Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
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groil_groil
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Avec ce nouveau visionnage le film devient un classique absolu, film inusable, que je verrai chaque année ou presque. Quel bonheur de voir des films récents atteindre ce panthéon.

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Juste après leurs examens, trois jeunes lycéennes anglaises partent en vacances en Crète dans une ville de débauche type Pattaya ou Vang-Vieng (ruinées par le touriste alcool/drogue anglais) avec la ferme intention de se mettre minables et de coucher avec le plus de mecs possibles. L'une des trois, l'héroïne, est vierge, mais ne compte pas, en tout cas a priori, le rester longtemps. Considéré comme l'une des surprises indés de 2023, How To Have Sex est en effet un chouette film, qui commence dans une hystérie permanente qu'on pense avoir du mal à supporter sur la longueur d'un film, mais qui finit par se calmer pour trouver son ton, son rythme, en suivant les traces et les errements de cette jeune femme, offrant au final un film bien plus mélancolique qu'il n'y parait. Ce n'est ni un film de débauche, ni une reflexion abstracto-punk sur le sujet (à la Spring Breakers) ni un film à charge à la sauce woke, non, c'est juste l'histoire d'une gamine qui veut devenir femme un peu trop vite et qui, sans expérience et dans la fougue de la jeunesse, brusque un peu tout pour grandir alors qu'elle est encore une enfant.
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groil_groil
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Adapté d'un roman polonais qui annonçait les prémices du mouvement Solidarność, le film de Costa-Gavras est une comédie politique complètement ratée, à tel point qu'en la voyant on ne comprend même plus son sujet. Le film se veut de gauche, mais le casting emprunté à Resnais Dussolier-Arditi transpire la bourgeoisie à l'ancienne, et chaque scène tombe systématiquement à l'eau, un peu comme les comédies ratées de Resnais justement, ou encore les mauvais Pascal Thomas. Costa-Gavras est vraiment plus à l'aise dans le drame.
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groil_groil
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Une actrice célèbre va interpréter dans son nouveau film un personnage réel. Celui d'une femme tombée amoureuse d'un adolescent de 23 ans de moins qu'elle. Celle-ci a eu deux jumelles de leur union interdite et a fait plusieurs années de prison. Aujourd'hui, elle vit toujours avec cet homme, et ses enfants, dont un enfant plus grand d'un premier mariage, dans une belle maison où l'actrice vient passer plusieurs semaines afin de connaitre la famille et s'imprégner du rôle bien réel qu'elle s'apprête à jouer. Cette confrontation va bien évidemment réveiller des choses enfouies depuis longtemps. Haynes est un cinéaste que j'adore, qui a réalisé plusieurs chefs-d'oeuvre (Carole, Loin du Paradis, Mildred Pierce), ce qui est rare pour un cinéaste, et chacun de ses films est un événement en soi. Malheureusement je suis assez déçu par ce nouvel opus, dont il n'est pas auteur du scénario, ça joue peut-être. Le film n'a rien de honteux non plus, mais on est loin de Persona, quoi, disons que l'ensemble est joli, c'est bien fait comme on dit, mais l'on s'y ennuie un peu, et j'ai l'impression que Todd Haynes aussi. Les deux seuls trucs que j'ai trouvé remarquables sont dans un premier temps les deux actrices principales, et surtout Natalie Portman, qui est extraordinaire, et ensuite l'utilisation de la musique. On sait que Haynes a toujours aimé expérimenté, et là il le fait d'une manière audacieuse et très originale : pour illustrer musicalement son film, il a décidé de réemployer intégralement une bande son préexistante, en l'occurence la magnifique musique du Messager (très bon film au passage) de Joseph Losey, composée par Michel Legrand. Musique sublime et archi-connue, mais qui est là employée dans un autre contexte. Autant je n'aime pas quand on utilise un morceau d'une ancienne BO dans une nouvelle (syndrome Tarantino, truc de grosse feignasse), autant là je trouve qu'il y a un caractère expérimental à reprendre l'intégralité de la BO sur l'intégralité de son film. Cela crée une dimension hypertextuelle, théorique, littéralement passionnante. Dommage que le reste ne suive pas.
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cyborg
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Merci, vos commentaires au sujet de mon texte sur le RAZ me font très plaisir !


Depuis lors

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Rarement ai-je eu l'impression de voir un film tout à la fois corrosif, perspicace et drôle. Si je faisais un top de 2023, ce qui ne m'intéresse pas tellement, ce film serait très haut, tout en haut peut-être même.

Continuant sur la lancée de "Bad Luck Banging", Radu Jude prolonge sa réflexion sur les images contemporaines, leurs divers régimes et le langage en général (ce qui constitue un des fils rouges du cinéma roumain contemporain, je pense notamment à Porumbouiu). Si l'on pouvait reprocher à son précédent film, néanmoins génial, de se contraindre formellement et d'être prisonnier de ses idées, Jude réussi ici à s'émanciper et à donner à ses concepts une forme plus fluide et ambitieuse. Rhizomique même.

Sa grande idée est de faire dialoguer deux films de 50 ans d'écart, le sien et un obscur film des années 70, utilisant le même motif : celui d'une femme indépendante parcourant Bucarest en voiture. L'une, Angela, chauffeuse de taxi, rencontre l'altérité par le transport de ses clients, l'autre, Angela, assistante de production, par les gens qu'elle doit caster pour la réalisation d'une publicité-documentaire. D'une façon assez merveilleuse les deux trajectoires finissent par se croiser quand Angela contemporaine rencontre Angela d'il y a 50 ans au détour d'un rendez-vous de travail.

Cet évènement n'est qu'un point du film, pas particulièrement mis en avant, mais constitue pourtant un des axes centraux de l’œuvre : comment fiction et réalité se rejoignent, comment Histoire et histoires se constituent, comment archives et identités se bâtissent, comment un ensemble de couches d'image-language plus ou moins poreuses et interdépendantes constituent notre monde contemporain. Et, in fine, comment tout forme un magma politique.

C'est, à mon sens, ainsi qu'il faut comprendre les ralentis sur le film d'Angela-taxi. Si la référence évidente va à Godard et ses ralentis de "Sauve qui peut la vie" (soulignons d'ailleurs deux autres clins d'oeil godardiens : un plan de voiture à la campagne évoquant immédiatement Belmondo conduisant dans A bout de souffle, mais aussi le CEO publicitaire imitant le "in one word ; Emotion" de Samuel Fuller dans Pierrot le fou), l'usage en est ici détourné. Si JLG s'en servait pour parler de l'état de ses personnages, Jude les applique à des scènes transitoires dans lesquels apparaissent essentiellement des décors et des figurants auxquels ne sont normalement prêtés aucun intérêt. Ces éléments qui sont comme "là par hasard" sont ici remis au centre du champ d'attention : que pouvons nous apprendre d'eux sur la société d'alors, quel part de documentaire occupe tout film de fiction (coucou Thom Andersen !) ?. Mieux encore, quand Jude zoom dans ces ralentis, il montre à la fois des anonymes mais aussi la texture directe et floue des images qui sont une seule et unique chose. Tout le film tient donc ici : qu'est ce qui constitue la trame des images, quels sont "les arrières-plans" qui font tenir "les avant-plans" ? Et en extrapolant, comment ces images, ces arrières&avants plans, constituent notre monde ?

Nous suivons ainsi durant plus de 2h, Angela, petite main de l'ombre, véhémente mais inconsciente (?), prise au piège d'une inertie qui la dépasse, qui nous dépasse tous. Le travail est incessant, le repos interdit ou presque, même si l'héroïne ne manque sans cesse de s'endormir - au volant comme en réunion. Et qui ne dort pas ne rêve pas non plus. Dans ces conditions nul ne peut imaginer un autre monde. Ainsi est la dynamique générale du film, et sans doute de notre époque : celle du flux tout puissant, de l'incessant présent, tellement permanent qu'il en devient hallucinant. Envers et contre tout, l'ultra-libéralisme, son imaginaire et sa représentation s'imposent, jusqu'à l'absurde le plus dérisoire. Jamais le "capitalisme-réalisme" (Mark Fisher) et ses coulisses n'auront été aussi bien mis en scène. Même le repos éternel n'a plus de valeur ici, les corps fraichement enterré peuvent être déplacé en une liasse d'euro et un coup de pelleteuse afin de laisser place à un nouveau complexe d'habitation... Et que dire des ouvriers croques-morts que l'on retrouve plus tard durant un quart de seconde sur un flux tiktok, ayant transformé la tombe en piscine de fortune ?

Les régimes d'images cohabitent et s'interpénétrent tout au long du film. Les incessantes vidéos tiktok outrancières de l'héroïne vêtue d'un masque digital côtoient la réunion Zoom durant laquelle la tête de la boss se fond dans un arrière-plan de gratte-ciel idéalisés. L'aboutissement du film sera le tournage en direct de la vidéo-publicité-documentaire qui se préparait sous nos yeux depuis le début. On se met alors à penser au génial "La Reconstitution", de son compatriote roumain Lucien Pintille en 1968, et plus encore à l'essentiel "Une Image" d'Harun Farocki qui capte la construction d'une photo du magazine Playboy. Bien que le corps de la playmate soit remplacé par un infirme et sa famille, les enjeux de construction de l'image, de sa manipulation plus ou moins consciente et volontaire sont néanmoins les mêmes, poussé ici dans ses derniers retranchement par la tonalité bouffonne du film. Jusqu'à ce que tout le monde, dégouttés les uns des autres, finisse par disparaitre du plan.

De dernier mot du film il n'y aura donc pas. Mais peu importe car ils ont été martelé un peu plus tôt par notre héroïne : "FINI DANS MA BOUCHE" supplie t-elle à son partenaire occupé à lui faire l'amour. Car oui, dans un relent wittgensteinien, la limite (= la fin, du titre) du monde est bien dans le langage ( = dans ma bouche). A nous donc, de faire dire au monde ce que nous voulons lui faire dire. Mais, à la vue de la tournure politique de notre époque, il est fort possible que notre futur ressemble à une éjaculation prématurée sur une jupe à paillette. Ambiance.
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cyborg
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My Survival as an Aboriginal - Essie Coffey - 1978

Premier documentaire réalisé par une femme aborigène, occupant également le rôle principal. Essie Coffey, se filme ici dans sa communauté et présente ses misérables conditions de vie. Elle explique précautionneusement au spectateur l'histoire de l'Australie par son point de vue et tente de transmettre ses connaissances et sa sensibilité aux jeunes générations. La scène de l'école, durant laquelle le professeur explique à des élèves indigènes l'importance du Capitaine Cook et de ses "découvertes" est particulièrement malaisante. Un film incontournable donc, pour la voix qu'il porte face aux constructions coloniales dominantes.

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My life as I live it - Essie Coffey - 1993

15 ans plus tard, nous retrouvons Essie Coffey pour son deuxième documentaire, s'intéressant à son engagement progressif en politique et sa participation aux élections locales. L'occasion d'aller à la rencontre des personnes vues durant "My survival as an aboriginal" et d'essayer d'analyser leurs parcours. Le style est plus convenu (on se rapproche d'un documentaire tv plus classique) mais la continuité est parfaite avec le premier film, ne faisant que renforcer la force commune des deux films.


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Ankur - Shyam Benegal - 1974

Un jeune homme d'une riche famille est contraint par son père d'abandonner ses études. Il doit partir s'occuper de la ferme familiale pour la reprendre en main. Intraitable et odieux avec tout le monde, il ne tarde pas à tomber amoureux de sa "bonne", d'une caste inférieure à la sienne.
Bien que hautement dramatique et bouleversant, Ankur est peut-être un peu trop simpliste dans la caractérisation de ses personnages et de leurs relations pour pleinement convaincre.

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The hart of London - Jack Chambers - 1970

La nuit d'insomnie est toujours le meilleur moment pour regarder du cinéma expérimental. Ce fut le cas pour le sublime The Hart of London, quelque part entre 4 et 5h du matin, récemment. Moi qui ne rêve que très (très) peu, c'est de cette façon que j'ai l'impression de découvrir le plus frontalement le monde des rêves. Les images sortent de leurs gonds, les sons bégaient, la narration disparait, la vie et le réel semblent confectionner un monde nouveau. C'est totalement le cas ici, Jack Chambers livrant une profonde et puissante médiation sur le vivant et la mort, sur les rapports destructifs de l'humain à l'animal et au végétal. Les passages en noir et blanc se dédoublent avec leurs négatifs, les passages en couleur irradient de leurs teintes technicolors. Si certaines images sont particulièrement dures- voir pénibles (les foetus, les mises à mort, l'accouchement...) ce n'est que pour contraster avec l'immense pulsion de vie que porte en lui "le cerf de Londres".


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Very nice, very nice (1961)
Free Fall (1964)
21-87 (1964)
de Arthur Lipsett

Réalisant des films de montages de found-footage, Lipsett semble mettre à jour le montage soviétique, démultiplié par la puissance et l'absurde de la naissance de la société de consommation des années 60. Si les films sont tout à fait convaincant, le plus singulier est néanmoins "21-87". Il en émerge une sensibilité et un rythme unique, doublé d'un travail de voix et de paroles, comme un lointain cousin batard de Guy Debord.
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yhi
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De Lipsett j'avais vu Very very nice, mais qui m'avait peu convaincu. Ça vaut le coup de persister ?

Je l'ai connu via le beau court métrage "Les journaux de Lipsett" de Théodore Ushev, que je recommande au passage (même si ça a finalement peu a voir avec le style du cinéaste en question)
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cyborg
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@yhi : je ne sais pas si ça "vaut le coup", mais comme les films ne durent que 10 minutes chacun ça ne "coute" pas grand chose. Au moins pour 21-87 qui est le plus singulier comme je le dis ;)
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sokol
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cyborg a écrit :
dim. 14 janv. 2024 22:50
Sa grande idée est de faire dialoguer deux films de 50 ans d'écart, le sien et un obscur film des années 70, utilisant le même motif : celui d'une femme indépendante parcourant Bucarest en voiture.
C'est ce que j'ai appelé dans mon commentaire : le premier "champ-contrechamp movie" de l’histoire du cinéma. C'est la plus importante idée du film, 'atténuée' un tout petit peu par ce dernier plan-séquence de 30-40 minutes (chose déjà vu au cinéma donc, un petit peu moins extraordinaire que l'utilisation du vieux film et son dialogue avec le film de Jude).



cyborg a écrit :
dim. 14 janv. 2024 22:50
C'est, à mon sens, ainsi qu'il faut comprendre les ralentis sur le film d'Angela-taxi. Si la référence évidente va à Godard et ses ralentis de "Sauve qui peut la vie"
Petite question (pour la bonne cause) : avais-tu lu mon commentaire à ce propos :
sokol a écrit :
dim. 1 oct. 2023 10:57

Mais aussi c’est un hommage à «Sauve qui peut la vie » : le titre d’ailleurs est une réponse, sarcastique cette fois ci, au film de Godard : à nos jours, "sauve qui peut la vie" mais, "n’attendez pas trop de la fin du monde" tout de même (peine perdu - en deux mots). Plus politique on meurt.
C'est juste pour savoir si on est deux à voir exactement la même chose


cyborg a écrit :
dim. 14 janv. 2024 22:50
On se met alors à penser au génial "La Reconstitution", de son compatriote roumain Lucien Pintille en 1968
Je viens de lire un peu sur ce film : il a l'air génial !!



cyborg a écrit :
dim. 14 janv. 2024 22:50
De dernier mot du film il n'y aura donc pas. Mais peu importe car ils ont été martelé un peu plus tôt par notre héroïne : "FINI DANS MA BOUCHE" supplie t-elle à son partenaire occupé à lui faire l'amour. Car oui, dans un relent wittgensteinien, la limite (= la fin, du titre) du monde est bien dans le langage ( = dans ma bouche).
Bien vu ! Ce qui prouve que, même si ça présente un certain intérêt, le plan-séquence final de 30-40 minutes n'est pas forcement indispensable : la fin du film a déjà eu lieu dans "fini dans ma bouche"
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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groil_groil
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Vu avec le fils, qu'on a décidé de commencer à initier au western, en commençant par le spaghetti qui est le plus fun, et autant débuter par le meilleur. Chef-d'oeuvre absolu, bien vu 50 fois, et la joie c'est que le gamin a adoré aussi. Chouette. Et petit bonheur personnel, c'était aussi un des films favoris de ses deux grands-pères, et comme il n'a connu aucun des deux, ça nous a permis de tisser un petit lien invisible très précieux.

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Cette grosse feignasse de Branagh a trouvé un filon bien juteux et ô combien rétrograde d'enchainer les adaptations d'Agatha Christie (comme si le cinéma, ou même comme si quiconque d'entre nous avait besoin de ça). Enchainement d'adaptations de Christie, et donc enchainement d'étrons fumants, tant on peut dire haut la main qu'il est le cinéaste actuel qui filme le plus mal, aux côtés de l'imbattable Baz Luhrmann bien évidemment, avec qui sa signature visuelle partage hélas bien des points communs. Bref, chaque plan est une abomination, et le gars arrive à rendre laid un cadre comme Venise, il faut le faire, multipliant sans aucun sens les prises de vue "panoramique" comme n'importe quel touriste crétin le ferait avec son iphone©, et sans oublier de saturer les couleurs jusqu'à l'overdose. Néanmoins, celui-ci est le moins pire des trois, et il est presque regardable. Notamment parce que le roman est moins connu que les précédents et n'avait pas encore été adapté, ensuite parce que le casting est correct et moins name-dropping que les précédents (agréable surprise de voir Camille Cottin très bien s'en sortir à l'international), et puis parce que Venise, même si peu et mal filmée, restera toujours Venise...
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robinne
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groil_groil a écrit :
lun. 15 janv. 2024 13:56

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Cette grosse feignasse de Branagh a trouvé un filon bien juteux et ô combien rétrograde d'enchainer les adaptations d'Agatha Christie (comme si le cinéma, ou même comme si quiconque d'entre nous avait besoin de ça). [...]
Pourquoi regarder alors ? :p
J'avoue que je m'inflige pas ce genre de films :o
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groil_groil
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robinne a écrit :
lun. 15 janv. 2024 17:06
groil_groil a écrit :
lun. 15 janv. 2024 13:56

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Cette grosse feignasse de Branagh a trouvé un filon bien juteux et ô combien rétrograde d'enchainer les adaptations d'Agatha Christie (comme si le cinéma, ou même comme si quiconque d'entre nous avait besoin de ça). [...]
Pourquoi regarder alors ? :p
J'avoue que je m'inflige pas ce genre de films :o
Pour plein de raisons :)
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groil_groil
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Thomas Lilti est un peu le Jean-Pierre Pernaud du cinéma. A chaque film il nous fait découvrir "le petit métier de nos régions", c'est chaque fois le même principe, le même film dans un univers différent. On a eu le jeune type qui débarque aux Urgences, puis le médecin de campagne, puis à la Fac de Médecine (Lilti étant un ancien toubib il en a enchainé 3 sur le sujet), et là comme il a un peu épuisé le filon de la médecine, il a transposé son scénario unique dans l'univers des profs, racontant l'arrivée d'un jeune prof pour un premier remplacement dans un collège de banlieue parisienne. C'est toujours pareil, c'est la même ritournelle inlassablement jouée, mais il faut dire qu'il fait ça bien, et le film se regarde, certes sans le moindre effort, mais avec un réel plaisir, offrant une sorte de "Maitre d'Ecole" 2.0, sans humour, et à destination d'un public adulte. Car c'est peut-être là le problème le plus profond du film : Lilti ne s'intéresse qu'aux profs, et ne considère jamais aucun élève. L'élève n'est pour lui qu'un adjuvant scénaristique, qu'il amène pour créer une embûche à l'un de ses personnages profs, que celui-ci devra résoudre pour avancer. C'est dommage parce qu'on ne sent aucune empathie du cinéaste pour les élèves, et on a l'impression qu'il n'a rempli qu'une moitié du contrat. Ses profs existent, ils sont super, et super bien interprétés, même Cluzet est bon en vieux prof bougon, c'est dire, Lacoste est super, Lebghil n'est pas crédible deux secondes en prof d'anglais mais il joue bien son rôle, et Louise Bourgoin et Adèle Exachopoulos sont magnifiques, mais les enfants ne sont pas incarnés, quel dommage. C'est d'autant plus dommage, que l'une des plus belles scènes du film est celle de l'exclusion du jeune Enzo après avoir menacé son prof. Après la décision, le gamin turbulent, au lieu de s'énerver, alors que son avenir est brisé, regarde son prof dans les yeux et s'excuse auprès de lui. C'est un moment super beau, et c'est l'un des seuls où Lilti considère vraiment l'un de ses élèves. Dommage qu'il n'y en ait pas plus.
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cyborg
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@sokol : oui j'avais vu ton com' ! Je n'avais pas pensé au titre comme une "réponse" à celui de Godard mais en effet, c'est tout à fait possible !

Pour le plan final je ne sais pas si il est "moins extraordinaire" ou "secondaire" mais il reste crucial : enfin le flux permanent du film s'arrête et on observe la construction d'une image. Comme une mise en application de toutes les idées brassées plus tôt. C'est un très bon décrochage comme étape finale du film qui ne tendait, en fait, que vers ce moment et que Jude décide de faire durer très longtemps. Ça fait à nouveau un peu scènette juxtaposé (comme dans Looney Porn) mais ça ne me dérange pas.
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sokol
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cyborg a écrit :
mar. 16 janv. 2024 09:59
mais il reste crucial : enfin le flux permanent du film s'arrête et on observe la construction d'une image.
:jap: Tu as raison : vu sous cet angle-là, c'est plus que justifié (en tout cas, on ne peut savoir ce que ça donnerait si, dans un film, on met ou on enlève telle ou telle scène).
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robinne
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weird

groil_groil a écrit :
mar. 16 janv. 2024 09:28
robinne a écrit :
lun. 15 janv. 2024 17:06
groil_groil a écrit :
lun. 15 janv. 2024 13:56

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Cette grosse feignasse de Branagh a trouvé un filon bien juteux et ô combien rétrograde d'enchainer les adaptations d'Agatha Christie (comme si le cinéma, ou même comme si quiconque d'entre nous avait besoin de ça). [...]
Pourquoi regarder alors ? :p
J'avoue que je m'inflige pas ce genre de films :o
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Tamponn Destartinn
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wtf, j'étais persuadé que j'allais entériner mon statut de hater de Lanthimos avec ce film, et c'est tout le contraire qui arrive !
C'est une relecture de La créature de Frankenstein maline et singulière, où Lathimos pousse son style à l'excès et bizarrement c'est ce qui fait que ça marche. Parce que ça fait sens. Par exemple, l'utilisation du fisheye, qui m'avait dégouté dans La Favorite, parait totalement à sa place ici. Surtout, Lanthimos s'éclate, tu sens qu'il aime son personnage principal. De fait, il est beaucoup moins cynique que dans ses précédents films, et ça lui va très très bien.
Mention à l'incroyable OST : Jerskin Fendrix, je retiens ce nom !


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Réitération de son Marie-Antoinette, près de 20 ans plus tard et en plus classique.
Si j'aime énormément le début, quelque chose se perd au fur et à mesure que la fin approche. Après le mariage, peut-être. On ne sent pas assez le temps qui passe, le changement de regard de la jeune fille sur Elvis, son évolution qui l'amène à se libérer de ses chaines. Cela arrive assez brutalement, après des ellipses à mon sens trop faciles. Je ne serais pas aussi dur si le film n'avait pas jusqu'alors une volonté d'être très narratif. D'où mon "plus classique". Mais ça m'allait très bien, vu que j'ai aimé le début qui est très précis pour montrer comment une jeune fille mineure se retrouve compagne officielle d'une rockstar sans que personne ne réagisse à cela. J'aurais aimé cette méticulosité sur son émancipation.
Quoiqu'il en soit, il faut saluer les acteurs. Surtout elle. C'est fou que ce soit la même actrice qui joue ce personnage de ses 14 ans à sa vingtaine avancée. C'est une gamine au début, une femme à la fin, et on y croit à mort ! Rien que ça, c'est une prouesse formelle.
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Tyra
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Assez étonné, parmi les quelques papiers lus avant de voir le film, de l'absence d'une référence absolument évidente (je ne sais pas si elle a été évoquée par Lanthimos): le conte philosophique voltairien, dont Candide, et parfois aussi l'Ingénu, serait le modèle le plus proche. A la place d'un ingénu, une ingénue, à la place des grands tourments traversant le XVIII siècle, le patriarcat de la fin du 19e, un voyage ici plus restreint mais gardant quelques repères géographiques communs, comme une escale à Lisbonne. Et une dernière scène reprenant presque la fameuse maxime finale "cultivons notre jardin".
Je précise cela parce que le film me semble difficile à accepter si on ne le prend pas comme une relecture, proche de la farce, des contes de Voltaire. De là les limites du film : on perd beaucoup du mystère interprétatif habituel chez Lanthimos au profit d'une grande lisibilité thématique. Ici donc, un parcours "d'émancipation" féminine absolument conforme à l'époque et assez balisé, passé l'audace dérangeante du cerveau enfant dans un corps d'adulte du début du film et des habituelles petites provocations vaguement dérangeantes du cinéaste.
Et contrairement à Tamponn Destartinn, je n'aime pas du tout la musique, envahissante et qui tente vainement d'apporter l'inconfort que parvient peu à créer le film.
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Tamponn Destartinn
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Tyra a écrit :
ven. 19 janv. 2024 17:20
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Assez étonné, parmi les quelques papiers lus avant de voir le film, de l'absence d'une référence absolument évidente (je ne sais pas si elle a été évoquée par Lanthimos): le conte philosophique voltairien, dont Candide, et parfois aussi l'Ingénu, serait le modèle le plus proche. A la place d'un ingénu, une ingénue, à la place des grands tourments traversant le XVIII siècle, le patriarcat de la fin du 19e, un voyage ici plus restreint mais gardant quelques repères géographiques communs, comme une escale à Lisbonne. Et une dernière scène reprenant presque la fameuse maxime finale "cultivons notre jardin".
Je précise cela parce que le film me semble difficile à accepter si on ne le prend pas comme une relecture, proche de la farce, des contes de Voltaire. De là les limites du film : on perd beaucoup du mystère interprétatif habituel chez Lanthimos au profit d'une grande lisibilité thématique. Ici donc, un parcours "d'émancipation" féminine absolument conforme à l'époque et assez balisé, passé l'audace dérangeante du cerveau enfant dans un corps d'adulte du début du film et des habituelles petites provocations vaguement dérangeantes du cinéaste.
Et contrairement à Tamponn Destartinn, je n'aime pas du tout la musique, envahissante et qui tente vainement d'apporter l'inconfort que parvient peu à créer le film.



C'est l'occasion d'un aveu : je n'ai jamais lu Voltaire !
Il est donc possible d'accepter le film sans le prendre comme une relecture de ses contes :D
Mais évidemment, tu m'intrigues et me pousses à combler au plus vite cette grosse lacune.

Moi, ça ne me dérange pas que le parcours de l'héroïne soit conforme. Ca rejoint ce que j'essaie de dire avant : je trouve que ça va bien à Lanthimos d'arrêter son cynique habituel et de cracher sa misanthropie. Il n'arrête pas les "petites provocations" comme tu dis, mais il arrête d'en faire une fin en soi et cherche à raconter plus, ce qui est déjà un immense progrès. Donc oui, ça peut sonner convenu, certes. Mais dans ce cas, sur les autres films de ce début d'année : May December est convenu à dénoncer la pédophilie comme c'est à la mode, pareil pour Pricilla... Je ne sais pas. Est-ce tant un problème ?
Par contre, j'ai lu une critique juste après avoir écrit mon bidule d'hier soir : qu'il aurait été bien plus intéressant de confronter Bella au vrai monde, sans artifice, pour que son étrangeté ressorte plus, et que la violence du monde la heurte plus. C'est fou, sur le moment je ne me suis pas du tout fait la réflexion... Mais le fait est que : tout à fait, c'est indéniable. Ce serait un autre film... D'ailleurs, je ne peux pas du tout trop en dire, mais je connais le projet d'un cinéaste connu au style trèèèèès différent de celui de Lanthimos qui a bcp de point commun avec le parcours de Bella ! C'est étonnant.
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sokol
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Mr-Orange a écrit :
jeu. 18 janv. 2024 21:10
sokol a écrit :
jeu. 18 janv. 2024 12:30
Mr-Orange a écrit :
jeu. 18 janv. 2024 08:52

4. Enquête sur un scandale d'État — Thierry de Peretti
Meme si l'année 2022 n'était pas terrible (ça se sait), je suis bien intrigué avec ce classement de ce film. Bégaudeau adore ce cinéaste et ce film (même si, à mon opinion, il a quelques fixations incorrigibles : il croit dur comme le fer que PTA est un génie, ou que Ruben Östlund est un grand). Soit.
D'autre part, j'avais essayé de le voir dans un avion mais je ne suis pas allé plus loin que les 15-20 premières minutes car je le trouvais mauvais. Je le trouvais, si je peux dire, juste hollywoodien quoi. Et rien d'autre.
Et là, surprise : tu le place hyper bien ! :scared:
Tout comme Kahled, je ne trouve pas ça du tout hollywoodien. Au contraire ! Rien à voir avec les chiantissimes Spotlight et Pentagon Papers et leurs scénarios glacés et leurs effets pompiers. Chiants et pourtant extrêmement nerveux, mitraillant les coupes, les gros plans, l'effet caméra-épaule : des gesticulations, le geste de révéler et rien d'autre, le journalisme comme héroïsme de lever le voile puis c'est tout, le scandale comme abstraction. Ce film là, c'est quand même autre chose : des plans larges, une caméra sur pied un peu à distance qui fait des plans fixes ou alors des légers travellings subtils d'une rare élégance. Des plans qui ne révèlent rien d'une intrigue dont on se branle (comme dans tous les films-dossiers, un genre que je trouve généralement chiant comme la pluie) ici, mais qui génèrent du contenu social, sociologique, à foison (et ce sans lourdeur) : les séquences à Libé au milieu de vrais journalistes (j'adore ce procédé d'hybridation furtive entre cinéma et documentaire, comme chez Letourneur), la scène du procès, le rapport de force dans le bureau de la procureure, le weekend dans la maison familiale, les scènes en boîte de nuit... Elles ne disent rien du dossier mais tout des personnages, de leurs habitus, de leurs rapports sociaux, sondent ou questionnent leurs intérêts, bref rien qui n'intéresse le film-dossier hollywoodien.
Kahled a écrit :
jeu. 18 janv. 2024 13:07
Justement, je ne le trouve pas du tout hollywoodien. La suite du film est faite d’errances et d’à-côtés. Ça m’avait un peu dérangé d’ailleurs avec cette sensation que le film, en fin de compte, cherchait vraiment à esquiver son sujet… Et en même temps, c’est aussi par cet aspect que le film tire sa force. :saint:
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Ca y est, je l'ai vu.

Premièrement, mea culpa @Kahled : j'avais regardé uniquement le prologue du film et je m'étais arrêté, sans le savoir, 3-4 secondes avant les titres du générique du début :ouch: :D . Non, le film n'est pas hollywoodien pour un sou (même si, sa musique d’ambiance m'avait un peu refroidi la première fois) mais bon, ce n'est pas vraiment un problème.
Deuxièmement, oui, je l'ai plutôt aimé (6/10 on va dire) mais je pense que le problème reste le parti pris de la part du cinéaste. Je m'explique : il s'agit d'un film plutôt riche, certes, mais un peu indolent. Pourquoi alors ?

Mon opinion est la suivante : au cinéma, toute tentative qui essaye de traiter un sujet lié à l'état (on va dire, à l'état bourgeois, c'est à dire, celui de l’ère du capitalisme) en essayant de déceler ses scandales, est, plus ou moins, vouée à l'échec car son mode de production est autant capitaliste que le mode de fonctionnement de l'état lui-même. Car, si on part du principe de Marx (l'état est une mafia qui a réussit), toute tentative de l’assainir (je sais bien, de Peretti se méfie de ça, mais justement, le film perd en tonicité donc il devient inévitablement un peu indolent) est voué un peu à l'échec car, un mafieux supposé (Jacques Billard, le haut gradé de la police) ne peut être moins intègre (honnête...) qu'une mafia systémique (l'état bourgeois) ! Autrement dit, très probablement, Fassbinder savait bien ça (il a été bien armé idéologiquement - coucou Macron et son réarmement de mes deux :D ) d'où le fait que "Le monde sur le fil" (1973) son film qui parlait de l'état était un thriller mais un thriller fantastique ! Ou alors, il faut "appliquer" le maxime de Godard : Le rêve de l'État est d'être seul. Le rêve des individus est d'être deux. Donc, il fallait, peut être, voir cette histoire sur l'angle d'une histoire d'amour.

En tout cas, je ne suis pas le réalisateur du film mais, comme je disais tout au début du commentaire, c'est le parti pris du cinéaste qui me parait problématique : le fond, "ça m’avait un peu dérangé d’ailleurs avec cette sensation que le film, en fin de compte, cherchait vraiment à esquiver son sujet", a écrit très justement @Kahled explique le coté un peu indolent de la forme et donc, du film, au final ("la forme, c'est ce qui reste" - JLG)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tyra
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Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 19 janv. 2024 18:16

C'est l'occasion d'un aveu : je n'ai jamais lu Voltaire !
Il est donc possible d'accepter le film sans le prendre comme une relecture de ses contes :D
Mais évidemment, tu m'intrigues et me pousses à combler au plus vite cette grosse lacune.
Mais enfin tu n'as pas été au lycée ? :roll:
Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 19 janv. 2024 18:16
Moi, ça ne me dérange pas que le parcours de l'héroïne soit conforme. Ca rejoint ce que j'essaie de dire avant : je trouve que ça va bien à Lanthimos d'arrêter son cynique habituel et de cracher sa misanthropie. Il n'arrête pas les "petites provocations" comme tu dis, mais il arrête d'en faire une fin en soi et cherche à raconter plus, ce qui est déjà un immense progrès. Donc oui, ça peut sonner convenu, certes. Mais dans ce cas, sur les autres films de ce début d'année : May December est convenu à dénoncer la pédophilie comme c'est à la mode, pareil pour Pricilla... Je ne sais pas. Est-ce tant un problème ?
Je n'ai pas encore vu ces deux films, mais j'espère qu'il y a plus que ça dedans. :)
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Tamponn Destartinn
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Tyra a écrit :
lun. 22 janv. 2024 12:56
Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 19 janv. 2024 18:16

C'est l'occasion d'un aveu : je n'ai jamais lu Voltaire !
Il est donc possible d'accepter le film sans le prendre comme une relecture de ses contes :D
Mais évidemment, tu m'intrigues et me pousses à combler au plus vite cette grosse lacune.
Mais enfin tu n'as pas été au lycée ? :roll:
J'étais même en L et assez bon élève.
C'est comme ça, va falloir s'en remettre :D

Tyra a écrit :
lun. 22 janv. 2024 12:56
Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 19 janv. 2024 18:16
Moi, ça ne me dérange pas que le parcours de l'héroïne soit conforme. Ca rejoint ce que j'essaie de dire avant : je trouve que ça va bien à Lanthimos d'arrêter son cynique habituel et de cracher sa misanthropie. Il n'arrête pas les "petites provocations" comme tu dis, mais il arrête d'en faire une fin en soi et cherche à raconter plus, ce qui est déjà un immense progrès. Donc oui, ça peut sonner convenu, certes. Mais dans ce cas, sur les autres films de ce début d'année : May December est convenu à dénoncer la pédophilie comme c'est à la mode, pareil pour Pricilla... Je ne sais pas. Est-ce tant un problème ?
Je n'ai pas encore vu ces deux films, mais j'espère qu'il y a plus que ça dedans. :)
Bien sûr que oui.
Mais tout comme il y a plus que cela dans Poor Things.
Modifié en dernier par Tamponn Destartinn le lun. 22 janv. 2024 19:26, modifié 1 fois.
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groil_groil
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Depuis que je l'ai vu en salle à sa sortie (à cette époque on considérait Verhoeven comme un réal sulfureux), je n'ai cessé d'aimer ce film de plus en plus, au point de le considérer comme un classique moderne. La patine 90's de l'image tend à accentuer cela. C'est donc un film je revois régulièrement (j'ai vérifié, tous les 4 ans environ) et que j'aime de plus en plus. Ce que j'aime c'est son côté Hitchcockien, un film de la famille de Vertigo, la vision de San Francisco magnifique, cette mise en scène très classique, sans doute la plus maitrisée de l'oeuvre de Verhoeven, cette musique symphonique très hermannienne. Et ce qui me gonfle un peu, ce qui a pour le coup vieilli, c'est tout le côté cul, porno chic, thriller érotique, qui pour le coup est franchement daté, ne choque plus personne et fait un peu pitié. Mais ce n'est pas grave, le reste est tellement fort que le film est toujours aussi intemporel.

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Déjà le second visionnage après sa récente sortie salle. Ce n'est certes pas un Allen majeur, mais j'aime toujours beaucoup, j'aime ce côté suranné, presque hors du temps, son intrigue minimale qui resasse tous les motifs alleniens, et le fait de filmer Paris comme une ville qui n'existe pas, comme sa projection de Manhattan délocalisée. Et je trouve Allen assez à l'aise pour tourner un film dans une langue qui n'est pas la sienne.

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Un avocat célèbre défendant des enfants victime d'inceste, voit resurgir un vieux dossier le concernant et l'accusant lui aussi de pédophilie dans l'enceinte familiale. Lafosse force parfois un peu le trait pour être sûr qu'on ait bien compris, mais j'ai tout de même aimé son film qui ose affronter un sujet pareil à bras le corps, sans pour autant sombrer trop dans le glauque ou la leçon de morale. Sa mise en scène se déploie sur le registre de l'intime, beaucoup de silence, de trajets en voiture, de couleurs automnales, et ses deux acteurs, Devos et Auteuil, qu'on sait en générale très bons, sont ici magnifiques. Elle en gardienne du silence, protégeant son mari coûte que coûte, jusqu'à l'aveuglement, et aussi jusqu'à un certain point, et lui en figure du commandeur, imposante, terrifiante dans son silence et ses non-dits.

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Après avoir reçu la plus lourde défaite lors d'un match international lors des qualificatifs pour la Coupe du Monde 2010 (31 - 0 contre l'Australie), l'équipe des Iles Samoa Américaines décide de recruter un entraineur étranger afin de leur parvenir à, si ce n'est gagner le premier match de leur histoire, au moins à marquer leur tout premier but. Viré du championnat américain à cause de son incompétence et de son caractère de cochon, un entraineur anglais (Fassbender méconnaissable) est obligé de prendre le poste si il veut garder un emploi. Arrivé à contre-coeur, il va tout d'abord halluciner de l'équipe de bras cassés dont il hérite, ainsi que de la mentalité de l'île, plutôt bonhomme on va dire, avant de se prendre au jus et de tout faire pour tirer cette équipe vers le haut, ce qui aura comme conséquence première de le sauver lui aussi. C'est un film très premier niveau, avec une morale gentille, qui fait qu'on pourrait presque croire que c'est un produit Disney, mais ça n'empêche pas le film d'être réussi et très touchant, surtout quand on le regarde avec et pour les gosses, à qui il est destiné en premier lieu. Mais son caractère premier degré et son absence totale de cynisme en font un objet très sympathique.

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Remake d'Ouragan sur le Caine, ou plutôt remake uniquement de la partie procès du film, et adaptation à l'origine d'une pièce, de théâtre, L'Affaire de la mutinerie Caine est le tout dernier film de William Friedkin, qui vient de tout juste de sortir post-mortem et malheureusement pas sur les écrans de cinéma. C'est un drôle de film, qui ne sort pas de la salle de tribunal militaire, à la fois prodigieusement agaçant par son côté théâtral où chacun récite ses répliques bien à son tour sur un sujet qui n'intéressera personne (le Dmytryk était déjà un film bien chiant, à la limite du supportable), et en même temps assez passionnant dans sa mise en scène pure, presque théorique, où Friedkin pour son chant du cygne semble revenir à une sorte d'abstraction théorique sans gras aucun, comme une leçon laissée aux générations suivantes avant de tirer sa révérence.
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Enquête sur un scandale d'Etat de Thierry de Peretti

J'ai failli éteindre au bout de 10 minutes parce que je pensais que ça allait tourner au film enquête/dossier/révélation. Au final, pas vraiment, mais je reste dubitatif. Il y a beaucoup de "en même temps" dans ce film (un comble) : on fuit l'enquête et en même temps on y revient, on veut faire spontané et en même temps on fait du théâtre, on dit au spectateur qu'il est libre et en même temps on garde la porte de sa cellule bien fermée... On peut dire la même chose pour les acteurs, certes excellents, mais c'est aussi ce qui dérange de se dire : "Tiens, ils jouent bien. Ils méritent un oscar, un césar ou un bibelot de ce genre". Il y a de l'intelligence chez le réalisateur, peut-être trop : à force de penser à ce qu'il ne veut pas faire, il se retrouve vampirisé par son propre concept. Mais je reste curieux de voir le prochain.
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sokol
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len' a écrit :
mar. 23 janv. 2024 12:47
Enquête sur un scandale d'Etat de Thierry de Peretti

J'ai failli éteindre au bout de 10 minutes parce que je pensais que ça allait tourner au film enquête/dossier/révélation. Au final, pas vraiment, mais je reste dubitatif. Il y a beaucoup de "en même temps" dans ce film (un comble) : on fuit l'enquête et en même temps on y revient, on veut faire spontané et en même temps on fait du théâtre, on dit au spectateur qu'il est libre et en même temps on garde la porte de sa cellule bien fermée... On peut dire la même chose pour les acteurs, certes excellents, mais c'est aussi ce qui dérange de se dire : "Tiens, ils jouent bien. Ils méritent un oscar, un césar ou un bibelot de ce genre". Il y a de l'intelligence chez le réalisateur, peut-être trop : à force de penser à ce qu'il ne veut pas faire, il se retrouve vampirisé par son propre concept. Mais je reste curieux de voir le prochain.
:jap: On a vu le même film (et j'ai donné mes explications pourquoile réalisateur, je te cite, "fuit l’enquête et en même temps... " etc etc etc )
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sokol a écrit :
mar. 23 janv. 2024 15:48

:jap: On a vu le même film (et j'ai donné mes explications pourquoile réalisateur, je te cite, "fuit l’enquête et en même temps... " etc etc etc )
Son film d'avant, "une vie violente", c'était le même genre mais plus incarné. On sent qu'il a une passion pour la Corse.
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Désolé les amis, j'aurais adoré adorer le film, mais je m'y emmerde tout du long, un peu comme le cinéaste avec son intrigue, qu'il semble avoir greffé là juste pour séduire un producteur ou un distributeur lors d'une réunion pitch, mais dont il se contrefout. C'est triste car on sent le geste artistique derrière, mais il n'imprime pas la pellicule. Et puis, ses personnages manquent tellement de romantisme, qui sont ce qui pourrait sauver le film de l'ennui ou le faire sortir de cet état de concept froid. Je ne sais pas, mais j'ai pensé aux personnages de Profession Reporter, de Inland de Tariq Teguia, ou de Bruit et de Fureur de Brisseau, là ce sont à chaque fois des personnages plein de romantisme, et qui aident le film à se transcender.

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Ce n'est pas le biopic d'une vie, mais d'une très courte période de la vie d'Enzo Ferrari, en 1957, quelques mois durant lesquels le Commandatore va être confronté à deux soucis. Le premier c'est Maserati qui lui passent devant, dont les voitures réalisent des meilleurs temps de courses que les siennes. Ferrari est prêt à tout pour reprendre la pôle position, poussant ses pilotes à se sacrifier, entrainant avec plus ou moins de responsabilité la mort de plusieurs d'entre eux. La seconde, c'est un drame familial. Celui d'un fils mort très jeune, d'une femme aigrie parce que son mari a cessé de l'aimer depuis cette tragédie, et d'un homme qui a une double vie, avec un fils illégitime qu'il aimerait faire reconnaitre légalement, car comme le dit sa propre mère à son épouse légitime : il a quand même le droit d'avoir un héritier. Je suis content car cela faisait des années que je ne n'avais plus aimé un film de Michael Mann et je pensais que cela ne se reproduirait plus, et en fait si ! C'est un film simple, où sa mise en scène est très discrète (merci), où le cinéaste se met au service de ses personnages et de son sujet, et comme il a une personnalité forte, elle transparait tout de même. C'est un film habité, et profond, assez beau, où Adam Driver prouve une fois de plus qu'il est le plus grand acteur actuel.
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
mer. 24 janv. 2024 09:04
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Désolé les amis, j'aurais adoré adorer le film, mais je m'y emmerde tout du long, un peu comme le cinéaste avec son intrigue, qu'il semble avoir greffé là juste pour séduire un producteur ou un distributeur lors d'une réunion pitch, mais dont il se contrefout. C'est triste car on sent le geste artistique derrière, mais il n'imprime pas la pellicule. Et puis, ses personnages manquent tellement de romantisme, qui sont ce qui pourrait sauver le film de l'ennui ou le faire sortir de cet état de concept froid. Je ne sais pas, mais j'ai pensé aux personnages de Profession Reporter, de Inland de Tariq Teguia, ou de Bruit et de Fureur de Brisseau, là ce sont à chaque fois des personnages plein de romantisme, et qui aident le film à se transcender.

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Ce n'est pas le biopic d'une vie, mais d'une très courte période de la vie d'Enzo Ferrari, en 1957, quelques mois durant lesquels le Commandatore va être confronté à deux soucis. Le premier c'est Maserati qui lui passent devant, dont les voitures réalisent des meilleurs temps de courses que les siennes. Ferrari est prêt à tout pour reprendre la pôle position, poussant ses pilotes à se sacrifier, entrainant avec plus ou moins de responsabilité la mort de plusieurs d'entre eux. La seconde, c'est un drame familial. Celui d'un fils mort très jeune, d'une femme aigrie parce que son mari a cessé de l'aimer depuis cette tragédie, et d'un homme qui a une double vie, avec un fils illégitime qu'il aimerait faire reconnaitre légalement, car comme le dit sa propre mère à son épouse légitime : il a quand même le droit d'avoir un héritier. Je suis content car cela faisait des années que je ne n'avais plus aimé un film de Michael Mann et je pensais que cela ne se reproduirait plus, et en fait si ! C'est un film simple, où sa mise en scène est très discrète (merci), où le cinéaste se met au service de ses personnages et de son sujet, et comme il a une personnalité forte, elle transparait tout de même. C'est un film habité, et profond, assez beau, où Adam Driver prouve une fois de plus qu'il est le plus grand acteur actuel.


Y a moyen d'avoir accès à Ferrari de la même manière que toi, ouuuu... ? ^^
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groil_groil a écrit :
mer. 24 janv. 2024 09:04
Je ne sais pas, mais j'ai pensé aux personnages de Profession Reporter, de Inland de Tariq Teguia, ou de Bruit et de Fureur de Brisseau, là ce sont à chaque fois des personnages plein de romantisme, et qui aident le film à se transcender.
Je ne vois pas pourquoi tu penses à ces films mais Le gang des bois du temple est un film choral par excellence. Aucun des films que tu cites n’en est un
🤔
Modifié en dernier par sokol le mer. 24 janv. 2024 21:31, modifié 2 fois.
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groil_groil a écrit :
mer. 24 janv. 2024 09:04
Et puis, ses personnages manquent tellement de romantisme,
Oh non, pas ça :sweat: j’ai versé toutes les larmes du monde quand un des gars du ‘gang’ dit à sa femme de ne pas le laisser tomber car si elle le laisse tomber il n’est plus rien, il n’existerais plus.
:sweat:
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cyborg
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Les cendres de la 2ème guerre mondiale encore chaudes, Claude Autant-Lara adapte un drame passionnel se déroulant dans le derniers mois de la première. Tandis que son mari se bat sur le front, une femme tombe amoureuse d'un jeune homme de sa ville. Il y a ici beaucoup d'audace de mise en scène (dans l'utilisation de symboles, mais aussi dans de sidérant mouvements d'appareils) venant soutenir un film basé sur une seule dynamique : le plaisir et la pulsion intime à l'encontre de la "cohésion national" et "l'effort de guerre" général. Il est assez saisissant de voir un film français se finissant à la fois sur la liesse de l'armistice ET une note d'amertume profonde on y enterre l'héroïne. Il n'est pas étonnant que le film fut alors taxé de sulfureux et d'égoïste, d'autant plus à l'heure ou la France cherchait à construire son grand mythe de la résistance (1947)... Le film est donc assez troublant, d'autant plus quand on connait la suite de la trajectoire personnelle d'Autant-Lara qui se rapprochera du FN dans les années 80.


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Bien qu'essentiel dans sa représentation à l'écran des minorités noires et pauvres américaine, Bless Their Little Hearts souffre de problème de rythmes, de tempos et d'écritures de ses dialogues finissant par le desservir. Si le film est réalisé par Billy Woodberry (et il s'agit d'un de ses seuls films), il est écrit et filmé par Charles Burnett, dont les films personnels (My Brother's Wedding, Killer of Sheep) sont nettement plus convaincants.

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Macario - Roberto Gavaldón - 1960

Tout commence comme un film néo-réaliste italien (la vie précaire et difficile d'un bucheron mexicain) avant de s'enrober d'une couche locale de réalisme magique. Tandis que la fête des morts se prépare, notre homme croise par trois fois la Mort sous trois formes différentes. Pour le récompenser de sa générosité, elle lui offre un don : celui de guérir les malades... L'occasion pour lui de devenir l'homme le plus riche de sa ville, jusqu'à ce que la mort ne reprenne son don ! Le résultat est un conte moral assez simple mais charmant qui se regarde avec plaisir.
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groil_groil a écrit :
ven. 12 janv. 2024 10:04
mais l'on s'y ennuie un peu, et j'ai l'impression que Todd Haynes aussi.
Mais non ! Il prend un pied extraordinaire en filmant surtout l’homme (bien sûr, tout en filmant avant tout les deux femmes autour de lui). Justement, libéré cette fois-ci du poids du scénario (on peut même déduire que Haynes n’est pas un très bon scénariste), il prend vraiment le pied en tant que metteur en scène ! Et la musique que tu évoque très justement (j’ai adoré aussi son utilisation) fait partie de cette mise en scène excellente.
groil_groil a écrit :
ven. 12 janv. 2024 10:04
On sait que Haynes a toujours aimé expérimenté, et là il le fait d'une manière audacieuse et très originale : pour illustrer musicalement son film, il a décidé de réemployer intégralement une bande son préexistante, en l'occurence la magnifique musique du Messager (très bon film au passage) de Joseph Losey, composée par Michel Legrand. Musique sublime et archi-connue, mais qui est là employée dans un autre contexte. Autant je n'aime pas quand on utilise un morceau d'une ancienne BO dans une nouvelle (syndrome Tarantino, truc de grosse feignasse), autant là je trouve qu'il y a un caractère expérimental à reprendre l'intégralité de la BO sur l'intégralité de son film. Cela crée une dimension hypertextuelle, théorique, littéralement passionnante.
:jap:
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3 soeurs se déchirent depuis que leur père, manipulateur et colérique, leur a proposé de se partager à parts égales les parts de leur immense propriété agricole plutôt que d'attendre son décès. Sur cette trame de mélodrame familiale, viennent se greffer à la fois la maladie, et la pédophilie, et pourtant, Secrets n'est pas le film lacrymal et sirupeux que l'on serait en droit d'attendre. Au contraire, c'est un mélo noble et émouvant, ne tirant jamais ni à la ligne ni sur la corde des émotions faciles, formidablement interprété par trois actrices en état de grâce (Jessica Lange, Michelle Pfeiffer et Jennifer Jason Leigh), mis en scène avec un soin typique de l'époque mais qui fonctionne toujours à merveille aujourd'hui, par une cinéaste quasi inconnu, et qui se rapproche assez souvent du chef-d'oeuvre du genre, Tendres Passions, même si sur un registre légèrement différent. Immense merci à Elephant Films qui rééditent très régulièrement en bluray de magnifiques films américains des 70's aux 90's totalement oubliés du public français et qui sont très souvent de très grandes découvertes.
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C'est effectivement le Mann le plus réussi depuis Miami Vice (bien qu'il me faudrait revoir Public Enemies), dans un registre qui pourtant est loin de ce que j'attends de lui, ou d'un film en général (1.absolument pas fan de sport automobile 2. je suis souvent gêné par les acteurs américains jouant des étrangers non anglophones). Contrairement à Maestro, auquel le film m'a parfois fait penser, ici la relation de couple entre Enzo Ferrari et sa femme n'est pas quelque chose de posé "à coté de la grande histoire", mais qui en fait partie prenante, la femme détenant la moitié de l'entreprise et les cordons de la bourse, ce qui fait tâche lorsqu'elle apprend que son mari a un fils d'une amante, possible héritier d'une dynastie sans repreneur depuis la mort du fils légitime. Le film est modeste dans ses ambitions "plastiques" et se raccroche à cette histoire familiale, vraie et assez tordue, rappelant parfois House of Gucci de Ridley Scott et ses histoires explosives de familles aux prises avec le capitalisme agressif et compétitif de Lombardie (ici course au profit et course automobile sont étroitement liés).Avec déjà Adam Driver, impressionnant encore une fois. Comme dans le Scott, le règlement de compte au revolver n'est pas loin, mais ici le drame parviendra non pas dans l'intime, mais par un accident célèbre qui couta la vie à neuf spectateurs de la course, hommes, femmes et enfants, victimes de l'ambition d'un homme qui n'hésitait pas à risquer la vie d'autrui pour son ambition personnelle.

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Encore une histoire vraie, ici assez connue, déjà adaptée en film (que je n'ai pas vu). Reconstituions du crash dans les Andes chiliennes d'un avion uruguayen transportant une équipe de rugby dans les années 70, les survivants étant réduits, pour survire, à manger les morts. Une bonne heure du film est absolument estomaquante, du crash aux avalanches mortelles qu'ils subirent, l'histoire est tellement poignante qu'il suffit d'un cinéaste pas trop manchot (ici Bayona) pour nous coller au siège.
Cependant le film souffre de deux problèmes :
- Un manque de caractérisation des personnages, si bien qu'on a tendance à les confondre un peu tous, et une voix of peu inspirée, dite par un des rescapés dont la personnalité m'a vite exaspéré.
- Un manque d'attention au concret, aux petits gestes pour survivre, à l'organisation, à l'aspect matériel des choses. Tout ça est un peu trop survolé à mon goût.
En conséquence de quoi le film finit par trainer en longueur et atténuer l'effet du dénouement, qui aurait pu être davantage poignant.

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Une disciple de Haneke, Lanthimos ou Östlund, mais qui n'a jamais la rigueur de ses modèles. Résultat : un film aussi prétentieux qu'ennuyant, et qui exaspère à trop vouloir rester vague quand à la cible du film (les dérives sectaires, d'accord, mais c'est tout ?). Il n'y a jamais de véritables scènes ou situations, juste le déroulé illustratif d'une histoire à dormir debout.
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Kit
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groil_groil a écrit :
mer. 31 janv. 2024 14:31
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3 soeurs se déchirent depuis que leur père, manipulateur et colérique, leur a proposé de se partager à parts égales les parts de leur immense propriété agricole plutôt que d'attendre son décès. Sur cette trame de mélodrame familiale, viennent se greffer à la fois la maladie, et la pédophilie, et pourtant, Secrets n'est pas le film lacrymal et sirupeux que l'on serait en droit d'attendre. Au contraire, c'est un mélo noble et émouvant, ne tirant jamais ni à la ligne ni sur la corde des émotions faciles, formidablement interprété par trois actrices en état de grâce (Jessica Lange, Michelle Pfeiffer et Jennifer Jason Leigh), mis en scène avec un soin typique de l'époque mais qui fonctionne toujours à merveille aujourd'hui, par une cinéaste quasi inconnu, et qui se rapproche assez souvent du chef-d'oeuvre du genre, Tendres Passions, même si sur un registre légèrement différent. Immense merci à Elephant Films qui rééditent très régulièrement en bluray de magnifiques films américains des 70's aux 90's totalement oubliés du public français et qui sont très souvent de très grandes découvertes.
j'adore Michelle Pfeiffer et Jessica Lange, mais je ne connaissais pas sauf de nom Jennifer Jason Leigh et je pensais qu'elle était apparenté à l'actrice Janet Leigh, en fait non, de son vrai nom Jennifer Lee Morrow, elle est la fille de l'acteur Vic Morrow que je connais à travers Graine de violence, un film que j'adore de Richard Brooks 1955 avec Glenn Ford, Anne Francis, Sidney Poitier. Vic Morrow qui mourut sur le tournage de La Quatrième Dimension en 1982, écrasé par un hélicoptère de décor alors qu'il essayait de protéger les 2 autres victimes, 2 enfants acteurs
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Tamponn Destartinn
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J'ai deux problèmes majeurs :
- C'est un film-dispositif basique. Même si tu ne sais rien dessus avant d'entrer dans la salle, au bout de 5 minutes tu as compris le principe et ce qu'il t'attend pour l'heure et demie qui suit. Ce n'est pas un mal en soi. L'exemple qui me vient est la phase expérimentale de Gus Van Sant dans les années 2000. En est sorti plusieurs films-dispositifs qui correspondent tous à la définition, mais qu'importe, le résultat est suffisamment fascinant du début à la fin. Ces films s'affranchissent du scénario : le plaisir est d'ordre purement esthétique. Bref : La Zone d'Intérêt ne parvient jamais à cela. Glazer se cramponne à son idée sans trop savoir quoi en faire au bout d'un quart d'heure et l'ennui finit par poindre.
- ça va paraitre contradictoire, mais j'ai un problème avec la dernière partie du film, qui sort du dispositif ! Parce qu'il ne le fait pas de la bonne manière. Il y a un souci de protagoniste. Rien que suivre le point de vue de Hoss lui-même, c'est un problème : lui voit l'horreur des camps, donc pourquoi quand on le suit, c'est quand il n'y est pas ? Est ce que ça ne rend pas l'idée du hors champ un peu facile ? Pour moi, il était évident que les gens intéressants à suivre étaient exclusivement sa femme et ses enfants, ceux qui savent mais ne voient pas, ceux qui vivent l'horreur des camps uniquement par le son.
Puis arrive la fin. Là pareil, elle me partage. D'un côté, j'aime bien cette dernière idée concernant Hoss (le relent qui ne va pas au bout). Par contre, filmer ces femmes de ménage de nos jours, qui nettoient le musée d'Auschwitz sans émotion... Qu'est-ce que Glazer veut provoquer, là ? On dirait qu'il filme ces femmes au travail comme il aurait filmer les nazis au travail. L'horreur dans le quotidien ou le quotidien dans l'horreur, tout ça tout ça. Mais la comparaison, si c'est l'idée, elle est dégueulasse, non ? Après, ce n'est peut-être pas l'idée... Mais bref, je trouve que Glazer se prend jusqu'au bout des pieds dans des tapis, alors que l'intérêt premier de son idée du hors champ était d'en éviter un maximum.

Maintenant que j'ai dit cela : je ne suis pas en colère, je ne trouve pas le film honteux ou quoi. Il contient des idées fortes. Le travail sur le son est impeccable... Mais cela reste une sacrée déception.


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Pareil, tiens : ce n'est pas nul et pour le coup c'est plutôt une surprise dans le bon sens.
Le comique fait régulièrement mouche. Si tu aimes le genre "film sur un tournage", tu trouveras un peu ton compte. Cohen est drôle : il joue toujours pareil, mais il est meilleur quand il est rôle secondaire, qu'un élément parmi d'autres. Et même : on croit comprendre LA blague concernant son personnage, on se dit que ce sera toujours la même jusqu'au bout du film... et puis au bout de 30 min, le film se dit qu'on a compris et s'amuse à nous surprendre avec lui. Rien qu'avec ça, on a dépassé le niveau de plein de comédies françaises populaire, comme Le sens de la fête ou autres.
Après, tout cela c'est bien sympa, mais question à 100 balles : et le Cinéma dans tout ça ? Dans ce film qui raconte un tournage sinistré, où l'équipe doit continuer à tourner malgré le départ d'une partie des financiers, il n'est jamais question de mise en scène, juste de scénario. le film est en péril, il faut faire des coupes, mais on ne parle jamais de les faire dans le découpage, ou bien on ne voit jamais le réalisateur se battre pour garder tel plan compliqué avec rails de travelling, etc. Le personnage du réalisateur n'est confronté qu'à une seule chose : des problèmes de scénario et d'acteurs. C'est évidemment très symptomatique de ce qu'est le film Making Of en lui-même : un scénario filmé, terrain de jeu pour une troupe d'acteurs célèbres. Merde, même quand il s'agit de filmer un tournage, Kahn se contente du niveau zéro de la mise en scène : il nous montre le film dans le film déjà monté, paniqué à l'idée de devoir réfléchir à comment on filme un tounage.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 4 févr. 2024 22:34
Ces films s'affranchissent du scénario : le plaisir est d'ordre purement esthétique. Bref : La Zone d'Intérêt ne parvient jamais à cela. Glazer se cramponne à son idée sans trop savoir quoi en faire au bout d'un quart d'heure et l'ennui finit par poindre.
:jap: C'est exactement dans ce sens que je disais que, mine de rien, c'est un scénario filmé.
Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 4 févr. 2024 22:34
Mais la comparaison, si c'est l'idée, elle est dégueulasse, non ?
Oui, mais il ne se rend pas compte. C'est dans ce sens que je disais que c'est un film naïf. Et, une fois de plus, son cinéaste est un faquin ("pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font").
Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 4 févr. 2024 22:34
Maintenant que j'ai dit cela : je ne suis pas en colère, je ne trouve pas le film honteux ou quoi
C'est pour cela que je suis resté jusqu’à la fin. Par contre, j'ai du dormir une bonne vingtaine de minutes. Ce fut un plaisir
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tyra a écrit :
ven. 19 janv. 2024 17:20

Et contrairement à Tamponn Destartinn, je n'aime pas du tout la musique, envahissante et qui tente vainement d'apporter l'inconfort que parvient peu à créer le film.
Hier, j'écoutais par hasard le podcast d'Emmanuel Burdeau où il parle de l'utilisation de la musique dans ce film (c'est assez marrant d'ailleurs car Hervé Aubron, son invité, raconte une petite histoire assez drôle à propos des spectateurs étudiants - "c'est abusé quoi" :D ).
Si ça t’intéresse :
https://shows.acast.com/speculations-by ... y-december ou https://www.youtube.com/watch?v=DD7Wzf30Xhs
Modifié en dernier par sokol le lun. 5 févr. 2024 11:46, modifié 1 fois.
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 10:21
Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 4 févr. 2024 22:34
Ces films s'affranchissent du scénario : le plaisir est d'ordre purement esthétique. Bref : La Zone d'Intérêt ne parvient jamais à cela. Glazer se cramponne à son idée sans trop savoir quoi en faire au bout d'un quart d'heure et l'ennui finit par poindre.
:jap: C'est exactement dans ce sens que je disais que, mine de rien, c'est un scénario filmé.
C'est un constat sévère, mais avec lequel je suis plutôt d'accord.

(et je me rends compte que le terme "film-dispositif" n'est pas bien choisi, car il signifie autre chose. je devrais me contenter de "film-concept" j'imagine)
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 5 févr. 2024 11:33
sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 10:21
Tamponn Destartinn a écrit :
dim. 4 févr. 2024 22:34
Ces films s'affranchissent du scénario : le plaisir est d'ordre purement esthétique. Bref : La Zone d'Intérêt ne parvient jamais à cela. Glazer se cramponne à son idée sans trop savoir quoi en faire au bout d'un quart d'heure et l'ennui finit par poindre.
:jap: C'est exactement dans ce sens que je disais que, mine de rien, c'est un scénario filmé.
C'est un constat sévère, mais avec lequel je suis plutôt d'accord.

(et je me rends compte que le terme "film-dispositif" n'est pas bien choisi, car il signifie autre chose. je devrais me contenter de "film-concept" j'imagine)
bon j'avais envie de le voir mais avec vos avis encore plus ! :D
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groil_groil a écrit :
lun. 5 févr. 2024 12:41

bon j'avais envie de le voir mais avec vos avis encore plus ! :D
C'est très con mais, c'est vraiment du temps perdu
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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Un jeune homme suit la femme qu'il aime en Italie, mais sans lui déclarer sa flemme car elle va tenter d'y rejoindre son amoureux. On dit toujours que Doniol-Valcroze fut un meilleur critique que cinéaste, c'est vrai, il est l'un des fondateurs des Cahiers, et le premier rédac chef de la revue, mais son cinéma est intéressant toutefois, même si pas totalement Nouvelle Vague, influencé aussi par le cinéma italien et le cinéma français. Le Coeur Battant n'est pas une franche réussite, mais c'est un film intéressant, avec de belles idées, surtout si on le replace dans le double contexte de l'homme et de l'époque.

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Je l'ai regardé un peu par cynisme mais aussi pour raisons professionnelles, et en fait c'est pas mal. Disons que la jeune cinéaste a déjà son style, de l'humour, et elle sait tout à fait construire un film amusant, malin, qui m'a fait beaucoup penser à l'esprit de Valérie Lemercier. Pas mal, donc. Mais le souci c'est le fond, ou plutôt l'inconséquence du truc, c'est à dire que le film fait de Bernadette et de Jacques Chirac des personnages attachants, drôles, presque vidés de leur substance réelle, à savoir des ordures. Pas un mot sur ses accointances avec l'Eglise d'Extrême-Droite par exemple (elle fréquentait Saint Nicolas du Chardonnay) et les arnaques du mari passibles de prison ferme sont simplement évoquées dans la pirouette finale du film (en gros elle fait élire Sarkozy et en échange il lui évite la prison). Un peu (trop) léger.

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A 95 ans, c'est possiblement le dernier film de James Ivory. Et, même si on lui souhaite encore une longue vie, ce serait parfait pour conclure sa carrière en beauté, tant ce film aux allures de testament est l'un des ses plus beaux et de ses plus émouvants. C'est un documentaire sur un documentaire jamais fini, sur le papier on peut faire plus glamour, mais le résultat est bouleversant. Au début de sa carrière, le jeune James Ivory est envoyé en Afghanistan, avant les Talibans, les Russes et les Moudjahidine pour y réaliser un film documentaire qu'il ne terminera jamais. Plus de 60 ans plus tard, alors qu'une vie de cinéma s'est déroulé entre les deux dates, il retombe sur ces bobines et les montre enfin. Les images sont merveilleuses, bouleversantes d'une vérité qu'on ne connaitra jamais puisqu'elle a définitivement disparu. En faisant cet acte, Ivory fait littéralement revivre un temps disparu, oublié, supposé immontable. C'est un geste de cinéma immense. Mais James Ivory ne se contente pas que de ça. Cette plongée dans son passé est l'occasion pour lui de remonter tout le début de sa carrière, la moins connue et l'une des plus passionnante, soit sa période Indienne où il alterna documentaires et fictions, toujours dans une recherche de la vérité ontologique saisissante. C'est aussi un film qui retrace la vie de Babur, Prince puis Empereur Moghol du 16ème siècle, connu pour être avoir pris la ville de Kaboul. Cet Empereur a laissé des écrits dans lesquels il apparait un fin connaisseur des arts, et laisse aussi échapper entre deux lignes des attirances physiques pour le sexe masculin. C'est l'occasion idéale pour James Ivory de faire le parallèle avec sa vie et d'évoquer, je crois pour la première fois de manière frontale dans son œuvre, sa propre homosexualité. Il se livre avec une honnêteté et une simplicité absolument bouleversante, contribuant à faire de ce film bien plus qu'un simple documentaire sur une exhumation d'archives, mais l'une des oeuvres les plus émouvantes de ce début d'année.

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Je m'attendais à détester, ce n'est pas le cas. Si j'apprécie beaucoup le fait qu'on puisse désormais faire en France des films de genre qui soient des films populaires, je n'aime pas le film pour autant. Passons sur les effets spéciaux discutables, on se fiche de ça, pour se concentrer sur l'essentiel, absent ici : le fond. Cailley filme des gens qui se transforment en animaux, oui, et puis ? Et puis rien, le film ne fait rien de ça, ne débouche sur rien, les personnages ne sont pas plus avancés en fin de métrage qu'à son ouverture, aucune évolution, aucun apprentissage, rien. On se contente de montrer quelque chose, sans pensée. Et en ce qui concerne la question de la transformation corporelle, n'importe quel plan des deux beaux films de Julia Ducournau, Grave puis Titane, disent 100 fois plus, et 100 fois mieux que la totalité de ce film-là, suffisamment sage et plat pour ne déranger personne et remporter tous les suffrages.

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Je l'avais vu une première fois quelques années après sa sortie et n'en avait eu strictement rien à foutre, mais j'ai beaucoup aimé le revoir ces jours-ci alors que mon fils est en plein au coeur des romans et qu'il a beaucoup aimé ce premier film, ainsi que ma fille de 6 ans qui pour le coup découvrait complètement l'univers et a adoré. Je pense qu'on doit beaucoup de ça à Chris Colombus, cinéaste ô combien estimable, et l'un des meilleurs pour faire du divertissements intelligent, sans prendre les spectateurs pour des idiots.

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J'avais bien aimé La Nuée, le premier film de Just Philippot, mais son second, Acide, est nettement moins réussi. Je reprends ce que je dis sur Le Règne Animal, j'adore l'idée que le cinéma de genre intègre le cinéma français mainstream, c'est un vrai signe de vitalité, encore faut-il avoir quelque chose à dire. Après l'invasion des insectes dans son premier opus, Philippot imagine ici une pluie acide qui détruit tout (mais bizarrement pas le toit de la voiture dans lequel s'abrite notre héros et sa fille tout le long du film) et réalise une sorte de film de zombies, course perpétuelle en avant, population qui se paupérise jusqu'à épuisement, mais avec la pluie à la place des zombies, ça coûte moins cher en effets spéciaux. Je suis dur, car le film se suit vraiment sans difficulté aucune, mais franchement, lorsqu'est on est amateur de cinéma de genre, ce type de film emprunte tellement a des films qu'on connait par coeur sans rien proposer de neuf, qu'on en a vite fait le tour.
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B-Lyndon
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@sokol je te répond ici :)

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Donc, j'ai aimé le film.

Mais c'est clair qu'il se protège un peu trop :
la fin (j'y reviendrai) ; le noir minable du début, là-dessus on est bien d'accord, et qui fait vraiment "warning je fais un film sur la Shoah du coup je te met un écran noir de 4min avec une musique céleste au début pour bien te montrer que ça va être du sérieux ; la bo bien lourdaude ; quelques effets de montage. En se protégeant autant le film acquiert une certaine lourdeur. Un côté "expérience sensorielle" un peu dégueu, qui m'empêche d'y adhérer totalement.

Mais putain par contre, quel filmeur ce Glazer ! Je suis sidéré par la rapidité et la fluidité de la mise en scène, son côté captation documentaire et son montage très court-circuité, qui créé un rythme inouï. J'aime aussi que le film ose jouer sur les temps creux de la vie heureuse des Hoss, observer la structure dans laquelle vit cette famille qui accomplit "toutes les recommandations d'Hitler", comme le dis Hedwig dans la scène où ils discutent de la mutation de Hoss. Je suis très sensible à la dimension sociale du film : comment les gens vivaient, dans cette zone là ? Glazer voit beaucoup de choses, on est pas du tout à mon sens dans du scénario filmé (expression que, j'ai remarqué, tu utilises beaucoup en ce moment, comme un argument d'autorité assez implacable, mais que j'ai parfois beaucoup de mal à comprendre : parles tu du fait que rien ne surgit d'autre que le plan de vie dans laquelle s'inscrit la vie des Hoss ? mais c'est ce que racontes le film, avec une patience quasi scientifique : ces gens vivaient et tuaient selon des plans, des plans qui communiquaient secrètement entre eux, et donc vivre à côté de la machine de mort était possible). Le travelling le long du jardin avec la mère est exceptionnel : on parle des fleurs, on voit le camp derrière, et soudain la mère parle d'une femme pour qui elle travaillait, et qui est "peut-être de l'autre côté". Plus tard, assise à la table, la mère confie qu'elle est fière que sa fille ait accédé, par le nazisme, à une classe sociale supérieure. Voir et entendre ça, ce n'est pas rien.

Et puis, ce que j'ai aimé, c'est que c'est un film qui ne refuse pas la beauté, il y a une harmonie des plans, un secret, un rêve même. Les poèmes de déportés qui s'inscrivent à l'écran, la fleur rouge qui devient écran monochrome, et plus globalement le côté "maison hanté" qui sourd des séquences nocturnes. C'est là que le film n'est pas prisonnier de son concept, qu'il y a tout de même un regard sensible et humain sur ce qu'il se passe de l'autre côté.

Pour revenir à la fin, elle me questionne car elle muséifie un peu le film, lui fait perdre son côté universel. Après, si je me tiens à une piste, je crois que je peux la sauver : les femmes de ménage nettoient les instruments de mort inventés par Hoss. C'est à dire qu'aujourd'hui, à Auschwitz, on prend soin de ce matériel de mort. On nettoie le moindre recoin avant l'ouverture aux visiteurs. On enlève toute la poussière. On ne néglige aucune vitre, aucun objet. Je crois finalement que c'est une mise en abyme du geste qu'accomplit Glazer, qui prend soin, lui aussi, de nous montrer chaque recoin de cette zone d'intérêt, pour la rendre visible, pour montrer comment on construit cette machine, et surtout, pourquoi et comment il possible de cultiver son jardin à côté. Tu parles de Straub, si le film est un peu straubien à un endroit, c'est qu'il considère, comme le dit ta signature, que le cinéma reste avant tout un instrument d'analyse. ;)
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B-Lyndon a écrit :
lun. 5 févr. 2024 15:22
Glazer voit beaucoup de choses, on est pas du tout à mon sens dans du scénario filmé
Tu as raison : dans le cas de ce film, il fallait plutôt dire : une idée filmé. Car, oui, Glazer voit beaucoup de choses mais il les met dans un dispositif ! Tu veux et être en colère contre le début (et peut être la fin du film), et accepter "des moments" ! Moi aussi j'ai accepté des moments (c'est pour cela que je ne suis pas parti du cinéma) mais, comment veux-tu les sortir d'un tout ?? Exemple ahurissant : comment tu te démerdes pour accepter l’apparition d'une des déportées juste pour se faire violer par Hoss or, tu ne l'as pas vue dans son quotidien ?? :ouch: Je suis tombé de haut !
B-Lyndon a écrit :
lun. 5 févr. 2024 15:22
Les poèmes de déportés qui s'inscrivent à l'écran
Pas vu ça. C'était quand je dormais ?? (sérieux)

B-Lyndon a écrit :
lun. 5 févr. 2024 15:22
Pour revenir à la fin...
...
Je crois finalement que c'est une mise en abyme du geste qu'accomplit Glazer, qui prend soin, lui aussi, de nous montrer chaque recoin de cette zone d'intérêt, pour la rendre visible, pour montrer comment on construit cette machine, et surtout, pourquoi et comment il possible de cultiver son jardin à côté.
Tu parles de mise en abime mais je ne vois pas comment elle peut en être une. Pour moi, c'est très claire : tout comme Hoss se nettoie après avoir violer la déportée ou nettoie ses enfants après la baignade, à nos jours on nettoie les instruments de mort inventés par le même Hoss.
B-Lyndon a écrit :
lun. 5 févr. 2024 15:22
Tu parles de Straub, si le film est un peu straubien à un endroit, c'est qu'il considère, comme le dit ta signature, que le cinéma reste avant tout un instrument d'analyse. ;)
Dans ce cas, (puisque c'est qu'à un endroit), on peut dire que c'est du Straub pour les nuls non ? (je suis sur que Glazer connait leurs films). En tout cas, c'est la mode en ce moment : je ne sais plus quels films récents je regardais et je me disais : tiens, tiens, puisque les années passent et il y aura de moins en moins de témoins de tel ou tel œuvre de tel ou tel cinéaste, prenons juste un peu (un peu, pas beaucoup quand même car, faut pas que le spectateur s'ennuie) de ce "style de cinéma" car ça fera original.
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sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:30
Moi aussi j'ai accepté des moments (c'est pour cela que je ne suis pas parti du cinéma) mais, comment veux-tu les sortir d'un tout ??
:jap:
Bonne question, qui résume un peu tout.

En lisant B-Lyndon, j'ai pensé : "c'est vrai qu'elle est bien, cette scène avec la mère qui parle rapport de classe"
D'ailleurs, si je devais transformer ce film en court métrage (ce qu'il aurait dû être, comme bcp de film qui repose sur une unique idée), je resserrerai probablement le récit autour de la femme de Hoss et de sa mère.
Mais le film n'est pas que ça. Et il évente par ci par là son concept, souvent de la pire des façons, pour grappiller constamment des minutes et durer le temps qu'il faut pour sortir en salle et gagner des prix à Cannes.
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:52
le film évente par ci par là son concept, souvent de la pire des façons, pour grappiller constamment des minutes
C'est ça qui est problématique : dans mon premier commentaire, j'évoquais Spielberg (effets de sens etc) mais au fond, on a l'impression qu'il a voulu faire du Malick (séquence très courtes etc), mais pas trop (sans jamais trancher quoi).
Mais tu le dis bien : le film évente constamment son concept et à la fin... il ne reste plus rien :(
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sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:30
Tu as raison : dans le cas de ce film, il fallait plutôt dire : une idée filmé. Car, oui, Glazer voit beaucoup de choses mais il les met dans un dispositif ! Tu veux et être en colère contre le début (et peut être la fin du film), et accepter "des moments" ! Moi aussi j'ai accepté des moments (c'est pour cela que je ne suis pas parti du cinéma) mais, comment veux-tu les sortir d'un tout ?? Exemple ahurissant : comment tu te démerdes pour accepter l’apparition d'une des déportées juste pour se faire violer par Hoss or, tu ne l'as pas vue dans son quotidien ?? :ouch: Je suis tombé de haut !
Il y a un contre-sens dans ce que tu dis : tu reproches au film de tout mettre dans un dispositif, mais quand il en sort, notamment dans cette scène avec la déportée violée par Hoss (et on peut ajouter tout le mouvement final avec les réunions nazies), tu lui reproches ! Moi je ne trouve pas le film si collé à un dispositif que ça. Ce que je vois, c'est un cinéaste avec un regard moral très affirmé, et qui cherche des solutions pour s'approcher au plus près de l'horreur. Et les solutions, franchement il les trouve : le côté Loft Story de la couverture de l'espace de la maison par ses nombreuses caméra, le montage rapide, le hors-champs sonore. Mais justement j'aime que le film ne soit pas qu'une expérience sensorielle (il l'est encore trop à mon goût, c'est ma réserve), mais un instrument de pensée. J'ai lu un article qui reproche au film de ne pas aller jusqu'au bout du dispositif : il aurait fallu faire un film plus long, pour vraiment rentrer dans la délire de la vie matérielle des Hoss, donner au spectateur à oublier ce qu'il se passe de l'autre côté, comme eux l'oublieraient dans le temps long de leur vie. Moi, j'aurai trouvé ça obscène. Je suis très content que Glazer fasse un film plus court, plus ramassé, plus chargé et plus direct dans ce qu'il veut montrer des nazis. Plus social aussi. Pour moi le sujet du film est très très clair, c'est comment plan de vie et plan de mort cohabitent, parce qu'ils sont batis sur les mêmes ficelles. Tu peux dire que c'est une idée, mais Glazer lui donne du corps. Le comble, c'est que l'article reproche au film d'être "La Shoah à la biennale de Venise"...alors que c'est exactement ce qu'il aurait voulu voir !

Et puis pour revenir avec la séquence avec la déportée, ce que je trouve incroyable, c'est l'après : Hoss qui descend au sous sol, et qu'on voit traverser chaque couloir, miroir de la scène inouie où il éteint toutes les lumières de sa maison un peu plus tôt dans le film. On reste dans le quotidien : son quotidien, c'est de baiser des déportés, se laver la bite, rentrer raconter une histoire à sa fille. C'est d'une grande cohérence. Même quand Glazer filme une idée, il lui donne du corps, il filme les trajets des personnages, il n'y a que ça qui l'intéresse (y'a qu'à voir le travail hallucinant sur la démarche de Sandra Huller avec ses chaussures plates).

sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:30
Pas vu ça. C'était quand je dormais ?? (sérieux)
Peut-être, c'est quand la gamine joue du piano, et que le soleil apparaît à la fenêtre. Scène sublime, ça m'a fait penser aux plans de la petite maison au tournesol dans Adieu au langage.

sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:30
Tu parles de mise en abime mais je ne vois pas comment elle peut en être une. Pour moi, c'est très claire : tout comme Hoss se nettoie après avoir violer la déportée ou nettoie ses enfants après la baignade, à nos jours on nettoie les instruments de mort inventés par le même Hoss.
C'est possible que ce soit ça, effectivement. Je n'ai pas encore réglé le cas de cette fin, franchement je ne sais pas.

sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:30
Dans ce cas, (puisque c'est qu'à un endroit), on peut dire que c'est du Straub pour les nuls non ? (je suis sur que Glazer connait leurs films). En tout cas, c'est la mode en ce moment : je ne sais plus quels films récents je regardais et je me disais : tiens, tiens, puisque les années passent et il y aura de moins en moins de témoins de tel ou tel œuvre de tel ou tel cinéaste, prenons juste un peu (un peu, pas beaucoup quand même car, faut pas que le spectateur s'ennuie) de ce "style de cinéma" car ça fera original.
Ah mais moi je ne dis pas du tout que le film est straubien, c'était pour pousser un peu la comparaison que tu as toi-même faite. Straub n'aurait jamais reconstitué la maison des Hoss, ils auraient planté des acteurs dans la forêt d'Auswchitz et on aurait entendu le vent et des textes. :D Straub vomirait ce film, et je le comprends. Moi, tant qu'on considère le cinéma comme un instrument d'analyse (et pour ça il n'y a pas que les Straub), ça m'intéresse un minimum. Je crois que le film, s'il faut le comparer, est beaucoup plus proche de Warhol, Michael Snow ou des premiers Benning ou Akerman, genre Hotel Monterey. Des films pas du tout straubiens malgré les apparences.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:52
sokol a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:30
Moi aussi j'ai accepté des moments (c'est pour cela que je ne suis pas parti du cinéma) mais, comment veux-tu les sortir d'un tout ??
:jap:
Bonne question, qui résume un peu tout.

En lisant B-Lyndon, j'ai pensé : "c'est vrai qu'elle est bien, cette scène avec la mère qui parle rapport de classe"
D'ailleurs, si je devais transformer ce film en court métrage (ce qu'il aurait dû être, comme bcp de film qui repose sur une unique idée), je resserrerai probablement le récit autour de la femme de Hoss et de sa mère.
Mais le film n'est pas que ça. Et il évente par ci par là son concept, souvent de la pire des façons, pour grappiller constamment des minutes et durer le temps qu'il faut pour sortir en salle et gagner des prix à Cannes.
Vous reprochez au film son côté conceptuel et en même temps lui reprochez de ne pas tenir son concept. Faudrait savoir !
Puis si le film n'était que cette scène, ça marcherait pas. Là pour le coup y'aurait un côté "Auschwitz comme si vous y étiez". Le film, par sa durée, ses écarts, et peut-être même cette fin dont je n'ai pas encore saisi toutes les clés, devient autre chose.
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sokol a écrit :
mar. 6 févr. 2024 11:12
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 5 févr. 2024 16:52
le film évente par ci par là son concept, souvent de la pire des façons, pour grappiller constamment des minutes
C'est ça qui est problématique : dans mon premier commentaire, j'évoquais Spielberg (effets de sens etc) mais au fond, on a l'impression qu'il a voulu faire du Malick (séquence très courtes etc), mais pas trop (sans jamais trancher quoi).
Mais tu le dis bien : le film évente constamment son concept et à la fin... il ne reste plus rien :(
J'avoue ne pas saisir la comparaison à Spielberg...et encore moins à Malick, qui est tout sauf un cinéaste social.
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:23
Il y a un contre-sens dans ce que tu dis : tu reproches au film de tout mettre dans un dispositif, mais quand il en sort, notamment dans cette scène avec la déportée violée par Hoss (et on peut ajouter tout le mouvement final avec les réunions nazies), tu lui reproches !
C'est parce que soit on filme les déportés, soit on ne les filme pas. Et la prostituée n'est pas l'unique exception d'ailleurs.

B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:23
Pour moi le sujet du film est très très clair, c'est comment plan de vie et plan de mort cohabitent
Tout à fait. Mais uniquement sur papier. Je n'ai pas vu ça dans le film.

B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:23
Straub n'aurait jamais reconstitué la maison des Hoss, ils auraient planté des acteurs dans la forêt d'Auswchitz et on aurait entendu le vent et des textes. :D Straub vomirait ce film, et je le comprends.
Si j'ai évoqué Straub, c'est parce que j'avais en tête la fin (tiens, je vais filmer un musée, comme Straub le faisait) et surtout pas la reconstitution de la maison, t’inquiètes.
B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:25
Le film, par sa durée, ses écarts, et peut-être même cette fin dont je n'ai pas encore saisi toutes les clés, devient autre chose.
Et cette chose, à mon opinion est : au pire des cas, un cinéma prétentieux, au mieux, naïf. C'est mon dernier mot :langue:
B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:26
J'avoue ne pas saisir la comparaison à Spielberg...et encore moins à Malick, qui est tout sauf un cinéaste social.
Tu as raison : si j'ai évoqué Spielberg, c'est par ce que ce dernier est considéré par le grand public comme "le meilleur" cinéaste en ce qui concerne la réussite des effets du sens (et pas du sens tout court). Je voulais dire : mine de rien, le film a un coté "tout comme Spielberg avec sa Liste, je vais vous apprendre ce que c'était la Shoah". C'est pour cela que, après, j'ai parlé de Malick car, en ce qui concerne 'le petit cinéma', la 'petite' mise en scène, elle évoque celle de Malick (scènes courtes, effets de montage et). Puis, n'oublies pas que Malick aussi a réalisé un film sur la deuxième guerre mondiale (Une vie cachée), mais effectivement, ce n'est pas dans ce sens que je l'évoquais mais dans le sens de la mise en scène.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol a écrit :
mar. 6 févr. 2024 14:28
B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:23
Il y a un contre-sens dans ce que tu dis : tu reproches au film de tout mettre dans un dispositif, mais quand il en sort, notamment dans cette scène avec la déportée violée par Hoss (et on peut ajouter tout le mouvement final avec les réunions nazies), tu lui reproches !
C'est parce que soit on filme les déportés, soit on ne les filme pas. Et la prostituée n'est pas l'unique exception d'ailleurs.

Mais pourquoi ?? C'est le camp qu'il ne veut pas filmer, pas les déportés en soi quand ils traversent le mur et viennent s'inscrire dans la vie des Hoss à côté du camp.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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