Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Image

Numéro zéro - Jean Eustache

Eustache disait que, «dès que la camera tourne, le cinéma se fait tout seul». Sauf que, il ne disait pas que on n'allume pas la caméra n'importe quand, ni n'importe comment, ni devant n'importe qui (sans parler de la distance de cette caméra devant le sujet, ni de quel sujet s'agit-il etc etc etc). Bref, le cinéma, tout comme le travelling, est affaire de morale (Rivette) et Eustache est, peut être, un des rares cinéastes à avoir cela comme le seul motif de tout son œuvre, de son travail. Pour faire simple, il savait de quoi il parlait et il parlait uniquement de ce qu'il connaissait.

Du coup, "Numéro zéro" est un des plus bels interviews (le plus bel ?) qui m'est donné à voir au cinéma.
Un contre-exemple : si Wang Bing échoue en partie dans son "Fengming, chronique d'une femme chinoise" c'est parce que ses 3h12 ne sont pas suffisantes (quand je l'avais vu, j'ai eu l'impression que, c'est uniquement à partir de la troisième heure du film que Mme Fengming commence "son" film, c'est à dire, le film de Wang Bing devient intéressant).

Donc, comment se fait-il que les 110 minutes de "Numéro zéro" sont plus que largement suffisantes et pas les 3h12 du cinéaste chinois ? On revient à l'adage de Eustache : il faut savoir s'y prendre pour que le cinéma "se fasse tout seul". C'est à dire : j'avais lu à l'époque que Wang Bing avait filmé pendant des heures son héroïne puis, il avait fait un montage de 3h12 pour le film final. Très probablement c'était insuffisant (donc, ce n'est pas forcement une histoire de nombres d'heures !!) mais c'est parce qu'il ne connaissait pas assez Mme Fengming. Or, Eustache filme la vieille dame en continu (grâce à deux caméras dont l’une prend le relais de l’autre en fin de magasin de pellicule) "uniquement" pendant 1h50 ! Et le résultat est un chef d’œuvre !

Conclusion : oui, "il suffit d'allumer la caméra" pour que le cinéma se fasse tout seul. Mais il faut s’appeler Eustache aussi

Image
Modifié en dernier par sokol le mar. 27 juin 2023 21:51, modifié 3 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

B-Lyndon a écrit :
mar. 27 juin 2023 11:07
Mon prof de ciné avait une super blague là-dessus :
"On peut dire que Godard brouille l'écoute...sans vouloir faire de contrepèteries..."

voilà c'était ma contribution à cette discussion :D :D
:love2:

ps: il m'a fallu regarder ce que ça veut dire contrepèterie car dans ma lange maternelle on dit : antistrofë (antistrophe).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
B-Lyndon
Messages : 624
Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

sokol a écrit :
mar. 27 juin 2023 11:41
B-Lyndon a écrit :
mar. 27 juin 2023 11:07
Mon prof de ciné avait une super blague là-dessus :
"On peut dire que Godard brouille l'écoute...sans vouloir faire de contrepèteries..."

voilà c'était ma contribution à cette discussion :D :D
:love2:

ps: il m'a fallu regarder ce que ça veut dire contrepèterie car dans ma lange maternelle on dit : antistrofë (antistrophe).
C'est super beau dans ta langue !
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

B-Lyndon a écrit :
mar. 27 juin 2023 12:53

C'est super beau dans ta langue !
c'est du grec ancien ( strophê, « tournant, retournement »), rien d’exceptionnel :langue:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

B-Lyndon a écrit :
mar. 27 juin 2023 11:07
sokol a écrit :
mar. 27 juin 2023 10:33
groil_groil a écrit :
lun. 26 juin 2023 16:55
et marrant d'ailleurs d'adapter Carmen en n'utilisant que de la musique de Beethoven :D
Voilà : c'est Godard quoi. Non seulement il dépouille, mais il brouille (les pistes) également
Mon prof de ciné avait une super blague là-dessus :

"On peut dire que Godard brouille l'écoute...sans vouloir faire de contrepèteries..."


voilà c'était ma contribution à cette discussion :D :D
:lol: :lol: :lol:

un classique du contrepet.
I like your hair.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
mar. 27 juin 2023 13:03
B-Lyndon a écrit :
mar. 27 juin 2023 12:53

C'est super beau dans ta langue !
c'est du grec ancien ( strophê, « tournant, retournement »), rien d’exceptionnel :langue:
bon et t'as compris la contrepèterie ou pas ? :D
I like your hair.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

Je suis très client du cinéma de Carlos Reygadas (même s'il y a souvent des choses à reprocher dans ces films) et bizarrement je n'avais pas encore vu son premier. C'est chose faite, et il aurait peut-être mieux valu que ce film reste dans le domaine des fantasmes tant icelui m'a déplu. Déjà, il s'ouvre par de la torture animale (j'ai remarqué que les Mexicains aimaient bien ça) absolument insupportable et insoutenable. Un oiseau est buté puis, encore vivant, littéralement décapité à la main, et gros plan fixe sur sa tête qui bouge encore. Immonde. Mais ce n'est pas fini, on entend des cris de torture sur un porc et un chien se prend des coups de pied violent de la part d'un gamin. Tout ça dans les 10 premières minutes du film. J'ai failli arrêté, et j'aurais sans doute mieux fait, tant le reste du film est un brouillon raté de ce que le cinéaste fera dans la suite de son oeuvre. L'image est moche, la mise en scène faussement pensée (ce plan séquence final sur les rails avec la caméra qui tourne dans tous les sens, au secours !) et les thématiques abordées des clichés de cinéma d'auteur. En fait le souci de ce film, c'est que Reygadas pète plus haut que son cul, il se prend déjà pour Tarkovski ou Snow, mais il n'est qu'un débutant arrogant qui n'est pas encore en pleine possession de ses moyens. ça s'atténuera avec son second film et il arrivera à ses fins au troisième.

Image

Réhabilitation de ce Coen qui m'avait laissé un goût d'inachevé en salle, et que j'ai beaucoup plus apprécié de coup-ci, même si les défauts existent déjà, mais disons que je les appréhendais. Ce que j'adore dans ce film c'est qu'il ne raconte que par la mise en scène; il pourrait être muet on comprendrait exactement la même chose. D'ailleurs c'est un film très silencieux, les Coen n'ont pas besoin de mots, et on peut les remercier de n'avoir pas céder au verbiage, encore plus tentant lorsqu'il s'agit de l'adaptation d'un roman. Alors ce n'est pas Bresson comme on avait pu le lire dans la critique d'alors qui parlait sans doute un peu trop rapidement, et puis c'est tellement chic de convier Bresson pour parler de n'importe quel film qui met en scène, mais disons que ce qui est réussi, c'est que les Coen décomposent chaque action en autant de gestes qui deviennent des faits de mise en scène, et que c'est leur juxtaposition qui fait sens, parfois avec un léger décalage temporel. C'est une façon brillante de narrer, qui sera notamment reprise dans les séries Breaking Bad et Better Call Saul, qui doivent beaucoup aux deux cinéastes. Ce que je trouve moins réussi, c'est la fin, on dirait que le film botte en touche, à la fois sur le personnage de la femme (quel est son sort ?) et sur celui du tueur. On les a suivi deux heures durant et on s'en désintéresse en deux plans. Et puis il y a la parabole finale, détachée du reste du film et jouée par TJ Jones. Et générique. Je pense simplement que les Coen ont adapté scrupuleusement la fin du livre (je ne l'ai pas lu, si quelqu'un peut confirmer), mais qu'il y a des effets littéraires qui passent mal à l'écran et que cette fin aurait mérité une adaptation plus cinématographique (alors que c'est le cas sur le reste de l'oeuvre). Cette fin est belle en soi, car c'est vraiment là qu'on "explique" le titre du film, le changement d'époque, et en sous-texte le fait de vieillir et de ne plus appartenir à "ce" monde-là, c'est simplement dommage qu'elle ne soit pas à la hauteur du reste du film qui est lui parfaitement réussi.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

B-Lyndon a écrit :
mar. 20 juin 2023 12:30
Ah si, il y en a une qui y est parvenue aussi, comme par hasard, dans un seul et même film : Akerman avec Les Rendez-vous d'Anna.
Tant que j'y pense : Tsai Ming-liang aussi, avec son "La saveur de la pastèque", un film autant muet (comme 99% de ses films) que chanté.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Kahled
Messages : 549
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 18:04

groil_groil a écrit :
mar. 27 juin 2023 14:55


Image

le personnage de la femme (quel est son sort ?).
Si mes souvenirs sont bons elle se fait bien tuer. Si je ne me trompe pas, en sortant de chez elle, on voit le personnage de Javier Bardem vérifier s'il n'y a pas du sang sur ses bottes (il me semble que c'est un geste qu'il effectue tout au long du film à chaque fois qu’il bute quelqu’un :saint: ). Même sensation que toi : c'est un film qui ne s'exprime que via sa mise en scène et c'était justement l'un de ces nombreux détails que j'avais appréciés quand j'avais revu le film !
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Kahled a écrit :
mar. 27 juin 2023 16:00
groil_groil a écrit :
mar. 27 juin 2023 14:55


Image

le personnage de la femme (quel est son sort ?).
Si mes souvenirs sont bons elle se fait bien tuer. Si je ne me trompe pas, en sortant de chez elle, on voit le personnage de Javier Bardem vérifier s'il n'y a pas du sang sur ses bottes (il me semble que c'est un geste qu'il effectue tout au long du film à chaque fois qu’il bute quelqu’un :saint: ). Même sensation que toi : c'est un film qui ne s'exprime que via sa mise en scène et c'était justement l'un de ces nombreux détails que j'avais appréciés quand j'avais revu le film !
:jap:
I like your hair.
Avatar du membre
Kit
Messages : 6682
Enregistré le : dim. 6 sept. 2020 23:51
Localisation : où est né William Wyler

groil_groil a écrit :
lun. 26 juin 2023 09:23
Kit a écrit :
dim. 25 juin 2023 09:14
Image
@groil_groil :( tu préfères perdre ton temps avec un western merdique (que moi aussi je n'aime pas) au magnifique "L'homme des vallées perdues" que je t'avais conseillé il y a quelques mois, t'inquiète je ne t'embêterai plus avec mes suggestions
pourquoi tu prends mal les choses, comme ça ? Evidemment que je prends en compte les suggestions, je me souviens notamment de Cyborg qui m'a conseillé des films il y a 3 ans, que je n'ai pas encore vus, mais je m'en souviens très bien, j'en ai même acheté un en dvd, mais je ne sais pas comment fonctionne ta cinéphilie, moi elle est tout sauf linéaire, et j'ai surtout des milliers (le mot est réel) de films en attente chez moi, donc ce n'est pas parce qu'on me donne un conseil que je vais forcément voir le film dans la foulée, mais ce n'est pas non plus pour cela que je vais l'oublier.
désolé mais quand je suggère un film c'est surtout quand il passe très rarement à la télévision, j'avais suggéré par exemple Les plus belles années de notre vie (d'abord parce qu'il est magnifique) mais parce qu'il risquait de ne passer qu'une fois tous les 40 ans (perso j'ai le dvd mais j'ai dû acheter un coffret avec 6 autres films, heureusement de bons films)
Vosg'patt de cœur
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

Tyra a écrit :
mar. 27 juin 2023 11:04
cyborg a écrit :
mar. 27 juin 2023 10:22
sokol a écrit :
lun. 26 juin 2023 16:04


De la mise en scène de son film ou de la pièce de théâtre qui s'y joue ?
Honnêtement -si on omet le noir et blanc- il n'y a aucune différence de mise en scène entre ces deux versants du film, non ?
Alors...
New York : noir et blanc, format 4/3 de l'image, que des plans larges et plans d'ensemble (mais qui n'empêchent pas des scènes sublimes comme la séquence de répétition finissant par le baiser homosexuel).
Asteroid City : couleur, format cinémascope, toute une grammaire cinématographique beaucoup plus variée.

Je n'avais même pas vu qu'il y avait un changement du format d'image... Pour que des plans larges et d'ensemble, je ne suis pas bien sur tout de même. En tout cas les mouvements d'appareils se rapprochent (ses travelings latéraux, qui finissent pas emprunter pas mal à la bd, d'ailleurs)
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

Kit a écrit :
mar. 27 juin 2023 18:40
groil_groil a écrit :
lun. 26 juin 2023 09:23
Kit a écrit :
dim. 25 juin 2023 09:14

@groil_groil :( tu préfères perdre ton temps avec un western merdique (que moi aussi je n'aime pas) au magnifique "L'homme des vallées perdues" que je t'avais conseillé il y a quelques mois, t'inquiète je ne t'embêterai plus avec mes suggestions
pourquoi tu prends mal les choses, comme ça ? Evidemment que je prends en compte les suggestions, je me souviens notamment de Cyborg qui m'a conseillé des films il y a 3 ans, que je n'ai pas encore vus, mais je m'en souviens très bien, j'en ai même acheté un en dvd, mais je ne sais pas comment fonctionne ta cinéphilie, moi elle est tout sauf linéaire, et j'ai surtout des milliers (le mot est réel) de films en attente chez moi, donc ce n'est pas parce qu'on me donne un conseil que je vais forcément voir le film dans la foulée, mais ce n'est pas non plus pour cela que je vais l'oublier.
désolé mais quand je suggère un film c'est surtout quand il passe très rarement à la télévision, j'avais suggéré par exemple Les plus belles années de notre vie (d'abord parce qu'il est magnifique) mais parce qu'il risquait de ne passer qu'une fois tous les 40 ans (perso j'ai le dvd mais j'ai dû acheter un coffret avec 6 autres films, heureusement de bons films)

Le problème avec la rareté des films c'est tout de même qu'elle est très relative de nos jours...
Voici un lien pour télécharger ce fameux western, que j'ai trouvé en 2 minutes : https://1fichier.com/?v8029yrbghbb6545k ... -RARBG.rar
Donc entre Groil qui à 1000 dvds d'avance et tout ce qu'on peut trouver gratos & légalement en streaming en permanence (arte tv, france tv, mk2 curiosity, le cinema club, henri, etc...)

Tout ça pour dire que je suis toujours friands des conseils ici, quels qu'ils soient, et qu'il est vrai qu'il est particulièrement plaisant quand les nôtres sont suivis et apprécié.
Et je ne désespère pas qu'un jour quelqu'un mate les films indiens dont je parle avec passion ici, et dont je poste les liens Youtube HD qui rend donc ces œuvres à portés de clic !! Bande de feignasses !! :D
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

@cyborg Pour être franc, je n'ai pas compris : tu l'as aimé beaucoup, peu, pas du tout, énormément "Asteroid city" ? Car quand tu écrit :

Le tout d'une façon diantrement appuyée, didactique et amplement commentée. Quant au potentiel risque de foisonnement des histoires et des strates de compréhensions celles-ci sont savamment soulignés, orientés et chapitrés bien comme il faut tout au long du film.

je suis plus que d'accord. Mais à la suite de ton texte, j'ai l'impression que tu l'as adoré
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

cyborg a écrit :
mer. 28 juin 2023 10:44
Kit a écrit :
mar. 27 juin 2023 18:40
groil_groil a écrit :
lun. 26 juin 2023 09:23


pourquoi tu prends mal les choses, comme ça ? Evidemment que je prends en compte les suggestions, je me souviens notamment de Cyborg qui m'a conseillé des films il y a 3 ans, que je n'ai pas encore vus, mais je m'en souviens très bien, j'en ai même acheté un en dvd, mais je ne sais pas comment fonctionne ta cinéphilie, moi elle est tout sauf linéaire, et j'ai surtout des milliers (le mot est réel) de films en attente chez moi, donc ce n'est pas parce qu'on me donne un conseil que je vais forcément voir le film dans la foulée, mais ce n'est pas non plus pour cela que je vais l'oublier.
désolé mais quand je suggère un film c'est surtout quand il passe très rarement à la télévision, j'avais suggéré par exemple Les plus belles années de notre vie (d'abord parce qu'il est magnifique) mais parce qu'il risquait de ne passer qu'une fois tous les 40 ans (perso j'ai le dvd mais j'ai dû acheter un coffret avec 6 autres films, heureusement de bons films)

Le problème avec la rareté des films c'est tout de même qu'elle est très relative de nos jours...
Voici un lien pour télécharger ce fameux western, que j'ai trouvé en 2 minutes : https://1fichier.com/?v8029yrbghbb6545k ... -RARBG.rar
Donc entre Groil qui à 1000 dvds d'avance et tout ce qu'on peut trouver gratos & légalement en streaming en permanence (arte tv, france tv, mk2 curiosity, le cinema club, henri, etc...)

Tout ça pour dire que je suis toujours friands des conseils ici, quels qu'ils soient, et qu'il est vrai qu'il est particulièrement plaisant quand les nôtres sont suivis et apprécié.
Et je ne désespère pas qu'un jour quelqu'un mate les films indiens dont je parle avec passion ici, et dont je poste les liens Youtube HD qui rend donc ces œuvres à portés de clic !! Bande de feignasses !! :D
:lol: :love2:
I like your hair.
Avatar du membre
Kit
Messages : 6682
Enregistré le : dim. 6 sept. 2020 23:51
Localisation : où est né William Wyler

si je me souviens bien groil ne regarde pas les films sur Youtube, j'avais proposé Sergent la terreur qui s'y trouve
j'ai vu 2 films indiens et j'avoue que 3h devant ça épuise :sleep:
Vosg'patt de cœur
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

sokol a écrit :
mer. 28 juin 2023 12:27
@cyborg Pour être franc, je n'ai pas compris : tu l'as aimé beaucoup, peu, pas du tout, énormément "Asteroid city" ? Car quand tu écrit :

Le tout d'une façon diantrement appuyée, didactique et amplement commentée. Quant au potentiel risque de foisonnement des histoires et des strates de compréhensions celles-ci sont savamment soulignés, orientés et chapitrés bien comme il faut tout au long du film.

je suis plus que d'accord. Mais à la suite de ton texte, j'ai l'impression que tu l'as adoré
Ah non je n'ai pas vraiment aimé... Si je dilue mon avis pour que le texte ne soit pas trop frontal et détaille mon approche du film, je pense que la dernière phrase indique mon appréciation non ?
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

@Kit : justement les films que je regarde ne sont pas du tout dans ce genre de cliché sur le cinéma indien (quasi aucun bollywood pour moi, par exemple, explorant ce qu"on nomme le "parallèle cinéma" ) et dépassent rarement les 2h, voir l'heure 45 ;)
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

cyborg a écrit :
mer. 28 juin 2023 15:47
je pense que la dernière phrase indique mon appréciation non ?
Je n'ai pas du faire attention, autant pour moi. Merci
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Je lisais cette magnifique interview de Eustache en mai 1971 (http://derives.tv/entretien-avec-jean-eustache/) et je me disais qu'on peut dire :

numéro 0 : "Numéro zéro" (Jean Eustache, 1971)
numéro 1 : "La maman et la putain" (Jean Eustache, 1973)
numéro 2 : "Numéro deux" (Jean-Luc Godard, 1975)

n'est-ce-pas @B-Lyndon ?

Image

Image

Image
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

cyborg a écrit :
mer. 28 juin 2023 10:34
Tyra a écrit :
mar. 27 juin 2023 11:04
cyborg a écrit :
mar. 27 juin 2023 10:22


Honnêtement -si on omet le noir et blanc- il n'y a aucune différence de mise en scène entre ces deux versants du film, non ?
Alors...
New York : noir et blanc, format 4/3 de l'image, que des plans larges et plans d'ensemble (mais qui n'empêchent pas des scènes sublimes comme la séquence de répétition finissant par le baiser homosexuel).
Asteroid City : couleur, format cinémascope, toute une grammaire cinématographique beaucoup plus variée.

Je n'avais même pas vu qu'il y avait un changement du format d'image... Pour que des plans larges et d'ensemble, je ne suis pas bien sur tout de même. En tout cas les mouvements d'appareils se rapprochent (ses travelings latéraux, qui finissent pas emprunter pas mal à la bd, d'ailleurs)
Le film est tellement dense, il faudrait que je le revois. Mais je suis presque certain qu'il n'y a que des plans larges, avec personnages de plein pied, dans la partie New Yorkaise, alors qu'à Asteroid City, il y a beaucoup plus de gros plans et plans rapprochés.
Par contre oui il y a autant de travelings et de plans symétriques dans la partie New Yorkaise, ça reste du Wes Anderson. :)
Faut que je trouve le temps et l'inspiration pour parler plus longuement du film.
Avatar du membre
yhi
Messages : 367
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:48

cyborg a écrit :
mer. 28 juin 2023 10:44
Et je ne désespère pas qu'un jour quelqu'un mate les films indiens dont je parle avec passion ici
Si, si, je l'ai noté le dernier, c'est prévu quand j'aurais un peu rattrapé le reste. Juillet arrivant, la vie culturelle devient plus calme :D
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1141
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

Image

La critique de Groil me frustre, car il y raconte ce que je rêverai de voir.
Mais le fait est que, malheureusement, je fais parti de ceux qui aime moins la seconde partie de la carrière d'Anderson, c'est à dire tout ce qui est post-Moonrise Kingdom.
Mon problème principal est qu'habituellement j'apprécie la radicalisation du style d'un auteur quand celle-ci est accompagnée d'un certain minimalisme. Je trouve que ça ne l'est pas ici, à cause de cette structure narrative en tiroir, avec toute la partie en 4/3 et noir et blanc, dévoilant l'artifice du récit principal, la révélant "pièce de théâtre". Non seulement je trouve l'ensemble de ces passages abscons, mais en plus ça traduit une absence de confiance en ce qu'il raconte. J'entends bien qu'Anderson a une ambition autre, mais de mon côté je ne vois que ça... Je suis nostalgique de la période où il était plus 1er degré, sans besoin d'un récit dans le récit pour se justifier. Si j'aime autant La vie Aquatique ou le Darjeling Limited (mes deux préférés), c'est parce qu'en assumant totalement leur esthétique carton-pâte, il arrivait à rendre son monde tangible. Aussi, l'irruption soudaine du réel (dans les deux cas, une mort en direct, où la caméra devient tremblante) fonctionnait à mort et me prenait en plein coeur, car je croyais en ce que je regardais. Ca fait dix ans qu'il a arrêté de faire ça. De fait, que reste-t-il ? Déjà, un film sublime. Il faut bien reconnaitre que cet Asteroid City est particulièrement beau, et que c'est sur ce niveau là que la radicalisation d'Anderson a du bon. Le plaisir de voir certains acteurs ensemble, aussi. Et tout de même quelques scènes, notamment la fin de l'acte 1 avec l'E.T. qui est hypnotisante (l'animation, clairement, lui va bien). Bref, tout n'est pas à jeter, loin de là, et c'est surement mon préféré de sa seconde période. Mais j'espère qu'il y en aura une troisième dans sa carrière, et que j'y retrouverais plus.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

Image

J'ai pas mal rêvé le film avant de le voir, assez enthousiasmé par la première affiche, les premières images, puis après les retours positifs cannois. J'avais envie de croire au grand film de Wes Anderson, et j'ai su dès la première scène, sublime, que c'était bien celui là. Vraiment c'est une merveille, parce que notamment le cinéaste, tout en poursuivant sa quête presque abstraite d'une fusion entre le film et l'animation, entre l'acteur et l'animatronique, fait enfin respirer ses personnages, fait un peu plus couler, voir s'arrêter le temps, et c'est ce dont son cinéma avait besoin après le rythme effréné de ses derniers films. A ce compte là d'ailleurs, voilà un cinéaste qui a su faire quelque chose du confinement, pour le réexploiter, le réinjecter, le transformer, en faire ressentir la morne hébétude qu'il a provoqué en chacun de nous. Alors que jusqu'ici le cinéma ne savait pas quoi faire de cet évènement qui a pourtant touché le monde entier.
Je trouve aussi que chaque séquence est absolument réussie, le film ne marchant pas seulement en temps qu'objet global. WA trouve la grâce, partout, tout le temps. Lors d'une répétition entre un acteur et un metteur en scène, entre deux amoureux séparés par deux fenêtres de bungalow, lors d'une ronde entre adolescents qui égrainent les noms de personnalités lors d'un jeu collectif, la séquence se terminant par le nom "Cléopâtre" sur le visage de la fille dont le jeune héro est amoureux. Et j'en passe.
Et puis, pardon, mais là où les détracteurs du film voient un défilé de "stars" où chacunes n'auraient pas le temps d'exister, moi je trouve que c'est tout à fait l'inverse, et c'est l'immense tallent de ce cinéaste qui est à l'œuvre: en quelques minutes ils sont croqués, ils existent, impriment la pellicule, plus que n'importe quel acteur dans n'importe quel film vu dernièrement. Grace aussi à une écriture et un tempo comique retrouvé, et une profusion de gags à la poésie digne d'un Tatie.
Le film, absolument virtuose, n'est pourtant jamais une démonstration technique purement gratuite (ce que j'avais pu ressentir dans French Dispach), car ici cette virtuosité est au service d'une grande sensibilité et délicatesse.
Et puis, ça fait du bien aussi à WA de revenir aux Etats-Unis, le préservant de la fétichisation un peu naïve et maladroite des "cultures" japonaises, françaises, ou indiennes.
J'aurai probablement envie de le revoir très vite.
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

@Tamponn Destartinn : au sujet de l'animation de l'extra-terrestre : il parait que ce n''en est pas mais c'est... Jeff Goldblum grimé.
Moi je dirais que ça confirme la thèse qu'Anderson se fait plais' en mettant des stars n'importe où où ça lui fait plaisir, mais bon... :D
Avatar du membre
yhi
Messages : 367
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:48

Non mais Jeff Goldblum apparaît plus tard dans la partie théâtre avec le costume de l'ET.
Mais a la fin de l'acte 1 c'est de l'animation.
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

Vu surtout des courts ces temps-ci.

Suite (et fin, je pense) de Kenneth Anger, pas sur grand écran cette fois

Image

Invocation of my demon brother est sans doute le film d'Anger qui me plait le plus, fascinant par ses expérimentations, sa puissance psychédélique. Paru en 1969, le film est l'un des derniers de la partie la plus renommée de sa filmographie (Lucifer Rising est le seul autre film célèbre qui lui succèdera), pas étonnant donc qu'il en constitue aussi une forme d'apex. Sa brièveté (10 min) n'enlève rien à sa force, au contraire. La musique, radicalement expérimentale et répétitive, est géniale. Composée par Mick Jagger, elle est sans doute ce qu'il à fait de mieux dans sa vie :D.
Inauguration of the pleasure dome, 15 ans plus tôt, est tout aussi éblouissant visuellement, mais ses 30 minutes m'épuisent et finissent par m'en désintéresser. Le rock, marque de fabrique, est ici absent pour lui préférer des compositions plus proches de l'opéra... une forme de création qu'on imagine très bien inverstire Anger !
Je ne connais rien à la question, mais il m'apparait désormais clair que si l'on réalise l'histoire du format "vidéo clip", il faudrait y citer Kenneth Anger.



Image

Beppie - Johan Van Der Keuken - 1965

Amusant portrait d'une facétieuse petite fille, Beppie, issue d'une famille modeste, vivant entourée de ses 5 sœurs. Comme souvent chez VDK il est parfois dur de voir ce qui constitue le cœur de ses intérêts et motivations. Mais les choses s'éclairent quand il fini par filmer -séparément- les deux parents de la petite fille, dont le père se ridicule de lui même, tandis que la mère, plus consciente de sa situation, se voit couper la parole par la musique religieuse, dans un adroit effet de montage. Chez VDK le sujet est toujours au centre d'un système/de relations plus vaste que l'on hésite pas à aller filmer en complément (son film phare, Amsterdam Global Village, était construit de la sorte : des voyages au bout du monde pour découvrir les points de départs des protagonistes que nous suivions durant le film).

Image

Menilmontant - Kirsanoff - 1926

Le Menilmontant de Kirsanoff, n'est pas un "portraits de ville" de plus comme l'on en a tant dans le cinéma des années 20. Ou du moins il n'est pas que ça. Si quelques passages s'intéressent au quartier parisien dans un style de montage caractéristique de l'époque (et même légèrement en amont, si l'on regarde les dates des films symphoniques urbains), c'est pour mieux s'en échapper (géographiquement : nous sommes beaucoup ailleurs dans Paris, mais aussi à l'extérieur de la ville) mais aussi thématiquement, Kirsanoff se concentrant rapidement sur la vie d'une jeune habitante pauvre du quartier. Il suit ses difficultés à vivre au quotidien, ainsi que ses déboires amoureux et familiaux. Totalement muet et sans aucun intertitre, la force visuelle et les qualités de l'actrice principale (Nadia Sibirskaïa), emportent pleinement l'adhésion.


Image

Découverte des films de Kinuyo Tanaka, jusqu'à présent essentiellement connue en Europe pour sa carrière d'actrice.
La Lune S'est Levée suit la vie d'une sororie de trois, vivant auprès de leur père vieillissant. L'une est veuve, une autre est en couple avec un jeune homme au chômage, tandis que la troisième est célibataire. Chacune, par des biais d'influences ou de manipulations bienveillantes, cherche à émanciper l'autre de sa condition contrainte par le poids des traditions et du patriarcat. Jusqu'à ce que la dernière - la veuve - se retrouve à vivre seule avec leur père, qui d'un geste bienveillant, lui conseille d'aller mener sa vie ailleurs, acceptant par la même occasion, et non sans mélancolie, le temps qui passe et sa condition d'homme seul. Il est, en quelque sorte, l'antithèse du héros aigri du dernier film d'Ozu, Le Goût du Saké. Surpris par les quelques ressemblances scénaristiques avec la figure de proue du cinéma nippon, je ne fut donc pas surpris de découvrir Ozu comme co-scénariste du film durant le générique. La mise en scène de Tanaka échappe heureusement à son influence, ici moins rigoriste et plus incarnée, et sans doute ainsi plus vivante.
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

yhi a écrit :
dim. 2 juil. 2023 12:55
Non mais Jeff Goldblum apparaît plus tard dans la partie théâtre avec le costume de l'ET.
Mais a la fin de l'acte 1 c'est de l'animation.


T'es sur ?
Bon, je veux bien te croire :D
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1141
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

cyborg a écrit :
dim. 2 juil. 2023 13:39
yhi a écrit :
dim. 2 juil. 2023 12:55
Non mais Jeff Goldblum apparaît plus tard dans la partie théâtre avec le costume de l'ET.
Mais a la fin de l'acte 1 c'est de l'animation.


T'es sur ?
Bon, je veux bien te croire :D
Oui, yhi a raison, ça dure deux secondes, mais on le voit dans un faux costume en train de se faire maquiller.
Et ça suffit pour s'assurer que Goldblum ne peut pas être l'ET de la fin de l'acte 1, car il est aujourd'hui bien trop gros (disons plutôt pas assez mince) pour que ce soit possible !
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

Enième revisionnage, mais j'adore ce film qui est pour moi l'incarnation du bon thriller 80's à l'américaine, un bonheur visuel total. Qui plus est j'adore Bob Rafelson, même dans un film a priori moins personnel comme icelui, mais sa mise en scène a beau être plus discrète elle n'en reste pas moins le facteur déterminant de la réussite du film, et évidemment Debra Winger, l'une des plus grandes actrices de l'époque, on ne le dira jamais assez.

Image

Ce remake d'Apocalypse Now dans l'espace m'avait littéralement fasciné lors de sa sortie (un des plus beaux James Gray, haut la main), le revoir enlève l'effet de surprise, voire de sidération sur certaines scènes, mais c'est bel et bien, et à jamais, un film sublime.

Image

Non Nanni Moretti ne fait pas un cinéma de vieux comme j'ai pu, consterné, le lire un peu partout, mais revient à ses amours premières d'un cinéma bricolé à la structure pas toujours bien équilibrée (tant mieux !) pour offrir un nouveau chef-d'oeuvre qui se glisse pour moi dans la suite logique de ses deux plus beaux films, Palombella Rossa et Journal Intime (il y a du Aprile aussi, mais Aprile est nettement moins bon...). Moretti brocarde les dérives du monde et des comportements humains qui l'insupportent, et c'est au nom de ça qu'on le traite de réac, voire de boomer (au secours les expressions de faux jeune) alors qu'il a toujours été comme ça, depuis ses premiers films, depuis Sogni d'Oro où du haut de ses vingt ans ils insultent les gens en leur hurlant "mais vous y connaissez quoi, vous au cinéma", ou depuis Palombella Rossa où il met une claque à une journaliste qui utilise le mot "kitsch", ou depuis Journal Intime où il va torturer jusque dans son lit un critique qui a osé défendre un film qu'il considère comme abject. Le cinéma de Moretti est l'un des plus personnels qui soient, et celui-ci l'est encore plus car son personnage n'a même plus le nom de son alter ego Michele Apicella, il se nomme carrément Giovanni, soit le vrai prénom de Moretti. Réalité et fictions se mêlent en permanence, comme se mêlent admirablement bien dans le film la partie "film dans le film", soit les années 50 et cette troupe de cirque hongroise qui vient trouver refuge en Italie, et la partie "réelle" soit celle des atermoiements d'un cinéaste pour parvenir à boucler le tournage de son film, et les aléas des producteurs. C'est la partie la plus drôle du film bien sûr, j'ai ri aux éclats quasiment à chaque scène, les plus réussies étant celle où il finit par téléphoner à Martin Scorsese pour lui demander son avis sur un plan (d'un autre cinéaste) qu'il juge obscène, et surtout le rendez-vous avec Netflix, ce que j'ai vu de plus drôle et de plus jouissif depuis des années. Mais il y a deux autres parties dans le film, celle qui concerne le parti communiste italien, le film se déroulant au moment historique où ce dernier prend ses distances d'avec le PC d'URSS. On sait l'importance du PC dans l'oeuvre et la vie de Moretti, et je crois qu'il n'avait pas abordé la question avec autant d'émotion auparavant. Puisqu'il est question d'émotion, le quatrième côté du film est sans hésitation le plus émouvant, puisqu'il est celui de la fin d'un amour. Le film s'ouvre là-dessus d'ailleurs : l'épouse de Giovanni, productrice de cinéma et qui pour la première fois produit le film d'un autre et pas le sien, est chez le psy, et lui confie qu'elle a besoin d'un psy pour parvenir à quitter son mari. Elle n'y arrive pas seule, car elle ne l'aime plus et l'aime encore en même temps, elle a besoin de vivre sans lui, d'exister pour elle-même et plus dans son ombre, mais en même temps elle veut le protéger et lui faire le moins de mal possible. Cette fin d'amour rappelle de toute évidence tout ce qui est magnifiquement dit sur le divorce des deux protagonistes du Caïman, et c'en est tout aussi bouleversant. In fine, Vers un Avenir Radieux est tout sauf une compile ou une redite des thèmes morettien, c'est au contraire une merveilleuse quintessence de son oeuvre dans laquelle il accepte le fait de vieillir et de regarder un monde qui le désespère de plus en plus mais qu'il continue d'aimer et d'embrasser avec la même rage.

Image

Celui-ci, à force de le voir, je commence à vraiment bien le connaitre, et c'est fou comme le temps passant (même si le film est relativement récent) il est devenu un classique. Je ne lui connais quasiment plus de détracteurs d'ailleurs, c'est un film qui a très vite fait l'unanimité. C'est le meilleur Fincher, de loin, et c'est un film qui aborde le genre serial killer avec un pas de côté, car c'est un film sur l'échec et le renoncement. On n'attrapera ni ne jugera jamais le Zodiac, le spectateur le sait, les protagonistes aussi, et tout le monde rage car on a toutes les preuves sous les yeux, et l'incapacité de les assembler. Et je trouve ça courageux car le genre, par définition, appelle un coupable, un jugement, une condamnation. Là, on doit se passer de tout ça, et faire avec.

Image

D'Erick Zonca, comme quasiment tout le monde, je ne connaissais que son hit surprise La Vie Rêvée des Anges; je savais qu'il avait tourné un film aux USA ensuite et qu'il s'était totalement planté, mais j'étais loin de me douter que c'était une réussite totale. Tilda Swinton (qui y est absolument prodigieuse) endosse le rôle principal, celui d'une femme alcoolique, ingérable, caractérielle et un peu folle, qui décide de kidnapper un gamin pour empocher une rançon. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu et ce rapt va la conduire jusqu'au Mexique où elle mettra plusieurs fois sa vie et celle de l'enfant en danger. C'est un film incroyable car on est vraiment embarqué avec elle, qu'on déteste pourtant mais qu'on va trouver de plus en plus attachante, et ce pauvre môme qui n'a rien demandé. La mise en scène de Zonca est incroyable de dynamisme, de maitrise et de rythme, et m'a rappelé aussi bien celle de Raphael Nadjari ou d'Amos Kollek. C'est vraiment rarissime qu'un cinéaste français réussisse un film aux Etats-Unis, mais là c'est une évidence.

Image

J'adore Ira Sachs, vraiment, mais j'ai malheureusement du mal à aimer son nouveau film. C'est un triangle amoureux. Un cinéaste allemand, marié à un anglais, tombe amoureux d'une femme pour qui il va quitter son mari. Elle tombe enceinte, mais lui, qui est vraiment un sale con, recouche avec son mec, elle décide d'avorter, mais finalement le mec le dégage car il est toxique, il tente in extremis de revenir avec la fille mais elle le dégage aussi et il finit seul comme un con. Bon c'est un schéma relativement classique, mais ce qui me gonfle un peu dans le film c'est son côté incroyablement tristoune. Tout est triste, un peu chiant, on ne sent d'envie nulle part, ni chez les personnages, ni dans le scénario, encore moins dans la réalisation. ça m'a pas mal rappelé le cinéma d'auteur français de la fin 90's (le film se déroule intégralement à Paris d'ailleurs, ça aide), cette époque où tout devait constamment être tristoune pour s'affirmer comme acte d'auteur... Bon Adèle Exarchopoulos y est excellente, mais on commence à avoir l'habitude, et elle fait beaucoup de bien au film.

Image

ça ne fait jamais de mal de revoir un petit Bresson de temps en temps...

Image

Découvert ce film en salle en 1991 et beaucoup revu les années qui ont suivi, tant il m'avait fasciné. C'est un cas rare, voire rarissime, de film fantastique à la française qui soit réussi, voire même quasi fascinant je trouve, sans non plus tomber dans les travers de la série B. C'est un film dont je préfère ne rien dévoiler du pitch afin que vous alliez vous y confronter en étant le plus vierge possible, mais c'est un film qui continue de me marquer 30 ans plus tard et qui tient parfaitement la revoyure aujourd'hui. Pas de gras ni de chichi, 1h24 générique compris, et une mise en scène qui ne traite que son sujet et rien autour. Le film avance, imparable, et emporte le spectateur, sidéré comme son protagoniste. Les droits appartiennent à Studiocanal, et le film n'est plus disponible aujourd'hui. J'aimerais vraiment beaucoup que Thoret le sorte en bluray dans sa collection Make My Day !, il y aurait toute sa place.

Image

Un Friedkin si petit, si mineur, si anecdotique, malgré un sujet énorme (serial killer puis film de procès) qu'on dirait un téléfilm.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
lun. 3 juil. 2023 10:58
C'est un film incroyable car on est vraiment embarqué avec elle, qu'on déteste pourtant mais qu'on va trouver de plus en plus attachante, et ce pauvre môme qui n'a rien demandé.
Je l'avais beaucoup aimé à sa sortie et depuis je garde un souvenir exquis.
groil_groil a écrit :
lun. 3 juil. 2023 10:58
La mise en scène de Zonca est incroyable de dynamisme, de maitrise et de rythme, et m'a rappelé aussi bien celle de Raphael Nadjari
Voici un cinéaste que j'adorais mais qui ne fait/ne peut plus faire ? de films... :(
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

Ma nouvelle chérie est formidable en tout point, et elle me demande tous les textes que je rédige ici, quand j'ai vu le film en sa compagnie.

Et elle à décidé d'écrire un texte sur Asteroid City, que je trouve très intéressant et qu'elle m'autorise à vous partager ici, si cela vous intéresse.
Possible qu'elle en reprenne des bouts pour son prochain bouquin, d'ailleurs... :love2:

L’abyme du monde : la fractalisation du contemporain

C’est ainsi que la mise en abyme du monde contemporain dessine une réflexion méta, aussi spéculative que prévisible. Astéroïd City, sorti en 2023, est un parfait succédané de l’encastrement des mondes que nous expérimentons au quotidien. Dans la ville fictive au sein de laquelle se poursuivent des essais atomiques, plane l’ombre du désert du réel baudrillardien. Portant à son acmé les théories vieillissantes de Simulacres et simulation, le réalisateur sature son film de registres d’images et d’énoncés. Le vrai et le faux, le devant et l’arrière du décor, le noir et le blanc polarisent une trame si complexe qu’il n’est plus question d’en saisir le fond. La forme parle d’elle-même : la vérité du cinéma ne peut être que son artifice. Plus proche en cela de Truffaut que de Godard, Anderson semble faire sienne l’idée, portée à l’écran dans La Nuit américaine, que la fiction est un « mensonge organisé », mais il tire la métaphore à son point de non-retour. La mise en scène et en abyme n’exprime plus la vie qui se différencie, mais un monde qui déraille et tourne à vide.

Les niveaux d’intrigues sont tels que les protagonistes ne savent plus bien ce dont il est question, quand bien même Anderson a pris soin de chapitrer le foisonnement des histoires. Les acteurs et actrices se retrouvent alors en backstage, dans les coulisses du film, s’interrogeant sur leur présence ou le sens de leurs dialogues. Le scénario se boucle en lui-même tandis que l’espace du dehors ne cesse de frapper à la porte, sans succès. L’étrange météorite, enlevée et classifiée par un extraterrestre, n’assure même plus l’élargissement vers un hors-champ tant espéré. Le confinement est à son comble. Le monde se clôt dans une sorte d’anesthésie générale, où les plus grandes stars hollywoodiennes ne sont plus que les pastiches d’elles-mêmes, apparaissant mollement à l’écran, comme prises dans le vertige de leur propre fragmentation pelliculaires. Ainsi du personnage stéréotypé de Scarlett Johansson à mi-chemin entre Marilyn Monroe et Audrey Hepburn qui joue une actrice de théâtre qui joue une actrice de cinéma qui répète un nouveau rôle. Sous un panel de couleurs pastel, douce-heureuses, le détachement est total, le monde se réduit à une maquette et des compositions maniaques desquelles suinte une sorte de nostalgie réconfortante ; où comment vivre dans un monde abîmé par sa mise en abyme même.

Cela explique pourquoi la réception de l’œuvre d’Anderson suscite de plus en plus de réticence et de perplexité. Ses films transpirent la vacuité, l’absence de profondeur, la perte d’une vision globale au profit de fragments de récits enchâssés. Les adultes, dans ce contexte, sont les plus désœuvré·es quand les adolescent·es, génies introverti·es, paraissent s’accommoder sans trop de mal de cette mécanique morne et répétitive. Pour elleux, la vacuité de la vie, à l’orée de l’infini du cosmos, est une condition d’existence comme une autre qui a fait le deuil de notre finitude et d’un moi souverain déterminant les logiques de sens. L’indifférence est devenue une esthétique qu’un adolescent, en mal de reconnaissance, ne cesse de mettre au défi par l’ingestion de piment ou en menaçant de se frotter contre un cactus. La triple mise en abîme d’Anderson trouve peut-être sa résolution dans le rituel funéraire initié par les triplettes autoproclamées vampire, zombie et sorcière, à défaut de princesses. Que ces personnages soient aujourd’hui des icones de la culture populaire, en même temps que des figures d’émancipation de masse, décoloniale et féministe, ouvrent au final le film vers un dehors qui tente de détricoter les boucles qui nous oppressent. Les fillettes parviennent, en réinventant des conditions magiques, à ritualiser la mort de la mère, sur les terres ensanglantées de la conquête de l’Ouest américain, dont l’imaginaire des indiens et des cowboys, orchestré par Hollywood, a défini l’identité nationale étasunienne. En cela, elles initient le lent travail de deuil et de réparation auquel nos sociétés modernes et occidentales sont confrontées.

Or ce sera au niveau des apparences, des déguisements et des masques d’enfants, des mises en scène et des fictions cinématographiques, des fantômes et des spectres, qu’il faudra s’en tenir, car « le simulacre n'est jamais ce qui cache la vérité – c'est la vérité qui cache qu'il n'y en a pas. Le simulacre est vrai » . Comprenons qu’il ne suffit pas de réécrire les récits pour faire diverger les lignes de fuite. C’est par l’appareillage et les techniques de production de simulacre – de re-présentation donc –, en ce qu’elles se sont généralisées et façonnent désormais l’horizon de nos imaginaires, qu’il convient paradoxalement de sortir des boucles pour renouer avec le monde sensible.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

très bon papier ! :jap: :jap: :jap:
cyborg a écrit :
lun. 3 juil. 2023 12:27
la vérité du cinéma ne peut être que son artifice.
[...]
La mise en scène et en abyme n’exprime plus la vie qui se différencie, mais un monde qui déraille et tourne à vide.
C'est ce qu'on peut appeler un cinéma métaphisique et même mieux, idéaliste et métaphasique (le contraire d'un cinéma matérialiste au sens Bazinien et dialectique). Donc, du formalisme. Donc, un cinéma ennemi (en ce qui me concerne).

Au fond, le cinéma hollyoodien est, en bon majorité, un cinéma idéaliste car, je cite l'auteure, tout comme le film de Anderson, le cinéma hollywoodien de nos jours est un mélange de
registres d’images et d’énoncés.
donc, selon Hollywood,
la vérité du cinéma ne peut être que son artifice.
donc, le cinéma peut exister en soi (voir Straub en signature).

beurk
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
lun. 3 juil. 2023 12:00
groil_groil a écrit :
lun. 3 juil. 2023 10:58
C'est un film incroyable car on est vraiment embarqué avec elle, qu'on déteste pourtant mais qu'on va trouver de plus en plus attachante, et ce pauvre môme qui n'a rien demandé.
Je l'avais beaucoup aimé à sa sortie et depuis je garde un souvenir exquis.
groil_groil a écrit :
lun. 3 juil. 2023 10:58
La mise en scène de Zonca est incroyable de dynamisme, de maitrise et de rythme, et m'a rappelé aussi bien celle de Raphael Nadjari
Voici un cinéaste que j'adorais mais qui ne fait/ne peut plus faire ? de films... :(
oui il a été détruit par le système dans lequel il refusait de se dissoudre. Seulement 4 films...
I like your hair.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

sokol a écrit :
lun. 3 juil. 2023 14:50
très bon papier ! :jap: :jap: :jap:
cyborg a écrit :
lun. 3 juil. 2023 12:27
la vérité du cinéma ne peut être que son artifice.
[...]
La mise en scène et en abyme n’exprime plus la vie qui se différencie, mais un monde qui déraille et tourne à vide.
C'est ce qu'on peut appeler un cinéma métaphisique et même mieux, idéaliste et métaphasique (le contraire d'un cinéma matérialiste au sens Bazinien et dialectique). Donc, du formalisme. Donc, un cinéma ennemi (en ce qui me concerne).

Au fond, le cinéma hollyoodien est, en bon majorité, un cinéma idéaliste car, je cite l'auteure, tout comme le film de Anderson, le cinéma hollywoodien de nos jours est un mélange de
registres d’images et d’énoncés.
donc, selon Hollywood,
la vérité du cinéma ne peut être que son artifice.
donc, le cinéma peut exister en soi (voir Straub en signature).

beurk
Je pense que c'est tout l'inverse, qu'un cinéma qui ne se fait pas d'illusion sur sa fausseté, sur le fait qu'il ne reproduit pas le réel, est bien plus "matérialiste", que les Straubs qui pensent magiquement en capturer quelque chose par la caméra. Mais ma conception du matérialisme se rapproche beaucoup plus d'un Clément Rosset (et du réel comme ce qui n'a pas de double) que du marxisme et du "matérialisme dialectique" (issu d'ailleurs de l'Idéalisme allemand).
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

asketoner a écrit :
dim. 19 févr. 2023 14:54
Image

Astrakan, David Depesseville


Il y a des enfances héroïques, sur lesquelles on essaie de plaquer des discours, qui aident, certes, à bien des égards, mais qu'un grand film comme Astrakan parvient à saisir autrement, et qui donne la mesure de la vitalité qu'il faut pour traverser une telle injustice et s'en sortir quand même. Le cinéaste semble accompagner son personnage dans l'effort surnaturel qu'il fournit pour vivre malgré tout. C'est ce qui rend le film si puissant.
Vu hier et c'est en effet un très beau film, mais j'ai un problème avec la fin, avec l'irruption de la musique de Bach et l'apparition d'images symboliques, cassant complètement le registre "réaliste" du film jusque là. N'as tu pas été gêné par cette fin ?
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

@Tyra si tu recherches mon texte qui est quelques temps plus tard, pour ma part je trouve cette fin assez juste avec le reste du film qui est, en fait, plus proche du "réalisme magique" que du "réalisme" je crois (ça je ne le dis pas dans mon texte mais c'est ce que je me suis dit en repensant au film par la suite ^^ )
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tyra a écrit :
lun. 3 juil. 2023 15:33
qu'un cinéma qui ne se fait pas d'illusion sur sa fausseté, sur le fait qu'il ne reproduit pas le réel, est bien plus "matérialiste", que les Straubs
Ils ne se font pas d'illusion (loin s'en faut !!) mais c'est leur approche (leur cinéma, dans notre cas) qui est matérialiste.
Tyra a écrit :
lun. 3 juil. 2023 15:33
que du marxisme et du "matérialisme dialectique" (issu d'ailleurs de l'Idéalisme allemand).
T'inqiètes, je connais tout ça, c'est la base (le marxisme vulgaire dit que Marx a marié le matérialisme du métaphysicien Feuerbach avec la dialectique de l'idéaliste Hegel).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
asketoner
Messages : 1616
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:28

Tyra a écrit :
lun. 3 juil. 2023 15:51
asketoner a écrit :
dim. 19 févr. 2023 14:54
Image

Astrakan, David Depesseville


Il y a des enfances héroïques, sur lesquelles on essaie de plaquer des discours, qui aident, certes, à bien des égards, mais qu'un grand film comme Astrakan parvient à saisir autrement, et qui donne la mesure de la vitalité qu'il faut pour traverser une telle injustice et s'en sortir quand même. Le cinéaste semble accompagner son personnage dans l'effort surnaturel qu'il fournit pour vivre malgré tout. C'est ce qui rend le film si puissant.
Vu hier et c'est en effet un très beau film, mais j'ai un problème avec la fin, avec l'irruption de la musique de Bach et l'apparition d'images symboliques, cassant complètement le registre "réaliste" du film jusque là. N'as tu pas été gêné par cette fin ?
Quand la fin est arrivée, j'ai d'abord été gêné, oui. Parce qu'on abandonne le récit pour s'en remettre entièrement à la musique et aux associations mentales. (Il faut donc accepter, d'un coup, de changer de cadre et ce n'est pas si évident.) Mais en fait j'ai été saisi par la durée de cette séquence. Ca a fini par prendre, et quand ça a pris, il restait encore du temps. C'est comme si le film était soudain retravaillé par une tout autre façon de percevoir.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

sokol a écrit :
lun. 3 juil. 2023 16:35
Tyra a écrit :
lun. 3 juil. 2023 15:33
qu'un cinéma qui ne se fait pas d'illusion sur sa fausseté, sur le fait qu'il ne reproduit pas le réel, est bien plus "matérialiste", que les Straubs
Ils ne se font pas d'illusion (loin s'en faut !!) mais c'est leur approche (leur cinéma, dans notre cas) qui est matérialiste.
Mais en quoi est-elle plus "matérialiste" ?

Du coup avec tes arguments, tu rejettes tout Hitchcock par exemple ?
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

asketoner a écrit :
mar. 4 juil. 2023 09:55


Quand la fin est arrivée, j'ai d'abord été gêné, oui. Parce qu'on abandonne le récit pour s'en remettre entièrement à la musique et aux associations mentales. (Il faut donc accepter, d'un coup, de changer de cadre et ce n'est pas si évident.) Mais en fait j'ai été saisi par la durée de cette séquence. Ca a fini par prendre, et quand ça a pris, il restait encore du temps. C'est comme si le film était soudain retravaillé par une tout autre façon de percevoir.
Merci pour ta réponse !
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tyra a écrit :
mar. 4 juil. 2023 11:16
Mais en quoi est-elle plus "matérialiste" ?
Il faut parler au cas par cas (le cinéma n'est pas un 'tout', le cinéma c'est des films). On parlait du dernier Anderson et ce texte argumente qu'il s'agit d'un cinéma qui n'est pas 'materialist', "c'est tout".

ps: un cinéaste comme PTA a fait de films formalistes (non-matérialiste) comme "Punch-drunk love" mais aussi de très beaux films 'matérialiste' (Inherent Vice, Phantom thread, Licorice pizza)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

Fred est un type au chômage, un peu sauvage mais pas délinquant non plus, qui va s'attirer des emmerdes en acceptant d'aider un voisin dans une affaire louche. Plus que l'intrigue en elle-même, qui n'est pas désagréable mais relativement anecdotique, c'est l'ambiance et le cadre de ce polar urbain qui sont réussis. Pierre Jolivet filme des zones incroyables, de no man's land en terrains vagues, de chantiers abandonnées en pavillons de banlieue au bord de l'autoroute, des zones qui ne sont habituellement pas filmées, ou au mieux pas considérées, où la caméra se contente de passer pour aller d'un point à un autre; mais lui il en fait le centre de son espace cinématographique et ça donne toute sa valeur à son film.

Image

Très bonne variation autour du pacte Faustien. C'est marrant de voir que Maurice Tourneur tourne ce film pour la Continental sous contrôle allemand donc. Le personnage qui vend son âme au diable pour pouvoir créer et avoir du succès serait-il tout simplement un autoportrait ?
I like your hair.
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1141
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

Deux films sur la vieillesse ^^ :

Image
Vers un avenir radieux

Beaucoup le compare aux premiers films de Moretti. A titre personnel, j'ai surtout envie de le comparer au Caïman. Soit le premier film du réalisateur que j'ai vu et que je n'avais pas du tout aimé à l'époque. Peut-être que je changerai d'avis en le revoyant, mais comme je n'ai pas trop aimé celui-ci non plus, j'y crois moyen.
Le fait est que j'ai du mal avec le personnage typique Morettien du real énervé, avatar de son auteur. Qu'il soit joué par lui ou non, la question n'est pas là, c'est surtout l'hystérie ininterrompue qui me fatigue assez vite, et qui rend le fond inaudible, qu'importe si je suis en accord avec ou pas. Je constate que je préfère les films de Moretti où la mélancolie apaise le ton global, notamment La chambre du fils ou bien Mia Madre, autre film où le personnage principal est un real en tournage, mais le fait qu'il ait féminisé le rôle doit beaucoup aider. D'ailleurs, si son dernier s'était plutôt centré sur le rôle de sa femme, il y a moyen que cela m'ait d'avantage intéressé.
(après, il y a le cas particulier de Journal Intime, mais je rejoins Sokol sur le fait que la forme artisanal change tout.)



Image
Indiana Jones et le cadran de la destinée

La promesse d'un James Mangol parfait remplaçant de Spielberg à la réalisation est la plus grosse déception de ce film. Peut-être que les contraintes liées à l'âge de Ford étaient trop fortes, mais c'est terrible de constater à quel point la mise en scène de l'action est peu inspirée, voire parfois illisible. Il aurait été préférable d'assumer le sujet d'un Indy qui ne peut plus courir comme avant, plutôt que d'enchainer autant de courses poursuites inutiles et fatiguantes, notamment dans son deuxième acte qui aurait facilement pu sauter, et nous éviter cette durée de 30 minutes de plus que les autres opus.
Il n'empêche qu'à côté de cela, le film tente des trucs parfois osés, à la limite du ridicule... et qui à mon sens ne la franchit jamais vraiment. Je ne sais encore trop quoi penser de la fin, mais pour le coup, je trouve qu'elle réussit mieux son pari que ce que faisait Indy 4 avec les E.T.
Dans le même genre, le personnage de Phoebe Waller-Bridge est meilleur que celui de Shia LaBeouf. Evidemment, la mayonnaise ne prend jamais autant que celle produite par le duo avec Sean Connery, mais ça participe au sentiment que le film a les bonnes intuitions... juste, ça pêche à l'exécution, et ça lui sera fatal dans l'empreinte que le film laissera.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

Revoir l'excellent Simple Mortel m'a donné envie d'improviser un petit cycle Pierre Jolivet, ce qui tombe parfaitement avec la sortie de son nouveau film mercredi prochain, que j'attends beaucoup. Mains Armées est un polar de 2012, avec deux bons acteurs, mais passé relativement inaperçu. Roschdy Zem joue un flic de Marseille en pleine enquête sur un trafic d'armes, qui va le conduire à monter poursuivre sa traque à Paris où le réseau Serbe qu'il désire coincer à son QG. A Paris, il va devoir faire appel à une enquêtrices des Stups, Leïla Bekhti, sauf que cette dernière n'est autre que sa propre fille, qu'il a eu beaucoup trop tôt (20 ans), dont il a refusé la paternité et qu'il n'a vu que trois fois dans sa vie. Il va mener son enquête tout en tentant de retisser des liens avec la jeune femme réticente. Ce n'est pas un grand film, mais c'est un bon film, un polar sombre et crédible, avec la tension qu'il faut quand il faut, rappelant souvent la grande série qu'est Engrenages.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 4 juil. 2023 20:03
A titre personnel, j'ai surtout envie de le comparer au Caïman.
Je pense pareil car même la fin du film (celle de "Caïman" était magistrale, il faut le reconnaitre) est autant grandiose. Et, une fois de plus, la fabrication est identique (mais Moretti, dès qu'il a de l'argent, fait du champs contre champs, des éclairages à volonté etc etc etc).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3799
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

En lançant le film, j'ai eu peur de l'hommage plein de dévotion au corps de métier qui œuvrent pour le bien de la population, merci merci ! Bon après tout, pourquoi pas, les américains le font bien en permanence, et ça donne Backdraft. Le film est bien en terme de mise en scène, on est vraiment embarqués dans la caserne, et on suit tout type d'opération au jour le jour, l'incendie, l'accident, la pendaison, le pyromane etc... Surtout que le chef de caserne est spécialisé sur les recherches de pyromane, ce qui promet une fictionnalisation de l'ensemble assez intéressante. Mais c'est là où le bas blesse : le film est court et Jolivet ne prend pas suffisamment le temps de mettre de la fiction, et des enjeux là-dedans, il ne creuse pas assez ses personnages à mon goûts, et se contente de proposer un "50 minutes inside" consacré aux pompiers en mieux filmé et mieux mise en scène.

Image

Un célèbre quotidien s'est transformé sous l'impulsion de son rédacteur en chef en immonde tabloïd qui fait ses choux gras du moindre fait divers atroce et qui s'éloigne de plus en plus du journalisme, allant jusqu'à organiser des soirées pour coeurs solitaires, etc. Cela irrite profondément les actionnaires du journal, mais plus il est pourri plus il marche et leur rapporte de dividendes, alors le patron soutient son rédac chef dans cette direction éditoriale. Mais le rédac chef est un homme dur au passé trouble, et il commet l'irréparable : il tue son ex-femme, certes par accident, mais en la violentant. Celle-ci venait de le retrouver et menaçait de dévoiler sa véritable identité. Il tente d'effacer les indices de son meurtre, mais la police et les journalistes s'en mêlent vite, et surtout ceux de son équipe, c'est leur spécialité ! Et là le film, qui était déjà un excellent film noir analysant avec justesse les pouvoirs et travers de la presse, devient absolument génial car les ventes du canard vont augmenter plus l'enquête avance. Et le rédac chef est tiraillé d'une manière vraiment originale entre le désir de camoufler son acte, et de ne pas être arrêté par la police, mais en même temps il sait que plus il va donner d'indices plus son journal va se vendre, et l'enrichir. Il y a une limite à ne pas franchir, mais il va vite être dépassé par les événements. Voici le cadre de ce film absolument passionnant, et qui plus est magnifiquement mis en scène par le souvent oublié Phil Karlson, et servi par une photographie de toute beauté.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1563
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Image

Paria de Nicolas Klotz 2000.

Juste un mot pour dire non seulement que j'ai beaucoup aimé le film (@B-Lyndon , c'est fait !) mais aussi pour évoquer un autre (que je n'avais pas aimé) : "An Elephant Sitting Still" (2019). Quel est la différence entre les 2, si proche pourtant ? C'est la distance de la caméra par rapport à ses personnages (dans celui de Klotz, elle fait corps avec eux, dans celui du chinois, elle les traque) ainsi que l'approche cinématographique globale : très justement, Klotz utilise de la musique dans son film (il s'agit de notes jouées en piano), comme une espèce échappatoire vers un 'ailleurs; pas une note dans "An Elephant Sitting Still".
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1368
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

Image
Dans sa montée graduée en tension jusqu'au point de non retour, le film me rappelle Jusqu'à la garde (sur un sujet proche). Mais si j'avais trouvé le film multi-césarisé affreusement mal fait et assez racoleur, ici ça marche très bien, parce que Donzelli (dont on voit peu la patte habituelle, en dehors d'une scène chantée), arrive à en faire un bon petit thriller du dimanche soir, bien joué et mis en scène, avec un grand soin de "fabrication" pas désagréable (belle photo, belle musique). C'est sans génie évidemment. Mais si des spectatrices ont pu se reconnaitre dans le calvaire d'Efira et voir que quelque chose n'allait pas leur couple, c'est déjà pas mal.
Un truc par contre m'a gêné : le personnage de Melvil Poupaud, assez standard et typique du "pervers narcissique" soufflant le chaud et le froid et voulant tout contrôler, laisse sa femme libre de faire ce qu'elle veut avec son téléphone portable. Il me semble qu'un tel profil aurait veillé à contrôler ses messages ou tracker son téléphone très tôt dans la relation. Facilité scénaristique qui sera utilisée de nombreuses fois dans le film.

Image
C'est tout tristoune, tout mort, alors que ça se voudrait enlevé. Et pour le coup mal joué. Sur ce type de production "de prestige", on voit bien qu'Ozon est un metteur en scène limité qui ne tire pas grand chose de ses scènes toute très théâtrales. Et puis au final, qu'est ce que le film veut raconter, mystère.
Avatar du membre
asketoner
Messages : 1616
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:28

Image

Les Filles d'Olfa, Kaouther Ben Hania

J'ai tenté de tenir le plus longtemps possible face à ce que le film propose, mais c'était vraiment difficile. On se retrouve face à une femme souriante, visiblement contente d'être filmée, dont deux des quatre filles sont parties en Lybie pour le djihad. La réalisatrice propose d'entremêler les témoignages et le récit d'enfance des deux filles restantes, à des scènes de leur vie rejouées, parfois par des actrices professionnelles, parfois par les personnes réelles. On est quelque part entre la thérapie familiale et le confessionnal de télé-réalité où l'émotion est tout de suite surlignée par de la musique, des gros plans, et des répliques telles que "je préférerais qu'on arrête". Il y a énormément de violence dans le film (la mère bat ses filles avec ferveur, l'avoue et sourit), mais aucune façon de l'encadrer, de la soutenir cinématographiquement, sinon en la changeant en information venant nourrir le profil psychologique du personnage. J'en suis venu à douter des intentions de la cinéaste, mais c'est certainement plus complexe que ça : je pense en fait que les intentions du film sont bonnes, mais que son procédé est nul, parce qu'il renonce à tout positionnement esthétique, donc moral, et cherche seulement à appliquer ses tout petits principes sans s'éveiller lui-même face à ce qu'il rencontre. Les personnes filmées n'apprennent rien au film. Elles apportent leur histoire, et le film les traite comme il aurait traité n'importe quoi. Il n'y a pas de regard, il n'y a pas de rencontre : il n'y a pas de cinéma.
Répondre