Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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Comme prévu, c'est complètement con, et qui plus est, l'intrigue narrée aurait pu l'être en 10 mn, et c'est étalé sur 2h20. Ce n'est qu'un gros produit marketing formaté, chaque plan, chaque mouvement de caméra ou chaque façon de porter la veste en cuir semblant marketé d'avance afin de générer un "produit". Je sauve deux choses : le petit son de cloche mémorable et sublime de la BO d'Harold Faltermeyer (génial compositeur qui ne signe malheureusement pas la totalité de la BO mais se voit obligé de la partager), ce n'est qu'un petit son de cloche synthétique, mais il est si beau que son pouvoir évocateur est 100 fois plus fort que toutes les simagrées de Tom Cruise. Et la seconde c'est la beauté de Jennifer Connelly. C'est l'une des plus belles actrices d'Hollywood, certes, mais elle est de plus en plus belle, elle a 51 ans, et elle est absolument sublime dans chaque plan de ce film, et elle est à elle seule une raison suffisante de le voir jusqu'au bout.

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Mon fils n'a donc pas aimé du tout le premier Star Wars, mais est de plus en plus fan de De Funès, me poussant progressivement à aller creuser les zones obscures de sa filmographie.

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Je l'avais pourtant découvert il y a peu de temps, mais j'ai eu envie de revoir Une Femme Mariée, et le film est encore plus beau lors de ce second visionnage. Magnifique, même, tout comme l'est Macha Méril d'ailleurs, sublimissime. Et je pense que le film pourrait prétendre au statut de film le mieux cadré de tous les temps, tant chaque plan est littéralement renversant d'inventivité et de beauté plastique.

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j'avais revu la trilogie pour essayer de ne pas être perdu dans celui-ci.
Résumé :
1 : NUL
2 : NUL
3 : NUL
ça m'avait donc refroidi, j'ai mis quelques mois à lancer le dernier volet qui se veut méta etc. Verdict :
4 : NUL

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Dans une petite ville d'Isère, aussi triste que l'étaient les 70's en France, un chef-comptable écrit chaque jour des lettres d'amour à une femme qui l'a quitté. Elle s'est mariée à un autre homme, vient d'avoir un bébé, et ne veut plus entendre parler de cet ancien amour de jeunesse. Mais lui ne veut rien lâcher, il est toujours éperdument amoureux d'elle, d'une manière psychotique, et cet amour impossible le transforme en maniaque, en fou dangereux. Pourtant, il a une petite amie qui l'aime, mais il s'en fiche et rien de ne le fera dévier de sa psychose qui aura vite des conséquences tragiques et irrémédiables. Et dire qu'en achetant ce film, le deuxième de Claude Miller, un cinéaste que je n'aime habituellement pas trop, sur la seule base de son titre et de son duo de comédiens (le casting de Loulou deux ans avant Loulou, Pialat y a pensé, forcément), je m'attendais à une comédie romantique et mélodramatique comme la France en produisait pas mal à cette époque (du genre Le Clef sur la Porte) ! Quelle erreur ! Ce film est un drame profond, d'une noirceur abyssale, au climat hyper malsain, qui évoque beaucoup plus facilement Fassbinder ou Richard Fleischer. Claude Miller n'avait jamais brillé à mes yeux pour ses qualités de metteur en scène, mais je dois reconnaitre que dans ce film-là, il parvient vraiment à créer quelque chose d'inquiétant, de malsain, à partir de trois fois rien, et que le système qu'il met en place est assez impressionnant. Depardieu est sublime dans ce rôle de comptable psychotique. Il le joue tellement bien, avec tant de finesse, qu'il génère une vraie terreur sur le spectateur, créant un personnage-montre qui a des points communs évidents avec certains serial-killers du 9ème art. Miou-Miou est top aussi, sans surprise, et dans le rôle de la femme remariée, la géniale et plus méconnue Dominique Laffin, actrice superbe, n'ayant joué quasiment que dans des bons films (elle choisissait très bien ses rôles, qui fut même nommée aux César et qui mourut d'une crise cardiaque à l'âge de 33 ans, laissant orpheline une petite fille ! En lisant sa bio, j'ai découvert avec surprise que cette fille n'est autre que Clémentine Autain, et que cette dernière lui a récemment consacré un livre, qui porte un titre magnifique : "Dites-lui que je l'aime".
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Kit
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groil_groil a écrit :
lun. 19 sept. 2022 11:05


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Mon fils n'a donc pas aimé du tout le premier Star Wars, mais est de plus en plus fan de De Funès, me poussant progressivement à aller creuser les zones obscures de sa filmographie.
avec De Funès il te reste Ni vu, ni connu + Papa, maman, la bonne et moi & Papa, Maman, ma femme et moi même s'il n'y a pas un rôle majeur

ps : je suis d'accord avec toi pour Jennifer Connelly :love:
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groil_groil
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Kit a écrit :
mar. 20 sept. 2022 01:45
groil_groil a écrit :
lun. 19 sept. 2022 11:05


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Mon fils n'a donc pas aimé du tout le premier Star Wars, mais est de plus en plus fan de De Funès, me poussant progressivement à aller creuser les zones obscures de sa filmographie.
avec De Funès il te reste Ni vu, ni connu + Papa, maman, la bonne et moi & Papa, Maman, ma femme et moi même s'il n'y a pas un rôle majeur

ps : je suis d'accord avec toi pour Jennifer Connelly :love:
J'aimais beaucoup Ni vu ni connu quand j'étais gamin, je vais lui montrer.
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sokol
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groil_groil a écrit :
lun. 19 sept. 2022 11:05
et le film est encore plus beau lors de ce second visionnage.
à de très rares exceptions, tous les films de Godard sont encore plus beaux lors du re(re?)visionnage. Franchement, c'est la marque principale de ses films. En me concernant, bien sur
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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Un thriller politique tel que Boisset ou Jessua en réalisait à l'époque, et fabriqué en famille, puisque Nadine Trintignant y fait tourner son mari Jean-Louis et leur fille Marie, alors toute jeune et déjà excellente actrice. (ah ce sujet, il est bouleversant de se pencher sur les bonus du bluray et d'y voir Jean-Louis Trintignant parler avec amour, fierté, tendresse et admiration de sa fille de 10 ans qui commence à peine le métier, en pensant à la fin de sa vie tragique...) JL Trintignant joue le rôle d'un avocat commis d'office chargé de défendre une jeune femme (Bernadette Laffont) soupçonnée (à tort) d'avoir tué son compagnon. Celui-ci, colleur d'affiche d'un candidat en campagne peu scrupuleux (Bouquet, impérial comme toujours) a été tué dans une rixe opposant des militants / colleurs d'affiches de différents bords, en même temps que le fils de l'homme politique, autre victime. Le film va peu à peu reconstituer ce puzzle en altérnant différentes réalités en fonction des points de vue, et parfois de manière un peu maladroite. Le film vaut tout de même le coup d'oeil pour la manière dont il dépeint l'époque, et des acteurs souvent très bons (le casting se complète avec Juliet Berto, Charles Denner et Claude Piéplu). Mais surtout, et même si on ne l'entend pas suffisamment à mon goût, Nadine Trintignant a eu la bonne idée de commander sa bande son à Bruno Nicolaï, qui signe ici l'une de ses plus belles réussites (cette BO a récemment été éditée magnifiquement par Transversales).

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Non, Jack Arnold n'a pas réalisé que des films fantastiques/d'horreur, souvent fauchés, dont son chef-d'oeuvre "L'Homme qui retrécit", mais aussi des westerns, et Une Balle Signée X est le premier que je découvre. Belle surprise, car même sans stars, sans véritables moyens pour déployer une mise en scène ample et généreuse, Arnold utilise son savoir-faire et son ingéniosité pour réaliser un film d'ampleur. Il faut dire qu'il utilise une idée assez géniale. Son héros nommé Gant, est un tueur à gages redoutable qui débarque dans une petite ville tranquille. Cet homme n'a jamais été condamné, car il ne dégaine jamais le premier, mais ne rate jamais sa cible, en légitime défense. Son arrivée dans la ville déclenche la peur de quasiment tous les habitants, chacun ayant quelque chose à se reprocher et pense être la prochaine victime. Par exemple, deux camps se disputent la propriété d'une mine; chacun des camps est donc persuadé que le tueur est envoyé par l'autre, et prend les armes pour aller attaquer, alors que Gant n'a pas bougé la moindre oreille. Reprenant une thématique déjà vue dans le magnifique La Cible Humaine d'Henry King, avec Gregory Peck dans le rôle principal, Arnold crée un personnage et un système narratif absolument passionnant dans le sens où il pose un homme au milieu d'un cadre cinématographique défini, et que c'est cet homme qui fait se mouvoir et agir la totalité des personnages, alors que lui-même ne fait rien. C'est donc sa réputation, ce qu'on sait ou qu'on pense savoir de lui, qui va influer le cours du récit et son dénouement. C'est une idée purement cinématographique et entousiasmante, qui est ici traitée avec beaucoup de réussite.
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Kit
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j'adorais Audie Murphy quand j'étais gamin mais je lui reprochais de mourir trop souvent dans ses films, et j'ai été très touché lorsqu'il mourut à seulement 45 ans dans un crash d'avion. il a été le soldat le plus décoré de la seconde guerre mondiale (presque toutes les médailles de l'US Army + la légion d'honneur française, croix de guerre française et belge)
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groil_groil
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Julie a la petite quarantaine, elle est divorcée, élève seule deux gosses, son ex-mari ne paye pas sa pension, elle est obligée de vivre dans un petit bled en lointaine banlieue, et travaille comme femme de chambre dans un palace parisien. Pourtant, elle a fait des études, et travaillait avant à un haut poste dans une grosse boite, mais a sans doute tout stoppé pour élever ses gosses, et pris des petits boulots faute de mieux. Julie aimerait changer de vie, car sa vie n'est pas une vie. Surtout que le film se déroule en plein pendant les dernières grandes grèves qui ont paralysé la France. Tous les matins, elle lève ses enfants avant l'aube, les dépose chez une voisine (une mamie qui n'en peut plus de fatigue d'avoir ces enfants si tôt et de les rendre si tard), et galère pendant deux à trois heures pour se rendre au travail, espérant chopper un rer qui ne vient jamais. Sa vie est une course perpétuelle, et cette course est aussi une fuite, et plus encore une chute dans un puits sans fond. Alors que tout s'écroule autour d'elle, qu'elle risque de perdre son emploi, d'être interdite bancaire, de ne plus pouvoir faire garder ses enfants, de ne pas avoir de moyens de transports pour se rendre à son taff, elle a un espoir : un entretien qui pourrait déboucher sur un travail plus valorisant et en accord avec ses études. Je ne connaissais pas Eric Gravel, et je dois dire que son film m'a impressionné, captivé même, et laissé sur le carreau. Il filme le quotidien d'une femme comme il en existe des dizaines de milliers, mais il filme ça comme le plus tendu des thrillers, comme un volet de Mission : Impossible. Rythme de fou, tension permanente, musique électronique ambient et oppressante à la fois, actrice survoltée et émouvante, tout est en oeuvre pour cette fuite en avant remarquablement mise en scène. A plein temps est une sorte de suite au film de Benoit Jacquot, "La Fille Seule", mais une suite qui n'aurait plus rien à voir tant le monde a changé en 25 ans. Tout est plus dur, plus speed, plus éprouvant, et cette jeune femme est en lutte permanente pour simplement pouvoir essayer de vivrre et d'élever ses enfants. Le film de Gravel contient en effet un puissant sous-texte politique montrant les difficultés pour le peuple français (mais pas seulement, l'allégorie est générale) de survivre dans le contexte actuel d'une société qui écrase, compresse, chaque individu, jusqu'à ce qu'il s'effondre.

Pour répondre à Antoine qui, si j'ai bien compris, a plutôt aimé le film mais a détesté la fin au point de remettre en question son ensemble, je voulais te dire qu'il n'y a que deux fins possible pour un film pareil : soit elle se suicide (on pense d'ailleurs à un moment qu'elle va se jeter sous le RER qui arrive) ou tue ses enfants et elle ensuite, soit elle est engagée par la boite. Je veux dire par là, qu'elle est dans une telle impasse qu'il n'y a plus que ces deux choix possibles. Et je pense que le film est suffisamment noir et oppressant qu'il est vraiment salvateur pour le spectateur (c'était en tout cas mon cas) que cela se termine bien.
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asketoner
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@groil_groil : je comprends ton point de vue, c'est le point de vue du réalisme finalement, mais comme le film adopte cet aspect de thriller pendant assez longtemps, j'espérais que cela le conduirait vers l'invention d'une autre hypothèse, d'une autre issue
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Skipper Mike
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groil_groil a écrit :
mer. 21 sept. 2022 12:00
Pour répondre à Antoine qui, si j'ai bien compris, a plutôt aimé le film mais a détesté la fin au point de remettre en question son ensemble, je voulais te dire qu'il n'y a que deux fins possible pour un film pareil : soit elle se suicide (on pense d'ailleurs à un moment qu'elle va se jeter sous le RER qui arrive) ou tue ses enfants et elle ensuite, soit elle est engagée par la boite. Je veux dire par là, qu'elle est dans une telle impasse qu'il n'y a plus que ces deux choix possibles. Et je pense que le film est suffisamment noir et oppressant qu'il est vraiment salvateur pour le spectateur (c'était en tout cas mon cas) que cela se termine bien.
Je me trompe peut-être parce que ça fait un moment que j'ai vu le film, mais de mémoire la fin n'est pas du tout lumineuse, si ? Julie réussit à décrocher ce boulot qui lui semblait inespéré, mais j'ai le souvenir qu'il était bien dit lors de l'entretien que les horaires seraient bien pires que ceux dans son hôtel et sous-entendu qu'elle aurait encore moins de temps libre pour ses enfants et sa vie perso. En tout cas j'avais vraiment pris cette fin comme la reprise d'une spirale infernale, et le sourire de Julie comme une grimace crispée.
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cyborg
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27 Down - Awtar Krishna Kaul

Un homme, né durant un voyage en train, d'un père ingénieur ferroviaire, devient lui même contrôleur de train. Son travail le fait voyager à travers le pays, ce qui lui permet de fuir sa famille et les traditions sociales. Jusqu'à ce qu'il rencontre une belle jeune femme, d'une autre caste, sur le quai d'une gare. Il vivra une histoire d'amour avec elle jusqu'à ce que les traditions à nouveau les sépare.
On songe initialement à la nouvelle "Novecento : pianiste" du romancier italien Baricco dans laquelle un homme passe toute sa vie sur un transatlantique entre l'Europe et les Etats-unis, mais le film prend rapidement de l'ampleur. Entre drame romantique et social, ce film surprenant se déroule en grande partie dans des wagons en mouvement et l'univers du train et de leur fonctionnement ne tarde pas à devenir métaphore d'une société indienne sclérosée. La conclusion du film ("J'aurais voulu pouvoir marcher", nous dit le personnage principal) est aussi belle que tragique, il est simplement regrettable que ce désir de liberté ne s'exprime pas un petit peu plus par la mise en scène.

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Avec L’Ornithologue, son œuvre précédente, José Pedro Rodrigues nous offrait son meilleur film. D'une ambition moindre, et d'une tonalité toute différente, Feu Follet n'en est pas moins intéressant. Traitant avec légèreté de sujets contemporains on ne peut plus sérieux (décolonisation, racisme, homosexualité...), Rodrigues s'autorise toutes les fantaisies et décrochages possibles tout en gardant en ligne de mire l'histoire d'amour guidant son film. Parfois imparfait, et surtout un peu court (moins d'une heure dix, alors que le tout aurait bien pu s'étaler sur l'heure et demi sans problème), c'est néanmoins la drôlerie généralisée et le plaisir de voir un film aussi libre sur les écrans que je retiendrais avant tout.

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Si Top Gun a été reconnu par le gouvernement américain lui même comme un "très bon film de recrutement pour l'armée", je doute que ce second volet, 35 ans plus tard, soit qualifié de la même façon. Superficiellement on y retrouve pourtant l'aspect glamour, ripoliné à l'américaine, viriliste en diable (ouf, ils nous ont mis UNE femme dans la clique des meilleures recrues...) qui avait fait le succès du premier volet, et c'est bien sur le divertissement spectaculaire au "happy-ending" qui porte la globalité du film. Mais en sous-texte le film me semble beaucoup plus sombre, presque spectral, hanté tant par lui-même (évidemment et jusqu'à plus soif...), que par la figure de Tom Cruise ou encore par notre rapport contemporain à la technique. Les premières rumeurs autour d'un Top Gun 2 parlait d'un combat entre Tom Cruise et des drones, figures volantes totalement automatisées. Si cette idée s'est perdue, elle reste pour autant le fil rouge du film. C'est elle qui l'ouvre avec ce test de l’extrême réalisé par Maverick, sommé d'atteindre l'improbable barre des "10G", qu'il ne pourra s’empêcher de dépasser jusqu'à détruire le prototype qu'il pilote. Ce point que je nomme "le facteur humain", dans lequel l'Homme est devenu la part faible dans un système technologique extrêmement performant, est exploré tout au long du film. Cruise tente précisément d'y faire valoir sa "plus-value humaine" en tant que pilote (par la réalisation d'une mission, semble-t-il, hors norme) mais aussi de la transmettre à la nouvelle génération, ouvrant ainsi le film à la question de la descendance et de la transmission : et l'attaque centrale du film durant laquelle des avions se faufilent avec difficultés le long d'un étroit ravin fini par ressembler à s'y méprendre à un course de spermatozoïdes pour féconder l'ovule... (Demi-)Blague à part, ce rapport de limitation du corps face à la technique est renforcé par son acteur principal, un Tom Cruise vieillissant, figure légendaire du cinéma d'action des 30 dernières années, en proie aux limites de son propre corps et aux limites tant physiques que temporelles de sa propre carrière d'acteur. N'est-il pas émouvant, quand, jeté du bar au début du film, il semble se transformer quelques instants en fantôme sonné par ce qui lui arrive ? Par la suite, les incessants "near-death-experience" que met en scène le film ne cesseront de nous confronter à notre propres finitude.

Si le film reste un film de divertissement (néanmoins de très bonne facture, les scènes aériennes sont assez incroyables et je suis bien heureux d'avoir vu le film sur grand écran) je crois avant tout l'apprécier pour une certaine franchise dont il se part, n'en restant pas à une bêtasse mélancolie de surface et se confrontant au temps passé et aux changements ayant eu lieu depuis lors (que les Etats-Unis n'aient plus les meilleurs avions face à leurs ennemies me semble, une fois encore, assez symptomatique...). J'inscris ainsi volontiers Top Gun 2, dans la liste des "suites contemporaines" qui, précisément, ne sont pas des simples suites, prolongements, resucées , mais se posent en commentaire à la fois de leur œuvre originale et de leur nouvelle époque de leur création, au côté d’œuvre aussi diverses que Twin Peaks Saison 3 ou Matrix 4.


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Ladybug Ladybug - Frank Perry

Je suis fort aise de creuser ces derniers temps la filmographie de Frank Perry (et plus précisément sa période avec Eleanor Perry, sa femme, au scénario), connu surtout par chez nous pour son incroyable The Swimmer. Il est, ici aussi, question de retour vers le domicile familial, sur un rythme lent et entrecoupé, mais sous de toutes autres augures.

Une école primaire, perdue dans la campagne américaine, un jour de la fin des années 60. La sonnette d'alarme retenti : un drame nucléaire serait-il en train de se dérouler ? Face au doute, le directeur décide de renvoyer les enfants chez eux et chaque professeur est sommé de reconduire les élèves en groupe jusqu'à leurs maisons respectives, toutes éparpillées à travers les champs. Le spectateur apprendra rapidement que la sonnette n'était qu'un soucis technique ce qui, années 60 oblige, ne sera pas le cas des enfants et des professeurs en pleine marche.

Avec une grand adresse le film propose un basculement du monde des adultes au monde des enfants, ici unis par le sentiment commun de la paranoïa. Chacun tâche de se rassurer et de s'organiser comme il le peut tandis que la terreur d'un drame inimaginable ronge les imaginations de tous. Cette retranscription de l'esprit dans lequel vivait la population civile à l'époque de la guerre froide est absolument saisissant et son fond anti-guerre rend le film encore totalement pertinent de nos jours
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groil_groil
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asketoner a écrit :
mer. 21 sept. 2022 23:20
@groil_groil : je comprends ton point de vue, c'est le point de vue du réalisme finalement, mais comme le film adopte cet aspect de thriller pendant assez longtemps, j'espérais que cela le conduirait vers l'invention d'une autre hypothèse, d'une autre issue
je comprends aussi le tien ;)
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Skipper Mike a écrit :
jeu. 22 sept. 2022 00:30
groil_groil a écrit :
mer. 21 sept. 2022 12:00
Pour répondre à Antoine qui, si j'ai bien compris, a plutôt aimé le film mais a détesté la fin au point de remettre en question son ensemble, je voulais te dire qu'il n'y a que deux fins possible pour un film pareil : soit elle se suicide (on pense d'ailleurs à un moment qu'elle va se jeter sous le RER qui arrive) ou tue ses enfants et elle ensuite, soit elle est engagée par la boite. Je veux dire par là, qu'elle est dans une telle impasse qu'il n'y a plus que ces deux choix possibles. Et je pense que le film est suffisamment noir et oppressant qu'il est vraiment salvateur pour le spectateur (c'était en tout cas mon cas) que cela se termine bien.
Je me trompe peut-être parce que ça fait un moment que j'ai vu le film, mais de mémoire la fin n'est pas du tout lumineuse, si ? Julie réussit à décrocher ce boulot qui lui semblait inespéré, mais j'ai le souvenir qu'il était bien dit lors de l'entretien que les horaires seraient bien pires que ceux dans son hôtel et sous-entendu qu'elle aurait encore moins de temps libre pour ses enfants et sa vie perso. En tout cas j'avais vraiment pris cette fin comme la reprise d'une spirale infernale, et le sourire de Julie comme une grimace crispée.
Oui tu as raison. Le film s'achève sur le fait qu'elle décroche le boulot et c'est tout. Et on sait qu'elle va en chier donc, comme tu l'écris.
mais on peut aussi espérer et imaginer qu'avec ce nouveau job mieux payé, elle va pouvoir déménager, se rapprocher de Paris, trouver une nounou plus efficace et conciliante, etc. Rien de tout cela n'est dit, mais on le déduit puisque c'est ce qu'on ferait à sa place, en somme :D
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Keiko est veuve et hotesse dans un bar de nuit de Tokyo. C'est ainsi qu'elle élève sa famille. Elle a de l'ambition, donc elle change de bar pour un plus en vue, puis rêve ensuite d'ouvrir le sien. Plusieurs de ses clients sont amoureux d'elle, et elle pourrait choisir d'en épouser un pour débuter une nouvelle vie, mais, par respect pour son défunt mari, elle s'y refuse... Accompagné par une musique jazzy toute en retenue de Toshirō Mayuzumi, le film est une délicieuse plongée dans les 60's nocturnes de Tokyo, ce qui nous changer un peu de la vision strictement occidentale de cette époque souvent fantasmée. Le film est beau mélodrame, portée par l'actrice fétiche de Naruse, Hideko Takamine, assez triste dans le fond, mais jamais plombé car emprunt d'une légèreté qui se veut plus forte que le désespoir. On pense évidemment à La Rue de la Honte que Mizoguchi ne réalise que deux ou trois ans plus tôt, les deux films correspondent et donnent une vision assez complémentaire de la question.
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Skipper Mike a écrit :
jeu. 22 sept. 2022 00:30
groil_groil a écrit :
mer. 21 sept. 2022 12:00
Pour répondre à Antoine qui, si j'ai bien compris, a plutôt aimé le film mais a détesté la fin au point de remettre en question son ensemble, je voulais te dire qu'il n'y a que deux fins possible pour un film pareil : soit elle se suicide (on pense d'ailleurs à un moment qu'elle va se jeter sous le RER qui arrive) ou tue ses enfants et elle ensuite, soit elle est engagée par la boite. Je veux dire par là, qu'elle est dans une telle impasse qu'il n'y a plus que ces deux choix possibles. Et je pense que le film est suffisamment noir et oppressant qu'il est vraiment salvateur pour le spectateur (c'était en tout cas mon cas) que cela se termine bien.
Je me trompe peut-être parce que ça fait un moment que j'ai vu le film, mais de mémoire la fin n'est pas du tout lumineuse, si ? Julie réussit à décrocher ce boulot qui lui semblait inespéré, mais j'ai le souvenir qu'il était bien dit lors de l'entretien que les horaires seraient bien pires que ceux dans son hôtel et sous-entendu qu'elle aurait encore moins de temps libre pour ses enfants et sa vie perso. En tout cas j'avais vraiment pris cette fin comme la reprise d'une spirale infernale, et le sourire de Julie comme une grimace crispée.
Je pense aussi que l'image du manège en arrière plan a son importance dans cette scène. Il est à l'arrêt avant et au début du coup de téléphone, et lorsqu'on lui annonce qu'elle a le travail, il se remet en marche, à l'unisson de la joie de l'héroïne, mais signifiant aussi le redémarrage d'un cercle infernal.
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A vendredi, Robinson, Mitra Farahani

Ajouter du bavardage et des mondanités à la beauté.

Où l'on voit bien que la visée de toute mondanité artificielle (la réalisatrice force une correspondance entre deux artistes qui ne se connaissent pas) est la mise à mort.

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Plan 75, Chie Hayakawa

Difficile de filmer des idées. On en vient vite à montrer comment l'essuie-glaces chasse les flocons de neige sur le pare-brise d'une voiture.
Pourtant les idées ne sont pas mauvaises. Mais on ne les voit jamais (on les comprend, c'est tout).
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bon je viens de perdre mes textes, je recommence tant bien que mal...

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C'est du pur Mouret, le cinéaste est en roue libre, mais c'est réjouissant, super bien écrit, réalisé et interprété (les deux excellents acteurs livrent une de leurs meilleurs performances). J'aime beaucoup le parti pris de ne filmer ce couple illégitime que lors des moments qu'ils passent ensemble, à nous spectateurs de reconstituer le reste en fonction de ce qui nous est dit. Mais, après l'extraordinaire scène de triolisme (quel bonheur de voir Mouret filmer ce genre de scène qu'on n'attend absolument pas dans son cinéma, et le décalage et l'humour avec lequel il aborde ça...), le paradigme change, et je trouve que le fait que la femme du personnage joué par Vincent Macaigne soit totalement absente du film devient alors un manque. Elle ne manque pas avant, quand le couple d'amants existe, mais elle manque à partir du moment où Kiberlain est de nouveau en couple, mais sans lui. Macaigne apparait comme un personnage triste, mélancholique, ok, mais aussi désespérement seul (le film le montre ainsi), alors qu'il est en couple, et a priori il n'y est pas si mal. Mouret a décidé de ne pas nous en parler, et je trouve que c'est problématique, même si cela ne m'empêche pas d'apprécier grandement le film.

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La célèbre écrivain Annie Ernaux a retrouvé tous ses films de famille en super 8 du début des 70's, et en compagnie de son fils les a montés, fait bruiter pour donner ce film, sur lequel elle lit un texte littéraire évoquant cette période. C'est a peu près aussi chiant que la séance diapos de ta tata.

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Pas un grand western, et un tout petit Fritz Lang (on ne le reconnait jamais). Qui plus est le personnage joué par Gene Tierney est super agaçant.

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Une ancienne actrice Coréenne partie s'installer aux USA est de retour en Corée pour visiter sa soeur. Cette dernière insiste pour qu'elle revienne vivre au pays. Parallèlement, un cinéaste Coréen se murge avec l'actrice, tout en lui proposant un rôle qui lui permettrait de revenir à l'écran. A moins qu'il ne s'agisse d'un rêve. Même si je continuerai à aller voir les films d'HSS en salle, ça fait déjà un moment que je trouve qu'il n'en a plus rien à foutre et qu'il enquille les films comme les boutanches de soju, n'en ayant plus rien à foutre du goût et cédant simplement à l'ivresse de les enchainer.

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J'ai regardé ça pensant que c'était un film allemand récent pas sorti chez nous, arte en diffuse souvent, mais c'était finalement un téléfilm assez lambda, où la mise en scène n'a pas d'autre attributions que d'amener des éléments narratifs à la connaissance du spectateur. En gros c'est l'enquête d'un flic sur le meurtre d'une jeune femme. Un truc assez lambda comme la télé en pond des caisses.

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J'aurais vraiment aimé pouvoir m'énerver contre le nouveau film (Netflix) de Romain Gavras, mais il ne parvientmême pas à susciter cela. C'est un film qui a bien 20 ans de retard dans sa façon d'affronter bêtement la Police et les banlieues, et dans lequel il continue d'excerber sa passion quasi sexuelle pour la violence de banlieue (c'est ça depuis ses premiers clips). Ici, le film n'a même pas le courage de prendre parti puisqu'in fine on te dit que le coupable ce n'est ni la Police ni la banlieue mais bien ces fachos du FN, les vilains. Mais à voir le film, le blackblock de banlieue aura encore plus envie de casser du flic, et le flic de casser du blackblock de banlieue. Et le FN de compter les points.

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Dédée est prostituée au port d'Anvers. Elle a un mac et un mec. Son mac (Blier, incroyable) la protège mais son mec qui travaille pour son mac (Dalio, excellent tout en rage et en fureur) la maltraite, alliant méchanceté pure et jalousie exacerbée. Mais Dédée (Signoret alors assez sublime) tombe amoureux d'un autre type et commence à penser à l'idée de se tailler... Le film n'est pas toujours passionnant, l'intrigue qui se rajoute est assez inintéressante, mais c'est quand même un chouette morceau. Le film s'ouvre par un sublime plan à 360° assez innovant, et l'ensemble baigne dans une atmosphère poisseuse et grisâtre qu'Allégret met parfaitement en scène.
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sokol
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groil_groil a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:04
J'aime beaucoup le parti pris de ne filmer ce couple illégitime que lors des moments qu'ils passent ensemble, à nous spectateurs de reconstituer le reste en fonction de ce qui nous est dit. Mais, après l'extraordinaire scène de triolisme (quel bonheur de voir Mouret filmer ce genre de scène qu'on n'attend absolument pas dans son cinéma, et le décalage et l'humour avec lequel il aborde ça...), le paradigme change, et je trouve que le fait que la femme du personnage joué par Vincent Macaigne soit totalement absente du film devient alors un manque. Elle ne manque pas avant, quand le couple d'amants existe, mais elle manque à partir du moment où Kiberlain est de nouveau en couple, mais sans lui
Bon, quelques minutes plutôt, j'écrivais justement sur ce parti pris sur "top films 2022". Comme quoi ;)

Mais, selon moi, ce parti pris manque dès le début car, comme j'ai écrit, comme d'habitude avec Mouret, le film tente de plaire à 'tout le monde' : les HSS-ien seront servis (le film est blindé de zooms !), les Rohmerien bien évidement; ceux qui aiment les 'comédies romantiques' aussi et ainsi de suite.
Par pur hasard, le même jour j'ai regardé pour la énième fois "Une femme mariée" de Godard et je me disais : d'accord, Mouret est concentré uniquement sur ses deux principaux personnages mais, quand ils ne se voient pas, ils voient quand même ses proches respectives : Simon (Vincent Macaigne) voit bel et bien tous les soirs sa femmes et Charlotte (Sandrine Kiberlain) ses enfants donc, il est inévitable qu'ils ne soient pas 'influencés' par ces relations inexistantes dans le film. D'accord, c'est un parti pris, mais le problème est que le film fait "comme si" : il fait comme s'il nous montre ces hors champs car ils parlent à la longueurs du film de ça (d'ailleurs, nos héros passent leur temps à dire : on adore parler autant que baiser). Très bien ! Mais alors, qu'on les voit baiser ! Donc, le parti pris du film c'est comme ça arrange le cinéaste (je ne montre pas le cul, même si c'est le sujet principal du film, car je ne veux pas choquer mon public majoritairement bon chic bon genre; mais je ne montre pas non plus les gosses de cette mère ni ce qu'elle fait dans la vie car c'est banal pour mon public BCBG).
Revenons au film de Godard (Une femme mariée) : c'est tout le contraire car non seulement tout le monde a droit d’exister sur l'écran mais on voit tout : le cul aussi (la preuve : la commission de censure du festival de Venise avait juge le film pornographique et avait émis un avis d’interdiction auprès du ministre de l'information).
Donc, le parti pris de Mouret c'est plutot : je montre ce qui m'arrange en fonction de mon public : le bavardage OUI; le cul, NON.
Vous voyez que Godard n'est pas seulement la forme ? Et que la forme (le parti pris), c'est le fond ?
Modifié en dernier par sokol le lun. 26 sept. 2022 12:36, modifié 3 fois.
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groil_groil
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sokol a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:16
groil_groil a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:04
J'aime beaucoup le parti pris de ne filmer ce couple illégitime que lors des moments qu'ils passent ensemble, à nous spectateurs de reconstituer le reste en fonction de ce qui nous est dit. Mais, après l'extraordinaire scène de triolisme (quel bonheur de voir Mouret filmer ce genre de scène qu'on n'attend absolument pas dans son cinéma, et le décalage et l'humour avec lequel il aborde ça...), le paradigme change, et je trouve que le fait que la femme du personnage joué par Vincent Macaigne soit totalement absente du film devient alors un manque. Elle ne manque pas avant, quand le couple d'amants existe, mais elle manque à partir du moment où Kiberlain est de nouveau en couple, mais sans lui
Bon, quelques minutes plutôt, j'écrivais justement sur ce parti pris sur "top films 2022". Comme quoi ;)

Mais, selon moi, ce parti pris manque dès le début car, comme j'ai écrit, comme d'habitude avec Mouret, le film tente de plaire à 'tout le monde' : les HSS-ien seront servis (les film est blindé de zooms !), les Rohmerien bien évidement; ceux qui aiment les 'comédies romantiques' aussi et ainsi de suite.
Par pur hasard, le même jour j'ai regardé pour la énième fois "Une femme mariée" de Godard et je me disais : d'accord, Mouret est concentré uniquement sur ses deux principaux personnages mais, quand ils ne se voient pas, ils voient quand même ses proches respectives : Simon (Vincent Macaigne) voit bel et bien tous les soirs sa femmes et Charlotte (Sandrine Kiberlain) ses enfants donc, il est inévitable qu'ils ne soient pas 'influencés' par ces relations inexistantes dans le film. D'accord, c'est un parti pris, mais le problème est que le film fait "comme si" : il fait comme s'il nous montre ces hors champs car ils parlent à la longueurs du film de ça (d'ailleurs, nos héros passent leur temps à dire : on adore parler autant que baiser). Très bien ! Mais alors, qu'on les voit baiser ! Donc, le parti pris du film c'est comme ça arrange le cinéaste (je ne montre pas le cul, même si c'est le sujet principal du film, car je ne veux pas choquer mon public majoritairement bon chic bon genre; mais je ne montre pas non plus les gosses de cette mère ni ce qu'elle fait dans la vie car c'est banal pour mon public BCBG).
Revenons au film de Godard (Une femme mariée) : c'est tout le contraire car non seulement tout le monde a droit d’exister sur l'écran mais on voit tout : le cul aussi (la preuve : la commission de censure du festival de Venise avait juge le film pornographique et avait émis un avis d’interdiction auprès du ministre de l'information).
Donc, le parti pris de Mouret c'est plutot : je montre ce qui m'arrange en fonction de mon public.
Vous voyez que Godard n'est pas seulement la forme ? Et que la forme (le parti pris), c'est le fond ?
100% d'accord
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B-Lyndon
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asketoner a écrit :
lun. 26 sept. 2022 11:38
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A vendredi, Robinson, Mitra Farahani

Ajouter du bavardage et des mondanités à la beauté.

Où l'on voit bien que la visée de toute mondanité artificielle (la réalisatrice force une correspondance entre deux artistes qui ne se connaissent pas) est la mise à mort.

Sur le moment le film m'a touché, mais parce que j'étais touché de voir Godard.
Alors que depuis quelques jours en pensant au film j'ai de plus en plus un sale goût dans la bouche. Tes mots m'éclairent et j'y souscris.

Le dialogue hors champs au téléphone à la fin m'a atterré - cette espèce de tristesse vague, et assénée de façon pornographique, de "la mort d'une certaine beauté" est en fait la crainte mêlée de l'envie de capturer la disparition d'une icone vivante. De ce point de vue, le film s'aligne sur la bêtise des nécrologies dont on été abreuvée ces derniers jours - Les Inrocks avec leur "Dieu est mort", etc.

En témoigne ce dernier plan, interminable, où Godard coupe deux fois son vin avec de l'eau. Le plan dure tellement que la seule explication que j'y trouve, c'est qu'elle avait envie de voir le génie mourir dans son plan.
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groil_groil a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:04
bon je viens de perdre mes textes, je recommence tant bien que mal...

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C'est du pur Mouret, le cinéaste est en roue libre, mais c'est réjouissant, super bien écrit, réalisé et interprété (les deux excellents acteurs livrent une de leurs meilleurs performances). J'aime beaucoup le parti pris de ne filmer ce couple illégitime que lors des moments qu'ils passent ensemble, à nous spectateurs de reconstituer le reste en fonction de ce qui nous est dit. Mais, après l'extraordinaire scène de triolisme (quel bonheur de voir Mouret filmer ce genre de scène qu'on n'attend absolument pas dans son cinéma, et le décalage et l'humour avec lequel il aborde ça...), le paradigme change, et je trouve que le fait que la femme du personnage joué par Vincent Macaigne soit totalement absente du film devient alors un manque. Elle ne manque pas avant, quand le couple d'amants existe, mais elle manque à partir du moment où Kiberlain est de nouveau en couple, mais sans lui. Macaigne apparait comme un personnage triste, mélancholique, ok, mais aussi désespérement seul (le film le montre ainsi), alors qu'il est en couple, et a priori il n'y est pas si mal. Mouret a décidé de ne pas nous en parler, et je trouve que c'est problématique, même si cela ne m'empêche pas d'apprécier grandement le film.


Pas vu le film, mais ça à l'air dommage ce que tu dis. Dans le précédent film, il se passait quelque chose quand on découvrait la femme de Macaigne (tard dans le récit, avec l'aveu du faux adultère). Une scène magnifique qui me hante encore, avec Dequenne au sommet ! la seule qui me plait dans ce film d'ailleurs...bon j'irai voir celui là
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groil_groil
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B-Lyndon a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:32
groil_groil a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:04
bon je viens de perdre mes textes, je recommence tant bien que mal...

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C'est du pur Mouret, le cinéaste est en roue libre, mais c'est réjouissant, super bien écrit, réalisé et interprété (les deux excellents acteurs livrent une de leurs meilleurs performances). J'aime beaucoup le parti pris de ne filmer ce couple illégitime que lors des moments qu'ils passent ensemble, à nous spectateurs de reconstituer le reste en fonction de ce qui nous est dit. Mais, après l'extraordinaire scène de triolisme (quel bonheur de voir Mouret filmer ce genre de scène qu'on n'attend absolument pas dans son cinéma, et le décalage et l'humour avec lequel il aborde ça...), le paradigme change, et je trouve que le fait que la femme du personnage joué par Vincent Macaigne soit totalement absente du film devient alors un manque. Elle ne manque pas avant, quand le couple d'amants existe, mais elle manque à partir du moment où Kiberlain est de nouveau en couple, mais sans lui. Macaigne apparait comme un personnage triste, mélancholique, ok, mais aussi désespérement seul (le film le montre ainsi), alors qu'il est en couple, et a priori il n'y est pas si mal. Mouret a décidé de ne pas nous en parler, et je trouve que c'est problématique, même si cela ne m'empêche pas d'apprécier grandement le film.


Pas vu le film, mais ça à l'air dommage ce que tu dis. Dans le précédent film, il se passait quelque chose quand on découvrait la femme de Macaigne (tard dans le récit, avec l'aveu du faux adultère). Une scène magnifique qui me hante encore, avec Dequenne au sommet ! la seule qui me plait dans ce film d'ailleurs...bon j'irai voir celui là
Ah oui excellent en effet dans le précédent.
là, tu verras, clairement ça manque. Mouret décide de ne pas s'y intéresser, très bien. mais à ce moment-là il aurait du faire de son personnage un célibataire, car il se repose quand même sur le fait que c'est un homme marié, mais sans faire exister ce personnage de femme, jamais, elle n'a pas voix au chapitre. ça déséquilibre complètement le film.
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B-Lyndon a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:29
elle avait envie de voir le génie mourir dans son plan.
Elle a clairement un problème avec ça. Son dernier film, Fini hurle de joie, c'était déjà le principe : filmer un vieux peintre iranien réfugié en Italie. Et le peintre est mort pendant qu'elle tournait : miracle ! Dans Vendredi Robinson, elle a l'air d'attendre... c'est sinistre.
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sokol
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asketoner a écrit :
lun. 26 sept. 2022 13:31
Et le peintre est mort pendant qu'elle tournait : miracle !
:lol: :lol:

(Ce cinéma, normalement devrait être interdit mais bon, on n'est plus à un "miracle" près :D
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner a écrit :
lun. 26 sept. 2022 13:31
B-Lyndon a écrit :
lun. 26 sept. 2022 12:29
elle avait envie de voir le génie mourir dans son plan.
Elle a clairement un problème avec ça. Son dernier film, Fini hurle de joie, c'était déjà le principe : filmer un vieux peintre iranien réfugié en Italie. Et le peintre est mort pendant qu'elle tournait : miracle ! Dans Vendredi Robinson, elle a l'air d'attendre... c'est sinistre.
Mais dans Fifi ça allait parce que ça survenait. Elle ne l'attendais pas. Là, on sent effectivement qu'elle est devenue dingue depuis ça.
Et puis dans Fifi il n'y avait pas cette "mondanité" comme tu l'appelles. C'est un beau film.

Pourtant c'est la productrice des derniers films de Godard...J'espère qu'il n'a pas vu le sien en tout cas.
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asketoner
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Je trouve aussi que Fifi était un bon film, et puis la question de la mort du protagoniste était posée, on n'échappait pas tout à fait à l'obscénité mais d'une certaine façon la mort était survenue pendant le tournage et donc le film s'articulait autour d'elle...
Le problème c'est qu'elle recommence !
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groil_groil
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J'ai lancé le film sans ne rien en savoir, si ce n'est qu'il était de Catherine Corsini et avec Virginie Efira. Au générique, j'ai lu que c'était adapté de Christine Angot, dont je n'ai jamais lu le moindre livre, mais dont je connais la réputation et j'ai très vite compris que le film allait raconter la rencontre de ses parents et son enfance (et au delà). J'allais donc vers ce film sans a priori et sans information. Et je me suis pris une grosse claque. En gros, il se déroule des 60's aux années 2000, de la rencontre des parents de la narratrice (qui est Angot mais on n'a pas besoin de savoir que c'est Angot), jusqu'à l'âge adulte de cette dernière. Une femme rencontre un homme avec qui la passion est forte, mais celui-ci ne veut pas s'engager, pas se marier, il tient à sa liberté, et il lui fait en photo-finish un enfant avant de disparaitre de la circulation. Elle garde son enfant, l'élève et l'aime de la meilleure façon qui soit, et reprend contact avec son amant pour qu'il reconnaisse sa fille, elle ne supporte pas de voir "père inconnu" sur le livret de famille. Lui apparait et disparait comme ça lui chante, revient après un an sans nouvelles, lui fait l'amour sauvagement, puis disparait de nouveau. Il se comporte comme la dernière des merdes. Les années passant, sans ne jamais baisser les bras, elle va faire en sorte qu'il voit sa fille, et les deux s'entendent bien, et qu'il la reconnaisse, enfin. Sauf que derrière ça, se dissimule le pire, un pire que je ne peux même pas dire tant il m'a renversé le coeur, mais que si vous connaissez un peu Angot vous devinerez sans mal. Je crois que c'est l'un des plus beaux films de Corsini que j'ai vu. J'ai été happé dès les premiers plans, et, alors rien que ne le laisse présager au départ, un climat de danger, de malaise, pèse dès les tout débuts. Une voix-off (de la narratrice jeune fille devenue écrivain) est présente dès le départ. J'ai cru qu'on allait me lire le roman et se contenter de l'illustrer, mais pas du tout, cette voix-off est narrative, extrêmement belle dans sa langue et habite le film, le conduit, lui donne son fatum. Je me plains en ce moment de trop voir Efira (même si elle n'y est pour rien, jouer, c'est son métier, et je l'aime bien en plus), mais je crois que jamais je ne l'avais vue aussi juste, aussi boulerversante. Film remarquablement écrit, remarquablement mis en scène, qui ne te lâche pas et t'entraine avec lui dans une spirale qui traduit on ne peut mieux le pouvoir néfaste que peuvent avoir les hommes sur les femmes, sur leur désir et leur pouvoir de destruction, une destruction gratuite qui n'est là que pour assouvir une soit de domination et d'humiliation. Glaçant et brillant.

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Superprod en cinémascope des 40's de 3 heures, mais super chiant... Je n'aime pas beaucoup Hemingway, mais ici c'est vraiment ce qu'on peut imaginer de pire et de plus cliché quand on pense à l'écrivain. Du théêtre filmé dans une grotte pendant 3 heures avec des visages grimés de manière grotesque (ils sont tous barbouillés de noir car c'est des putains de pouilleux d'espagnols, sauf bien sur Cooper et Bergman qui resplendissent de maquillages et de permanentes toutes fraiches), avec deux scènes d'actions bien relous qui viennent justifier le budget.
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asketoner
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Smile, Parker Finn

Indigent jusqu'au vertige.
Le film essaie de nous intéresser à la psychologie de son personnage (c'est-à-dire à son trauma d'enfance), mais il essaie aussi d'être le plus lisse possible à ce sujet. Et sa manière de résoudre son obsession du lisse, c'est d'inventer des images gores qui viennent recouvrir la véritable horreur.
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Deuxième long-métrage de Mouret, sorti en 2000, et film délicieux, maniant déjà parfaitement l'art du contre-temps et du décalage permanent, offrant notamment le film d'espionnage le plus absurde et le plus downtempo jamais vu, mais étant surtout une magnifique comédie de moeurs, dans laquelle brille la toujours sublimissime Marie Gillain. En voyant ce film quelques jours seulement après son dernier qui vient de sortir, j'ai regretté deux choses sur ce qu'est devenu Mouret et que je continue pourtant d'adorer, hein : premièrement qu'il ait assagi son style de mise en scène qui frôlait jadis avec l'absurdité d'un Iosseliani et qui était emblématique des cinéastes sortis de l'idhec et qui faisaient leurs premiers films à la fin des 90's (je ne sais d'ailleurs pas si Mouret a fait l'idhec, c'est juste une parenté stylistique que je pointe). La deuxième est qu'il ne joue plus dans ses films alors qu'il était l'acteur parfait de ses films, comme Nanni Moretti l'est des siens.

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Claire Denis essaie de rentrer un peu dans le rang avec son nouveau film mettant en scène deux des plus grandes stars du cinéma français dans un mélodrame apparemment classique. Le résultat alterne moments d'ennuis et moments de gêne, surtout lorsque les acteurs sont en roue libre et improvisent sans ne savoir quoi dire (ils répètent parfois trois fois la même injonction) dans des scènes d'engueulade qui n'en finissent pas et qui te font chercher le coussin de la honte. Je sauve quand même des choses ayant rapport au désir, notamment lors du retour de l'ancien amant, ainsi que la façon dont Binoche ose afficher son corps, et Denis de le filmer, ces scènes étant assez belles et vraies.

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Croyez-le si vous le voulez, mais je n'avais encore jamais vu de film de Sollima. Il n'est jamais trop tard pour s'y mettre, ce sont les charmes de la cinéphilie, et je dois dire que cette découverte de Colorado m'a quelque peu réconcilié avec le genre "spaghetti" que j'ai eu tendance à dévaluer (à part Léone cela va de soi) à force de voir de mauvais films. Celui-ci est au contraire très bon, et présente ce qu'on attend de crudité, de cruauté, d'un spaghetti par rapport à un western classique. C'est un long "Catch me if you can" qui ne manque pas de trous de scénario, voire même d'absurdités posées là uniquement pour faire avancer le film, mais au final peu importe, car le plaisir de cette cours poursuite entre deux larrons est permanent, et puis la silhouette élancée de Lee Van Cleef reste à jamais comme l'un des plus beaux archétypes de la figure du western.
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Skipper Mike
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groil_groil a écrit :
mar. 27 sept. 2022 17:09
ils sont tous barbouillés de noir car c'est des putains de pouilleux d'espagnols, sauf bien sur Cooper et Bergman qui resplendissent de maquillages et de permanentes toutes fraiches
J'ai justement lu le roman cette année et c'est à peu près la façon dont ils y sont décrits :D
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Skipper Mike a écrit :
jeu. 29 sept. 2022 20:12
groil_groil a écrit :
mar. 27 sept. 2022 17:09
ils sont tous barbouillés de noir car c'est des putains de pouilleux d'espagnols, sauf bien sur Cooper et Bergman qui resplendissent de maquillages et de permanentes toutes fraiches
J'ai justement lu le roman cette année et c'est à peu près la façon dont ils y sont décrits :D
:D CQFD
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ATHENA - Romain Gavras

Après une intro en plan séquence impressionnant, mais rappelant plus son clip de Justice avec plus de budget qu'autre chose, tout reste à faire. A Gavras de prouver qu'il a quelque chose à raconter avec ça, maintenant. Potentiellement juste à l'image, pas de soucis, voire au contraire évidemment. Et putaing cong, la réponse est claire et nette : nope !
Déjà, on est devant un nouveau bel exemple d'une grande question qui bouffe le cinéma "d'auteur" grand budget actuel. Maintenant qu'on peut techniquement faire du cinéma uniquement en plan(s) séquence(s), quitte à tricher numériquement, ce qu'Hitchcock et autres ne pouvaient faire : pourquoi le faire ? Pour quel sens narratif cinématographique ? Autant les cas Birdman ou 1917, que je n'aime pas, restent compliqués à traiter, tant leur ambition est limpide et pas dénuée de logique. Autant, avec Athéna, Gavras le fait uniquement parce qu'il peut le faire. C'est tout. Pourtant, la multiplicité des points de vue semblait être l'occasion de faire quelque chose de cohérent et presque nouveau, mais il n'en est rien, tant aucun des personnages ne sort de sa caricature (sauf une exception qui est la pire de tous).
Le film s'enlise, à chaque fois un peu plus, jusqu'à l'arrivée d'un dernier acte RIDICULE, où l'imposture de Gavras déclarant vouloir faire une tragédie grecque sur le parcours de 3 frères (plus le 4e mort qui lance tout) explose, tellement il prouve qu'il est incapable de faire évoluer un récit ou un parcours de personnage sans en devenir débile.
Sans oublier la dernière scène, qui montre ce qu'on avait déjà bien compris avant, c'est à dire que la police n'y est pour rien, les méchants sont les gens d'extrême droite, comme s'il y avait une séparation nette et évidente entre les deux, bonjour la France :D Au moins Les Misérables (douteux dans le fond aussi, par rapport aux Salafistes) assumait la bavure policière, l'expliquant sans la justifier, et avait l'honnêteté à la fin de son film de dire qu'il ne savait quoi répondre à la question "et maintenant, quoi ?", tant tout le monde a raison et tort à la fois et sont tous victime d'un système. Et non pas d'individus isolés servant d'agitateurs pour éviter les vraies questions qui fâchent, franchement au secours !
Bref, ce petit bourgeois qui n'a jamais manqué de rien de Gavras mérite bien son surnom de "bandeur de cité et de violence"
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107 mothers, Peter Kerekes

Le film m'a plu, même s'il veut raconter trop de choses, un peu perdu entre la tentation documentaire, l'hyper-esthétisation des plans (magnifiques, mais un peu rigides), et la multiplicité des récits. Le personnage de la gardienne qui lit les lettres des détenues, s'occupe de leurs enfants, écoute leurs conversations au parloir et se fait sermonner par sa propre mère sur l'existence qu'elle mène (elle aurait dû se marier et faire des enfants depuis longtemps) est d'une grande beauté. On tenait là un film en soi. Mais le réalisateur a cherché la choralité et le film en pâtit légèrement, paraissant bien plus long qu'il ne l'est réellement.
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Zlotowski, un vrai cas d'école, est une cinéaste qui progresse à chaque film. Elle en a fait 5, et chacun de ces 5 est meilleur que le précédent, lui-même meilleur que le précédent, etc. Pourtant avec le superbe Une Fille Facile, je la pensais arriver au sommet, mais non, elle parvient à m'étonner, me surprendre, m'émouvoir et m'éblouir avec ce superbe mélodrame qu'est Les Enfants des Autres, un film qui fait littéralement revivre le cinéma français des années 70, de Truffaut à Sautet, mais sans jamais sombrer dans la miévrerie de la citation ou de la commémoration d'un passé muséifié. C'est bien un film de son temps, et qui parle merveilleusement de son temps, tout en le magnifiant, en le transformant en espace de cinéma. L'autre grande référence de ce film est le sublime Kramer Vs. Kramer de Benton, bien que le film n'ait pas le même sujet, il serait en quelque sorte son miroir contemporain. Aujourd'hui les familles ne se séparent plus (ça c'est le cinéma d'il y a 40 ans) mais elles essaient tant bien que mal (plutôt mal) de se recomposer. Afin de bien se caler dans le sillage de Benton, Zlotowski utilise même la musique de Vivaldi aui accompagne Kramer vs Kramer. Le film est d'une beauté profonde et terrifiante, sur ce qu'est l'amour, et le temps qui passe, et la maternité, ou son absence, et comment s'investir dans une famille déjà en place, arriver comme une pièce rapportée, ou pas... La cinéaste va loin dans la finesse de son discours et l'acuité de son regard, aidée par des comédiens bouleversants de justesse et de précision. Déjà envie de le revoir...

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1979, une bande de joyeux drilles s'enfonce dans l'Amérique profonde pour aller tourner un film porno en comité réduit, dans une maison louée à un couple de vieux dégénérés, qui va les dézinguer l'un après l'autre comme dans les bons vieux slashers des 70's. X s'impose d'emblée comme le meilleur revival du genre, en proposant une relecture jouissive et réalisée avec talent et ingéniosité. Une merveille du genre, dont j'ai appris que le cinéaste avait déjà fini le préquel, nommé "Pearl", que j'ai super hâte de découvrir.

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Pendant 35 minutes interminables d'ennui, Hazanavicius parodie un film de zombies volontairement hyper mal tourné, hyper mal joué. Insoutenable. Puis, pendant l'heure et vingt minutes qui reste, il essaie de t'expliquer pourquoi et comment ce film de zombie que tu viens de t'enquiller est super mauvais. Et je crois que je préfère encore la merde d'origine au fait qu'on essaie de m'expliquer pourquoi on a fait de la merde, volontairement. Horrible.

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Je l'ai lancé pensant que c'était un Jacques Becker tardif, mais non c'est un Jean Becker du début, et on sent malheureusement tout de suite la différence entre père et fils. C'est malheureusement les débuts de Bébel et la fin de Belmondo, il en fait des caisses, dans un film qui essaie de plagier De Broca avec beaucoup moins de talent.

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Revu avec les enfants, qui ont beaucoup ri sur certaines séquences, mais qui visiblement ont trouvé le rythme et le film dans son ensemble un peu chelou. Perso j'en gardais un bien meilleur souvenir, méga coup de vieux.
I like your hair.
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Tamponn Destartinn
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Mia Hansen Love continue dans son sillage de l'autobiographie vite fait dissimulée (Léa Seydoux est traductrice et non réalisatrice), mais cette fois avec un sujet plus universel et plus grave que d'habitude : la maladie dégénérative de son père, perdant toute capacité à vivre indépendamment, et surtout à lire et à penser, cruauté ultime pour un intellectuel (prof de philo d'études supérieures, ça elle ne l'a pas changé). Bref, c'est surement l'étape la plus triste de sa vie et donc son film le plus triste. Et sa première grande force est d'éviter tout pathos. Le film est étrangement "aimable". Déjà parce qu'Hansen Love arrive en peu de temps à nous rendre familier son alter égo ainsi que sa famille, et aussi le film n'est que douceur perpétuelle, il y a quelque chose d'agréable là dedans, c'est dur à décrire. Pourtant les scènes avec Pascal Greggory sont déchirantes, d'autant plus que lui est immense dans son jeu très minimaliste. Sauf qu'il n'y a pas que ça. Il y a aussi beaucoup de scènes avec le reste de sa famille et notamment la mère, jouée par une formidable Nicole Garcia, apportant un contre-point comique bienvenu. Et puis surtout, le film est autant l'histoire du déclin et de la future mort d'un père que de la renaissance d'un sentiment amoureux. Le personnage principal est en pause romantique depuis 5 ans, depuis la mort du père de sa fille (seul gros changement par rapport à sa vraie vie : ici, Mia a tué Assayas ! LOL !). Et c'est alors que son père doit être transféré en Ehpad qu'elle tombe sur un ami marié, dont le couple bat de l'aile, et avec qui elle va vivre une grande histoire d'amour. Le vrai film est cela : la pulsion de vie au moment où la mort rode partout, le retour aux sentiments et au danger amoureux. Melvil Poupaud est impeccable dans le rôle (quitte à mettre Seydoux maitresse d'un mec plus vieux, c'est bien mieux avec lui que Podalydès !) et cela finit donner à ce film d'apparence très simple une partition globale extrêmement bien dosée.
Dans le genre, j'ai pensé à Mia Madre.


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Bon, là grosse avant première me concernant. C'est drôle d'enchainer avec ce film, parce qu'il a gagné en "final" contre Hansen Love pour représenter la France aux Oscars.
Du coup, au jeu des comparaisons : moi j'aime moins celui là. Même si, dans son aspect le plus documentaire, c'est à dire la reconstitution d'un vrai procès, le film est réussi. Ca tombe bien, c'est 80% du film. Le souci est le personnage "principal" ou du moins point de vue, cette femme dans le public qui s'avère assez peu intéressante à partir du moment où on la suit en dehors des murs du tribunal. Je me demande si je suis passé à côté de quelque chose (pour le faire court, je ne l'ai pas vu dans une salle de cinéma, ça a dû jouer dans mon ressenti), mais je ne trouve pas que ce soit le grand film qu'on veut nous vendre depuis son succès à Venise. Reste un sujet fort, dans le cadre d'un film de procès qui est un genre toujours intéressant quand il est bien fait.
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asketoner
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Sans Filtre, Ruben Ostlund

Film aussi fin qu'une blague de collégien qui vient de voir apparaître son premier poil. Ruben Ostlund appuie beaucoup trop, simplement parce qu'il le peut. Mais pour quoi faire ? Un épisode de Koh Lanta qui sonne faux. La lutte des classes encore, comme Parasite, mais cette fois ce n'est même pas pour les nuls, c'est pour juste pour faire genre. La preuve : l'affrontement entre le capitaliste de l'est et le marxiste de l'ouest qui se résume à un duel de citations tirées d'une rapide recherche Google. Pas chers les dialogues. Pas chers les mots clefs non plus : un coup vite fait de matriarcat par ci par là, et le tour est joué. Peut-être que Ruben Ostlund est le cinéaste qui va faire échouer la notion même de sujet, vu la désinvolture avec laquelle il investit le sien. C'est la phase terminale du film politique : rien de plus qu'un vague discours électoral. Et surtout rien derrière.

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Il est des nôtres, Jean-Christophe Meurisse, 2013

Un homme qui vit dans une caravane entreposée dans un squat, et les gens qui viennent le voir.
Le film ressemble beaucoup à une série d'impros théâtrales légèrement en roue libre, que le montage se charge de rythmer un peu. Il n'empêche : c'est tendre, c'est beau, il y a des moments de grâce. Une femme très vieille qui se déshabille, deux amants qui discutent de ce qu'ils n'ont pas aimé dans le sexe qu'ils viennent de faire ensemble, un homme qui raconte la rencontre amoureuse qui l'a le plus bouleversé dans sa vie, un type qui tape très fort son paillasson contre sa porte, un concours de slips sur les épaules... Quand l'humour ne prend pas, le poème est quand même là. Des gens ensemble, ça peut suffire quand un cinéaste veut vraiment les regarder.
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asketoner
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Quatorze juillet, René Clair, 1932

Un film très stylisé, qui s'efforce de construire un monde, avec ce réalisme poétique si spécifique du cinéma français, qu'on retrouve chez Carné notamment. Le film se perd un peu dans une histoire de femme fatale et de mauvais garçons, mais le plus troublant, le plus touchant, c'est bien la candeur des êtres qu'il dépeint, leur façon d'être démunis face à tout, et de garder en eux un espoir immense malgré cela. La nuit de fête jusqu'au baiser sous le porche de l'immeuble aurait suffi à faire un très grand film. Après, le scénario s'en mêle.

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Une si jolie petite plage, Yves Allégret, 1949

Là, par contre, c'est plus banal. C'est beau, assez prenant au début tant qu'on ne sait rien (un homme arrive dans un hôtel de bord de mer en hiver et ne veut pas parler), mais à chaque nouvelle information qu'on nous donne, l'intérêt décroît, la surprise s'émousse. C'est assez intéressant sur la question de l'information justement : ce n'est pas parce qu'on en divulgue une qu'on donne quelque chose au spectateur.
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Tyra
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:hello:
Assez pris par la rentrée et par mon petit bout, je vois peu de films, en salle ou chez moi, mais je vous lis toujours avec grand plaisir !

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Sentiment un peu double devant le film : oui, Mouret atteint désormais une certaine aisance, une plénitude dans ce qu'il fait, et certaines scènes sont proche de l'état de grâce. Exit le burlesque de la première partie de son œuvre, ici c'est la veine Allenienne de ses derniers films, dans laquelle il semble s'épanouir (on perd du coup la fragilité, le décalage de ses premiers films).
Bémols : je suis d'accord avec ce qui a été dit plus haut, l'absence de contre-point de la femme et des enfants me semble une facilité, une façon de ne pas s'emmerder avec les contraintes de l'adultère. Macaigne ne semble jamais obligé de cacher quoi que ce soit, il semble assez libre dans ses horaires, rentre à l'heure qu'il veut, Mourret semble vouloir se concentrer sur la pure "magie" de la rencontre amoureuse sans aucun parasite d'aucune sorte derrière (organisationnel ou moral), et du coup ça manque parfois d'enjeux.
Autre problème : je trouve l'épilogue un peu raté (il fallait finir sur Macaigne qui apporte son aide au déménagement du nouveau couple de femmes). Le spleen de l'homme qui regrette son amour perdu, honteux de sa lenteur pour se déclarer, m'a semblé un peu forcé. Ca ne marche pas très bien, on ne sent pas la mélancolie des meilleurs Woody Allen sur le sujet (puisque ça semble être un modèle).
A part ça, Kiberlain, quelle grande actrice !
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cyborg
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Un Godard riche et complexe mélangeant ses problématiques habituelles (le couple/l'amour, le montage etc) à des problématiques de politique très précise (la guerre dans les Balkans, la guerre Israel/Palestine) avec une sorte d'aisance et de naturel dont JLG seul avait le secret. Beaucoup de choses m'ont échappé, mais ce qui me reste est particulièrement fort. En fait, j'ai envie de le revoir et sa brièveté (1h20) devrait le permettre : toujours cet effet "deux fois" chez JLG...

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Zud - Marta Minorowicz

Au fin fond de la Mongolie un père enseigne à son fils l'art de monter à cheval pour concourir dans une grande course nationale. Si l'histoire est assez banale et se suit sans surprise ni déplaisir, notamment grâce aux superbes paysages, je me demande vraiment l'intérêt que rencontre la réalisatrice pour ceux qu'elle met en scène. Tourné avec une approche qui se veut "fiction-documentaire" (ou "documentaire-fiction" ?) j'avoue ne pas bien comprendre ou se trouve l'intérêt d'une telle forme si c'est pour dire si peu, poser des enjeux si petits ? Pourquoi ne pas faire du documentaire directement, laisser les choses telles qu'elles sont et le réel advenir de lui-même ? Assurément c'est plus compliqué, plus incertain. Mais le résultat n'en serait-il pas plus intéressant et beau ?

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I’ve Heard the Mermaids Singing - Patricia Rozema

Découverte de la réalisatrice canadienne Patricia Rozema avec un film voulant parler de la vie d'une jeune lesbienne un peu perdue face à son premier travail fixe (assistante d'une galeriste) mais qui reste terriblement superficiel, se voulant intelligent et décalé mais ne faisant qu'esquisser quelques vagues schémas et problématiques. On préfère faire trainer une scène vaguement humoristique au restaurant et on coupe le film au moment ou aurait pu enfin se jouer et se dire quelque chose d'intéressant. Le tout fini par ressembler plus à un long épisode de Mister Bean queer (l'humour, le style de mise en scène...) qu'à autre chose. Dur...

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Voyant son logement détruit par les autorités new-yorkaise, un vieille homme (Harry) se retrouve à la rue avec son chat (Tonto). Débute pour eux une errance à travers l'amérique les menant chez chacun des enfants de Harry : Queens, Chicago puis enfin Los-Angeles. L'occasion pour lui de renouer avec chacun d'eux, une dernière fois, mais aussi de se faire de nouveaux amis et de vivre, peu ou prou, les rêves de voyage de sa jeunesse que sa vie rangée lui avaient fait oublier.
Harry et Tonto est une surprenante variation du genre road-movie, mis en scène en 1974 par l'injustement oublié Paul Mazursky. Le film est particulièrement intéressant pour deux raisons : d'une part avoir pour personnage central un vieil homme (avec tout ce que cela recouvre : des enfants eux-même vieillissants, des problèmes de santé...) et d'autre part de porter à l'écran un classe moyenne qui vit chichement, pas vraiment pauvre mais pour qui l'on imagine des fins de mois difficile. Par ces choix et par la dignité avec laquelle sont présentés les personnages, réalistes mais sans amertumes, le film ne tombe pas dans la mièvrerie (qui, pourtant, guète) et devient vite émouvant. Le final, plein d'espoir, n'en résonne alors que plus justement.
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asketoner
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Tori et Lokita, Luc et Jean-Pierre Dardenne


La démonstration est implacable : on aurait dû donner des papiers à Lokita. Un point c'est tout. Les Dardenne ont vraiment réussi leur coup. On reproche beaucoup au film d'être trop sombre mais c'est qu'on ne veut tout simplement pas prendre la mesure de l'injustice que les cinéastes dénoncent. (On fait généralement le même reproche à Ken Loach.) Mais c'est la moindre des choses que de renvoyer par le cinéma, au monde, sa cruauté et sa violence.
Par ailleurs, le propos est porté par une mise en scène parfaite et lumineuse. Tori est petit, Lokita est grande : il s'agit, pour les Dardenne, de les faire toujours tenir ensemble dans le champ, de tout le temps maintenir la relation entre les deux enfants, au contraire des institutions qui s'ingénient à les séparer. Les cinéastes outrepassent donc la dénonciation que leur récit opère en transgressant la loi injuste par une mise en scène juste. L'espoir est là. C'est clair et net. C'est ce que peut le cinéma.
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B-Lyndon
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Aucun ours, Panahi, 2022.

Panahi abandonne la ligne claire qui faisait la beauté de Trois visages et opte pour une construction labyrinthique dont lui-même serait le point pivot. Et c'est là que le bat blesse : le personnage de Panahi-réalisateur dans le film n'est pas tout à fait convaincant, et fait écran à ce que le film pourrait rendre visible. Pour une fois, la subtilité et l'élégance du geste en font un film plus poseur que penseur. Panahi, en se mettant devant la caméra, cache ce qu'il veut montrer. Position ambiguë, un peu plaintive, du cinéaste empêché mais vers qui tout converge, qui dessert le propos.


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Tori et Lokita, Jean-Pierre & Luc Dardenne, 2022.

J'aime les films des Dardenne car les corps, dans leurs films, paraissent toujours un peu plus grands, un peu plus petits, un peu plus fins, un peu plus gros que dans la vie. Il suffit de voir les acteurs parler du film en interview et c'est saisissant. Godard avait demandé à Huppert sur le tournage de Sauve qui peut (la vie), d'être le "visage de la souffrance". Les Dardenne visent à la fois la même clarté et la même abstraction. Et si la souffrance qui ouvre le film par le biais du visage tremblant de Lokita est implacable, il me semble que les frères ont retrouvé, après deux-trois films un peu cérébraux, une vitalité dans la mise en scène de l'action. Les Dardenne, au contraire de 90 % des cinéastes d'aujourd'hui qui se réclament d'eux, ne demandent pas tout à un visage, et c'est ainsi que leurs films périlleux s'en sortiront toujours. Il y a de moins en moins de mystère et de relief dans leur cinéma, mais ce sont toujours des metteurs en scène géniaux et lumineux. Moi, ça me suffit. Car la clarté de leur geste évite tout sentimentalisme, toute plainte, toute pesanteur fictionnelle.

Les deux jeunes acteurs injectent quelque chose de très beau dans leur cinéma qui ronronnait un petit peu. Ca court, ça se chamaille, ça traverse la nuit mais le jour est tout aussi cruel, peut-être plus, car il s'agit pour les deux faux-vrais-frères et sœur de se battre contre le visible. J'ai été bouleversé par deux plans : l'un, apparemment anodin, où Tori et Lokita s'échappent dans la forêt. Le soleil tape fort sur eux, Lokita boite et tient Tori par la main, on dirait qu'elle est une géante, que lui est le petit poucet, et qu'il s'agit de retrouver le royaume, comme Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit, qui, en marchant, faisait comme ressurgir les décombres d'une cité engloutie où les gens se parlaient encore. Et puis, un plan où les deux personnages dévalent une dune de sable sur une petite planche souple trouvée là. Il y a une force burlesque dans le cinéma des frères. On lance une pièce en l'air (puisqu'on ne parle que d'argent) et on voit comment elle retombe. Un plaisir, une joie cruelle à voir des gens essayer de se réunir, de s'atteindre. La dernière fois que j'avais ressenti une émotion formelle avec leurs films, c'était quand on poussait Adèle Haenel dans un trou dans La fille inconnue. Des trous, il y en a plein ici, c'est même par une série de trous dans le hangar de la plantation de cannabis que Tori démonte patiemment qu'il parvient à retrouver sa sœur. Et quand ils se retrouvent, ils se font un check.

Les Dardenne sont forts car la quête formelle du film prétend toujours diverger de la quête des personnages : Lokita veut ses papiers, les Dardenne veulent la voir étreindre son frère. Et les deux quêtes, à la fin, se réunissent : Lokita n'a pas eu ses papiers, Tori n'a pas pu enlacer sa sœur. Et ce sont ces deux choses qui sont insupportables, ces deux manques qui finissent par converger. La société virtualise les rapports sociaux, empêche les gens de se toucher, de se saisir le bras, de se caresser, de partager une sensualité commune autre que par un rapport d'asservissement et de prostitution (qui, ces dernières années, a eu le courage de filmer ça, avec une telle force ?). Les papiers, ce n'est qu'un prétexte pour organiser cet empêchement. Qu'importe que Tori et Lokita soient frères et sœurs ? Ce qui importe, c'est de voir ce petit poucet dévaler un couloir et dire en substance à l'assistante sociale : "pourquoi ne voyez vous pas que c'est ma sœur ? de quel droit ne le voyez vous pas ?" .

Je vois tant de réactions hostiles et agressives au film pour des raisons qui excèdent le cinéma, c'est insupportable. Moi, je serai toujours du côté des metteurs en scènes, des gens qui croient que la caméra ne sert pas à flouter mais à rendre visible. Bien entendu que plus leur cinéma avance, moins il est séduisant, poétique, il est clair que l'envie de démontrer prime aujourd'hui sur le "je sais pas" qui donnait la mesure de leur plus beau film, Le Fils. On est pas obligés de crier au chef-d'œuvre, mais on n'est pas obligé non plus de leur reprocher. Car dans ce film, c'est très clair, on voit : il y a toujours des routes, des bouts de forêts, un hangar, un homme dans le bus qui donne son chemin, un autre homme qui aide Tori à envoyer de l'argent en Afrique...Il ne s'agit pas de dire que le film est l'égal de L'Intendant Sansho, mais peut-être de dire qu'un film qui a compris la leçon formelle du cinéma de Mizoguchi ne peut qu'être, pour toujours, mon ami. A la fin, Tori dit "Maintenant t'es morte, et je vais être tout seul". C'est émouvant parce que je crois qu'à cet instant, les frères se parlent. Et quand ils seront morts tous les deux, nous leur dirons probablement la même chose.
Modifié en dernier par B-Lyndon le jeu. 13 oct. 2022 12:34, modifié 6 fois.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon
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asketoner a écrit :
mar. 11 oct. 2022 18:41
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Tori et Lokita, Luc et Jean-Pierre Dardenne


La démonstration est implacable : on aurait dû donner des papiers à Lokita. Un point c'est tout. Les Dardenne ont vraiment réussi leur coup. On reproche beaucoup au film d'être trop sombre mais c'est qu'on ne veut tout simplement pas prendre la mesure de l'injustice que les cinéastes dénoncent. (On fait généralement le même reproche à Ken Loach.) Mais c'est la moindre des choses que de renvoyer par le cinéma, au monde, sa cruauté et sa violence.
Par ailleurs, le propos est porté par une mise en scène parfaite et lumineuse. Tori est petit, Lokita est grande : il s'agit, pour les Dardenne, de les faire toujours tenir ensemble dans le champ, de tout le temps maintenir la relation entre les deux enfants, au contraire des institutions qui s'ingénient à les séparer. Les cinéastes outrepassent donc la dénonciation que leur récit opère en transgressant la loi injuste par une mise en scène juste. L'espoir est là. C'est clair et net. C'est ce que peut le cinéma.

Heureusement que je t'ai pas lu avant d'écrire, sinon j'aurais juste dit : :jap: :jap: :jap: :jap:
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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@B-Lyndon : totalement totalement totalement d'accord !
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La Condition de l'homme, partie 1 : Il n'y a pas de plus grand amour, Masaki Kobayashi, 1959

C'est pour beaucoup de gens un chef d'oeuvre, mais je me suis un peu emmerdé. En fait le film est trop collé à son récit. Il met de la beauté plastique par-dessus, avec des cadres bien composés, mais c'est par-dessus le récit, pas de l'intérieur. Alors ça n'interagit jamais. Il y a les thèmes d'un côté (l'humanisme, la guerre, l'amour), et l'esthétique de l'autre (les diagonales, les silhouettes bien découpées, les jolies symétries). Franchement, je me suis vraiment secoué pour voir ça en entier. Je m'y suis pris en deux fois. Je tombais de sommeil à chaque fois. Ca va être dur de me convaincre de voir les deux autres films de la trilogie.
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asketoner a écrit :
ven. 14 oct. 2022 17:11
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La Condition de l'homme, partie 1 : Il n'y a pas de plus grand amour, Masaki Kobayashi, 1959

C'est pour beaucoup de gens un chef d'oeuvre, mais je me suis un peu emmerdé. En fait le film est trop collé à son récit. Il met de la beauté plastique par-dessus, avec des cadres bien composés, mais c'est par-dessus le récit, pas de l'intérieur. Alors ça n'interagit jamais. Il y a les thèmes d'un côté (l'humanisme, la guerre, l'amour), et l'esthétique de l'autre (les diagonales, les silhouettes bien découpées, les jolies symétries). Franchement, je me suis vraiment secoué pour voir ça en entier. Je m'y suis pris en deux fois. Je tombais de sommeil à chaque fois. Ca va être dur de me convaincre de voir les deux autres films de la trilogie.
N'arrête pas. J'avais le même avis que toi sur les 2 premiers mais j'avais adoré le 3eme. J'en pensais ça : "La dernière partie est sublime, de loin la plus réussie et bouleversante des trois. Il s'agit d'une interminable marche funèbre vers la mort, parcours d'un homme qui tente de se frayer un frayer un passage dans un brouillard de plus en plus épais. Le discours qui est quand même par moments légèrement appuyé dans les deux premières parties, laisse place à la puissance évocatrice très images. On évolue d'une jungle étouffante à des une plaine enneigée aride en passant par d'immenses champs agricoles désertiques.
C'est beau, onirique, viscéral."
len'
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asketoner a écrit :
ven. 14 oct. 2022 17:11
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La Condition de l'homme, partie 1 : Il n'y a pas de plus grand amour, Masaki Kobayashi, 1959

C'est pour beaucoup de gens un chef d'oeuvre, mais je me suis un peu emmerdé. En fait le film est trop collé à son récit. Il met de la beauté plastique par-dessus, avec des cadres bien composés, mais c'est par-dessus le récit, pas de l'intérieur. Alors ça n'interagit jamais. Il y a les thèmes d'un côté (l'humanisme, la guerre, l'amour), et l'esthétique de l'autre (les diagonales, les silhouettes bien découpées, les jolies symétries). Franchement, je me suis vraiment secoué pour voir ça en entier. Je m'y suis pris en deux fois. Je tombais de sommeil à chaque fois. Ca va être dur de me convaincre de voir les deux autres films de la trilogie.
Justement, c'est pour ça qu'il faut continuer.
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yhi
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asketoner a écrit :
mar. 11 oct. 2022 18:41
La démonstration est implacable
Mais c'est d'une froideur... Comme le dit B-Lyndon il y a peut être un peu plus de vie que dans les précédents, mais ça me passe quand même vachement au-dessus. Niveau démonstration on est presque plus proche de Jeanne Dielman que d'un Loach là.

Je vois aussi un paradoxe de mise en scène qui me laisse perplexe dans la limite de ce que les frères s'autorisent à montrer. Ce qui ne peut être montré est complètement éludé, tout ce qui touche au sexuel notamment. Jusque là Ok. Mais alors pourquoi ce qui peut être montré (d'après eux) doit forcément l'être dans les moindre détails (ai-je besoin de connaitre le prix du gramme d'herbe en Belgique ou le temps qu'il faut tremper le cannabis pour qu'il pousse bien ?). A cause de ça, le film qui ne dure même pas 1h28 parait en durer 2h. Et ça participe à cet effet global clinique, comme si le film avait besoin d'un hyper-naturalisme alors que les personnages se suffisent parfaitement à eux-mêmes.
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yhi a écrit :
sam. 15 oct. 2022 23:14
Mais alors pourquoi ce qui peut être montré (d'après eux) doit forcément l'être dans les moindre détails (ai-je besoin de connaitre le prix du gramme d'herbe en Belgique ou le temps qu'il faut tremper le cannabis pour qu'il pousse bien ?). A cause de ça, le film qui ne dure même pas 1h28 parait en durer 2h.
J'ai eu la sensation que le film allait à toute allure au contraire. Il y a quelque chose de mécanique, comme toujours chez eux.
Par ailleurs, le fait de montrer Lokita prendre soin du cannabis, au lieu de prendre soin de Tori ou que quelqu'un prenne soin d'elle, je trouve ça plutôt fort.
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Mujo - This transient life - La Vie éphémère, Akio Jissoji, 1970

Après avoir découvert le cinéma fou de Shuji Terayama l'année dernière, j'avais envie de poursuivre un peu dans l'exploration du cinéma japonais. Mujo m'avait été vivement conseillé mais j'ai trouvé ça à peu près aussi neuneu qu'un film de Gaspar Noé. La représentation de la sexualité est sans doute très audacieuse pour l'époque et la société, mais je la trouve plutôt répugnante : les femmes ont deux options : avoir peur, ou avoir mal. Aucun coït n'a lieu sans qu'il n'ait l'air d'un rapt. Au milieu du film, on nous gratifie d'une dissertation bien argumentée sur l'enfer et le paradis niveau première année de catéchisme. Et tout est filmé avec beaucoup trop de mouvements de caméra. Après, oui, c'est beau à regarder de temps en temps. Le travail sur les contrastes est fascinant. Comme le cinéaste semble très anxieux de toujours inventer quelque chose d'original, il arrive que ça tombe juste et que ça produise une scène étonnante. Malgré ces moments, l'impression de superficialité et d'immaturité est trop forte pour que je m'intéresse un peu plus à ce Jissoji.
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B-Lyndon
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La Sentinelle, Arnaud Desplechin, 1992.

Film invraisemblable, sauvage, guerrier. Qui n'a peur de rien — ni de la poésie, ni du burlesque, ni de la psychologie, ni des sentiments, ni de la politique. Ni de Godard, ni de Truffaut, ni de Rivette, ni de Hitchcock, ni de Brecht. Les acteurs sont extraordinaires, d'une drôlerie, d'une bizarrerie, d'une sensualité folles. Comment Desplechin a pu faire une chose pareille ?
C'est curieux, j'ai aussi découvert Roubaix, une lumière que j'avais loupé à sa sortie et que j'ai découvert il y a quelques jours. Le film semble tout autant investi de désir qu'il y a 30 ans, mais ça ne marche plus du tout. Pourquoi ? Je crois que l'affirmation, périlleuse, du cinéma de Desplechin, c'est : le réel n'existe pas. Nous n'existons pas. Sauf qu'il y a, dans La Sentinelle, un véritable contrepoint : c'est la tête du mort, glissée dans la valise du héros pour que lui, l'étudiant légiste, observe cette tête, l'analyse, la prenne dans ses mains, la fracasse, en tombe amoureux. Cette tête est à la fois une métaphore, mais surtout une matière. A qui appartenait-elle ? Bon, ben il faut chercher. Nationalité, âge, groupe sanguin...Et cette quête, elle créée un truc qui n'existe plus dans le cinéma de Desplechin : des scènes qui s'étirent, qui s'installent dans la durée, où l'on sent le plaisir du cinéaste à filmer les prélèvements, la mâchoire qu'on décroche, le plomb qu'on retrouve dans les dents. La tête du mort est devenue le monde — en témoigne cette séquence où Matthias la cache dans une mappemonde, idée enfantine, simple et sublime (le monde, c'est les vivants et les morts, le passé fossilisé sous la terre, mais c'est surtout de la matière, rien que de la matière). Desplechin aurait pu devenir le grand cinéaste naturaliste que nous attendions en France, mais naturaliste au sens propre : le monde est un laboratoire scientifique, dans lequel il faut glisser ses mains. Comme ses personnages, sa haine de ce qui "sonne vrai" a fini par l'aveugler, et cette haine est devenue une peur. Aujourd'hui, Desplechin ne fait plus de scènes, ses films ne sont plus que de vagues idées de fictions flottant sans matière. Ce sont des films qui films refusent tout. La Sentinelle ne se refuse rien.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
lun. 17 oct. 2022 12:30
Comment Desplechin a pu faire une chose pareille ?
Oui, on s'était posé cette question ici même, il n'y a pas très longtemps. Perso, je suis fan absolu (c'est son plus beau film, je suis catégorique). Maintenant, quand je fais un top 30 ou top50 ever, je me bats pour qu'il y figure :D
(je l'ai découvert très tôt, je crois que c'est même le tout premier Desplechin que j'ai vu de ma vie. mais j'ai du le revoir 4-5 fois. Il est inépuisable ce film).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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