Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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sokol a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:25
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21
TARR

J'en attendais pas mal, mais c'est un véritable calvaire, un film de son temps, bien odieux, qui part du principe qu'il est plus intelligent que son spectateur. Et un film de son temps, qui s'interdit de filmer les choses sous peur qu'on lui reproche ce qu'on reprochera à son héroïne. Un cinéma que j'exècre.
Je l'ai échappé belle. Pourtant, j'ai failli le voir :D
je crois qu'Antoine avait trouvé ça tout pourri aussi.
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cyborg
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Au fur et à mesure de sa progression, le film révèle sa nature, sa condition d'existence. Chien de la casse est un film terreux. C'est d'ailleurs à même la terre, dans un trou creusé à la va-vite, que l'on finira par enterrer le chien du titre, durant une scène ou le personnage principal révèle pourquoi il s'est mis à la fumette : pour ne plus rêver car les rêves peuvent tuer. Un peu plus tôt son comparse rêvasse au volant de sa voiture et manque de percuter un autre véhicule. De rêves il ne faudrait donc pas trop en faire.

Chien de la casse est un film qui se veut les pieds bien sur terre, bien appuyé sur le manque de perspective de ses personnages. Et il s'agit bien de terre et non de terreau favorable à l'apparition de germes et de pousses nouvelles. Même le cadavre canin ne sera pas humus et le film de se conclure avec les mêmes éléments qui composaient sa situation d'ouverture : l'un part à l'armée, l'autre se retrouve cuistot dans le restaurant de son ami ou il ne voulait mettre les pieds, doublement condamné par le surcadrage architectural de la mise en scène.

Bien que dépeignant ses personnages avec une certaine tendresse, le problème est peut-être que le film,, lui aussi, ne rêve pas et, surtout, ne se permet de rêver pour ses personnages. Peut-être même les condamne-t-il autant que la société, le film finissant par ressembler aux aventures de deux points sur une courbe statistique. Non pas que l'un d"eux aurait du se révèler génie de la poésie ou futur premier ministre, mais à minima qu'une porte s'ouvre, qu'un élan s'ébauche au détour d'un plan, mais rien, tristement rien ne viendra envisager la moindre émancipation possible. A l'originalité de la situation et du milieu décrit ne vient répondre qu'un film trop mécanique dont chaque personnage fini par ressembler à un rouage sagement utilitaire. Même celui d'Elsa, pourtant porteur d'un ailleurs, ne vaut pas mieux que les deux autres, et c'est à peine si on lui laissera le temps de répondre aux in-su-ppor-ta-bles logorrhées de Raphael Quenard (dieu qu'il est pénible). C'est à se demander même ce qui intéresse ici le réalisateur, dont la mise en scène ni bonne ni mauvaise, est avant tout elle aussi bien sagement appliqué.


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Throne of Capricorn - Govindan Aravindan - 1975

La découverte émerveillé de Kanchana Sita il y a quelques semaines m'a donné envie de voir tout ce qu'il m'était possible de Aravindan.
Tourné trois ans plus tôt (mais sorti en salle de façon ultérieure, ai-je l'impression), Throne of Capricorn est un film entrant typiquement dans son époque : un jeune homme éduqué, au chômage, part à la quête d'un emploi et d'une situation, ce qui l'amènera à se confronter à ses idéaux en côtoyant toute une série de personnages et de milieux, allant de ses anciens camarades de promotion aux succès divers, des membres de sa famille de plus ou moins bons conseils ou encore d'anciens révolutionnaires pro-indépendances dont les convictions ont fait long feux. La nature, sujet central de Kanchana Sita, n'apparait ici que de façon succincte, bien qu'accompagant régulièrement les états d'âme du héros (observation de la mer, ou d'une colonie de fourmis). C'est néanmoins vers-elle qu'il se tournera en dernier recours, le film se finissant sur l'observation active d'une étrange vieille femme mettant le feu à quelque fagots au milieu de la foret : autrement dit le point de laché prise parfait pour conduire à son deuxième film (Kanchana Sita, donc). Me voilà d'autant plus curieux de découvrir le troisième film du réalisateur.

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De la nuée à la resistance - Jean-Marie Straub et Danièle Huillet - 1978

L'écoute du long entretien de 1993 avec le couple de réalisateurs (3h !) rediffusé lors d'une "Nuit de France Culture" m'a donné envie de (re)voir quelques uns de leurs films. Mes notes m'indiquent que je l'avais déjà vu en 2011, mais que je n'avais pas bien résisté à au visionnage et n'en avais plus aucun souvenir. Si l’extrême aridité du style est toujours une expérience à part entière, force est de constater que je suis beaucoup plus réceptif à leurs choix de durées, de découpes, de cadrages qui m’impressionnent autant par leur exigence que par leur précision. Les deux parties du film, l'une supposés dans l'antiquité et l'autre dans le monde contemporain, ne seraient pas plutôt le hors-champs l'une de l'autre, se superposant de façon invisibles dans une nature commune, dialoguant l'une et l'autre par leurs textes, leurs jeux, leurs gestes ? Beau tour de force.

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L'idée réjouissante du film est celle de Moretti s'inventant en directeur de cirque, une situation qui ne pouvait bien sur que se résoudre par une grande et joyeuse parade finale. Parade réunissant autant les membres du présent film que d'autres de ses précédents. Car ici Moretti ne cesse de se relire, de se rejouer, de nous (et se) faire revoir. Vers un avenir radieux n'est donc pas tant un film "de vieux" (débat stérile) que, assurément un film de deuxième partie (pour ne pas dire "de fin") de carrière. Moretti, pas bégueule, se joue de son age et de sa position pour reproduire - sans cesse et non sans humour - nombre de motifs de ses précédents films (la piscine de Palombella Rossa, le regard caméra/les jongles de foot/les scoot-trottinettes de Journal Intime, la couverture de Sogni D'Oro et sans doute tant d'autres). Moretti se relit donc lui même, cherchant à se réinterpréter et se replacer dans le présent du film et du monde. Vers un avenir radieux serait donc ainsi construit sur une double thérapie avançant en parallèle, celle de sa femme (pas vraiment la plus grande réussite du film, soit dit en passant), et celle concrète se livrant plus ou moins secrètement sous nos yeux et construit comme un ensemble de strates de compréhensions et de réalités (les films dans les films etc etc), tel d'insondables méandres psychiques. Là ou Moretti échappe au piège du film "de vieux con" est que, bien que ne pouvant s’empêcher de faire la morale à tout le monde, il réalise une progressive prise de conscience et affiche in fine un désir de changer, tant lui que son oeuvre. Au désespoir de la tragique pendaison, sans doute plus "historico-crédible", sera préféré une contrefactualité fantaisiste mais joyeuse renouant avec la puissance de l'art et du cinéma tout entier.


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Revisionnage une fois encore d'un film vu il y a plus de dix ans et que je n'avais guère aimé à l'époque, semblent dire mes notes. C'est toujours le cas aujourd'hui : nous sommes loin des meilleurs Rohmer et même des meilleurs "contes moraux". Partant pourtant d'un point intéressant sur les idéaux artistiques et la beauté, Rohmer finit par livrer un film peut-être un peu trop déséquilibré dans la place laissé à la parole et, plus encore, à sa circulation : même si Haydée est à mon avis la "gagnante" de ce long triumvirat, son relatif effacement face aux deux jeunes dandy macho peut finir par devenir pesant.
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asketoner
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B-Lyndon a écrit :
lun. 17 juil. 2023 10:40
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Vers un avenir radieux, Nanni Moretti, 2023.


J'aime que Moretti se filme comme l'exact contraire de quelqu'un qui serait hyper dans le coup. Après tout, je ne le reprochais pas à Godard, qui dans ses derniers films continuait à bourdonner à notre oreille comme une abeille fatiguée, tousser, s'écrouler et chanter "ardent espoir" d'une voix d'outre-tombe. L'important, c'est la vie et l'énergie des films. Et Moretti retrouve ici ce ton que j'aime tellement chez lui, et cette construction à la fois très joueuse et sophistiquée des films, que je trouve vraiment unique : cette fluidité de la circulation des motifs, comme une tête sur-consciente qui tape sur un mur pour libérer ce qu'elle contient. Cette conscience qui bute contre le monde, qui n'a que faire des vraisemblances, du réalisme plat, du discours politique. Il y a des moments bouleversants, comme lorsque Giovanni se passe la corde autour du cou, décrète la fin de la journée en ne tournant pas cette scène, et s'échappe dans le décor. Matérialisation d'un désir, profondément politique : repousser les murs, élargir le visible. Exactement ce que le film fait, tout en ayant l'honnêteté de reconnaitre qu'à partir d'un certain âge, d'un certain nombre d'accomplissements artistiques qu'on traîne derrière soi comme une fierté mais aussi comme un boulet, ce visible ne peut s'élargir qu'autour de soi, à partir de soi. Mais Moretti cherche, il y a une réponse sublime : la parade, où tout le monde est là, toute la famille de cinéma. Ce monde inventé ne parle que de soi, mais il est rempli, et peut-être constitue t-il un peuple. J'entends beaucoup de cinéphiles de mon âge balayer le film d'un revers de main de ce simple mot : "boomer". Ca me rend triste à un niveau inexprimable. Peut-être que j'arrive au moment, dans ma vie, où je dois reprendre à mon compte la phrase de Michel Poiccard : "J'aime bien les vieux, effectivement...". Car, au fond, bien sur que Moretti est dans le film le seul qui a raison, tout le temps. Mais je crois que c'est précisément ce qu'il interroge : avoir raison, certes, mais comment faire exister sa raison dans le monde, alors que précisément le monde nous échappe ? Giovanni comprend tout, peut-être cela veut dire qu'il ne comprend rien, parce qu'il y a une seule chose qu'il ne comprend pas : précisément qu'on ne le comprenne pas. A partir du moment où l'on ne peut comprendre qu'on ne soit pas compris, qu'est-ce qu'on comprend vraiment ? Je songe à ce moment où il reste dans le champ alors qu'il vient de lancer Action, que la caméra zoome sur ses yeux, et que Franco Battiato commence à chanter, puis que tout le monde se met à danser avec lui. Seules les chansons nous permettent d'avoir raison ensemble. Mais il faut bien que la chanson s'arrête, comme dans Lola de Jacques Demy, et alors la mort peut se montrer. La chanson est passée toutefois en nous. C'est beaucoup, c'est peu, c'est un répit.

:jap: :jap:
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yhi
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Content de vous lire ces dernières semaines, beaucoup de textes palpitants sur des films qui ne le sont pas moins !
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21
Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes.
Ca l'était pour moi, mais ça a pas l'air évident pour tout le monde (cf. la critique des Cahiers je crois, où ça semble remis en question).

Sinon, je ne comprends pas pourquoi l'antipathie générale (dans ce film, et je crois aussi chez les autres Ceylan, même si j'ai tendance à les oublier rapidement) ne dérange pas plus de monde ou ne ressort pas plus de ce que j'ai pu lire sur le film.
J'admire la manière de faire de Ceylan, je trouve que le film est palpitant sur 3h15 (alors que je l'ai vu sur fond de gueule de bois du 15 juillet, je partais pas gagnant :D ), mais au final, impossible d'adhérer parce que je n'ai aucun point de vue auquel me raccrocher. Chaque personnage abat ses cartes dans son coin et je ne trouve pas cela si imprévisible à part de se demander quel prochain coup de pute va être commis. Alors certes, ça crée du conflit, de la dialectique que Ceylan arrive à rendre parfois passionnante, mais dans quel but ?

Quelque part, je trouve que ça ressemble pas mal au début du Tango de Satan dans sa manière de jouer au petit théâtre de l'égoïsme et des sales coups. Mais j'ai l'impression que Les herbes sèches s'arrête là où le précédent continue autre chose (il rassemble le groupe, puis le redynamite, ça bouge quoi). Et je ne suis pas sûr que ce sont les deux minutes de voix off finale qui peuvent combler ce manque. Si le film commence là, ne fallait-il pas le continuer plutôt que de couper ?
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asketoner
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groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:26
sokol a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:25
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21
TARR

J'en attendais pas mal, mais c'est un véritable calvaire, un film de son temps, bien odieux, qui part du principe qu'il est plus intelligent que son spectateur. Et un film de son temps, qui s'interdit de filmer les choses sous peur qu'on lui reproche ce qu'on reprochera à son héroïne. Un cinéma que j'exècre.
Je l'ai échappé belle. Pourtant, j'ai failli le voir :D
je crois qu'Antoine avait trouvé ça tout pourri aussi.
Horrible !!! :D
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:26
sokol a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:25
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21
TARR

J'en attendais pas mal, mais c'est un véritable calvaire, un film de son temps, bien odieux, qui part du principe qu'il est plus intelligent que son spectateur. Et un film de son temps, qui s'interdit de filmer les choses sous peur qu'on lui reproche ce qu'on reprochera à son héroïne. Un cinéma que j'exècre.
Je l'ai échappé belle. Pourtant, j'ai failli le voir :D
je crois qu'Antoine avait trouvé ça tout pourri aussi.

C'est le dernier de mon top aussi (ou flop 1) :D
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
dim. 16 juil. 2023 14:28
@Tamponn Destartinn
@asketoner
Les amis, la DDASS n’existe plus. C’est la DDCS qui la remplace, depuis quelques temps d’ailleurs
Ah ?
Alors sache que dans le milieu, tout le monde parle encore de "DDASS"
Je parle de prods qui ont affaire directement avec, donc c'est drôle, c'est peut être comme l'époque où tout le monde disait encore ANPE par habitude, et comment tout le monde va dire Pole emploi pendant qq années alors que ça devient "france travail" (au secours d'ailleurs)
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B-Lyndon
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groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21

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Ceylan est devenu au fil des films l'un des plus grands cinéastes de notre époque, et son dernier opus long de 3h17 ne vient pas déroger à la règle. Il s'éloigne de plus en plus du formalisme qu'on a pu lui reprocher à une époque (c'était déjà le cas dans Le Poirier Sauvage, son précédent) pour aller au cœur des choses, ou plutôt au cœur des individus. Dans une intrigue pas si éloignée que ça de La Tâche de Philip Roth ou même de La Chasse de Thomas Vinterberg, Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes. Il s'appelle Les Herbes Sèches, mais tout le film se passe dans la neige, les herbes sont recouvertes pendant 3h15 et on ne les voit que lors des deux dernières minutes, juste avant un plan de la jeune fille d'où tout est parti et qui se retourne pour nous fixer. Tout ça dit beaucoup de choses sur les apparences et sur la question de la vérité, de qui la détient, et de qui détient la parole. Car le film est aussi un film sur la parole, sans doute celui de Ceylan où les personnages parlent le plus, et le plus librement. Tout en aimant le film, j'y ai vu sur le coup quelque facilité, mais plus le temps passe et plus le film travaille en moi et me livre sa nature.

Mais enfin groil, le personnage n'est pas du tout accusé à tort !!
Il est précisément accusé de mettre sa main à la taille des élèves, or dans le couloir de l'école au début du film, alors que la jeune fille vient le voir, c'est exactement le tout premier geste qu'il fait ! Il n'est absolument pas innocent. On voit bien l'étrangeté de la relation qu'il noue avec Sevim. Ce qui se déplace, c'est le consentement de la fillette au fur et à mesure du film. A partir de l'affaire de "la lettre", c'est mort pour lui, ces gestes qu'elle acceptait, elle les retournera contre lui. Mais dans les faits, les accusations sont fondées.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon
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yhi a écrit :
lun. 17 juil. 2023 21:59
Chaque personnage abat ses cartes dans son coin et je ne trouve pas cela si imprévisible
Je vais dire un truc con mais vrai : est-ce que, dans la vie, chacun n'abat ses cartes dans son coin ?
Ceylan est pas misanthrope, il est juste lucide. Et parce que lucide, profondément aimant.

Si jamais, y"a A l'abordage qui repasse sur arte. Voilà un bon exemple de film gentil, qui assigne ses personnages à une douceur qui n'existe pas, évacue la violence et reste de bout en bout complètement hors-sol, c'est peut-être plus ta came ? :D :D
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groil_groil
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:19
yhi a écrit :
lun. 17 juil. 2023 21:59
Chaque personnage abat ses cartes dans son coin et je ne trouve pas cela si imprévisible
Je vais dire un truc con mais vrai : est-ce que, dans la vie, chacun n'abat ses cartes dans son coin ?
Ceylan est pas misanthrope, il est juste lucide. Et parce que lucide, profondément aimant.

Si jamais, y"a A l'abordage qui repasse sur arte. Voilà un bon exemple de film gentil, qui assigne ses personnages à une douceur qui n'existe pas, évacue la violence et reste de bout en bout complètement hors-sol, c'est peut-être plus ta came ? :D :D
que c'est méchant ça :D et c'est sublime à l'abordage :D
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:01
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21

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Ceylan est devenu au fil des films l'un des plus grands cinéastes de notre époque, et son dernier opus long de 3h17 ne vient pas déroger à la règle. Il s'éloigne de plus en plus du formalisme qu'on a pu lui reprocher à une époque (c'était déjà le cas dans Le Poirier Sauvage, son précédent) pour aller au cœur des choses, ou plutôt au cœur des individus. Dans une intrigue pas si éloignée que ça de La Tâche de Philip Roth ou même de La Chasse de Thomas Vinterberg, Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes. Il s'appelle Les Herbes Sèches, mais tout le film se passe dans la neige, les herbes sont recouvertes pendant 3h15 et on ne les voit que lors des deux dernières minutes, juste avant un plan de la jeune fille d'où tout est parti et qui se retourne pour nous fixer. Tout ça dit beaucoup de choses sur les apparences et sur la question de la vérité, de qui la détient, et de qui détient la parole. Car le film est aussi un film sur la parole, sans doute celui de Ceylan où les personnages parlent le plus, et le plus librement. Tout en aimant le film, j'y ai vu sur le coup quelque facilité, mais plus le temps passe et plus le film travaille en moi et me livre sa nature.

Mais enfin groil, le personnage n'est pas du tout accusé à tort !!
Il est précisément accusé de mettre sa main à la taille des élèves, or dans le couloir de l'école au début du film, alors que la jeune fille vient le voir, c'est exactement le tout premier geste qu'il fait ! Il n'est absolument pas innocent. On voit bien l'étrangeté de la relation qu'il noue avec Sevim. Ce qui se déplace, c'est le consentement de la fillette au fur et à mesure du film. A partir de l'affaire de "la lettre", c'est mort pour lui, ces gestes qu'elle acceptait, elle les retournera contre lui. Mais dans les faits, les accusations sont fondées.
Oui tu as raison, pardon, mais ce que je voulais dire c'est que je ne pense pas - c'est mon point de vue - qu'il fait cela en pensant à mal. Il n'y a pas sexualisation du geste, c'est plutôt un geste paternaliste (certes qui peut-être condamné aussi) et protecteur. C'est un petit peu ambigu en effet et c'est de cette ambiguïté que naissent ses problèmes. Mais est-ce que cela le rend coupable pour autant ?
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 17 juil. 2023 22:08
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:26
sokol a écrit :
lun. 17 juil. 2023 16:25


Je l'ai échappé belle. Pourtant, j'ai failli le voir :D
je crois qu'Antoine avait trouvé ça tout pourri aussi.

C'est le dernier de mon top aussi (ou flop 1) :D
Ah voilà, les vrais se retrouvent :D :D
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yhi a écrit :
lun. 17 juil. 2023 21:59
Content de vous lire ces dernières semaines, beaucoup de textes palpitants sur des films qui ne le sont pas moins !
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21
Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes.
Ca l'était pour moi, mais ça a pas l'air évident pour tout le monde (cf. la critique des Cahiers je crois, où ça semble remis en question).

Sinon, je ne comprends pas pourquoi l'antipathie générale (dans ce film, et je crois aussi chez les autres Ceylan, même si j'ai tendance à les oublier rapidement) ne dérange pas plus de monde ou ne ressort pas plus de ce que j'ai pu lire sur le film.
J'admire la manière de faire de Ceylan, je trouve que le film est palpitant sur 3h15 (alors que je l'ai vu sur fond de gueule de bois du 15 juillet, je partais pas gagnant :D ), mais au final, impossible d'adhérer parce que je n'ai aucun point de vue auquel me raccrocher. Chaque personnage abat ses cartes dans son coin et je ne trouve pas cela si imprévisible à part de se demander quel prochain coup de pute va être commis. Alors certes, ça crée du conflit, de la dialectique que Ceylan arrive à rendre parfois passionnante, mais dans quel but ?

Quelque part, je trouve que ça ressemble pas mal au début du Tango de Satan dans sa manière de jouer au petit théâtre de l'égoïsme et des sales coups. Mais j'ai l'impression que Les herbes sèches s'arrête là où le précédent continue autre chose (il rassemble le groupe, puis le redynamite, ça bouge quoi). Et je ne suis pas sûr que ce sont les deux minutes de voix off finale qui peuvent combler ce manque. Si le film commence là, ne fallait-il pas le continuer plutôt que de couper ?
Intéressant ce que tu dis, et je pense que plus généralement, les personnages des films de Ceylan ne sont pas souvent sympathiques, voire jamais. Et je ne pense pas qu'il le soit lui non plus. Mais je trouve que c'est l'une des choses intéressantes de son cinéma, le monde n'est pas fait que de gens sympathiques, et pourtant on fait avec.
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B-Lyndon
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groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 09:39
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:01
groil_groil a écrit :
lun. 17 juil. 2023 15:21

Image

Ceylan est devenu au fil des films l'un des plus grands cinéastes de notre époque, et son dernier opus long de 3h17 ne vient pas déroger à la règle. Il s'éloigne de plus en plus du formalisme qu'on a pu lui reprocher à une époque (c'était déjà le cas dans Le Poirier Sauvage, son précédent) pour aller au cœur des choses, ou plutôt au cœur des individus. Dans une intrigue pas si éloignée que ça de La Tâche de Philip Roth ou même de La Chasse de Thomas Vinterberg, Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes. Il s'appelle Les Herbes Sèches, mais tout le film se passe dans la neige, les herbes sont recouvertes pendant 3h15 et on ne les voit que lors des deux dernières minutes, juste avant un plan de la jeune fille d'où tout est parti et qui se retourne pour nous fixer. Tout ça dit beaucoup de choses sur les apparences et sur la question de la vérité, de qui la détient, et de qui détient la parole. Car le film est aussi un film sur la parole, sans doute celui de Ceylan où les personnages parlent le plus, et le plus librement. Tout en aimant le film, j'y ai vu sur le coup quelque facilité, mais plus le temps passe et plus le film travaille en moi et me livre sa nature.

Mais enfin groil, le personnage n'est pas du tout accusé à tort !!
Il est précisément accusé de mettre sa main à la taille des élèves, or dans le couloir de l'école au début du film, alors que la jeune fille vient le voir, c'est exactement le tout premier geste qu'il fait ! Il n'est absolument pas innocent. On voit bien l'étrangeté de la relation qu'il noue avec Sevim. Ce qui se déplace, c'est le consentement de la fillette au fur et à mesure du film. A partir de l'affaire de "la lettre", c'est mort pour lui, ces gestes qu'elle acceptait, elle les retournera contre lui. Mais dans les faits, les accusations sont fondées.
Oui tu as raison, pardon, mais ce que je voulais dire c'est que je ne pense pas - c'est mon point de vue - qu'il fait cela en pensant à mal. Il n'y a pas sexualisation du geste, c'est plutôt un geste paternaliste (certes qui peut-être condamné aussi) et protecteur. C'est un petit peu ambigu en effet et c'est de cette ambiguïté que naissent ses problèmes. Mais est-ce que cela le rend coupable pour autant ?
Là dessus on est entièrement d'accord. :jap:
Mais sans se l'avouer ou s'en rendre littéralement compte, il est chelou avec la gamine. Ce qu'il fait avec la lettre par exemple, pour se rassurer lui-même, est immonde (je trouve)
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B-Lyndon
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groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 09:38
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:19
yhi a écrit :
lun. 17 juil. 2023 21:59
Chaque personnage abat ses cartes dans son coin et je ne trouve pas cela si imprévisible
Je vais dire un truc con mais vrai : est-ce que, dans la vie, chacun n'abat ses cartes dans son coin ?
Ceylan est pas misanthrope, il est juste lucide. Et parce que lucide, profondément aimant.

Si jamais, y"a A l'abordage qui repasse sur arte. Voilà un bon exemple de film gentil, qui assigne ses personnages à une douceur qui n'existe pas, évacue la violence et reste de bout en bout complètement hors-sol, c'est peut-être plus ta came ? :D :D
que c'est méchant ça :D et c'est sublime à l'abordage :D
grosse daube :D
Brac le faux gentil :D :D
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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groil_groil
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 10:03
groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 09:39
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:01



Mais enfin groil, le personnage n'est pas du tout accusé à tort !!
Il est précisément accusé de mettre sa main à la taille des élèves, or dans le couloir de l'école au début du film, alors que la jeune fille vient le voir, c'est exactement le tout premier geste qu'il fait ! Il n'est absolument pas innocent. On voit bien l'étrangeté de la relation qu'il noue avec Sevim. Ce qui se déplace, c'est le consentement de la fillette au fur et à mesure du film. A partir de l'affaire de "la lettre", c'est mort pour lui, ces gestes qu'elle acceptait, elle les retournera contre lui. Mais dans les faits, les accusations sont fondées.
Oui tu as raison, pardon, mais ce que je voulais dire c'est que je ne pense pas - c'est mon point de vue - qu'il fait cela en pensant à mal. Il n'y a pas sexualisation du geste, c'est plutôt un geste paternaliste (certes qui peut-être condamné aussi) et protecteur. C'est un petit peu ambigu en effet et c'est de cette ambiguïté que naissent ses problèmes. Mais est-ce que cela le rend coupable pour autant ?
Là dessus on est entièrement d'accord. :jap:
Mais sans se l'avouer ou s'en rendre littéralement compte, il est chelou avec la gamine. Ce qu'il fait avec la lettre par exemple, pour se rassurer lui-même, est immonde (je trouve)
c'est vrai.
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 10:04
groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 09:38
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:19


Je vais dire un truc con mais vrai : est-ce que, dans la vie, chacun n'abat ses cartes dans son coin ?
Ceylan est pas misanthrope, il est juste lucide. Et parce que lucide, profondément aimant.

Si jamais, y"a A l'abordage qui repasse sur arte. Voilà un bon exemple de film gentil, qui assigne ses personnages à une douceur qui n'existe pas, évacue la violence et reste de bout en bout complètement hors-sol, c'est peut-être plus ta came ? :D :D
que c'est méchant ça :D et c'est sublime à l'abordage :D
grosse daube :D
Brac le faux gentil :D :D
on m'a (je ne dirais pas qui :D ) dit beaucoup de mal de Brac en tant qu'individu mais en tout cas ses films sont souvent beaux et A l'abordage est une merveille.
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:01
Mais enfin groil, le personnage n'est pas du tout accusé à tort !!
Il est précisément accusé de mettre sa main à la taille des élèves, or dans le couloir de l'école au début du film, alors que la jeune fille vient le voir, c'est exactement le tout premier geste qu'il fait ! Il n'est absolument pas innocent. On voit bien l'étrangeté de la relation qu'il noue avec Sevim. Ce qui se déplace, c'est le consentement de la fillette au fur et à mesure du film. A partir de l'affaire de "la lettre", c'est mort pour lui, ces gestes qu'elle acceptait, elle les retournera contre lui. Mais dans les faits, les accusations sont fondées.
Bien sur ! Et la preuve (on va dire, matérielle) de cela est le contrôle inattendu (mais sans doute pas hasardeux) des affaires des élèves (sous prétexte que c'est une pratique ordinaire). Mais comme dans tous les pays du sud (on va dire du Sud, mais c'est une affaire d'Orient en fait - l'Orient : du Maroc au Japon inclus, en passant par la Russie, l'Inde et la Chine : toute la planète quoi, sauf l'Occident), si on n'est pas forcement timide, on est très pudique. C'est à dire : on ne veut pas nommer la chose (c'est un peu comme au Japon où le serveur du restaurant ne te montre jamais l’addition mais le met à l'envers pour que le client ne voit pas la somme). Tout ça c'est pour détailler ce que tu as écrit en une phrase :
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 03:01
Il est précisément accusé de mettre sa main à la taille des élèves
La preuve : durant la réunion chez le recteur de l’académie, personne met des mots sur ça. A partir du moment que vous mettez des mots, c'est qu'il s'agit d'une accusation donc, on va dire, c'est une approche culturelle différente (orientale).
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 10:04
grosse daube :D
Brac le faux gentil :D :D
as tu vu "Un monde sans femmes" et "L'Île au trésor" ?
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groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 09:42
Intéressant ce que tu dis, et je pense que plus généralement, les personnages des films de Ceylan ne sont pas souvent sympathiques, voire jamais. Et je ne pense pas qu'il le soit lui non plus. Mais je trouve que c'est l'une des choses intéressantes de son cinéma, le monde n'est pas fait que de gens sympathiques, et pourtant on fait avec.
La ce n'est pas "des gens pas sympathiques". C'est "que des gens pas sympathiques". (Bien que je ne sais pas si "sympathique" est le bon mot)
Pour moi c'est pas moins caricatural qu'un film ou tout le monde serait sympathique (A l'abordage ?) Et quitte a choisir je préfère le second.

Ça me donne l'impression que Ceylan pourrait faire un film sur une réunion de copropriétaires ou une connerie du genre :D .
Enfin j'ai l'impression qu'un film qui se centre autant sur la petitesse de ses personnages et de leurs actions reste forcément un petit film, a ras de terre, comme les herbes sèches.

L'intérêt qui reste au film c'est le paradoxe entre cette réalité mesquine et les grandes idées des personnages (se battre pour une cause, croire en quelque chose, se sacrifier etc...) mais que bizarrement on les voit pas beaucoup mettre en action. Ça reste théorique (d'où la part consacrée aux dialogues)
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 10:03
Ce qu'il fait avec la lettre par exemple, pour se rassurer lui-même, est immonde (je trouve)
Tout à fait.
Mais part ça, je ne les trouve pas plus antipathiques que ça les personnages du film : ils sont coincés dans un coin perdu de la Turquie (dans le Kurdistan turc : on voit notre héros se lever la nuit et entendre le bruits des armes) car Ceylan dit que ça se passe dans la province de Erzurum et que le personnage de Nuray est kurde (https://www.telerama.fr/cinema/nuri-bil ... 016390.php).

Image

Quoi qu'il en soit, il ne sont jamais filmé antipathiquement , bien au contraire, très humainement. Et c'est tout ce qui compte au cinéma
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groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 10:08
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 10:04
groil_groil a écrit :
mar. 18 juil. 2023 09:38


que c'est méchant ça :D et c'est sublime à l'abordage :D
grosse daube :D
Brac le faux gentil :D :D
on m'a (je ne dirais pas qui :D ) dit beaucoup de mal de Brac en tant qu'individu mais en tout cas ses films sont souvent beaux et A l'abordage est une merveille.
oui je sépare l'homme de l'artiste :D
il était dans mon jury de diplôme à la Fémis.
eh bien il s'est comporté comme une belle saloperie. mais ça encore, ça va, j'ai l'habitude. il s'est comporté comme une belle saloperie mais très sournoisement, l'air de rien, avec le sourire. exactement comme ses films :D
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yhi a écrit :
mar. 18 juil. 2023 11:49

L'intérêt qui reste au film c'est le paradoxe entre cette réalité mesquine et les grandes idées des personnages (se battre pour une cause, croire en quelque chose, se sacrifier etc...) mais que bizarrement on les voit pas beaucoup mettre en action. Ça reste théorique (d'où la part consacrée aux dialogues)
Mais ça aussi, c'est ultra réaliste !
Peu de gens agissent vraiment. Est-ce que ça veut dire que tout ce qu'on porte en soi est à jeter? Comme le dit Samet pour draguer Nuray : "moi, c'est ailleurs que je regarde" (ce qui est beau, c'est que c'est une phrase mesquine, pour la draguer ; mais que c'est aussi très beau, très vrai. Samet est d'ailleurs toujours sur cette corde raide)

Après, Nuray a quand même laissé sa jambe à la lutte. C'est loin d'être rien.
Pour moi, le film parle de ça : qu'est-ce qu'on accepte de laisser de soi au monde, à la société ? ça demande un tel effort que de sortir de soi. Et Ceylan le regarde avec une grande lucidité, en contextualisant socialement les choses (la séquence des bottes par exemple...), avec une grande précision analytique. Le film n'a rien de théorique : c'est nous qui le sommes !
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 13:59
il était dans mon jury de diplôme à la Fémis.
eh bien il s'est comporté comme une belle saloperie. mais ça encore, ça va, j'ai l'habitude. il s'est comporté comme une belle saloperie mais très sournoisement, l'air de rien, avec le sourire. exactement comme ses films :D
Conflit d’intérêt, ça ne compte pas. Merci pour la franchise :D
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 14:04

Après, Nuray a quand même laissé sa jambe à la lutte. C'est loin d'être rien.
Pour moi, le film parle de ça : qu'est-ce qu'on accepte de laisser de soi au monde, à la société ? ça demande un tel effort que de sortir de soi. Et Ceylan le regarde avec une grande lucidité, en contextualisant socialement les choses (la séquence des bottes par exemple...), avec une grande précision analytique. Le film n'a rien de théorique : c'est nous qui le sommes !
:jap: x 3
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sokol a écrit :
mar. 18 juil. 2023 14:53
B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 13:59
il était dans mon jury de diplôme à la Fémis.
eh bien il s'est comporté comme une belle saloperie. mais ça encore, ça va, j'ai l'habitude. il s'est comporté comme une belle saloperie mais très sournoisement, l'air de rien, avec le sourire. exactement comme ses films :D
Conflit d’intérêt, ça ne compte pas. Merci pour la franchise :D
ah non non non, je détestais son cinéma bien avant ça
ce qui m'a encore plus énervé :D
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Avec Retour à Séoul, Davy Chou réalise son film le plus accompli, le plus abouti et le plus émouvant. C'est beau à voir, et je pense qu'il n'en est qu'au tout début !

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Revisionnage en bluray d'un de mes films doudou, que je commence à connaître par coeur, et qui est presque aussi agréable pour moi qu'un Working Girl ou un Sorcières d'Eastwick. Une merveille de comédie policière/judiciaire dans le milieu de l'art contemporain New Yorkais, servi par la mise en scène pleine de joie d'Ivan Reitman au sommet de son talent, et par un trio d'acteurs en état de grâce, au milieu duquel brille le diamant éternel qu'est Debra Winger.

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Un couple est en vacances dans un club très chic d'un pays imaginaire laissant apparaître à la fois une dictature et une population opprimée qui n'hésite pas à s'en prendre physiquement aux touristes. Le club est cerné de barbelés par exemple, et les vacanciers vivent dans le luxe, totalement coupés du monde. Lui est un écrivain n'ayant commis qu'un seul livre, et qui peine à écrire le second. Il est entretenu par son épouse, issu d'une riche famille américaine. Ils font la connaissance d'un couple en vacances (duo incroyablement original formé de Jalil Lespert et Mia Goth !) qui est vite très intrusif (la jeune femme allant même jusqu'à branler le héros très rapidement et sans lui demander son avis - bon il se laisse faire hein !). Ils décident de sortir du complexe pour une journée en balade en voiture au bord de la mer. De nuit, au retour, c'est notre héros qui prend le volant, et dans la nuit, écrase un homme qui traverse la route. Il souhaite se rendre à la police mais le couple étrange le somme de rentrer à l'hôtel l'air de rien. Le lendemain matin, notre homme est arrêté par la police qui lui propose un deal étrange (c'est là que le film bascule dans le fantastique) : soit il est condamné pour ce qu'il a fait, soit on lui propose de créer un double parfait, un clone, de sa propre personne, qui sera exécuté, comme c'est la coutume, par le fils de l'homme renversé. N'ayant pas tellement le choix, il assistera donc à sa propre exécution, car il est obligé. Sa femme s'éloigne de lui, le persuade de rentrer, mais il ne met plus la main sur son passeport, il est coincé dans cet hôtel. Totalement perturbé il se met à fréquenter 3 couples (dont l'initial) qui sont visiblement passés par là eux aussi. Sous leur influence néfaste, il va sombrer dans la débauche, la luxure et l'avilissement total, ayant recours à plus d'une fois à la création d'un nouveau substitut. Je suis perplexe devant le nouveau film du fils Cronenberg, sans doute son plus abouti, car il y a des choses qui me plaisent, un malaise constant, une façon de t'emmener dans tes endroits vraiment inédits et insoupçonnés, une vraie science de l'événement cinématographique, une belle image aussi et des comédiens impliqués (Mia Goth est vraiment une actrice totalement incroyable), mais dans le fond Infinity Pool rassemble aussi tout ce que je déteste au cinéma. En cela le cinéma de Brandon Cronenberg n'a rien à voir avec celui de son père mais me rappelle malheureusement deux cinéastes que je ne porte pas dans mon coeur, Yorgos Lanthimos et M. Night Shyamalan. C'est un cinéma de l'humiliation permanente, du chantage émotionnel, du postulat dénué de sens et de la posture graphique.
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Grosse boursouflure indigeste : un pur cinéma de producteur, ou tout ressemble à tout ce qui est déjà fait (et qui ne fallait surtout pas faire) et rien ne ressemble à rien (il n'y a pas UNE SEULE idée ou pensée de cinéma là-dedans). Je ne sais pas ce qu'il y a de pire entre le fait que ça ait marché, et qu'il y en a deux autres venir.

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Guillaume Nicloux évolue un peu en marge du cinéma de production française, mais il est aussi en marge du cinéma d'auteur. Il est au milieu depuis toujours et semble errer à la recherche de sa place. Dans le meilleur des cas, il n'est capable que de singer un cinéma préexistant, cinéma d'auteur beaucoup (Gus Van Sant, etc.), et là sur La Tour, il fait une double pompe : il refait L'Ange Exterminateur de Buñuel, mais dans une tour de banlieue défavorisée, rejouant par la même occasion les films d'horreur où les personnages sont pris d'assaut dans un lieu clos, des Zombies de Romero aux Démons de Bava en passant par The Mist pour faire vite. Ce n'est pas son film le plus nul, car certaines scènes sont réussies, mais ce n'est pas un bon film pour autant, car c'est fait trop vite et sans implication (trop vite et sans implication, voici un résumé parfait du cinéma de Nicloux tiens !) : beaucoup d'incohérences, plus ou moins gênantes en fonction de telle ou telle, et surtout une finalité inexistante égale à zéro. ça finit comme ça commence, même postulat, tout ça pour ça, on est bien avancés.
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groil_groil a écrit :
mer. 19 juil. 2023 11:07

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Revisionnage en bluray d'un de mes films doudou, que je commence à connaître par coeur, et qui est presque aussi agréable pour moi qu'un Working Girl ou un Sorcières d'Eastwick. Une merveille de comédie policière/judiciaire dans le milieu de l'art contemporain New Yorkais, servi par la mise en scène pleine de joie d'Ivan Reitman au sommet de son talent, et par un trio d'acteurs en état de grâce, au milieu duquel brille le diamant éternel qu'est Debra Winger.
un film que j'ai adoré, vu pour la première fois au cinoche (j'ai aimé également Working Girl vu au cinoche, moins les sorcières d'Eastwick)
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B-Lyndon a écrit :
mar. 18 juil. 2023 14:04
yhi a écrit :
mar. 18 juil. 2023 11:49

L'intérêt qui reste au film c'est le paradoxe entre cette réalité mesquine et les grandes idées des personnages (se battre pour une cause, croire en quelque chose, se sacrifier etc...) mais que bizarrement on les voit pas beaucoup mettre en action. Ça reste théorique (d'où la part consacrée aux dialogues)
Mais ça aussi, c'est ultra réaliste !
Peu de gens agissent vraiment. Est-ce que ça veut dire que tout ce qu'on porte en soi est à jeter? Comme le dit Samet pour draguer Nuray : "moi, c'est ailleurs que je regarde" (ce qui est beau, c'est que c'est une phrase mesquine, pour la draguer ; mais que c'est aussi très beau, très vrai. Samet est d'ailleurs toujours sur cette corde raide)

Après, Nuray a quand même laissé sa jambe à la lutte. C'est loin d'être rien.
Pour moi, le film parle de ça : qu'est-ce qu'on accepte de laisser de soi au monde, à la société ? ça demande un tel effort que de sortir de soi. Et Ceylan le regarde avec une grande lucidité, en contextualisant socialement les choses (la séquence des bottes par exemple...), avec une grande précision analytique. Le film n'a rien de théorique : c'est nous qui le sommes !
Le film n'a rien de théorique ? Et quand le héros sort de la chambre, du décor, traverse un plateau, puis rentre dans un autre décor pour se regarder dans le miroir d'une salle de bain ?
Je n'en revenais pas...
Il faut que je laisse murir mais pour ma part je vois vraiment ici une sorte d'académisme des années 2020 qui se prend beaucoup trop au sérieux pour véritablement m'intéresser/me stimuler.
Je ne sais pas encore les bricoles que je vais écrire, mais je me rend compte que Ceylan n'a pas de fait de film qui m'a vraiment intéressé/plu depuis Il était une fois en Anatolie, qui commence à dater.
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ça se laisse regarder comme n'importe quel divertissement du genre, et c'est même supérieur au précédent trop prétentieux, mais je trouve regrettable que la série initiée par Wes Craven, qui se voulait vraiment, et c'était réussi, de l'horreur d'auteur, soit devenu un pur produit de consommation, qui se décline à l'infini comme avant lui Halloween, puis Vendredi 13, sans aspérité et totalement interchangeable avec un quelconque autre produit du même genre. La séquence d'ouverture est cependant très réussie.

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Un jardinier-paysagiste idéaliste se bat pour avoir les moyens de construire un jardin utopique dans un quartier populaire et pauvre de Marseille, mais est vite rattrapé par les réalités. Premier film très réussi, avec un vrai point de vue, une vraie mise en scène, et un Swann Arlaud comme toujours génial. Et produit par ce cher Frédéric Dubreuil !
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justement A l'abordage de Brac ce soir sur Arte à 20H55
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cyborg a écrit :
jeu. 20 juil. 2023 22:58
Le film n'a rien de théorique ? Et quand le héros sort de la chambre, du décor, traverse un plateau, puis rentre dans un autre décor pour se regarder dans le miroir d'une salle de bain ?
Je n'en revenais pas...
Mais ça c’est un clin d’œil théorique (comme tu dis) qui ne dure que 1-2 minutes (et encore !). C’est comme si tu approches à Kiarostami la fin de ‘Le goût de la cerise’.
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@sokol : ha non, autant pour Kiarostami cela à du sens, son geste dégageant une beauté fragile, autant là pour moi c'est vraiment très prétentieux. Et ni les images n'ont à voir (Kiarostami on tombe dans des images d'archives, de "making-off", tandis qu'ici on reste in-fine bien au chaud de l'image fictionnelle) ni leur endroit dans le film (conclusion chez Kiaro, ici en plein milieu)
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Vous faites ce que vous voulez de cette info, mais dans l'interview de Positif, NBC dit qu'il a en fait filmé 3 de ce genre de sorties, a des moments différents, mais qu'il en a gardé qu'une au montage final.

Il dit aussi que tous ses collaborateurs au scénario n'étaient pas d'accord pour ça, mais qu'il l'a fait quand même.
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« De nos jours… » de Hong Sang-soo

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Je vais parler séparément de la forme et et du fond, tellement il y a des choses à dire :

Côté forme, c’est sans doute le film le plus ‘simple’ de HSS (il n’y a qu’à regarder le générique : il a tout fait lui-même). Mais le plus Bressonien aussi (or, comme j’avais dit il y a quelques temps à propos de ‘Une femme douce’, les films de Bresson avaient également un côté Hollywoodien : tout étaient dans le film). Le troisième image au sens Godardien (rapprocher deux images pour en créer une troisième, une « image-pensée ») cette fois-ci ne viendra qu’à la fin : rapprocher deux histoires, les raconter en même temps sans les croiser un seule fois pour créer une troisième (’image’) : le film en question. Et puisque « De nos jours… » a un côté Hollywoodien, on n’a pas forcément envie de le revoir (j’ai triché en le mettant dans la catégorie ‘je le verrais bien un jour’ mais c’était pour le mettre premier de l’année 😝). Autrement dit, je ne vais pas revoir le film, comme c’était le cas avec «La romancière, le film et le heureux hazard » (le seul de l’année que j’ai vu 2 fois) car j’ai ‘tout compris’ dès la première (le côté Bressonien que j’ai expliqué plus haut).

Jusqu’à maintenant, parmi les films de HSS seul «Oki’s movie » (mon film préféré jusqu’à hier) était si simpe et radical concernant sa réalisation : treize jours de prises de vue, trois acteurs, quatre techniciens et une caméra HD. Je ne sais pas combien de temps a durer le tournage de «De nos jours… » mais je sais qu’il y a seulement 18 plans (1h24 le film), 6 acteurs et 1 seul cinéaste-scenariste-producteur-technicien, et même compositeur ! Bref, de ce que Eustache a rêvé (on pose la caméra et le cinéma se fait tout seul) Hong Sang-soo a réussi à le faire. On y est.
Cela dit, «La romancière… » était un film autant artisanal et réalisé en 15 jours mais celui-ci a un côté encore plus radical mais pour cela, il faut parler du fond.

Donc, côté fond :

Ça continue…
Modifié en dernier par sokol le sam. 22 juil. 2023 15:43, modifié 5 fois.
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cyborg a écrit :
sam. 22 juil. 2023 14:45
@sokol : ha non, autant pour Kiarostami cela à du sens, son geste dégageant une beauté fragile, autant là pour moi c'est vraiment très prétentieux. Et ni les images n'ont à voir (Kiarostami on tombe dans des images d'archives, de "making-off", tandis qu'ici on reste in-fine bien au chaud de l'image fictionnelle) ni leur endroit dans le film (conclusion chez Kiaro, ici en plein milieu)
Perso, je ne l’aurais pas mis mais, faire de ces 2 minutes le pivot de l’argument pour faire le procès du film me paraît pas très juste
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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yhi a écrit :
sam. 22 juil. 2023 15:09
Vous faites ce que vous voulez de cette info, mais dans l'interview de Positif, NBC dit qu'il a en fait filmé 3 de ce genre de sorties, a des moments différents, mais qu'il en a gardé qu'une au montage final.
Dans ce cas, il fallait garder les 3 car, effectivement, la scène a très légèrement un côté ‘clin d’œil’ de « Funny games » de Haneke (et moins « Le goûte de la cerise » de Kiarostami - @@cyborg
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Côté fond (toujours à propos de «De nos jours…» (Hong Sang-soo) :

À propos de «La romancière… » qui était sorti en février, j’avais écris :
sokol a écrit :
dim. 19 févr. 2023 23:07
Le seul ‘problème’ c’est que, je pense que HSS, avec ce film si léger, si artisanal, si personnel, a clôt sa deuxième période et il faut qu’il se renouvelle.
Donc, tout est à savoir si ce nouveau film est un redit ou l’ouverture d’une nouvelle troisième période chez HSS.

Dans «La romancière, le film et le heureux hasard », la romancière disait qu’elle ne pouvait pas boire pour de raisons médicales (le poète, le même acteur qui joue le poète dans « De nos jours… » lui dit : pourtant il faut boire car plus on boit mieux on écrit). Je m’étais dit à l’époque que c’etait HSS qui parlait au nom des deux.
Mais à partir d’aujourd’hui, je sais que son alter ego c’est le poète et la démarche est quasiment la même que celle dans la filmographie de Godard (comme il a dit lui-même, il lui a fallu tant de temps pour filmer un couple nu - «Adieu au langage ») : il a fallu tant de temps à Hong à se filmer en train de boire
Du coup, oui, il se peut que ce film annonce une troisième période, littéralement autobiographique.

Quant à l’histoire du film (il faut vraiment respecter les SPOILER) : le titre dit vraiment tout : De nos jours = Voici où nous en sommes au XXI siècle.
D’un côté une femme qui a au moins une trentaine de paire de chaussures, hyper bien rangées - il y a une scène extraordinaire vers le début du film durant laquelle elle essaie sans aucune raison apparente une de ces paires; de l’autre, ce vieux poète qui curieusement les jeunes ‘de nos jours’ commencent à l’apprécier; d’un côté, une femme qui fait presque un attaque cardiaque parce qu’elle perd son chat - il faut la voir comment elle s’effondre par terre suite à cet événement majeur ‘fin-du-monde’ et de l’autre, la joie du vieux poète qui découvre la bière sans alcool; et même les deux jeunes qui rendent visite au poète sont pathétiques : elle ne fait que filmer sans qu’elle sache ce qu’elle filme et lui, il pose des questions à la mord moi le noeud
Mais HSS film tout ça sans une once de misanthropie, à ce point que si on connaît pas un peu ses films, on peut se croire devant un film léger, presque «Chacun cherche son chat » (ce qui prouve que ce que différencie les cinéastes et le cinéma qu’ils proposent n’est jamais le sujet qu’ils traient mais comment ils le traitent).
À la fin du film, on peut se poser la question suivante : et des 3 filles, que fait le cinéaste ? Il les laisse au bord de la route ?
Pas du tout : justement, elles ont trouvé le chat (il leur fait un sacré cadeau quand même :donc aucun cynisme et mesquinerie vis à vis d’elles ! Il en va de même pour les 2 jeunes : ils sont vont, ils laissent le vieux poète tout seul et Hong reste avec lui. Donc avec lui-même.


Fin de tout ou début d’une troisième période ? On verra bien
Modifié en dernier par sokol le lun. 24 juil. 2023 09:37, modifié 1 fois.
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asketoner a écrit :
jeu. 13 juil. 2023 09:12
sokol a écrit :
mer. 12 juil. 2023 21:12
asketoner a écrit :
mer. 12 juil. 2023 09:49

Welfare, Frederick Wiseman, 1973
J’aimerais bien aller le voir (et je peux). Tu crois que je vais aimer ?
Oui je pense ;)
Je l’ai adoré ! C’est même un peu perturbant : comment faisait-il pour que les ‘personnages’ qu’il filmait ne regardaient jamais (au grand jamais !) la caméra ?! Je sais que ce n’est pas le seul (en commençant par Rouch et en finissant par Wang Bing, plein de cinéastes ont utilisé ce procédé). Mais c’est vraiment impressionnant (à ce demander pourquoi on a inventé la fiction puisqu’on peut y arriver en filmant la réalité - vaste sujet, on en a parlé 1000 fois mais bon, ce film est quelque chose). Et même si on suppose que ses ‘personnages’ se mettent un peu en scène car ils se sentent filmés, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de personnes en grande précarité donc ils avaient avant tout intérêt à régler leur problème quoi
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yhi
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@sokol Assez d'accord sur De nos jours.
Je pense qu'il arrive au bout d'une certaine épure.
Le prochain semble faire un pas en arrière car apparemment il serait (littéralement) très flou, ce qui le rapprocherait de La romancière qui était (je trouve) très bruité :D
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yhi a écrit :
sam. 22 juil. 2023 15:09
Vous faites ce que vous voulez de cette info, mais dans l'interview de Positif, NBC dit qu'il a en fait filmé 3 de ce genre de sorties, a des moments différents, mais qu'il en a gardé qu'une au montage final.

Il dit aussi que tous ses collaborateurs au scénario n'étaient pas d'accord pour ça, mais qu'il l'a fait quand même.
:jap:
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sokol a écrit :
sam. 22 juil. 2023 15:23
yhi a écrit :
sam. 22 juil. 2023 15:09
Vous faites ce que vous voulez de cette info, mais dans l'interview de Positif, NBC dit qu'il a en fait filmé 3 de ce genre de sorties, a des moments différents, mais qu'il en a gardé qu'une au montage final.
Dans ce cas, il fallait garder les 3 car, effectivement, la scène a très légèrement un côté ‘clin d’œil’ de « Funny games » de Haneke (et moins « Le goûte de la cerise » de Kiarostami - @@cyborg
Je ne base pas tout mon avis la dessus mais ça n'aide pas à augmenter mon intérêt pour le film. Et maintenant que nous savons qu'il voulait en mettre trois séquence confirme l'importance qu'il portait au geste. Et en effet n'en garder que une ne me semble pas le bon choix, rendant le truc encore plus gratuit...

Ca m'interroge surtout sur le besoin qu'ont tous les "grands réalisateurs" à tenter ce genre de chose en ce moment du "film dans le film" ou "film en train de se faire et de se voir comme film". Tant de la part de gens l'ayant déjà fait mais y retournant (Moretti), que d'autres chez qui c'est plus surprenant (Spielberg, Anderson) et maintenant même les papes du cinéma d'auteur (Ceylan). Leurs cinéma sont pourtant complètement différents et pourtant ils se retrouvent la dessus, ce n'est pas anodin. Et qu'est ce que ça veut dire ? Perte de croyance en leur médium, en leur capacité à raconter, à faire du cinéma purement au1er degré ?
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Revu avec le fils (qui du coup l'a vu plus jeune que moi) qui a découvert la série avec le 5. On va se caler les trois autres pendant les vacances.

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Un type d'une autre planète façon Actarus a un accident de vaisseau spatial et échoue sur une planète qui n'est autre que la Terre il y a 65 millions d'années (oui il vient d'une civilisation avancée par rapport à la nôtre mais il est tout comme nous, au poil de barbe près). Une jeune fille survivante du crash l'accompagnent. Ensemble ils vont tenter de survivre face aux nombreux dinosaures agressifs, et pourront réparer leur navette et partir juste au moment où s'écrase sur Terre la grosse météorite qui sonnera le glas des dinos. On se demande ce que vient foutre Adam Driver (à part encaisser le chèque) dans ce gros nanar de luxe qui a bien des égards rappelle After Earth la purge de Shyamalan.

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A force de le revoir régulièrement ces dernières années, ce film est devenu un classique. Et c'est vrai que c'est un chef-d'oeuvre (l'un des deux grands faits d'arme de Parker avec Angel Heart), un film où tout est parfait mais qui à l'intelligence de ne pas se présenter d'emblée comme un film parfait, ce qui le rend vivant. Cette nouvelle vision en bluray (superbe copie) n'a fait que confirmer tout cela.

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Peter Hyams, qui est également coscénariste, coproducteur et, fait rare, également chef-opérateur de son film, réalise ici un remake du chef-d'oeuvre de Fleischer L'Attaque du Chicago Express, en en transposant les enjeux pour jouer le jeu du thriller US 90's, et en se calant cinématographiquement sur la Mort aux Trousses d'Hitchcock. Le film, qui se déroule quasi exclusivement dans un train, est absolument passionnant et superbement inspiré dans sa mise en scène. Je l'avais pourtant découvert il y a peu, le revoir en bluray n'a fait que confirmer tout cela.
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yhi a écrit :
sam. 22 juil. 2023 15:09
Vous faites ce que vous voulez de cette info, mais dans l'interview de Positif, NBC dit qu'il a en fait filmé 3 de ce genre de sorties, a des moments différents, mais qu'il en a gardé qu'une au montage final.

Il dit aussi que tous ses collaborateurs au scénario n'étaient pas d'accord pour ça, mais qu'il l'a fait quand même.
Je trouve ça merveilleux moi, cette séquence de décrochage, pas gratuit du tout, et je trouve ça passionnant de savoir qu'il en avait tourné trois pour n'en garder qu'une. Une fois ça suffit, on a compris ce qu'il voulait dire. Et pour moi ça a beaucoup de sens, sur la vérité des images, et la façon dont on les interprète. Qui croire après ça ? La jeune fille ? Le professeur ? On croyait au film, à ce qui nous était raconté, et d'un coup on nous ramène au réel, on est au cinéma. Je trouve que cette scène permet de penser à la question du consentement, de l'agression de manière plus théorique, l'affect de côté, qu'elle nous aide à réfléchir en somme.
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Les Herbes sèches, Nuri Bilge Ceylan

Les Herbes sèches est un film sur un homme qui ne voit plus, parce qu'il n'y arrive plus, et parce qu'il ne veut plus se voir lui-même au coeur de tout ce qui lui arrive. Il prend des photographies et enseigne le dessin et la perspective dans un village enseveli sous la neige, où la moindre présence fait signe en émergeant du blanc, où les hommes sont armés, où la nuit des coups de feu éclatent sans qu'aucune guerre ne soit annoncée.
Rien n'est nommé, d'ailleurs, parmi les choses qui arrivent : ni l'emprise qu'exerce le professeur sur sa jeune élève (le rectorat, soulagé, peut étouffer l'affaire), ni la blessure du colocataire abusé par un triangle amoureux... Pourtant tout est montré : les rendez-vous pris à l'insu de celui qui ne pensait pas tenir la chandelle, les petits cadeaux à la favorite, la main autour de la taille de l'élève, la subtilisation d'une lettre d'amour. Le film ne fait pas d'insinuation (Haneke, Lanthimos, Ostlund, Von Trier, etc... auraient fondé toute leur dramaturgie sur le fait de laisser le spectateur dans le doute ; Nuri Bilge Ceylan révèle, saisit ce qui s'est passé, et le déploie avec intelligence (c'est-à-dire avec son intelligence, et la nôtre également), pour qu'on cesse de douter et qu'on commence enfin à penser), pourtant il endosse le point de vue du coupable, en le précipitant dans toutes sortes d'intrigues, d'affects et de conversations contradictoires, en montrant comment il se défend, comment il n'a de cesse de se défendre, parce que son existence l'humilie et qu'il ne sait plus pourquoi il vit, mais sans vouloir déchoir de son rang pour autant - bref, parce qu'il est un être humain plutôt normal. De même, la rébellion de la jeune élève n'est pas un mouvement d'émancipation dont elle serait l'héroïne consciente et décidée mais une chose qui arrive, même ici, dans ce village perdu, parce que c'est l'air du temps, et parce qu'il souffle suffisamment loin pour que ça l'emporte elle aussi, même si ça la dépasse. Jusqu'au point où cet air pourrait tout aussi bien ne plus souffler et s'oublier aussi facilement qu'il est arrivé : "Vous viendrez à la kermesse ?", demande la jeune fille que le professeur vient de manipuler, déjà plus vraiment fâchée, simplement pressée de vivre au contraire de tous ces fantômes qu'on nomme les adultes.
Je ne sais plus comment sont fabriquées les scènes des films précédents de Nuri Bilge Ceylan. Je crois me souvenir que Winter Sleep était plein de plans séquences, mais je me trompe peut-être. Alors je ne sais pas si c'est une nouveauté dans son cinéma, mais j'ai trouvé Les Herbes Sèches extrêmement découpé. Toutes les scènes de discussion sont dynamiques, proposant à chaque réplique ou presque un nouveau cadre, un nouvel axe ; et, pour les personnages, un nouveau visage, une nouvelle façon d'être au monde. Ceylan les scrute, tous, avec l'insistance du photographe que son personnage tente d'être. Il veut voir d'eux tous les aspects, les angles, toutes les lumières. Il se colle à un héros difficilement défendable, prétentieux, bouffi d'orgueil, autoritaire, roublard et lâche, pour que son film soit le plus complexe possible. Et c'est précisément ce qui arrive. Il dépasse les questions d'empathie et d'antipathie, d'identification et de rejet, pour cerner quelque chose de l'humain, et la forme de son film s'y prête parfaitement.
Une scène m'a particulièrement ému. Le personnage principal, Samet, vient de passer une nuit avec une femme, Nuray, qui l'a renvoyé à son inaction, à sa paresse politique, à la façon dont son esprit critique l'enferme dans le ressassement et la plainte. Quelques jours après, au collège où il travaille, des cartons ont été livrés, pleins de vêtements pour les enfants dont les familles sont les moins aisées. Samet est assis dans la remise et reçoit les élèves un par un pour qu'ils choisissent un anorak, un pull, des chaussures, etc... Une jeune fille entre, que le professeur croit n'avoir jamais vue. "Tu es dans ma classe ?", lui demande-t-il. Elle répond oui. Il lui demande son prénom et la trouve sur sa liste. Elle a besoin de bottes. Elle choisit une paire, rouge, au fond du carton. Elle n'ose pas quitter la remise tout de suite, parce que le professeur est absorbé par son téléphone et ne voit pas que la jeune fille a terminé. Son embarras à ce moment-là, sa timidité, son humilité sont ce que j'ai vu de plus poignant chez un acteur ou une actrice au cinéma depuis longtemps. Et Samet, lui, n'a jamais remarqué cette jeune fille pauvre, à qui il enseigne pourtant le dessin depuis plusieurs mois. Toute la violence est là : il est possible de ne pas voir, il est possible d'ignorer quelqu'un, d'y être indifférent, et ainsi de le maintenir à sa place. Samet ne voit pas, ni la jeune fille, ni que le collège dans lequel il travaille est ce qu'il y a de plus important, de plus inespéré dans cet endroit du monde.* Il se refuse à comprendre qu'il contribue, malgré toute sa mauvaise volonté et ses agissements égoïstes, à transmettre quelque chose de plus grand que lui. Il n'y arrive plus, comprend-on. Toujours très tchekhovien, Ceylan nous propose de suivre un personnage qui pense que la vie commencera plus tard, à Istanbul, sans s'apercevoir qu'elle est là, déjà, entièrement donnée, et que c'est tout ce qu'il y a à vivre. Et puis, un jour, les herbes réapparaissent, le monde resurgit, le blanc s'efface au profit de toutes les autres couleurs. Et la vie est déjà passée.



*Le film, pour autant, n'enterre pas le paysage qu'il a choisi d'arpenter sous une malédiction. "Tu retrouveras tous tes problèmes à Istanbul", prédit Nuray à Samet.
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asketoner a écrit :
mar. 25 juil. 2023 16:44
lui, n'a jamais remarqué cette jeune fille pauvre, à qui il enseigne pourtant le dessin depuis plusieurs mois.
Tu peux demander à la personne avec laquelle j'ai vu le film (tu la connais) de ce que je lui ai dit en sortant du cinéma après avoir vu le film : "As-tu vu le prof comment il s'est adressé à cette élève particulièrement moche ?"
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Comment tuer un juge


Un cinéaste réalise un film dans lequel il met au jour la corruption d'un juge de Palerme très célèbre par la mafia. Le film se termine par la mort du juge en question. Le juge est plutôt amusé par ce film, qu'il n'a pas le temps de faire interdire car il est assassiné peu de temps après. L'état et la veuve (sublime Françoise Fabian qui n'a je crois jamais été aussi sidérante de beauté) incriminent le cinéaste, arguant que c'est son film qui a donné des idées au tueur. Celui-ci se défend, et va accompagner la police et la veuve dans la recherche de l'assassin. GROS SPOILER ATTATION : à la fin de l'enquête, le cinéaste découvrira que le meurtre n'est pas politique mais orchestré par la femme et son amant, utilisant justement le prétexte du film pour faire passer le meurtre pour un assassinat politique. Film brillant de Damiani, l'un de ses plus réussis dans ses nombreux thrillers politiques, notamment grâce à la superbe mise en abyme de son métier de cinéaste réalisée dans le film. C'est assez brillant et passionnant de bout en bout.

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C'est un film dont le sujet est la maltraitance faite aux enfants, à un enfant en particulier, le jeune Samuel, issu de l'Assistance Publique et placé dans une famille qui ne l'aime pas, mais qui en a besoin pour boucler les fins de mois, même si comme dit la mère à la fin ils finissent par s'y attacher. C'est un enfant en particulier, mais il est là pour tout les enfants, pour endosser la souffrance que l'humanité impose à tous les enfants. Maltraité, violé, humilié, dans une vie qui parait pourtant une vie de tous les jours. Et lui encaisse, et tente d'aimer la petite voisine d'en face. Le film a mis du temps à me convaincre. Si la mise en scène est très belle, dans le sillage de celles de Hélène Angel ou de Laurent Achard, et sous une évidente influence de Maurice Pialat (L'Enfance Nue aurait pu être le titre de ce film), j'y ai vu beaucoup trop de tics au départ, et puis plein de petites incohérences, de trucs qui ne fonctionnent pas, des dialogues qui sonnent faux, ou des situations impensables en fonction du moment où elles se produisent. Bref, je trouvais que le film, sous son vernis film d'auteur, cachait beaucoup de défaut. Et la présence du prédateur pédophile me semblait gratuite, amenée comme une couche de malheur en plus. Mais très vite, le film change de braquet, les défauts s'oublient ou plutôt on fait avec, pour accompagner ce triste et beau Samuel dans ses malheurs, et il se produit quelque chose qui est presque de l'ordre de l'élévation, quelque chose de mystique, qui hisse le film vers quelque chose de très beau, vers une sorte de force intérieure qui en dévoile toute sa beauté, culminant sur une dernière séquence en musique (la seule présence de musique dans tout le film) qui nous invite à revivre tout le parcours du jeune homme pour s'achever sur l'image de ce jeune agneau au pelage noir, qui donne son titre au film, et dont la métaphore animale, bien que trop évidente, n'ôte rien à l'émotion ressentie.
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groil_groil a écrit :
mer. 26 juil. 2023 12:03

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C'est un film dont le sujet est la maltraitance faite aux enfants, à un enfant en particulier, le jeune Samuel, issu de l'Assistance Publique et placé dans une famille qui ne l'aime pas, mais qui en a besoin pour boucler les fins de mois, même si comme dit la mère à la fin ils finissent par s'y attacher. C'est un enfant en particulier, mais il est là pour tout les enfants, pour endosser la souffrance que l'humanité impose à tous les enfants. Maltraité, violé, humilié, dans une vie qui parait pourtant une vie de tous les jours. Et lui encaisse, et tente d'aimer la petite voisine d'en face. Le film a mis du temps à me convaincre. Si la mise en scène est très belle, dans le sillage de celles de Hélène Angel ou de Laurent Achard, et sous une évidente influence de Maurice Pialat (L'Enfance Nue aurait pu être le titre de ce film), j'y ai vu beaucoup trop de tics au départ, et puis plein de petites incohérences, de trucs qui ne fonctionnent pas, des dialogues qui sonnent faux, ou des situations impensables en fonction du moment où elles se produisent. Bref, je trouvais que le film, sous son vernis film d'auteur, cachait beaucoup de défaut. Et la présence du prédateur pédophile me semblait gratuite, amenée comme une couche de malheur en plus. Mais très vite, le film change de braquet, les défauts s'oublient ou plutôt on fait avec, pour accompagner ce triste et beau Samuel dans ses malheurs, et il se produit quelque chose qui est presque de l'ordre de l'élévation, quelque chose de mystique, qui hisse le film vers quelque chose de très beau, vers une sorte de force intérieure qui en dévoile toute sa beauté, culminant sur une dernière séquence en musique (la seule présence de musique dans tout le film) qui nous invite à revivre tout le parcours du jeune homme pour s'achever sur l'image de ce jeune agneau au pelage noir, qui donne son titre au film, et dont la métaphore animale, bien que trop évidente, n'ôte rien à l'émotion ressentie.
:jap:

Je suis content que tu aies vu Astrakan ! Je suis d'accord pour l'étrange impression, quand le film commence, d'être face à quelque chose de possiblement très poseur... Et puis on se rend quand même bien compte qu'un film seulement poseur n'irait jamais chercher cette densité, cette délicatesse, ni cette élévation finale (en tout cas pas en la tenant si puissamment - au point que j'ai pensé à Pelechian pour la dernière séquence).
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asketoner a écrit :
mer. 26 juil. 2023 12:42
groil_groil a écrit :
mer. 26 juil. 2023 12:03

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C'est un film dont le sujet est la maltraitance faite aux enfants, à un enfant en particulier, le jeune Samuel, issu de l'Assistance Publique et placé dans une famille qui ne l'aime pas, mais qui en a besoin pour boucler les fins de mois, même si comme dit la mère à la fin ils finissent par s'y attacher. C'est un enfant en particulier, mais il est là pour tout les enfants, pour endosser la souffrance que l'humanité impose à tous les enfants. Maltraité, violé, humilié, dans une vie qui parait pourtant une vie de tous les jours. Et lui encaisse, et tente d'aimer la petite voisine d'en face. Le film a mis du temps à me convaincre. Si la mise en scène est très belle, dans le sillage de celles de Hélène Angel ou de Laurent Achard, et sous une évidente influence de Maurice Pialat (L'Enfance Nue aurait pu être le titre de ce film), j'y ai vu beaucoup trop de tics au départ, et puis plein de petites incohérences, de trucs qui ne fonctionnent pas, des dialogues qui sonnent faux, ou des situations impensables en fonction du moment où elles se produisent. Bref, je trouvais que le film, sous son vernis film d'auteur, cachait beaucoup de défaut. Et la présence du prédateur pédophile me semblait gratuite, amenée comme une couche de malheur en plus. Mais très vite, le film change de braquet, les défauts s'oublient ou plutôt on fait avec, pour accompagner ce triste et beau Samuel dans ses malheurs, et il se produit quelque chose qui est presque de l'ordre de l'élévation, quelque chose de mystique, qui hisse le film vers quelque chose de très beau, vers une sorte de force intérieure qui en dévoile toute sa beauté, culminant sur une dernière séquence en musique (la seule présence de musique dans tout le film) qui nous invite à revivre tout le parcours du jeune homme pour s'achever sur l'image de ce jeune agneau au pelage noir, qui donne son titre au film, et dont la métaphore animale, bien que trop évidente, n'ôte rien à l'émotion ressentie.
:jap:

Je suis content que tu aies vu Astrakan ! Je suis d'accord pour l'étrange impression, quand le film commence, d'être face à quelque chose de possiblement très poseur... Et puis on se rend quand même bien compte qu'un film seulement poseur n'irait jamais chercher cette densité, cette délicatesse, ni cette élévation finale (en tout cas pas en la tenant si puissamment - au point que j'ai pensé à Pelechian pour la dernière séquence).
d'accord avec toi oui, et bien vu pour Pélechian. ;)
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