqu’il refusa d’envoyer ses filles à l’Académie, de peur qu’elles se brulent les ailes. Le contre-exemple utilisé dans le film c’est bien entendu celui de Jennifer Capriati, dont le destin fut bien plus tumultueux. Bien plus humain, en somme.

Et si La méthode Williams est incapable de rebondir là-dessus, car il ne voit pas la freaks-story mais uniquement la success-story, il ne s’arrête pas là : En effet Will Smith est partout là-dedans, il n’y en a que pour lui – on sait pourtant que Mme Williams a eu un impact considérable dans le destin de ses filles, notamment dans celui de Serena, qui était auparavant dans l’ombre de sa grande sœur. On attendait un film à la gloire de deux femmes, mais c’est encore un film à la gloire d’un homme ayant construit le destin de deux femmes. C’est un film à la gloire du père. A la gloire de Richard Williams : Les américains auront au moins la décence de titrer le film « King Williams » quand nous, français hypocrites, lui préfèreront le titre plus ambigu « La méthode Williams ». Mais il ne faut pas s’y tromper, il s’agit surtout d’un biopic maquillé à la gloire de l’acteur qui l’incarne. Il ne faut pas trop que j’y pense car je trouve ça profondément répugnant. Alors que le film en lui-même, malgré ses lourdeurs et son académisme, je le trouve plutôt attachant et même parfois émouvant, en parti car il choisit ce match, cette défaite donc en tant qu’intro d’un conte de fées qu’il gardera hors-champ.

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Cinquième set - Quentin Reynaud

Il me semble avoir lu/entendu que certains trouvaient Alex Lutz trop vieux pour le rôle. D'une part c'est faux, il a quarante ans lors du tournage et incarne Thomas Edison, un joueur de 37ans : on a connu des écarts d'âge plus considérables. D'autre part, en quoi ce serait préjudiciable, étant donné que c'est un film qui ne parle que de ça ? Du temps qui passe, du refus de vieillir, de la mélancolie d'une jeunesse dorée, de la décrépitude du corps.

C'est un peu l'antithèse de la success story racontée dans La méthode Williams. Cinquième set c'est l'histoire d'un excellent joueur de tennis qui se démène depuis vingt ans dans les "tréfonds" des classements pro. Il est donc bien plus qu'un grand joueur de club mais pas suffisamment fort pour briguer les Grand Chelem, qu'il est obligé d'entamer par les qualifs à moins de viser la chance d'une wild card.

Cinquième set c'est aussi un superbe portrait de couple fragilisé par leur passion commune mais chaotique du tennis. Lui a dû composer avec une demi finale de grand chelem atteinte à dix-huit ans sans jamais réussir à briller ensuite et notamment à cause d'une blessure au genou récurrente. Elle qui a du mettre sa carrière entre parenthèse avec sa grossesse. Le film suit davantage Thomas (excellent Alex Lutz, aussi génial que lorsqu'il incarne Guy) mais ne délaisse jamais Eve (magnifique Ana Girardot).

Le film impressionne dans sa façon d'aborder le tennis. À la fois dans ses images, notamment parce que les matchs sont tournés in situ Porte d'Auteuil. Et aussi parce que Lutz est très crédible en joueur de tennis. Il y avait peut-être mieux à faire dans le découpage des rencontres : le montage est un peu bourrin, les cartons temps et score un peu lourds. Mais dans le match final on ressent la dramaturgie, il y a vraiment quelque chose, aussi grâce à la multiplication de sources d'images : aux côtés de Thomas, dans les gradins, sur la télé ou sur le grand écran place des mousquetaires.

Mais surtout c'est un film qui parle incroyablement bien de tennis. Qui le décrit très bien. Je pense que ça peut être difficile pour le non initié, ne serait-ce qu'en name-dropping et termes techniques lâchés en permanence. Le film mélange par ailleurs assez bien le réel et la fiction, jusqu'à l'utilisation de cette fausse image d'archive voyant Edison perdre en demi-finale de RG en 2001 contre Alex Corretja : Javais quinze ans seulement mais je me souviens que l'Espagnol sort Sébastien Grosjean à ce tour avant de perdre en finale contre Guga. Mais au delà de ça, on croit beaucoup en cette semaine de qualifs de Roland Garros. Rien d'étonnant puisque Quentin Reynaud y met beaucoup de lui-même dedans, lui qui était jadis classé 2/6.

Si le film raconte beaucoup du tennis, d'un amour indéfectible pour le tennis, quasi mélancolique, il en montre surtout les méfaits, sa capacité de destruction, morale, familiale et physique. On voit beaucoup les cicatrices, bandages, les plaies et notamment les ampoules qui recouvrent en permanence cette main ensanglantée. Si le film s'ouvre sur l'examen médical d'une rotule et se ferme sur une blessure ce n'est pas pour rien.

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Top gun - Tony Scott

Je pensais l’avoir déjà vu, il y a longtemps. Puis en revoyant des extraits récemment, j’en ai douté. Je voulais le (re)voir avant Top gun, Maverick. Et je confirme : Je n’avais jamais vu ce film. Je pense que mon cerveau l’avait fabriqué à partir du morceau « Take my breath away » et des images d’Hot shots, je ne sais pas. Quoiqu’il en soit je ne m’attendais pas à grand-chose, ni à être agréablement surpris (on sait comment fonctionne ce genre de film, il vaut mieux éviter de les découvrir sur le tard) ni à ce que ce soit un navet cosmique. Mais franchement, on passe quand même pas loin de la deuxième catégorie.

Tout ce qui se joue au sol, hors des avions de chasse, c’est vraiment au mieux sans intérêt, au pire très embarrassant ou alors il faut s’en remettre à la kitcherie de sa dimension homoérotique, dans les vestiaires ou sur ce terrain de beach-volley notamment où les corps luisants sont filmés au ralenti agrémenté de positions douteuses. Pourtant, même en vol, le film ma parait assez peu passionnant car on ne comprend pas grand-chose à ce qui s’y déroule : On voit des avions faire la course, ils font du bruit et les pilotes s’envoient des vannes d’un cockpit à l’autre, super. C’est surtout très confus.

Alors on tente de s’en remettre aux personnages mais c’est encore plus compliqué : Goose, peut-être, sera le plus attachant (parce qu’Anthony Edwards aka Mark Greene dans Urgences) mais sa mort au mitan fait ni chaud ni froid. Il y aura toujours la pseudo love story entre le pilote et l’instructrice, oui mais rien de transcendant non plus, on sent que c’est un truc scénaristique ajouté, une storyline prétexte, car Pete Mitchell, au fond, est plus amoureux d’Iceman que de Charlie. Mais bon, ce qu’il en reste surtout aujourd’hui : Un très mauvais spot publicitaire en faveur de la Navy. Je l’avais noté 3 sur SC, sans le voir. Je vais le noter 3 en l’ayant vu. Comme quoi, parfois, ça ne sert à rien de voir des films.

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Toute une nuit sans savoir - Payal Kapadia

Le film capte, ensemble, deux mouvements apparemment contraires, mais qui se rejoignent, se superposent, se nourrissent : Nous sommes en Inde. Des lettres d’une étudiante à son amoureux dont elle a été séparée, sont lues en off accompagnées par des images de la vie estudiantine, festives (on y danse beaucoup) ou contestataires : on y suit les assemblées générales, diverses manifestations, parfois jusqu’aux répressions policières. Une dissociation (entre l’image et la parole) qui rappelle d’emblée le somptueux News from home, de Chantal Akerman. A la différence qu’ici, ce ne sont plus des plans fixes et travellings qui impriment la ville, mais des fragments d’images enregistrées, glanées via différentes sources et régimes d’images : des plans en 16mm, d’autres en Super8, du smartphone, des vidéos de surveillance, des images télévisées, des coupures de presse. Il y a les lettres qui racontent une histoire d’amour et l’évaporation de cette histoire d’amour : Celles de L. qui raconte que son amoureux, issu d’une « caste supérieure » à la sienne, avait fui pour ne pas troubler l’ordre familial. Et cette histoire, cette déception amoureuse se transforme et ouvre sur une captation du militantisme estudiantin de New Delhi, comme si la tristesse de L. avait muté et trouvé son salut dans la révolte politique. C’est un montage qui n’est pas narratif, mais qui trouve sa voie, son rythme, son identité, façon kaléidoscope et qui peut rappeler parfois le cinéma de Marker (politique) voire celui de Mekas (intime). Le titre résonne autant avec l’incompréhension de cette femme, qui livre ses pensées, sa douleur, sa colère, qu’avec les luttes étudiantes contre une société indienne sclérosée et mortifère. C’est la voix de tout un peuple contenu dans celle d’une seule âme. Aussi passionnant que déroutant. C’est le premier long-métrage de Payal Kapadia, indienne de 36 ans. Hâte de voir les suivants.

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Coupez ! - Michel Hazanavicius

Commençons par le faux débat : Oui, Coupez ! est un remake, celui de Ne coupez pas ! un film japonais sorti en 2017 et oui il y a nettement plus de thune dedans puisque le film de Shin'ichirō Ueda était un truc d’étudiant bricolé avec rien. On pourrait donc faire les mêmes reproches à Hazanavicius qu’on le faisait à quantité d’auteurs occidentaux ayant remakés des films confidentiels qui traversent difficilement les frontières. Sauf que Coupez ! a l’honnêteté d’intégrer l’idée qu’il est un remake. C’est un remake qui n’a jamais autant parlé du film original puisqu’il l’intègre dans la diégèse même du film. Bref, le débat – si tant est qu’il en existe un – est clos.

Ce d’autant plus qu’il s’insère parfaitement dans l’identité de son auteur, Hazanavicius n’ayant quasi fait, à sa sauce bien sûr, que des déclarations d’amour au cinéma, en détournant ou pastichant ce qu’il cite, d’OSS 117 au Redoutable, en passant par The artist et bien entendu par La classe américaine, le grand détournement. C’est vrai qu’il n’avait jamais fait de remake pur. C’est chose faite. Alors loin de moi l’idée de comparer l’original et son remake, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas vu l’original, mais s’il y a une chose que je reconnais au film d’Hazanavicius c’est de m’avoir donné envie de découvrir le film de Shin'ichirō Ueda. Bref, il ne me semble pas que ce soit un projet de substitution ou un truc crée pour que le français puisse voir un film japonais francisé. J’aurais même tendance à penser qu’il en est son prolongement. Idée géniale, donc.

Parlons un peu du film : Il faudra être solide, très solide, durant les trente-deux premières minutes, qui est un plan-séquence unique dans un centre commercial désaffecté, où une équipe tourne un film de zombies avant que le tournage soit perturbé par de vrais zombies ayant surgit suite au réveil d’une malédiction. Il faudra être solide car c’est quasi irregardable sur la durée : C’est mal joué, mal rythmé, mal filmé, l’image (façon DTV des enfers) est hideuse et la musique d’accompagnement complètement aléatoire.

Oui mais voilà, une fois qu’on a franchi cette étape, un autre film commence : Une seconde partie suivra les prémisses de ce tournage, un mois avant, une semaine avant, un jour avant, une heure avant, une minute avant. Et une troisième partie viendra saisir le contre-champ de la première partie, sorte de making-off du tournage catastrophique ayant offert les images qu’on s’est farci au préalable. Et par un miracle absolument jubilatoire, on n’a jamais eu autant envie de baffer un film pour sa première demi-heure puis de le remercier de nous l’avoir fait subir.

Car là où il y avait beaucoup de gêne (quand bien même le film rende allègrement hommage aux séries Z) c’est maintenant une avalanche de fous rires qui se relaient. Mais vraiment, je n’avais pas ris comme ça au cinéma depuis très, très longtemps. Et en grande partie – et c’est là le gros tour de force du film – car tous les acteurs sont extraordinaires alors qu’ils étaient nuls à chier pendant la première demi-heure. Tout prend sens : Une faute de rythme, une improvisation ratée, un curieux bruit, une hache abandonnée, un plan suspendu, une proéminence de zooms, un travelling tremblant. Et j’appuie là-dessus : Il y a des interprètes formidables, de Romain Duris à Grégory Gadebois, aux moins connus : Sébastien Chassagne (Irresponsable) ou Raika Hazanavicius (Les sept vies de Léa) pour ne citer qu’eux. Mention spéciale à Jean-Pascal Zadi, qui m’a fait mourir de rire : « Je suis dans les choux, moi ».

C’est vraiment une super comédie. Un nouveau très beau détournement, signé Michel Hazanavicius. Et une joyeuse célébration du groupe, de la bricole, de la fabrication d’un film. Qui parvient même in extremis, après sa demi-heure miroir de pure jubilation, à faire une sortie émouvante, d’une tendresse inouïe.
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Mr-Orange
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@JanosValuska Je suis complètement d'accord sur la première partie de Coupez!, insupportable, et du soulagement, et plaisir, que procure la seconde. Après, je m'interroge un peu sur la limite d'une telle configuration, subir de la merde pendant 40 minutes pour avoir droit à la récompense après. J'ai pris beaucoup de plaisir dans la deuxième partie, mais ce procédé me gêne un peu. Autre chose qui me gêne : c'est la représentation absolument aberrante des Asiatiques à travers le personnage (très mineur, certes) de la productrice du film original. C'était pareil avec le dernier Tarantino. C'est pas très méchant, mais qu'est-ce que c'est con.
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groil_groil
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Un jeune homme de très bonne famille, rentre des USA où il est étudiant pour revoir sa famille décomposée, à moitié chez son père, star de TV influente à la PPDA, à moitié chez sa mère, journaliste et écrivain engagée, en ménage avec un nouvel homme, père d'une jeune fille de 17 ans. Les deux sortent en soirée après un diner en famille. Le lendemain, les flics débarquent chez le père du jeune homme : il est accusé de viol par sa nouvelle demi-soeur par alliance. Immédiatement placé en garde à vue, le jeune homme va tenter de prouver son innocence, finissant par avouer un acte sexuel, mais consenti selon lui. Une seconde partie du film est centrée sur la jeune femme, épousant ainsi son point de vue. La troisième se déroulant 30 mois plus tard, lors du procès, qui occupe une bonne heure du métrage. Le film est d'une grande intelligence, car il donne le point de vue des deux parties en le respectant totalement à chaque fois. Le spectateur ne change pas d'avis en permanence, mais à son champ de vision qui s'élargit au fil du film, et le fait que celui-ci ne prenne jamais partie mais sans jamais non plus user de la langue de bois est sa principale qualité. Prenant, intense, c'est de loin le meilleur film d'Attal, qui fait jouer sa femme, Charlotte Gainsbourg dans le rôle de la mère, et surtout son fils dans le rôle du violeur présumé (drôle de choix, assez perturbant, car il est le croisement physique des deux et a exactement la voix de son père, période Les Patriotes).
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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 15 juin 2022 11:29
groil_groil a écrit :
mar. 14 juin 2022 15:24

Et c'est un film formidable, très beau, touchant, à la fois plein de vie et de mélancolie, et qui fait vraiment comprendre un truc, c'est que le minimalisme extrême qui est devenu la norme du cinéma de HSS n'est pas forcément ce qui lui va le mieux. Je trouve qu'ici, on est en 2004, le réglage est absolument parfait.

:jap: :jap: :love2:
C'est la touche truffaldienne (pourtant discrète) qui nous plait dans ses films de la période 2000-2010 (Turning gate, Woman on the beach, Night and day, Les femmes de mes amis). Pourtant, certains de ses derniers films (2015-2022) sont bien plus courageux, car plus "âpre", plus minimalistes. il est logique qu'ils ne soient pas tous réussis car ils osent bien plus que ceux des années 2000-10 mais certains sont vraiment géniaux. L'important c'est de continuer - dirait quelqu'un.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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sokol a écrit :
mer. 15 juin 2022 16:05
asketoner a écrit :
mer. 15 juin 2022 11:29
groil_groil a écrit :
mar. 14 juin 2022 15:24

Et c'est un film formidable, très beau, touchant, à la fois plein de vie et de mélancolie, et qui fait vraiment comprendre un truc, c'est que le minimalisme extrême qui est devenu la norme du cinéma de HSS n'est pas forcément ce qui lui va le mieux. Je trouve qu'ici, on est en 2004, le réglage est absolument parfait.

:jap: :jap: :love2:
C'est la touche truffaldienne (pourtant discrète) qui nous plait dans ses films de la période 2000-2010 (Turning gate, Woman on the beach, Night and day, Les femmes de mes amis). Pourtant, certains de ses derniers films (2015-2022) sont bien plus courageux, car plus "âpre", plus minimalistes. il est logique qu'ils ne soient pas tous réussis car ils osent bien plus que ceux des années 2000-10 mais certains sont vraiment géniaux. L'important c'est de continuer - dirait quelqu'un.
oui certes, on est tous d'accord là-dessus sur ce forum, mais il faut bien reconnaitre que son minimalisme extrême qui relève d'une intention courageuse, a quand même tendance à devenir un système, quand ce n'est pas une facilité (autre nom d'une grosse flemme)
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asketoner
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sokol a écrit :
mer. 15 juin 2022 16:05
asketoner a écrit :
mer. 15 juin 2022 11:29
groil_groil a écrit :
mar. 14 juin 2022 15:24

Et c'est un film formidable, très beau, touchant, à la fois plein de vie et de mélancolie, et qui fait vraiment comprendre un truc, c'est que le minimalisme extrême qui est devenu la norme du cinéma de HSS n'est pas forcément ce qui lui va le mieux. Je trouve qu'ici, on est en 2004, le réglage est absolument parfait.

:jap: :jap: :love2:
C'est la touche truffaldienne (pourtant discrète) qui nous plait dans ses films de la période 2000-2010 (Turning gate, Woman on the beach, Night and day, Les femmes de mes amis). Pourtant, certains de ses derniers films (2015-2022) sont bien plus courageux, car plus "âpre", plus minimalistes. il est logique qu'ils ne soient pas tous réussis car ils osent bien plus que ceux des années 2000-10 mais certains sont vraiment géniaux. L'important c'est de continuer - dirait quelqu'un.
Je ne suis pas sûr qu'ils osent beaucoup, au contraire je les trouve un peu conformes - conformes à l'idée qu'on pourrait se faire d'un cinéma minimaliste justement. Moi je trouve vraiment que quelque chose s'est avachi chez Hong Sang-Soo après Oki's movie. Alors qu'avant, on aurait été bien en peine de définir son cinéma.
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JanosValuska
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Mr-Orange a écrit :
mer. 15 juin 2022 14:22
@JanosValuska Je suis complètement d'accord sur la première partie de Coupez!, insupportable, et du soulagement, et plaisir, que procure la seconde. Après, je m'interroge un peu sur la limite d'une telle configuration, subir de la merde pendant 40 minutes pour avoir droit à la récompense après. J'ai pris beaucoup de plaisir dans la deuxième partie, mais ce procédé me gêne un peu. Autre chose qui me gêne : c'est la représentation absolument aberrante des Asiatiques à travers le personnage (très mineur, certes) de la productrice du film original. C'était pareil avec le dernier Tarantino. C'est pas très méchant, mais qu'est-ce que c'est con.
Sur ton premier point je te rejoins. Certes il y a un sens assez imparable mais est-ce une raison valable ? Ce sont deux films évidemment différents, mais je ressens ça avec Irréversible (que personnellement, j'adore) de Noé : Jusqu'à quel point suis-je en mesure d'encaisser l'horreur (en deux temps qui plus est) pour obtenir la lumière du dernier acte ?

Sur ton deuxième point, pour être honnête ça ne m'a pas du tout traversé l'esprit. Pour moi c'est la big boss et comme elle est productrice on se doute bien que le film va pas être hyper élogieux à son égard. Elle a un truc je trouve, c'est à dire qu'elle n'est pas uniquement une grosse businesswoman qui garderait le bec serré et les sourcils froncés, elle dégage une vraie folie très bizarre. Pour le dernier Tarantino je ne suis évidemment pas d'accord (enfin si tu parles du personnage incarnant Bruce Lee ?) mais c'est un autre débat :D
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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 15 juin 2022 16:43
Moi je trouve vraiment que quelque chose s'est avachi chez Hong Sang-Soo après Oki's movie. Alors qu'avant, on aurait été bien en peine de définir son cinéma.
Le fait que certains de ses derniers films m'ont beaucoup plus m’empêche de penser comme toi...
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yhi
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Si je dis pas de bêtise, la productrice japonaise dans "Coupez" c'est la même que dans le film original et elle se comporte pareil.
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Tyra
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Il y a de belles choses, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'un court métrage aurait suffit, et que Cronenberg se sent obligé de meubler et d'étirer le film par des éléments scénaristiques superflus souvent vaseux (j'étais complètement perdu dans cette intrigue faites d'intrigants aux motivations floues). Et puis c'est compliqué de croire au film tant ce qu'on y voit semble déconnecté du monde, décontextualisé, autonome. Il me semble pourtant que Cronenberg savait raccrocher ses visions à notre environnement, les rendant sensibles et crédibles. Finalement nous ne sommes pas loin de l'interzone du Festin Nu, qui était justement un monde fictif. Le film manque aussi probablement de moyens par rapport à ce qu'il veut raconter.


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C'est très bien, mais peut être davantage un joli film qu'un beau film. J'attendais quelque chose de plus fort. Mais ça fait du bien de voir un film sans dialogue dans lequel on peut se laisser porter sensoriellement par l'image et le son (surtout après le bavard Cronenberg).


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Le niveau du blockbuster moyen actuel est tellement bas que la critique se retrouve à se pâmer devant Top Gun : Maverick, dont le principal mérite est de remettre la matière au centre du film, faire éprouver la vitesse, la puissance, la force, ce qui a toujours été le but d'un film d'action, principe un peu oublié à l'heure du (presque) tout numérique. Au point de faire s'exclamer un critique du Cercle à propos du film : "tout est réel !" alors qu'évidemment tout est improbable et peu crédible. Et un peu simplet aussi, par ailleurs. Je laisse à ceux que ça intéresse les multiples analyses méta sur Tom Cruise et ce que le film est sensé dire sur lui, ça ne m'intéresse pas vraiment.
Amusant, par contre, de voir l'évolution du soft power américain depuis le premier film. Tout le monde l'a fait remarquer, le pays attaqué n'est pas nommé (même si les avions "méchants" sont clairement russes), je remarque moi qu'il faut beaucoup chercher pour apercevoir un drapeau américain et que le film tente d'installer une sorte de neutralité géographique et géopolitique dans le camp des héros. Héros enfin libres de s'envoyer en l'air et faire joujou avec leurs avions sans qu'aucune mauvaise conscience géopolitique ne vienne parasiter le plaisir, le leur comme celui du spectateur.
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asketoner
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Incroyable mais vrai, Quentin Dupieux

J'ai eu l'impression d'être coincé sur un fauteuil au milieu d'une rangée face à une pièce de théâtre privé écrite par Giscard. C'était horrible, gras, totalement arriéré, plein de petits sous-entendus réacs. Je ne comprends pas pourquoi on fait du cinéma si c'est pour amocher des gens et les filmer dans des lieux moches en train de faire des trucs dégueus. Résumé : d'abord il y a un trou, ensuite il y a une teub. L'imaginaire est peu stimulé. A la fin, Dupieux avoue : il transforme son film en clip, car en fait il n'a rien à dire. Les images s'enchaînent, ça va vite mais ça semble long (différence entre temps et durée : mais retourne à la fac !), je regardais par terre, j'ai vu un voleur qui rampait dans les allées, on a discuté, il voulait me faire croire qu'il cherchait son téléphone...
len'
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Mr-Orange a écrit :
mer. 15 juin 2022 14:22
@JanosValuska Je suis complètement d'accord sur la première partie de Coupez!, insupportable, et du soulagement, et plaisir, que procure la seconde. Après, je m'interroge un peu sur la limite d'une telle configuration, subir de la merde pendant 40 minutes pour avoir droit à la récompense après. J'ai pris beaucoup de plaisir dans la deuxième partie, mais ce procédé me gêne un peu. Autre chose qui me gêne : c'est la représentation absolument aberrante des Asiatiques à travers le personnage (très mineur, certes) de la productrice du film original. C'était pareil avec le dernier Tarantino. C'est pas très méchant, mais qu'est-ce que c'est con.
Dans ma salle, il y en a qui sont partis en plein milieu du film en s'imaginant que tout le film était comme ça. J'ai trouvé ça assez génial.

En dehors de ça, les ressorts comiques restent assez attendus même si Hanazavicius a un savoir-faire en la matière (peut-être trop de savoir-faire). Par contre, j'ai découvert Jean-Pascal Zadi que je ne connaissais pas, c'est lui qui m'a fait le plus rire. Ça me donne envie de voir ce qu'il a fait.

Mais je suis toujours en manque de comédies drôles...
len'
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asketoner a écrit :
jeu. 16 juin 2022 17:59
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je regardais par terre, j'ai vu un voleur qui rampait dans les allées, on a discuté, il voulait me faire croire qu'il cherchait son téléphone...
On dirait que ça sort d'un Dupieux.
Kahled
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asketoner a écrit :
jeu. 16 juin 2022 17:59
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Incroyable mais vrai, Quentin Dupieux

J'ai eu l'impression d'être coincé sur un fauteuil au milieu d'une rangée face à une pièce de théâtre privé écrite par Giscard. C'était horrible, gras, totalement arriéré, plein de petits sous-entendus réacs. Je ne comprends pas pourquoi on fait du cinéma si c'est pour amocher des gens et les filmer dans des lieux moches en train de faire des trucs dégueus. Résumé : d'abord il y a un trou, ensuite il y a une teub. L'imaginaire est peu stimulé. A la fin, Dupieux avoue : il transforme son film en clip, car en fait il n'a rien à dire. Les images s'enchaînent, ça va vite mais ça semble long (différence entre temps et durée : mais retourne à la fac !), je regardais par terre, j'ai vu un voleur qui rampait dans les allées, on a discuté, il voulait me faire croire qu'il cherchait son téléphone...
:lol:

En fait, autant j’ai aimé certains films de Quentin Dupieux (pas beaucoup quand on fait le calcul) autant j’ai de plus en plus tendance à penser que ce cinéaste est une belle arnaque. Signe qui ne trompe pas selon moi : la durée de ses films. Ça pourrait être un signe de maitrise de faire toujours aussi court mais j’ai de plus en plus tendance à penser que c’est un signe de paresse qui masque de moins en moins bien la supercherie de sa formule. Pas sûr que j’aille voir celui-ci…
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asketoner
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Il y a aussi le problème de son admiration pour Bertrand Blier. Je pense que ce n'est pas la référence la plus stimulante au monde pour échapper au théâtre de boulevard qui menace les films très dialogués tournés en intérieur.
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groil_groil
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4 films récents

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Un ancien acteur porno retourne dans la village du fin fond du Texas qu'il avait quitté pour aller faire carrière à LA. Comme il ne connait personne il toque à la porte de son ex, qui 17 ans plus tard vit toujours avec sa mère. Il s'installe chez eux, finit par recoucher avec son ex., son expérience aquise est stimulante, mais il tombe amoureux d'une toute jeune femme qui travaille au magasin de donuts du coin. La romance pourrait être belle, mais le type va tout faire pour la convaincre de devenir actrice porno, comme si cela pouvait être la seule issue possible. Red Rocket est un drôle de film, mi tragique mi comique, 100% indé mais toujours en respectant une ligne claire narrative, et dont le premier rôle est tenu par un véritable acteur porno qui, il joue très bien, y donne le sentiment de vérité nécessaire pour croire à ce personnage aux frontières du grotesque. Beau film.

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Un homme, noir, bien sous tous rapports, a besoin de thunes pour guérir sa femme d'un cancer. Il se rapproche de son frère, blanc, voyou, truand, collectionneur de vieilles bagnoles, qui l'embarque presque de force dans un braquage de banque imminent. Le casse se déroule mal, plusieurs morts, et les deux frères, pour s'en sortir et sauver le butin, prennent en otage une ambulance venue secourir les blessés. A son bord, une jeune et belle infirmière, un policier gravement blessé et les deux frères ennemis. Et pendant deux heures, le film va se concentrer sur une gigantesque course poursuite dans les rues de LA entre cette ambulance folle et des centaines de voitures de police et autres hélicoptères. En faisant un remake d'un film danois de 2005, Michael Bay, puisque c'est de lui qu'il s'agit, s'autorise toutes les incohérences, les lourdeurs, les quotas, les raccourcis scénaristiques, les incohérences, les scènes grotesques, dans un seul but, faire que son film d'action ne s'arrête jamais, et entraine le spectateur dans un tourbillon technique et pyrotechnique d'une grande générosité.

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Une histoire d'amour impossible entre un homme à la petite cinquantaine, marié et père de famille, et une femme de plus de 70 ans. La bande annonce promettait un beau film à la Claude Sautet, mais le résultat n'est pas à la hauteur. C'est plus un film pour les séances spéciales du dimanche aprem à La Pagode, quand celle-ci réouvrira. Mais ce n'est pas nul non plus. Disons qu'il y a plein de choses ratées, des choses abjectes (l'évocation d'un enfant mort pour générer un déclic narratif et sentimental, odieux), mais l'ensemble se regarde notamment grâce aux acteurs. Poupaud y est génial, et les scènes qu'il a avec Ardant fonctionnent.

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C'est un Dupieux milieu de tableau, un film à postulat comme tous ses films, et ce coup-ci le postulat est absolument génial, mais malheureusement il ne l'exploite pas assez et le film est un film de feignant. En gros, un trou en forme de faille temporelle d'un côté, et une bite électronique de l'autre. Le premier est source de rêverie, on imagine tous les possibles qu'il y a avec une idée aussi géniale, et on rage de voir que Dupieux n'en fait quasi rien. La seconde est source de rires, la scène de révélation est tordant, mais une fois la blague potache passée il ne reste rien. Une fois de plus, les comédiens sont géniaux (Demoustier en tête, elle tue tout, c'est vraiment la meilleure actrice française actuelle, pas photo), et Dupieux reste un très bon dialoguiste (c'est sa grande qualité), mais sorti de ça le film sonne un peu creux. Pourtant, Dupieux est un grand Buñuelien (la citation finale du Chien Andalou est merveilleuse et bienvenue), mais il n'exploite pas assez cette veine, préférant un cinéma de tics, sursignifiant, s'écartant du narratif pour tomber dans l'iconique. Exemple frappant, ce grand passage de 5 à 10mn (sur un film d'1h14 génériques compris c'est beaucoup), ou le récit classique est mis de côté pour une suite de vignettes muettes accompagnées de cette petite musique omniprésente, croisement entre celle de Wendy Carlos pour Orange Mécanique et celle de Vladimir Cosma). Ce passage est problématique car à la fois il montre l'abandon de Dupieux à vouloir raconter, comme si une fois le principe du film mis en place il s'en désintéressait, et surtout parce que ce qui se passe dans ce moment aurait été sans doute l'un des moments les plus intéressants du film, alors pourquoi s'en passer ? Bon, j'y ai pris du plaisir tout de même hein, mais c'est un tout petit machin, pas loin d'être anecdotique, alors qu'en bossant un peu plus, il tenait le sujet d'un de ses meilleurs films. Mais Dupieux a créé sa marque, il n'a pas de concurrence en France, il est le seul à faire ça, il parvient à monter ses films sans souci, tous les grands acteurs veulent jouer chez lui pour casser ou redorer leur image, alors il végète, pépère, et gâche une belle partie de son potentiel. Ah et j'allais oublier, l'image du film est totalement dégueulasse. Pourquoi faire ça ?
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Tamponn Destartinn
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Découverte
J'ai particulièrement apprécié la clim pendant 3h40.

En dehors de ça, y a toujours quelque chose de particulier à découvrir sur le tard un énorme classique considéré comme une pierre angulaire du cinéma. On en attend beaucoup, peut être trop, et en même temps on a un respect pour l'oeuvre avant même de la voir.
Pour ce coup ci : oui, c'est un grand film, très surprenant dans son évolution (je préfère la dernière heure à la première, par exemple) et notamment marquant pour ses 3 rôles principaux, chacun tenu par un acteur/une actrice très singulier.e. Après, les films de cette époque, centrés sur une histoire d'amour/de sexe et se voulant particulièrement moderne, prennent souvent un coup de vieux. En l'occurence, je trouve que ce qui a mal vieilli est le personnage Leaud, sensé être cool mais vraiment très énervant. J'adore cet acteur, je pense même qu'il sauve fortement les meubles, mais ce n'est pas la première fois que ça me fait ça, c'était pareil les Doisnel adulte de Truffaut. Les personnages féminins sont bien plus intéressants, notamment celui de Bernadette Lafont, à ma grande surprise. C'est juste dommage qu'elles se fassent la guerre jusqu'au bout. J'espérais que ça tourne en trouple, en vérité. J'étais surpris que ce ne soit pas le cas. Quoiqu'il en soit, la dernière scène est géniale. Mais elle m'aurait plus plu si j'avais accroché à ces deux personnages.
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groil_groil
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Nul, vide, poseur et terriblement daté. Plus je vois les films de Claire Denis, et moins j'aime la cinéaste.

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Un grand chef cuisinier vieillissant et veuf, vit avec ses trois grandes filles qui peu à peu, vont quitter le foyer pour vivre leur vie. Très beau film d'Ang Lee début de carrière, période taïwanaise, qui rappelle souvent le cinéma d'Edward Yang, voire les Hou-Hsiao Hsien du début.
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asketoner
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Boum boum, Laurie Lassalle

Boum boum réconcilie Le Joli Mai et Le Mystère Koumiko, c'est-à-dire la révolution et l'amour. Et même, plutôt que de les réconcilier, il les fusionne - il montre à quel point l'un n'est rien sans l'autre. Il n'y a aucune autre raison d'aller manifester le samedi que de vouloir tomber amoureux et changer le monde avec des gens qu'on aime. Alors d'où vient l'amour ? D'une colère en commun, peut-être. D'une colère qui, trouvant enfin à s'exprimer physiquement dans les rues de Paris, autour de l'Etoile, libère d'autres émotions possibles, inattendues. C'est la question que pose Laurie Lassalle aux manifestants : d'où vient votre colère ? Et la question du spectateur est la suivante : d'où vient l'amour que nous voyons surgir de façon si abrupte et déchaînée sur l'écran ?
Laurie Lassalle s'éprend d'un manifestant parisien, marxiste et révolutionnaire, et décide de le filmer aussi près que possible, trouvant qu'on n'est jamais assez près des gens. Il est en couple libre avec une autre femme, mais il s'éprend de la réalisatrice. Ils deviennent amants de manifestation. Amoureux en gilet jaune. Ils s'écrivent des messages magnifiques, messages de mise à nu et de bouleversement intime, dont la poétique est totalement imprégnée par le mouvement politique auxquels ils participent ("rendez-vous à l'Etoile", se dit-on dans cet amour-là). Mais le cinéma lui-même est bouleversé. A un moment, la cinéaste tend la caméra à Pierre pour qu'il la filme lui aussi. L'amour et la révolution permettent cela : l'abolition des rôles trop figés, déterminés. Un jour, entrant au parc Monceau à l'aube alors que les grilles sont fermées, la réalisatrice entreprend de demander à Pierre ce que serait pour lui la liberté. Il esquisse une réponse, démarre sur une idée, renonce, s'allonge dans l'herbe, attire près de lui la femme qu'il aime et qui le filme et la caméra tombe sur le sol, ne montrant plus que le ciel, laissant les amants s'ébattre. Filmus interruptus. Un peu plus tard, Pierre tient la caméra, fait allusion à ce qui est arrivé au parc Monceau, et Laurie sourit, le visage irradié par l'amour et la joie. Le film est plein de ces surprises qu'aucun scénario n'aurait osé. Plein de ces obscénités propres à l'amour qui naît. Ces obscénités qui révèlent ce qu'il y a de plus fragile et plein d'espoir en nous.
Parce qu'elle le suit partout parmi les nuages de fumée lacrymogènes, en évitant les tirs de flash balls, la cinéaste rencontre aussi d'autres personnes, qui viennent pour des raisons variées, parfois étranges, belles et tendancieuses (le joueur de tambour épris du Christ et de la Vierge), parfois simplement dignes (la soeur de Lamine Dieng, tué par la police alors qu'il avait dix ans). Le documentaire est absolument parfait dans le regard posé sur les gens, les écoutant sans tenter de les coincer ni de les cataloguer, de les extrémiser (le mot est à la mode) ni de les tiédir. Laurie Lassalle est au premier rang lors du saccage du Fouquet's. Elle assiste aux blessures, aux tirs inopinés, aux nassages désastreux. Elle filme aussi un CRS en l'interpellant au sujet d'une banderole comptabilisant les morts et les blessés : "vous en pensez quoi ?" Elle filme le sol, le ciel, les façades, les publicités, les visages, les mains, l'avant, l'arrière, partout. Elle n'a peur de rien, son film non plus, carnavalesque et merveilleux. La caméra vole, intercepte l'affiche d'un mauvais film, "Qui m'aime me suive", et tout fait tout le temps sens, tout est traversé par le souffle fou de l'espérance. Son amant est nu : fondu sur un feu d'artifice - elle tente tout. Et on la suit parce qu'elle donne tout.
Boum boum raconte exactement la même histoire que Toute une nuit sans savoir sorti récemment. Mais Laurie Lassalle ne fait aucune manière, au contraire de Payal Kapadia. Rien de chic ou vintage, tous les stigmates du cinéma contemporain s'effondrent, les images sont simplement celles d'aujourd'hui, celles qu'elle a pu prendre. La vision de l'amour, elle-même, est plus intense, plus incarnée. La vie l'emporte tout le temps.
Les blessures sont nombreuses, quelques personnes restent à terre, d'autres ont la joue trouée, un bandeau sur l'oeil, vomissent à cause des lacrymos, manquent de s'étouffer, ou prennent simplement peur. Pierre lui-même est visé au tibia. Une balle lui laisse un trou dans la jambe jusqu'à l'os. Laurie Lassalle filme le stigmate de la lutte, et la manière qu'a son amoureux de le soigner, au plus près du corps, au plus près du trou. Le corps troué des Gilets Jaunes est un corps amoureux.
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groil_groil
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Loin d'être la daube attendue, le Maigret de Leconte est plutôt fidèle au style Simenon - je n'ai pas lu le livre adapté, Maigret et la jeune morte (1954), mais le style Simenon est bien présent. C'est un film d'ambiance, dont on se fout un peu de l'intrigue comme dans les romans d'ailleurs, très lent, qui se déplace au rythme pachydermique d'un Depardieu vieillissant que sous-joue tout, mais ce jeu me semble in fine parfait tant il colle à l'esprit du personnage et du romancier. Plaisir de revoir André Wilms également, sans doute dans son dernier rôle, et sa présence, même si de courte durée, rapproche ce Maigret de Monsieur Hire, meilleur film de Leconte, et autre adaptation de Simenon, écrivain qui semble très bien convenir au cinéaste.
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len'
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Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux

J'ai entendu quelque part que bon nombre d'acteurs aimeraient jouer dans un film de Dupieux, parce que c'est "comme des vacances". D'où l'impression qu'on pourrait avoir, en tant que spectateur, d'être le pigeon qui finance ces vacances. Mais un peu à l'image de ses musiques en tant que Mr Oizo, il y a toujours un côté ludique avec des idées originales qui me donne envie d'y retourner. Un côté jeu vidéo (dont on retrouve ici des images au début et des sons à la fin), comme si Dupieux songeait au cinéma de cette façon. "Si on fait ça, qu'est ce qui se passe ? Et si on ajoute ça, si on avance ça..." Sauf qu'il n'avance pas de façon linéaire, il préfère chercher le glitch, la faille dans le jeu qui va l'emmener ailleurs. Or il s'agit d'un ailleurs qui fait toujours partie du code, avec ses limites, d'où l'impression à chaque film d'être face à une idée géniale de base qui tend à s'essouffler dans la durée. Cela dit, malgré l'effet théâtre encore présent, je trouve que ça tient mieux dans celui-ci, peut-être parce qu'il a la durée idéale, peut-être parce qu'il joue constamment avec le temps et les apparences par la mise en scène (pas toujours réussie mais l'intention est là). C'est cynique sur la manière de voir la vie, mais chaque personnage, toujours joués par d'excellents acteurs, est attachant et amène vers une finalité tantôt amère, tantôt douce. Bizarrement, j'aime aussi le choix de l'image, moins nette, plus étrange, ce qui rappelle là aussi ses meilleurs morceaux. C'est une des rares fois où je ne ressens pas l'idée initiale se vider aussi vite qu'un ballon de baudruche : elle continue de planer à la fin.
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cyborg
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Tod und Teufel - Peter Nestler

Nestler réalisé des documentaires arides et exigeants, toujours d'une très haute volée intellectuelle. Ce détour inattendu par l'autobiographie ne déroge pas à la règle. Le réalisateur se plonge dans les archives photographiques (absolument in-cro-ya-bles visuellement, c'est le très gros point fort du film ) de son grand père, passant de riche industriel colonisateur en Afrique à cadre du 3ème Reich, de la "gloire" à la débacle. En voix-off, les notes du grand-père sur ses activités se mélangent à la voix de Nestler lui même et les commentaires qu'il formule sur ce qu'il voit et découvre. Le résultat est particulièrement troublant, sorte d'étude sur une banalité du mal qui saute aux yeux de nous-autres contemporain mais que l'immédiateté semble rendre invisible aux yeux de l'homme qui les perpètre. Jusqu'au soubresaut final : réalisation de l'horreur ou dernier denis mensongé ? Question sans réponse.

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Sholay - Ramesh Sippy - 1975

Tâchant d'explorer un petit peu le cinéma indien, je ne pouvais pas ne pas faire un détour par Bollywood. Mon nouveau pote m'a ainsi conseillé Sholay, le qualifiant du film "le plus populaire du répertoire bollywoodien" et "incontournable absolu de la pop culture locale", tout en ayant une patte "à part".
Deux sympathiques truands à la petite semaine sont embauchés par un notable local pour défendre sa petite bourgade contre les attaques répétés d'une bande de bandits, mais aussi pour venger le meurtre de sa famille...
Sholay à tout du grand film d'aventure épique, tirant son inspiration principale des westerns-spagettis rebattu à la sauce locale (il semblerait qu'on dise alors "western-curry" ?) et mélangeant sans cesse tous les styles : action, romance, humour... un mélange qualifié semble-t-il de "masala" (pour filer la métaphore culinaire j'imagine...). Sans oublier les incontournables scènes de comédies musicales (seulement 5 ou 6 néanmoins). Mais celles-ci n'ont rien à envier aux scènes des comédies musicales françaises de la même époque, tout comme le reste du film d'ailleurs ! Le savoir-faire est ici immense et l'envie de faire du grand spectacle de qualité pour toute la famille est palpable. Oui, bien sur, le tout est trop long (3h40 tout de même) mais il est toujours réjouissant de voir du cinéma aussi déterminé et "au premier degré", n'ayant aucunement peur de sa grandiloquence pourtant débordante.

Bonus : le thème principal réjouissant du compositeur RD Burman : https://www.youtube.com/watch?v=hcWs_bYckW0


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Dans mon esprit le cinéma de Cronemberg a toujours eu une touche lente et verbeuse, minimal à sa façon. Aussi je ne suis pas surpris de retrouver ces ingrédients dans Les Crimes du Futur. Plus surprenant est le développement intellectuel que l'auteur déploie ici. Si il a toujours parlé des dérives de la médecines, des rapports corps-esprits, de la virtualité du réel et et la réalité du virtuel, je ne l'avais jamais vu s'interrogeant sur l'acte artistique et le concept de création : les tumeurs-internes étant rapproché de "création de l'esprit", les dialogues portant sur la nécessité de les canaliser (les tatouer, les classer, les inscrire dans un registre) ou de vivre pour les utiliser ou se laisser dominer par elles, jusqu'à devenir peut-être soit même le produit de ses créations. Si l'intrigue principale est un peu confuse (je me suis souvent perdu sur qui enquêtait sur qui et pourquoi, je le confesse, et le tout ne m'importait pas trop), j'aime les porte qu'ouvre le film et les pistes qu'il esquisse confusément, sans en choisir aucune et encore moins en proposer des réponses. Tout le film semble à l'image de ce très beau dernier plan dans un noir et blanc vidéo rétro, incertain : est-ce une performance que nous voyons ou bien Morstensen a-t-il lui aussi muté et devenu un mangeur de plastique ?


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Dupieux bénéficie toujours chez moi d'un quotient sympathie qui me pousserait presque à accepter n'importe quoi de sa part. Comme d'habitude avec Oizo, le film se construit autour d'un postulat absurde mais, au contraire et pour la première fois, il semble vouloir "faire dire quelque chose" à cette absurdité et s'en servir pour traiter un problème moral : ici la vanité des hommes face à l'age et au vieillissement. Chabat est - sans aucun doute - l'incarnation de Quentin Dupieux, perdu et hébété entre son pote macho-beauf qui se fait greffer une turbo-teub et sa femme qui se rêve en starlette midinette au point de devenir zinzin. Lui, ne voulant vexer personne, ne se positionne pas et préfèrera partir pécher... C'est peut-être là que se révèle l'abus de faiblesse du film, d'un auteur qui, un peu malin, un peu feignant, ronronne sagement à sa place sans trop bosser ni prendre de risque. Malgré cette faiblesse d'ensemble, Dupieux continue d'avoir un style propre et un savoir-faire hors paire au sein du cinéma français qui lui a permis de se constituer un public d’aficionados qui retourne voir ses films : je n'avais pas vu une salle aussi pleine depuis longtemps (comprendre la grande salle du cinéma à moitié-pleine un samedi à 20h... tel est l'état du cinéma en salle de nos jours)


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Pénible film atonal suivant les tourments intérieurs d'un prof neurasthénique devenant fou à force de n'avoir jamais avoué son amour à une ancienne étudiante qu'il fini par recroiser des années plus tard. Long, lent, appuyé : le résultat est peu concluant, faisant songer aux tourments du Feu Follet de Louis Malle, en moins bon. Déception donc que ma découverte du cinéma d'André Delvaux, belge pourtant considéré comme incontournable.
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groil_groil
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Après un étonnant, et vraiment très fort, En Guerre, Stéphane Brizé revient malheureusement à son cinéma-MODEM tiédasse, un cinéma de droite qui se veut de gauche et qui ne se rend même pas compte qu'il est de droite. Ici, c'est une illustration du Blues du Businessman, avec ce pauvre chef-d'entreprise qui est bouleversé parce qu'il doit licencier 58 salariés, et qui en plus doit gérer son divorce en même temps. SPOIL : Bon, Brizé a au moins l'honnèteté de faire démissionner son personnage plutôt que de le montrer licencier son personnel, on pourrait presque le pardonner pour ce geste final, mais on lui en veut beaucoup de nous avoir mis ce ver d'oreille insoutenable en nommant son film comme une chanson de Téléphone.

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Un jeune Taïwanais homosexuel, vit en couple avec un Américain à New York où il est promoteur immobilier. Il reçoit un coup de fil de ses parents, très conservateurs, qui vont le voyage pour lui rendre visite et qui le rêvent marié et père de famille. Le jeune homme s'invente une compagne (une locataire peintre qui ne paie pas son loyer mais qui coucherait bien avec le petit gus), faisant passer son ami pour son colocataire, et tenter de dissimuler cette supercherie durant les quinze jours de visite, en vain, bien évidemment. Autre film de début de carrière d'Ang Lee, Garçon d'Honneur est encore plus réussi que Salé Sucré, bien que dans le même ton, oscillant en permanence entre comédie et drame, et soulevant des tas de sujets sensibles sans jamais faire son petit prof. Magnifique film.
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B-Lyndon
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groil_groil a écrit :
jeu. 23 juin 2022 15:31
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Après un étonnant, et vraiment très fort, En Guerre, Stéphane Brizé revient malheureusement à son cinéma-MODEM tiédasse, un cinéma de droite qui se veut de gauche et qui ne se rend même pas compte qu'il est de droite. Ici, c'est une illustration du Blues du Businessman, avec ce pauvre chef-d'entreprise qui est bouleversé parce qu'il doit licencier 58 salariés, et qui en plus doit gérer son divorce en même temps. SPOIL : Bon, Brizé a au moins l'honnèteté de faire démissionner son personnage plutôt que de le montrer licencier son personnel, on pourrait presque le pardonner pour ce geste final, mais on lui en veut beaucoup de nous avoir mis ce ver d'oreille insoutenable en nommant son film comme une chanson de Téléphone.
On est donc 100 % d"accord sur le cas Brizé :love2:
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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groil_groil
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B-Lyndon a écrit :
jeu. 23 juin 2022 15:36
groil_groil a écrit :
jeu. 23 juin 2022 15:31
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Après un étonnant, et vraiment très fort, En Guerre, Stéphane Brizé revient malheureusement à son cinéma-MODEM tiédasse, un cinéma de droite qui se veut de gauche et qui ne se rend même pas compte qu'il est de droite. Ici, c'est une illustration du Blues du Businessman, avec ce pauvre chef-d'entreprise qui est bouleversé parce qu'il doit licencier 58 salariés, et qui en plus doit gérer son divorce en même temps. SPOIL : Bon, Brizé a au moins l'honnèteté de faire démissionner son personnage plutôt que de le montrer licencier son personnel, on pourrait presque le pardonner pour ce geste final, mais on lui en veut beaucoup de nous avoir mis ce ver d'oreille insoutenable en nommant son film comme une chanson de Téléphone.
On est donc 100 % d"accord sur le cas Brizé :love2:
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sokol
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Je crois que c’était le tout premier film de Rohmer que j'ai vu (fin des années 90) donc je ne me souvenais pas du tout.

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La femme de l’aviateur

Je pense que c'est un remake féminin du "La maman et la putain" (au lieu d'un homme entouré de deux femmes de différents ages, on a une femme (Anne, Marie Rivière) entourée de deux hommes de différents ages également : François (Philippe Marlaud) 20 ans et Christian (Mathieu Carrière) 30? 35? ans. Donc, le film aurait pu s'intituler : Le puceau et le dady.

Il y a meme un petit clin d'oeil au film de Eustache, à travers le personnage de Lucie (Anne-Laure Meury)

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"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tamponn Destartinn
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Vu en avant première (ça sort à la rentrée, je crois), et figurez vous que c'est pas loin d'être super !
Valeria Bruni Tedeschi sait clairement de quoi elle parle, et en parle bien. Les films naturalistes qui nous plongent dans un microcosme précis (et dans l'époque qui accompagne) sont fascinants quand ils transpirent le réel, ce qui est le cas ici. La troupe de jeunes acteurs est géniale, tous ont leur moment de gloire (enfin presque, le personnage de la lesbienne est le seul qui m'a paru sous utilisé). Garrel en Patrice Chéreau est excellent aussi. Décidément, il devient un des meilleurs comédiens caméléons de sa génération, ce qui n'a aucun sens quand on se rappelle qu'il fut un meme de l'acteur qui joue toujours pareil au début de sa carrière :D
Mais ce que j'ai préféré dans le film, c'est l'histoire d'amour, condamnée par la toxicomanie de l'un des deux. J'ai enfin compris pourquoi Nadia Tereszkiewicz est considérée comme une grande promesse du cinéma français. Ce rôle de bourgeoise ingénue qu'on aime bien quand même lui va comme un gant. Et puis surtout, une énorme révélation : Sofiane Bennacer, qui va tout casser dans le futur, sauf évidemment s'il lui arrive une bricole comme dans le film. Il est incroyable. A nouveau, toute la troupe d'acteurs est excellente, mais lui, son charisme le met au dessus du lot puissance 1000.
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groil_groil
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Un homme doit convoyer 3 taureaux depuis les Etats-Unis jusqu'au Brésil en traversant la forêt amazonienne, et affronter ses innombrables danger. Le pitch de ce western est l'un des plus prometteurs qui soient. Le résultat est globalement correct mais le voyage ne réprésente qu'une très courte partie du film, celui-ci devenant, dès l'aventurier arrivé au Brésil, rien d'autre qu'un western lambda (mais jamais désagréable) délocalisé.

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Western génial, d'une grande complexité sur l'âme humaine et sur l'idée de justice dans ce pays de dingue que sont les USA (ce n'est pas l'actualité qui me contredira) et qui prouve un truc évident : quoiqu'il fasse, Wyler est un putain de patron !!!

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Un tueur fou (génial Michael Ironside) sème la misère dans un hopital. N'ayons pas peur des mots, je pense que c'est l'un des meilleurs slashers que j'ai vu ! C'est génial, car ce metteur en scène inconnu qui répond au nom de Jean-Claude Lord ne pense que par la mise en scène et son film est en invention et en réinvention permanente, gérant magnifiquement l'espace, les silences, les ambiances, à tel point qu'on pourrait presque en faire un cousin éloigné du Pulsions de De Palma. Super découverte !
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asketoner
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Mizrahim, les oubliés de la terre promise, Michale Boganim

Ca devrait être interdit de faire jouer son propre rôle à sa fille, qui plus est dans un documentaire qui se serait bien passé de ces scènes de reconstitution sans intérêt.
Sinon, bien sûr, les témoignages sont intéressants. Mais filmés à la Netflix, avec des travellings super souples et des envols brusques en drone. La sensation plutôt que le sens.
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groil_groil
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Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

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L'immense acteur Jean-Louis Trintignant a aussi réalisé deux films. Une journée bien remplie en 1972, avec sa superbe musique signée Bruno Nicolai, que j'ai à la maison mais que je n'ai toujours pas vu, et ce second film, en 1979. Un peu à la manière d'un Piccoli cinéaste, et même si les deux univers ne sont pas du tout les mêmes, le cinéma de Trintignant semble se distinguer par sa profonde originalité, un désir de briser les codes classiques, et sans doute d'aller en temps que metteur vers quelque chose qu'on ne lui propose pas ou qu'il ne se permet pas en tant qu'acteur. Le film, se déroulant dans le nord de la France, raconte l'histoire d'une femme italienne issue de l'immigration (sublime Stefania Sandrelli), qui tombe amoureuse d'un chanteur de bal sans le sou, et qui ne connait qu'une chanson. Ils vont s'aimer follement, dans la pauvreté, dans un logement qui jouxte les égouts, et l'homme, joué par Guy Marchand, enchaine les petits boulots jusqu'à trouver le bon. Il est engagé comme maitre-nageur privé d'un richissime industriel toujours en fauteuil-roulant, drivé par son majordome (Brialy, au top). L'homme n'a rien à faire, mais change radicalement de train de vie. Le film est clairement construit en trois parties distinctes. La première, racontant la rencontre du couple, est clairement inspirée par le cinéma italien du début 70's, celui qui filme la pauvreté, les gueules abimées, les marginaux, le monde ouvrier. On pense beaucoup à Wertmüller, Scola, Petri, Ferreri même. La seconde est celle de la villa, elle est baroque, très drôle, quasi surréaliste. La troisième partie est la plus surprenante. Tombé malade l'homme riche décide d'origaniser un marathon dans sa piscine, celui qui nagera le plus longtemps, remportera toute sa fortune, et sa maison. Marcel (Guy Marchand) y participe et après une longue séquence de nage, on peut même dire qu'elle est interminable, un drôle de croisement entre On achève bien les chevaux et Palombella Rossa, il gagne, mais il finit par se noyer... et mourir. C'est sa femme, qui s'était rapprochée du milliardaire sur son lit de mort, qui héritera de tout ça. Cut. On la retrouve sur un fauteuil roulant, vieille, poussée par son petit fils (on ignorait qu'elle était enceinte et on se sait rien de son enfant) qui la balance avec le fauteuil dans la fameuse piscine. Elle s'y noie et c'est le gamin qui hérite de tout ça. Voilà. C'est tout sauf un film parfait, mais c'est une vraie curiosité, originale et iconoclaste, qui mérite vraiment d'être vue.

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J'ai détesté la première demie-heure, celle de la pègre, c'est du pur cinéma de Festival, faussement complexe et vraiment chiant. Et puis miraculeusement ça s'améliore. ça change à la grande scène de baston et ça devient super dès que la jeune femme part en prison et que le couple est séparé en fait. Ensuite c'est super bien pendant une heure, toutes les scènes de voyage sont super réussies, et le moment le plus beau est celui situé au barrage des Trois Gorges, barrage qui obsède littéralement le cinéaste, c'est le troisième film qu'il fait dessus, et je me dis qu'un cinéaste n'est jamais aussi bon que lorsque il creuse inlassablement ses obsessions. Je pense que Jia Zhang-Ke n'aurait dû faire que des films sur ce barrage et il aurait une filmo exemplaire. Et puis le couple finit par se retrouver à la fin et le film reperd un peu de son intérêt. Comme si JZK n'était bon que pour filmer l'errance et la solitude.
I like your hair.
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