Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
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cyborg
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Chilly Scenes of Winter - Joan Micklin Silver

Petit film, comédie romantique dépressive, de la réalisatrice américaine méconnue chez nous Joan Micklin Silver : après quelques mois de relation, un homme reste fou amoureux d'une femme ayant décidé de retourner vivre chez son mari... L'émoi douloureux du personnage principal est plutôt bien dépeinte, sans le rendre pour autant totalement sympathique. Le résultat est assez convaincant mais oubliable.

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Guy Gilles, magnifique encore et toujours. Totalement Nouvelle Vague tout en s'y tenant juste à côté, unique. Les plans n&b et couleurs magnifiques s'alternent et frisent parfois le documentaire dans les images de villes, Brest et Paris, complétant la triste histoire d'un amour inexistant entre un jeune homme marin et une jeune femme secrétaire vivant une relation à distance. Le film est d'une délicatesse incroyable et la fin, tant ouverte que tragique, est splendide.

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Die Römerstraße im Aostatal - Peter Nesler

Découverte du documentariste allemand Peter Nesler avec ce film apparement peu connu de sa filmographie dans lequel il suit le Val d'Aoste pour nous raconter son histoire, tant géologique que humaine. Nesler me semble l'antithèse totale de ce que pourrait être un style télévisuel : il prend son temps, laisse parler les paysages, les animaux et les hommes. Les strates s'accumulent et se répondent. Le film est très humble, très simple à suivre tout en étant passionnant. Pas étonnant qu'il s'agisse d'un des réalisateur préféré de Jean-Marie Straub. Curieux de voir d'autres de ses longs métrages.

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Je porte déjà Verhoeven très haut dans mon estime, mais je ne pensais pas que son film le plus populaire, ou du moins le plus connu, me mette une telle tarte. Quel chef d’œuvre ! Donc au début des années 90 Hollywood pouvait produire des films d'auteurs hyper bien écrit et empocher des centaines de millions de dollars ? Ce temps parait bien loin...

Je suis toujours extrêmement impressionné par la cohérence et la rigueur intellectuelle de l'œuvre de cet auteur et sa trajectoire globale creusant doucement mais surement les mêmes thèmes tout en questionnant sans cesse son médium et son histoire de réalisateur. Si son film précédent, Total Recall, passe par la science-fiction pour implémenter de faux souvenirs dans la tête de son héros par une improbable machine, nous sommes ici dans un rapport direct du réel à la fiction qui se contamine l'un l'autre. De même si Total Recall fait un clin d'oeil à La Mort au Trousse -par une scène "à la valise" en particulier mais également par ses questionnements sur le rôle de l'acteur- ici Paul Verhoeven fait plus qu'une référence directe à Vertigo/Sueur Froide, en situant son film à San Fransisco mais plus encore en rejouant un sublime duel brune-blonde le transformant en un "double volontaire" et une concurrence et lutte à mort entre une autrice de fiction et une psychiatre. La caisse de résonance de l'un vers l’autre étant bien entendu potentiellement infini... Bien sur, autour de ces questions théoriques passionnantes le décorum du film policier est parfaitement mis en place, incarné par de grands acteurs et Paulo s'en donne à cœur joie pour filmer leurs corps et les diverses pulsions venant les habiter et les faire dévier. Génial.
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Tyra
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groil_groil a écrit :
lun. 8 nov. 2021 10:59


Grosse claque, j'ai adoré, le plus beau film de SF tendance monstre extraterrestre vu depuis Alien. Une merveille de scénario, de jeu, de mise en scène, même la musique, pourtant traditionnelle dans le genre, fonctionne parfaitement. j'ai flippé comme rarement. Je ne comprends pas qu'on puisse, dans les films récents du genre, encenser une daube comme Gravity et passer ce magnifique Life sous silence... D'ailleurs, la fin génialissime laisse la porte ouverte à une suite qui promet d'être aussi différente qu'enthousiasmante, mais je ne crois pas du tout que ce soit en chantier... Si quelqu'un à des infos, je suis preneur...
Sans être aussi dithyrambique j'avais trouvé ça très bien aussi, le film méritait mieux que le bide qu'il s'est mangé au box office.
Concernant la fin, je pense que l'idée est surtout d'annoncer une délectable apocalypse qu'on laisse imaginer au spectateur plutôt que d'envisager une suite. Ce hors-champ me va très bien justement, puisqu'on sait ce qu'il va se passer sur terre, le massacre de la station aillant servi d'exemple. :D
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yhi
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cyborg a écrit :
lun. 8 nov. 2021 15:08
Peter Nestler
J'ai vu son nom sur la plate-forme Henri (je crois) et je croyais avoir vu des films de ce type, mais j'ai confondu avec Peter Mettler apparemment :hehe:
A creuser donc.
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Tyra
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Il me semble que c'est Tarkovski qui, dans son journal, reprochait au cinéma américain de se couper de la terre, de se déconnecter d'un lien spirituel avec la nature, pourtant omniprésente et écrasante aux Etats-Unis (je le dis avec mes mots, je n'ai plus la citation exacte). Le cinéma de Kelly Reichardt pourrait être une tentative de réparer ce manque, et rien que pour cette unique raison il est extrêmement précieux, un des plus précieux de son pays actuellement.
A noter une filmographie très égale, très cohérente, pas un film plus haut que l'autre. C'est sa filmographie prise dans son ensemble qui fait toute la valeur de cette cinéaste, davantage que chaque film pris séparément aussi beau soit-il.

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Ca, c'est l'anti-Reichardt, tant Anderson nous empêche constamment de s'immerger dans l'image, en accumulant frénétiquement les idées formelles. Le plan symptôme du film, c'est celui qui rend hommage à Mon Oncle de Jacques Tati, où un personnage monte les escaliers d'un immeuble. Chez Tati le personnage disparait longuement entre chaque apparition, un temps d'incertitude où la question est de savoir où et quand il va réapparaitre à la fenêtre suivante. Ici, chez Anderson, le plan est coupé, monté, accéléré, le plan ne vaut que pour les apparitions à la fenêtre, pour ce qui est là, ce qui bouge, et non pour ce qui se cache.
J'ai un peu le cul entre deux chaises avec Wes Anderson. Je divise son cinéma en deux périodes dont le point de bascule est Fantastique Mr Fox. L'animation poussera le cinéaste à expérimenter encore davantage formellement, en poussant ses personnages vers la pantomime, ses décors vers la miniature, ses mouvements et plans de caméra vers la géométrie la plus abstraite. A l'opposition d'un cinéma "classique" où l'acteur et ce qu'il a à jouer détermine le plan, ici le plan détermine et conditionne tout le reste. Les plans contiennent, tout, y compris le monde, qui n'existe pas en dehors, comme notre monteur d'escalier qui n'existe plus lorsqu'il disparait derrière les murs.
Mais contre toute attente, comme les histoires familiales douces-amères de Tenenbaum, Vie aquatique et Darjeeling ne me passionnent pas beaucoup, je préfère ce tournant récent de son cinéma, avec dévitalisation et rythme effréné à la clé.
Si la dévitalisation et le devenir figurine des personnages me passionne, le rythme me pose toujours autant problème depuis ses deux derniers films (Moonrise Kingdom était parfait sur ce plan là dans mes souvenirs) tant il m'impose une rapidité trop soutenue pour me plonger pleinement dans ces images si travaillées. C'est un peu le paradoxe de son cinéma, si visuel, et pourtant recouvert de parole, de texte, comme si l'image était impuissante à raconter d'elle même quelque chose (de toute façon Anderson n'a jamais été un bon "conteur" au sens Hitchcockien ou Spielberguien), c'est une faiblesse de son cinéma mais aussi ce qui fait son étrangeté et sa beauté, qui le pousse à constamment recouvrir le récit de signes, de chausse-trapes, d'une foule de détails et d'objets qu'on peut en effet trouver Proustien comme le dit Groil.
Bref, je continue, fidèle au rendez-vous, à voir chacun de ses films à sa sortie, émerveillé et dubitatif à la fois, attendant que le film suivant fasse pencher la balance d'un coté ou de l'autre.


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Le film se plante un peu partout au box-office, 2h30 d'un moyen-âge hivernal grisâtre autour de la question de vengeance et de justice autour d'un viol. C'est austère, presque sans musique, seul le combat final (impressionnant, il faut le dire), rentre davantage dans les codes de ce type de production. Le film prend des risques dans le paysage actuel du blockbuster et il faut le souligner. J'aime aussi ce moyen-âge qui, s'il est froid et violent, n'est pas exagérément sali par la crasse et la laideur comme on le représente trop souvent, il est même souvent très beau ici.
Pour le reste, c'est quand même pas très bon, assez bancal dans le projet. Les trois points de vue à la Rashōmon ne racontent pas la même histoire sous différents points de vue, mais complètent l'histoire par la présence de tel ou tel personnage à tel endroit, scène qu'on avait de toute façon reconstitué tout seul. De plus, des trois récits, on nous dit par un panneau informatif que seul le dernier, celui de la femme, est la vérité, ce qui annule l'intérêt de l'interrogation de la vérité d'un tel procédé.
Si on ne veut pas d'ambiguïté sur la question d'un viol, ce qui est compréhensible, autant ne pas choisir cette voie là. Du coup le film a le malheur d'être très didactique, pour au final ne rien montrer d'autre par son procédé que des variations de scènes selon qu'elle soient "vues" par un homme (où la scène sera à son avantage) ou la femme (la scène nous dévoilera tel ou tel aspect peu glorieux de tel homme que les premières parties ne dévoilaient pas). Le tout plaqué de manière artificielle, puisque si dans Rashōmon c'était les témoignages des protagonistes qui lançaient les récits, ici les "points de vue" ne sont reliés à aucun témoignage direct qu'auraient pu occasionner le procès.
Ridley Scott lui ne garde plus grand chose de ses plus belles heures, à part un certain savoir faire narratif, ainsi qu'une belle direction d'acteurs puisque ceux-ci sont tous très bons.
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sokol
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cyborg a écrit :
lun. 8 nov. 2021 15:08


Je porte déjà Verhoeven très haut dans mon estime, mais je ne pensais pas que son film le plus populaire, ou du moins le plus connu, me mette une telle tarte. Quel chef d’œuvre ! Donc au début des années 90 Hollywood pouvait produire des films d'auteurs hyper bien écrit et empocher des centaines de millions de dollars ? Ce temps parait bien loin...

Je suis toujours extrêmement impressionné
Moi aussi je suis impressionné quand je lis de l'admiration pour ce film :p (@groil_groil en est un !). Donc, tu ne te sentiras pas seul dans ton admiration mais moi non plus d'ailleurs dans mon scepticisme (je n'aime presque pas du tout ce film) : j'étais agréablement surpris quand les Cahiers , dans une très longue interview avec Verhoeven (à l'occasion de la sortie de "Elle") évoquait tous, mais alors tous ses films sauf, exactement celui-ci : pas un seul mot.

Perso, je le trouve, tout court, mortellement hollywoodien, et pas pour un seul sou auteur (j’utilise ce terme car c'est toi qui l'as très justement utilisé).
Cela dit, je n'ai toujours pas lu une seule critique qui me convaincrait, c'est à dire une critique qui argumenterait sa grandeur. La tienne (pourtant, je suis un habitué à tes papiers) ne dit rien non plus : elle ne parle pas du film...
:sarcastic:

(ps: c'était la première fois que tu voyais le film ?)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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@sokol : oui c'était ma première fois, ce qui me permet de terminer sa période américaine, il ne me reste que deux dès débuts, je crois.

Pour le côté hollywoodien oui tout à fait, c'est très exact. C'est même parfaitement ce que fait Verhoeven...
Pour tout te dire quand le film a commencé j'étais assez déçu : j'avais l'impression qu'il nous livrait un film formaté, tout ce qu'il y a de plus convenu, réduisant ses motifs habituels à de simples illustrations. Il y a un côté très sibyllin même dans l'histoire.
Alors que son précédent (Robocop) a encore un aspect "symbolique" d'un corps et un esprit humain sous un costume de fer, ici il n'y a plus ça du tout.
Verhoeven était déjà, en quelque sorte, passé en "mode caméléon". Mais pas en allant vers des genre un peu "bis" ou "de genre" comme il le fera après (la science-fiction, le film de danse) mais en plein dans ce qui est peut-être le genre étalon du film hollywoodien : le film policier, le thriller.
Et ce n'est que quand j'ai compris ça, comme une porte d'entrée à ce qu'il me racontait vraiment (cette lutte à mort/superposition entre la fiction et la "psychiatrie" pour parler vite, tout en dialoguant avec Hitchcock, pour aller vite là encore) que le tout m'a vraiment intéressé.
Mais bon, c'est aussi mon rapport à cet auteur et son oeuvre, je ne sais pas si c'est autant intéressant pour d'autres pour les mêmes raisons...
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groil_groil
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Ce n'est pas un grand Pakula, ni même un grand film, mais c'est un super film du dimanche soir, hyper agréable à revoir, et surtout en VF, car c'est là qu'est la vraie voix d'Harrison Ford :D

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Je redoutais, mais c'est très bien. Glaçant, terrifiant, mais très bien.

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Retour en grâce de Moretti avec un film d'une profondeur et d'une émotion rarement égalée dans son oeuvre. C'est un film à ranger du côté de la Chambre du Fils ou du Caïman, mais qui je trouve va encore plus loin, et dans l'ampleur de la construction narrative, totalement géniale et maitrisée, et dans la manière dont ses thèmes habituels sont intégrés, digérés, pour être mis au service d'une fiction dont la puissance s'en trouve encore renforcée. Larme versée à plusieurs reprises et dans les 3 ou 4 meilleurs films du cinéaste, ce qui n'est pas peu dire !!!

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Dernier film de Litvak, dont je n'attendais pas grand chose, adaptant Japrisot qu'il va falloir que je me décide à lire car chaque fois que j'en vois une adaptation c'est bien. Et c'est encore le cas ici. Le cadre choisi est pop, fin 60's, dans une France très colorée qui emprunte au swinging London. Le film part de rien, et on se trouve embringué en même temps que l'héroïne dans un thriller paranoïaque à tiroirs complètement démentiel et qui parvient qui plus est à retomber sur ses pattes lors de la résolution. Chapeau !

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Un peu moins bien que le précédent (Spectre) et un peu voire beaucoup trop long (2h43) mais super bien, disons que James Bond commence enfin à exister en temps que personnage et même en tant que série de films, avec Craig, et c'est dommage car c'est déjà son dernier.
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Tamponn Destartinn
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groil_groil a écrit :
ven. 12 nov. 2021 11:04
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Retour en grâce de Moretti avec un film d'une profondeur et d'une émotion rarement égalée dans son oeuvre. C'est un film à ranger du côté de la Chambre du Fils ou du Caïman, mais qui je trouve va encore plus loin, et dans l'ampleur de la construction narrative, totalement géniale et maitrisée, et dans la manière dont ses thèmes habituels sont intégrés, digérés, pour être mis au service d'une fiction dont la puissance s'en trouve encore renforcée. Larme versée à plusieurs reprises et dans les 3 ou 4 meilleurs films du cinéaste, ce qui n'est pas peu dire !!!


T'es chiant, je voulais faire l'impasse ! :cry: :D
Même si tu as toujours été plus fan de Moretti que moi, tu intrigues. Il a été mal accueilli à Cannes, mais Compartiment n°6 aussi a été assez mal accueilli à Cannes.
J'espère qu'il sera encore à l'affiche quand je reviendrai, car demain, je pars 2 semaines au Mexique. Et ça, ça veut dire... le retour des films d'avion !!! :bounce: :bounce: :bounce: :love:
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groil_groil
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Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 12 nov. 2021 11:58
groil_groil a écrit :
ven. 12 nov. 2021 11:04
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Retour en grâce de Moretti avec un film d'une profondeur et d'une émotion rarement égalée dans son oeuvre. C'est un film à ranger du côté de la Chambre du Fils ou du Caïman, mais qui je trouve va encore plus loin, et dans l'ampleur de la construction narrative, totalement géniale et maitrisée, et dans la manière dont ses thèmes habituels sont intégrés, digérés, pour être mis au service d'une fiction dont la puissance s'en trouve encore renforcée. Larme versée à plusieurs reprises et dans les 3 ou 4 meilleurs films du cinéaste, ce qui n'est pas peu dire !!!


T'es chiant, je voulais faire l'impasse ! :cry: :D
Même si tu as toujours été plus fan de Moretti que moi, tu intrigues. Il a été mal accueilli à Cannes, mais Compartiment n°6 aussi a été assez mal accueilli à Cannes.
J'espère qu'il sera encore à l'affiche quand je reviendrai, car demain, je pars 2 semaines au Mexique. Et ça, ça veut dire... le retour des films d'avion !!! :bounce: :bounce: :bounce: :love:
Faire l'impasse du film de l'année t'es pas ouf ? :D :D :D :ouch: :ouch: :ouch:

bon voyage en tout cas, et vas-y ce soir !!!! :D
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Tamponn Destartinn
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Naan, ce soir je dors chez mes beaux parents a qui on laisse le chat et qui nous amèneront à l'aeroport tôt le matin (3615 ma life :D )

Donc plus de ciné possible avant le départ.
Je flippe aussi pour Apichatpong Weerasethakul qui sort juste après mon départ. Il a intérêt à être encore à l'affiche à mon reotur.
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BOX OFFICE STORY
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Red Notice dernière superproduction Netflix avec 3 stars du box office est assez stupéfiant.
Il n y a absolument rien d'original dedans, rien, même pas la calligraphie du Titre. Pas une seule scène, pas un seul dialogue qui n'a pas été déjà vu dans 1485 films...Tout à déjà été vu et revu dans tous les ersatz de Benjamin Gates, Indiana Jones, Tango et Cash, Hobbs and Show, Evasion, etc... le point fascinant c'est que nous pouvons deviner absolument tous les évènements, scènes suivantes, dénouement final, pseudos twists vus un million de fois, le tout filmé absolument sans imagination, baigné dans une musique lambda des plus fourre-tout. Les acteurs payés très grassement alignent les scènes de manière très pro, un peu comme tu vas à ton taff, au bureau à la défense....C'est comme une boite de Pringles rouge (comme Netflix) tu sais que tu vas trouver une chips, qui aura le goût de la chips habituelle sans aucune surprise, c'est le contraire de la boite de chocolats de Forrest Gump en somme.
Le tout dans une absence totale de violence, de méchanceté, d'esprit subversif..
Une telle volonté de n'être absolument pas original force mon admiration et mérite un joli 12.
A quand la séquelle sera annoncée par Netflix ? Demain ?
http://www.boxofficestory.com/
La pierre philosophale transformait le plomb en or.
Disney transforme l'or en merde.
Kevin Feige tu fais de la merde.
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yhi
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groil_groil a écrit :
ven. 12 nov. 2021 11:04
C'est un film à ranger du côté de la Chambre du Fils
Le fils s'y appelle Andrea dans les deux cas d'ailleurs. A croire que Moretti a quelque chose à exorciser avec un fils qui aurait ce prénom.

Je ne suis pas aussi fan de Moretti que toi, mais j'ai trouvé ça très bien aussi. J'ai pleuré sur la fin. Le segment avec Alba Rohrwacher est un peu en dessous malheureusement je trouve, ça plombe un peu le reste.
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yhi
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@sokol

Après avoir lu ce que tu as écrit sur "Compartiment n°6", je serais bien curieux d'avoir ton avis sur "La jeune fille et l'araignée" si tu as l'occasion de le voir.

Dommage que le film soit sorti discrètement, je crois que personne ne l'a vu sur ce topic alors que c'est vraiment tiptop.
Riggs_007
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BOX OFFICE STORY a écrit :
ven. 12 nov. 2021 12:45
Red Notice dernière superproduction Netflix avec 3 stars du box office est assez stupéfiant.
Il n y a absolument rien d'original dedans, rien, même pas la calligraphie du Titre. Pas une seule scène, pas un seul dialogue qui n'a pas été déjà vu dans 1485 films...Tout à déjà été vu et revu dans tous les ersatz de Benjamin Gates, Indiana Jones, Tango et Cash, Hobbs and Show, Evasion, etc... le point fascinant c'est que nous pouvons deviner absolument tous les évènements, scènes suivantes, dénouement final, pseudos twists vus un million de fois, le tout filmé absolument sans imagination, baigné dans une musique lambda des plus fourre-tout. Les acteurs payés très grassement alignent les scènes de manière très pro, un peu comme tu vas à ton taff, au bureau à la défense....C'est comme une boite de Pringles rouge (comme Netflix) tu sais que tu vas trouver une chips, qui aura le goût de la chips habituelle sans aucune surprise, c'est le contraire de la boite de chocolats de Forrest Gump en somme.
Le tout dans une absence totale de violence, de méchanceté, d'esprit subversif..
Une telle volonté de n'être absolument pas original force mon admiration et mérite un joli 12.
A quand la séquelle sera annoncée par Netflix ? Demain ?
Ce film est juste nul sur tous les points. Ryan reynolds est insupportable. Son jeu est affreux, aucune blague ne fonctionne. The rock me gonfle, il se la joue sympathique mais il ne prend plus de risque. Gal Gadot est moins présente est à touchée 20 millions de dollars et elle aussi fait peine à voir. L'histoire est pétée, la réalisation j'en parle pas. Et les effets spéciaux méga bof.

Aussitôt tôt vu aussitôt oublié. S'il y a une suite, je passerai mon tour comme toutes les suites de Netflix. N, cela fait longtemps qu'ils ne font plus de bon e film, ce n'est pas du cinéma, c'est juste de la merde, qui prend les spectateurs pour des cons.
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sokol
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yhi a écrit :
ven. 12 nov. 2021 14:04
@sokol

Après avoir lu ce que tu as écrit sur "Compartiment n°6", je serais bien curieux d'avoir ton avis sur "La jeune fille et l'araignée" si tu as l'occasion de le voir.

Dommage que le film soit sorti discrètement, je crois que personne ne l'a vu sur ce topic alors que c'est vraiment tiptop.
J’avais bien envie de le voir mais il n’est pas venu à Bordeaux… . Bien dommage
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Halloween Kills, David Gordon Green (2021)

Qu’est-ce que c’est fainéant… Ça se veut être un divertissement horrifique régressif mais la réalisation est tellement en pilotage automatique que j’ai eu l’impression de voir un film mis en scène par un robot. Le film fait preuve d’une violence graphique qui se voudrait extrême mais oublie l’inventivité qui doit aller avec et ça n'est au final ni jubilatoire ni généreux. Si on ajoute à ça un scénario excessivement bancal et une scénographie à la ramasse (il faudrait que David Gordon Green aille reprendre des cours tellement il n’y a aucune cohérence à ce niveau : que Michael Myers soit considéré comme l'incarnation du Mal absolu, soit, mais jusqu'ici il n'avait pas encore le don d'ubiquité) il n’y a malheureusement plus grand chose à se mettre sous la dent. Le pire étant peut-être l'idéologie douteuse que le film met en avant avec cette idée de milice armée, constitué de citoyens prêts à en découdre avec le soutien passif de la police pour abattre un forcené qu'ils assimilent au Mal (gros gros lol !). Et David Gordon Green semble à peine, mais alors à peine, interroger la légitimité de cette action collective complètement hystérique puisqu'il va, dans le reste du film, donner sa raison d'être à cette milice qui va encercler le croquemitaine. Peut-être que l’idée de réintroduire les personnages du film original était à la limite intéressante sur le papier mais ils sont tous tellement mal utilisés que j’ai envie de dire non en fait…

Je crois, finalement, que je préfère le Halloween II de Rick Rosenthal (1981) qui était déjà une suite directe (médiocre mais bien plus charmante) du Halloween de John Carpenter (1978) dans la mesure où les événements qu'il mettait en scène se déroulaient la même nuit que celle du film original, de la même manière que les événements de Halloween Kills se déroulent la même nuit que celle du Halloween de 2018. Et, comble de l'amusement, David Gordon Green a décidé, de la même manière que le film de Rosenthal en 1981, sorti très exactement quarante ans avant, de situer une bonne partie de son film au Haddonfield Memorial Hospital. Tout ça pour dire que David Gordon Green avait quand même de l'or entre les doigts mais qu'il en a fait de la merde : son film avait la capacité d'avoir une force théorique vertigineuse en communiquant avec le second volet de la saga d'origine (auquel il emprunte, en plus, certaines images) tout en se référant en permanence au volet original de Carpenter qui semble être sa matrice, mais sa mise en scène, aberrante pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, ne le permet pas. Avec le recul, je dois dire quand même que je n'aime pas beaucoup cette saga, y compris le volet de Carpenter dont le concept a une force cinématographique particulièrement limitée, limite qui se démontre d'autant plus avec les réalisateurs suivants. Alors ça pouvait peut-être passer en 1978 voir dans les années qui ont suivi mais en 2021, cette saga me paraît être juste dépassée.

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Cry Macho, Clint Eastwood (2021)

Du vu et revu, mais Eastwood vieillissant (dans La Mule c’était encore le cas et ça l'était déjà trente ans plus tôt dans Impitoyable) devient de plus en plus humble et émouvant derrière sa (fausse ?) fragilité.

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Tre Piani, Nanni Moretti (2021)

Je n’imaginais pas que la plume de Moretti était d’une telle précision et d’une telle délicatesse (j’avais déjà vu Mia Madre mais le film, encensé par tout le monde à l’époque, m’avais mis sur la touche malgré son superbe duo d'acteurs, de retour ici - Margherita Buy et Nanni Moretti lui-même). Hallucinant l’acuité avec laquelle il construit son réseau de personnages, en prenant comme point d’ancrage un immeuble de Rome qu’il va mettre en scène en alternant les intrigues et les points de vue et qu’il va accompagner, dans cette fiction, sur dix années (2010-2020) avec deux ellipses de cinq ans chacune, parmi les plus belles et les plus impressionnantes vues jusqu’ici. A ce titre, le récit est d’une ampleur narrative assez impressionnante, riche en détails, en chausses-trappes et voies tortueuses. Le film va développer trois points névralgiques, suivre les tribulations et les tragédies de trois familles et donc mettre en scène trois appartements sur trois étages différents (d'où le titre du film, Tre Piani). A ces trois appartements s’en ajoute un quatrième (et donc une quatrième famille) qui sera situé juste en face de l’un des trois suscités (élément capital puisque ce détail va justement être le point de départ d’une des intrigues, que le film va alterner mais sans jamais tomber dans la soap vulgaire, faisant un vrai pied de nez à la logique que peuvent avoir certaines séries - certaines). Moretti se sert du microcosme de cet immeuble pour tisser, sur deux heures de film, un portrait de son époque en montrant, progressivement, comme chacune de ces familles et ce voisinage va être amené à se disloquer et s'entre-déchirer. C’est un film âpre dont la sobriété et l’élégance de la mise en scène (qu’est-ce que le film est beau plastiquement !) dévoile peu à peu une noirceur, une cruauté qui va avoir raison des relations humaines, tant amicales que familiales. J’aime beaucoup comment Moretti dévoile, en se servant notamment des ellipses qui tombent chacune comme un couperet, de manière implacable, les ravages du temps sur ses personnages : ici un procès qui dure, là une femme qui sombre progressivement dans la folie (j’ai sincèrement halluciné quand j’ai compris de quoi il en retournait et Moretti ne nous fait pas le coup du twist à deux francs, il est bien plus fin, plus intelligent que ça puisqu’il nous l'annonce dès le début du film, l’air de rien, au détour d’un dialogue tout en accordant à sa mise en scène le temps de se déployer et de dévoiler, avec elle et avec une douceur désarçonnante, la folie de son personnage) ou encore une absence insoutenable pour une mère vis-à-vis de son fils (incarcéré d'abord puis profondément rancunier ensuite) autant que pour une femme vis-à-vis de son mari décédé. Le film m’a également surpris par sa capacité à s’approprier et à comprendre les enjeux de son époque. Déjà, Moretti s'il nous évite les coups de théâtres putassiers propres à certains soaps, ne nous fait pas non plus le coup du huis-clos fumeux dans un immeuble avec des intrigues de voisinage à deux balles : c’est un film ouvert sur le monde qui sait sortir du microcosme de son immeuble pour filmer ou la ville ou la campagne (que Moretti sublime en quelques scènes). Ensuite, s’il sait si bien sortir de cet immeuble c’est pour mieux, au détour de certaines scènes, mettre en lumière le vrai sujet du film, à savoir à quel point l’Italie actuelle est dans un état, sociétal et politique, absolument désastreux. Par exemple, à un moment le personnage de Dora (au passage Margherita Buy est une actrice magnifique sur absolument tous les plans) sort donner des vêtements de son défunt mari (Nanni Moretti lui-même, autant bon acteur qu’il est, ici, un superbe cinéaste) à une association caritative venant en aide à des migrants. L’association est alors victime d’une attaque au cocktail Molotov d’une manifestation d’extrême-droite qui oblige les occupants à quitter les lieux et à fuir. C’est de ça dont il est question dans tout le film : d’une communauté (le pays / les habitants de l’immeuble) profondément divisée, au bord de l’explosion voir de l’anéantissement. Le constat est critique et sans appel, mais Moretti, humaniste, montre de la lumière qu’il sait entrapercevoir, en filmant les nouveaux nés qui deviendront des jeunes enfants, les jeunes enfants qui deviendront des jeunes adultes et les jeunes adultes qui deviendront des jeunes parents, reconstruisant de nouvelle famille sur les restes des précédentes. La manière dont Moretti filme cette jeunesse (et en particulier les enfants) est d’une grâce absolue, les montrant dotés d'une force morale supérieure à celle de leurs géniteurs et c’est de toute évidence vers eux, vers la jeunesse qu’il se tourne définitivement mais en montrant bien que celle-ci, quand bien même elle est pleine de vitalité, est également fragilisée par l’héritage laissé par ses parents : l’un des derniers plans du film montre ainsi la jeune Béatrice (dont on aura vu l'accouchement en début de film, celui-ci refermant admirablement bien la boucle), dix ans, voyant sa mère sourire aux lèvres traverser la rue, sans qu’on ne sache définitivement s’il s’agit d’une illusion ou non, si elle développe à son tour les prémices de la folie qui a poussé sa mère définitivement hors du foyer ou si sa mère, dans un élan de lucidité, est finalement revenue à sa famille, décidée à les attendre à leur retour de voyage. C'est sombre et lumineux à la fois, Moretti faisant cohabiter, dans un même élan, pessimisme et optimisme, celui-ci l'emportant définitivement dans un magnifique champ/contre-champ final, solaire et émouvant, qui doit bien être le plus beau depuis celui qui terminait le film Carol de Todd Haynes.
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groil_groil
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@Kahled merci pour ton texte très beau et très juste sur Tre Piani.
Je n'arrête pas de repenser à ce film magnifique.
Joe va avoir du mal à le détrôner demain :D
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groil_groil
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Du vrai du bon Z, avec de l'espace, des extraterrestres dégueu et sanguinaires et des aliens bonnasses à oilpé !

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De la parodie de parodie.

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Pourtant adapté de Chalandon, et malgré la musique de Quentin Sirjacq, j'ai trouvé ce film totalement nul, à côté de la plaque, traitant d'un sujet grave (un père dérangé intellectuellement traumatisant mère et enfant jusqu'aux coups), d'une manière légère, surannée et totalement naphtalinée. On a connu Améris plus inspiré, d'autant que le film est réalisé dans une économie de moyens qui frôle l'indécence (multiplication des scènes d'intérieur, jamais un passant dans la rue, sauf s'il intervient diégétiquement, une cour d'école où le jeune héros est martyrisé par 4 élèves, et la population enfantine de la cour de recré est donc composée de 5 personnes : 4 + 1...)

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C'est pas mal, assez dur, imparable, mais Belvaux n'ose pas assez s'emparer du matériau littéraire d'origine et multiplie les voix off jusqu'à l'indigestion et la confusion... Il se prend un peu trop au sérieux pontifiant également, même s'il est vrai qu'un tel sujet ne prête pas à la franche rigolade.
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Kahled
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groil_groil a écrit :
mar. 16 nov. 2021 10:00
@Kahled merci pour ton texte très beau et très juste sur Tre Piani.
Je n'arrête pas de repenser à ce film magnifique.
Joe va avoir du mal à le détrôner demain :D
Merci !

Oui j’y repense pas mal aussi et je suis d’autant plus ravi de l’impression qu’il m’a laissée que je n’en attendais absolument pas grand chose.. :)

Le Joe j’ai hâte aussi vu tous les retours que je lis dessus. Je prie juste qu’il soit diffusé dans mon cinéma… :saint:
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JanosValuska
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:hello: la compagnie !

Quelques mots sur deux films, sortis récemment, qui m'ont beaucoup marqué.

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First cow, Kelly Reichardt.

Kelly Reichardt revient au western, genre qu’elle avait subtilement fait renaître et à sa manière, avec La dernière piste (2011) qui s’intéressait tout particulièrement au quotidien des femmes d’un convoi dans l’Oregon de 1850.

Si l’on sait qu’on va retrouver l’Oregon dans First cow et plutôt le début du XIXe siècle, le film surprend en s’ouvrant aujourd’hui : Point de barques voguant sur la rivière mais un immense cargo porte-conteneurs, qui traverse le plan. Un plan (long et fixe) qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Peter Hutton – auquel Reichardt, on l’apprend à la toute fin, dédie son film – spécialisé dans le landscape-art et qui consacra, entre autre, cinq films à l’Hudson river.

Aux abords du fleuve, un chien renifle quelque chose. Une jeune femme s’approche et creuse. La jeune femme et le chien, c’est un peu le retour de Wendy et Lucy (2009). C’était déjà l’histoire d’une amitié. Et déjà un genre codifié (le road-movie) perverti par le geste de Kelly Reichardt. Dans cette étonnante ouverture, tandis qu’elle creuse, la jeune femme découvre les squelettes de deux humains, allongés l’un à côté de l’autre. Le film peut sauter dans le passé, il a une histoire à raconter. C’est peut-être l’un des plus beaux flashbacks qui puisse nous être offert : Partir de ces squelettes, c’est comme partir du dessin d’une femme, dans Titanic.

First cow fait le récit d’une rencontre et d’une amitié, entre King-Lu, voyageur d’origine chinoise poursuivi par des russes, et Figowitz dit Cookie, cuisinier qui fait partie d’un convoi de trappeurs. Exit le désert de La dernière piste, First cow se déroule intégralement en pleine forêt, le long d’une rivière, à proximité de Portland. Rapidement, les deux hommes vont naturellement faire équipe ensemble. Ils vivent de peu de chose et dorment dans une cabane de fortune. Et Reichardt filme ce peu de chose, glisse son objectif entre champignons et fougères, chouette et salamandre, bois et feuilles mortes.

Pas de grande chevauchée triomphaliste chère au genre, Reichardt s’en tient à cette forêt ainsi qu’à ses deux personnages et leur petit commerce dangereux, de beignets, grâce au lait – qu’ils recueillent en cachette – de la première vache de la région, appartenant à un notable du coin. Pas de Scope non plus, forcément, la réalisatrice optant pour un format carré – comme elle le fit déjà pour La dernière piste – plus proche de l’humain, de l’intime. Un film doux sur un univers qui ne l’est pas – et un genre qui l’est habituellement encore moins : C’est peut-être ça, la touche Reichardt, une tendance à dégenrer, ici donc à déviriliser le western, jusqu’à lui enlever ses attributs majeurs : Le cheval et l’arme à feu. La seule scène de baston du film – borne habituelle du genre, là aussi – est contournée par la mise en scène : Reichardt préférant attarder son regard mais aussi celui de Cookie (donc le nôtre) sur ce nourrisson qu’on a laissé sur le comptoir d’un saloon.

Si Kelly Reichardt construit un film doux et si elle s’éloigne des coutumes virilistes du genre, elle ne dresse pas moins le portrait d’une époque difficile, précaire et sur le point de changer. King-Lu incarne sans doute le personnage le plus pratique et lucide des deux, il sait que le monde change et sans doute par survie plus que par idéologie, il désire en faire partie. Et à mesure que ce petit commerce florissant prenne de l’envergure, le récit se resserre et crée une angoisse qu’on n’a même pas vu grimper. Alors on retrouve tout le talent de Reichardt, culminant dans son chef d’œuvre, Night moves, pour incarner le thriller, aussi minimaliste soit-il en l’occurrence : Voler le lait d’une vache et ne pas se faire prendre.

Le film s’ouvre sur une citation de William Blake : « L’oiseau a son nid, l’araignée sa toile et l’homme l’amitié ». Et le film, pourtant riche, complexe, sur ce qu’il dit des pionniers et du capitalisme naissant, ne raconte rien d’autre que ça : Une amitié en tant que refuge, intemporelle. Un récit d’empathie et de solidarité cosmopolite, à l’image de cette scène où King-Lu négocie une traversée en canoé avec un amérindien, séquence qui n’est pas sans évoquer celle de La dernière piste. Mais on peut tout aussi trouver les échos de cette fraternité, de cette « amitié » chère à Blake, dans un autre film de Reichardt, le très beau Old joy (2007).


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Les intranquilles, Joachim Lafosse.

Qu’il investisse une cellule mère-fils toxique, les prémisses d’un infanticide ou la dislocation conjugale, le cinéma de Joachim Lafosse se veut précis, froid, implacable, mais paradoxalement vivant (quand il ne se vautre pas dans l’épate binaire d’A perdre la raison) et plein de trouées inattendues.

On sait son admiration pour Pialat, mais ce patronage assumé se loge moins dans l’idée d’une dynamique naturaliste habituelle (quand on parle de film à la Pialat, disons) que dans sa réappropriation formelle : On se souvient de cet ultime travelling dans Nue-propriété, qui faisait directement référence à celui de La gueule ouverte. Travelling arrière qui sera à nouveau utilisé dans la dernière scène des Intranquilles, avant une coupure au noir, brutale, bouleversante. Mais si l’on pense encore à Pialat, c’est cette fois moins sur une idée de plan que sur une construction de la répétition. C’est à Nous ne vieillirons pas ensemble auquel on songe et ses variations autour de la dispute conjugale. Ici ce sont les variations autour d’une montée de crise.

Comme souvent chez Lafosse, la majorité du film se déroule à l’intérieur du foyer familial. Leila (Bekhti, incroyable vraiment, on ne l’avait pas vu aussi impressionnante depuis Une vie meilleure, de Cédric Kahn) restaure des meubles anciens, Damien (Bonnard, qui livre une performance hors-norme, très physique) est artiste peintre. Ils ont un petit garçon d’une dizaine d’année. Ils ont sans doute vécu des moments plus doux par le passé, mais le film choisit ce carrefour (sans doute parce qu’il est un carrefour créatif plus fragile pour Damien) et de nous plonger d’emblée au sein de la crise. La première scène est à cette image : Leila se repose sur la plage, elle semble sereine. Damien emmène son fils en bateau un peu plus loin. Une famille heureuse ? Les apparences sont trompeuses. Très vite, Damien stop le bateau et décide de rentrer à la nage tandis que le garçon, pas si surpris, ramène le bateau jusqu’à sa mère, qui s’inquiète mais ne semble pas plus que cela surprise non plus.

On comprend que ce n’est pas la première fois : Damien souffre de bipolarité. Maladie dont on ne guérit pas dit-on. Maladie qui chez lui s’avère d’autant plus problématique qu’il s’en sert pour coucher ses idées sur toiles, contrairement aux médicaments qu’il doit prendre, qui ont plutôt tendance à endormir sa créativité. En effet, chaque crise le plonge dans un vertige créatif qu’il ne maitrise pas, cumulant les nuits blanches et révélant une hyperactivité au quotidien ou une totale apathie, qui perturbent constamment la cellule familiale, à l’image de cette obsession soudaine qu’il fait pour le changement d’une table ou de son irruption à l’improviste dans la classe de son fils, avec des pâtisseries plein les bras. On ne sait jamais ce qu’il va faire : S’il va courir ou s’effondrer, crier ou chanter, lever la main ou te prendre dans ses bras.

Un peu à l’image des crises crescendos de Damien, Les intranquilles avance par blocs de séquences, privilégiant deux types de filmage : Très mobile dès qu’il s’agit de saisir l’univers de Damien, notamment quand il peint ; au contraire très posé, dès l’instant que Leila est dans le champ, de façon à d’autant plus accentuer les entrées et sorties de champ de Damien, en mouvement perpétuel. Et parfois, la mise en scène trouve une sorte d’équilibre entre les deux, comme si elle participait brièvement à leurs miettes de bonheur éphémères. Une scène dans une voiture en sera le point d’orgue, rappelant une autre sublime scène de voiture dans Deux jours, une nuit des Dardenne, La nuit n’en finit plus, de Petula Clark étant remplacée par Idées noires, de Bernard Lavilliers.

Et le plus beau là-dedans, c’est que le film se vit en partie du point de vue de l’enfant, qu’il prend en compte son regard, ses interrogations, son désarroi, sa peine, en permanence. Rôle bouleversant tant il n’est jamais que spectateur, puisque le garçon est entièrement conscient de la maladie de son père, lui suppliant parfois de se calmer ou allant prévenir sa mère d’un danger à venir. C’est probablement la plus belle réussite du film que de lui avoir offert une place à part entière. Rien d’anodin puisque Lafosse raconte un peu de son enfance ici, lui qui dû aussi supporté la bipolarité de son père. Son plus beau film. J’en suis sorti rincé.
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cyborg
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J'avais complétement oublié de dire que j'avais vu

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J'allais le voir à reculons, et je suis le premier étonné à avoir trouvé ça bien, voir très bien. Et d'être totalement surpris qu'un homme de 83 ans fasse un film autant dans l'air du temps et se saisisse d'une problématique aussi importante : la libération de la parole des femmes au sein de notre société patriarcale. N'ayant au final pas grand chose à faire de ses histoires de chevalier (malgré une qualité de reconstitution impressionnante) Le Dernier Duel rejoue le classique du jeu de l'éloignement temporel et géographique (production US se déroulant en France) pour mieux renvoyer notre époque à ses propres démons.
La forme "à la Rashomon", répétant 3 fois la même histoire d'un point de vue différent, qui pourrait paraitre redondante, me parait au contraire d'une grande justesse car tenant sa simplicité radicale jusqu'au bout, nous faisant revivre à quelques variations, parfois infime, les mêmes scènes et laissant exister précisément la parole et la sensibilité de chaque protagoniste, chacune venant adroitement compléter les autres.
Le message est appuyé, certes, (le mot "the truth" qui se prolonge sur l'écran, par exemple) mais je pense qu'il faut voir Le Dernier Duel comme un vraiment film didactique, pour ne pas dire pédagogique, s'adressant au plus grand nombre et cherchant pas à rendre limpide son propos. La problématique à laquelle il se frotte étant tellement monumentale, incontournable et cruciale que, après tout, pourquoi pas ? Le cinéma grand spectacle ne pourrait-il pas, aussi parfois, être ceci ? Bien sur le film n'est pas parfait (in fine la partie du personnage féminin à la durée la plus courte par exemple, ou encore le dernier plan laissant entendre que l'accomplissement féminin reste la maternité) mais il fait déjà beaucoup face à ce que d'autres n'osent même pas aborder.


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Encore un très grand et magnifique film de Nadav Lapid. Qu'il est bon de savoir que d'aussi grands cinéastes sont jeunes et en activités.
Encore une fois (ou "déjà", plutôt) Nadav Lapid réalise une oeuvre sur les rapports entre langage et territoire. Comment ne pas voir en cet enfant pris soudainement de crises de poèmes la figure du messie, sur cette terre sainte qu'est celle d'Israel ou naquirent et vivent encore les trois grandes religions monothéistes ? Des paroles qui jamais ne seront prises pour ce qu'elles sont mais toujours utilisés, détournés, exploités , ignorés : le père qui s'en moque, la nounou qui s'en sert à ses propres fins, la maitresse qui l'adule, la sanctuarise, la kidnappe. Avant que la police d'état l'arrache pour venir la remettre au sein d'une étouffante société de divertissement et de consommation dans un bouleversant dernier plan. Quelle incroyable approche -critique à peine déguisée- des maux qui rongent silencieusement l'état d’Israël contemporain.
Le film regorge de détails de mise en scène (tant spatiaux que visuels, ha ces petits cercles que fait l'enfant déclamant son texte) que Lapid assume totalement sans reculer, faiblir, plier pour valoriser et réfléchir au médium qu'il a fait sien : le cinéma dans toute ses forces et ses faiblesses.

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Découverte du réalisateur franco-espagnol Arrietta avec qui semble être son film le plus "produit" : Flammes en 1978.
Une petite fille fait des cauchemars et rêve d'un pompier frappeur dans sa chambre... Devenu jeune femme ses cauchemars se sont transformés en fantasmes, elle se prend d'amour pour un pompier qu'elle réussira à faire venir dans son manoir en réalisant un faux appel au feu...
Flammes est assez incroyable par son approche éthérée, pauvre presque, mais aux ambiances oniriques extrêmement puissantes et crédibles. Ici on croirait presque voir un Rohmer qui déraille (la présence de Pascal Greggory y aide peut-être) trempant ses vaudevilles littéraires dans le stupre et la perversité discrète mais appuyé. Une touche de Gombrowitz peut-être pour l'incertitude de ce qu'on voit ou se permet de voir...
Belle découverte.

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Casta Diva - Eric de Kuyper

Joie de découvrir le premier film de De Kuyper sur grand écran, après avoir été happé par "A Strange Love Affair" et "Pink Ulysse".
Premier plan : à travers une fenêtre nous apercevons une grande maison. Soudainement apparait un homme sur un balcon. Il s'assoie, se lève, rentre dans la maison, reviens, change de tenue, regarde aux alentours, lentement, doucement, recommence. Soudainement, après de longues minutes, un homme rentre dans le champ et s'interpose entre nous et la fenêtre par laquelle nous regardions la scène se dérouler et que nous avions presque oubliée.
Cette première situation résume idéalement les obsessions du film et les 15 autres scènes à venir.
Casta Diva est un film sur le plaisir scopique, le plaisir de la représentation sur grand écran du corps masculin homosexuel encore largement marginalisé à l'époque (le film date de 1982). Les gestes sont toujours ceux du prendre soin, de soit ou parfois juste de son reflet, de son image qui peut se démultiplier ou disparaitre. Les mots, les paroles, sont quasiment absents. Le film est mutique, se transformant en expérience visuelle plastique totale, dans un noir et blanc splendide transforment les corps en status grecques.
Rarement j'aurais eu l'impression de voir un film a la fois aussi profondément théorique (sur le cinéma, sur le regard) que sensuel.
len'
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JanosValuska a écrit :
jeu. 18 nov. 2021 14:05
Et parfois, la mise en scène trouve une sorte d’équilibre entre les deux, comme si elle participait brièvement à leurs miettes de bonheur éphémères. Une scène dans une voiture en sera le point d’orgue, rappelant une autre sublime scène de voiture dans Deux jours, une nuit des Dardenne, La nuit n’en finit plus, de Petula Clark étant remplacée par Idées noires, de Bernard Lavilliers.
:jap:

Il y a tellement de vie dans cette séquence. J'y repense encore, un mois après.
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Tyra
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C'est ma faute aussi. Je crois que j'ai trop rêvé le film avant de le voir. Entre Cannes et sa sortie, des textes critiques, une belle bande annonce (c'est rare), l'hommage annoncé à Vaudou de Tourneur (Tilda est "Jessica Holland")...
Je me suis fait mon propre film, mes propres images, mon propre son, j'ai moi-même mis en scène les errances de Tilda Swinton dans la jungle (qui ne sont pas dans le film d'ailleurs). J'avais pas signé pour Balibar qui mange une glace sur un banc public. :ninja:
J'avais lu aussi, l'évocation d'un chien errant qui suivait TS de nuit dans la ville (là ce n'est plus Vaudou mais La Féline qui revient, le chien prenant la place du léopard), je me retrouve avec un plan très pauvre d'une place où un chien apparait en effet brièvement.
Et surtout, si ce qu'on attend de la durée au cinéma, c'est qu'il advienne quelque chose par l'effet de l'écoulement du temps, une sorte de transmutation, force est de constater qu'il n'advient pas grand chose dans ce film là, en tout cas dans sa partie urbaine. Le film entier aurait pu être l'investigation passionnante d'un son si Weerasetakul avait été Antonioni ou De Palma, mais ici il se casse les dents sur son concept, hésitant constamment entre le théorique et le sensoriel.
Et lorsque AW retrouve la jungle dans la deuxième partie du film, c'est bien trop tard. De plus cette partie me pose aussi un problème : elle est bien trop bavarde ! AW échoue à me faire ressentir et comprendre le fin mot de l'histoire autrement que par les dialogues explicatifs envahissants de l'ermite. Il me semble que dans ses précédents film AW ne se sentait pas obligé de tout expliquer au spectateur. Or ici en voulant peut être me prendre par la main, il me perd encore plus.
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sokol
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Tyra a écrit :
mar. 23 nov. 2021 16:33
Il me semble que dans ses précédents film AW ne se sentait pas obligé de tout expliquer au spectateur.
:jap: :jap: :jap:
Et là, tu as tout dis (au moins, en me concernant). Ce qui prouve qu’il s’est internationalisé (donc, «déthaïsé»)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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C'est quand même très "internationalisant" d'utiliser un mot comme "dethaisé", si je puis me permettre :o
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon a écrit :
mer. 24 nov. 2021 01:25
C'est quand même très "internationalisant" d'utiliser un mot comme "dethaisé", si je puis me permettre :o
Pour qu'on ne joue pas avec les mots : au cinéma, plus on est local, plus on devient universel, n'est pas ? Ok donc, ce sentiment qu'on a durant le film (on a l'impression que le cinéaste se sent obligé de tout expliquer au spectateur) je pense que ça vient du fait qu'il n'a pas tourner chez lui. C'est toi-même d’ailleurs qui dit très justement qu'on peut trahir (le cinéma, quoi d'autre ?) durant un tournage sans se rendre compte donc, les chances d'une telle trahison sont, inévitablement, plus élevé quand on ne tourne pas chez soit. Et là, c'est le cas (à mon avis et à celle de @Tyra, c'est tout)
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à part tout ça :
comment avez vous vu le vaisseau extra-terrestre ? Pour moi, il représente le nœud borroméen en psychanalyse (trois cercles entrelacés : si l’un d’eux se sépare, les autres sont libérés). Et on le voit bien ce cercle dans le film, quand le vaisseau s'en va
Modifié en dernier par sokol le jeu. 25 nov. 2021 16:45, modifié 1 fois.
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sokol a écrit :
mer. 24 nov. 2021 09:58
à part tout ça :
comment avez vous vu le vaisseau extra-terrestre ? Pour moi, il représente le nœud borroméen en psychanalyse (trois cercles entrelacés : si l’un d’eux se sépare, les autres sont libérés). Et on le voit bien ce cercle dans le film, quand le vaisseau s'en va
Ouch ! Ce spoil ! :o
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Tyra
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On parlait de Dune. :o
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Kahled a écrit :
mer. 24 nov. 2021 13:11

Ouch ! Ce spoil ! :o
Si tu n’avais pas vu le film, il ne fallait pas le lire (c’est pour cela que les spoilers existent, me semble t il)…
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sokol a écrit :
mer. 24 nov. 2021 22:55
Kahled a écrit :
mer. 24 nov. 2021 13:11

Ouch ! Ce spoil ! :o
Si tu n’avais pas vu le film, il ne fallait pas le lire (c’est pour cela que les spoilers existent, me semble t il)…
Redescends, c’était juste de l’humour. :)
Et je parlais de ce qui n’était pas sous spoilers justement…
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sokol
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Kahled a écrit :
jeu. 25 nov. 2021 09:43
Redescends, c’était juste de l’humour. :)
Et je parlais de ce qui n’était pas sous spoilers justement…
Excuse, je n'avais pas compris (les émoticônes peuvent être trompeuses)

tu as vu le film ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Hésite pas à modifier ton com sokol, je pense que ca peut être frustrant pour les gens qui l'ont pas vu ;)
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sokol a écrit :
jeu. 25 nov. 2021 13:26
Kahled a écrit :
jeu. 25 nov. 2021 09:43
Redescends, c’était juste de l’humour. :)
Et je parlais de ce qui n’était pas sous spoilers justement…
Excuse, je n'avais pas compris (les émoticônes peuvent être trompeuses)

tu as vu le film ?
Pas de problème. ;)

Non pas encore vu le film, il va falloir que je me programme une séance sur Paris parce que mon cinéma ne semble pas vouloir le diffuser malheureusement.
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Tyra a écrit :
mer. 24 nov. 2021 17:04
On parlait de Dune. :o
ahahahaha, là, je comprends mieux :lol:
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groil_groil
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Salut !
encore 15 films de retard, encore moins de temps qu'avant, et encore que quelques mots jetés.
j'espère que ça ira mieux l'année prochaine !
en tout cas je ne lâche pas le site, et j'en ai d'ailleurs parlé dans une interview récemment, je vous indiquerai sa publication prochaine, je suis certain que ça va faire venir du monde :D

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Christian-Jacque croise deux romans de Maupassant pour un résultat pas inintéressant mais pépère et secondaire.

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J'avais peur que Joe adoucisse ou dénature son style à cause de la déterritorialisation de son nouveau film, mais il n'en est rien. Au contraire, Memoria est sans doute son film le plus radical, le plus obscur et le moins facile à décrypter automatiquement. Tant mieux d'ailleurs, car c'est pour cela qu'on va voir ses films. J'en suis sorti déboussolé, charmé bien sûr, en état d'apesanteur grâce à la seconde partie, mais j'avais besoin de remettre les choses en place avant d'affiner mon sentiment. Je n'ai rien lu sur le film, et je n'ai pas envie de lire dessus dans l'immédiat afin de me préserver de l'influence extérieure, ma relation avec Joe est aussi longue qu'intime. Si je pense qu'en sortant de la salle la première partie m'avait un peu déçu, sans doute par manque d'exotisme et par son caractère urbain, il n'en est rien quelques jours après. J'aime son côté citadin, son travail sur le son prodigieux, et ses mystères cachés. J'ai toujours comparé le cinéaste à Lynch, car ils sont les seuls de leur génération à posséder et déployer un univers personnel, qui ne ressemble à rien de ce qui existait au préalable et qui est totalement autonome, indépendant du cinéma contemporain qui se fait à côté du leur (tout en ayant influencé des générations de cinéastes en devenir qui feront toujours des pales copies de leur travail, on n'imite pas le génie), et le fait que Weerasethakul propose un tel travail sur le son est une preuve de plus de la parenté des deux cinéastes. Encore une fois coupé en deux, Memoria est un film qui ne cesse de grandir en moi depuis que je l'ai vu, et qui finira de toute évidence dans le peloton de tête de l'année.

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Enième revisionnage de cette bonne série B et cette fois en copie br restaurée de toute beauté. C'est surtout le livre qui est important pour moi, car il fut le 1er King lu à la prime adolescence, et je me souviens encore du traumatisme. Sans l'égaler, de loin, le film est tout de même de bonne facture.

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Si j'aime l'idée de faire un film branchouille sur le personnage en calquant l'intrigue sur celle du Diable s'habille en Prada et en balançant à burnes toute la bande son du rock fin 60's et 70's, le résultat, malgré une Emma Stone qui se démène, est une catastrophe totale. Car la référence au Diable est plus que gênante, c'est une pompe intégrale, et j'irai même jusqu'à dire que les seules choses intéressantes du film proviennent de cet emprunt fâcheux. Et parce que le film est monté comme une pub épileptique de 2h30 ou presque, avec des plans qui dépassent difficilement la seconde (il doit y en avoir des milliers) et qu'il en est de même avec la musique : 10 secondes de Beatles, succèdent à 10 secondes des Stones, puis à 10 secondes des Stooges, etc, sans temps mort et jusqu'à épuisement total du spectateur. On comprend vite que le cinéaste essaie de faire de Cruella son nouveau Joker, mais le résultat est aussi catastrophique qu'il était réussi avec l'ennemi juré de Batman.

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Je n'avais jamais autant apprécié le film que ce coup-ci en le montrant à mon gamin qui se cachait sous le plaid de peur (c'est que ça fonctionne encore) mais qui semblait aimer ça.

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Avec ce troisième volet on bascule doucement vers sûrement de la série B à la série Z mais ça reste encore un chouette plaisir coupable (à la limite certes) avec sa dose d'hémoglobine, de monstres dégueu et d'indice nichons.

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Un film de la Hammer aussi original qu'esthétique, dans un superbe noir et blanc, tourné intégralement en Camargue, avec donc de nombreux extérieurs, et une intrigue digne de Boileau-Narcejac, Clouzot ou Hitchcock. ça reste bien sûr de la série B, mais tant mieux car c'est justement le principe.

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Une des dernières adaptations de King "classique" avant qu'elles ne tombent quasiment toutes dans la série B (au mieux), et c'est chouette. ça pourrait être mieux, mais c'est quand même pas mal, un beau casting, une ampleur dans la reconstitution, ça manque juste de génie de mise en scène. A noter que j'ai vu la version restaurée de deux heures, et que je verrai un jour la version de 3 heures mais elle n'est pas restaurée, donc forcément moins attirante a priori.

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Des Places dans les Villes - Angela Schanelec (1999)

Deuxième long métrage de l'exigeante (le mot est faible) cinéaste allemande, et déjà toute sa grammaire présente et maitrisée. Une toute jeune femme en conflit léger avec sa mère, part en voyage scolaire en France, rencontre brièvement un garçon, rentre chez elle, se rend compte qu'elle est tombée enceinte, et repart à la recherche du garçon. Son style épuré, froid, minimal, colle très bien à ce récit et lui donne une épaisseur, une solidité aussi imposantes que le geste de la cinéaste.

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Prague, mars 92 - Angela Schanelec (1992)

un court-métrage de début de carrière très beau, à mi-chemin entre fiction (ou tentative de fiction) et documentaire.

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ça reste un chouette moment parce que c'est toujours cool de voir des films d'aventures de cette époque, avec des stars comme Gary Cooper, mais franchement c'est pas non plus géniale, la Mayo ne prend pas quoi... Déjà, alors que ce film est LA promesse de voyage idéale, le grand périple de Marco Polo est filmé en 30 secondes chrono, pas une de plus, il est quasi instantanément balancé en Chine, dans des scènes d'intérieur uniquement et avec des acteurs et actrices occidentaux aux yeux tirés avec du scotch pour faire chinois. Et puis, son aventure se résume au fait qu'il tombe amoureux d'une jeune femme déjà promise... Sans compter la misogynie latente qui est, même adoucie par le temps passé, franchement insupportable.

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Belle surprise, surtout venant d'un cinéaste dont je n'attend pas (plus) grand chose (mais je vais tout de même voir son dernier). Celui-ci est un formidable pont tiré entre le cinéma d'auteur et le cinéma de genre, montrant que les deux peuvent parfaitement cohabiter, qui plus est aux moyens d'une mise en scène, d'une photographie et d'une ambiance générale absolument magnifiques.

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Alors qu'elle se rend à l'hopital assister à la mort de sa mère, une femme mariée y rencontre un homme et en tombe éperdument amoureuse. Débute une liaison aussi intense que dévastatrice. Un Bergman peu connu, tourné à moitié en suédois et (très très grosse moitié) en anglais, mais un film aussi mal aimable que magnifique, dans lequel Bergman se fait caméléon, car sans rien renier de son style, de ses obsessions, de sa science du cadre, il joue aussi à merveille au cinéaste américain de comédie dramatique des 70's, anticipant des oeuvres phares comme Love Story, Kramer contre Kramer, ce genre. Bref, un petit bijou que je crois méconnu.

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Je ne l'avais jamais vu, c'est même le genre de films sur lequel je daubais à l'époque de sa sortie, mais ça fait un ou deux que j'avais envie de le voir, ce film me paraissait malgré mes réserves plein de promesses, et plein de choses que j'ai envie de voir en ce moment. C'est bien de changer, d'évoluer dans sa cinéphilie, car j'ai bien évidemment adoré, c'est une merveilleuse comédie romantique, magnifiquement écrite, interprétée et réalisée (c'est en effet l'un des plus beaux films de Peter Weir à mes yeux). MacDowell et Depardieu sont monstrueux, magnifiques, ils brûlent l'écran de leur grâce naturelle. C'est dire le génie de Depardieu d'ailleurs, on le parachute dans un rôle taillé pour Harrison Ford, dans un film d'une major américaine signé par un maitre du genre et il brille de mille feux, il est incandescent. Ah et l'image est sublime, l'appartement du faux couple est hallucinant (j'accorde beaucoup d'importance aux lieux de vie dans les films, j'ai longtemps voulu écrire dessus et je ne le ferais sans doute jamais, dommage, et celui-ci est totalement génial), et la ville de New York fin 80's magnifiquement filmée, sublimée, si besoin était... Voilà de toute évidence un de mes nouveaux films doudous, à ranger juste à côté de Working Girl.

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Que je n'avais étonnamment jamais vu. C'est un cinéma radical, à forte personnalité, à ranger entre les Buñuel français et les Joël Séria où il trouve parfaitement sa place. C'est violent et sans concession, et même si Lafont est absolument brillante dans le rôle, mon seul bémol vient peut-être du côté un peu trop schématique de l'ensemble, c'est à dire que les profils psychologiques sont vraiment trop gras, tracés à la truelle, sans finesse aucune. Mais bien évidemment c'est pour enfoncer le clou de ce qu'il y a à dénoncer, et comme c'est fait par une femme, c'est évidemment encore plus acceptable, défendable, essentiel.
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groil_groil
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Je me souviens quand le film est sorti que c'est à ce moment-là que j'avais commencé à me détacher du cinéma d'Almodovar. Au revisionnage, je suis un petit peu plus indulgent qu'avant, mais je continue à trouver le film raté. Raté, car trop emberlificoté dans ses strates narratives, disons qu'il pousse la structure élaborée sur Parle avec Elle à l'extrême et qu'elle ne fonctionne plus. Il est trop sûr de ses effets et ne se pose plus la question de la réception. Il y a pourtant de belles choses dans le film, ce coup-ci je les ai vues, mais elles seront par exemple beaucoup mieux mises en valeur dans un film récent comme Douleur et Gloire par exemple.

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Très content de voir l'excellent Samir Guesmi à la réalisation. C'est donc un premier film, et ça se voit. Disons que le ton est bon, honnête, mais que l'ensemble est encore un peu trop schématique pour emporter l'adhésion totale. Bref, c'est tout simple, on sent l'envie de bien faire, de trop bien faire, d'où ce côté un peu scolaire, programmatique. Mais l'honnêteté du projet l'emporte.

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Mouaif... tout ça pour ça... Disons que ça se regarde, mais sans plus... Le côté Rashomon de 2h30 n'apporte strictement rien à l'histoire et n'est qu'un artifice totalement gratuit; à quoi ça sert de raconter 3 fois la même histoire si c'est pour ne jamais ramener de point de vue nouveau sur ce qu'on vient de voir ? Du remplissage, et même pas très bien troussé, les erreurs historiques, de costumes, de décors étant tellement nombreuses qu'on finit par ne plus les compter et par ne plus s'en formaliser... Disons que le Moyen Âge montré par Hollywood est un Moyen Âge totalement fantasmé, déconnecté d'avec toute véracité historique, mais qui s'est installé comme étant la seule représentation possible de l'époque à tel point qu'elle est devenue une sorte de nouvelle norme totalement imaginaire (c'est le cas en bande dessinée par exemple).

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Un excellent Mervyn LeRoy des 30's qui démonte sans retenue les abus de pouvoir d'une certaine presse d'alors (le pouvoir de la presse écrite d'alors laisse rêveur ou pantois, quand on voit ce que c'est devenu) allant jusqu'à ruiner des vies de familles entières et poussant les gens au suicide. Une démonstration imparable.
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Tyra
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Rapidement, pas grand chose à dire sur ces trois films :



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Recherche cinéaste désespérément.
La critique des cahiers est très bonne mais j'irais encore plus loin, Ridley Scott est-il un cinéaste ? Il est tant de se poser la question avec ses deux derniers films, pourtant pas les plus mauvais qu'il ait fait, loin de là.
Qu'est-ce qui anime, hante, obsède ce type ? L'impression de voir, depuis Alien qui était un très grand film, un caméléon qui passe de genre en genre, de style en style, sans personnalité, qui enchaine les films sans âme, sans point de vue, sans flame.
House of Gucci est donc un films de plus, alors que le sujet méritait tellement mieux, avec cette famille issue de l'aristocratie, fatiguée et mal taillée pour affronter le monde d'aujourd'hui et qui se bouffe de l'intérieur avant de se faire manger par les grands groupes capitalistes plus forts qu'elle.
Heureusement Lady Gaga et Adam Driver sont topissimes dans leurs rôles pourtant tracés à gros traits.

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C'est un film assez innovant : nous étions inondés de scénarios filmés, nous avons maintenant les notes d'intentions filmées. Pas envie de développer d'avantage sur ce ridicule amalgame d'influences mal digérées.


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Un film aux scènes et aux séquences inégales, tantôt très belles, tantôt mal foutues, qui m'a constamment tenu sur le fil du rasoir entre acceptation et rejet. Mais je reconnais bien une grande qualité au film, celle de me marquer de nombreux jours après sa vision.
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Tamponn Destartinn
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Tyra a écrit :
jeu. 2 déc. 2021 16:55
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C'est un film assez innovant : nous étions inondés de scénarios filmés, nous avons maintenant les notes d'intentions filmées. Pas envie de développer d'avantage sur ce ridicule amalgame d'influences mal digérées.

C'est ultra dur mais, sans partager, je crois que c'est la meilleure critique incendiaire que j'ai lu sur ce film :D
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asketoner
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:hello: tout le monde !

Je continuais de vous lire mais plus d'écrire, parce que je n'avais plus internet que sur mon téléphone. J'ai donc pris 5 semaines de retard, que je vais essayer de rattraper au fur et à mesure.

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Julie en 12 chapitres, Joachim Trier

Il y a une scène dans le film où Julie apprend par la télévision que son ex est accusé de sexisme. C'est très intéressant que ça passe par la télévision, ça dit bien à quel point le politique est relégué à la polémique, à la communication. Tout se passe sur l'écran, rien n'en déborde : la politique n'atteint pas les personnages, d'aucune façon. Julie avait bien eu, au début du film, l'impression que les bd de son mec étaient un peu limite. Mais elle s'en était tirée en écrivant un post Facebook sur la difficulté de tailler des pipes après metoo, et quelques réflexions bienvenues en société au sujet du mansplaining. (De toute façon, elle ne risquait pas de comprendre grand chose, ayant développé avec son propre père un rapport de masochisme extrême la disqualifiant totalement sur le marché de la conscience et de l'émancipation.) D'ailleurs, de cette accusation lancée par des harpies de plateau télé caricaturales à mourir, le personnage masculin se relève très vite : le scénario lui a préparé un joli cancer pour assouvir ses pulsions christiques et éviter ainsi d'approfondir le sujet. Le film, tout en évitements, cherchant les larmes plutôt que la pensée, le contexte plutôt que la profondeur, est assez dégoûtant dans son ensemble. Mais ça ne doit pas être facile, me disais-je, de faire du cinéma dans un pays aussi riche que la Norvège.

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Le Policier, Nadav Lapid

Le style est déjà là, parfait, très stimulant. Mais le portrait du policier est si passionnant que j'ai peiné à m'intéresser à ce qui lui succède, quand le film suit soudain, à mi-parcours, une petite bande de révolutionnaires préparant un attentat. C'est plus brouillon, un peu convenu - et plus poseur aussi. J'aurais aimé suivre un peu plus loin les aventures de ce héros très viril qui attend un enfant et essaie de faire porter le chapeau d'une bavure à un collègue sur le point de mourir.

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Un instant d'innocence, Mohsen Makhmalbaf, 1996

Mohsen Makhmalbaf est l'acteur de Close-Up, le cinéaste dont on a usurpé l'identité. Un Instant d'innocence est clairement un hommage au film de Kiarostami, un hommage ou une suite, une manière de poursuivre la réflexion.
Là encore, la personne de Makhmalbaf est au centre du film. Je crois que c'est une figure centrale de la culture en Iran, dont tout le monde là-bas connaît l'histoire. Vingt ans plus tôt, il poignardait un policier et passait trois ans en prison, avant de devenir cinéaste, acteur et écrivain. Le film s'ouvre avec le policier, vingt ans après les faits, qui veut retrouver Makhmalbaf pour jouer dans un de ses films, et reconstituer la scène avec lui.
On connaît la puissance métaréflexive de ce cinéma iranien, animé par la quête d'une morale, d'une justice humaine qui mettrait tous les êtres humains et leurs intérêts particuliers sur un plan universel et équitable. (Ce cinéma qui fait société à la place de la société, en somme.) Le film de Makhmalbaf n'est pas moins savoureux de ce côté-là que celui de Kiarostami, pas aussi rigoureux peut-être (la fin façon western est un petit ratage kitsch), un peu plus exalté, pareillement stimulant.
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asketoner
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The French Dispatch, Wes Anderson

C'est le film où Wes Anderson dévoile le plus la façon dont son cinéma se construit : par la reconstitution d'un récit, et la tentative effrénée de trouver au langage et à sa rhétorique des équivalences visuelles, afin de former un monde à peu près ressemblant, logique, idéal. Ce vieux directeur de revue favorisant les travers de chacun de ses journalistes est assez émouvant, tant on peut y voir une forme d'autoportrait doux, où cadre très strict et expression exacerbée de la personnalité (plus encore que de la sensibilité, qui, elle, est tenue en laisse, sauvée de justesse de la corbeille à papier) font bon ménage. Tout, dans Franch Dispatch, relève d'hybridations semblables : Paris se superpose à Angoulême, l'Europe s'exporte jusqu'aux champs de maïs du Texas, la chronique culinaire tourne au récit policier, le conte borgésien se frotte à l'énième révision de mai 68, le noir et blanc réclame la couleur pour filmer les yeux et les peintures abstraites, et l'image animée supplante celle, filmée, à laquelle on s'était pourtant habitué... En somme, rien n'est à sa place - ou plutôt : tout y est absolument, mais n'y reste pas. Et là aussi, dans cette étrange profusion, cette instabilité, on entend Wes Anderson nous dire ce que ça fait de s'être à ce point déplacé, de n'être plus nulle part, sinon dans quelques films aux plans millimétrés, cherchant l'image inédite, comme le cuisinier japonais, en quête d'une saveur inespérée au péril de sa vie. A chaque instant, l'inventivité de Wes Anderson, son goût pour la surprise et la vitesse, menace le film. Mais il s'adonne à son travers avec passion. Et ça donne The French Dispatch.
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Tamponn Destartinn
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Excellente critique de Julie en 12 chapitres, moi aussi avec du recul, je ne résume le film plus qu'à cet élément honteux.
Mais ça ne doit pas être facile, me disais-je, de faire du cinéma dans un pays aussi riche que la Norvège.
et meilleur conclusion ever :D
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asketoner
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@Tamponn Destartinn :love2: :lol:

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Compartiment n6, Juho Kuosmanen

Les personnages ont vu Titanic, ils utilisent un caméscope, ils n'ont pas de téléphone portable : on peut en conclure que le film se situe quelque part entre 1997 et 2000. A sa façon, d'ailleurs, il s'agit d'un film historique, qui vient sceller la rencontre de deux territoires voisins, deux Laponies qui malgré des orientations politiques opposées convergent à l'unisson vers l'extrême-Nord et ses pétroglyphes vieux de 10000 ans. Ils partagent une même origine, quelque part non loin de Mourmansk, face à la mer gelée, sur des rochers usés.
Mais c'est un film de rencontre amoureuse avant tout, où c'est toujours l'inattendu qui gagne. Le cinéaste a vraiment ce talent de ne pas céder au drame, de ne pas laisser le scénario (et ses fameux coups du sort - cf Julie en 12 rebondissements) l'emporter. Il y avait quelques risques pourtant, avec une donnée homosexuelle posée sur le personnage de la fille qui aurait pu alimenter un dossier un peu lourdingue par la suite, mais pas du tout, l'homosexualité n'est là que pour créer de l'impossible a-priori, et le franchir (sans rien résoudre pour autant, sans rien annuler). Aussi le film est libre et beau et développe un sentiment très difficilement exprimable, propre au soulèvement amoureux, et au voyage - à la façon dont les sentiments changent en même temps que les paysages. (Le voyage ici n'est pas que métaphorique : l'amour déplace, oui, mais aussi : le voyage est ce qui permet à l'amour nouveau d'advenir, donc on n'est pas dans la pure métaphore, on est même dans le concret de deux langues étrangères (ce qui donne lieu à une fin grandiose).) Compartiment n6 montre à quel point la rencontre amoureuse est à la fois rencontre avec l'autre, mais aussi avec sa propre solitude. Les trente dernières minutes m'ont laissé dans un état d'extase assez similaire à ce que Blissfully yours avait provoqué en moi à sa sortie. Rares sont les films qui touchent au bonheur sans mièvrerie - qui trouvent le point où leurs personnages se soulèvent et deviennent l'expression la plus parfaite de l'inespéré.
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asketoner
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Tre Piani, Nanni Moretti

Je me demande tout de même, malgré la grande finesse du film, si pour dire cela il fallait à ce point flirter avec le soap opera. N'y avait-il pas une autre forme à trouver ? On n'est pas si loin de Drive my car, mais Hamaguchi donne à son scénario beaucoup de vie par sa direction d'acteurs notamment, alors que chez Moretti tout est très hiératique, un peu sec. Et le film déroule ses événements et ses ellipses, atteint l'émotion qu'il cherchait, m'émeut avec lui mais me gêne aussi parfois, à force d'efficacité. (En fait, c'est un peu comme si dans Drive my car il n'y avait eu que le début.)
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Tyra
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:hello:
Content de retrouver Asky !
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sokol
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Tyra a écrit :
jeu. 2 déc. 2021 16:55
, nous avons maintenant les notes d'intentions filmées.
Génial !! 👍
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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asketoner a écrit :
sam. 4 déc. 2021 18:28

Compartiment n6 montre à quel point la rencontre amoureuse est à la fois rencontre avec l'autre, mais aussi avec sa propre solitude.
Parfait ! 👍
T’entends @B-Lyndon ?

asketoner a écrit :
sam. 4 déc. 2021 18:28
Les trente dernières minutes m'ont laissé dans un état d'extase assez similaire à ce que Blissfully yours avait provoqué en moi à sa sortie. Rares sont les films qui touchent au bonheur sans mièvrerie - qui trouvent le point où leurs personnages se soulèvent et deviennent l'expression la plus parfaite de l'inespéré.
Ah ben voilà, moi qui adore parler d’un film en parlant surtout d’un autre : je cherchais, en vain, cette relation avec un autre film. Et c’était le film d’Apichatpong, bien sûr !!
Merci 🙏
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
lun. 6 déc. 2021 16:07
asketoner a écrit :
sam. 4 déc. 2021 18:28

Compartiment n6 montre à quel point la rencontre amoureuse est à la fois rencontre avec l'autre, mais aussi avec sa propre solitude.
Parfait ! 👍
T’entends @B-Lyndon ?

asketoner a écrit :
sam. 4 déc. 2021 18:28
Les trente dernières minutes m'ont laissé dans un état d'extase assez similaire à ce que Blissfully yours avait provoqué en moi à sa sortie. Rares sont les films qui touchent au bonheur sans mièvrerie - qui trouvent le point où leurs personnages se soulèvent et deviennent l'expression la plus parfaite de l'inespéré.
Ah ben voilà, moi qui adore parler d’un film en parlant surtout d’un autre : je cherchais, en vain, cette relation avec un autre film. Et c’était le film d’Apichatpong, bien sûr !!
Merci 🙏
Va falloir arrêter de me gonfler avec ce film :D
Plus sérieusement, je trouve le texte d'asky très stimulant et élégant mais tu vois il parle d'extase. Je n'ai pas ressenti cela. Je vous tout ce qu'il y a en puissance dans le film, pour moi il n'y touche pas encore assez suffisamment. C'est personnel.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
lun. 6 déc. 2021 19:35
Je vois tout ce qu'il y a en puissance dans le film, pour moi il n'y touche pas encore assez suffisamment. C'est personnel.
Si on va par là, in fine, c’est toujours personnel donc oui, «c’est personnel».
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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