Le Centre de Visionnage : Films et débats

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cyborg
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@sokol :lol: :D
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sokol
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groil_groil a écrit :
mar. 7 mars 2023 10:11
... sont visités par 4 types (visiblement tirés au sort par le destin) qui les séquestrent en leur annonçant que le monde va être détruit par une suite de catastrophes apocalyptiques et que le seul moyen d'éviter la fin du monde, c'est le sacrifice d'un d'entre eux, mais c'est à eux de choisir lequel des trois y passera. Comment croire deux secondes à ça franchement ? Qui plus est, c'est exactement le même pitch que le naveton Mise à Mort du Cerf Sacré de Lanthimos.
J'avais trouvé nettement plus intéressant le pitch de "The Box" (Richard Kelly). Tu l'avais vu ?
("Norma et son époux mènent une vie paisible dans une petite ville des Etats-Unis jusqu'au jour où une mystérieuse boîte est déposée devant leur domicile. Quelques jours plus tard, se présente l'énigmatique Arlington Steward qui leur révèle qu'en appuyant sur le bouton rouge de la boîte, ils recevraient 1 000 000 $, mais cela entraînerait la mort d'un inconnu...")
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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sokol a écrit :
mar. 7 mars 2023 11:06
groil_groil a écrit :
mar. 7 mars 2023 10:11
... sont visités par 4 types (visiblement tirés au sort par le destin) qui les séquestrent en leur annonçant que le monde va être détruit par une suite de catastrophes apocalyptiques et que le seul moyen d'éviter la fin du monde, c'est le sacrifice d'un d'entre eux, mais c'est à eux de choisir lequel des trois y passera. Comment croire deux secondes à ça franchement ? Qui plus est, c'est exactement le même pitch que le naveton Mise à Mort du Cerf Sacré de Lanthimos.
J'avais trouvé nettement plus intéressant le pitch de "The Box" (Richard Kelly). Tu l'avais vu ?
("Norma et son époux mènent une vie paisible dans une petite ville des Etats-Unis jusqu'au jour où une mystérieuse boîte est déposée devant leur domicile. Quelques jours plus tard, se présente l'énigmatique Arlington Steward qui leur révèle qu'en appuyant sur le bouton rouge de la boîte, ils recevraient 1 000 000 $, mais cela entraînerait la mort d'un inconnu...")
oui j'avais vu. Raté aussi. à choisir je préfère The Box, y compris pour le pitch car dans cette boite se synthétisait une forme d'abstraction impossible dans le Shyamalan.
Et l'esthétique du film, très Cronenberg 80's était très réussie.
Mais le film n'était pas très bon j'en conviens (comme tout ce qu'à fait Richard Kelly d'ailleurs).
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cyborg
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Ha non, Southland Tales c'est assez génial par son côté grand film malade et fou, pour peu que l'on passe outre l'esthétique à la mode de l'époque.
Tu l'as vu @groil_groil ?
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sokol
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cyborg a écrit :
mar. 7 mars 2023 11:17
Ha non, Southland Tales c'est assez génial par son côté grand film malade et fou, pour peu que l'on passe outre l'esthétique à la mode de l'époque.
TU m'as pris du bec (tu vivras bien plus longtemps que moi - dit-on dans ce cas dans ma langue maternelle - et je le souhaite de tout mon cœur, bien évidement) : moi aussi j'avais beaucoup aimé Southland Tales ! (tiens, un film que j'aimerais revoir - dit-il, celui qui n'a même pas pu voir Le rebelle le weekend-dernier :( je n'ai fait que du sport et donc dormir... :( )
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groil_groil
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cyborg a écrit :
mar. 7 mars 2023 11:17
Ha non, Southland Tales c'est assez génial par son côté grand film malade et fou, pour peu que l'on passe outre l'esthétique à la mode de l'époque.
Tu l'as vu @groil_groil ?
ah oui j'ai vu, horrrrriiiible souvenir :D
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asketoner
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Les Amis, Gérard Blain, 1971

C'est le premier film de Gérard Blain comme réalisateur, pourtant il semble faire directement suite à Un Enfant dans la foule tourné cinq ans plus tard. Dans Les Amis, on retrouve Paul à seize ans, rêvant de devenir acteur, prenant des cours, et imitant les manières des bourgeois pour être accepté d'eux. Il entretient une relation avec un homme bien plus âgé que lui, patron d'une imprimerie, qui l'amène en vacances dans un palace en Normandie, lui donne de l'argent, lui fait prendre des cours d'équitation et choisit le programme des soirées pour eux deux (plutôt le cinéma d'art et essai que les sketchs de Jacques Martin au casino). Il semble très attaché à cet homme, sans ambivalence directe ni dégoût, pourtant il tente aussi, parallèlement à cette relation, de mener une vie de jeune homme, de rencontrer des gens de son âge, devenant ami avec un garçon lucide mais plein de tact et tombant amoureux d'une fille de bonne famille.
Le film est poignant, sec, sans complaisance. La mise en scène montre magnifiquement le désir d'un jeune homme pauvre pour les classes sociales supérieures, à quel point ce désir le brise, le corrompt et le perd - et lui donne aussi cette force inouïe de mener plusieurs vies à la fois. La façon dont est filmée la relation entre Paul et le patron génère une interrogation permanente : aucun geste n'échappe totalement, comme si l'on pouvait croire nous-mêmes que ce monsieur n'a pas d'autre ambition que de protéger ce garçon. Philippe est la marque de ses carences sociales et affectives, mais il est aussi son unique chance. Toute la cruauté du récit (toute sa vérité, sa violence, sa tristesse) tient à ce paradoxe.
Le plus beau est peut-être la relation qui naît entre Paul et l'autre jeune homme, qui voit bien que Philippe n'est pas seulement le parrain de Paul, mais qui laisse Paul lui mentir, et puis lui dire la vérité, et qui saura l'accompagner au moment opportun. Il y a une grande délicatesse dans la description de ce lien.
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Tamponn Destartinn
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J'ai écouté deux critiques du film depuis que j'en suis sorti. Celle du podcast de Bégaudeau, qui déteste et est nostalgique de l'époque où Spielberg était conspué par la critique. Il se fait porte parole de la "chapelle Bresson", celle du cinéma du réel qui serait l'anti Spielberg en somme. Puis la critique de CaptureMag, soit l'inverse total, ceux qui représentent en France le plus la chapelle Spielberg, qui aiment ce Cinéma d'effets, qu'ils trouvent supérieur au mollasson cinéma d'auteur français, et qui ont évidemment adoré le film. Bref. Il en ressort quoi ? Que cette guerre des chapelles me fatigue beaucoup. On pourrait la résumer à : Frères Lumière VS Melies, tu n'as le droit d'en aimer qu'un, lequel ? D'un coup, le côté débile de la chose est plus clair si on va chercher ces cinéastes là.

Spielberg est l'un des meilleurs dans son domaine. Dans son style de cinéma. C'est un fait depuis le début, à tel point que j'ai aucun souci quand dans le film il se montre gamin faire tout de suite du super bon boulot applaudit à chaque projection. Prétentieux, mais je pense qu'il a bien gagné le droit de prétendre. (Ses arrangements avec la réalité est surement ce qu'il y a de plus intéressant de toute façon. Ce n'est peut être pas pour rien que l'affiche de Ford la plus mise en avant - car la dernière - soit L'homme qui tua Liberty Valence : ça doit être le film préféré de Spielberg, notamment parce qu'il doit se reconnaitre dans la formule "entre la vérité et la légende, imprimez la légende". )
Bref, ce que je voulais dire c'est que Spielberg a selon moi qu'un seul gros défaut : il veut faire sans cesse du cinéma, mais parfois il donne l'impression de ne pas trop savoir quoi faire, donc il prend un truc au hasard et ça donne un objet creux.
On sort d'une grosse période comme ça. Pour moi, les années 2010s c'est ça quasiment pour chacun de ses films !
Là où les années 80s, ses films étaient traversés d'une envie de résoudre le trauma dont il parle dans son film actuel, ou bien les années 2000s, ils étaient pris d'une soudaine noirceur, l'aveu de la perte d'un idéal qui le terrifiait autant qu'il lui apportait un renouveau créatif.
Et là, pour l'instant, les années 2020s commencent très bien et annoncent un nouvelle période très intéressante. Ca a commencé avec le remake de West Side Story. Paradoxalement, car sur le papier, c'était la quintessence du "qu'est ce que je peux faire, je sais pas quoi faire ?". Mais non. En fait ça amorçait un regard dans le rétroviseur, un regard sur le Cinéma et l'enfance avec les yeux d'un homme mature qui s'assume tel quel. Quelqu'un qui renonce à la formule du blockbuster à succès (ses deux derniers films sont des bides aux US) sans pour autant se renier. Son savoir faire est au service de quelque chose qui l'anime de nouveau, et ça se sent.

Voila. Est ce que je dois parler du film en lui même ?
En fait, j'ai plus trop envie après avoir lu Cyborg, parce qu'il a un peu tout dit.
L'ouverture du film m'a sidéré de par sa maitrise et la limpidité de ce qu'il raconte. Tout est dit sur ses parents, et Spielberg annonce d'ores et déjà son twist : oui il pense qu'il tient de sa mère, mais en vrai c'est aussi un technicien qui doit beaucoup à son père.
Après, le film est trop long. Je trouve qu'il se répète beaucoup sur la partie adultère de ses parents, à force cela s'affadit. Mais ce n'est pas grave. Spielberg n'a jamais été parfait, mais qu'il est à ce niveau d'excellence, ce serait chipoter que s'en tenir aux défauts. Aussi, pour quelqu'un qui n'a que trop rarement su finir ses films, il vient là de conjurer le sort d'une manière incroyable !
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 12:10
Celle du podcast de Bégaudeau, qui déteste et est nostalgique de l'époque où Spielberg était conspué par la critique.
:ouch: J'ai écouté le podcast hier mais j'ai pas entendu ça
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
mar. 7 mars 2023 15:53
Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 12:10
Celle du podcast de Bégaudeau, qui déteste et est nostalgique de l'époque où Spielberg était conspué par la critique.
:ouch: J'ai écouté le podcast hier mais j'ai pas entendu ça
Il me semble qu'il le dit plutôt vers le début
Bégaudeau s'interroge sur pourquoi la critique est unanime sur ce Spielberg, et pourquoi Spielberg a été réhabilité plus généralement, rappelant qu'à une époque Spielberg était au mieux considéré comme un divertisseur, jamais un bon cinéaste, le moins bon de sa bande du nouvelle Hollywood, etc.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 16:19
Il me semble qu'il le dit plutôt vers le début
Bégaudeau s'interroge sur pourquoi la critique est unanime sur ce Spielberg, et pourquoi Spielberg a été réhabilité plus généralement, rappelant qu'à une époque Spielberg était au mieux considéré comme un divertisseur, jamais un bon cinéaste, le moins bon de sa bande du nouvelle Hollywood, etc.
Ça oui. Il dit qu'il était considéré comme le dernier de la liste de ceux du Nouvel Hollywood (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Woody Allen, George Romero, Michael Cimino, George Lucas, Brian de Palma, John Cassavetes, Terrence Malick - la liste est la mienne). Et il a bien raison car il n'y a pas photo. Puis, effectivement, à force des passages du type qui venait sur l'ancien site des alediens (je ne me souvient plus de son pseudo mais je crois qu'il y avait bien le mot Spielberg qui y figurait :D), ce dernier est devenu célèbre sur la terre entière :lol:
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
mar. 7 mars 2023 16:31
Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 16:19
Il me semble qu'il le dit plutôt vers le début
Bégaudeau s'interroge sur pourquoi la critique est unanime sur ce Spielberg, et pourquoi Spielberg a été réhabilité plus généralement, rappelant qu'à une époque Spielberg était au mieux considéré comme un divertisseur, jamais un bon cinéaste, le moins bon de sa bande du nouvelle Hollywood, etc.
Ça oui. Il dit qu'il était considéré comme le dernier de la liste de ceux du Nouvel Hollywood (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Woody Allen, George Romero, Michael Cimino, George Lucas, Brian de Palma, John Cassavetes, Terrence Malick - la liste est la mienne). Et il a bien raison car il n'y a pas photo. Puis, effectivement, à force des passages du type qui venait sur l'ancien site des alediens (je ne me souvient plus de son pseudo mais je crois qu'il y avait bien le mot Spielberg qui y figurait :D), ce dernier est devenu célèbre sur la terre entière :lol:
Dans le même genre, y avait le personnage de Dawson, série des années 90 niaise au possible, qu'était fan de Spielberg et moqué pour ça. Et ça m'indiquait à moi adolescent qu'en effet, c'était la honte de considérer Spielberg comme un grand cinéaste.
(Dawson dans lequel a commencé sa carrière Michelle Williams, l'actrice jouant la mère de Spielberg dans son dernier film)

Quoiqu'il en soit, Bégaudeau se dit nostalgique de l'époque où il y avait consensus au sein de la critique française pour dire ça de Spielberg, je ne l'ai pas rêvé.
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 17:38

Quoiqu'il en soit, Bégaudeau se dit nostalgique de l'époque où il y avait consensus au sein de la critique française pour dire ça de Spielberg, je ne l'ai pas rêvé.
Oui, il dit ça et il a bien raison. C’est à peu près la même chose que je disais sur un réseau social à propos d’un truc qui a pendu récemment Michel Ciment : quand on accepte qu’il donne ses points sur la dernière page des Cahiers, c’est qu’on a accepté qu’on a régressé, c’est si simple que ça. Il ne faut pas s’étonner qu’il passe maintenant pour une lumière (je ne sais plus de quoi parlait-il précisément mais il avait dit des énormités).
Bégaudeau a raison quand il dit qu’une bonne partie de la presse française (beaucoup moins celle des USA) a défendu The Fabelmans parce que Spielberg est un des derniers ‘mohicans’ donc il est défendu ‘par défaut’ (faute de mieux). De toute façon le papier des Cahiers est pitoyable. Begeaudeau explique assez bien aussi que le cinéma peut, petit à petit disparaitre (au moins celui qu’on aime, car celui des super-héros a encore très probablement de beaux jours devant lui). Ça a duré déjà 120 ans, ce n’est pas mal.mais peut être il disparaîtra (bien sûr, avant tout pour des raisons financières).
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sokol a écrit :
mar. 7 mars 2023 23:52
Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 17:38

Quoiqu'il en soit, Bégaudeau se dit nostalgique de l'époque où il y avait consensus au sein de la critique française pour dire ça de Spielberg, je ne l'ai pas rêvé.
Oui, il dit ça et il a bien raison. C’est à peu près la même chose que je disais sur un réseau social à propos d’un truc qui a pendu récemment Michel Ciment : quand on accepte qu’il donne ses points sur la dernière page des Cahiers, c’est qu’on a accepté qu’on a régressé, c’est si simple que ça. Il ne faut pas s’étonner qu’il passe maintenant pour une lumière (je ne sais plus de quoi parlait-il précisément mais il avait dit des énormités).
Bégaudeau a raison quand il dit qu’une bonne partie de la presse française (beaucoup moins celle des USA) a défendu The Fabelmans parce que Spielberg est un des derniers ‘mohicans’ donc il est défendu ‘par défaut’ (faute de mieux). De toute façon le papier des Cahiers est pitoyable. Begeaudeau explique assez bien aussi que le cinéma peut, petit à petit disparaitre (au moins celui qu’on aime, car celui des super-héros a encore très probablement de beaux jours devant lui). Ça a duré déjà 120 ans, ce n’est pas mal.mais peut être il disparaîtra (bien sûr, avant tout pour des raisons financières).


Ah ça, s'il y a bien un truc qui n'a pas changé en 15 ans de forum allociné, c'est l'idée que le cinema se meurt :D
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 8 mars 2023 00:25

Ah ça, s'il y a bien un truc qui n'a pas changé en 15 ans de forum allociné, c'est l'idée que le cinema se meurt :D
Oh pardon, il se porte comme un charme
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 7 mars 2023 12:10
En fait, j'ai plus trop envie après avoir lu Cyborg, parce qu'il a un peu tout dit.
Cyborg dit (très justement) que le film sent la naphtaline or, je vient de voir que tu l’as très bien noté dans ta liste. Je ne comprend pas trop
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groil_groil
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J'ai découvert avec surprise que Laëtitia Masson sortait un nouveau film ce mois-ci et j'étais curieux d'avoir des nouvelles de celles qui fut l'une des égéries du cinéma d'auteur français des années 90, dont la côte attribuée essentiellement par la presse a toujours été pour moi largement surestimée. Ma seconde surprise fut de constater qu'elle n'avait en fait jamais arrêté de tourner depuis la fin des 90's mais que ses films étaient passés de plus en plus inaperçus à tel point que je n'étais même pas au courant de leur existence. Elle revient donc avec un film au gros casting et au pitch fort : le dérèglement climatique fait qu'il fait un froid de canard en plein mois de juin et que les gens, partout en France, vont ce qu'ils peuvent pour survivre avec cette nouvelle contrainte, engendrant des solitudes profondes et des destins contrariés. Plusieurs personnages solitaires et perdus, d'univers différents, vont donc se croiser, et des couples, cabossés, se former. C'est donc une sorte de film chorale auquel nous sommes confier, mais dont nous restons en permanence à l'extérieur, sans jamais être concernés de rien. Car absolument rien n'est susceptible d'éveiller le moindre intérêt là-dedans. Les personnages sont mal aimables, les intrigues inexistantes et les destins d'une grande vacuité. ça se finit comme ça s'est commencé, le film passe sur toi comme de l'eau sur les plumes du cygne mort qui en est l'une des figures centrales et rien ne reste. Et puis, malgré son gros casting qui a sans doute accepté le film par amitié (je n'ai pas trouvé d'autre raison valable, mais c'en est une), le film fait fauché, en voulant se donner les moyens d'être aisé (image cinémascope, grands décors...). Je n'ai rien contre les films fauchés, bien au contraire, c'est souvent ceux que je préfère, mais je suis gêné par le film qui refuse de montrer qu'il est fauché et essaie de te faire croire qu'il joue dans une autre catégorie. ça lui donne un côté pas franc du collier, comme s'il refusait d'accepter ce qu'il est, et cette sensation enterre définitivement l'ensemble duquel je ne sauve rien, si ce n'est le plaisir de voir Elodie Bouchez qui à 50 ans n'a, je crois, jamais été aussi belle.
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Tyra
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J'ai aimé celui-ci, ce qui n'était pas arrivé depuis un moment (j'étais passé à coté de Introduction, pas vu Juste sous vos yeux). Mais justement, c'est parfois lorsqu'on aime un film d'un cinéaste qu'on en voit mieux ses limites. Cela m'a sauté aux yeux dans ce film mais c'était déjà présent dans ses précédents : je ne crois pas en ces figures vides d'artistes (écrivains, cinéastes, principalement), qu'on ne voit jamais au travail, ou jamais en parler sérieusement, qu'on ne voit jamais habités par quelque choses, dire quelque chose d'intéressant sur ce qu'ils font. Ce sont des figures un peu creuses et détachés du monde (chez Rohmer par exemple, puisqu'on le compare souvent, les personnages sont beaucoup plus situés et moins idéalisés, ils sont employés, trieurs de courriers, ingénieurs, antiquaires, etc).
Et ça reste, à mon gout, un cinéma modeste, dans ce que ça a de péjoratif, plus joli que beau (même si là, il y a quelque chose de très beau qui se joue à la fin, c'est vrai).

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Pour embrayer directement après la critique de Groil, je ne sais pas si on peut dire que c'est "catho de droite", car c'est vraiment de la morale chrétienne très mal digérée dans ce cas... Jesus se sacrifie pour sauver l'humanité, il n'a jamais été question du sacrifice d'innocents comme ça l'est présenté dans le film et même, dans l'ancien testament, lorsqu'Abraham sacrifie son fils Isaac, Yahvé arrête son geste.
Bref, c'est un film détestable, et je ne comprends pas la mansuétude général autour de Shyamalan, alors que la critique est plus alerte sur Haneke ou Lantimos... Lantimos qui avait déjà fait un film avec cette thématique immonde, mais au moins c'était assez insoutenable et l'horreur de la situation était représentée telle qu'elle l'est vraiment et n'était pas englobée dans un habillage de divertissement du film du samedi soir. Mais bon, Shyamalan a une bonne bouille, il a l'air gentil comme tout, alors ça passe.
Ce que je déteste aussi c'est ce sous-texte sur la croyance en un récit (ici celui qui est ici raconté par les quatre illuminés). Il y avait la même chose dans La Jeune fille de l'eau dans lequel le septique (un critique de cinéma, lol) était tué. "Malheur à toi spectateur si tu ne crois pas à mes récits poussifs, incohérents, et absolument chiant (car ce film arrive à l'être malgré sa brièveté), tu seras puni."
Modifié en dernier par Tyra le mer. 8 mars 2023 17:37, modifié 1 fois.
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groil_groil
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Tyra a écrit :
mer. 8 mars 2023 13:18
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J'ai aimé celui-ci, ce qui n'était pas arrivé depuis un moment (j'étais passé à coté de Introduction, pas vu Juste sous vos yeux). Mais justement, c'est parfois lorsqu'on aime un film d'un cinéaste qu'on en voit mieux ses limites. Cela m'a sauté aux yeux dans ce film mais c'était déjà présent dans ses précédents : je ne crois pas en ces figures creuses d'artistes (écrivains, cinéastes, principalement), qu'on ne voit jamais au travail, ou jamais en parler sérieusement, qu'on ne voit jamais habités par quelque choses, dire quelque chose d'intéressant sur ce qu'ils font. Ce sont des figures un peu creuses et détachés du monde (chez Rohmer par exemple, puisqu'on le compare souvent, les personnages sont beaucoup plus situés et moins idéalisés, ils sont employés, trieurs de courriers, ingénieurs, antiquaires, etc). Et ça reste, à mon gout, un cinéma modeste, dans ce que ça a de péjoratif, plus joli que beau (même si là, il y a quelque chose de très beau qui se joue à la fin, c'est vrai).

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Pour embrayer directement après la critique de Groil, je ne sais pas si on peut dire que c'est "catho de droite", car c'est vraiment de la morale chrétienne très mal digérée dans ce cas... Jesus se sacrifie pour sauver l'humanité, il n'a jamais été question du sacrifice d'innocents comme ça l'est présenté dans le film et même, dans l'ancien testament, lorsqu'Abraham sacrifie son fils Isaac, Yahvé arrête son geste.
Bref, c'est un film détestable, et je ne comprends pas la mansuétude général autour de Shyamalan, alors que la critique est plus alerte sur Haneke ou Lantimos... Lantimos qui avait déjà fait un film avec cette thématique immonde, mais au moins c'était assez insoutenable et l'horreur de la situation était représentée telle qu'elle l'est vraiment et n'était pas englobée dans un habillage de divertissement du film du samedi soir. Mais bon, Shyamalan a une bonne bouille, il a l'air gentil comme tout, alors ça passe.
Ce que je déteste aussi c'est ce sous-texte sur la foi en un récit, celui qui est ici raconté par les quatre illuminés (qui ont raison, donc). Il y avait la même chose dans La Jeune fille de l'eau dans lequel le septique (un critique de cinéma, lol) était tué. Malheur à toi spectateur si tu ne crois pas à mes récits poussifs, incohérents, et absolument chiant (car ce film arrive à l'être malgré sa brièveté), tu seras puni.
:jap:
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sokol
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Tyra a écrit :
mer. 8 mars 2023 13:18

J'ai aimé celui-ci, ce qui n'était pas arrivé depuis un moment (j'étais passé à coté de Introduction, pas vu Juste sous vos yeux). Mais justement, c'est parfois lorsqu'on aime un film d'un cinéaste qu'on en voit mieux ses limites. Cela m'a sauté aux yeux dans ce film mais c'était déjà présent dans ses précédents : je ne crois pas en ces figures creuses d'artistes (écrivains, cinéastes, principalement), qu'on ne voit jamais au travail, ou jamais en parler sérieusement, qu'on ne voit jamais habités par quelque choses, dire quelque chose d'intéressant sur ce qu'ils font. Ce sont des figures un peu creuses et détachés du monde (chez Rohmer par exemple, puisqu'on le compare souvent, les personnages sont beaucoup plus situés et moins idéalisés, ils sont employés, trieurs de courriers, ingénieurs, antiquaires, etc). Et ça reste, à mon gout, un cinéma modeste, dans ce que ça a de péjoratif, plus joli que beau (même si là, il y a quelque chose de très beau qui se joue à la fin, c'est vrai).
Si on va par là (c'est à dire, si on veut savoir quel cinéma fait HSS) , à mon opinion, strictement cinématographiquement parlant, il fait du Bresson et pas du Rohmer car chez lui, il n'y a quasiment ni de psychologie ni de sociologie (chez Rohmer, oui). Donc, si tu dis que Bresson a fait un cinéma creux et détaché du monde (je te cite), ça c'est complétement un autre sujet.

ps: essaie d'écouter Bégaudeau à propos de "Conte de cinéma". Il parle beaucoup beaucoup mieux que moi du cinéma de HSS. Et justement, il évoque son travail en tant que cinéaste (de quoi Hong Sang-soo est-il le nom )
https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... -de-cinema
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Tyra
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sokol a écrit :
mer. 8 mars 2023 16:23
Tyra a écrit :
mer. 8 mars 2023 13:18

J'ai aimé celui-ci, ce qui n'était pas arrivé depuis un moment (j'étais passé à coté de Introduction, pas vu Juste sous vos yeux). Mais justement, c'est parfois lorsqu'on aime un film d'un cinéaste qu'on en voit mieux ses limites. Cela m'a sauté aux yeux dans ce film mais c'était déjà présent dans ses précédents : je ne crois pas en ces figures creuses d'artistes (écrivains, cinéastes, principalement), qu'on ne voit jamais au travail, ou jamais en parler sérieusement, qu'on ne voit jamais habités par quelque choses, dire quelque chose d'intéressant sur ce qu'ils font. Ce sont des figures un peu creuses et détachés du monde (chez Rohmer par exemple, puisqu'on le compare souvent, les personnages sont beaucoup plus situés et moins idéalisés, ils sont employés, trieurs de courriers, ingénieurs, antiquaires, etc). Et ça reste, à mon gout, un cinéma modeste, dans ce que ça a de péjoratif, plus joli que beau (même si là, il y a quelque chose de très beau qui se joue à la fin, c'est vrai).
Si on va par là (c'est à dire, si on veut savoir quel cinéma fait HSS) , à mon opinion, strictement cinématographiquement parlant, il fait du Bresson et pas du Rohmer car chez lui, il n'y a quasiment ni de psychologie ni de sociologie (chez Rohmer, oui). Donc, si tu dis que Bresson a fait un cinéma creux et détaché du monde (je te cite), ça c'est complétement un autre sujet.

ps: essaie d'écouter Bégaudeau à propos de "Conte de cinéma". Il parle beaucoup beaucoup mieux que moi du cinéma de HSS. Et justement, il évoque son travail en tant que cinéaste (de quoi Hong Sang-soo est-il le nom )
https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... -de-cinema
Ah je suis convaincu aussi que le rapprochement des cinémas de Rohmer et Hong Sang-soo est une fausse piste. Pour Bresson il faudrait creuser, je ne sais pas. Pour appuyer ce que nous disons : je me souviens d'une interview où Rohmer, en bazinien strict (ce que je filme est le réel, en gros), rejetait toute représentation des rêves au cinéma, il n'aimait pas ça du tout. Ce qui l'éloigne d'un HSS qui mélange alégrement le songe et le réel.
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B-Lyndon
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Le Barrage, Ali Cherri, 2023.

Que dissimule donc Ali Cherri sous ces multiples plans d'arbres, d'eau, de boue et de sable, d'hommes qui travaillent dans le désert ; sans cesse recouverts par des notes de synthé un peu fatigantes ? Pas de goût pour le collage dans ce film, l'association libre, mais une linéarité un peu faiblarde, la forme d'un voyage initiatique qui ne décolle jamais vraiment, engoncé dans un symbolisme qui ne dit pas son nom. La situation politique du Soudan exprimée par des voix à la radio - mon dieu, me suis-je dit, comment est-ce qu'on peut encore filmer ça comme ça ? Je ne dis pas que ça n'existe pas "dans la vie" (j'écoute la radio moi-même tous les matins en regardant le soleil se lever depuis mon petit studio, et c'est ainsi que l'horreur du monde ou ses soulèvements me parviennent, ou font mine de me parvenir), mais n'y a t-il pas d'autres biais de mise en scène pour faire entendre la révolte du peuple soudanais dans ce quotidien ? L'idée, d'ailleurs, que lorsque le réel surgit dans la vie de ces ouvriers, c'est aussi le surnaturel qui s'impose, est stimulante. Mais le cinéaste n'en fait pas grand chose. En fait, le film ne trouve jamais vraiment le lien entre sa piste fantastique et le propos politique qu'il sous-tend. J'aurais même préféré que le nom du président Omar el-Bechir ne soit jamais prononcé dans le film - peut-être aurais-je senti les images plus libres, moins soumises à un vouloir-dire à la fois trop timide pour que mon corps ressente pleinement le lien, et trop plaqué pour que ces images m'apparaissent véritablement pour ce qu'elles sont. Je n'ai pas beaucoup senti le travail de la boue dans ce film, ni le travail, ni la boue. Mais un acharnement à vouloir dire autre chose de ce travail et de cette boue, les charger d'une autre dimension, avant de simplement commencer par me les donner à voir, à sentir, à ressentir.
J'ai eu l'impression d'un film avec beaucoup d'idées très belles, mais qui n'avait jamais vraiment trouvé sa matière, son lieu, ses axes de caméra, le fil le plus solide de son récit. Un film comme le brouillon un peu confus d'un poème : des visions séduisantes mais sans la charpente assez solide pour les porter, et ainsi donc sans rythme véritable, donc sans violence, sans cri - une douceur subie, qui est l'autre nom de la mollesse.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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Tyra a écrit :
mer. 8 mars 2023 17:34

Ah je suis convaincu aussi que le rapprochement des cinémas de Rohmer et Hong Sang-soo est une fausse piste. Pour Bresson il faudrait creuser, je ne sais pas. Pour appuyer ce que nous disons : je me souviens d'une interview où Rohmer, en bazinien strict (ce que je filme est le réel, en gros), rejetait toute représentation des rêves au cinéma, il n'aimait pas ça du tout. Ce qui l'éloigne d'un HSS qui mélange alégrement le songe et le réel.
:jap:
Et merci pour l’info concernant cet interview de Rohmer (oui, il n’y a pas un seul rêve dans ses films or, il aurait pu y avoir haut la main).
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B-Lyndon
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Tamponn Destartinn a écrit :
sam. 25 févr. 2023 15:29
B-Lyndon a écrit :
sam. 25 févr. 2023 14:48
sokol a écrit :
ven. 24 févr. 2023 23:48
1. Le livre d’image (Godard)

Attends-toi de devoir modifier ce passage de ta liste dans quelques mois...Je ne peux rien dire de plus :D

T'es complètement en train d'annoncer qu'il y a un dernier film surprise de Godard qui va arriver, là :saint:

Oui, et pas qu'un.
Nicole Brenez vient de l'annoncer, ce n'est plus un secret de polichinelle.


https://www.critikat.com/panorama/entre ... ar-brenez/

« Un mot enfin sur Film annonce du film “Drôles de Guerre”, inédit de Jean-Luc Godard qui dure une vingtaine de minutes, « allie au principe du carnet celui de la planche d’exposition associant multiples images et collages » (p. 280) et « offre à la fois un accomplissement et de nouvelles radicalisations formelles » (p. 279). Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette œuvre ultime, dont le « sublime minimalisme » parachève, selon vous, « le travail d’une vie » ?

Dans Film annonce du film “Drôles de Guerre”, Jean-Luc Godard trouve de nouvelles équivalences entre la page et le plan, entre le projet et l’achèvement, entre la reprise et la novation. Mais je peux surtout vous dire que ce ne sera pas l’ultime film. Avant de partir, Jean-Luc en a prévu, dirigé, supervisé plusieurs autres. Fabrice Aragno et Jean-Paul Battaggia sont à pied d’œuvre pour les terminer matériellement. Et je crois que l’on retrouvera aussi beaucoup de trésors filmiques aux statuts les plus divers.
»
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Diabolik est l'un des personnages de bande dessinée les plus célèbres et les plus emblématiques d'Italie, mais son succès n'a jamais dépassé les frontières, ce qui explique qu''il ne sort chez nous qu'en dvd. La production du film est à la hauteur de la renommée transalpine du personnage : gros moyens, décors et image soignée, durée de 2h13, ils ont mis le paquet. Mais l'ensemble est bancal, et ne prend jamais, car le résultat veut se présenter comme un film sérieux et costaud, un peu à la James Bond, alors qu'il n'est au fond qu'une série B. ça manque de déconne, d'humour, de décontraction. Et l'ensemble est beaucoup trop long, rien n'est coupé, la moindre ouverture de coffre-fort prend 10mn sans pour autant que cette durée génère du temps de cinéma. Le film ressemble in fine à la grenouille voulant se faire plus grosse que le boeuf.

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En tant que gros fan du film d'origine, un des deux ou trois meilleurs films d'horreur, et un de mes films préférés tout court, je ne peux qu'être intéressé par un reboot 2022. Disons-le d'emblée c'est une franche déception. Pas une merde, mais le film est lambda, aseptisé, et ne peut en aucun cas rivaliser, ni même être comparé au chef-d'oeuvre de Barker. Le souci c'est que le film ressemble à quasiment tous les films d'horreur actuels, dont le centre n'est plus l'intrigue, mais une bande de jeunes gens qui discutent entre eux, mais qui n'ont rien à se dire. Du temps de perdu. Les cénobites sont plutôt bien désignés, mais pour exemple, la première apparition de Pinhead a lieu à 1h08mn de métrage... Comme si le cinéaste redoutait le fait de se confronter au mythe et trainait plus que de raison. Et puis, pourquoi avec fait de Pinhead une femme ? Cela n'a aucun sens ? c'est un personnage existant, et le personnage est masculin, pourquoi le changer en femme ? L'ensemble se regarde, mais c'est presque triste de voir relancer un mythe pareil pour n'en proposer que ça, un petit film d'horreur parmi d'autre, juste là pour alimenter du contenu. Sa seule vertu restera de m'avoir donné envie d'encore revoir le Clive Barker, joyau noir et inégalé.
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Dans la banlieue de Montpellier, Luna est une jeune femme qui vient d'avoir son CAP horticulture, et qui choisit mal ses fréquentations. Son mec comme sa bande de potes sont d'affreux connards et un soir de défonce dans un vieux hangar, ils maltraitent et violent un jeune garçon venu là pour tagger. Luna recroise le type chez le paysan où elle fait son alternance. C'est la saison des prunes, et lui aussi vient gagner un peu d'argent avec le ramassage. Elle a changé de coupe de cheveux, il faisait nuit ce soir-là, il ne la reconnait pas. Elle cherche à l'éviter à tout prix, puis à le faire virer, mais petit à petit elle se rapproche de lui, trouve le courage de larguer son crétin de mec, et commence à sortir avec le jeune garçon. Elle vit comme jamais elle n'a vécue, elle est heureuse et épanouie. Mais elle ne lui a toujours pas dit la vérité... Ce premier et seul long-métrage à ce jour de la jeune cinéaste Elsa Diringer donne vraiment envie qu'elle puisse en faire d'autres. Son film est solaire, habité, et même si bien sûr, notamment dans l'enchainement des scènes, on y voit quelque chose d'un peu scolaire, il faut bien commencer, il est porté par des comédiens lumineux et une vraie envie de raconter par le cinéma. Sorti en salle en avril 2018, et on n'a malheureusement rien vu d'autre d'elle depuis...

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Ada - Elsa Diringer - 2009

Un ado en vacances en camping avec sa mère, tombe amoureux d'une jeune femme d'origine étrangère qui travaille aux champs. Troisième court-métrage de la cinéaste, et presque 10 ans avant son seul long, et déjà tout ce qui deviendra Luna est en place. Beau court.

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C'est à Dieu qu'il faut le dire - Elsa Diringer - 2011

Le quotidien d'une jeune femme d'origine africaine entre ses enfants, sa solitude et son boulot précaire. Autre court de la cinéaste de "Luna", qui m'a un peu moins convaincu, mais qui montre aussi une vraie personnalité de cinéaste.

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Deux malfrats décident de manière presque hasardeuse de suivre une jeune femme pour la posséder. Ils se cachent un moment dans la villa d'en face qui n'est pas habitée, avant de peu à peu s'introduire chez elle par tous les moyens, notamment la séduction, afin d'arriver à leurs fins. Incroyable film au ton osé et provocateur pour l'époque (nous ne sommes qu'en 1960 et la plupart des révolutions américaines n'ont pas encore eu lieu), j'imagine que ce devait être à l'époque du pur cinéma indépendant diffusé dans des réseaux parallèles, tant je n'imagine pas un tel film intégrer les circuits hollywoodiens traditionnels. Quoiqu'il en soit, ça reste un film très fort aujourd'hui, original et jusqu'au-boutiste, qui brille aussi et surtout par ses qualités plastiques incroyables.

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C'est étonnant et rassurant de voir un tel film en 2023 tant la facture apportée à l'objet semble venir de temps anciens. C'est un film très beau plastiquement, fait avec un grand soin, les décors, costumes, photo, lumière sont impeccables et vous font immédiatement plonger dans cette ambiance Hollywoodienne de 1939 et la réactivation du détective Marlowe se fait de manière instantanée - même si Liam Neeson semble souvent un peu trop âgé pour le rôle. La mise en scène est fluide, agréable, et tout se passe bien au niveau scénaristique, l'ensemble est quasi irréprochable. Mais pourtant, plus on se rapproche du dénouement, plus l'attention se délite... Le film manque clairement d'enjeux, et à la limite, on vient même à regretter qu'il y ait eu une intrigue, pour se rendre compte qu'elle intéressait si peu. L'errance dans un décorum si bien reconstitué aurait presque suffit.
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sokol
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J’ai, enfin, regardé le seul film du turc Ceylan que je n’avais jamais vu :
Winter sleep

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C’est un remake du “Mépris” mais qui cache “Caché” (de Haneke, et que j’aime beaucoup).

Or il est des années de lumière et de l’un et de l’autre car :
1. si «Caché» règle la dette morale par un des suicides les plus impressionnants de l’histoire de cinéma :

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« Winter sleep » la règle avec quelques billets verts brûlés dans une cheminée :

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2. et, si la fin scénaristique (c’est à dire, au niveau de l’histoire) du Mépris (encore et toujours, comme dans tous les films de Godard) relève du réel, c’est à dire il s’agit d’une lettre écrite :

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chez Ceylan, toujours scénaristiquement parlant, la fin se règle par la voix OFF du héros principal du film (la seule et unique voix off : un cheveux dans la soupe après 3h de film !), voix que sa femme n’entendra bien sûr jamais. Donc tout le contraire du réel, du cinéma matérialiste : pas d’image réel (des paysages accompagnés de cette voix off et c’est la fin) donc une fin qui est réglée par un cinéma idéaliste (au sens Platonien : j’ai une idée qui est la voix off du mari. Pour nous dire : sa femme ne l’entendra pas car il est trop orgueilleux pour le dire de haute voix).
Modifié en dernier par sokol le lun. 13 mars 2023 22:18, modifié 2 fois.
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The Fabelmans de Steven Spielberg

En écho à la première séquence, aux premières images de cinéma, je me rends compte à quel point les films de Spielberg hantent ma mémoire. Cette émotion enfantine éprouvée devant les "choses en grand", m'évoque mes propres premières émotions devant des réalisations, ou des productions, du cinéaste, comme s'il s'agissait d'un membre éloigné de la famille que je sais présent mais que j'oublie à force, que je méprise ou que j'aime selon les moments, les périodes. Aujourd'hui j'aime, et il faut remonter à la guerre des mondes pour que j'aime autant. J'y retrouve ce trouble qui manquait un peu aux films historiques, presque trop réels, de plus en plus éloignés de la magie empruntée à sa mère à qui il rend hommage ici. Le simple choix de Michelle Williams semble tellement surréaliste, elle qui a débuté dans une série consacrée à un ado fan de... Spielberg. Un choix pourtant évident puisque même en tant que second rôle, l'actrice attirait déjà la lumière.
Malgré tout, il ne s'agit pas ici d'un retour à ses premiers films, en témoigne son échec au box office qui marque une véritable rupture avec les foules toujours en quête de vibrants fantasmes pour oublier l'instabilité du monde. À partir des années 70, années marquant le début d'un long cauchemar économique refoulée pour les occidentaux (qui se révèle seulement aujourd'hui, étrangement, comme le film de Spielberg), il eut pourtant une influence considérable en exportant à l'échelle planétaire une sorte de prolongement du rêve américain, au sens enfantin, c'est à dire emmitouflé sous la couette avec un tas de bonbons, de posters et de figurines tandis que la tornade (ou t-rex) passe dehors. Néanmoins, le succès de ses blockbusters tenait déjà à une confusion, le grand spectacle étant savamment utilisé pour cacher les images intimes et les véritables angoisses sans pour autant les effacer, de même que la lumière artificielle chère à Spielberg avait cette fonction ambivalente de révéler autant que d'aveugler. La scène de la mère qui danse, éclairée par les phares, prend ainsi une dimension essentielle puisqu'elle convoque tous les trucs du cinéaste tout en créant un malaise inédit, notamment par sa sensualité. Il y a l'esprit fantomatique mais il y a aussi le corps, rétablissant quelque chose qui a souvent été absent dans les films de Spielberg. Cela peut paraître un changement infime mais ça témoigne d'une volonté de se laisser pousser les ongles même si cela ne change pas l'harmonie musicale.
Oui, c'est un cinéma classique avec des événements qui paraissent anodins, un cinéma qui me rebute normalement, mais Spielberg fait partie encore des quelques exceptions. Il y a quelque chose qui je n'arrive toujours pas à saisir, qui me fascine, même après tout ce temps et peut-être aussi parce que tout ce temps. Oui, je me sens pleinement parti pris, j'aime sûrement d'une façon qui va au-delà de son film présent. Comme le dit le père à propos de la mère : "nous avons parcouru un trop long chemin pour que ça se termine", ça ne se terminera donc jamais avec Spielberg, c'est comme ça.
La séquence du lycéen perturbé par son film de vacances m'interpelle cependant, parce que je me sens comme lui : à la fois troublé par cette fausse image de lui-même et ému par une puissance véritable. Même là, où la tension est amplifiée, le cinéaste ne cesse d'associer ingénierie et mélancolie comme pour rétablir par les images une alliance parfaite entre mère et père désunis. Il ne peut s'empêcher, et c'est toute la force du film ce trouble qui naît par ce tiraillement entre la révélation et la confirmation que le vieux Spielberg ne reste pas si éloigné du jeune Spielberg.
Conscient de ça, il finit par une blague enfantine - plutôt géniale, comme seuls les enfants savent les faire -, avec David Lynch incarnant John Ford et ce qui est dit sur l'horizon. Confusion encore, il y a de quoi se demander si Spielberg ne se fiche pas du monde puisqu'on pourrait considérer que son cinéma cherche la voie du milieu. Mais en guise de clin d'œil moqueur, il relève juste sa caméra pour souligner l'horizon, et ce geste suffit à me faire sourire comme un gosse.
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@len'
Ne le prends pas mal mais : pourquoi aucun parmi vous qui avez aimé The Fabelmans ne parlent pas du film mais plutôt de Spielberg (et son œuvre) ? Même le papier des Cahiers est d’une pauvreté criante ! Quand est-ce que je vais lire une critique (positive, dans ce cas) digne de ce nom sur ce film et pas sur la filmographie de S ?
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sokol a écrit :
lun. 13 mars 2023 22:06
@len'
Ne le prends pas mal mais : pourquoi aucun parmi vous qui avez aimé The Fabelmans ne parlent pas du film mais plutôt de Spielberg (et son œuvre) ? Même le papier des Cahiers est d’une pauvreté criante ! Quand est-ce que je vais lire une critique (positive, dans ce cas) digne de ce nom sur ce film et pas sur la filmographie de S ?
Oui, je le reconnais, pour moi impossible de dissocier ce film des autres. Comme je le dis, je me sens totalement parti pris. C'est comme si j'étais perdu dans un labyrinthe avec plein de passages secrets qui s'ouvrent sur des souvenirs réels ou imaginaires. Mais j'aimerais beaucoup voir l'approche de quelqu'un qui a aimé alors que tous les passages sont fermés pour lui, quelqu'un de vierge en somme.

De même pour une critique négative, parce que j'ai vu trop d'a priori de ce côté aussi. Même là, on ne peut s'empêcher de se rapporter à son oeuvre ou à vouloir faire de lui ce qu'il n'est pas. D'un côté il y a ceux qui disent qu'il n'écoute plus son grand public, de l'autre qu'il n'est pas assez radical... c'est pour ça qu'elle me fait bien rire la fin, il s'en amuse à sa façon, de manière classique donc. C'est autre chose que de nous chier à la tronche en utilisant des films de Godard en arrière fond pour faire joli.
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len' a écrit :
mar. 14 mars 2023 17:23

Oui, je le reconnais, pour moi impossible de dissocier ce film des autres. Comme je le dis, je me sens totalement parti pris.
:jap: Merci de ta réponse. Perso, heureusement où malheureusement (et pas seulement avec cet auteur mais avec quasiment tout le cinéma) je n’ai jamais eu ce problème, sachant que je me suis mis à aimer le cinéma vraiment vieux (à l’âge de 30-32 ans quoi). Et du coup, quasiment pas de madeleine de Proust.
len' a écrit :
mar. 14 mars 2023 17:23
D'un côté il y a ceux qui disent qu'il n'écoute plus son grand public, de l'autre qu'il n'est pas assez radical...
Me concernant, je le trouve juste pas honnête (ça va les chevilles ?) et peu talentueux (mettre de la musique illustrative tandis qu’il diffuse ses premiers petits films mués est un comble).
len' a écrit :
mar. 14 mars 2023 17:23
c'est pour ça qu'elle me fait bien rire la fin, il s'en amuse à sa façon
Pour moi c’est la seule bonne scène du film et, de surcroît, je trouve que c’est justement à ce moment là que le film commence (ce qui prouve que pour moi, il n’y a pas de film, il n’y a pas du cinéma avant cette scène).
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ça va faire presque un an que j'ai le film sous le coude, et son triomphe aux Oscars m'a décidé à le voir dès le lendemain. Ayant dans mon entourage autant de réfractaires que d'enthousiastes, je n'avais aucun a priori et étais très curieux de comprendre ce qui avait pu séduire autant l'intelligentsia hollywoodienne. Je dis d'emblée, je n'aime pas du tout le film. On nous a vanté un film indépendant, sortant des canons des standards hollywoodiens, irrévérencieux, rassembleur de minorités, ludique, novateur, déconnant, et tout ce qu'on veut, mais je crois qu'on oublie de dire l'essentiel : le film n'est jamais tout ça, car sa grille de lecture est celle d'un film de super-héros hollywoodien lambda, et lorsque EE dit proposer quelque chose de différent, ce n'est qu'un leurre. C'est un simple pas de côté ironique mais qui ne remets jamais en cause les canons du cinéma standard de super-héros. La soi disant différence n'est qu'un vulgaire maquillage qui disparait tout de suite, montrant vite la vraie nature du film : un produit de consommation de masse de plus, un film bien dans le rang comme les autres, mais qui arrive en déconnant, un sex-toy dans le cul pour faire le mariole. C'est en le voyant, et en voyant ça que j'ai compris pourquoi il avait tant plus, et raflé tant d'Oscars (et de Golden Globes, etc...) : il amuse les gens du cénacle en proposant une version légèrement décalée de ce qu'ils produisent à longueur d'année, mais sans jamais remettre le fonctionnement ni la machine en cause. C'est donc un produit de plus, ne présentant aucun intérêt, et donc le rythme effréné fatigue plus qu'il n'excite les sens. Et, au générique final, je vous jure que je ne le savais pas, je vois que les producteurs du film sont les frères Russo, soit parmi les réals les plus puissants d'Hollywood, responsables des inépties Avengers à la chaine. Le film n'a donc strictement rien d'indépendant, il n'est que l'émanation grotesque d'une système dominant et malade.

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Deux condamnés échappés de prison, mains liées dans le dos, fuient dans l'immensité américaine, au beau milieu de paysages grandioses et désolés, tentant de voir un hélicoptère à leurs trousses. Pour vraiment comprendre ce qu'à voulu faire Joseph Losey ici, il convient de se référer plutôt au titre original "Figures in a Landscape" dont l'abstraction sèche renvoie à la peinture moderne (cela pourrait presque être le titre d'une œuvre de Gerhard Richter) ou au cinéma expérimental (James Benning pourrait très bien nommer un de ses films ainsi). Car c'est ça qui intéresse Losey ici : prendre deux corps, les poser dans des immenses paysages désertiques, et créer une esthétique visuelle très marquée qui affirme clairement la prédominance de la plastique sur le narratif. C'est la principale qualité de ce film original et culotté, mais c'est aussi sa faiblesse. Il s'étiole sur la longueur et manque un peu de consistance pour s'achever en beauté, ne parvenant pas à atteindre ce qu'avait réussit Gerry de Gus Van Sant quelques décennies plus tard selon un principe identique.
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J'ai regardé hier, en direct (comme si c'était au cinéma) le premier épisode de la petite série "Esterno notte" de Marco Bellocchio. Arte diffusait hier soir les 3 premiers épisodes :

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Comme l’affiche italienne l'indique, en Italie, le film est sorti au cinéma en tant que long métrage (je ne sais pas comment les cinémas italiens ont procédés, si par exemple ils ont coupé en deux les 5h 30 minutes). En tout cas, la page wikipedia en italien le confirme bien : il s'agit bien d'un long métrage. De 5h30.

Si j'insiste c'est parce que ceci explique cela : le film n'a rien du tout d'une série et sa matière c'est du pur cinéma : au moins, les 60 premières minutes sont magnifiques (j'ai arrêté de regarder les deux autres épisodes car je voyais bien que j'allais m'endormir) donc, c'est comme si j'ai pas pu voir, pour une raison externe (je ne vais jamais au cinéma à 22h, par exemple) la totalité du film (que je compte plus que bien le voir en entier !!).

Ce que j'ai vu en deux mots : c'est splendide.
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sokol a écrit :
jeu. 16 mars 2023 15:01
le film n'a rien du tout d'une série
Alors si j'ai bien compris c'est juste sorti en deux fois 3 épisodes au ciné, mais j'ai pas l'impression qu'il y ait eu un montage particulier.

En tout cas, il semble difficile de dire que "ça n'a rien d'une série" alors que le medium est justement exploité comme tel. C'est plus la version ciné qui doit être un peu bizarre, à moins qu'ils l'aient remontée de manière ultra habile, mais j'en doute. Bellochio explique bien en interview (je ne sais plus si c'est celle des Cahiers ou de Positif) comment il a justement pu exploiter ce nouveau format pour faire quelque chose de différent de son précédent film qui portait sur le même sujet (que je n'ai pas vu mais ça donne envie).
En fait, "ça n'a rien d'une série" juste parce que les monceaux de séries pourries qui sortent ont galvaudé le terme. C'est juste une bonne série :D
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yhi a écrit :
jeu. 16 mars 2023 18:29

Alors si j'ai bien compris c'est juste sorti en deux fois 3 épisodes au ciné, mais j'ai pas l'impression qu'il y ait eu un montage particulier.
Oui, aucun montage particulier dans la version cinéma car chaque ‘épisode’ est centré sur un des personnages (le quatrième est centré sur la bande des Brigade Rouges qui ont comis le kidnapping) de cette histoire. Donc, très probablement, la version cinéma est identique à celui qu’on voit sur Arte, à l’exception des génériques du début et de la fin de chacun des 6 épisodes : un film de 5h30, tout simplement composé de 6 parties où chaque partie met en avant un des acteurs de cette tragédie
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sokol a écrit :
jeu. 16 mars 2023 15:01
J'ai regardé hier, en direct (comme si c'était au cinéma) le premier épisode de la petite série "Esterno notte" de Marco Bellocchio. Arte diffusait hier soir les 3 premiers épisodes :

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Comme l’affiche italienne l'indique, en Italie, le film est sorti au cinéma en tant que long métrage (je ne sais pas comment les cinémas italiens ont procédés, si par exemple ils ont coupé en deux les 5h 30 minutes). En tout cas, la page wikipedia en italien le confirme bien : il s'agit bien d'un long métrage. De 5h30.

Si j'insiste c'est parce que ceci explique cela : le film n'a rien du tout d'une série et sa matière c'est du pur cinéma : au moins, les 60 premières minutes sont magnifiques (j'ai arrêté de regarder les deux autres épisodes car je voyais bien que j'allais m'endormir) donc, c'est comme si j'ai pas pu voir, pour une raison externe (je ne vais jamais au cinéma à 22h, par exemple) la totalité du film (que je compte plus que bien le voir en entier !!).

Ce que j'ai vu en deux mots : c'est splendide.
J'en ai vu 3 pour le moment. Splendide est le mot !
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yhi a écrit :
jeu. 16 mars 2023 18:29
sokol a écrit :
jeu. 16 mars 2023 15:01
le film n'a rien du tout d'une série
Alors si j'ai bien compris c'est juste sorti en deux fois 3 épisodes au ciné, mais j'ai pas l'impression qu'il y ait eu un montage particulier.

En tout cas, il semble difficile de dire que "ça n'a rien d'une série" alors que le medium est justement exploité comme tel. C'est plus la version ciné qui doit être un peu bizarre, à moins qu'ils l'aient remontée de manière ultra habile, mais j'en doute. Bellochio explique bien en interview (je ne sais plus si c'est celle des Cahiers ou de Positif) comment il a justement pu exploiter ce nouveau format pour faire quelque chose de différent de son précédent film qui portait sur le même sujet (que je n'ai pas vu mais ça donne envie).
En fait, "ça n'a rien d'une série" juste parce que les monceaux de séries pourries qui sortent ont galvaudé le terme. C'est juste une bonne série :D
BUONGIORNO NOTTE est son chef d'oeuvre et c'est dingue qu'il décide aujourd'hui de retourner le même sujet exactement. Et c'est tout l'inverse, le revers de la médaille. BN c'est l'enlèvement d'Aldo Moro vu aux côtés des terroristes. EN c'est le même événement mais vu du côté de tpus les autres.
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groil_groil a écrit :
ven. 17 mars 2023 00:21

BUONGIORNO NOTTE est son chef d'oeuvre et c'est dingue qu'il décide aujourd'hui de retourner le même sujet exactement. Et c'est tout l'inverse, le revers de la médaille. BN c'est l'enlèvement d'Aldo Moro vu aux côtés des terroristes. EN c'est le même événement mais vu du côté de tpus les autres.
Tu m’as pris du bec : c’est le contrechamp du Bongiorno notte (même si, tu verras, le 4e épisode c’est les Brigades Rouges). Donc c’est contrechamp et contrechamp. Donc un champ (de bataille) d’histoire.

J’ai vu les 3 derniers ce soir (j’avais envie de les voir en diffusion direct). Extraordinaire. Grand grand grand film !
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
ven. 17 mars 2023 00:51
groil_groil a écrit :
ven. 17 mars 2023 00:21

BUONGIORNO NOTTE est son chef d'oeuvre et c'est dingue qu'il décide aujourd'hui de retourner le même sujet exactement. Et c'est tout l'inverse, le revers de la médaille. BN c'est l'enlèvement d'Aldo Moro vu aux côtés des terroristes. EN c'est le même événement mais vu du côté de tpus les autres.
Tu m’as pris du bec : c’est le contrechamp du Bongiorno notte (même si, tu verras, le 4e épisode c’est les Brigades Rouges). Donc c’est contrechamp et contrechamp. Donc un champ (de bataille) d’histoire.

J’ai vu les 3 derniers ce soir (j’avais envie de les voir en diffusion direct). Extraordinaire. Grand grand grand film !
Parfait. Je finis ça ce weekend.
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Tyra
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sokol a écrit :
jeu. 16 mars 2023 15:01
J'ai regardé hier, en direct (comme si c'était au cinéma) le premier épisode de la petite série "Esterno notte" de Marco Bellocchio. Arte diffusait hier soir les 3 premiers épisodes :


Si j'insiste c'est parce que ceci explique cela : le film n'a rien du tout d'une série et sa matière c'est du pur cinéma : au moins, les 60 premières minutes sont magnifiques (j'ai arrêté de regarder les deux autres épisodes car je voyais bien que j'allais m'endormir) donc, c'est comme si j'ai pas pu voir, pour une raison externe (je ne vais jamais au cinéma à 22h, par exemple) la totalité du film (que je compte plus que bien le voir en entier !!).

Ce que j'ai vu en deux mots : c'est splendide.
Je n'ai vu que le premier épisode. Par rapport aux griefs que tu as envers un certain cinéma contemporain, n'es tu pas gêné par la musique, assez omniprésente et surlignante, et par la mise en scène à base champs-contre-champs ?
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Tyra
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J'ai un rapport compliqué avec la filmographie de Spielberg, je peux vraiment aimer certains films, et en détester d'autres. Ce que je préfère chez lui, c'est le cinéaste de la sidération, qu'elle soit horrifique ou émerveillée (souvent les deux en même temps). Les 15 premières minutes nous font comprendre que c'est bien un état de sidération qui fut le déclencheur du désir de cinéma et du désir de filmer chez Spielberg, et je les trouve assez réussies, assez primitives et sèches, sans musique ni fioriture. Mais je n'aime pas du tout la suite, qui mêle maladroitement premiers films amateurs et divorce de ses parents. Pour ce qui est du divorce, et de la désagrégation de la famille, je ne peux m'empêcher de me poser la question de l'intérêt d'une telle reconstitution assez littérale de la vie du cinéaste, quand tout était déjà dit et fait, en mieux, dans Rencontre du 3e type, E.T., Arrête moi si tu peux, ou même la première partie de A.I. L'impression d'une redite, voir d'une régression, même si le personnage du père est touchant. Mais à la 10e scène lourdement explicative opposant le scientifique et cartésien papa, à la rêveuses et artistique maman, ça va quoi, on a compris. Il y a un vrai problème de lourdeur d'écriture dans ce film. L'autre versant, l'apprentissage d'une pratique du cinéma, est encore plus décevant, car apprentissage il n'y a pas vraiment. Ce que Spielberg montre de lui, ce n'est même plus qu'il est touché car la grâce, mais qu'il est Dieu lui même, un démiurge tout puissant capable de mettre tout le monde d'accord par son talent (des films amateurs peu intéressants pourtant), tout le monde y passe : ses parents, ses sœurs, ses camarades scouts, ses camarades de classe, même la brute antisémite, tout le monde rit et pleure, est captivé, par Dieu Spielberg qui créa la lumière, et la lumière fut. Et ce pendant deux heures d'accumulation de scènes de ce type. Je n'arrive absolument pas à y croire ni y voir quelque chose d'intéressant sur la pratique du cinéma. Et les multiples plans du jeune protagoniste caméra à l'épaule ou derrière sa table de montage me semblant un simple fétichisme de l'objet magique, et rien de plus. Quand à la fameuse dernière scène avec apparition surprise d'un cinéaste dans la peau d'un autre cinéaste, si on enlève l'effet de surprise, elle est finalement assez décevante (mais son coté déceptif est peut être voulu).
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Tyra a écrit :
ven. 17 mars 2023 10:59

Je n'ai vu que le premier épisode. Par rapport aux griefs que tu as envers un certain cinéma contemporain, n'es tu pas gêné par la musique, assez omniprésente et surlignante, et par la mise en scène à base champs-contre-champs ?
Tout ce que tu as écrit est absolument vrai mais si il y a de la musique, je ne la trouve pas surlignante mais partie prenante du dispositif.
Au fond, il n’y a pas de règles. Comme j’aime bien prendre l’exemple de Tarkovski qui disait qu’il rêvait de faire un film sans musique, c’est pareil : Bellocchio a fait «ce-qu’il-a-pu » mais son cinéma ne ment pas : son film est un requiem pour une période précise (très catholique de surcroît !) de l’Italie. Dans un requiem, déjà, la musique est assez ‘justifiée’.
Puis, il y a les rêves. Lynch en met aussi de la musique n’est ce pas ?
Bref, je la trouve très bien utilisée et en harmonie avec tout ce que je vois
Modifié en dernier par sokol le ven. 17 mars 2023 21:42, modifié 1 fois.
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sokol a écrit :
ven. 17 mars 2023 00:51
groil_groil a écrit :
ven. 17 mars 2023 00:21

BUONGIORNO NOTTE est son chef d'oeuvre et c'est dingue qu'il décide aujourd'hui de retourner le même sujet exactement. Et c'est tout l'inverse, le revers de la médaille. BN c'est l'enlèvement d'Aldo Moro vu aux côtés des terroristes. EN c'est le même événement mais vu du côté de tpus les autres.
Tu m’as pris du bec : c’est le contrechamp du Bongiorno notte (même si, tu verras, le 4e épisode c’est les Brigades Rouges). Donc c’est contrechamp et contrechamp. Donc un champ (de bataille) d’histoire.

J’ai vu les 3 derniers ce soir (j’avais envie de les voir en diffusion direct). Extraordinaire. Grand grand grand film !
J'ai vu l'épisode 4 ce midi. Et c'est dingue car il a beau être aux côtés des terroristes celui-ci, il est lui aussi le PARFAIT CONTRECHAMP de Buongiorno Notte. Je m'explique : dans BN on est tout le film avec Moro dans l'appart où il est sequestré, alors que dans cet épisode, on ne le voit pas une seconde, on ne voit pas non plus l'appartement ni les terroristes qui le séquestrent, mais on voit seulement les autres, ceux qui sont au dehors. Les deux films sont donc bien parfaitement complémentaires et ne se répètent jamais, même pas un plan.
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Pour les curieux qui aiment les listes, les votes en détail du dernier sondage Sight and sound.

https://docs.google.com/spreadsheets/d/ ... 1663126226

Il y a des trucs drôles. Genre James Benning qui vote pour ... 10 films de James Benning :rofl:
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groil_groil a écrit :
ven. 17 mars 2023 17:04

J'ai vu l'épisode 4 ce midi. Et c'est dingue car il a beau être aux côtés des terroristes celui-ci, il est lui aussi le PARFAIT CONTRECHAMP de Buongiorno Notte. Je m'explique : dans BN on est tout le film avec Moro dans l'appart où il est sequestré, alors que dans cet épisode, on ne le voit pas une seconde, on ne voit pas non plus l'appartement ni les terroristes qui le séquestrent, mais on voit seulement les autres, ceux qui sont au dehors. Les deux films sont donc bien parfaitement complémentaires et ne se répètent jamais, même pas un plan.
Tout à fait ! C’est pour cela que je disais que, EN c’est contrechamp et contrechamp ! À croire que Bellocchio s’est dit : cette affaire étaient bien plus complexe que ça (ça = BN). Donc, il faut un autre film plus démocratique où chaque personage ait un mini-film pour lui.
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sokol a écrit :
ven. 17 mars 2023 21:39
groil_groil a écrit :
ven. 17 mars 2023 17:04

J'ai vu l'épisode 4 ce midi. Et c'est dingue car il a beau être aux côtés des terroristes celui-ci, il est lui aussi le PARFAIT CONTRECHAMP de Buongiorno Notte. Je m'explique : dans BN on est tout le film avec Moro dans l'appart où il est sequestré, alors que dans cet épisode, on ne le voit pas une seconde, on ne voit pas non plus l'appartement ni les terroristes qui le séquestrent, mais on voit seulement les autres, ceux qui sont au dehors. Les deux films sont donc bien parfaitement complémentaires et ne se répètent jamais, même pas un plan.
Tout à fait ! C’est pour cela que je disais que, EN c’est contrechamp et contrechamp ! À croire que Bellocchio s’est dit : cette affaire étaient bien plus complexe que ça (ça = BN). Donc, il faut un autre film plus démocratique où chaque personage ait un mini-film pour lui.
C'est exactement ça
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Pierre et Djemila, Gérard Blain, 1987

Gérard Blain, après ses films autobiographiques où le manque d'amour porté à l'enfant fait de celui-ci la proie idéale des pédophiles, réalise une fiction où deux enfants s'aiment. Et malgré tout, ça ne marche pas. Parce que le racisme et les rapports de classe foutent tout en l'air.
On dirait du Brisseau, c'est âpre, lyrique en sourdine, avec d'absolues fulgurances qui viennent briser le cours tranquille des choses, comme ce plan assez long sur cet enfant regardant le mur de la mosquée saccagée sur laquelle est écrit un message raciste. Le film apporte beaucoup de complexités, de nuances et de délicatesses, auxquelles la fin répond, par son désespoir définitif et brutal. Il y a la pensée d'un côté, le regard qu'on peut porter sur les choses, et de l'autre : la réalité, qui est un carnage.
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"La Pointe courte" de Agnes Varda.

Quand Jean-Luc Godard est mort, j'avais fouillé un peu à gauche et à droite dans le commentaires sur les différents sites internet pour voir un peu comment son œuvre était aperçu. Sur celui du Monde (où seuls les abonnés peuvent commenter), les commentaires liés au cinéma, à 70%-80% ne sont pas intéressants mais il y a toujours quelques pépites. Parmi ceux concernant la mort de JLG, il y avait un qui avait bien attiré mon attention : l'auteur expliquait que, si Godard a tourné son "A bout de souffle" en 1959, il ne fallait pas oublier que Varda avait fait déjà son "La pointe courte" en 1955. Il m'avait bien intrigué avec cette réference que je ne connaissais pas donc je voulais voir le film de Varda.

Bon, c'est très simple : toute la Nouvelle Vague (1959-1968) y est déjà. Vraiment. Même "Hiroshima mon amour" ou "L'année dernière à Marienbad" y sont également. Ce qui est drôle c'est que Resnais a fait le montage de "La Pointe courte" : serait-il inspiré du jeu des acteurs et de la modernité de la narration de l'histoire du couple ?? Même une comparaisons simple des photos confirme la ressemblance :

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Je trouve que même Tarkovski (L'enfance d'Yvan) a du voir le film, ce n'est pas possible autrement. Surtout par rapport à la photo. Et les 'modèles' des Straub y sont déjà (Varda explique dans son autobiographie qu'elle voulait que les acteurs ne jouent pas ni n'expriment de sentiments, qu'ils soient là et qu'ils disent leur dialogue comme s'ils le lisaient. En fait, elle pensait à des récitants de spectacles orientaux, aux couples des structures égyptiennes).

Après, je veux bien croire que la figure tutélaire est "Voyage à Rome" de Rossellini mais, franchement, la modernité de la narration de "La Pointe courte" est bien plus hallucinante que celle du film du maitre italien. Puis, Varda a tourné ce film en aout-septembre 1954 et "Voyage en Italie" est sorti en France en avril 1955 : Varda a dit que, à l'époque, elle était totalement ignorante, je la cite, "par rapport aux beaux films très anciens ou récents" qui lui ont permis d'être naïve et culottée quand elle s'est lancée dans le métier d'image et de son (comme elle dit).

J'étais vraiment très surpris par ce film car non seulement que du point de vue 'archéologique' du cinéma il a quelque chose d'unique et d’initial, mais parce que c'est une preuve supplémentaire que le cinéma, comme disait JM Straub, "n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout". La boucle est bouclée : je fini mon commentaire avec ma signature sur ce site :)
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Y a plein de Mocky sur le replay d'Arte, j'en ai découvert 3 excellents et revu un tout aussi bon, ça fait du bien de revoir des bons films de ce grand homme, qui a fait tellement de trucs approximatifs en fin de carrière qu'on en a presque oublié les grands films. Celui-ci oppose deux monstres sacrés, Noiret et Sordi, dans une histoire sordide autour du meurtre d'une jeune enfant, et de la question du pouvoir et de ce que certains peuvent croire qu'il autorise. C'est sordide, la question de la pédophilie est omniprésente, mais Mocky n'est pas trop complaisant, et comme souvent règle ses comptes avec les puissants. Mais le film est traité avec sérieux, interprété avec implication, et le film est vraiment dérangeant, dans le bon sens du terme.

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Ils s'aiment à trois, l'un d'eux meurt dans un accident de moto, et les deux qui survivent se déchirent. Mordillat est un touche-à-tout, et un brillant réalisateur de documentaires (L'Origine du Christianisme, Corpus Christi et L'Apocalypse en tête). La fiction, c'est avec des hauts et des bas en revanche; ici je vois le courant dans lequel le cinéaste veut se caler, un cinéma vif, insaisissable, parfois brutal, on sent un peu de Assayas, un tout petit peu du Godard période Nouvelle Vague aussi, mais ça ne marche malheureusement pas, le film semble prisonnier des tics de son époque, dès qu'un personnage veut parler il crie, tout semble être arraché plutôt que de couler de source...

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Une petite fille est enlevée, violée et décapitée, laissant des parents dans un état de délabrement qu'on imagine aisément. 17 ans plus tard, les parents sont séparés, ont tenté tant bien que mal de refaire leur vie, et les voilà d'un coup hantés par la silhouette d'une gamine qui semble être la leur, à l'âge de sa disparition. Je ne pensais pas Mocky, surtout au beau milieu des 90's, être capable de proposer un film si fort, une parfaite relecture du genre "giallo", vraiment flippant, superbement intérprété par de grands acteurs (Jane Birkin, Sabine Azéma, Jean-François Stévenin), dans un film qui est de toute évidence un croisement revendiqué de "La Dame Rouge Tua 7 Fois" de Lenzi et de "Don't Look Now" de Roeg, mais tout ça à la sauce Mocky quand même. Super découverte.

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Autant un film qu'une série (sorti en salle en Italie, à la TV chez nous), le dernier film de Bellochio (83 ans !) est un chef-d'oeuvre, et de toute évidence l'un de ses plus hauts faits d'arme. 20 ans après "Buongiorno, Notte" qui reste à mes yeux son plus grand film, Bellochio décide de retraiter l'affaire la plus traumatisante de la seconde moitié du 20ème siècle en Italie, à savoir l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro. C'était le sujet de "Buongiorno, Notte", mais "Esterno Notte" en offre le parfait contrechamp. C'est intéressant de noter que le mot NOTTE est présent dans les deux titres, comme il est intéressant que noter que le mot qui précède ici est ESTERNO soit extérieur. En effet, dans Buongiorno, nous étions en permanence enfermés dans le petit appartement où était séquestré Moro, avec lui et les quelques terroristes qui le détenaient. La caméra n'était quasiment jamais en extérieur. Ici, c'est tout le contraire, puisque le cinéaste décide de s'intéresser à tout ce qu'il y a autour. Dans sa version TV, les six épisodes sont découpés de la façon suivante : le premier est consacré à Moro avant son enlèvement, le second au ministre de l'Intérieur, le troisième au Pape, le quatrième aux terroriste, le cinquième à la femme de Moro et le sixième est une conclusion au dénouement douloureux que l'on connait tous. Chaque épisode, chaque point de vue, vient enrichir l'ensemble, donnant une impression de regard à 360° sur l'affaire et montrant avec encore plus de certitude que l'assassinat du chef du parti de la Démocratie Chrétienne est le fondement de l'oeuvre du cinéaste. Et même l'épisode 4, pourtant consacré aux terroristes, reste le parfait contrechamp de Buongiorno. Dans ce dernier, comme je l'ai dit, nous étions avec les gens qui le séquestraient, alors que dans l'épisode 4 nous suivons les terroristes qui sont au dehors et qui tentent de négocier, qui prennent les décisions, etc. Pas un plan en commun, pas une seule idée qui serait une redite. L'ensemble se dévore, est un exemple en terme de mise en scène, de rigueur, d'épure, et de courage politique, car Bellochio règle définitivement ses comptes avec le gouvernement italien (et le Vaticanais) montrant sans la moindre hésitation que tous ces gens-là avaient le moyen de sauver Aldo Moro mais qu'ils ont préféré le laisser mourir.

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Tout premier film de Mocky, 1959, qui suit l'errance nocturne de dragueurs bien misogynes dans une nuit parisienne sans fin. Ce qui est hallucinant de constater combien ce film est un pur film de la Nouvelle Vague (ce pourrait être le premier Chabrol ou équivalent) mais que Mocky a très rapidement été écarté de ce mouvement (j'en ignore d'ailleurs les raisons, et je ne sais pas si il en est le responsable ou si ce sont les Jeunes Turcs qui ne l'ont pas accueillis dans leur cénacle). Il y a même un petit côté La Dolce Vita dans ce film, d'ailleurs. Pour la petite histoire, c'est ce film qui a intronisé le terme de "drageur" dans le langage courant, même si les techniques de drague employées relèvent vraiment d'un autre temps (au secours !).

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Un polar nerveux et tendu, post 1968 et qui intègre à son récit tout un discours politique engagé, dont une réflexion sur le terrorisme politique. Je l'avais déjà vu, mais Solo supporte sans aucun souci le revisionnage. C'est là-aussi l'un des meilleurs Mocky, qui à cette époque est le sosie parfait de Clint Eastwood.

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C'est une série mais j'en parle ici tout de même. En 4 épisodes d'environ une heure chaque, cette mini-série documentaire revient avec détail sur cette histoire absolument hallucinante. Je ne refais pas le topo ici, soit vous connaissez ça par coeur, soit je vous oblige immédiatement à aller voir cette merveille disponible sur le replay de France TV, mais juste pour refixer le cadre, un couple, Myriam Badaoui et de son époux Thierry Delay, viole régulièrement ses 4 jeunes garçons (et visiblement 8 autres enfants du voisinage dont la série ne parle pas), et fait participer un autre couple à cette horreur. Très vite quand l'affaire explose, Badaoui annonce que plein d'hommes du quartier participent à ces orgies, 17 inculpés au total, dont un prêtre-ouvrier, un magistrat..., et les enfants, influencés par les parents, tiendront le même discours. C'est l'une des affaires criminelles les plus tragiquement célèbres de notre temps, notamment à cause du jeune juge inexpérimenté Burgeaud, persuadé de démantelé un vaste trafic pédophile allant jusqu'à la Belgique et au meurtre d'une enfant, et refusant de reconnaitre qu'il faut fausse route. Plusieurs innocents feront jusqu'à 4 ans de prisons et l'enquête, l'ensemble de l'affaire même, est l'une des erreurs judiciaires les plus hallucinantes de notre temps, même si elle ne fait pas oublier qu'il y a quand même au départ de l'histoire une vérité, celle de ces deux couples violeurs et pédophiles et du mal qu'ils ont fait à ces enfants. Voilà pour le contexte. La série revient bien évidemment là-dessus avec tous les détails nécessaires pour comprendre et analyser l'affaire dans le détail, mais ce qu'il y a d'hallucinant dans cette série, c'est sa mise en scène. Les auteurs ont opté pour la reconstitution des faits avec acteurs associée à des témoignages face caméra de tous ceux qui ont accepté de le faire : essentiellement des innocents condamnés à tort, les avocats, et l'un des enfants violés (l'un des 4 enfants des deux criminels) aujourd'hui âgé de 27 ans, et qui à l'époque a lui aussi accusé des innocents. Quel courage de venir aujourd'hui témoigner. La série s'ouvre sur un vaste plateau de tournage où toutes les pièces importantes sont reconstituées, on voit d'emblée l'envers du décor, les rails de travellings, les postes de maquillage et les comédiens qui répètent les rôles terribles qu'ils vont avoir à jouer. Les auteurs nous montrent l'envers du décor, pour bien accentuer la différence entre la vérité et la reconstitution des faits. Mais, là où cela devient absolument génial et vertigineux, c'est que sur ce plateau débarquent les vrais accusés innocentés, hommes aux vies brisées, et ils y rencontrent les acteurs qui vont jouer leur rôles, parlent avec eux, brisant ainsi cette frontière entre le réel et le cinéma pour générer une zone inédite et fascinante, un espace où toute la série se joue et tire son identité, son originalité et sa force. Par exemple, nous suivons une scène dans le bureau du juge de confrontation entre deux parties. Il y a un acteur qui joue le rôle d'un accusé, qui joue son rôle, et dans le fond de la pièce il y a la vraie personne, qui va si nécessaire intervenir, commenter, accentuer, et bien évidemment intensifier et valider l'ensemble de par sa présence. C'est fou. Déstabilisant pendant les dix premières minutes, et très vite le procédé nous semble génial, inédit, jamais vu, et s'impose comme la meilleure des façons de fictionnaliser le réel sans rien lui ôter, conserver sa force et sa vérité. Et quand, en plus, c'est sur un sujet aussi fort, aussi terrible, aussi tragiquement célèbre, la force du procédé en est encore décuplée. Chef-d'oeuvre.
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groil_groil a écrit :
mar. 21 mars 2023 11:50
C'était le sujet de "Buongiorno, Notte", mais "Esterno Notte" en offre le parfait contrechamp. C'est intéressant de noter que le mot NOTTE est présent dans les deux titres, comme il est intéressant que noter que le mot qui précède ici est ESTERNO soit extérieur.
"Buongiorno, notte" était un film sur la rentrée dans la nuit de la terreur (il y avait une virgule juste après "buongiorno") donc, le titre était une salutation : "Bonjour, la nuit" (Bonjour la terreur).
"Esterno notte" (Extérieur nuit) est, comme tu l'as expliqué, son contrechamp, l'extérieur de la nuit (l’extérieur du monde de la terreur).

ps: quelle est ta scène préférée dans "Esterno notte" ?
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