Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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La vie quotidienne d'une femme au foyer, mère de trois enfants, pourtant heureuse mais accablée par le nombre des tâches et leur caractère répétitif et qui, sans doute pour casser cette lassitude et se sentir vivante, et sans y avoir réfléchi en amont, prend un amant. Beau film croate (ce n'est pas évident de voir du cinéma croate d'ailleurs !) où la réalisatrice décide d'accompagner sa belle héroïne d'une mise en scène tout aussi dynamique et elle aussi toujours en mouvement. Le film ne s'appuie jamais sur des effets trop marqués mais donne au contraire le sentiment d'être en permanence en mouvement. Jolie découverte.
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Tamponn Destartinn
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ANATOMIE D'UNE CHUTE - Triet

Bon, en effet, la réussite est assez implacable.
J'avais peur d'un film "balai dans le cul". Le Drive my car de Justine Triet. Parce que chacun de ses nouveaux films est un peu moins fou et délirant que le précédent, et autant Victoria donnait l'impression d'avoir un meilleur équilibre entre liberté et maitrise, autant Sybil montrait des faiblesses.
Peur très vite gommée : Anatomie d'une chute est bel et bien le film le plus écrit, le plus carré de son autrice, mais ce n'est jamais "trop". Comme Victoria, et même mieux que Victoria, c'est parfaitement équilibré. Deux scènes incroyables pour illustrer ça : une dispute où les mots dits sont très précis, sans jamais donner l'impression qu'ils ne sont pas naturel. Et dans le même ordre d'idée, le dialogue du personnage enfant, très mature pour son âge, mais pas "trop", simplement "juste".
Le titre est très bon. C'est une anatomie, dans son sens clinique aussi. Pourtant, on n'est pas chez Haneke. L'ambivalence du personnage principal - du genre à rire en pleurant ou pleurer en riant - et bien d'autres éléments que je ne veux pas divulguer rappellent qu'il n'y a pas une vérité et une morale unique. De fait, le film ne sonne jamais froid.

Dans le top 5 des palmes du début du siècle, et clairement premier du top 5 des palmes françaises du début du siècle.


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MAY DECEMBER - Haynes

Drôle de film, qui sonne très mineur dans sa première partie, avant progressivement de s'avérer bien plus subtil et intelligent qu'il n'y parait.
Le sujet est passionnant : un couple qui a démarrer dans la pédophilie, où l'un a 36 ans, l'autre 13 ans, est-il encore questionnable quand ils sont toujours ensemble 24 ans plus tard ?
Mais l'angle choisi pour l'aborder questionne : à travers le point de vue d'une actrice qui va jouer dans un film le rôle de la femme à l'époque, et qui se met à fréquenter le couple au présent.
Il questionne parce que finalement, le personnage le plus intéressant est de loin le mec, qui refuse qu'on le voit comme une victime, mais qui semble pourtant clairement douter de ses choix de vie.
Mais in fine, ce détour s'avère pertinent et plus je pense au film, plus je l'aime.

Un choix de Haynes me perturbe beaucoup, en revanche : pour la BO, il se contente de reprendre dans son intégralité celle de Michel Legrand pour le film LE MESSAGER. Pourquoi ? Depuis quand c'est pertinent et acceptable de faire ça ? On ne dépasserait pas les limites de "l'hommage" ? C'est ce genre de choses, de la part d'un homme tellement précis dans ses choix musicaux habituellement, qui poussent à se dire qu'il a été feignant et de juger son film comme mineur.
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groil_groil
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Pas sûr que si l'on ôte les nombreuses images d'archives du procès Eichmann qui en est le sujet, il reste grand chose du film. Si le discours de fin est pas mal, mais cela reste du cinéma Wikipédia.

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Le film tourne autour de deux lieux : un lycée et un hypermarché. Au lycée, Léo, fraichement débarqué, tombe amoureux de la jeune Nora, qui n'est pas insensible aux charmes du jeune homme. A l'hypermarché, Franck, le directeur, renvoie le jeune manutentionnaire Tarek que son équipe accuse d'avoir volé une bouteille de vin à 500 balles. Le jeune homme, qui part ailleurs fricote avec la mafia serbe du coin, se révolte contre cette décision qu'il juge injuste et reviens avec une bande de potes tout péter dans l'hyper. Les vrais ennuis commencent à ce moment-là. Mais ce qu'il faut savoir pour le film prenne son envol, et ce que Lioret a l'intelligence de nous dire de suite, c'est que Nora est la soeur de Tarek, et que Léo est le fils de Franck. Et Tarek, ainsi que son père d'un côté, et Franck de l'autre, vont interdire aux jeunes gens de se fréquenter. Sauf qu'ils s'aiment vraiment... Lioret est un cinéaste que je n'aimais pas du tout, et puis il m'a convaincu avec son film précédent, le superbe et peu vu Le Fils de Jean, dans lequel il s'imposait vraiment comme cinéaste. Bizarrement, il n'a rien tournée depuis 2015, comme s'il était plus difficile de faire des bons films dans notre système de production française (je sais bien que c'est vrai). Et même si l'attente fut longue il récidive avec un autre excellent film, juste, imparable, sans fioriture, dont le titre est trompeur car il promet un film d'adolescence, au mieux un Téchiné moyen, et c'est au contraire un film extrêmement noir, sombre, qui nous attire peu à peu dans une abyme dont personne ne parviendra à s'extraire. Dommage que la toute dernière scène un peu trop explicative façon pirouette du destin n'ait pas été coupée au montage final, le film n'en avait pas besoin pour nous scotcher et nous prouver une seconde fois que Lioret est bel et bien devenu un cinéaste à suivre.

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Excellent car c'est vraiment ici que toute l'esthétique d'Anger s'étale en toute liberté, que tout semble s'assumer, s'affirmer et s'affranchir de toutes limites, toutes contraintes. De sa fascination pour les motos, et surtout pour les motards, Anger tire un manifeste homo-érotique dont les visions continuent de nourrir les artistes les plus divers plus de 50 ans après.

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Celui-ci est moins pertinent et intéressant que Scorpio Rising car il ne dure que 3 minutes, mais il aborde les mêmes questionnements thématiques et esthétiques.

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Invocation of my Demon Brother.

il me reste encore Lucifer Rising à découvrir, mais pour le moment, Invocation est de loin mon film préféré d'Anger. Sur une musique expérimentale bruitiste fascinante signée par Mick Jagger, le film semble être un manifeste de tous les courants musicaux que j'aime. Ce film préfigure en effet Throbbing Gristle, Psychic TV, Current 93 et consorts, convocants rituels sataniques, expérmentations en tout genre, goût prononcé pour la provocation et mystique introspective. Un sommet.
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groil_groil
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3 couples se retrouvent au restaurant. L'un des 3 s'apprêtent à se marier, un autre à avoir son premier enfant. Après le diner, les femmes rentrent et les hommes continuent à faire la fête. Ils se rendent chez une amie commune et, jusqu'au bout de la nuit, vont mettre leurs sentiments, amoureux comme amicaux, à l'épreuve. C'est un film moins abouti formellement que les films suivants, c'est même tourné à la DV ou à l'appareil photo, mais ça ne plombe pas du tout le film, au contraire, j'ai l'impression que ça permet à Hamaguchi d'avoir encore plus de proximité avec ses personnages et son sujet. Pour le moment le meilleur film de ce que j'ai vu du cinéaste, même si je ne suis pas non plus encore emballé à 100%.

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Dernier film de mon cycle et encore une franche réussite, un gros trip visuel et mental qui prend cette fois comme base la mythologie égyptienne pour emmener le spectateur dans un délire sous psychotropes convoquant le satanisme, l'Egypte des Pharaons et la musique pop.
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Tamponn Destartinn
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Spider-man : across the spider-verse

Le premier film d'animation du Spider-verse avait surpris tout le monde avec son style aussi léché qu'inventif, la grande idée étant de créer une trame narrative permettant à diverses variations de Spiderman, et donc de styles de dessin, de se rencontrer. (avec notamment le fameux spider-cochon et son esthétique ultra cartoon)
C'était très sympa, ça se suffisait à lui-même, mais le succès étant ce qu'il est, ce n'est pas une mais deux suites qui ont été annoncées.
Bonne nouvelle : on est dans de la suite type Retour vers le futur. C'est même la ref la plus évidente pour ce deuxième opus : plus fou, plus plus plus, au point d'en être un peu écoeurant, mais sans jamais se perdre réellement dans son récit à tiroirs, avec une relecture intelligente du 1, et le sentiment étrange à la fin d'avoir vécu trop de choses et en même temps de ne pas avoir de film entier, avec la frustration que génère ce "to be continued". Cela étant dit : bordel, quel spectacle ! C'est assez hallucinant qu'un film blockbuster pareil puisse avoir autant d'idées de mise en scène à la seconde, par les temps qui courent. Hollywood est bloqué, notamment dans le film du super-héros avec les Marvel & co, on s'attend à voir tout ça se casser la gueule, comme le Western à son époque, et on l'attend même avec impatience... Puis t'as ce film d'animation qui vient mettre à l'amende absolument tout le monde, sur leur propre terrain, avec la figure de Spiderman !
Je sais que ça coche pleins de cases "anticinéma" pour certains ici, ne serait-ce parce que ce n'est "que de l'animation", maiiiiis franchement vous loupez quelque chose.
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asketoner
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L'Ile rouge, Robin Campillo

Une grosse pub, avec un soupçon de post-colonialisme qui arrive in extremis, dans le dernier quart d'heure, pour emballer la fiction bien ringarde et sans profondeur (houlala le désir c'est troublant) qui a précédé.
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groil_groil
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ahahah t'es dur putain :D
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Tamponn Destartinn
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J'ai lu le post d'ask genre 5 minutes avant de partir à ma séance :D
Gag : ma compagne m'a dit plus ou moins le même discours à la sortie. Du coup, j'en viens à m'interroger sur moi-même, à me dire que je suis peut être trop gentil dans le sens couillon. Ce qui est sûr, c'est que c'est un beau film sur le plan esthétique, avec des acteurs bons, des enfants jusqu'à ce mari militaire assez fascinant dans son horreur maitrisé. La vraie question est : est-ce un film gênant dans ce qu'il raconte ou plutôt décide de montrer ?

L'idée du film est de filmer la fin des colonies (10 ans après la fin officielle !) du point de vue des blancs militaires et leurs familles. Plus exactement, le point de vue d'un enfant, assez innocent, qui ne comprend pas tous les enjeux mais qui s'interroge, comme tout lecteur de Fantomette fan de justice. Les malgaches sont quasi absents de l'image, mais les quelques fois que nous les voyons, principalement en tant qu'employés/serviteurs, rappelle à quel point les gens que nous suivons vivent sur le dos de ceux chez qui ils vivent. On ne les voit pas mais parce qu'on ne veut pas les voir. La scène de noël, où une officière explique comment elle a galéré pour installer la scène (alors qu'elle a juste donné des ordres) + le soldat qui arrive avec sa petite amie autochtone et qui est jugé pour ça, est la plus explicite là dessus.
Puis vient la fin, où le gamin déguisé en Fantomette essaie de résoudre le mystère qu'il sent planer, mais se fait renvoyer chez lui par la femme malgaches qu'il suit, et le récit continue cette fois sur cette femme, pour montrer enfin ce qu'il y avait à voir derrière le camp militaire, montrer le point de vue des malgaches qui veulent une vraie indépendance.
Bon, dans sur le principe, je trouvais le film impeccable dans sa démonstration. Je n'ai pas de souci à l'idée de se focus sur le point de vue des colons, même si oui, aujourd'hui on peut difficilement le faire sans être explicite sur ce qu'était réellement le colonialisme. Mais justement, le film l'était déjà avant cette fin, qui m'a beaucoup plu sur le papier quand elle a démarré... avant de se révéler ultra didactique, parce que trop envie d'être clair en trop peu de temps. L'envie d'être bien compris dans son propos rend paradoxalement cette fin un peu condescendante avec les malgaches : on a eu bcp de temps sur les colons, avec des idées très subtiles dans ce qu'elles racontent indirectement de leur racisme et leur incapacité de comprendre leur environnement, mais quand on passe à l'autre point de vue, pouf, la subtilité est terminée, faut conclure avec des discours simples et évidents. C'est dommage.
Après, je ne trouve pas le film non plus trop problématique dans son fond. Et je dis ça alors que je n'ai jamais trop pardonné à Campillo son Eastern Boys, qui pour le coup m'a halluciné sur ce point.




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J'aime bien Podalydès. Même s'il a perdu de son mojo, ses deux trois derniers films sentaient le boomer qui avait tout de même encore de la ressource.
mais alors celui là, c'est pas possible. J'aurai dû m'en douter : un film à sketch, avec un énorme casting, ça rappelle Banc Public, son autre très mauvais film.
C'est pas à chier, hein. Mais c'est complétement inintéressant.
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groil_groil
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Suite et enfin fin de mon intégrale Revisionnage de NB Ceylan (il ne me restera plus que Nuages de Mai - l'un de mes favoris - à revoir) avec son premier long et son premier court (seul court, d'ailleurs, il est tout de suite passé au long ensuite). Ses deux seuls films en noir et blanc également et les deux au récit le plus lâché, poétique, évanescent, dites ça comme vous le voulez, un sens du cadre déjà impressionnant, on sent le photographe, et pour Kasaba un hommage / lien direct au Miroir de Tarkovski. Ces deux films sont très beaux mais c'est vraiment avec le suivant que Ceylan s'impose comme ce qu'il est toujours aujourd'hui, l'un des plus grands cinéastes vivants.

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Je commence une intégrale Pierre Clémenti avec je crois ces trois premiers films et le moins qu'on puisse dire est qu'il est un cinéaste au moins aussi insaisissable qu'il l'était en tant qu'acteur. Son cinéma est un journal intime extrêmement libre, qui part dans tous les sens, basé sur les utopies communautaires des 60's, l'engagement politique (mais 68 semble être au centre de tout) et un esprit famille / liberté du corps / jouissance absolue permanent, mêlé avec un amour de la musique et de la musique live, tout cela monté de manière souvent épileptique, tellement saccadé que ça défonce littéralement les yeux, ça chante, ça hurle, ça récite des poèmes ou des textes politiques par dessus tout ça, c'est terriblement inventif, plein de drogues, ultra libre, aussi passionnant que fatiguant, une sorte de Jonas Mekas sous acide.

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Les derniers jours d'un camp de garnison militaire à Madagascar, plusieurs années après la décolonisation mais juste avant que les militaires français ne quittent définitivement l'île. Campillo s'intéresse uniquement à la petite histoire, et se concentre sur quelques familles, quelques enfants surtout, dont un petit héros, fan de Fantômette, autour duquel tout le film tournera et qui est sans doute un portrait un creux de l'auteur. J'ignore d'ailleurs s'il a vécu enfant dans ces conditions, mais la naissance du sentiment homosexuel dans le film semble renvoyer à ce qu'il y a de personnel dans son oeuvre. On s'ennuie pas mal dans le film, car j'ai l'impression qu'il n'y a pas de sujet mais juste un décorum de posé, et des personnages qui évoluent dedans, qui s'emmerdent et qui transmettent ce sentiment au spectateur. D'ailleurs il est impossible de dire ce qui se passe dans le film en quelques mots, une fois le décor posé. Il y a quand même une petite nostalgie colonialiste qui se dégage de l'ensemble, que le cinéaste rattrape par un final très politique qui débarque sans crier gare comme un chien dans un jeu de quilles (le côté on se donne bonne conscience). Bon je me suis pas mal ennuyé, mais en même temps, je trouve le film plastiquement magnifique, l'image est très belle, j'ai été sidéré par Nadia Tereszkiewicz que je n'avais pas reconnue mais qui est bouleversante dans le film, et bizarrement il m'en reste pas mal d'images quelques jours après. Notamment la partie fantasmée sur Fantômette (le gamin imagine qu'il est Fantômette dans des scènes oniriques) : je les trouvais inutiles et trop longues, trop fréquentes, mais elles apportent une poésie mélancolique à l'ensemble plutôt bien vue.

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J'en parlerai plus tard quand le film sortira officiellement (je l'espère, ils recherchent un distrib) et je n'ai vu qu'une copie de travail (manque étalonnage, montage son, mixage) mais c'était émouvant pour moi de voir en salle un film adapté d'une bande dessinée de Hubert et Paul Burckel dont je suis l'éditeur. Un premier film, avec un tout petit budget et un vrai côté DIY, plein de défauts et de choses belles mêlées.

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J'en attendais beaucoup, et malheureusement le dernier Podalydès est un tout petit Podalydès. Le pitch était énorme, mais le fait que les héros soient des agents immobiliers fait que chaque séquence est un peu vu comme un petit court métrage et hop on enchaine sur le suivant. Mais pourtant, le cinéaste arrive à créer du liant et le tout finit par prendre forme. C'est une forme touchante, modeste et pleine de trucs qui ne fonctionnent pas, un film pas si drôle que ce que ça promet d'ailleurs, mais il dégage quand même quelque chose de très attachant, et un burlesque minimaliste qui m'a beaucoup rappelé le cinéma de Luc Moullet.

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Court métrage du critique Jacky Goldberg avec gros casting, ambiance américaine et parodie de tous ceux qui s'adonnent à la théorie du complot en permanence. Le film finit avec une ouverture fantastico-abstraite qui m'a fait le mettre dans le sillage d'un Under The Silver Lake (toutes proportions gardées évidemment).

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Un slasher de seconde zone tout à fait dispensable.

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Le dernier Fitoussi est comme tous les autres films de Fitoussi. Si on le prend comme un film d'auteur, c'est hyper décevant, ce n'est jamais génial, et on y voit tous les défauts, de scénario, de réactions improbables de personnages dans des situations données etc., et on se dit quel gâchis de voir un mec qui a du talent ne jamais parvenir à réussir un film. Mais si on le prend comme une pure comédie de divertissement, un peu comme les films qui remplissaient les salles dans les 80's, types Francis Veber, les grands duo comiques à la Depardieu / Richard par exemple, et bien ce cinéma-là, et ce film-là en particulier, remplissent leur rôle, en le faisant d'ailleurs plutôt intelligemment. Bref, ce n'est pas un bon film, mais c'est très agréable un dimanche soir.
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
lun. 12 juin 2023 11:05
Notamment la partie fantasmée sur Fantômette (le gamin imagine qu'il est Fantômette dans des scènes oniriques) : je les trouvais inutiles et trop longues, trop fréquentes, mais elles apportent une poésie mélancolique à l'ensemble plutôt bien vue.
Pareil. Sur le moment, elles me semblaient "en trop". In fine, je les aime beaucoup.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
lun. 12 juin 2023 10:13
ahahah t'es dur putain :D
:lol:

A mon avis il aurait juste dû faire un épisode de Fantômette et puis voilà.
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Tyra
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cyborg a écrit :
mar. 30 mai 2023 15:47

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Film monstre et monstrueux, Beau is Afraid déborde en tout sens. Ses trois heures, faites de très haut et de très bas, épuisent autant qu'elles captivent. Oui : c'est "trop" mais aussi d'une certaine façon presque "trop peu". Les 3h du film d'Ari Aster s'attachent à suivre le psyché malade de son héros, joué par un sidérant Joaquin Phoenix, et tente d'étendre le mal dont il souffre à la psyché tout un pays, une époque, une culture.

Si les divers avis lus semblent mettre en avant le 1/3 tiers du film, c'est à mon sens parce qu'il est aussi le plus attendu, fleurant bon l'After Hours scorsesien et autres films de folies nocturne New-Yorkaise. Mais ce ne sera ici que le début du voyage, avant de scruter le quotidien d'une famille "bien comme il faut", se méler à une communauté de troubadours modernes, assister à un étrange conte en film d'animation et, enfin, se confronter à la figure maternelle.

Car, oui, Beau Is Afraid est avant tout la longue introspection d'un profond syndrome d’œdipe. Si certaines idées et représentation sont un peu banales, d'autres sont plus originales (l'invasion d'araignées toxiques, symbole de la figure maternelle, dans l'immeuble du héros au début du film) ou subtiles (on comprend par sa décoration que la mère était publicitaire : première industrie à suivre les idées freudiennes) ou même étrangement détournées (qu'en est-il de ce fameux complexe si l'on "tue le père" avant même de naitre, lorsque nous sommes "éjaculés par lui ?!).

Je suis donc ressorti de Beau is Afraid un peu fatigué mais largement diverti, presque rassuré que le cinéma américain "de spectacle" pouvait encore produire ce genre d'objet bizarre et hors norme lui qui est actuellement torpillé et formaté par l'univers des supers-héros.
J'arrive un peu tard, parce que je ne savais trop quoi dire sur le film, mais moi aussi j'ai envie de le défendre. La dernière partie, qui explicite les enjeux psychanalytiques et le complexe d'Œdipe du personnage, est assez grossière, et l'enjeu finalement décevant, mais pour en arriver jusque là, quel incroyable enchainement de morceaux de bravoures. Ce qui fait tenir le film, c'est qu'il est autant une comédie noire qu'un film angoissant. Il n'y a pas d'alternance entre deux tonalités selon la scène, mais l'horreur et son contrepoint humoristique sont présents en même temps dans chaque partie et chaque séquence.
Ce qui est fort aussi, c'est qu'on reste dans l'incertitude sur le point de vue : société objectivement devenue folle ou paranoïa et folie de Beau ?
Bien sûr les 45 premières minutes sont les plus impressionnantes, mais les parties suivantes ne sont finalement pas si éloignées dans le vertige qu'elles provoquent. Et la séquence centrale de la pièce de théâtre méta m'a mis dans un état indescriptible de trouble existentiel.
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asketoner a écrit :
lun. 12 juin 2023 12:16
groil_groil a écrit :
lun. 12 juin 2023 10:13
ahahah t'es dur putain :D
:lol:

A mon avis il aurait juste dû faire un épisode de Fantômette et puis voilà.
:lol:
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 12 juin 2023 11:03
Et je dis ça alors que je n'ai jamais trop pardonné à Campillo son Eastern Boys,
qu'est ce que tu lui reprochait ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner a écrit :
sam. 10 juin 2023 11:02

L'Ile rouge, Robin Campillo

Une grosse pub, avec un soupçon de post-colonialisme qui arrive in extremis, dans le dernier quart d'heure, pour emballer la fiction bien ringarde et sans profondeur (houlala le désir c'est troublant) qui a précédé.
Mais tu l'as vu jusqu'à la fin, n'est ce pas ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
lun. 12 juin 2023 16:21
asketoner a écrit :
sam. 10 juin 2023 11:02

L'Ile rouge, Robin Campillo

Une grosse pub, avec un soupçon de post-colonialisme qui arrive in extremis, dans le dernier quart d'heure, pour emballer la fiction bien ringarde et sans profondeur (houlala le désir c'est troublant) qui a précédé.
Mais tu l'as vu jusqu'à la fin, n'est ce pas ?
Oui, ça invalide ma critique ? :D
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asketoner a écrit :
lun. 12 juin 2023 17:29

Oui, ça invalide ma critique ? :D

Mais non, ça n'a rien à voir avec ta critique (j'ai pas vu le film) mais si tu le détestes à ce point, je voulais juste comprendre comment fais-tu pour rester jusqu'à la fin : un jour, je finirais par en faire un qui s'intitulera : "Comment j'ai appris à rester jusqu'à la fin d'un film que je déteste" :D .

Je ne serais pas le premier : Avi Mograbi est passé par là


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Tiens, spécial Sokol :D

J'aime bien Lvovsky et souvent j'aime bien aussi ses films, mais là c'est une horreur totale, en me forçant j'ai réussi à tenir 15mn, mais j'avais déjà envie d'égorger des chatons. Plus sérieusement, je me demande comment des producteurs peuvent s'emballer sur un truc comme ça et comment une cinéaste peut avoir envie d'y consacrer au moins un an de sa vie, ça me dépasse.

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20 ans de vie d'une femme venue de Côte d'Ivoire et de deux de ses enfants, depuis leur premier jour en France. C'est un beau et digne film, construit en trois parties, dont chaque partie m'a semblé plus émouvante que la précédente, ce qui est rare car le film finit au moment où il est le meilleur, et où on aurait envie qu'il dure encore. La dernière partie est la plus réussie et la plus émouvante et particulièrement la dernière scène, qui arrache des larmes sans jamais recourir à des effets pour y arriver. C'est juste l'honnêteté du film qui fait venir ces larmes. D'ailleurs cette dernière partie est portée par Ahmed Sylla, qui joue le petit frère devenu grand, et je ne le connaissais que comme comique, vu lors de la cérémonie des César où il était aussi nul qu'insupportable, et j'ai été sidéré de voir quel acteur génial il pouvait être. C'est aussi dû au talent de Léonor Serraille qui après un premier "Jeune Femme", prometteur mais plein de tics, vient de rentrer dans la cour des grands. Vivement le prochain, si elle continue ainsi. Et cette dernière phrase du film, tellement belle, et qui résonne encore en moi : "C'est pas rien, un petit frère".
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groil_groil a écrit :
mar. 13 juin 2023 11:47
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Tiens, spécial Sokol :D

J'aime bien Lvovsky et souvent j'aime bien aussi ses films, mais là c'est une horreur totale, en me forçant j'ai réussi à tenir 15mn, mais j'avais déjà envie d'égorger des chatons. Plus sérieusement, je me demande comment des producteurs peuvent s'emballer sur un truc comme ça et comment une cinéaste peut avoir envie d'y consacrer au moins un an de sa vie, ça me dépasse.

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20 ans de vie d'une femme venue de Côte d'Ivoire et de deux de ses enfants, depuis leur premier jour en France. C'est un beau et digne film, construit en trois parties, dont chaque partie m'a semblé plus émouvante que la précédente, ce qui est rare car le film finit au moment où il est le meilleur, et où on aurait envie qu'il dure encore. La dernière partie est la plus réussie et la plus émouvante et particulièrement la dernière scène, qui arrache des larmes sans jamais recourir à des effets pour y arriver. C'est juste l'honnêteté du film qui fait venir ces larmes. D'ailleurs cette dernière partie est portée par Ahmed Sylla, qui joue le petit frère devenu grand, et je ne le connaissais que comme comique, vu lors de la cérémonie des César où il était aussi nul qu'insupportable, et j'ai été sidéré de voir quel acteur génial il pouvait être. C'est aussi dû au talent de Léonor Serraille qui après un premier "Jeune Femme", prometteur mais plein de tics, vient de rentrer dans la cour des grands. Vivement le prochain, si elle continue ainsi. Et cette dernière phrase du film, tellement belle, et qui résonne encore en moi : "C'est pas rien, un petit frère".
Bien d'accord avec toi sur Un petit frère ! :love2:
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asketoner a écrit :
mar. 13 juin 2023 11:50
groil_groil a écrit :
mar. 13 juin 2023 11:47
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Tiens, spécial Sokol :D

J'aime bien Lvovsky et souvent j'aime bien aussi ses films, mais là c'est une horreur totale, en me forçant j'ai réussi à tenir 15mn, mais j'avais déjà envie d'égorger des chatons. Plus sérieusement, je me demande comment des producteurs peuvent s'emballer sur un truc comme ça et comment une cinéaste peut avoir envie d'y consacrer au moins un an de sa vie, ça me dépasse.

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20 ans de vie d'une femme venue de Côte d'Ivoire et de deux de ses enfants, depuis leur premier jour en France. C'est un beau et digne film, construit en trois parties, dont chaque partie m'a semblé plus émouvante que la précédente, ce qui est rare car le film finit au moment où il est le meilleur, et où on aurait envie qu'il dure encore. La dernière partie est la plus réussie et la plus émouvante et particulièrement la dernière scène, qui arrache des larmes sans jamais recourir à des effets pour y arriver. C'est juste l'honnêteté du film qui fait venir ces larmes. D'ailleurs cette dernière partie est portée par Ahmed Sylla, qui joue le petit frère devenu grand, et je ne le connaissais que comme comique, vu lors de la cérémonie des César où il était aussi nul qu'insupportable, et j'ai été sidéré de voir quel acteur génial il pouvait être. C'est aussi dû au talent de Léonor Serraille qui après un premier "Jeune Femme", prometteur mais plein de tics, vient de rentrer dans la cour des grands. Vivement le prochain, si elle continue ainsi. Et cette dernière phrase du film, tellement belle, et qui résonne encore en moi : "C'est pas rien, un petit frère".
Bien d'accord avec toi sur Un petit frère ! :love2:
:love2:
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sokol
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@groil_groil Pourquoi, je suis réputé etre un Lvovskyien de premier ? :??:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit :
mar. 13 juin 2023 11:57
@groil_groil Pourquoi, je suis réputé etre un Lvovskyien de premier ? :??:
Nan, je disais ça car je n'en ai vu que 15mn ! C'est ta marque de fabrique :D
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@groil_groil c'est bon, i got it : aller jusqu’à la fin d'un film :lol:
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@groil_groil Je pensais à toi dimanche car j'ai revu "L'esprit de la ruche" (1973). Et je me disait que Tarkovski a du le voir : son "Miroir" ,1975 fait assez penser à la merveille de Erice. Le montage surtout. Et même quelques plans :

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Modifié en dernier par sokol le mar. 13 juin 2023 12:15, modifié 1 fois.
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sokol a écrit :
mar. 13 juin 2023 12:09
@groil_groil Je pensais à toi dimanche car j'ai revu "L'esprit de la ruche" (1973). Et je me disait que Tarkovski a du le voir : son "Miroir" ,1975 fait assez penser à la merveille de Erice. Le montage surtout. Et même quelques plans :

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non mais carrément tu as complètement raison!
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livr
ça semblait impossible sur le papier, mais si, adapter Mishima (et qui plus est l'un de ses plus grands chefs-d'oeuvre) en le transposant sur les côtes anglaises, et tout en restant extrêmement fidèle au livre, et en livrant une oeuvre habitée, dérangeante, sans concession aucune, et bien c'est possible ! Premier film du scénariste Lewis-John Carlino, qui n'en a réalisé que 3 (le second est inconnu en France et le troisième est l'excellent Class), et grande découverte de l'année.

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Plus ça va, moins j'aime le cinéma de Claire Denis. ça vaut pour ces films récents, tous (à part peut-être l'exception 35 rhums) plus agaçants les uns que les autres, mais je me rends compte que ça devient le cas pour ses premiers également. Chocolat par exemple, est déjà un film très irritant, et est vraiment problématique, comme tous les films de Denis se déroulant en Afrique, concernant la question du colonialisme. On a pu évoquer ce souci à propos du dernier Campillo, mais franchement c'est bien pire ici.

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Ari Aster a visiblement tellement de comptes à régler avec sa mère, que même un psy - ultra présent dans le film - n'y suffit pas; il a eu besoin d'exorciser ce cauchemar dans un autre cauchemar, filmé celui-ci, de 3 heures remplies jusqu'au débord et, malgré de nombreuses longueurs et quelques égarement, avec une force d'écriture et de style assez saisissantes. Il y a tout pour que ça donne le film à Oscars chiant type Birdman, mais non, Aster, qu'on nous vend certes un peu trop tôt comme le nouveau grand génie du cinéma américain, s'empare de la schizophrénie de son héros - magnifiquement aidé par son interprète Joaquim Phoenix il faut dire - pour créer une oeuvre qui doit plus à Inland Empire ou Under the Silver Lake. La première heure notamment, est absolument incroyable. Habité, déstabilisant, gore, trash, cherchant sans cesse à repousser toutes les limites, y compris celles de la grammaire cinéphilique, mais ne se perd jamais. On suit la route de Beau de bout en bout, même si on sait qu'au mieux il débouchera sur une impasse.
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sokol a écrit :
lun. 25 juil. 2022 12:44
Quant à moi j'ai revu "Le bonheur" de Varda (1966) que j'avais découvert il y a seulement quelques mois.


[...] Je suis véridique : il est impossible que Tarkovski n'ait pas vu ce film.

Bref, un très très grand film sur les grandes notions tels que le bonheur, l'humanité, l'amour, la liberté, la vie la mort etc.

On peut même faire un top5 :

1. "Stalker" de Tarkovski : la quête du bonheur (le sens de la vie)
2. "L’humanité" de B. Dumont : qu'est ce que l'humanité (la bienveillance)
3. "Numéro Deux" de JL Godard : qu'est ce que la liberté
4. "Le bonheur" de A. Varda : qu'est-ce que le bonheur
5. "Le gout de la cerise" de A. Kiarostami : qu'est ce que mourir
Je me cite (pour la bonne cause) :

Je regardais ça hier : https://www.youtube.com/watch?v=Mkhz2rQ9tAs : Maurice Darmon parle de « L’humanité » de Bruno Dumont.

Et je me suis rendu compte que, au fond, « L’humanité » est en quelque sorte un ‘remake’ de « Stalker » de Tarkovski car, puisque le film russe est une transposition très sophistiquée de la Bible voir, une mutation de la Bible (l'apocalypse a déjà eu lieu : le texte qui défile sur l'écran au tout début parle de ça), on peut dire la même chose pour le film de Dumont (le viol de la fillette = l’apocalypse).

Donc : Pharaon, ne serait-il pas un Stalker du XXI siècle ?

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Sinon, durant cette petite vidéo on apprend l'existence également d'un roman écrit par Dumont qui s'intitule "L'humanité" (j'arrive pas à comprendre s'il est finalement publié ou pas)

"Grand prix du jury au festival de Cannes en 1999. L’humanité est d’abord un roman, jamais publié ; le voici en version intégrale. Lieutenant de police, Pharaon est un homme simple, jeune, qui espère en chacun de nous. Strict et humble, il prend sur lui le mal d’autrui et souffre de cette sympathie. Voici son sacrifice. Pharaon a peu de personnes à qui parler et ne s’adresse presque qu’à lui. Pharaon est amoureux d'une voisine. Il est devenu son ami et un peu celui de son copain. Souvent ils sortent à trois. Domino a une sympathie très pure pour Pharaon, lui se mine de son amour pour elle. Cet homme incliné pleure quand à la télévision les images sont inhumaines. Il pleure devant la misère à son travail. Une enquête sordide, découvre lentement son désespoir et l'effroi de sa propre culpabilité universelle, celle de notre monstrueuse nature. Un romancier se révèle. Bruno Dumont est scénariste, réalisateur de plusieurs films dont La vie de Jésus".


https://www.babelio.com/livres/Dumont-Lhumanite/297979
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Chocolat c'est carrément gênant !
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asketoner a écrit :
jeu. 15 juin 2023 11:52
Chocolat c'est carrément gênant !
ah merci !
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Claire Denis a fait, n'est-ce-pas, quelques films remarquables (chronologiquement) : J'ai pas sommeil, US Go Home (j'adore ! :love: ), Nenette et Boni, Beau travail, Trouble every day.
A partir de 2010 (White material) ça se gâte de plus en plus (elle aurait du arrêter, il n'y aurait pas mort d’homme). Il parait que "Stars at noon" c'est carrément la cata (or, High Life était déjà une catastrophe). Mais comme elle déprime, je me demande si on continue à financer ses films "par pitié" (un peu comme Naomi Kawase quoi)
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sokol a écrit :
jeu. 15 juin 2023 15:04
Claire Denis a fait, n'est-ce-pas, quelques films remarquables (chronologiquement) : J'ai pas sommeil, US Go Home (j'adore ! :love: ), Nenette et Boni, Beau travail, Trouble every day.
A partir de 2010 (White material) ça se gâte de plus en plus (elle aurait du arrêter, il n'y aurait pas mort d’homme). Il parait que "Stars at noon" c'est carrément la cata (or, High Life était déjà une catastrophe). Mais comme elle déprime, je me demande si on continue à financer ses films "par pitié" (un peu comme Naomi Kawase quoi)
Je pense de plus en plus que son cinéma est mauvais. Elle veut faire du mystère, mais c'est très creux, et on la voit faire beaucoup d'efforts et de manières pour maintenir le doute.
En plus, à l'étranger, ça marche. Alors ça tourne un peu la tête, forcément.
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sokol a écrit :
mar. 13 juin 2023 12:09
@groil_groil Je pensais à toi dimanche car j'ai revu "L'esprit de la ruche" (1973). Et je me disait que Tarkovski a du le voir : son "Miroir" ,1975 fait assez penser à la merveille de Erice. Le montage surtout. Et même quelques plans :

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Je l'ai revu hier soir et j'ai pensé au Miroir aussi, notamment à cause de la façon dont les cheveux sont filmés, et de l'usage du jaune et du doré.
Mais aussi à Kiarostami, énormément ! Le plan final de Et la vie continue est dans L'esprit de la ruche à peu de choses près ! Et les routes qui sinuent au fond des plans. Et les yeux noirs de l'enfance...
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je viens d'apprendre que le nouveau Erice sort en plein milieu du mois d'août. le 16 pour être précis. C'est un scandale absolu, en plein été le truc va passer complètement inaperçu, c'est clairement visible que le distributeur s'en débarrasse en faisant ça. Personnellement je serai en vacances et je sais qu'il ne sera plus à l'affiche quand je rentrerai début septembre, noyé au beau milieu de toutes les sorties de rentrée et je suis en colère !
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sokol a écrit :
jeu. 15 juin 2023 15:04
Claire Denis a fait, n'est-ce-pas, quelques films remarquables (chronologiquement) : J'ai pas sommeil, US Go Home (j'adore ! :love: ), Nenette et Boni, Beau travail, Trouble every day.
A partir de 2010 (White material) ça se gâte de plus en plus (elle aurait du arrêter, il n'y aurait pas mort d’homme). Il parait que "Stars at noon" c'est carrément la cata (or, High Life était déjà une catastrophe). Mais comme elle déprime, je me demande si on continue à financer ses films "par pitié" (un peu comme Naomi Kawase quoi)
Ce que je retiens de Claire Denis, c'est qu'elle essaye. Elle réussit rarement, mais elle essaye. Et c'est déjà beaucoup.

High life, j'ai bien aimé. La première fois, je me suis à moitié endormi, la deuxième aussi, ça m'a laissé une vague impression globale. Mais pas autant que trouble every day, c'est sûr.
Pas assez vu de ses derniers films et pas spécialement envie, ça a l'air plus affirmé, trop écrit.
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groil_groil a écrit :
ven. 16 juin 2023 10:33
je viens d'apprendre que le nouveau Erice sort en plein milieu du mois d'août. le 16 pour être précis. C'est un scandale absolu, en plein été le truc va passer complètement inaperçu, c'est clairement visible que le distributeur s'en débarrasse en faisant ça. Personnellement je serai en vacances et je sais qu'il ne sera plus à l'affiche quand je rentrerai début septembre, noyé au beau milieu de toutes les sorties de rentrée et je suis en colère !
Le gang des cinéphiles-qui-restent-à-Paris-au-mois-d'août ira le voir à toutes les séances pour le maintenir en salles jusqu'à ce que les vacanciers reviennent.
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asketoner a écrit :
ven. 16 juin 2023 14:07
groil_groil a écrit :
ven. 16 juin 2023 10:33
je viens d'apprendre que le nouveau Erice sort en plein milieu du mois d'août. le 16 pour être précis. C'est un scandale absolu, en plein été le truc va passer complètement inaperçu, c'est clairement visible que le distributeur s'en débarrasse en faisant ça. Personnellement je serai en vacances et je sais qu'il ne sera plus à l'affiche quand je rentrerai début septembre, noyé au beau milieu de toutes les sorties de rentrée et je suis en colère !
Le gang des cinéphiles-qui-restent-à-Paris-au-mois-d'août ira le voir à toutes les séances pour le maintenir en salles jusqu'à ce que les vacanciers reviennent.
Je le vois demain, je vous dis ce que ça vaut et on s'organise :D
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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asketoner a écrit :
jeu. 15 juin 2023 18:24

Je pense de plus en plus que son cinéma est mauvais. Elle veut faire du mystère, mais c'est très creux, et on la voit faire beaucoup d'efforts et de manières pour maintenir le doute.
En plus, à l'étranger, ça marche. Alors ça tourne un peu la tête, forcément.
Les films que j’ai cité sont excellents, ‘mystère ou pas’.
À mon opinion, elle n’a pas su arrêter et ‘c’est tout’
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len' a écrit :
ven. 16 juin 2023 13:40
Ce que je retiens de Claire Denis, c'est qu'elle essaye.
Ça, je l’ai toujours défendu. Mais depuis 10 ans… 🙄
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asketoner a écrit :
sam. 7 janv. 2023 17:56


L'âme-soeur, Fredi M. Mürer, 1985

Une famille vit dans une maison au sommet d'une montagne, sur un terrain en pente. La pente conditionne toutes leurs relations. A l'image, ils sont, littéralement, les uns sur les autres. Ils dévalent ou décollent, penchent, s'inclinent, sautent, se hissent, dégringolent. L'espace est vaste, la maison est isolée, et pourtant tout est serré. Comme le cadre choisi, malgré les paysages grandioses. Tout est serré, autrement dit : tout fait famille. (J'ai pensé à La Cienaga, de Lucrecia Martel.)
Le récit s'intéresse d'abord au quotidien de cette famille, deux parents assez âgés, une mère asthmatique, une jeune femme lumineuse, et son petit frère sourd et muet. Ils ont des cochons, du lisier à épandre, des arbres qui tentent de pousser malgré les tempêtes. Leur isolement tient lieu de fable. La jeune femme aurait pu devenir institutrice si son frère n'était pas handicapé. Elle ne lui fait pourtant pas porter la moindre culpabilité, et de toute façon il en est incapable. Ce garçon, jovial, étrange et pulsionnel, est un petit dieu venu semer, parmi les siens, le désordre et la destruction. Il casse ce qui le dérange. Il ne connaît que le plaisir et la colère. Plus isolé encore, par son handicap, que la famille dans laquelle il est né, il est sa seule mesure.
Peu à peu, le drame arrive. Sans dramatisation. Avec l'évidence de ce qui se prépare depuis longtemps sans s'annoncer. L'inceste, le meurtre : il n'aurait pas pu en être autrement. Tout semble s'être produit par nécessité. Et la douceur est là, toujours, malgré ce qui survient. La tendresse. La beauté des liens. Le trouble plutôt que le propos.
L'hiver vient lui aussi, ensevelissant peu à peu la maison sous la neige. Dans le blanc, le silence et l'oubli. La maison disparaît. Il n'y a plus que les montagnes. Un hélicoptère passe, il porte une vache morte dans le ciel.
Très belle découverte.
Je l’ai vu aujourd’hui. Je l’ai trouvé mauvais (je ne suis pas parti presque par ‘respect’, puisqu’il s’agit d’un vieux film et les vieux on les respecte un peu ‘inconditionnellement’ 😐).

Pour moi, la mise en scène est mauvaise, ce n’est pas celle qu’il fallait faire. C’est l’exemple par excellence de ce j’appelle ‘un scénario filmé’. Le film manque cruellement de dialectique interne.
La preuve, ses dialogues : dès que les 3 personnages ouvrent le bec c’est pour parler du quatrième donc du fils, du sourd-muet ! Ils ne parlaient pas d’autres choses, eux ??
Du coup, c’est : j’ai un scénario (dans le sens : j’ai un sujet, de surcroît bien fort et original - force est de constater) et je vais mettre par déçu des image. Donc zéro écriture cinématographique.
Pourtant, je répète, le scénario est très bon (c’est peut être pour cela que @asketoner parle quasiment que de ça dans son papier ! Hasard ??) mais alors le film (donc la mise en scène) est vriament ☹️
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sokol a écrit :
ven. 16 juin 2023 22:30
asketoner a écrit :
sam. 7 janv. 2023 17:56


L'âme-soeur, Fredi M. Mürer, 1985

Une famille vit dans une maison au sommet d'une montagne, sur un terrain en pente. La pente conditionne toutes leurs relations. A l'image, ils sont, littéralement, les uns sur les autres. Ils dévalent ou décollent, penchent, s'inclinent, sautent, se hissent, dégringolent. L'espace est vaste, la maison est isolée, et pourtant tout est serré. Comme le cadre choisi, malgré les paysages grandioses. Tout est serré, autrement dit : tout fait famille. (J'ai pensé à La Cienaga, de Lucrecia Martel.)
Le récit s'intéresse d'abord au quotidien de cette famille, deux parents assez âgés, une mère asthmatique, une jeune femme lumineuse, et son petit frère sourd et muet. Ils ont des cochons, du lisier à épandre, des arbres qui tentent de pousser malgré les tempêtes. Leur isolement tient lieu de fable. La jeune femme aurait pu devenir institutrice si son frère n'était pas handicapé. Elle ne lui fait pourtant pas porter la moindre culpabilité, et de toute façon il en est incapable. Ce garçon, jovial, étrange et pulsionnel, est un petit dieu venu semer, parmi les siens, le désordre et la destruction. Il casse ce qui le dérange. Il ne connaît que le plaisir et la colère. Plus isolé encore, par son handicap, que la famille dans laquelle il est né, il est sa seule mesure.
Peu à peu, le drame arrive. Sans dramatisation. Avec l'évidence de ce qui se prépare depuis longtemps sans s'annoncer. L'inceste, le meurtre : il n'aurait pas pu en être autrement. Tout semble s'être produit par nécessité. Et la douceur est là, toujours, malgré ce qui survient. La tendresse. La beauté des liens. Le trouble plutôt que le propos.
L'hiver vient lui aussi, ensevelissant peu à peu la maison sous la neige. Dans le blanc, le silence et l'oubli. La maison disparaît. Il n'y a plus que les montagnes. Un hélicoptère passe, il porte une vache morte dans le ciel.
Très belle découverte.
Je l’ai vu aujourd’hui. Je l’ai trouvé mauvais (je ne suis pas parti presque par ‘respect’, puisqu’il s’agit d’un vieux film et les vieux on les respecte un peu ‘inconditionnellement’ 😐).

Pour moi, la mise en scène est mauvaise, ce n’est pas celle qu’il fallait faire. C’est l’exemple par excellence de ce j’appelle ‘un scénario filmé’. Le film manque cruellement de dialectique interne.
La preuve, ses dialogues : dès que les 3 personnages ouvrent le bec c’est pour parler du quatrième donc du fils, du sourd-muet ! Ils ne parlaient pas d’autres choses, eux ??
Du coup, c’est : j’ai un scénario (dans le sens : j’ai un sujet, de surcroît bien fort et original - force est de constater) et je vais mettre par déçu des image. Donc zéro écriture cinématographique.
Pourtant, je répète, le scénario est très bon (c’est peut être pour cela que @asketoner parle quasiment que de ça dans son papier ! Hasard ??) mais alors le film (donc la mise en scène) est vriament ☹️


Je brûle tout Claire Denis pour sauver ce film.
D'ailleurs c'est faux, il y a de la mise en scène, puisque la scène, précisément, c'est-à-dire la montagne, le paysage, la pente, agissent sur ce qui a lieu.
Je t'accorde qu'il y a trop de répliques et qu'elles sont explicatives, mais bon...
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asketoner a écrit :
sam. 17 juin 2023 12:59

Je brûle tout Claire Denis pour sauver ce film.
D'ailleurs c'est faux, il y a de la mise en scène, puisque la scène, précisément, c'est-à-dire la montagne, le paysage, la pente, agissent sur ce qui a lieu.
Je t'accorde qu'il y a trop de répliques et qu'elles sont explicatives, mais bon...
Pourtant, ton papier, du premier mot au dernier, raconte l’histoire du film (géniale et unique) mais ne parle pas du film (de la mise en scène quoi)
🥹
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Désordre - Cyril Schäublin - 2023

Quelle étrange coïncidence : que les usines fabricant montres, réveils et autres machines à mesurer le temps -et donc à organiser la vie- soient également le bastion de l'anarchisme, mouvement porteur d'autres façons d'envisager l'organisation politique et social - et donc la vie.
L'anarchisme, on le sait, n'est pas une désorganisation générale, une loi du plus fort et de l'individualisme. Elle est au contraire une prise de conscience individuelle de sa place propre et de ses responsabilités libres au sein d'un ensemble général d'interactions, les deux échelles étant interdépendantes.
Désordre fait sienne ce questionnement en étant construit précisément sur ce double jeu d'échelle : d'une part des plans larges, scènettes historiques d'observations, aux compositions visuelles surprenantes, décentrées, déconstruites, pleines d'airs et d’espaces et de temps autours des différents protagonistes. Et d'autres parts des plans très resserrés, des détails d'objets, de gestes, d'outils, de constructions de montres et autres réveils. Entre ces deux dimensions se dessine un récit, tout en fluidité et en évanescence. Rien n'est dit tant qu'évoqué, supposé, sous-entendu : la naissance d'une pensée politique, le basculement d'une époque et d'un monde vers la modernité technique et sa puissance industrielle à venir. Ce qui se joue sous nos yeux est toujours plus de l'ordre de la supposition que de l'affirmation. Ici tient la force du film qui ne fait pas de sa reconstitution historique une glorieuse priorité (on songe, en un certain sens, à Peter Watkins, non sans aller jusqu'à sa déconstruction du médium cinéma, mais pour son mode de reconstitution historique qui n'est jamais une vaine finalité) mais une ondoyante toile de fond. Désordre (dont le titre français perd le magnifique double sens de son original "Unrueh" : "désordre" mais également nom d'une pièce dans le mécanisme d'une montre) est à ce titre un film très cérébral, dont la rigueur intellectuelle pourrait presque frustrer le plaisir des sens... une approche heureusement remise en cause dans ses dernières minutes lorsque surgit l'esquisse d'une histoire d'amour, dont un mouvement de caméra -le seul du film- ouvre le glissement du temps machinique vers le temps humain, intime, naturel et sensible.


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Showing Up - Kelly Reichardt

Kelly Reichardt, reine du cinéma américain indépendant contemporain - et ce jusqu'au bout des ongles, à la limite d'une affèterie condescendante ici, nous revient avec ce qui constitue le fil rouge de son travail depuis le début de sa carrière : le portrait d'une solitude, ou au mieux d''un tout petit groupe, au prise avec un contexte plus large : le duo amical randonnant dans la forêt de Old Joy, le groupe d'activistes posant une bombe sur un barrage dans Night Moves, une communauté de colons piégée dans le désert de La Dernière Piste... Ici une jeune artiste doucement dépressive dans une communauté artistique de la ville de Portland, sur le côte Ouest des USA.
Lizzie, artiste céramiste, se confronte à ses doutes intérieurs et aux aléas des relations professionnelles, amicales et familiales dans les quelques jours précédents sa nouvelle exposition. Fil rouge du film, un pigeon à l'aile cassée, surgit dans la vie de Lizzie, dont elle prendra soin durant l'ensemble du long métrage. Si la guérison de l'aile du volatile fini par l'occuper plus que de raison, c'est ensuite sa propre nouvelle céramique qui sera à son tour abimé, à moitié cramé par une mauvaise cuisson. La sculpture, comme le pigeon, finiront par occuper une place de choix - bien qu'imprévu - durant le vernissage de Lizzie. Et la question se pose alors : quel est en réalité l’œuvre de Lizzie la plus importante et ou se trouve la réalité du travail de l'artiste : dans la réalisation d'un objet artistique, ou dans le prendre soin (de soi, des autres, du monde ?). Des questionnements très dans l'air du temps, tandis que la question du "care" occupe une place prépondérante dans les réflexions artistiques contemporaines.
A travers un film aux apparences atonales, Reichardt se penche sur la tâche la plus complexe qu'il soit : la représentation de l'acte de création, ici dans toutes ses complexités intimes et collectives à travers le portrait de toute une communauté d'artiste, dépeinte non sans une certaine dérision mais sous une lumière toujours bienveillante.
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groil_groil
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asketoner a écrit :
ven. 16 juin 2023 14:07
groil_groil a écrit :
ven. 16 juin 2023 10:33
je viens d'apprendre que le nouveau Erice sort en plein milieu du mois d'août. le 16 pour être précis. C'est un scandale absolu, en plein été le truc va passer complètement inaperçu, c'est clairement visible que le distributeur s'en débarrasse en faisant ça. Personnellement je serai en vacances et je sais qu'il ne sera plus à l'affiche quand je rentrerai début septembre, noyé au beau milieu de toutes les sorties de rentrée et je suis en colère !
Le gang des cinéphiles-qui-restent-à-Paris-au-mois-d'août ira le voir à toutes les séances pour le maintenir en salles jusqu'à ce que les vacanciers reviennent.
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groil_groil
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Employé dans une imprimerie, un homme se doit de tremper dans des affaires louches avec un cousin malfrat pour payer les médicaments de son épouse afin de lui éviter une troisième fausse-couche. C'est ma découverte d'avec le cinéma de Lino Brocka, et je suis impressionné par la qualité de son cinéma, fourmillant d'idées, d'une grande liberté, d'un grand courage politique (contre la dictature de Marcos toujours président à l'époque), qui m'a donné l'impression de découvrir l'équivalent d'un Fassbinder philippin.

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Une vieille mère ultra possessive (jouée par Shelley Winters) de son fils adulte ne parvenant pas à s'émanciper, habitant dans un immeuble où réside en grande partie des travestis (dont Max Von Sydow !) va se mettre d'un coup à devenir une tueuse sanguinaire au hachoir. Mais sans qu'on comprenne vraiment pourquoi, sans qu'il n'y ait de tension véritable qui s'installe, sans climax aucun. Bref, ce film tardif de Bolognini rate carrément sa cible et ne provoque qu'un long ennui dont les rares coups de hachoir sont les seuls moments qui nous sortent de la torpeur.

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Lors d'un voyage en train où il doit simplement aller préparer la grande villa de Monte-Carlo de son patron, le majordome d'un Prince, tombe amoureux d'une belle comtesse qui croit être en face du prince lui-même. Il ne dément pas et la séduit dans ce mensonge qui amuse aussi le prince, jusqu'au moment où celui-ci est pris pour le majordome. S'en suit une suite de quiproquos et de rebondissements tous plus délicieux les uns que les autres, dignes d'un Lubitsch en très grande forme, avec la différence notoire comme le dit si bien Jean-Pierre Dionnet qu'ici on ouvre les portes plutôt qu'on ne les claques, qui prouve que James Whale n'était pas juste un grand cinéaste d'horreur mais qu'il était aussi à l'aise dans la comédie. Ce film pré-code (on est en 1933) se distingue par sa grande liberté de ton, son humour piquant, et surtout une mise en scène d'une grande ampleur sur un sujet qui n'est à la base que l'adaptation d'une pièce de théâtre. Mais le génie de Whale donne beaucoup d'air à tout cela !
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asketoner
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groil_groil a écrit :
lun. 19 juin 2023 09:24
asketoner a écrit :
ven. 16 juin 2023 14:07
groil_groil a écrit :
ven. 16 juin 2023 10:33
je viens d'apprendre que le nouveau Erice sort en plein milieu du mois d'août. le 16 pour être précis. C'est un scandale absolu, en plein été le truc va passer complètement inaperçu, c'est clairement visible que le distributeur s'en débarrasse en faisant ça. Personnellement je serai en vacances et je sais qu'il ne sera plus à l'affiche quand je rentrerai début septembre, noyé au beau milieu de toutes les sorties de rentrée et je suis en colère !
Le gang des cinéphiles-qui-restent-à-Paris-au-mois-d'août ira le voir à toutes les séances pour le maintenir en salles jusqu'à ce que les vacanciers reviennent.
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Je crois que tu m'avais parlé de ce film, vu hier soir :

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Sierra Torride (Two Mules for Sister Sara), Don Siegel, 1970

Le film est très amusant parce qu'il enchaîne les catastrophes sans jamais fléchir. Il y a une surenchère à l'oeuvre très concrète, où toute psychologie et tout sentiment sont fortement réprimés, jusqu'à la scène assez hilarante où la nonne doit mettre le feu à une flèche qui s'est plantée dans le coeur du cowboy et la faire resortir par son omoplate. La dernière partie (avec l'attaque du fort français) est un peu plus plate, moins immédiate, et moins intéressante aussi parce que la supercherie initiale a été révélée et que la révélation n'est pas une idée de génie (la nonne était une pute, ça alors !). En tout cas Don Siegel est un cinéaste intense et qui sait s'amuser.
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sokol
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(Hélas pour moi) je vais vous raconter une histoire : je l'ai vu il y à peu près 20 ans, sur grand écran, quand je commençais à m’intéresser réellement du cinéma. Or, non seulement je ne savais rien de Eustache mais surtout, je n'avais jamais vu un film de Bresson (comme dit Bégaudeau dans son podcast : c'est le film le plus Bressonien de l'histoire du cinéma, voir plus que ceux du maitre lui-même; à propos du posdact : @asketoner, t'es pas le seul à penser que "La maison des bois" est ce que Pialat a fait de plus beau : vous êtes au moins deux, toi et Bégaudeau).

Donc, je l'avais vu il y a 20 ans. Ça m'avait surpris, dérouté, étonné, déconcerté. Bref, ne l'avais pas "compris". Et je l'ai revu avant-hier soir, toujours sur grand écran. Et :

1. Je pense que c'est le plus beau film de Eustache, le plus vrai, le moins 'tricheur' (le cinéma est déjà une grosse tricherie, qui ne le sait pas).

2. J'étais sidéré par la courteur des scènes (je n'ai pas vu mieux au cinéma, à part les films de Bresson ou "Le nouveau monde" de Malick - d'ailleurs, Malick c'est du Bresson avec de la musique donc, même si souvent c'est très réussi, ça reste un peu du sous-Bresson. C'est dit).

3. Et surtout, par la caméra : je pense que c'est le plus beau film au monde en ce qui concerne le positionnellement d'une caméra par rapport aux acteurs (et puisque pour moi "dis moi où tu pose ta caméra et je te dis ce que tu fais comme film", là, ça bat tous les records. A la limite, il y a que les Straub qui arrivaient à faire ça. Très probablement, ça doit venir également du fait que c'est un film autobiographique (même si, comme disait Eustache lui-même, "Mes petites amoureuses" c'est la partie autobiographique de sa vie qui n'a pas eu lieu - une autobiographie rêvé, on va dire).

Puis, vers 2/3 du film, j'ai pleuré. Il n'y avait aucune raison apparente (l'histoire, un personnage, une situation... ) : rien. J'ai dû pleurer pour Eustache, pour l'auteur de l’œuvre. Bergman disait que les larmes au cinéma sont toujours un peu mauvaises car elles libèrent le spectateurs de ses problèmes mais là, c'est des larmes différentes (peut être les seules qui méritent d’être versées). Ça m'arrive de verser ce 'genre' de larmes seulement devant les films de Godard (car chez lui aussi, existe une relation très forte entre l’œuvre et l'auteur, on ne peut les séparer, même durant le visionnage d'un film car même s'il n'y apparait pas, Godard était le plus grand acteur de ses propres films, il suffisait de le voir, il était toujours là, sûr). Et là, rebelote : je ne m'y attendais pas (même si dans "La maman et la putain" Veronika versait parmi les plus belles larmes au cinéma, elle ne m'a jamais fait pleurer, et c'est tant mieux car cela aurait été 'facile').

Sacré film. Et même un film sacré. Pur. Comment peut-on faire ça ?? Cela ne m'étonne pas une seule seconde qu'après celui-ci (pourtant, Eustache avait écrit son scénario il y a 10 ans mais il a tourné juste après "La maman et la putain", probablement pour profiter de la notoriété qu'il a pu obtenir avec celui-ci). On peut même le dire ainsi : faire "Mes petites amoureuses" et se donner la mort.

Du jamais vu. Littéralement.

ps: hier soir j'ai lu ce que @JanosValuska a écrit sur SensCritique à propose de ce film. Magnifique. M a g n i f i q u e. Je pense que Bégaudeau l'a lu avant son podcast : certains de ses idées y sont.

ps2 : le film est dédié aux filles (tout comme le titre indique) et pas à l'héros masculin du film. Ces plans, mais ces plans :

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"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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groil_groil
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asketoner a écrit :
lun. 19 juin 2023 11:00
groil_groil a écrit :
lun. 19 juin 2023 09:24
asketoner a écrit :
ven. 16 juin 2023 14:07


Le gang des cinéphiles-qui-restent-à-Paris-au-mois-d'août ira le voir à toutes les séances pour le maintenir en salles jusqu'à ce que les vacanciers reviennent.
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Je crois que tu m'avais parlé de ce film, vu hier soir :

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Sierra Torride (Two Mules for Sister Sara), Don Siegel, 1970

Le film est très amusant parce qu'il enchaîne les catastrophes sans jamais fléchir. Il y a une surenchère à l'oeuvre très concrète, où toute psychologie et tout sentiment sont fortement réprimés, jusqu'à la scène assez hilarante où la nonne doit mettre le feu à une flèche qui s'est plantée dans le coeur du cowboy et la faire resortir par son omoplate. La dernière partie (avec l'attaque du fort français) est un peu plus plate, moins immédiate, et moins intéressante aussi parce que la supercherie initiale a été révélée et que la révélation n'est pas une idée de génie (la nonne était une pute, ça alors !). En tout cas Don Siegel est un cinéaste intense et qui sait s'amuser.
Ah oui oui je t'en avais parlé, j'adore ce film. oui le retournement est un peu risible vu d'aujourd'hui, mais ça ne gâche en rien mon plaisir, bien au contraire :D
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