Le Centre de Visionnage : Films et débats

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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 7 nov. 2022 19:58
la scène finale, je l'ai vu venir
Peux tu le dire en SPOILER aussi ? merci.

Sinon, en fait, vous êtes tout à fait d'accord entre vous car, l'un dit :
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 7 nov. 2022 19:58
Du coup, la seconde moitié du film, c'est le survivant qui vit avec sa culpabilité
et l'autre :
yhi a écrit :
mar. 8 nov. 2022 09:08
Le seul reproche que je pourrais faire c'est le côté manipulation scénaristique [...] alors que c'est un film sur la dépression, juste dans un but de te faire prendre le suicide encore plus en pleine gueule.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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Le chêne (Balanta) - Lucian Pintilie - 1992

La découverte de "La Reconstitution" (1968) de Lucian Pintille m'avait captivé. Deux adolescents, coupables d'un petit larcin, devaient rejouer leur acte pour la réalisation d'un film éducationnel. La mise en scène, précise et inventive, questionnait d'un mouvement conjoint tant le cinéma que la propagande.
Le chêne, 25 ans plus récent, n'aura pas eu le même effet pour moi, m'avérant incapable d'aller jusqu'au bout. Nous y suivons les péripéties d'une femme, hystérique bien sur, venant de perdre son père et tentant de s'échapper à son quotidien. Mais tout la ramène sans cesse à son point de départ. Nous pourrions y voir un ancien cousin du cinéma roumain contemporain narrant les dédales sociaux et administratifs du pays, dans une version humoristique et absurde. Un peu comme si les bourgeois de Bunuel étaient devenu des prolétaires roumains dans l'ère Ceausescu. Cette comparaison tient-elle la route ? Je ne suis pas sur. Et le film ? Pas bien sur non plus, mais il m'a paru trop vieillot (ha les blagues à base de baffes...) et éreintant pour vouloir en connaitre la conclusion.

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M'affairant plutôt à explorer plus ou moins adroitement le cinéma des quatre coins du globe, voilà presque longtemps que je n'avais pas vu un film américain grand public des années 80. Cela à un côté un peu rassurant tant tout y est proprement attendu et convenu. Pas grand chose à signaler ici, si ce n'est un film divertissant et régulièrement amusant, Landis sachant y faire. Deux choses tout de même :
-le fait que le cast ait été à 95% afro-américain à du être un évènement à l'époque (et ça l'est toujours de nos jours !), pourtant rien n'est fait pour rendre la chose comme un évènement ou une revendication à l'écran
-le rythme est particulièrement "doux" (pour ne pas dire mou) vu depuis 2020, ce qui donne l'occasion au film de se permettre de petit à côtés humoristiques plutôt plaisant, ce que je n'imagine plus pouvoir se faire de nos jours

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Akaler Shandhaney (A la recherche de la famine) - Mrinal Sen - 1982

Une équipe de tournage se rend dans la campagne Bengale pour y tourner un film sur la famine ayant frappé le pays en 1943. Tout d'abord bien accueilli, le projet attire progressivement les questions puis le mépris et le rejet des locaux.
Superposant sans cesse avec adresse les temporalités et réalités du quotidien du tournage/de l'histoire en tournage/des souvenirs des habitants, Akaler Shandhaney est un ambitieux film sur la puissance politique et émotionnelle de l'art et du cinéma, à la conclusion amer et pessimiste : n'ayant su s'attirer les faveurs des locaux, il est demandé à l'équipe d'abandonner leur projet et de rentrer chez eux dans leur entre-soi de créateurs privilégiés. La scission entre "peuple" et "intellectuel", entre "ville" et "campagne" semble ici indépassable...
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sokol
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Encore un mot sur "Le garçu" de Pialat :
Oui, c'est un documentaire sur Depardieu, tout comme "A bout de souffle" était un documentaire sur Belmondo (dixit Godard).

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Le problème c'est que, le deuxième, 30 ans après le premier, fonce dans la veine naturaliste (la preuve, les tournages dictatoriaux et perfectionnistes de Pialat)
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
mar. 8 nov. 2022 11:50

Le problème c'est que, le deuxième, 30 ans après le premier, fonce dans la veine naturaliste (la preuve, les tournages dictatoriaux et perfectionnistes de Pialat)

T'en es encore à reprocher à des cinéastes de s'inscrire dans une veine naturaliste ! on dirait un rédacteur des Cahiers d'aujourd'hui...
(et parler des tournages n'a aucun sens, ce que tu dis pourrait largement valoir pour les tournages de Godard - les deux étaient d'ailleurs tous sauf dictatoriaux)
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
mar. 8 nov. 2022 12:26
T'en es encore à reprocher à des cinéastes de s'inscrire dans une veine naturaliste ! on dirait un rédacteur des Cahiers d'aujourd'hui...
Non, tu sais bien que le terme naturaliste est problématique. Mais il est vrai que je trouvais un peu vain tant d'énergie dépensé de la part de Pialat pour la perfection du jeu des acteurs (or, il y a plein de plans magnifiques, Depardieu se suffit à lui seul etc etc - tout ça c'est des idées cinématographiques splendides !). Donc, pourquoi être si naturaliste ??? Parce que ça plait "au plus grand nombre" ? ;)
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
mar. 8 nov. 2022 11:29
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 7 nov. 2022 19:58
la scène finale, je l'ai vu venir
Peux tu le dire en SPOILER aussi ? merci.

Sinon, en fait, vous êtes tout à fait d'accord entre vous car, l'un dit :
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 7 nov. 2022 19:58
Du coup, la seconde moitié du film, c'est le survivant qui vit avec sa culpabilité
et l'autre :
yhi a écrit :
mar. 8 nov. 2022 09:08
Le seul reproche que je pourrais faire c'est le côté manipulation scénaristique [...] alors que c'est un film sur la dépression, juste dans un but de te faire prendre le suicide encore plus en pleine gueule.


Je croyais l'avoir déjà dit, mais le principe de la seconde partie de CLOSE est que le gamin survivant reste "de marbre", à comprendre "ne pleure pas" et continue à vivre sa vie l'air de rien, masquant au mieux sa culpabilité et n'en faisant part à personne. Et cela jusqu'à la fin, où il finit par enfin lâcher les vannes et chialer sa grosse race, le tout en avouant sa "culpabilité" à Emilie Dequenne, la mère de son pote mort, avec qui il était lui-même très proche. (et la mère lui pardonne. fin).

Et je l'ai déjà dit que j'étais d'accord avec yhi sur ce qu'il critique. On est en désaccord sur autre chose.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 8 nov. 2022 12:48
Je croyais l'avoir déjà dit, mais le principe de la seconde partie de CLOSE est que le gamin survivant reste "de marbre", à comprendre "ne pleure pas" et continue à vivre sa vie l'air de rien, masquant au mieux sa culpabilité et n'en faisant part à personne. Et cela jusqu'à la fin, où il finit par enfin lâcher les vannes et chialer sa grosse race, le tout en avouant sa "culpabilité" à Emilie Dequenne, la mère de son pote mort, avec qui il était lui-même très proche. (et la mère lui pardonne. fin).
C'est exactement la même chose que les frères Dardenne car, dans de telles circonstances cinématographiques, j'ai une envie folle de dire au cinéaste : non non non, dans la vie, il est impossible que ça se passe comme ça (Lokita n'existe pas, il n'y a pas de jeunes africaines comme elle, et qui ont cette vie si monochrome, si destinée : c'est juste un pur fantasme du cinéaste), tout comme ce que tu raconte par rapport à la deuxième moitié du film en question.
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B-Lyndon a écrit :
mar. 8 nov. 2022 12:26
on dirait un rédacteur des Cahiers d'aujourd'hui...
Cela s’appelle un procès d’intention car, jusqu'à preuve du contraire, ils restent assez bazino-daneyiste (l'ésprit des Cahiers quoi)
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
mar. 8 nov. 2022 12:56
Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 8 nov. 2022 12:48
Je croyais l'avoir déjà dit, mais le principe de la seconde partie de CLOSE est que le gamin survivant reste "de marbre", à comprendre "ne pleure pas" et continue à vivre sa vie l'air de rien, masquant au mieux sa culpabilité et n'en faisant part à personne. Et cela jusqu'à la fin, où il finit par enfin lâcher les vannes et chialer sa grosse race, le tout en avouant sa "culpabilité" à Emilie Dequenne, la mère de son pote mort, avec qui il était lui-même très proche. (et la mère lui pardonne. fin).
C'est exactement la même chose que les frères Dardenne car, dans de telles circonstances cinématographiques, j'ai une envie folle de dire au cinéaste : non non non, dans la vie, il est impossible que ça se passe comme ça (Lokita n'existe pas, il n'y a pas de jeunes africaines comme elle, et qui ont cette vie si monochrome, si destinée : c'est juste un pur fantasme du cinéaste), tout comme ce que tu raconte par rapport à la deuxième moitié du film en question.

Alors : pas du tout :lol:
Tu essaies de faire d'une pierre deux coups pour foutre dans le même sac tes ennemis de l'année, mais il dit qu'il voit vraiment pas le rapport :D
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yhi
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 8 nov. 2022 10:59
la situation précise et comment on va y arriver
Oui, c'est la question du comment qui donne sa valeur au film. On sait qu'on se dirige vers cette scène, mais on ne sait pas quand ni comment. Et tu as toi même dis que c'était mieux fichu que ce que tu aurais imaginé.
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yhi
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sokol a écrit :
mar. 8 nov. 2022 12:56
C'est exactement la même chose que les frères Dardenne car, dans de telles circonstances cinématographiques, j'ai une envie folle de dire au cinéaste : non non non, dans la vie, il est impossible que ça se passe comme ça (Lokita n'existe pas, il n'y a pas de jeunes africaines comme elle, et qui ont cette vie si monochrome, si destinée : c'est juste un pur fantasme du cinéaste), tout comme ce que tu raconte par rapport à la deuxième moitié du film en question.
Pour moi en tout cas la question n'est pas de savoir si ça existe, mais si j'y crois quand je le vois à l'écran. Tori et Lokita je n'y crois pas. Close j'y crois.
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sokol
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yhi a écrit :
mar. 8 nov. 2022 13:38
Pour moi en tout cas la question n'est pas de savoir si ça existe, mais si j'y crois quand je le vois à l'écran.
Oui bien sûr, il s'agit d'une croyance par rapport à ce qu'on voit à l'écran mais qui est toujours lié à la vie réelle (nous venons du même planète que les réalisateurs quoi).
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 8 nov. 2022 13:17
Tu essaies de faire d'une pierre deux coups pour foutre dans le même sac tes ennemis de l'année, mais il dit qu'il voit vraiment pas le rapport :D
si si, bien sur qu'il y a un rapport : si on avait donné des papier à Lokita elle serait toujours en vie = si on avait fait une éducation LGBTQIA+, Léo ne se serait pas suicidé
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asketoner
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B-Lyndon a écrit :
mar. 8 nov. 2022 11:22

D'accord avec toi en grande partie, même si je pense que ce que tu dis au début vaut pour Bowling Saturne mais pas pour le film précédent. D'ailleurs c'est ce que je reproche au film : la transposition du western dans le Var fonctionnait parce qu'il y avait tout un monde, toute une galerie de personnages, les gendarmes, les employés de la station service, les chasseurs, le GIGN, les plaignants, les habitants...Et on voyait tout ce beau monde s'exciter de la présence du meurtrier, à flanc de montagne. Un espèce de mouvement de déraillement collectif et d'espérance qu'arrive quelque chose d'autre, qui me touche toujours autant aujourd'hui (j'ai revu le film). Et puis, tu pourras dire ce que tu veux, mais le Rocher était filmé.
Là, c'est plus compliqué, aussi parce qu'à mon avis Mazuy n'est pas très forte pour faire des films "à un seul ton" comme lui a demandé son producteur. Elle est vite solennelle et un peu pachydermique. Je vois tous les critiques délirer sur le film parce que Mazuy tourne peu et que chacun de ses films est un petit évènement, mais il y a une chose qui me parait un peu incontestable : quand le film choisit la voie de l'enquête policière, c'est n'importe quoi, ne serait-ce que pour des raisons de crédibilité. On ne voit pas la ville bruisser, on entend pas l'inquiétude qui monte ou la rumeur de la mort, ça ne vit pas, tout est éteint. C'est que le film est fauché mais pas seulement, Paul Sanchez aussi était fauché et c'était mille fois plus vivant. Je crois que Mazuy balance entre l'audace de ce que tu dis (un film dans un non lieu) et un sentier très balisé. Je l'entends tout justifier en interview en disant "c'est une tragédie". D'accord, mais on y met quoi dans cette tragédie ? Le film finit par manquer terriblement de vie dans la deuxième partie, il ne fait qu'à peine investir des figures de cinéma qu'on connait par cœur et qu'on adore ailleurs. C'est un film piégé par sa cinéphilie, et si j'étais sévère je parlerai comme sokol, "inutile". En revanche, si je suis d'accord avec toi pour le début, cette bonne impression continue jusqu'à la fin de la première partie pour moi, et je trouve la scène de déchaînement de violence extraordinaire : on sent que c'est là que le film pense, et donne à penser. Dis moi où tu as vu ça cent fois, car je n'ai pas le souvenir de l'avoir vu ailleurs. Et surtout, la scène est un modèle de rythme, de découpage, de morale aussi : là Mazuy ne détourne pas les yeux, et se demande comment faire pour ne pas détourner les yeux. Et le plan dans la voiture où Armand accepte d'être devenu un meurtrier est très fort. Après ça on est d'accord, le film s'écroule.

Et moi je n'ai pas peur de dire que même si Moll est d'ordinairement un gros naze et Mazuy une grande cinéaste, pour ce coup-ci La Nuit du 12 est un bien meilleur film. Parce qu'il suit la voie qu'il a choisi, et s'y tient : ces flics sont vivants, beaux, drôles, tiraillés, on est au présent avec eux. Et surtout, Moll filme l'endroit où il choisit de tourner, il met en scène la circulation entre ce qu'il raconte et là où ça se déroule (peut-être même un peu trop finement, mais c'est là). Ca me fait chier pour Mazuy mais c'est comme ça, il parait que le prochain est une comédie, j'ai hâte de voir.
Je suis d'accord avec toi, ça marchait mieux à Forcalquier, peut-être tout simplement parce que Mazuy avait choisi de filmer au moins une chose de Forcalquier, cette roche, alors que de Caen on ne voit strictement rien (on a l'impression que ça pourrait être partout, et ça, c'est quand même souvent signe que ça n'est nulle part). En fait je me souviens très bien que tu m'avais parlé de Paul Sanchez et que raconté par toi ça faisait un film magnifique, et qu'en plus ce que tu racontais était indéniable - alors pourquoi pour moi ça ne le faisait pas trop ? Mystère...
Pour ce qui est de la scène clou-du-spectacle, franchement, peut-être qu'elle est mieux faite ou plus comme ci ou plus comme ça, il n'empêche, des scènes de viol et de meurtre, oui, on en a vu un sacré paquet, et le gros problème c'est que c'est une manière de céder au spectacle, donc au scénario. Tant qu'on a l'histoire d'un gars qui s'approche d'une voiture d'où s'échappe un foulard, et qui se met à dormir dans cette voiture en attendant que la conductrice le surprenne, là il y a beaucoup de beauté, une énigme, un suspens du jugement malgré l'évidente érotomanie du personnage. Mais voilà, l'homme enfile un blouson en peau de serpent et devient un concept, et les scènes deviennent des successions de temps forts et temps faibles... Alors un temps trop fort survient et il ne peut plus y avoir aucun film. C'est quand même tout sauf anodin que cette scène tue le film. En réalité le viol et meurtre auquel on assiste, c'est le viol et meurtre du cinéma. Le film devient inutile dès qu'il atteint ce point.
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Tyra
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Vous parlez de Forcalquier, mais pour connaitre un peu, il ne me semble pas que Paul Sanchez ait été tourné là bas (wiki indique le département du Var).
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sokol a écrit :
lun. 7 nov. 2022 22:51
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 7 nov. 2022 19:58
Vu que Sokol veut savoir (gros spoiler)
Aïe aïe aïe aïe aïe, il y a pire que les Dardenne donc ! Je me suis douté un peu d’ailleurs.

Ah l’époque de merde qu’on vit… . Comment le cinéma a pu en arriver là ? Faut supprimer le cinéma peut être. Mais comment ?
🤮
Et en plus ce "coup de force scénaristique" n'est absolument pas crédible, rien dans la première partie ne rend possible un un tel drame, le suicide d'un garçon de 11 ans pour une amourette d'été.
Et puis, il faut voir aussi comment Lucas Dhont amène la scène, comment il fait durer le suspense : le garçon manque l'appel le matin dans le car avant une sortie scolaire, créant une attente, et le soir on fait sortir tous les enfants du bus, excepté le protagoniste principal, qui voit sa mère s'avancer vers lui, hébétées, restant un temps interminable plantée devant lui, ne trouvant pas les mots pour annoncer le drame... Au secours !
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Tyra a écrit :
mer. 9 nov. 2022 13:27
sokol a écrit :
lun. 7 nov. 2022 22:51
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 7 nov. 2022 19:58
Vu que Sokol veut savoir (gros spoiler)
Aïe aïe aïe aïe aïe, il y a pire que les Dardenne donc ! Je me suis douté un peu d’ailleurs.

Ah l’époque de merde qu’on vit… . Comment le cinéma a pu en arriver là ? Faut supprimer le cinéma peut être. Mais comment ?
🤮
Et en plus ce "coup de force scénaristique" n'est absolument pas crédible, rien dans la première partie ne rend possible un un tel drame, le suicide d'un garçon de 11 ans pour une amourette d'été.
Et puis, il faut voir aussi comment Lucas Dhont amène la scène, comment il fait durer le suspense : le garçon manque l'appel le matin dans le car avant une sortie scolaire, créant une attente, et le soir on fait sortir tous les enfants du bus, excepté le protagoniste principal, qui voit sa mère s'avancer vers lui, hébétées, restant un temps interminable plantée devant lui, ne trouvant pas les mots pour annoncer le drame... Au secours !
Ah oui tu as raison c'est à Roquebrune, j'ai confondu...
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Tamponn Destartinn
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RMN
Ca c'est du Cinéma !

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DON JUAN
Ca c'est du Cinéma ?


A bientôt dans "chroniques express"
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Tamponn Destartinn
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 9 nov. 2022 15:25
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RMN
Ca c'est du Cinéma !

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DON JUAN
Ca c'est du Cinéma ?


A bientôt dans "chroniques express"


Quand même, juste un truc :
Je pense à R.M.N qui n'a rien eu à Cannes. Comme le Cronenberg, comme Les Amandiers (si, si), comme peut-être (j'espère !) le Serra et le Gray.
Et je pense à la palme pour Sans Filtre, au Grand Prix pour Close, au prix de la mise en scène pour Decision to Leave...
Bref, j'ai pas tout vu encore, mais c'est moi où le palmarès Cannes 2022 est un des pires jamais remis depuis longtemps ? (pour de vrai, et non comme on s'amuse à le dire chaque année, j'entends)
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sokol
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Tyra a écrit :
mer. 9 nov. 2022 13:27
Et en plus ce "coup de force scénaristique" n'est absolument pas crédible, rien dans la première partie ne rend possible un tel drame, le suicide d'un garçon de 11 ans pour une amourette d'été.
Les "coups de force scénaristique " ne sont jamais crédibles chez ce genre de cinéaste (on va dire, moralisateurs). Qui, bien évidement, sont les scénaristes de leurs films, penses bien.
Quelques exemple :
- On ne vend pas les enfants dans les pays européens ("L'enfant" des Dardenne)
- On ne tue pas le 'faux' mari d'une migrante pour que, une fois qu'elle obtient la nationalité du pays européen en question, elle épouse un riche mafieux étranger pour qu'il obtienne des papiers ("Le silence de Lorna", - les Dardenne)
- On ne vote pas la réintégration d'un salarié dans une entreprise en Europe ("Deux jours, une nuit" les Dardenne encore et toujours)
- etc etc
C'est dans ce sens aussi que je disais hier : non, Lokita n'existe pas.
Et là, je pense que c'est pareil : non, on ne se suicide pas à l'age de 11 ans pour une amourette d'été

Ces réalisateurs sont des monstres. Putain, le temps qu'il m'a fallu pour le comprendre, fait chier
Modifié en dernier par sokol le mer. 9 nov. 2022 16:12, modifié 3 fois.
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 9 nov. 2022 15:31
c'est moi où le palmarès Cannes 2022 est un des pires jamais remis depuis longtemps ? (pour de vrai, et non comme on s'amuse à le dire chaque année, j'entends)
Cannes 22 était très probablement le pires des festivals depuis un bon moment
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yhi
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Tyra a écrit :
mer. 9 nov. 2022 13:27
pour une amourette d'été.
:??: Ils se connaissent depuis 11 ans non ? Ils sont voisins.
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Tyra
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yhi a écrit :
mer. 9 nov. 2022 21:30
Tyra a écrit :
mer. 9 nov. 2022 13:27
pour une amourette d'été.
:??: Ils se connaissent depuis 11 ans non ? Ils sont voisins.
Oui mais la relation amoureuse se cristallise à ce moment là non ? De toute façon on ne sait pas grand chose de cette relation avant.
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sokol
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yhi a écrit :
mer. 9 nov. 2022 21:30
Tyra a écrit :
mer. 9 nov. 2022 13:27
pour une amourette d'été.
:??: Ils se connaissent depuis 11 ans non ? Ils sont voisins.
Ils ont 13 ans (dixit le synopsis du film) et ils se connaissent depuis 11 ans. Tu parles d'amour dès l'age de 2 ans (ou 4, ou 6) toi ? Eh ben ! J'ai eu de la chance dans ma vie alors car j'aurais pu me suicider plein de fois
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C'est l'un de mes films préférés. Je ne l'avais pas revu depuis longtemps car j'attends impatiemment une sortie bluray... qui ne vient pas... Le film est ressorti récemment, mais en dvd uniquement... quelle absurdité... mais je suis tombé sur une version remasterisée sur le replay d'arte et c'était l'occasion idéale de me replonger dans cette oeuvre si importante pour moi... et si importante pour le cinéma, tant ce film est pour moi une pierre angulaire, à la croisée de tant de mondes différents, tant de courants cinématographiques. Disons que Voyage en Italie marque la fin du néo-réalisme et travaille avec les cendres de celui-ci (ce n'est pas un hasard si l'une des scènes clés du film se déroule à Pompéi). Mais surtout le film inaugure avec plusieurs années d'avance le cinéma moderne dont la déferlante arrivera dès le début des années 60, et principalement son versant italien. Voyage en Italie c'est à la fois les films d'Antonioni des 60's et la Dolce Vita avec plusieurs années d'avance. L'intelligence de Rossellini c'est aussi d'employer deux grands acteurs Hollywoodiens pour tenir les premiers rôles, et ainsi tisser des ponts entre les cinémas américain et européens, et inscrire encore plus dans le marbre la fin de l'âge d'or Hollywoodien pour faire basculer le cinéma dans une ère de modernité. Un des films les plus essentiels de l'histoire du cinéma à mes yeux.

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Michel Simon joue le rôle d'un médecin alcoolique de petite ville qui va devenir, pour devenir, d'abord par hasard, mais ensuite par calcul, un assassin. Il est alcoolo, mais très malin, et parvient à ne pas se faire chopper, à n'éveiller aucun soupçon, et va distiller des indices pour faire accuser sa compagne, victime d'adultère, et donc forcément coupable... Sauf que lorsque celle-ci va se faire condamner, il va faire volte-face et s'accuser, mais il a tellement bien préparé son coup qu'il n'arrivera pas à changer les opinions... Formidable film noir à la française d'Henri Decoin, un cinéaste qui sait parfois être incroyablement pertinent. Michel Simon en fait parfois beaucoup trop, mais dans ce film-là il est parfait, absolument phénoménal.

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Avant de commencer cette intégrale passionnante, j'ignorais que Kinuyo Tanaka avait réalisé un film en couleurs, qui plus est en technicolor et en cinémascope. Pire, encore, elle qui n'a fait quasiment que des films contemporains, celui-ci est une reconstitution historique. Et sur un sujet fort, puisqu'il s'agit de l'histoire de l'invasion des Japonais de la province chinoise de Mandchourie en 1931, et plus précisément l'histoire d'une princesse japonaise dont le destin va être d'épouser le frère de l'Empereur de Mandchourie, jusqu'au moment où, à la fin de la guerre, le territoire est bombardé par les Russes, forçant la famille royale et son peuple à fuir. La seconde partie du film sera consacrée à l'exil de la princesse, d'où le titre, jusqu'à son retour à la demeure familiale au Japon, doublement marqué par le deuil de sa fille, et l'emprisonnement de son mari... Bon, bref, ce genre de grande fresque historique pourrait être très académique (pour ne pas dire chiant) confié à un cinéaste plan-plan, mais Tanaka prouve, même en sortant de ses codes habituels, qu'elle est une cinéaste d'exception, et qu'elle est capable de s'emparer de n'importe quel sujet pour le transcender et en faire une grande oeuvre d'art. Bien qu'historique et précis, le film est toujours d'une parfaite clarté narrative, on n'est jamais paumé, et toujours du côté des personnages (surtout des femmes, l'une des autres grandes particularités de la cinéaste) plutôt que de la Grande Histoire (qui apparait plus comme une toile de fond pour mettre en avant des destins tragiques). Mais surtout, c'est là le principal, le film est hallucinamment beau en terme de mise en scène, d'image, c'est magnifique, sublime dans chaque plan et en fait l'équivalent japonais des grands films de Minnelli ou de Douglas Sirk.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 9 nov. 2022 15:31

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Ce qui est magnifique dans ce plan-séquence de 17 minutes n'est pas le fait de filmer tout le débat de la salle dans le même plan mais de voir pendant les 17 minutes à quel point Marin, le héros principal, est attaché à Csilla (toute froide envers lui), ce qui explique d'ailleurs son comportement dans la toute dernière scène du film
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner
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Butterfly Vision, Maksym Nakonechnyi

C'est intéressant de voir un film ukrainien faire état par lui-même des milices extrémistes qui se sont formées dans le pays suite à la guerre du Donbass.
Mais au-delà du sujet, le film est une petite catastrophe, impuissant à rendre un petit peu vivante la moindre scène.

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R.M.N., Cristian Mungiu

Là aussi, il est question de la persécution des Roms en Europe, ils sont véritablement les fantômes du film, et pour moi, ce que voit le petit garçon dans le plan d'ouverture, auquel Mungiu ne donne pas de contrechamp, c'est eux : les Roms pourchassés. Le petit garçon voit soudain sur quoi se fonde la société dans laquelle il grandit (il en a l'intuition), et il se tait, parce que c'est la seule loi qui règne ici : celle du déni, du refus catégorique de l'autre, de la possibilité de décider de l'éviction de certaines personnes selon des critères uniquement narcissiques. C'est ce que Lacan nomme : le narcissisme des petites différences (l'autre nom du racisme). Tout le monde est dans le même bateau troué, mais tout le monde veut la meilleure place assise pour assister au naufrage et conteste à l'autre le droit d'y prétendre lui aussi.
Le petit garçon se tait, tandis que tout le monde parle pour donner son avis. (Le garçon, lui, par la parole, ne veut donner que son amour.) Avant d'en venir à l'extraordinaire plan séquence de la réunion municipale, Mungiu a organisé, par sa mise en scène monstrueusement précise et fine (comme toujours), une série de surgissements, de rencontres, de chocs, de croisements. L'espace du village semble ouvert et surtout traversé de toutes parts par toutes sortes d'êtres (les animaux aussi ont leur place dans le film, les renards notamment). Et quand enfin tout le monde se réunit (à l'exception des grands exclus : le vieux qui ne peut plus se déplacer et les étrangers sur le sort desquels on statue), la parole explose. Le débat ne fait qu'envenimer la situation, en séparant un peu plus ceux qui ne voulaient déjà plus se rejoindre. C'est un débat d'aujourd'hui, où la parole n'est rien de plus que le vecteur d'une excitation nocive. Seul le drame, en réalité, réunifie la foule. Et Mungiu transforme son film en un tableau de Brueghel sur la pente d'une colline enneigée.

Je suis d'accord avec Sokol sur le plan séquence : il n'aurait pas grand intérêt sans les mains des amants.
Et je ne suis pas d'accord : la fille n'est pas froide, elle accepte l'étreinte, mais la refuse dès lors que l'homme la trahit. C'est là où le film est beau : ce n'est pas l'homme sentimental contre la femme d'affaires (comme dans Toni Erdmann), mais bien plutôt l'amour rendu impossible par la politique.

Et quelle tristesse de penser que Ostlund a eu une deuxième palme d'or avec un film qui ne fait qu'opposer (riches et pauvres, marxistes et capitalistes, hommes et femmes, tradition et modernité), quand Mungiu, lui, tente de tout faire tenir ensemble pour voir, par l'expérience du cinéma, comment ça circule malgré tout (par quelles mains cela circule encore).
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Kit
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groil_groil a écrit :
jeu. 10 nov. 2022 12:01
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C'est l'un de mes films préférés. Je ne l'avais pas revu depuis longtemps car j'attends impatiemment une sortie bluray... qui ne vient pas... Le film est ressorti récemment, mais en dvd uniquement... quelle absurdité... mais je suis tombé sur une version remasterisée sur le replay d'arte et c'était l'occasion idéale de me replonger dans cette oeuvre si importante pour moi... et si importante pour le cinéma, tant ce film est pour moi une pierre angulaire, à la croisée de tant de mondes différents, tant de courants cinématographiques. Disons que Voyage en Italie marque la fin du néo-réalisme et travaille avec les cendres de celui-ci (ce n'est pas un hasard si l'une des scènes clés du film se déroule à Pompéi). Mais surtout le film inaugure avec plusieurs années d'avance le cinéma moderne dont la déferlante arrivera dès le début des années 60, et principalement son versant italien. Voyage en Italie c'est à la fois les films d'Antonioni des 60's et la Dolce Vita avec plusieurs années d'avance. L'intelligence de Rossellini c'est aussi d'employer deux grands acteurs Hollywoodiens pour tenir les premiers rôles, et ainsi tisser des ponts entre les cinémas américain et européens, et inscrire encore plus dans le marbre la fin de l'âge d'or Hollywoodien pour faire basculer le cinéma dans une ère de modernité. Un des films les plus essentiels de l'histoire du cinéma à mes yeux.
il lui a fallu 3 titres français ?
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sokol
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asketoner a écrit :
jeu. 10 nov. 2022 22:24
Et je ne suis pas d'accord : la fille n'est pas froide, elle accepte l'étreinte, mais la refuse dès lors que l'homme la trahit.
Tu as raison, je n’avais plus suivi (pris par les débats, sans doute) le comportement des deux. Donc, si je me souviens bien, Marin prend la parole aussi, c’est bien ça ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner
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sokol a écrit :
ven. 11 nov. 2022 10:27
asketoner a écrit :
jeu. 10 nov. 2022 22:24
Et je ne suis pas d'accord : la fille n'est pas froide, elle accepte l'étreinte, mais la refuse dès lors que l'homme la trahit.
Tu as raison, je n’avais plus suivi (pris par les débats, sans doute) le comportement des deux. Donc, si je me souviens bien, Marin prend la parole aussi, c’est bien ça ?
Oui, sans s'engager contre l'opinion massive des villageois, alors qu'elle le lui demande implicitement. Il n'ose pas prendre parti, alors elle retire sa main. Mais elle la lui redonne ensuite.
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
ven. 11 nov. 2022 10:44
sokol a écrit :
ven. 11 nov. 2022 10:27
asketoner a écrit :
jeu. 10 nov. 2022 22:24
Et je ne suis pas d'accord : la fille n'est pas froide, elle accepte l'étreinte, mais la refuse dès lors que l'homme la trahit.
Tu as raison, je n’avais plus suivi (pris par les débats, sans doute) le comportement des deux. Donc, si je me souviens bien, Marin prend la parole aussi, c’est bien ça ?
Oui, sans s'engager contre l'opinion massive des villageois, alors qu'elle le lui demande implicitement. Il n'ose pas prendre parti, alors elle retire sa main. Mais elle la lui redonne ensuite.

Et question : comment avez vous interprété la fin ?
Le film me paraissait tellement limpide/rationnel jusqu'alors, j'ai été pris par surprise et je ne suis pas sûr d'avoir tout compris. (mais c'est fort : j'ai envie de revoir le film spécifiquement pour revoir ce dernier plan !)
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asketoner
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Oui ça c'est le gros débat, la fin !
Tous les gens que je connais qui ont vu le film m'en parlent, et même à la sortie de la séance précédente tout le monde en discutait.
Le fait que le cinéaste n'ait pas vraiment tranché entre nous faire croire qu'il s'agit de vrais animaux, ou au contraire qu'il s'agit clairement de gens costumés, ça laisse le sens un peu suspendu. Soit c'est la forêt qui se réveille et décide de se débarrasser des humains (et ça peut très bien être une projection imaginaire du personnage à ce sujet, comme si son fils lui avait transmis l'aptitude aux visions horrifiques), soit c'est la petite milice qui a cassé la vitre de la maison des srilankais qui a considérablement grossi et qui n'a plus peur d'être démasquée... Enfin c'est ce que je me suis dit.
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
ven. 11 nov. 2022 13:57
Oui ça c'est le gros débat, la fin !
Tous les gens que je connais qui ont vu le film m'en parlent, et même à la sortie de la séance précédente tout le monde en discutait.
Le fait que le cinéaste n'ait pas vraiment tranché entre nous faire croire qu'il s'agit de vrais animaux, ou au contraire qu'il s'agit clairement de gens costumés, ça laisse le sens un peu suspendu. Soit c'est la forêt qui se réveille et décide de se débarrasser des humains (et ça peut très bien être une projection imaginaire du personnage à ce sujet, comme si son fils lui avait transmis l'aptitude aux visions horrifiques), soit c'est la petite milice qui a cassé la vitre de la maison des srilankais qui a considérablement grossi et qui n'a plus peur d'être démasquée... Enfin c'est ce que je me suis dit.
Ah c'est drôle, car de mon côté j'ai pensé à l'inverse de la milice !
On dirait que Csilla piège Matthias. Le fait qu'elle retourne jouer du violoncelle une fois qu'il est encerclé... Et aussi, on découvre juste avant qu'elle traine avec le français qui recense les ours (!) et qu'ils semblent avoir un plan dont on a été exclu. Le français vient rendre le fusil à Matthias à la demande de Csilla, etc.
Ma théorie préférée est la plus fantastique : ce sont de vrais ours. Mais ils peuvent aussi symboliser les rejetés du village (les roms invisibles)
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B-Lyndon
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asketoner a écrit :
jeu. 10 nov. 2022 22:24

R.M.N., Cristian Mungiu

Là aussi, il est question de la persécution des Roms en Europe, ils sont véritablement les fantômes du film, et pour moi, ce que voit le petit garçon dans le plan d'ouverture, auquel Mungiu ne donne pas de contrechamp, c'est eux : les Roms pourchassés. Le petit garçon voit soudain sur quoi se fonde la société dans laquelle il grandit (il en a l'intuition), et il se tait, parce que c'est la seule loi qui règne ici : celle du déni, du refus catégorique de l'autre, de la possibilité de décider de l'éviction de certaines personnes selon des critères uniquement narcissiques. C'est ce que Lacan nomme : le narcissisme des petites différences (l'autre nom du racisme). Tout le monde est dans le même bateau troué, mais tout le monde veut la meilleure place assise pour assister au naufrage et conteste à l'autre le droit d'y prétendre lui aussi.
Le petit garçon se tait, tandis que tout le monde parle pour donner son avis. (Le garçon, lui, par la parole, ne veut donner que son amour.) Avant d'en venir à l'extraordinaire plan séquence de la réunion municipale, Mungiu a organisé, par sa mise en scène monstrueusement précise et fine (comme toujours), une série de surgissements, de rencontres, de chocs, de croisements. L'espace du village semble ouvert et surtout traversé de toutes parts par toutes sortes d'êtres (les animaux aussi ont leur place dans le film, les renards notamment). Et quand enfin tout le monde se réunit (à l'exception des grands exclus : le vieux qui ne peut plus se déplacer et les étrangers sur le sort desquels on statue), la parole explose. Le débat ne fait qu'envenimer la situation, en séparant un peu plus ceux qui ne voulaient déjà plus se rejoindre. C'est un débat d'aujourd'hui, où la parole n'est rien de plus que le vecteur d'une excitation nocive. Seul le drame, en réalité, réunifie la foule. Et Mungiu transforme son film en un tableau de Brueghel sur la pente d'une colline enneigée.

Je suis d'accord avec Sokol sur le plan séquence : il n'aurait pas grand intérêt sans les mains des amants.
Et je ne suis pas d'accord : la fille n'est pas froide, elle accepte l'étreinte, mais la refuse dès lors que l'homme la trahit. C'est là où le film est beau : ce n'est pas l'homme sentimental contre la femme d'affaires (comme dans Toni Erdmann), mais bien plutôt l'amour rendu impossible par la politique.

Et quelle tristesse de penser que Ostlund a eu une deuxième palme d'or avec un film qui ne fait qu'opposer (riches et pauvres, marxistes et capitalistes, hommes et femmes, tradition et modernité), quand Mungiu, lui, tente de tout faire tenir ensemble pour voir, par l'expérience du cinéma, comment ça circule malgré tout (par quelles mains cela circule encore).

Content que tu aies aimé ce grand film qu'est R.M.N, je ne pensais pas y retourner mais ton texte me donne envie de le revoir.
Evidemment que la force de ce plan sublime d'assemblée, ce sont les mains qu'on attrape ou pas. C'est ce qui est beau dans tout le film : l'amour est toujours en question au centre de l'image (la scène sublime du "je t'aime" en plusieurs langues, et la crudité du corps nu, un peu bleu et froid, de Csilla avec son verre de vin).
Je trouve le film parfois un peu trop efficace (Munigu, contrairement à tant d'autres cinéastes qui n'ont pas son talent, est un vrai poète mais il en a un peu peur et il gagnerait à laisser plus de temps vides, suspendus, même si le silence du gamin suffit parfois). Et cette fin, ce n'est pas qu'elle est pas brillante (dans mes souvenirs le plan, la musique de In the mood for love, tout cela est vraiment superbe), mais que je sens Mungiu céder à une tentation un peu "démiurgique", choisissant la piste occulte là où tout le film me semble très clair, tranchant, suspendu à l'analyse des structures qui fondent une société, et la fin vient mettre un mystère, un truc un peu à clé, qui n'est pas cohérent avec ce que le film était. Il n'a pas osé finir simplement parce qu'il a eu peur de boucler, hors, comme disait Godard, il faut savoir simplement suspendre, s'arrêter là, comme un tableau (de Brueghel, en l'occurrence - quelle beauté, tout ce moment de l'assemblée et ce qui s'ensuit : on parle, on en vient aux mains, et pendant ce temps là, dans la forêt, un homme et mort et un enfant muet pourra dire a son père qu'il l'aime. On dirait de la poésie iranienne, et je n'oublie pas que dans son dernier film, Kiarostami a essayé de mettre en mouvement les chasseurs de Brueghel). Toujours est-il qu'en n'osant pas nous quitter comme ça, la fin me paraît un peu trop occulte et symbolique, Mungiu se met un au dessus de la mêlée (de nous et de ses personnages, là où ce qui est beau dans le film, comme tu dis, c'est qu'il est au milieu d'eux, fait partie d'eux, ce qui n'empêche pas la distance). Mais je peux me tromper.
Modifié en dernier par B-Lyndon le ven. 11 nov. 2022 18:39, modifié 2 fois.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol a écrit :
jeu. 10 nov. 2022 16:30
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 9 nov. 2022 15:31

Image
Ce qui est magnifique dans ce plan-séquence de 17 minutes n'est pas le fait de filmer tout le débat de la salle dans le même plan mais de voir pendant les 17 minutes à quel point Marin, le héros principal, est attaché à Csilla (toute froide envers lui), ce qui explique d'ailleurs son comportement dans la toute dernière scène du film
:love2:
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Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 11 nov. 2022 14:09
asketoner a écrit :
ven. 11 nov. 2022 13:57
Oui ça c'est le gros débat, la fin !
Tous les gens que je connais qui ont vu le film m'en parlent, et même à la sortie de la séance précédente tout le monde en discutait.
Le fait que le cinéaste n'ait pas vraiment tranché entre nous faire croire qu'il s'agit de vrais animaux, ou au contraire qu'il s'agit clairement de gens costumés, ça laisse le sens un peu suspendu. Soit c'est la forêt qui se réveille et décide de se débarrasser des humains (et ça peut très bien être une projection imaginaire du personnage à ce sujet, comme si son fils lui avait transmis l'aptitude aux visions horrifiques), soit c'est la petite milice qui a cassé la vitre de la maison des srilankais qui a considérablement grossi et qui n'a plus peur d'être démasquée... Enfin c'est ce que je me suis dit.
Ah c'est drôle, car de mon côté j'ai pensé à l'inverse de la milice !
On dirait que Csilla piège Matthias. Le fait qu'elle retourne jouer du violoncelle une fois qu'il est encerclé... Et aussi, on découvre juste avant qu'elle traine avec le français qui recense les ours (!) et qu'ils semblent avoir un plan dont on a été exclu. Le français vient rendre le fusil à Matthias à la demande de Csilla, etc.
Ma théorie préférée est la plus fantastique : ce sont de vrais ours. Mais ils peuvent aussi symboliser les rejetés du village (les roms invisibles)

Je vous partage une lecture que m'en a faite un ami, qui me semble à mon avis pertinente : J’ai compris ça comme la fin tragique d’un homme qui se retrouve piégé à la lisière entre un monde un peu occulte, qui est l’espèce de menace fantôme que la xénophobie du village a construite (et du coup a l’air d’être symbolisée par la bête sauvage ou ces costumes traditionnels d’ours ?) et la vie qu’il aurait pu avoir avec cette femme, qui se retrouve comme par magie à revenir dans son foyer et jouer du violon comme si rien ne s’était passé

Enfin en fait ce qui se tisse depuis le début pour lui, c’est à dire de n’appartenir à aucun pays, à aucune maison et finalement jamais vraiment à une idéologie
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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B-Lyndon a écrit :
ven. 11 nov. 2022 18:41
Tamponn Destartinn a écrit :
ven. 11 nov. 2022 14:09
asketoner a écrit :
ven. 11 nov. 2022 13:57
Oui ça c'est le gros débat, la fin !
Tous les gens que je connais qui ont vu le film m'en parlent, et même à la sortie de la séance précédente tout le monde en discutait.
Le fait que le cinéaste n'ait pas vraiment tranché entre nous faire croire qu'il s'agit de vrais animaux, ou au contraire qu'il s'agit clairement de gens costumés, ça laisse le sens un peu suspendu. Soit c'est la forêt qui se réveille et décide de se débarrasser des humains (et ça peut très bien être une projection imaginaire du personnage à ce sujet, comme si son fils lui avait transmis l'aptitude aux visions horrifiques), soit c'est la petite milice qui a cassé la vitre de la maison des srilankais qui a considérablement grossi et qui n'a plus peur d'être démasquée... Enfin c'est ce que je me suis dit.
Ah c'est drôle, car de mon côté j'ai pensé à l'inverse de la milice !
On dirait que Csilla piège Matthias. Le fait qu'elle retourne jouer du violoncelle une fois qu'il est encerclé... Et aussi, on découvre juste avant qu'elle traine avec le français qui recense les ours (!) et qu'ils semblent avoir un plan dont on a été exclu. Le français vient rendre le fusil à Matthias à la demande de Csilla, etc.
Ma théorie préférée est la plus fantastique : ce sont de vrais ours. Mais ils peuvent aussi symboliser les rejetés du village (les roms invisibles)

Je vous partage une lecture que m'en a faite un ami, qui me semble à mon avis pertinente : J’ai compris ça comme la fin tragique d’un homme qui se retrouve piégé à la lisière entre un monde un peu occulte, qui est l’espèce de menace fantôme que la xénophobie du village a construite (et du coup a l’air d’être symbolisée par la bête sauvage ou ces costumes traditionnels d’ours ?) et la vie qu’il aurait pu avoir avec cette femme, qui se retrouve comme par magie à revenir dans son foyer et jouer du violon comme si rien ne s’était passé

Enfin en fait ce qui se tisse depuis le début pour lui, c’est à dire de n’appartenir à aucun pays, à aucune maison et finalement jamais vraiment à une idéologie


Intéressant, en effet.
Bref, cette fin, c'est quand même autre chose que la toupie de mes deux d'Inception :D
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Ce que j’ai toujours pensé depuis que j’ai vu le film :

- l’enfant vit mal le drame du divorce de ses parents d’où son mutisme (Mungiu est un peu réac quand même - ce n’est pas la première fois d’ailleurs mais ce n’est pas très grave - mais il filme assez ironiquement la mère du petit quand elle dit que le gamin sait faire du tricot et cela lui fait du bien car ça le calme. Puis, on ne l’a revoit plus du tout la pauvre).
- Matthias est un très beau personnage (il fait pensé au personnage principal de “Aurora” de Puiu) ce qui fait que Mungiu, enfin, de Puiuise (donc il devient plus poétique, moins sec). Matthias aime vraiment Scilla or je pense que cette dernière n’a pas vraiment de sentiments pour lui (elle veut seulement baiser avec lui quoi).
- je m’en fiche de la fin (ou comme dit B-Lindon qui cite Godard), il faut juste suspendre, arrêter. Pour moi la fin relève du fantastique point barre (je me suis pas du tout penché dessus en sortant du cinéma).
- la réflection de ce gas que @B-Lyndon cite (Matthias, finalement n’appartient à aucun pays, à aucune maison et finalement jamais vraiment à une idéologie) est fort intéressante.

Après, pour moi, le film vaut ce qu’il vaut, car il a quand même des défauts (les calculs et les coutures doivent être très visible durant une revisionnage). Cela dit, encore et toujours à mon opinion, Mungiu a indéniablement fait des progrès et n’a finalement pas rejoint l‘Internationale des cyniques Hanekeien. Pourvu qu’il continue dans cette direction.

Mon top 5 “nouvelles vagues roumaine” :
1. Radu Jude (à mes yeux, il a détrôné Puiu !)
2. Cristi Puiu
3. Corneliu Porumboiu
4. Cristian Mungiu
5. c‘est tout (car Cristian Nemescu, hélas, est mort…)

ps: leurs films je les ai tous vu à leurs sorties au cinéma (car c’est mes contemporains) et donc je suis un peu fier quand même 😜
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ARMAGEDDON TIME

Pour moi, le meilleur James Gray avec Two Lovers.
De fait, Gray a beau faire de très beaux films de genre, c'est quand il s'en éloigne pour ne faire que du cinéma dit "intimiste" qu'il explose tout. Car l'intime est tout ce qui l'intéresse, même quand il fait un gros film de SF avec Brad Pitt. Il était donc évident que le récit autobiographique (même si romancé) serait la forme la plus pure de son Cinéma. Cela dit, il aurait pu s'y casser la gueule. Et cette fois sans filet, sans "snif, j'ai pas eu le final cut"... Très heureux que ce ne soit pas le cas (j'ai pleuré durant la séance. Ca ne m'arrive jamais !)
La question est : que peut-il faire maintenant ? Je viens de lire une interview de Gray où il semble lui même paumé sur la question. En toute sincérité, il parle de l'envie de faire une suite d'Armageddon Time, tout en admettant que ce n'est peut être pas une si bonne idée. Mais je comprends tout à fait cette tentation de sa part.
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B-Lyndon a écrit :
ven. 11 nov. 2022 18:20
Content que tu aies aimé ce grand film qu'est R.M.N, je ne pensais pas y retourner mais ton texte me donne envie de le revoir.
Evidemment que la force de ce plan sublime d'assemblée, ce sont les mains qu'on attrape ou pas. C'est ce qui est beau dans tout le film : l'amour est toujours en question au centre de l'image (la scène sublime du "je t'aime" en plusieurs langues, et la crudité du corps nu, un peu bleu et froid, de Csilla avec son verre de vin).
Je trouve le film parfois un peu trop efficace (Munigu, contrairement à tant d'autres cinéastes qui n'ont pas son talent, est un vrai poète mais il en a un peu peur et il gagnerait à laisser plus de temps vides, suspendus, même si le silence du gamin suffit parfois). Et cette fin, ce n'est pas qu'elle est pas brillante (dans mes souvenirs le plan, la musique de In the mood for love, tout cela est vraiment superbe), mais que je sens Mungiu céder à une tentation un peu "démiurgique", choisissant la piste occulte là où tout le film me semble très clair, tranchant, suspendu à l'analyse des structures qui fondent une société, et la fin vient mettre un mystère, un truc un peu à clé, qui n'est pas cohérent avec ce que le film était. Il n'a pas osé finir simplement parce qu'il a eu peur de boucler, hors, comme disait Godard, il faut savoir simplement suspendre, s'arrêter là, comme un tableau (de Brueghel, en l'occurrence - quelle beauté, tout ce moment de l'assemblée et ce qui s'ensuit : on parle, on en vient aux mains, et pendant ce temps là, dans la forêt, un homme et mort et un enfant muet pourra dire a son père qu'il l'aime. On dirait de la poésie iranienne, et je n'oublie pas que dans son dernier film, Kiarostami a essayé de mettre en mouvement les chasseurs de Brueghel). Toujours est-il qu'en n'osant pas nous quitter comme ça, la fin me paraît un peu trop occulte et symbolique, Mungiu se met un au dessus de la mêlée (de nous et de ses personnages, là où ce qui est beau dans le film, comme tu dis, c'est qu'il est au milieu d'eux, fait partie d'eux, ce qui n'empêche pas la distance). Mais je peux me tromper.
Une hypothèse d'une amie monteuse est que le film était bien plus long à l'origine, parce qu'il y a beaucoup de scènes aux motivations floues (alors que le reste du film est d'une clarté totale), notamment celle où le héros s'arrête dans la maison des gens qui louent aux SriLankais. Il y a un bruit, le héros ressort et sa moto est par terre, il crie le nom du Sri Lankais qui n'est pas revenu après l'attaque de la milice. Puis il y a la scène du commissariat qui est très floue elle aussi (où le héros pousse une porte et voit le flic en train de pisser). Et la raison pour laquelle la femme rend son fusil au héros au moment où le père de celui-ci vient de mourir, en passant par le zoologue français, n'est pas très nette non plus. Bref, cette amie me dit qu'il devait sans doute y avoir d'autres scènes, que le film était prévu pour être plus long et qu'il a été coupé.
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sokol a écrit :
ven. 11 nov. 2022 23:22
Ce que j’ai toujours pensé depuis que j’ai vu le film :

- l’enfant vit mal le drame du divorce de ses parents d’où son mutisme (Mungiu est un peu réac quand même - ce n’est pas la première fois d’ailleurs mais ce n’est pas très grave - mais il filme assez ironiquement la mère du petit quand elle dit que le gamin sait faire du tricot et cela lui fait du bien car ça le calme. Puis, on ne l’a revoit plus du tout la pauvre).
- Matthias est un très beau personnage (il fait pensé au personnage principal de “Aurora” de Puiu) ce qui fait que Mungiu, enfin, de Puiuise (donc il devient plus poétique, moins sec). Matthias aime vraiment Scilla or je pense que cette dernière n’a pas vraiment de sentiments pour lui (elle veut seulement baiser avec lui quoi).
- je m’en fiche de la fin (ou comme dit B-Lindon qui cite Godard), il faut juste suspendre, arrêter. Pour moi la fin relève du fantastique point barre (je me suis pas du tout penché dessus en sortant du cinéma).
- la réflection de ce gas que @B-Lyndon cite (Matthias, finalement n’appartient à aucun pays, à aucune maison et finalement jamais vraiment à une idéologie) est fort intéressante.

Après, pour moi, le film vaut ce qu’il vaut, car il a quand même des défauts (les calculs et les coutures doivent être très visible durant une revisionnage). Cela dit, encore et toujours à mon opinion, Mungiu a indéniablement fait des progrès et n’a finalement pas rejoint l‘Internationale des cyniques Hanekeien. Pourvu qu’il continue dans cette direction.

Matthias est vraiment un beau personnage, oui.
Et il ne faut pas oublier quelque chose (le film d'ailleurs n'insiste pas beaucoup là-dessus) : il est lui-même un Rom, mais un Rom intégré à la communauté, et sur-intégré même puisqu'il parle allemand et il est parti travailler en Allemagne. C'est pour ça que les autres au village lui disent que lui, "ce n'est pas pareil". Pas pareil que ceux qui ont été persécutés.
Par ailleurs, ce que je trouve magnifique, c'est qu'il est très inquiet que son fils ne parle pas allemand, et pas qu'il ne parle pas tout court...

Et je suis assez d'accord avec ce que tu dis sur la mère du petit.
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B-Lyndon a écrit :
ven. 11 nov. 2022 18:20
Toujours est-il qu'en n'osant pas nous quitter comme ça, la fin me paraît un peu trop occulte et symbolique.
Oui, je suis d'accord avec toi, la fin parfaite du film ça aurait pu être le décrochage du grand-père et l'enfant qui reprend la parole pour dire à son père qu'il l'aime, et à la fois, ne pas finir sur ça, sur l'émotion de l'enfant et la mort du grand-père, c'est une question politique : il y a bien un moment où il faut revenir aux femmes, sortir de la famille, voir plus large.
Peut-être que Mungiu ne le fait pas très bien, mais il le fait.
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asketoner a écrit :
sam. 12 nov. 2022 01:35
B-Lyndon a écrit :
ven. 11 nov. 2022 18:20
Toujours est-il qu'en n'osant pas nous quitter comme ça, la fin me paraît un peu trop occulte et symbolique.
Oui, je suis d'accord avec toi, la fin parfaite du film ça aurait pu être le décrochage du grand-père et l'enfant qui reprend la parole pour dire à son père qu'il l'aime, et à la fois, ne pas finir sur ça, sur l'émotion de l'enfant et la mort du grand-père, c'est une question politique : il y a bien un moment où il faut revenir aux femmes, sortir de la famille, voir plus large.
Peut-être que Mungiu ne le fait pas très bien, mais il le fait.
La fin "parfaite" que tu décris, franchement, ça serait l'horreur. :D
Ouvrir, voir plus loin oui, mais dans le cadre de ce que le film met en place tout du long me paraissait pas compliqué - à mon avis, s'il ne le fait pas, c'est qu'il cède à une tentation un peu louche de se placer "au-dessus" pour emballer le film.
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B-Lyndon a écrit :
sam. 12 nov. 2022 01:49
Ouvrir, voir plus loin oui, mais dans le cadre de ce que le film met en place tout du long me paraissait pas compliqué - à mon avis, s'il ne le fait pas, c'est qu'il cède à une tentation un peu louche de se placer "au-dessus" pour emballer le film.
La fin est 👌, je ne comprend pas pourquoi il fallait la scénariser (raisonner, rationaliser…). Or, on peut très bien la voir subjective, c’est à dire du point de vue de Matthias : son esprit embrumé voit apparaitre des ours derrière Scilla (donc on peut même supposer qu’il l’a tué mais l’assassinat n’est pas filmé)
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Le Serment de Pamfir, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Film de gros maniaque, on entend presque les tops pour les arrivées en trombe des différents protagonistes dans le cadre. Personne ne marche dans ce film : tout le monde court, les acteurs se précipitent pour faire des trucs, ils ont les mains qui tremblent, je pense que le tournage a été un calvaire. En tout cas la séance l'a été. J'en ai marre de voir des films fascinés par la violence qu'ils réussissent à infliger aux spectateurs (et ça vaut aussi pour Mazuy). Il y a vingt ans je pouvais être impressionné par ce genre de trucs (Scorsese, Tarantino, Haneke, Park Chan-Wook : l'art de la surenchère), aujourd'hui j'en ai marre, je vais au cinéma parce que je cherche une intensité, une émotion, une pensée différentes des miennes, mais pas n'importe lesquelles. Pas juste les mini-traumas suscités par les images chocs de cinéastes à moitié sadiques, qui ont tout misé sur la scène où la tête du héros est traversé par un énorme mortier métallique, et rien sur le reste.
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asketoner a écrit :
sam. 12 nov. 2022 01:20

Et il ne faut pas oublier quelque chose (le film d'ailleurs n'insiste pas beaucoup là-dessus) : il est lui-même un Rom
Pour moi, cela n’a pas une importance majeure mais je ne crois pas que Matthias soit un rom (en Roumanie, les roms étaient très sédentarisés sous Ceausescu donc, à nos jours, en Roumanie quand on parle de rom dans le sens de communauté reconnue, il s’agit presque seulement de la branche tzigane). Il n’est jamais dit clairement qu’il soit rom car ça ne peut pas ‘se dire’. C’est pour cela que le film n’insiste pas trop dessus (comme tu dis), parce que même Mattias, ne se dit pas rom, en tant que identité (l’injure du contremaître allemand tout au début du film - ‘gitan paresseux’ - est plutôt une généralité : plein d’européen confondent roumain et rom (très proche phonétiquement d’ailleurs !!).

Bref, je pense que, très justement, Mungiu (donc le film) non seulement n’insiste pas dessus, mais ne fait même pas l’allusion car il ne peut le faire (ça aurait été une lecture fausse puisque elle n’existe même pas : ce n’est pas parce que Matthias est intégré qu’il n’est pas rom. Il ne peut pas être car ceux qui étaient se sont fait chasser en tant que tzigane point barre). Au contraire, la seule chose qu’on lui rappelle est le fait qu’il a un peu de sang allemand (ça, je me souviens très bien !). Bref, être rom n’est pas une identité (allemand, hongrois, roumain… oui) donc on ne peut rester que sur la plaisanterie (moquerie, juste par exemple parce qu’il est un peu plus brun que les autres - et encore !!)
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sokol a écrit :
sam. 12 nov. 2022 11:30
Pour moi, cela n’a pas une importance majeure mais je ne crois pas que Matthias soit un rom (en Roumanie, les roms étaient très sédentarisés sous Ceausescu donc, à nos jours, en Roumanie quand on parle de rom dans le sens de communauté reconnue, il s’agit presque seulement de la branche tzigane). Il n’est jamais dit clairement qu’il soit rom car ça ne peut pas ‘se dire’. C’est pour cela que le film n’insiste pas trop dessus (comme tu dis), parce que même Mattias, ne se dit pas rom, en tant que identité (l’injure du contremaître allemand tout au début du film - ‘gitan paresseux’ - est plutôt une généralité : plein d’européen confondent roumain et rom (très proche phonétiquement d’ailleurs !!).

Bref, je pense que, très justement, Mungiu (donc le film) non seulement n’insiste pas dessus, mais ne fait même pas l’allusion car il ne peut le faire (ça aurait été une lecture fausse puisque elle n’existe même pas : ce n’est pas parce que Matthias est intégré qu’il n’est pas rom. Il ne peut pas être car ceux qui étaient se sont fait chasser en tant que tzigane point barre). Au contraire, la seule chose qu’on lui rappelle est le fait qu’il a un peu de sang allemand (ça, je me souviens très bien !). Bref, être rom n’est pas une identité (allemand, hongrois, roumain… oui) donc on ne peut rester que sur la plaisanterie (moquerie, juste par exemple parce qu’il est un peu plus brun que les autres - et encore !!)
Pourtant je crois que dans une scène, on dit bien à Mattias, après avoir parlé des Roms qui ont été chassés : "mais toi c'est pas pareil". Je me trompe peut-être...

Mais j'entends ce que tu dis, oui, sur l'insulte du début, que j'ai prise au premier degré.
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@asketoner je passe du coq à l’âne mais à propos des roms (des tsiganes, des gitans) : le comble pour moi était en Inde quand une locale m’a montré un petit groupe d’hommes et de femmes sous un pont en me disant : ce sont des tsiganes. J’ai pas cru à mes oreilles car les roms sont réellement des hindous venus en Europe au XV siècle. Or là, j’étais en Inde et une indienne me montrait des… ‘tsiganes’ locales (donc des indiens tout court quoi !). Et bien non, elle les appelait tsiganes !! 😳
J’ai pas cru à mes oreilles !!

L’homme est une énigme quand même
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Revoir Paris, Alice Winocour

Le plan en travelling avant sur le yaourt entamé oublié dans le frigo m'a laissé perplexe.
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Tamponn Destartinn
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:lol: :lol: :lol:

c'est malin, je veux le voir, maintenant :D
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