Le Centre de Visionnage : Films et débats

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sokol
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@groil_groil est ce que tu peux poster ton top Polanski ? Je suis assez curieux de voir comment tu places "Cul-de-sac" Merci
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Mr-Orange
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sokol a écrit :
lun. 15 mars 2021 14:14
Tirez sur le pianiste (Truffaut, 1960) :

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On m'avait dit que ça pouvait être un Truffaut des année 60 qui pouvait me plaire (à propos : je pense que, contrairement à ses copains de la Nouvelle Vague, ses films des années 60 sont mauvais et seulement vers la toute fin des années 60 et surtout durant les années 70 qu'il a réalisé quelques bons).

Bon, celui-ci je l'ai plutôt aimé.

Sachant que son film précédent était "Les 400 coups" (1959) (que je n'aime quasiment pas du tout), je le trouve celui-ci plus libre, plus 'nouvelle vague', plus rapide (au sens de la rapidité godardienne) : durant le visionnage, je me suis posé la question si "Tirez sur le pianiste" (1960) était intérieur à "A bout de souffle" (1960 également). J'avais bien raison : même si les deux films sont sortis en 1960, j'ai vérifié sur Wiki que les prises de vue du film de Godard ont eu lieu du 17 août au 15 septembre 1959 tandis que le film de Truffaut a été tourné du 30 novembre 1959 au 22 janvier 1960. Ce dernier, sans aucun doute a du être plus que impressionné en regardant celui de son camarade : son influence est évidente dans "Tirez sur le pianiste".

Alors,on peut se poser la question : Truffaut, après celui-ci, pourquoi il a fait un film horrible comme "Jules et Jimes" ? Sans doute parce que il s'est rendu compte que "Les 400 coups" (à qui, en terme de mise en scène "Jules et Jim" lui ressemble beaucoup plus qu'à "Tirez sur le pianiste") a eu un succès public nettement supérieur. Donc, à mon opinion, Truffaut s'est plutôt soumis au gout ambiant (l’éternel paradoxe de l'œuf et de la poule contextualisé : est-ce que les films donc les réalisateurs doivent tirer le public vers le haut ou ils doivent se soumettre au gout du public ?).
Ca ne métonne pas que,au milieux des année 60, il a dit à propos de Godard, je le cite : "Jean-Luc Godard n'est pas le seul à filmer comme il respire, mais c'est lui qui respire le mieux. Il est rapide comme Rossellini, malicieux comme Sacha Guitry, musical comme Orson Welles, simple comme Pagnol, blessé comme Nicholas Ray, efficace comme Hitchcock, profond, profond, profond comme Ingmar Bergman et insolent comme personne".

Comme je disais plus haut, plus tard il a fait quelques beaux films (j'ai découvert récemment "Le dernier métro" et c'est vraiment un bon film !!) mais il est évident qu'il a voulu plaire aux plus grand nombre donc, il a risqué beaucoup beaucoup moins que Godard, Rivette ou Rohmer : "Tirez sur le pianiste" est l’exception qui confirme la règle.
:jap: :jap: J'avais beaucoup aimé La Nuit américaine à l'époque, mais maintenant, avec le recul, je me demande si Tirez sur le pianiste n'est pas son meilleur film, pour les raisons que tu évoques. J'aime pas du tout la saga Antoine Doinel, j'ai l'impression que c'est un cinéma qui a toujours un train de retard, et j'ai du mal avec le personnage de Léaud, sorte de fantasme intemporel de la vie germano-pratine (mais j'aime bien l'idée bunuelienne du suiveur un peu spectral dans Baisers volés, cela dit). C'est peut-être plus l'héritage du personnage (avec toutes les multiples déclinaisons du pauvre que ça a amené) que le personnage en soi qui pose problème, mais cette espèce de mix bon-chic bon-genre d'insolence et de légèreté — c'est à ça qu'on reconnait les pitres déguisés en bohèmes lettrés et libidineux du Ve et du VIe arrondissements aujourd'hui — un peu poseur m'ennuie.
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groil_groil
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sokol a écrit :
lun. 15 mars 2021 11:41
Cul-de-sac de Polanski :

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Je ne l'avais jamais vu et je l'ai trouvé vraiment très bien mais c'est ça le problème avec Polanski : si il était capable de faire ça, pourquoi il faisait aussi "Le pianiste" (et pas que)
1. Le Locataire (1976)
2. Rosemary's Baby (1968)
3. Chinatown (1974)
4. Tess (1979)
5. Répulsion (1965)
6. Frantic (1988)
7. The Ghost Writer (2010)
8. Weekend of a Champion (2013)
9. Pirates (1985)
10. Le Bal des vampires (1967)
11. J’Accuse (2019)
12. Le Pianiste (2001)
13. Le Couteau dans l'eau (1962)
14. Cul-de-sac (1966)
15. Lunes de Fiel (1992)
16. La Neuvième Porte (1999)
17. La Vénus à la Fourrure (2013)
18. Oliver Twist (2005)
19. Deux hommes et une armoire (1956)
20. La Jeune Fille et la Mort (1994)
21. D’après une histoire vraie (2017)
22. Cinéma érotique (2007)
23. Macbeth (1972)
24. Carnage (2011)

pas revu Cul de Sac et Le Couteau dans l'eau depuis des lustres ceci-dit
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groil_groil
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trois Kasdan pendant le weekend.

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Une merveille de délicatesse et de mélancolie sur un sujet impossible (le deuil d'un enfant) pourtant traité avec toute la distance et la retenue nécessaire, puisque le sujet est la reconstruction d'un homme confronté à ce drame. Les comédiens sont magnifiques, et c'est très émouvant de voir que Kasdan a reconstitué son duo vedette de Body Heat (Hurt / Turner) pour des rôles à l'opposé de ceux de son premier film.

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Et j'ai revu son premier long, qui est l'un des deux meilleurs films du cinéaste avec The Big Chill. J'ai encore une fois beaucoup aimé le film, qui est sans doute le plus beau film Noir des années 80 (celui des 70's étant The Long Good Bye), genre redevenu hyper à la mode dans les 90's, et sans doute grâce à ce film qui a mis 10 ans à relancer une mode. Alors Asky, oui, ça transpire, mais ça se passe durant l'une des plus fortes canicules qu'ait connu les USA, c'est un peu normal, non ? :D

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Kasdan adapte King. A priori c'est 100% pour moi, mais malheureusement le film est raté. Alors c'est un roman que je n'ai pas lu, d'après ce que je vois ici, c'est une sorte de "ça" avec des extraterrestres colonisateurs à la place du clown tueur, et il y avait sans doute la matière à faire un bon film, mais outre les effets spéciaux du début des 2000 qui vieillissent très mal puisqu'ils sont ceux du début du tout numérique, le souci du film est, je pense, d'avoir voulu mettre tout ce qu'il y a dans le roman. Je connais bien King donc je reconnais ici chacune de ses figures habituelles, et je vois comment Kasdan n'a pas eu le temps ni la possibilité de les développer pour les rendre crédibles, les cantonnant à l'idée de clichés. Dommage. Et difficile aussi de garder son sérieux quand le monstre sort de victimes par le trou du cul, au milieu de sang, de merde et de flatulences, tel un ver de terre géant.
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asketoner
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Alors Asky, oui, ça transpire, mais ça se passe durant l'une des plus fortes canicules qu'ait connu les USA, c'est un peu normal, non ?
Ah mais tu fais bien comme tu veux ! :saint: :D

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groil_groil
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Une jeune femme dont la carrière de journaliste s'ouvre devant elle à New York, doit revenir dans la demeure familiale sous la pression de son père, un brillant homme de lettres, pour s'occuper de sa mère atteinte d'un cancer incurable. Il y a dans ce pitch absolument tout pour en faire un mélo lacrymal, pleurnichard, tant la fin irrémédiable, est annoncée assez rapidement, mais c'était sans compter le talent immense de Carl Franklin, cinéaste mésestimé et que j'aime profondément, qui prend cette matière et la transforme en merveille, chef-d'œuvre d'émotion et de retenue, servie par des comédiens extraordinaires : étonnante Zellweger, Meryl Streep, meilleure comédienne au monde, sans surprise, et William Hurt, que décidemment je ne quitte plus car il est l'un des acteurs fidèles de Kasdan dont je mène une rétrospective par ailleurs. Je dirais que ce film est aussi beau que, par exemple, Tendres Passions, autre chef-d'oeuvre du mélo dramatique, chronique d'une mort annoncée, car dans les deux cas les cinéastes ne s'appesantissent jamais sur la tristesse inéluctable de ce qui doit arriver, mais essaient au contraire de voir la vie, et sa vivacité, là où elle se niche, même en affrontant des drames pareils. Du coup le film est d'une richesse, d'une beauté et d'une émotion, qui m'a même parfois rappelé des personnages de l'écrivain Jonathan Franzen (notamment celui du père joué par William Hurt), tant ils sont complexes, riches, et jamais résumables en deux adjectifs. Je conclue avec un mot sur la mise en scène brillante de Franklin qu'on n'attendait pas sur un genre pareil, surtout que ce film arrive juste après son chef-d'oeuvre néo-noir Le Diable en Robe Bleue, et la beauté de la photographie du film, discrète mais sublime, ainsi que, et surtout, des décors magnifiques, l'air de rien, qui font exister la maison de cette famille, où se passe les 3/4 du film, comme rarement un décor de maison a été vivant, crédible, chaleureux, ayant comme conséquence de donner l'impression au spectateur de vivre à l'intérieur de cette maison, donc de partager le quotidien de cette famille, et de vivre le drame à leurs côtés.
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groil_groil
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sinon force est de constater que le pauvre fils de la famille, qui a certes un rôle plus secondaire, même si c'est un personnage très touchant, a été privé de faire la vedette sur la jaquette du récent (et magnifique) bluray

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Le plus cocasse étant que son nom est absent de l'affiche originale alors que son visage est présent, et que son nom est présent sur la jaquette du dvd alors que son visage a été viré par photoshop.
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cyborg
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En 2004, à déjà 83 ans, Chris Marker signe ce qui fera office de son dernier long-métrage (1h). Tout commence par une chasse aux graffitis de M.Chat, des chats jaunes et souriants émaillant les murs de Paris. Quelques motifs Markerien surgissent mais le dispositif semble un peu léger, et c'est avant tout par bienveillance envers ce qui fut une figure incontournable du XXème siécle que l'on continue le visionnage. Puis tout à coup, le film bascule vers la politique et observe les secousses du monde qui agite le tout début du XXIème siécle : le 11 septembre, les grèves, le retour du religieux, la montée des extrêmes... 20 ans plus tard, ces images prennent bien sur une tonalité toute autre. Mais la force de Marker est de pointer du doigt, par une sorte d'intuition, la séparation que semble créer ce flux constant d'images et d'informations tant nationales qu'internationales : qu'est ce qui se cache vraiment derrière la revendication prôné d'un geste ou d'une image ? Et Marker de conclure son film sur le décès de Marie Trintignant, en juxtaposants ces images avec celles d'un certain Bertrand Cantat qu'il avait filmé quelques mois plus tôt donnant un concert pour la régularisation des sans-papiers... Sans appuyer son propos, Marker laisse ainsi sous-entendre lors d'une phrase clé : toutes ces agitations et révoltes politiques (beaucoup d'images de manif ici) mais pour en faire quoi, pour quel projet, pour quelle croyance en demain, pour quelle humanité, pour quelle pensée ? C'est exactement la ligne rouge qui structure l’œuvre d'Adam Curtis, probablement l'un des créateurs télévisuels les plus intéressants de notre époque, avec lequel s'ouvre ici une parenté inattendue. Marker, qui fut un observateur politique consciencieux, nous laisse ici avec un regard circonspect sur le monde futur qui se dessine, nous promettant secrètement qu'il sera sans doute encore plus dur à comprendre que celui qu'il à connu, et dans lequel il nous laisse. Car il ne faudra plus compter sur lui pour nous aider à penser, son temps et son œuvre sont faites : c'est lui le chat perché du titre, il sera bientôt "inatteignable".
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cyborg
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Immortals in the Village - Guangyi Yu


Après son épatante trilogie, le dernier film de Guangyi Yu, 2017, est une vraie déception. Il s'intéresse à la vie de deux shamans d'un village chinois, leurs cérémonies, leurs relations. Mais rien ne tient, on ne comprend que peu ce qui se passe et ce qui se raconte. Très dommage car le sujet avait bien sur un grand potentiel.


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Chaque visionnage d'un Verhoeven semble me confirmer que ce réalisateur flotte tout en haut du panthéon cinématographique, chaque film semblant renforcer la cohérence et la grandeur de sa filmographie. Qui, en Europe en 1983, fait des films aussi ambitieux, aussi maitrisés, aussi précis, aussi spectaculaire et rigoureux, ceci pourtant sans donner l'impression de se forcer, d'être prétentieux et viser l'épate... Son transfert imminent vers les Etats-Unis n'était sans doute pas une surprise.

Tout le cinéma de Verhoeven est axé sur l'opposition ou la complémentarité entre le corps/la chair et l'esprit/l'imagination. Le Quatrième Homme n'y fait pas défaut, en se construisant autour du rêve, ses désirs, ses pulsions, ses instincts. Si ces thèmes sont somme toute assez classiques et rabattus, notamment au cinéma, la grande idée du réalisateur et de sans cesse nous ramener vers l'illusion du cinéma en lui-même, qui n'est à sa façon qu'un rêve sous une forme bien particulière. Les symboles s'inscrivent ici toujours à plusieurs niveaux dans l'histoire tandis qu’apparaissent d'incessantes mise en abîme par des jeux de projection, d'enregistrement, de reflets et de dédoublement. C'est au final la matière même de l'image cinématographique qui est mise en cause, je songe notamment à cette scène ou le héros se retrouve pris dans une bourrasque de pétales de roses balayé par le vent, tandis qu'au plan suivant on le voit marchant au bord de mer dans le soleil couchant et qu'a l'image apparaissent quelques flares orangés, venant finir la course des pétales de l'image précédente. Génial... La projection que nous sommes en train de vivre en regardant Le 4ème Homme n'est donc elle même qu'un des multiples fils de la toile d'araignée qui compose, ouvre et clôt le film.
Modifié en dernier par cyborg le mar. 16 mars 2021 18:01, modifié 1 fois.
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asketoner
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Verhoeven est quand même un très très bon cinéaste, oui, très cohérent comme tu l'écris.

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Diable, Andrzej Zulawski, 1972

Je ne suis pas certain que Zulawski ait un point de vue sur ce qu'il montre, pourtant il montre énormément. Il n'est pas avare d'images fortes (ou censées l'être). Tout y passe : l'aliénation, la guerre, le viol, le meurtre, l'accouchement, le suicide. Mais tout est curieusement atténué, amenuisé par une sorte de vacuité du regard. L'hyperstylisation (caméra virevoltante, acteurs proches de la convulsion, mouvements toujours chorégraphiés, lumière basse, paysages grandioses) en vient à vider tout ce dont elle s'empare. Les personnages crient, courent, se battent, s'embrassent, donnent des coups dans le vide ou les uns contre les autres, heurtent un arbre de plein fouet, sont accrochés par les pieds à un cheval au galop, pleurent, s'invectivent, se tranchent les veines, déchirent leurs vêtements, font des crises d'épilepsie, s'arrachent les cheveux, dansent, hurlent de rire : les condamnant à produire des gestes, Zulawski espère sans doute que les gestes créeront la scène. Mais ils créent seulement l'action. Et le temps ne passe pas. (Les films de Zulawski semblent toujours trop longs.)
Paradoxalement, cet excès (s'il ne fait pas la scène) fait le film : on se souvient des films de Zulawski. Ils laissent une forte impression. De vacuité mais pas seulement. De grande agitation aussi, de quasi-chaos. (Le problème est dans le "quasi". Mais aucun autre cinéaste n'atteint ce point d'hystérie.)
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sokol
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groil_groil a écrit :
lun. 15 mars 2021 17:01

1. Le Locataire (1976)
2. Rosemary's Baby (1968)
3. Chinatown (1974)
4. Tess (1979)
5. Répulsion (1965)
6. Frantic (1988)
7. The Ghost Writer (2010)
8. Weekend of a Champion (2013)
9. Pirates (1985)
10. Le Bal des vampires (1967)
11. J’Accuse (2019)
12. Le Pianiste (2001)
13. Le Couteau dans l'eau (1962)
14. Cul-de-sac (1966)
15. Lunes de Fiel (1992)
16. La Neuvième Porte (1999)
17. La Vénus à la Fourrure (2013)
18. Oliver Twist (2005)
19. Deux hommes et une armoire (1956)
20. La Jeune Fille et la Mort (1994)
21. D’après une histoire vraie (2017)
22. Cinéma érotique (2007)
23. Macbeth (1972)
24. Carnage (2011)

pas revu Cul de Sac et Le Couteau dans l'eau depuis des lustres ceci-dit
Merci !
Mais c'est vraiment bien "Cul-de-sac" !
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner
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Konopielka, Witold Leszczynski, 1982

Les plans sont souvent très beaux mais ne racontent pas grand chose. L'idée est plutôt belle et bien mise en oeuvre (l'arrivée d'une institutrice dans un village reculé, coupé du monde par des marais), mais pas assez poussée ni personnelle. On sent que ce qui intéresse le cinéaste, surtout, ce sont les arbres. Dès qu'il y en a un dans le plan, la scène est réussie.

C'est la fin de mon mini-cycle polonais, je n'ai pas eu de foudroyant coup de coeur pour un cinéaste en particulier ; même Wajda, je ne suis pas certain de l'adorer. Il n'y a bien que O-Bi O-Ba que je sauve. Je pense que je vais plutôt retourner voir du côté russe, tout en continuant à explorer la nouvelle vague tchèque.
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groil_groil
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Entre la rétro Kasdan en cours, celle de Franklin à venir, j'en avais presque oublié que je menais aussi en ce moment une superbe rétro Ceylan, que j'ai reprise avec joie en revoyant avec joie son plus beau film, son chef-d'oeuvre, Uzak. Plus je le revois, plus il s'impose comme un jalon du cinéma d'auteur contemporain, à l'instar d'un Blissfully Yours ou d'un Satantango, par exemple, dans le sens où il y a clairement un avant et un après Uzak, ça fait partie des rares films qui ont influencé une génération, comme pouvaient l'être en leur temps des Profession Reporter ou des Jeanne Dielman.

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Je termine mon cycle Agatha Christie à Hollywood avec ce 5ème film, de Winner, que je n'avais étonnamment jamais vu. C'est un film beaucoup plus tardif que les autres (1988 !) mais pourtant rien ne semble n'avoir bougé dans l'univers rassurant d'Hercule Poirot - dont Ustinov fut vraiment, et de loin, le meilleur interprête. C'est du cinéma rassurant, comme une bonne paire de pantoufles, avec toujours une générosité de décors, de casting, de photographie, avce une intrigue dont on se fiche complètement, mais qui n'est pour moi absolument pas l'enjeu (alors que c'est pourtant de pur whodunit?) mais l'univers déployé est si accueillant qu'on a toujours plaisir à s'y lover.

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Excellent western moderne par le décidément polymorphe Lawrence Kasdan, qui signe ici un film à la fois joyeux et sombre, qu'on jurerait être une production Amblin, à tel point que je suis allé vérifier, ce n'en est pas une, mais disons que Kasdan fut scénariste de L'Empire contre-attaque ou des Aventuriers de l'Arche Perdue donc ça se sent beaucoup ici mais transposé au genre western. Le film fait assez moderne, je le croyais plus récent, et il jouit d'un casting incroyable, difficile d'en rêver un meilleur à l'époque : Rosanna Arquette, Kevin Kline, Scott Glenn, John Cleese, Kevin Costner, Brian Dennehy, Danny Glover et Jeff Goldblum.
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asketoner
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Soyez les bienvenus, Elem Klimov, 1964

Le premier long-métrage d'Elem Klimov est une comédie allègre et morale, mettant en scène plusieurs dizaines de jeunes pionniers partis en camp de vacances près d'un lac. La première scène est hilarante, on voit la foule de gamins dévaler la dune et se déshabiller pour se jeter dans l'eau, tandis que les instructeurs tendent un filet minuscule pour délimiter une surface de baignade surveillée. L'un d'entre eux passe à travers les mailles, rejoint une île au loin, se fait prendre, et est aussitôt renvoyé du camp par le chef. Personne ne parvient à valider cette injustice, ni les camarades du banni, ni les instructeurs sous les ordres du chef. D'ailleurs le jeune garçon ne prend pas son train, pensant que sa grand-mère mourrait en le voyant revenir plus tôt que prévu. Il reste donc au camp mais se cache, aidé par ses camarades, jusqu'à parvenir à mettre le chef face à son erreur de jugement. Ce film est plein de plaisirs divers : moral d'abord (l'enfant s'en tire grâce à la solidarité de ses camarades ; rares sont les récits développant si peu l'individualité de leur héros), esthétique ensuite (les cadres sont parfaits, eisensteiniens, d'une vigueur implacable ; la géométrie n'y est jamais gratuite, toujours au service de l'action, tendant parfois jusqu'au burlesque), comique enfin (le montage est tellement parfait, tellement enlevé que rien ne paraît plat).

(Et quelque chose me dit que Wes Anderson connaît très bien ce film, car Moonrise Kingdom en est une redite assez claire.)

(Et @groil_groil , je pense qu'Ambroise, qui adore Tati, pourrait aimer ce film aussi. ;) )
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Tyra
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Ca donne envie ! Il est trouvable quelque part ?
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Narval
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Y'a un coffret Potemkine avec ce film (entre autre, il y aussi les très beaux films de Larissa Chepitko - sa compagne) Je recommande chaudement !
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groil_groil
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Excellent film, le meilleur Carné vu à ce jour, un vrai thriller social à la Clouzot, avec une super mise en scène qui enferme les personnages dans des cadres et des cadres qui finissent par les perdre, accentuée par une photographie très tranchée qui augmente l'aspect tragédie de l'ensemble. Signoret est géniale.
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asketoner
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J'ai très envie de voir ou revoir des Carné ces derniers temps, je suis sûr qu'il y a de belles choses. On se moquait de son "réalisme poétique" dans les années 00, mais sans doute parce qu'on se moquait de la poésie comme du réalisme.

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Les Perles au fond de l'eau, par Jiri Menzel, Jan Nemec, Evald Schorm, Vera Chytilova & Jaromil Jires - 1965

Ce film à sketchs tchèques (très chouette à prononcer !) est une catastrophe. Les cinq jeunes cinéastes se sont laissés dévorer par les dialogues allégoriques de Bohumil Hrabal. Ce cinéma si vif, si libre, se retrouve totalement taxidermisé. Chytilova s'en tire plutôt bien quand même : il faut voir comme elle parvient à faire vivre, en 20 minutes, un petit bar de rien du tout. Et le segment réalisé par Jaromil Jires, mettant en scène la rencontre entre un jeune plombier et une Tzigane, m'a intrigué et donné envie de voir Valérie au pays des merveilles, son long le plus célèbre.
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cyborg
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Ha tiens, curieux de ce que tu penseras de "Valérie...".
Je n'avais pas du tout aimé, enfin disons qu'il m'avait mis extrêmement mal à l'aise...
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asketoner
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@cyborg ;)

Hier soir j'ai revu :

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Requiem pour un massacre (Va et regarde), Elem Klimov, 1987

En le regardant, je pensais à Apocalypse Now de Coppola, réalisé quelques années plus tôt, dont Requiem pour un massacre me semblait assez proche. Mais si Coppola lie la question de la guerre à celle du spectacle de manière absolument parfaite, Klimov oppose à cette logique celle du témoin (et donc du spectateur). Il y a certes la guerre (et ceux qui la font, et ceux qui la causent, et ceux qui en meurent), mais il y a aussi ceux qui la voient. Je me souvenais de Requiem pour un massacre comme d'un film terrible, très intense dans ce qu'il donne à voir, mais en vérité il montre bien plus souvent le visage de son héros en train de regarder ce qui se passe (ou de refuser de le regarder) que ce qui se passe réellement. Le film de Klimov ne raconte pas que la guerre est un spectacle comme un autre, mais que tout ce qu'on voit nous transforme et nous assujettit - tout le visible un peu tonitruant nous laisse au bord de l'image, terrifié, comme le héros du film vieillissant de plan en plan ou le cri d'Edvard Münch. Le cinéaste n'a de cesse de créer (notamment par un travail sonore remarquable : l'assourdissement du héros après quelques bombardements permet la création d'un monde fou, où perceptions tronquées, sensations et souvenirs se mêlent de façon à la fois fantasmagorique et très réaliste) des disjonctions entre voir et comprendre. Il touche ainsi au plus près de ce que peut être un traumatisme. L'intensité du film tient moins à l'horreur qu'il déploie qu'à la façon dont cette horreur se lit sur le visage du héros.
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groil_groil
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Encore un film souffrant du syndrome Binoche, la plus grande fossoyeuse du cinéma d'auteur international qui plante chaque grand cinéaste chez qui elle vient tourner en transformant le film en nanar. Kawase est donc la nouvelle victime après, liste non exhaustive, mais je remonte aux origines : Kieslowski, Haneke, Hou-Hsiao Hsien, Kiarostami, Cronenberg et récemment Kore-Eda. On constate que, bien souvent, les cinéastes ne s'en relèvent pas et ne font plus jamais un bon film ensuite. Syndrôme dont semble également atteint Huppert depuis plusieurs années, mais dont les symptomes sont pour le moment moins graves. Bon, sinon celui-ci n'est pas le pire de la liste et Kawase sait aussi rater un film sans Binoche, hein, mais ça n'a aucun intérêt.

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J'étais super heureux de découvrir cette comédie de Kasdan au pitch alléchant, mais surtout parce que c'est le seul film de son oeuvre qui réunit ses deux acteurs fétiches Kevin Kline et William Hurt. A eux deux ils couvrent quasiment toute sa filmo, et je me réjouissais de les voir jouer ensemble. Malheureusement le résultat est hyper décevant et très caricatural, l'un des films les moins intéressants du cinéaste.

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Là en revanche, alors que j'en attendais pas forcément grand chose, je me suis pris une méga claquouze. C'est l'un des meilleurs néo-westerns que j'ai vu, c'est encore mieux que Silverado, c'est bouleversant, émouvant, incroyablement rythmé, hyper clair dans le récit tout en étant en permanence ambitieux, Costner est magnifique, l'un de ses plus beaux rôles avec JFk et le Eastwood, 3h15 de dingue qui passent en 5mn, et l'une des 4 réussites majeures de Kasdan, magnifique !

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J'avais envie de la daube du dimanche soir, j'ai été servi. Luchini est un riche industriel qui fait un AVC et qui est soigné par une orthophoniste pour qu'il retrouve toutes les fonctions du langage. Déjà, il n'y a aucune interaction ou presque entre les deux destins puisqu'in fine elle recherche sa mère et lui veut se rabibocher avec sa fille. Mais le truc le plus génial du film, c'est que Luchini a donc le langage affecté par son AVC, et vous savez comment ça se manifeste ? de deux façons, accrochez-vous : la première c'est qu'il parle en verlan, genre, je cite : "C'est quoi ce iench ?". La seconde c'est qu'il remplace les mots par des insultes ou des gros mots : "galope" devient "salope", ou "trotte" devient "crotte". Voilà. Et c'est ainsi tout le film.
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sokol
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@asketoner Oui, d'ailleurs le tire en russe est, mot à mot "Viens, et vois" ( "Va et regarde" - tu as pris soin de le mettre entre parenthèse) : ce film c'est exactement cela
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner
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La Lettre jamais envoyée, Mikhail Kalatozov, 1960

Très beau film d'aventures, à l'image de la filmographie de Kalatozov : à la fois un peu creux et tellement éblouissant techniquement qu'on reste accroché tout du long. La dernière scène, par exemple, se joue sur un morceau de glace flottant au milieu d'un grand fleuve en plein hiver ; je pense que tout le monde a risqué sa vie pour cette scène, ça se sent, c'est un peu idiot mais c'est quand même très fort.
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groil_groil
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Un Cayatte très analytique, voire programmatique, c'est dans sa veine dénonciation du système, ici le marché de l'armement et comment il influe le comportement de l'Etat, allant jusqu'à pousser les services secrets à commettre des assassinats pour préserver la raison d'état, mais c'est l'un des Cayatte les plus réussis dans ce genre-là. Sa narration est claire, limpide, passionnante, et l'ensemble se dévore puisque le cinéaste gère parfaitement la façon dont il associe thriller et dénonciation. Une franche réussite, portée par ses acteurs, notamment Jean Yanne, et Monica Vitti, absolument sublime, et très à l'aise en jouant en Français avec son merveilleux accent.

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Une curiosité, bancale mais finalement plutôt réussie, au rythme déconstruit comme c'était la mode à la fin des 60's. Le film vaut surtout pour la musique magnifique de Gainsbourg (que je connaissais déjà par coeur) et parce que c'est sur ce tournage que ce sont rencontrés Gainsbourg et Birkin et que cette relation naissance est visible à l'écran et qu'ils sont magnifiques.
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La Ville Zéro, Karen Shakhnazarov, 1988

Un film tout beige avec une femme nue au milieu, un After Hours de la Perestroïka.
L'image est saturée de moustaches épaisses et de papier peint administratif, de petits vestons tristes et d'aubes humides - mais la secrétaire est nue devant sa machine à écrire. Cette nudité - exception de chair dans la monotonie (voire la statufication) générale - est le sujet du film, son siphon, son délire, l'endroit par où il se laisse aspirer pour ne plus jamais ressortir.
Le plus drôle est de voir à quel point le film ne l'est pas du tout, trop raide pour cela, trop occupé à peaufiner son atmosphère plus que sinistre. Le point culminant est atteint lors d'une scène où le serveur du restaurant apporte au héros un dessert offert par le cuisinier, qui s'avère être un gâteau représentant son visage grandeur nature, avec beaucoup de détails réalistes. Le héros refuse d'en manger la moindre bouchée, alors aussitôt le cuisinier se suicide : bien rigolo. :D
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En plein cycle Carl Franklin, aussi, celui-ci est l'un de ses derniers long-métrage avant qu'il ne se tourne quasi exclusivement vers la série TV et en devienne l'un des grands réals (House of Cards, Mindhunter, Leftovers, etc.) Ce film a tout pour plaire, c'est un thriller à twist par un maitre du genre avec deux acteurs géniaux, le chouchou Denzel qui cabotine sans doute un peu trop ici et la sublimissime Eva Mendes qui a rarement été aussi magnétique qu'ici, mais le film ne prend pas, cabotine lui aussi, notamment parce que tout est basé sur un twist majeur qui conditionne tout le film mais que tu devines instantanément et sans la moindre hésitation. Je ne sais pas si le spectateur de janvier 2004 pouvait tomber dans le panneau mais franchement ça m'étonne. Et si tu ne tombes pas dans le panneau, tu passes ton temps à attendre que ce qui doive arriver arrive et c'est un peu ennuyeux.

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C'est ma découverte de Larry Cohen et c'est un cinéma très intéressant. Un film entre le thriller paranoïaque et le fantastique feat. extra-terrestres, dont le scénario est bien bancal si on se met à le décortiquer mais dont la mise en scène et l'ambiance générale sont si réussis qu'on est immédiatement emportés et qu'on passe outre les quelques absurdités. Il y a une vision là-dedans, et une envie, c'est certain.
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J'en attendais vraiment beaucoup, mais ce n'est malheureusement vraiment pas terrible et assez chiant, c'est vraiment le More du pauvre. Tout est réuni pour un grand film, mais c'est Lautner et pas Schroeder, donc tout est surligné, sursignifiant. C'est en revanche et malgré tout l'un des films les plus intéressants de son cinéaste, mais sa réputation tient seulement au fait qu'on ne l'attendait pas dans ce registre.

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Un repris de justice prend le pseudo de M. Mumford et vient faire le psy, alors qu'il ne l'est pas, dans la petite ville tranquille de Mumford, améliorant le quotidien de ses habitants, jusqu'au moment où il est rattrapé par son passé. C'est globalement assez raté, c'est un film choral ou presque dans la lignée de Grand Canyon mais en moins réussi, la diversité des portraits proposés fait qu'on a du mal à s'intéresser au film comme un tout, mais in fine les personnages se révèlent assez attachants, ce qui est une qualité constante du cinéma de Kasdan.
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@asketoner
Ca y est, je l’ai vu :
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“Les pommes de la mendicité” de Artur Aristakisyan.

Pour moi, le procédé (couper tous les sons directs du film, pendant 2h20 et mettre à leur place le commentaire du cinéaste, une sorte de méditation personnelle sur les mendiants de Chisinau, la capitale moldave au début des années 90) est non seulement inutile (Herzog - puisque c’est un sujet herzogien on va dire - n serait jamais permis de faire ça) mais injuste (les mendiants sont privé de leur propre voix quoi). Sans parler de la musique christique (opéraistique) tous les 10 minutes (de toute façon, la tonalité est donné dès le début du film ainsi que au début de la deuxième partie avec les quelques extraits des films mués qui évoquent la naissance du christianisme).

Pour caricaturer un peu : c’est comme si quelqu’un faisait à nos jours une espèce de film-poème en noir et blanc dans les réas du Covid, tout en coupant le son direct et en rajoutant ses commentaires et des aires d’opéras)

Niet.
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@sokol Est-ce que faire un film peut être une chose juste ? Aristakisian au moins n'est pas dans le déni (le faire comme si à l'américaine), ni dans le semblant. Il prend le pouvoir sur ces images, le temps d'un film (comme Mekas par exemple). (Et Herzog ne coupe peut-être pas le son, mais il commente énormément.)
(Et la parole d'Aristakisian n'est pas tout à fait un commentaire... Poème, essai ou commentaire : ça change beaucoup de choses.)
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Les Fruits de la passion, Shuji Terayama, 1981

Il y a de belles choses (les couleurs surtout sont impressionnantes, et encore quelques effets de troupe propres au travail de Terayama), mais le scénario est vraiment trop débile pour qu'elles puissent se déployer.
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J'ai 12 ans, on doit être début 1984, et je découvre ce film à la télévision avec mon père, sans doute sur Antenne 2, un soir de semaine. Ce film me traumatise et me bouleverse, et ce choc perdurera toute ma vie. Je n'ai jamais revu le film, mais je ne l'ai jamais oublié. Cela fait 37 ans que je fais tout pour le revoir, que je le recherche ardemment, en parlant à tout le monde, créant une sorte de mythologie autour de ce film disparu et jamais édité sur support, le premier long-métrage de Denis Amar. J'avais bien fini du temps du mulet à mettre la main sur un vieux rip tv absolument dégueulasse, mais c'était tellement immonde que je préférai ne pas salir mon souvenir en m'infligeant cela. J'avais donc fini par faire mon deuil. Je ne reverrai jamais ce film qui m'avait tant marqué. Et puis il y a quelques semaines, j'ai eu l'info : JB Thoret allait rééditer le film en bluray dans sa collection Make My Day ! Le film que je cherchais le plus au monde ! J'ai eu l'impression qu'il ne le faisait que pour moi. Mais visiblement pas, car j'ai découvert alors que ce film était très recherché et jouissait d'une réputation à la grande aura. Bref, il est sorti avant-hier, je l'ai revu hier, et, c'est un fait si rare qu'il faut le préciser : je n'ai pas été deçu. Bien sûr, comme ça fait 37 ans que je le recherche et que du haut de mes 12 ans j'avais été impressionné comme un enfant devant un objet pour adultes, je l'avais forcément mythifié, mais le film est bel et bien excellent, bel et bien traumatisant, au moins autant qu'avant. Sans vous raconter le film, car je veux que vous le découvriez comme moi enfant, sans rien en savoir, il se déroule le 31 juillet lors des grands départs en vacances, et quasi uniquement sur l'autoroute, d'où son titre. Le film est d'une noirceur abyssale, tous les personnages sont antipathiques, c'est sombre et desespéré, incroyablement dur, et je comprends pourquoi j'ai été si marqué enfant. D'ailleurs, je pense que, je suis même sur que, mon aversion pour la voiture, pour la conduite, j'ai toujours refusé de passer mon permis tout en m'y étant inscrit, et ayant payé le forfait, à trois reprises, vient de ce film. Je suis remonté au traumatisme originel. Au-delà de ça, le film est incroyablement bien mis en scène (pour un premier film, ça semble dingue), n'a absolument pas vieilli de ce côté-ci non plus, et est super beau plastiquement, utilisant au mieux ces architectures faites de lignes droites et de points de fuite, autoroutes, stations services, aires de repos, restauroutes, hôtels de bord d'autoroute... Amar s'inspire du cinéma américain nerveux des 70's (dont nous sortons à peine puisqu'il tourne en 1980), et son film est aussi un thriller noir bien nerveux, tout en dépeignant magnifiquement la société française de l'époque. Bon, voilà, je l'ai revu, je suis heureux, et le film quitte la liste des films que je cherche à tout prix à revoir pour intégrer celle des films de ma vie, définitivement.
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asketoner a écrit :
jeu. 25 mars 2021 19:51
@sokol Est-ce que faire un film peut être une chose juste ? Aristakisian au moins n'est pas dans le déni (le faire comme si à l'américaine), ni dans le semblant. Il prend le pouvoir sur ces images, le temps d'un film (comme Mekas par exemple). (Et Herzog ne coupe peut-être pas le son, mais il commente énormément.)
(Et la parole d'Aristakisian n'est pas tout à fait un commentaire... Poème, essai ou commentaire : ça change beaucoup de choses.)
Oui, grand OUI : ce n'est pas à l'américaine, bien évidement que non. Mais c'est problématique, quand meme.
Car, selon moi, un cinéaste ne dois jamais prendre definitivement le pouvoir sur ses images : il faut qu'il le leur rende à un moment donné. Comment ? Je ne suis pas le réalisateur du film.
Oui, sa parole n'est pas tout à fait commentaire mais je pense qu'il n'a pas eu le recul nécessaire (il a fait ce film en 1994 or, le système (comme il le dit durant 2h20 : le système c'est à dire ce qu'on a appelait le communisme) venait juste de tomber : seulement 4 ans ! C'est rien 4 ans apres 70 ans !!
Puis, en bon arménien (et là, souvent, les arméniens ont un problème avec ca quand même), à la place du système, il ne met que du religieux. Mais pas du spirituel, non, du religieux, car ca ne parle que de christianisme (comme souvent les arméniens qui passent leurs temps à répéter inlassablement d'être le premier peuple au monde à se convertir au christianisme). Du coup, ça devient à deux doigt pathétique. En plus, les moldaves c'est un petit peuple des pays de l'Est donc j'ai eu aucun probleme à m'identifier avec ce qu'il filme : il aurait pu tourner ça dans l'Albanie des années 90, cela aurait été exactement la même chose : j'y ai vécu à la même période !

ps : il y a des scène carrément gênantes quand même, par exemple celle du vieux qui a des documents qui attestent qu'il était marié avec la vielle damme dans le diable ou le chariaux : le réalisateur utilise même le champ contre champ, (de la dramaturgie quoi). Je trouvais ça assez gênant. Et je ne parle pas du fait que, on peut aprendre de quoi s'agit-il seulement 'grâce' à la voix off...
:blase:
Bref, non, ce n'est pas malintentionné, certainement pas, mais "père, pardonne-le, il ne sait pas ce qu'il fait"
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cyborg
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Le Tempestaire - Jean Epstein

Un des films les plus réputés d'Epstein, et son aura n'est pas volé. Il s'agit sans doute de son film le plus simple (le "scénario" tiens sur une demi-ligne, n'étant que prétexte à filmer la nature) mais aussi le plus pur dans sa mise en scène, laissant toute la place aux lieux ou se déroule son film et à ceux qui le peuplent, Epstein devenant de plus en plus "documentariste" au fil de sa carrière. A noter aussi un très gros travail sonore, mélangeant musique et bruit de vent pour composer une superbe bande-son.

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Les feux de la mer - Jean Epstein

Dernière réalisation d'Esptein qui est cette fois un court-métrage totalement documentaire, en fait une commande passée par l'ONU sur les phares et l'importance de leur histoire pour le progrès de l'humanité. Les images sont très belles, très précises, et Epstein, en sens inverse, ne peut s’empêcher de les romancer un petit peu en narrant la passation d'un ancien à un jeune gardien de phare.

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Plastic Jesus - Lazar Stojanovic - 1971

Film emblématique de la "black wave" du cinéma yougoslave, célèbre pour avoir été longuement censuré sous Tito.
Le film se compose deux deux dynamiques différentes. Dans l'une, plutôt sous formes de scènettes souvent drôlatiques, un cinéaste sans le sous narre ses difficultés à faire du cinéma "underground" et se retrouve sans cesse à "devoir" filmer des scènes érotiques, ce qui n'est pas sans créer des complications dans son couple. Dans l'autre des images d'archives, principalement de nazis et de guerre, s'enchainent sans ordre apparent.
J'avoue que le résultat me laisse assez circonspect et je n'arrive guère à voir ce que cherche à faire Stojanovic hors d'enchainer des provocations plus ou moins frontale envers la censure d'alors. Mais je veux bien reconnaitre que ma méconnaissance de l'histoire de la Yougoslavie, et peut-être plus encore de la "black wave", n'aide sans doute aucunement.

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Uski Roti / Notre Pain Quotidien - Many Kaul - 1969

Attention : IMMENSE DECOUVERTE. Et je dis cela en pesant mes mots.

On compare Kaul à Robert Bresson, et il y a évidemment du Bresson dans son sens du jeu, du geste, du détail. Mais on est tellement plus loin que l'ascèse bressonienne. Pour rester dans le même type de référence on pourrait citer, par exemple, Antonioni pour son sens du cadre, son expression de la solitude, mais là encore on est d'une certaine façon encore plus loin. Il est un peu déroutant - mais surtout profondément réjouissant - de découvrir un réalisateur indien qui, avec son premier film, en 1969, met à genoux les plus grand maitres du cinéma européen.
L'histoire est simplissime : une femme prépare chaque jour le repas de son mari, chauffeur de bus. Chaque jour elle lui apporte à l'arrêt de bus, mais son mari la délaisse, ne rentre plus, menant sans doute une autre vie en ville, qui restera totalement hors champs. S'en suit une profonde crise personnelle... Le film se concentre sur cette femme et son entourage proche mais plus encore sur son environnement proche - et je crois que c'est là que ce joue la différence et la grandeur du cinéma de Kaul. Non pas seulement sa maison et son intérieur, mais la nature, les plantes, les animaux qui sont très souvent filmés, qui remplissent les plans de leur vie et de leur aura si libre et si particulière. Grace à cela le film vibre comme aucun autre qui aborde ces mêmes thématiques de profonde crise intérieure, de remise en cause du couple. Il y a même, à un moment, un désordre dans l'ordre de la narration, très simple et qui pourrait faire très convenu pour un film de l'époque. Et pourtant ce léger jeu de déconstruction temporelle fait pleinement entrer le film vers une approche spectrale, les personnages se transforment en fantômes d'eux même et conduisent sublimement le film vers sa dernière scène, d'une très grande abstraction cinématographique totalement bouleversante. Il ne reste que cette femme, son mari, son bus, un fond noir, de la fumée, des pas, des larmes, sur ses joues et sur les miennes. Bouleversant.

Je sais qu'il est mauvais de "sur-vendre" un film, mais j'aimerais beaucoup que les membres du forum voit ce film pour avoir leur avis.



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Ashadh Ka Ek Din / One Day Before the Rainy Season - Mani Kaul - 1971

Histoire de couple et de bouleversement intime une fois encore : un jeune poète régional est nommé à un prestigieux poste le conduisant de l'autre côté de l'Inde, délaissant son aimée qui se retrouve à l'attendre indéfiniment. Son retour, des années plus tard, ne se passe pas comme espéré... Deux ans après son premier film, Kaul semble en rebattre les cartes mais dans une version en huit-clos dans une pauvre maison de paillasse. Si l'environnement extérieur est essentiel dans les ressentis des personnages, il n'apparait que par traces, soit s'infiltrant (l'importance récurrente de la pluie) soit se devinant (à travers les branches-planches de bois constituant les murs). De véritables plans de nature n'apparaissent qu'à la toute fin du film, dans une perspective d'ouverture émancipatoire. Tout le reste du film est en dialogues ciselés, fort heureusement très bien écrits mais aussi très bien mis en scène (on évite totalement le théâtre filmé, le rapport entre les corps et l'espace étant remis en cause presque dans chaque plan). C'est peut-être un peu moins surprenant que Uski Roti, ou peut-être un peu trop sur de lui même, donc ce film m'enthousiasme un peu moins, même si le résultat reste très bon.

Je vais très vite me faire les autres films de Kaul à dispo sur la loupe... je vous recommande vraiment d'en faire de même.

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Le chaud lapin - Pascal Thomas - 1974

Le film de "départ en vacances" semble un style à part entière dans le cinéma français des années 70 (60 ?) jusqu'à nos jours, l'occasion de faire cohabiter amis, familles ou amours quelques jours loin de leurs habitudes et environnements quotidiens. Ici Bernard Menez, fraichement célibataire se retrouve en vacances avec 4 couples d'une même famille, dans une grande maison familiale du sud de la France. Tout ce qu'il cherche à faire -chaud lapin du titre- étant plus ou moins de copuler avec l'une ou l'autre des 4 femmes de la famille, bref je vous laisse imaginer le niveau de finesse.
Le Chaud Lapin à 50 ans... ce qui peut paraitre très peu, mais aussi énorme, quand on voit à quel point la France ou se déroule le film n'existe absolument plus, cette brève ère post-68arde où la liberté sexuelle que l'on pourrait vaguement fantasmer semble de nos jours totalement réac. Le machisme y semble la norme absolue, jamais remise en cause mais heureusement en face de la troupe d'homme-personnages principaux les personnages féminins ne se laissent pas toujours faire, existant quelque fois par elles même... mais cela reste bien léger par rapport à tout ce que les types leurs font subir et la place qu'ils occupent à l'écran. Il serait sans doute excessif de voir ici un document quasi-ethnographique, mais vue depuis 2021 Le Chaud Lapin ressemble d'avantage à une curiosité parfois malaisante qu'à un bon film.
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sokol
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@cyborg je n’avais jamais entendu parlé de Mani Kaul mais j’aimerais bien voir ce film dont tu parles
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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cyborg a écrit :
sam. 27 mars 2021 00:20
Uski Roti / Notre Pain Quotidien - Many Kaul - 1969
J'avais vu des images de ce film dans "The story of film" de Mark Cousins (série que je recommande) qui a le mérite de mettre en lumière quelques films "world cinema" souvent un peu plus mis de côté habituellement. Ca m'avait accroché l'oeil tout de suite.
Et l'an dernier grâce à Mubi, j'ai pu enfin découvrir 4 films du réalisateur, et ses films sont aussi une de mes plus belles découvertes de l'an passé.

Notre pain quotidien, j'ai beaucoup aimé, mais il y a une sécheresse (Bressonienne ?) qui m'a un peu mis de côté. Au final, j'ai surtout regretté de ne pas l'avoir vu dans les conditions de la salle mais sur mon ordi avec beaucoup de distractions à côté. J'aimerais beaucoup le revoir au cinéma. Malheureusement, il est assez peu programmé je pense.
Je lui ai préféré One day before the rainy season. Je suis d'accord avec ce que tu en dis. C'est peut être un peu plus classique dans la forme mais de souvenir j'avais bien aimé la manière dont ça arrivait à associer à la fois un côté ultra dramatique (le retour de l'amant des années plus tard, cette pluie sans fin, ça touche presque à une dramaturgie bollywood) avec pourtant un sérieux de cinéma européen (ou plutôt indien influencé par le cinéma d'Europe, comme Satyajit Ray).

Mon favori est Duvidha, en couleur (et quelles couleurs). Avec un cadre aussi cherché que Notre pain quotidien, mais allant plus chercher du côté traditionnel (costumes, mariages) que du côté social, même s'il est toujours question d'un couple.
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Et j'ai aussi vu Nazar, adaptation de Dostoïevsky, plus récent (1990). Mais celui-ci m'a un peu saoulé, j'y ai pas du tout retrouvé ce que j'avais aimé dans les autres, je l'ai déjà complètement oublié.


Les 4 sont encore disponibles sur Mubi, mais plus que pour 6 jours seulement ;)
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@cyborg j'ai le Mani Kaul depuis un moment, je le verrai bientôt

@sokol et moi justement je ne pense pas qu'Aristakisian soit bien intentionné, ce qu'il fait est même assez révoltant par moments, mais c'est précisément là que je le trouve fort, parce que son film affiche (ou ne dissimule pas) le désir qui sous-tend ce que tant d'autres pourraient faire passer pour une indignation ou de la compassion. Quant à son hyper-christianisme, je dois te dire que j'ai failli arrêter le film dès le début à cause de ça. Et puis en fait, il va chercher le christianisme pile à l'endroit où il est scandaleux. Enfin ce n'est pas une leçon, mais une lettre (la parole n'a pas le même statut, elle ne nous est même pas adressée directement : le cinéaste écrit à son fils que sa mère ne veut pas garder : c'est la parole d'un homme en crise, probablement délirant, mais qui trouve quand même le cinéma au bout de son délire).

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Umberto D., Vittorio de Sica, 1952

Je n'ai pas aimé les De Sica que j'ai vus il y a longtemps, mais je me disais que j'avais peut-être été snob, alors j'ai voulu en voir un autre. Je n'ai pas aimé non plus, malheureusement. Quelques scènes qui frôlent la vacuité pure sont très belles, notamment celles avec la bonne, dont le visage et la présence sont merveilleux, quand elle se réveille, fait chauffer de l'eau, s'assoit, etc... Le temps s'étire, on peut vraiment la regarder, on parvient même à la voir. Mais bien vite le scénario reprend ses droits, et le personnage ensevelit l'actrice. Le corps devient une intention, l'expression du visage un affect, le mouvement dans l'espace un drame. Le petit vieux, lui (avec son petit chien), ne quitte jamais son rôle. Je me suis plutôt ennuyé.

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Passe-montagne, Jean-François Stévenin, 1978

On dirait que Jean-François Stévenin a tenté de réduire Cassavetes à sa seule expressivité, en détachant ses signes distinctifs de toute intention. Ca donne : des gens qui marchent, qui mangent, qui boivent, s'en vont, reviennent, etc... Je suis passé par des phases très variables, d'étonnement et de lassitude, jusqu'à ce que les deux personnages garent la voiture sur un bas-côté et se mettent à marcher dans la neige. La relation entre les héros devient alors beaucoup plus forte (quand bien même on ne la comprend pas), beaucoup plus tendre. Quelque chose passe entre eux : ils semblent être devenus inséparables. On ne sait pas ce qu'ils fabriquent ni ce qu'ils cherchent, mais on sait qu'ils ne se quitteront pas. Toutes les scènes évacuent les explications, certes, mais aussi la mesquinerie : il n'est plus question que de cette étrange camaraderie qu'aucun qualificatif ne saurait définir.
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B-Lyndon
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Il y a dans le film de Stévenin quelque chose de très étonnant : c'est la sensualité de Jacques Villeret. Jamais vu un corps aussi rond mais aussi sexy au cinéma.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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Profondo Rosso, Dario Argento, 1975

Je n'ai aucun souvenir de Suspiria, que pourtant j'ai vu il y a seulement trois ans, et je crois bien qu'il va m'arriver la même chose avec Profondo Rosso. Le cinéma de Dario Argento m'indiffère, je reconnais ses morceaux de bravoure, mais pour moi les scènes ne vivent pas. Le problème vient des personnages : lorsqu'ils sont seuls, confrontés à l'angoisse de mourir dans leur appartement désert, ils sont très intéressants ; mais dès qu'ils sont en présence les uns des autres, ça ne marche plus. Argento est peut-être très fort pour la peur, mais moins pour les relations (pas étonnant que l'un des tableaux cités par le film soit le Nighthawks d'Edward Hopper). La bizarrerie esthétique de l'ensemble recouvre assez mal une normativité de fond, où les hommes dominent tranquillement les femmes, et où les femmes n'attendent qu'une chose : être dominées par les hommes (à moins qu'elles s'y refusent et alors elles deviennent des meurtrières, et leurs enfants sont homosexuels, et artistes, et alcooliques, etc...). Le plus triste étant peut-être la relation que le héros entretient avec la journaliste vaguement délurée, qui ne pense jamais à réparer sa voiture, et fait trois pas de danse lorsque son amant, après l'avoir répudiée, lui propose de partir en Espagne (mais pas avec sa voiture, bien sûr...). Je crois même qu'à un moment elle lui demande si elle sent mauvais et si c'est la raison pour laquelle il ne veut pas s'engager dans une relation avec elle, j'ai vraiment eu de la peine pour Dario Argento d'avoir écrit un dialogue pareil. (Evidemment l'essentiel n'est pas dans les dialogues, mais ils sont très présents, certaines scènes du film en sont saturées, d'ailleurs il y aurait bien un quart d'heure de bavardages à couper pour que le film soit réellement efficace.)
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asketoner a écrit :
sam. 27 mars 2021 15:40
Je n'ai pas aimé les De Sica que j'ai vus il y a longtemps, mais je me disais que j'avais peut-être été snob, alors j'ai voulu en voir un autre. Je n'ai pas aimé non plus, malheureusement.
Moi non plus je n'aime pas ses films. Celui-ci encore moins.

Sinon, j'ai revu, enfin, In the mood for love de WKW :

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Ce n'est pas mauvais mais on est bien loin de ses beaux films si libres des années '90. Celui-ci est un peu "maintenant je sais tout faire donc je vais en faire une méthode". Je comprend mieux pourquoi "2046" (le premier film de WKW que j'ai vu au ciné), ne m'avais pas plu : la méthode a été déjà érigée en... système ! (ce que a fait quelques années plus tard le turc Geylan avec sa Palme d'Or en 2014 pour se rattraper, heureusement, en 2018 avec "Le poirier sauvage"). Mais WKW s'est ratrappé aussi je pense en 2013 avec son beau "The grandmaster" (cette histoire de la méthode qui finie par être érigée en système doit être sans doute une affaire des formalistes du cinéma).

ps: on peut donc même dire que, "Il était une fois en Anatolie" est le "In the mood for love" de Geylan et "Winter sleep" son "2046" ("tout le monde" à l'époque disait que ce dernier aurait du obtenir la Palme; "Winter sleep" l'a fait)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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Comme j'ai (re, re)vu "Conte de cinéma" de Hong Sang-soo

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qui est un des plus beaux films "mise-en-abime" (un film dans le film) au monde, j'ai envie de faire un :

top15 des films "film dans le film" :

1.Histoire(s) de cinéma - JLG
2. Conte de cinéma - HSS
3. Au travers des oliviers - Kiarostami
4. Aprile - Moretti
5. Le mépris - Godard
6. Huit et demi - Fellini
7. La rose pourpre du Caire - Allen
8. Chantons sous la pluie - Donen
9. H/Story - Suwa - je l'ai découvert récemment : magnifique ! Je comprend mieux pourquoi je n'aime pas celui de Resnais
10. En présence d'un clown - Bergman
11. L'état des choses - Wenders
12. Grizzly man - Herzog
13. Le filmeur - Cavalier
14. Takeshi's - Kitano
15. Elle a passée tant d'heures sous les sunlights - Garrel

Je ne les aime pas (pourtant, ils sont célèbres) :

1. Inland Empire - Lynch
2. Le camion - Duras
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groil_groil
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L'histoire d'une famille qui s'attache à un chien errant qu'ils recueillent, et leur recherche éperdue de l'animal lorsque celui-ci disparait après le mariage de la fille de la famille. C'est du cinéma 3ème âge, ça sent la charentaise et la camomille, mais ça se regarde car Kasdan réussit à créer des personnages attachants. C'est aussi le dernier film de Kasdan, et comme il va avoir 10 ans, il y a fort à parier que ce sera le dernier.
ça y est, j'en ai donc fini avec la filmographie de Lawrence Kasdan, et c'est un endroit extrêmement agréable et accueillant malgré ses mauvais films. Et il y a tout de même 4 films magnifiques, ce qui n'est pas rien.
1. Les Copains d’abord – The Big Chill (1984)
2. La Fièvre au Corps – Body Heat (1981)
3. Wyatt Earp (1994)
4. Voyageur malgré lui - The Accidental Tourist (1989)
5. Silverado (1985)
6. Grand Canyon (1992)
7. Freeway et nous – Darling Companion (2012)
8. French Kiss (1995)
9. Mumford (1999)
10. Je t'aime à te tuer - I love you to death (1990)
11. Dreamcatcher (2003)


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Une sorte de Striptease québécois avant l'heure (le film est de 1982) où le cinéaste Pierre Perrault s'embarque et nous avec, mais sans jamais intervenir, avec une bande de chasseurs d'orignal. Je ne sais pas si j'ai aimé le film, je sais en revanche que je n'ai pas aimé du tout les personnages, mais le film est très original dans sa façon qu'il a de documenter sans intervenir, et comment le cinéaste parvient à se faire oublier, tout en étant omniprésent et parvenant à réaliser in fine le film qu'il souhaitait faire.

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L'Oumigmag ou l'objectif documentaire - Pierre Perrault - 1993

Un documentaire ou Perreault suit un troupeau de bêtes de type '"yach" accompagné de textes poétiques sur lesquels il met l'animal en relation avec son origine préhistorique.

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Visionnage annuel
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asketoner
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L'Assassin habite au 21, Henri-Georges Clouzot, 1942

Contrairement au Corbeau, le deuxième film que tournera Clouzot pendant l'Occupation, j'ai du mal à voir les rapports que celui-ci entretient avec l'époque. Il n'est pas pour autant plus mauvais, les acteurs sont tous excellents, chacun a son numéro, comme un joyeux et élégant théâtre de boulevard mâtiné de roman policier. J'ai été frappé par la diction des acteurs, la voix des Français à cette époque ne se plaçait pas exactement au même endroit qu'à présent, plus aigüe, nasale et piquante. Les accents sont fameux, l'agressivité avance au grand jour, les allusions sexuelles sont constantes. Le style-Clouzot est déjà très présent, par son montage vif et ses inserts brutaux, son sens maniaque du détail et sa manière de mettre à égalité les objets et les humains.
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cyborg
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@sokol : je t'ai donc renvoyé vers un lien loupe, attention parfois y a des versions différentes (Uski Roti préfère la version en 3/4) et les sous titres de Duvidha sont décalés (si tu galères à recaler je t'en envoie une autre mais un peu moins belle).

@asketoner : super si tu regardes bientôt !

@yhi : ha l'affiche de Uski roti me disait bien qqch, c'était dans un de tes tops de l'an passé non ? Je viens de voir Duvidha, superbe :) J'ai prévu de voir tout ceux que j'ai sous la main (encore 3 ou 4) dont l'Idiot dont tu parles.

@groil_groil : ha ben dis donc connaissant ton amour de l'accent québécois tu as du te régaler :D J'avais fait le mauvais choix de voir La Bête Lumineuse sans sous-titre, ce qui fait que je n'ai pas pigé grand chose, surtout vers la fin, subissant les hurlements alcoolisés de plein fouet. Pfiou c'est intense et un peu rude, mais ce qui se capte est assez fou... Je te conseille beaucoup plus un autre que j'ai vu de lui, "Pour la suite du monde", sur la pèche traditionnelle et sa transmission. C'est en ligne ici https://www.youtube.com/watch?v=ISSX1AKY2kM


Vu, donc :

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Duvidha - Mani Kaul - 1973

Troisième film de Kaul, et troisième très grand film. Grand changement, l'apparition de la couleur, absolument magnifique, dont les tons chauds et généreux m'ont immédiatement fait penser à Paradjanov, mais la parentée s'arrête là. La référence plus évidente du film étant Chris Marker, par l'usage régulier de la photographie fixe, et même d'un clignement de paupière entre deux images...
Ici l'ascétisme bressonien se distille davantage dans la tradition indienne, tout en délivrant un film avec une mise en scène impeccable. Basée une fois encore sur une histoire d'amour et un éloignement subi, le film est en effet un conte dans lequel un fantôme amoureux se manifeste sous la forme du mari absent... et fini même par faire un enfant avec la femme délaissée : une magnifique relecture du thème du double, moderniste par excellence, sous les auspices de l'Inde.


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Trois jours en grèce - Jean-Daniel Pollet

Pollet, à l'invitation d'une quelconque cérémonie, s'échappe et part se promener en Grèce, pays qu'il aime plus que tout. Il emmène sa caméra et nous avec lui. Carnet de voyage très libre, sans but plus précis que de revoir des lieux et histoires qu'on aime tant, Trois Jours en Grèce est sans cesse hanté par l'histoire immédiate de son temps de création, le tout début de la première Guerre du Golf. Sans cesse les mythes fondateurs de notre humanité se fracassent par ces flux d'images infos qui surgissent d'un téléviseur. Le choix est simple mais fort et rend bien l'étrange impermanence de nos histoires. Cette dynamique de flux semble ressurgir dans d'incroyable plans de steady-cam (encore plus incroyable pour l'époque du film, 1991 !) dans lesquels Pollet filme villes, villages et campagnes grecques. Plastiquement le film est superbe, ce qui participe totalement à la réjouissance qu'est son visionnage, tout à la fois léger et grave, et permettant parfaitement de renouer avec le plaisir simple de l'exploration que nous avons perdu avec un an de pandémie mondiale...


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...enfants des courants d'air - Edouard Luntz - 1959 (Prix Jean Vigo)

Premier court d'Edouard Luntz, simplissime mais très réussi : la journée d'un gamin des bidonvilles parisiens, ses errances, ses jeux, son environnement direct. Nouvelle vague bien sur, mais dans une approche très "cinéma direct", témoignant des incroyables conditions de vies des plus démunis dans les années 50 autour de la capitale française... Ah ça, on est loin de Godard, Truffaut et la bande qui, en comparaison, apparaissent immédiatement comme ce qu'ils sont en fait : des révolutionnaires nantis.

Visible librement ici https://vimeo.com/399965597(25 minutes)
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yhi
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cyborg a écrit :
lun. 29 mars 2021 20:47
J'ai prévu de voir tout ceux que j'ai sous la main (encore 3 ou 4) dont l'Idiot dont tu parles.
C'est pas L'idiot que j'ai vu, c'est l'adaptation de La douce
Si t'en as sous la main en bonne qualité, je suis intéressé !
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cyborg
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@yhi : mais t'es pas sur la loupe ? C'est là qu'ils sont tous passés récemment et tous les liens sont encore actifs ;)

> https://www.myairbridge.com/fr/#!/folde ... eDvFf15gr6
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C'est un péplum fantaisiste, qui n'a strictement rien d'historique, et dont la fantaisie est très pop, avec beaucoup d'humour, des monstres, et même des bruitages de musique concrète lors de certains combats. Du kitsch comme on l'aime, avec la mise en scène inspirée de Cottafavi, petit maitre adoré des cinéphiles, dont Dionnet, qui présente le film, et Tavernier et Moullet qui en débattent dans les bonus.

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Visionnage annuel, bis. On dit souvent que le second est moins bien, mais je défie quiconque de me citer une suite aussi réussie que celle-là.
Ok Back to the Future, mais c'est tout.
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Orphée, Jean Cocteau, 1950

Ca faisait très longtemps que je n'avais pas vu un film de Cocteau, et je dois dire que ce n'est pas très bon. Maria Casarès a toute ma sympathie a priori, mais Jean Marais est un acteur très limité, grandiloquent, qui cherche toujours à rendre ses personnages malaimables et y parvient sans trop de peine. Je pense que Cocteau ne s'aimait pas beaucoup (ou passait beaucoup de temps à essayer de s'aimer sans y parvenir), et c'est la raison pour laquelle son double de fiction est si souvent grossier, infatué, capricieux. Le ton est ouvertement théâtral, ce qui n'est pas problématique en soi (Clouzot par exemple s'en tire très bien dans L'assassin habite au 21), mais la mise en scène ne suit pas. Cocteau fait des génériques magnifiques, a des idées de décors prodigieuses, invente des costumes grandioses, mais ses scènes sont molles, répétitives, et les dialogues les expliquent constamment. Ce cinéma d'imagination, paradoxalement, brime l'imaginaire.
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asketoner a écrit :
mar. 30 mars 2021 15:38
Orphée, Jean Cocteau, 1950
Honte à moi mais je n'ai jamais vu un film de Cocteau (toujours des extraits à gauche et à droite). Car j'ai toujours eu un pressentiment qu'ils ne soient pas très bons et que je ne pouvais pas les voir en entier...
:sarcastic:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tyra
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J'avais été déçu par celui-ci aussi. Je préfère La Belle et la Bête.
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@asketoner : ayant vu la trilogie complète récemment je ne serais pas aussi rude que toi (même si je vois que j'avais écrit que le récit était "inutilement alambiqué") mais j'avais tout de même mis ce film en dernier des trois, si jamais tu avais prévu de (re)voir les autres...
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