Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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tu n'as pas compris ce que je dis : ce sont les cinéastes qui les montrent ainsi.
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yhi
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Non justement, il me semble que c'est toi qui les trouve comme ça. Ils ne m'ont pas semblé ni méprisables ni détestables, voire au contraire assez sympathiques.
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groil_groil
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ok on ne doit vraiment pas du tout avoir la même façon de concevoir le monde alors, pas grave.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
mar. 24 nov. 2020 09:18
Soirée Double Peine Cinéma Français 2020
Bien vénère ! Ca fait plaisir ! :love2: :lol:
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yhi
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groil_groil a écrit :
mar. 24 nov. 2020 10:05
ok on ne doit vraiment pas du tout avoir la même façon de concevoir le monde alors, pas grave.
façon que tu gardes bien pour toi puisque tu juges (les personnages je parle, pas le film) sans aucune autre forme d'explication.
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sokol
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groil_groil a écrit :
mar. 24 nov. 2020 09:18
Voilà, c'est ça le cinéma réac de ces deux types qui se prétendent de gauche mais qui sont, ça transpire dans leur oeuvre, des gens qui méprisent littéralement les autres. A gerber.
Bon, je n'ai pas vu le film (je l'avais loupé) mais je m'en suis voulu un peu car au final, j'étais un peu curieux : même si je déteste ce qu'ils font (à part un seul film qui est génial d'ailleurs : "Luise-Michel", mais c'est l'exception qui confirme la règle), je voulais voir un film avec des Gilets Jaunes. Puis, Bégaudeau défend le film (je ne suis pas automatiquement d'accord avec lui, mais pour les films, on va dire, politique, il a un regard assez impeccable (et implacable). Écoutes le un peu si tu veux : https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... LLkiGcBRGE

Bref, maintenant j'ai encore plus envie de le voir. J'ai écouté Bégaudeau mais ça fait toujours un peu bizarre d'entendre parler d'un film qu'on n'a pas vu (on se fait presque un film quoi, un film reconstituant et c'est injuste et surréaliste)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Babs
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groil_groil a écrit :
mar. 24 nov. 2020 08:53
:hello: :hello: :love2:

Reviens poster plus souvent.
Déjà parce que tu nous manques, et ensuite ça te redonnera peut-être un peu le moral, et j'espère qu'on te fera parfois sourire avec nos conneries :D :love2:
Coucou Chouchou :hello: :love2:
ouais, c'est compliqué 2020, même quand on n'est pas malade...et puis dernièrement j'ai pas vu tant de films que ça, je suis davantage dans les séries (The Crown, The Good Fight, The Third Day, The Undoing, Criminal, Dix pour cent, La Flamme, Unorthodox, etc...je revois même Bodyguard que j'avais adoré il y a 2 ans)

bah sinon ça démarre mal, parce que j'ai bien aimé, moi, "Effacer l'historique" :lol: Franchement, j'y ai trouvé des moments poilants et un sens de l'absurde du quotidien plutôt bien vu. Après, c'est l'humour Grosland, hein ? On n'est pas chez Lubitsch :D

vu
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St Vincent - Theodore Melfi - 2014

Scénario attendu du vieux grincheux qui se révèle avoir un grand cœur. Mais j'aime tellement Bill Murray, que sa seule dégaine et son air renfrogné suffisent à mon bonheur.
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groil_groil
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<3
pas de souci pour l'Historique, mais perso je n'y retrouve absolument pas ce que j'aimais tant dans Groland, à savoir un humour potache et grossier mais toujours bon enfant et sans jamais rabaisser ses personnages. L'outrance associée à l'absurde.
Ici je n'y vois que cynisme et complaisance, et surtout deux types qui n'aiment aucun de leurs personnages.
Bref, passons, j'ai assez parlé de ce machin :D
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
mar. 24 nov. 2020 11:54
groil_groil a écrit :
mar. 24 nov. 2020 09:18
Voilà, c'est ça le cinéma réac de ces deux types qui se prétendent de gauche mais qui sont, ça transpire dans leur oeuvre, des gens qui méprisent littéralement les autres. A gerber.
Puis, Bégaudeau défend le film (je ne suis pas automatiquement d'accord avec lui, mais pour les films, on va dire, politique, il a un regard assez impeccable (et implacable). Écoutes le un peu si tu veux : https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... LLkiGcBRGE

Bref, maintenant j'ai encore plus envie de le voir. J'ai écouté Bégaudeau mais ça fait toujours un peu bizarre d'entendre parler d'un film qu'on n'a pas vu (on se fait presque un film quoi, un film reconstituant et c'est injuste et surréaliste)
J'aime bien Bégaudeau mais justement sur les films dits "politiques" (on sait tout les deux que l'expression est limité) je trouve qu'il est moins pertinent sur des termes esthétiques. Il ne voit que ça, ce que le film rend compte, et pas ce que le film est. Il y a un peu de pose chez lui. Ca l"amène à défendre des trucs comme La loi du marché ou, un peu mieux, 120 battements par minute.

Il est passionnant quand il parle de Bernanos, de Dumont, de Godard, de Gombrovicz par exemple...
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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groil_groil
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Poursuite de ma rétrospective Risi. Belles mais Pauvres est la suite directe de Pauvres mais Beaux et c'est tout aussi bien. Cette trilogie (il y en a un troisième) est parmi ce que le cinéaste a fait de mieux. C'est un cinéma étrange car il capte, je pense à merveille, l'ambiance romaine, et italienne, de l'époque, mais dans une veine plus comédie que ce que faisait le néo-réalisme, et que fera Pasolini quelques années plus tard, et que le résultat est super contrasté. A la fois, c'est assez abject de constater la puissance et la violence du patriarcat, et la manière dont les femmes sont soient considérés comme des sujets sexuels, soit comme des boniches, et en même temps, la vision de cette Italie d'après-guerre est d'une grande beauté, dégageant de la séduction et de la nostalgie, créant un décorum dans lequel on ferait tout pour se lover. Sinon au niveau mise en scène et narration, Risi est déjà (on n'est qu'en 57) à un niveau d'excellence qui force l'admiration, l'ensemble étant d'une fluidité rare.

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Si l'on excepte son film de fin d'études, ce n'est que le second long-métrage de Spike Lee et c'est hallucinant de le voir se lancer dans un projet pareil pour un second film. Celui-ci se déroule dans une Université entièrement noire (je ne sais pas si cela existe réellement aux USA, mais ce genre de ségrégation volontaire me semble totalement hallucinant vu de France) et met en scène différents clans, on appelle ça des confréries je crois, qui s'opposent les unes les autres lors de grands rassemblement chorégraphiés, ou passent leur temps à se draguer. Le film n'est pas très intéressant, est souvent raté, on sent les deux heures passer, mais ce qu'il y a d'hallucinant, c'est que c'est à la fois une comédie (rien n'est traité de manière sérieuse) et une comédie musicale (le film enchaine les moments chantés). Tout ça dans une ambiance Black Power bien sûr, et l'ensemble fait un peu gloubiboulga, mais c'est justement ce qui rend le film attachant, car ce mélange mal calibré lui donne son originalité et sa pertinence, même s'il n'est pas tout à fait réussi.
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sokol
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B-Lyndon a écrit :
mer. 25 nov. 2020 10:39
je trouve qu'il est moins pertinent sur des termes esthétiques. Il ne voit que ça, ce que le film rend compte, et pas ce que le film est.
C'est ce que j'ai ressenti un peu dans son intervention concernant "Effacer l'historique", je suis d'accord, mais comme je n'ai pas vu le film, c'est assez difficile de juger... .

Après, je disais 'politique' au sens un peu large du terme, par exemple j'avais beaucoup apprécié sa critique de "L'atelier" (pourtant, il doit être ami avec Cantet puisque ils ont fait ensemble "Entre les murs"; mais il ne fait aucune concession). Tout de même, tu dois avoir bien raison concernant les films politiques (au sens plus strictes du terme).
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Ca y est, je l'ai vu :

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Comme un cheval fou de Tao Gu

Brillant documentaire sur un un loser magnifique chinois. Docu-fiction plutôt, dans la veine de "Dans la Chambre de Vanda" ou ceux de Wang Bing (Ta'ang, A la folie, Les sœurs de Yunan). Ou si on remonte encroe et encore, on arrive à la figure de Jean Rouch.
J'aurais juste voulu entendre un peu plus de musique de la part du personnage principal mais, "je dis ça, je ne dis rien" : le film est excellent !
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groil_groil
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Un jeune médecin urgentiste promis à une belle carrière se trouve confronté à un dilemme lorsqu'il apprend la mort d'un jeune garçon de 15 ans d'un soi-disant arrêt cardiaque et qu'il comprend que celui-ci est advenu après un jeu sexuel - et donc pédophile - avec le leader du parti d'extrême-droite en France, mort couverte par l'un de ses supérieurs, également adhérent au parti. Le film commence très mal : une petite fille se fait écraser. Hallucinant de noter, puisqu'en pleine intégrale Boisset cela apparait de manière flagrante, combien, dans tous ses films, il y a des enfants en souffrance, voire même qui meurent. Je ne connais rien de l'enfance de Boisset mais il y a fort à penser qu'elle ne fut pas des plus douces. Bref, dieu merci, pour une fois, la gamine s'en sort, et cette séquence ne sert qu'à introduire les médecins. Et ça s'aggrave car ça joue comme des pieds, Stéphane Freiss ayant du mal à trouver le ton juste, puisque le film se perd dans l'humour potache et la grivoiserie. Dieu merci, ça s'arrange rapidement, dès que l'intrigue principale se met en place en fait. C'est le tout dernier film de Boisset, et il faut dire que ça tient bien la route, c'est comme souvent avec lui du film-dossier, avec un corps professionnel à dénoncer. Là c'est la médecine, enfin, les médecins s'en tirent plutôt bien, le film traitant surtout de la corruption et du trafic d'influence via le corps politique, mais ça fait son petit boulot, et on y trouve ce qu'on est venu chercher. Après ce film, Boisset ne fera plus que de la télé, incapable de tourner un nouveau long-métrage. On dit que c'est Charasse qui l'ayant dans le pif, ça s'est même fini au tribunal, faisait tout pour l'empêcher de monter ses films, notamment avec le refus systématique de l'avance sur recette. Autre truc n'ayant rien à voir mais qui est une étonnante coïncidence : je réalise en ce moment un rewatch intégral des 8 saisons de la série Engrenages, et suis actuellement en pleine saison 6 où l'une des intrigues est exactement la même : le procureur Machard est impliqué dans une affaire après la mort d'un jeune homme (mort d'un arrêt cardiaque après absorption à forte dose de poppers et de viagra) avec qui il venait d'avoir des relations sexuelles. Bon c'est quand même traité dans Engrenages hein...

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troisième long métrage de Spike Lee et sans doute son plus réputé, en tout cas le plus emblématique. On y suit la vie d'une rue dans un petit quartier populaire et cosmopolite de New York, l'action est centrée autour d'une pizzeria tenue par un père italien et ses deux fils, en plein quartier black et en face d'une épicerie asiatique. On y suit le quotidien de tous ces gens, dans une ambiance parfois tendue mais toujours bon enfant et pleine d'humour, le film est assez joyeux pendant 1h30, jusqu'à ce que le drame éclate. A la suite d'une altercation dans la pizzeria entre le patron et un client black qui ne se déplace jamais sans son ghettoblaster, la police débarque et dans l'émeute générale tue le mec, et sa communauté se révolte, le quartier partant à feu et à sang, et la pizzeria est incendiée. C'est la vie entière de cet homme qui part en flammes, et le constat final fait avec le livreur de pizza noir (Spike Lee lui même), qui est celui qui a lancé les hostilités contre le restaurant, est amer. Les deux communautés sont des victimes, et souffrent toutes deux à égalité. Je préfère son premier film, Nola Darling, mais celui-ci est intéressant, et son changement de braquet 30 minutes avant la fin est très réussi, faisant basculer le film dans une réalité qu'il faisait mine de ne pas voir au préalable.
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asketoner
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Comme un cheval fou, Tao Gu, 2017

Je dirais pour ma part que ce beau film a deux défauts :
d'abord son montage un peu relâché - le film aurait pu être autrement plus tendu et intense -,
et la place du cinéaste dans le film, effaçant les questions qu'il pose (ou ce qu'il dit) à son ami mais ajoutant une voix-off pour nous raconter son histoire.
Ce procédé m'ennuie beaucoup dans le documentaire d'une façon générale, certes Wang Bing fait de très belles choses de cette manière-là, mais Godard par exemple, dont je suis en train de voir les 12 épisodes de Sur et sous la communication, réalisé avec Miéville pour la télévision, ne se défile pas : on l'entend (on l'entend couper les intervenants, tenter de dévier leur propos, ou bien les encourager à poursuivre, à approfondir leur pensée, à la reformuler...). La voix-off, dans le cas de Comme un cheval fou, c'est une manière de faire entendre une relation de pouvoir où l'on voit de l'amitié.
Mais voilà, ce matin je me suis réveillé et je pensais à Dong, l'ami du cinéaste et héros de son film, personnage absolument poétique, traînant des pensées miraculeuses d'un bout à l'autre d'un monde en déliquescence, et je suis heureux qu'il existe. "Putain, s'écrie-t-il à un moment, on devrait avoir un sexe jetable !" Et tout ce qu'il dit est de cette force. Et j'aime l'idée que quelqu'un soit en train de dire des choses comme ça quelque part dans le monde en ce moment même.
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Babs
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groil_groil a écrit :
mer. 25 nov. 2020 10:49


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Si l'on excepte son film de fin d'études, ce n'est que le second long-métrage de Spike Lee et c'est hallucinant de le voir se lancer dans un projet pareil pour un second film. Celui-ci se déroule dans une Université entièrement noire (je ne sais pas si cela existe réellement aux USA, mais ce genre de ségrégation volontaire me semble totalement hallucinant vu de France) et met en scène différents clans, on appelle ça des confréries je crois, qui s'opposent les unes les autres lors de grands rassemblement chorégraphiés, ou passent leur temps à se draguer. Le film n'est pas très intéressant, est souvent raté, on sent les deux heures passer, mais ce qu'il y a d'hallucinant, c'est que c'est à la fois une comédie (rien n'est traité de manière sérieuse) et une comédie musicale (le film enchaine les moments chantés). Tout ça dans une ambiance Black Power bien sûr, et l'ensemble fait un peu gloubiboulga, mais c'est justement ce qui rend le film attachant, car ce mélange mal calibré lui donne son originalité et sa pertinence, même s'il n'est pas tout à fait réussi.
Je n'ai pas vu "School Daze", mais ça me fait plaisir que tu te penches sur la filmo de Spike Lee, qui est, je l'ai plusieurs fois évoqué, un cinéaste que j'affectionne particulièrement. Malgré quelques prises de positions contestables, Lee est à plus d'un titre un cinéaste remarquable, parce que le premier afro-américain à être sorti d'une ghettoïsation (alors même qu'il est une personnalité éminemment militante) pour proposer un cinéma mainstream avec en tête d'affiche des acteurs noirs mais pas que. Parce que flexible à divers genres, du thriller au musical, en passant par le biopic et le film de guerre. Et parce que sachant toujours rebondir, au gré des échecs critiques et/ou artistiques, entre fictions, documentaires et vidéos musicales. Notre ami, est même prof de cinéma à la NYU. J'attendais beaucoup de sa présidence cannoise. Si une édition 2021 a lieu, espérons qu'il en sera !
Sinon, je te confirme que les universités entièrement dédiés aux étudiants afro-américains existent bien. Un héritage de la ségrégation qui perdure malgré l'accès désormais possible de ces étudiants dans d'autres universités.
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B-Lyndon
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asketoner a écrit :
jeu. 26 nov. 2020 11:47
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Comme un cheval fou, Tao Gu, 2017

Je dirais pour ma part que ce beau film a deux défauts :
d'abord son montage un peu relâché - le film aurait pu être autrement plus tendu et intense -,
et la place du cinéaste dans le film, effaçant les questions qu'il pose (ou ce qu'il dit) à son ami mais ajoutant une voix-off pour nous raconter son histoire.
Ce procédé m'ennuie beaucoup dans le documentaire d'une façon générale, certes Wang Bing fait de très belles choses de cette manière-là, mais Godard par exemple, dont je suis en train de voir les 12 épisodes de Sur et sous la communication, réalisé avec Miéville pour la télévision, ne se défile pas : on l'entend (on l'entend couper les intervenants, tenter de dévier leur propos, ou bien les encourager à poursuivre, à approfondir leur pensée, à la reformuler...). La voix-off, dans le cas de Comme un cheval fou, c'est une manière de faire entendre une relation de pouvoir où l'on voit de l'amitié.
Mais voilà, ce matin je me suis réveillé et je pensais à Dong, l'ami du cinéaste et héros de son film, personnage absolument poétique, traînant des pensées miraculeuses d'un bout à l'autre d'un monde en déliquescence, et je suis heureux qu'il existe. "Putain, s'écrie-t-il à un moment, on devrait avoir un sexe jetable !" Et tout ce qu'il dit est de cette force. Et j'aime l'idée que quelqu'un soit en train de dire des choses comme ça quelque part dans le monde en ce moment même.
Je ne l'ai pas revu mais je te trouve un peu dur avec la voix-off. Précisément car je ne l'ai pas revu, mais que je me souviens encore, depuis trois ans maintenant, de la fin du film - quand Dong dort dans le train et que la voix du cinéaste, grave et précise, s'élève, par dessus le couchant et le paysage enneigé. Je me souviens pas vraiment de ce qu'elle dit mais de cette voix, de la liberté qu'elle exprime, la liberté d'un cinéaste qui a trouvé un visage à offrir au monde. Et ça m'émeut toujours beaucoup en y repensant.
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B-Lyndon
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sokol a écrit :
jeu. 26 nov. 2020 09:38
Ca y est, je l'ai vu :

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Comme un cheval fou de Tao Gu

Brillant documentaire sur un un loser magnifique chinois. Docu-fiction plutôt, dans la veine de "Dans la Chambre de Vanda" ou ceux de Wang Bing (Ta'ang, A la folie, Les sœurs de Yunan). Ou si on remonte encroe et encore, on arrive à la figure de Jean Rouch.
J'aurais juste voulu entendre un peu plus de musique de la part du personnage principal mais, "je dis ça, je ne dis rien" : le film est excellent !
Content de lire ça !
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asketoner
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B-Lyndon a écrit :
ven. 27 nov. 2020 00:37
Je ne l'ai pas revu mais je te trouve un peu dur avec la voix-off. Précisément car je ne l'ai pas revu, mais que je me souviens encore, depuis trois ans maintenant, de la fin du film - quand Dong dort dans le train et que la voix du cinéaste, grave et précise, s'élève, par dessus le couchant et le paysage enneigé. Je me souviens pas vraiment de ce qu'elle dit mais de cette voix, de la liberté qu'elle exprime, la liberté d'un cinéaste qui a trouvé un visage à offrir au monde. Et ça m'émeut toujours beaucoup en y repensant.
Eh bien figure-toi que la voix-off dit, au moment dont tu parles : "je n'avais jamais vu Dong dormir aussi profondément".
Alors c'est peut-être vrai, mais c'est surtout inutile : on le voit dormir, il s'est beaucoup agité juste avant, le contraste serait là sans le commentaire.
Et puis aussi, ça faisait une heure et demie que cette voix-off se taisait. Elle était là en amorce du film, puis elle disparaît, et finalement revient pour nous dire que c'est terminé... Bon, c'est vraiment de l'ordre du procédé. J'avais envie de poser la question au cinéaste : mais tu l'as vu dormir combien de fois dans ta vie ? Si tu parles de cette nuit, pourquoi tu ne parles pas d'une autre nuit à un autre moment ?
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Babs a écrit :
jeu. 26 nov. 2020 19:57


Je n'ai pas vu "School Daze", mais ça me fait plaisir que tu te penches sur la filmo de Spike Lee, qui est, je l'ai plusieurs fois évoqué, un cinéaste que j'affectionne particulièrement. Malgré quelques prises de positions contestables, Lee est à plus d'un titre un cinéaste remarquable, parce que le premier afro-américain à être sorti d'une ghettoïsation (alors même qu'il est une personnalité éminemment militante) pour proposer un cinéma mainstream avec en tête d'affiche des acteurs noirs mais pas que. Parce que flexible à divers genres, du thriller au musical, en passant par le biopic et le film de guerre. Et parce que sachant toujours rebondir, au gré des échecs critiques et/ou artistiques, entre fictions, documentaires et vidéos musicales. Notre ami, est même prof de cinéma à la NYU. J'attendais beaucoup de sa présidence cannoise. Si une édition 2021 a lieu, espérons qu'il en sera !
Sinon, je te confirme que les universités entièrement dédiés aux étudiants afro-américains existent bien. Un héritage de la ségrégation qui perdure malgré l'accès désormais possible de ces étudiants dans d'autres universités.
Oui plus je creuse plus je trouve ça intéressant.
De toute façon, on ne prend jamais assez le temps de le faire, mais une rétrospective est la meilleure façon de découvrir un cinéaste.
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Un polar du dimanche soir idéal, dont j'aime le pitch, j'aime le scénario (qui se déroule à l'encontre de ce qu'on voit habituellement dans ce genre de polar judiciaire 80/90's et ça fait du bien), j'aime la mise en scène fluide de Yates (la scène à la bibliothèque, quel régal) et dont j'aime les acteurs (Cher est super craquante). Bref, film mineur mais super beau moment. J'avais déjà du le voir il y a une dizaine d'années, mais ce qu'il y a de bien avec ce genre de films c'est qu'on oublie (en tout cas moi) les intrigues très rapidement donc c'est à chaque fois une découverte.
Merci à Ilan d'en avoir reparlé et de m'avoir donné envie de le revoir.

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New-York, toujours, quartier de Harlem. Un jeune architecte (Wesley Snipes), marié et père de famille, peste parce qu'on lui adjoint une assistante blanche, une italienne. Malgré ça, il est irrésistiblement attiré par elle, ils ont une liaison, sa femme l'apprend et le met dehors. La jeune femme se fait aussi mettre dehors de chez elle par son père raciste et quitte son petit ami (John Turturro, tout en douceur) qui en profitera pour avouer son amour à une jeune femme, noire, qui lui achète un journal chaque matin. Le film traite magnifiquement des préjugés et des idées reçues sur les couples de couleur mixte, et malheureusement rien ne finit bien (sauf peut-être pour Turturro), Spike Lee montrant que le déterminisme racial est malheureusement plus fort que le désir amoureux. C'est à jour le plus beau film que j'ai vu de lui, c'est une très grande réussite, car c'est un film très ample, qui met en scène de nombreux personnages (je n'ai parlé ici que de quelques uns, mais tous sont travaillés, à commencer par le frère de l'architecte (Samuel L. Jackson) sdf et drogué au crack, ainsi que les parents (Anthony Quinn joue le père de Turturro par exemple) ou amis de chacun) et l'intrigue se déploie comme celle d'un roman, allant s'intéresser à un personnage puis à un autre, mais sans jamais perdre son film conducteur, celui d'un film ample et attachant. Car le film est malgré son sujet douloureux traité avec beaucoup de tendresse et de sensibilité. A noter aussi une très belle utilisation de la musique, des chansons originales de Stevie Wonder à des emprunts à Frank Sinatra, ou de la musique orchestrale créée pour le film, c'est une réussite globale, car la musique ne souligne jamais le récit et vient au contraire soit l'alléger soit en proposer une lecture différente, décalée. Film magnifique.
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:love2:
groil_groil a écrit :
ven. 27 nov. 2020 11:53
A noter aussi une très belle utilisation de la musique
Le père de Spike Lee était compositeur, d'où certainement cette sensibilité accrue qu'il a pour une musique qui a baigné son enfance ;) En parlant de son enfance justement, j'ai une affection particulière pour "Crooklyn". Une chronique familiale très attachante. Un film modeste et pas très connue, ni reconnu, qui je le crois réserve quelques pans autobiographiques.
Pour reparler de "Jungle Fever", quand Lee sort ce film, c'est du jamais-vu à Hollywood; un tel sujet n'était même pas envisageable quelques années auparavant ! Ce mec est gonflé quand même :D

Dis-donc, tu me fait doublement plaisir en parlant de Cher !!! J'aime l'actrice, qui malheureusement a tourné trop peu (mais a tout de même réussi l'exploit de décrocher un prix d’interprétation à Cannes et un Oscar), mais j'ai surtout une passion pour sa carrière discographique de 1965 à 1979, comme pour ses shows tv des années 70 euphorisants.
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Local Colors - Mark Rappaport

Continuation de ma découverte de Rappaport avec son premier film "Local Color", réalisé en 1977.
Pastiche arty des soap-opéras dans lequel 8 personnages suivent une vague trame, dont les scènes pourraient se voir sans doute dans un autre ordre, le réalisateur jouant sur l'infinité des situations, des échanges, des relations et rendant finalement peu discernable le vrai du rêve. Il y a déjà ce qui constituera les gimmicks à venir du réalisateur (décors très simple, images dans l'images...) et donc l'ensemble me plait plutôt mais il y a tout de même trop de tic de premier film (un peu trop long, l'envie de vouloir en mettre trop...) pour être totalement digeste.


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J'ai vu tous les dessins animés des années 90 durant mon enfance mais je ne suis pas sur d'avoir déjà lu un album en entier (ou alors je n'en ai pas le souvenir) du coup je n'ai pas grand chose à dire sur la fidélité d'adaptation mais je doute quand même que les albums de Tintin soient aussi survitaminés et se passent en 4ème vitesse. J'avais l'impression ici qu'une scène d'action ne faisant que se succéder à une autre, sans vrai moment pour laisser exister les personnages. A ce titre les transitions entre scènes/aventures (il s'agit de plusieurs albums ?) m'ont paru plus forcées que naturelles. De même y-a t-il véritablement dans l’œuvre originale des moments de bravoure aussi hors-norme que la bataille de grue ou la course-poursuite en side-car... ? Spielberg aurait-il profité de Tintin pour signer, en fait, son véritable Indiana Jones 4 ? Malgré tout cela, le film reste un bon moment de divertissement.

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Casual Relations - Mark Rappaport

3ème film de Rappaport et 3ème que je vois de lui. Son deuxième, "A scenic route", m'avait bien plu mais mes préférences vont finalement à celui-ci, dans lequel Rappaport semble se détacher de la narration encore plus fortement mais sans laisser tomber la narrativité. Le titre le laissait supposer et on pourrait en effet penser avoir à faire à un film structuraliste qui se tournerait vers une forme plus incarnée -je n'ose pas dire pop, faut pas pousser, mais...- un peu comme si Michael Snow avait continué dans la veine de Rameau's Nephew' d'une certaine façon et en moins prétentieux. Wavelenght est d'ailleurs directement cité ici, mais non pas du point de vue de l'image mais du point de vue du regardeur (un homme va regarder chaque jour une photo de la mer qui le fascine et par un effet de fondu il finit par devenir la mer). Tout le film est ainsi, s'entremêle, se répète et fait se contaminer les images, les situations et les personnages. C'est assez beau et j'aime beaucoup l’atmosphère qui se dégage de cette œuvre aussi simple qu'unique.

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Revision de ce que je nommais depuis lors comme mon Kiarostami préféré, ce qui serait probablement encore le cas.
Je me souvenais que le film était aussi simple, mais plus qu'il était aussi bien construit. D'une part dans l'enchainement des rencontres et des discours mais d'autre part dans sa mise en scène et les décors qui entourent le 4x4 et leur évolution au fil de la pensée du personnage : les corbeaux qui ouvrent la route, ces longues routes en plein air dont on ne voit jamais de vue générales et qui finissent par ressembler à un labyrinthe sans fin, ces zones arides qui semblent en pleine transformation sans que l'on sache de quoi exactement, le retour vers la verdure etc... Et puis ce final, que j'avais bien évidemment en tête, qui se révèle toujours aussi mystérieux tout en magnifiant l’œuvre par son geste inattendu de basculement et d'ouverture totale.

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Je n'avais jamais pleinement saisi le grief ayant fait se confronter Truffaut à Godard. Après avoir vu La Nuit Américaine, tout s'est éclairé pour moi. En regardant le film je n'ai cessé de songer à la célèbre lettre entre les deux hommes, et après recherche je n'avais pas tort : elle porte précisément sur cette œuvre.
Godard aime fondamentalement le cinéma, mais il n'y croit pas (c'est un amant). Truffaut aime tout autant fondamentalement le cinéma, mais il y croit (c'est un amoureux). Ce qui fait qu'il est incapable de prendre du recul par rapport à lui, de l'observer, de le regarder, de le triturer et de l’emmener ailleurs que là ou il est bien à l'aise. Du coup quand il veut faire un film sur le cinéma, c'est particulièrement mauvais (pardon je suis rude), ou du moins particulièrement quelconque et reste anecdotique, illustratif, des petites histoires de petites gens, presque des quiproquos vaudevillesques. Les mises en abimes qui se veulent pleines d'esprit tombent à plat, sentent la pose mal maitrisée et forcée. Et le tout de finir par avoir l'air d'un "Les sous-doués font du cinéma".
Cela fait bien de la peine pour Truffaut car on pense irrémédiablement à Le Mépris (10 ans avant !) qui ne cesse de parler de cinéma mais aussi de couple, tout en magnifiant dramatiquement les deux, tandis que dans La Nuit Américaine ni l'un ni l'autre des sujets ne finissent par avoir d'épaisseur. Godard est d'ailleurs ouvertement moqué par l'homme rabougris qui lui conseille de faire des films politique (Godard était à l'époque en plein dans sa période Groupe Dziga Vertov...). Il n'est ainsi d'aucune surprise que le film ai gagné l'Oscar à hollywood : il est exactement ce à quoi on pourrait s'attendre pour un film qui désire parler de film. Le résultat est tout au plus distrayant.

(NB : Je garde la scène d"ouverture qui se rejoue avec les indications de réalisation, car elle forme un beau contrepoint à The Girl Chewing-Gum de John Smith)
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groil_groil
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Un premier film français passé inaperçu malgré la pauvreté des sorties cette année, mais un film très réussi, plein de style et de poésie. On y suit l'itinéraire d'un jeune chinois chauffeur de VTC la nuit à Paris, dans une boite chinoise qui frôle le banditisme, et également dj et musicien electro. Il rencontre une jeune et mystérieuse jeune femme, jouée par Camélia Jordana que j'adore, une fois de plus parfaite, cliente régulière qui travaille la nuit, et dont il tombe amoureux. Alors qu'ils s'apprêtent à vivre une belle histoire d'amour et à s'enfuir à Marseille pour changer de vie, le jeune homme, qui doit beaucoup d'argent à sa boite, décide de voler une voiture pour la revendre au black avant de filer. Mais il met le doigt dans un engrenage fatal. Le scénario est léger, parfois trop, mais ça permet au jeune cinéaste de mettre en avant la forme, et elle est très belle, Paris la nuit étant magnifiquement filmé. Le film est un film downtempo, un film d'ambiance, avec très peu de paroles, et une belle place accordée à la musique, bien choisie et bien utilisée, on voit tout de suite que le cinéaste est aussi un mélomane. En tout cas, un nom à suivre, en espérant qu'il parvienne à en tourner un second.
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asketoner
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6 fois 2 sur et sous la communication, Godard et Miéville, 1976

En 1976 FR3 commande à Godard 6x2 émissions de 50 minutes qui seront diffusées le dimanche soir à 20h30 pendant l'été. Il fait ça avec Anne-Marie Miéville, dans l'idée que la télévision serait "le cinéma quotidien". Alors ensemble ils décident de montrer le quotidien, c'est à dire de ne pas inventer d'histoires, de seulement venir les cueillir à l'endroit où ils les trouvent : bref, de faire du documentaire. Les 12 émissions sont parfois très différentes les unes des autres, mais les cinéastes semblent obsédés par une question, celle du travail - comment les gens travaillent, comment ils supportent de travailler ou de ne pas travailler, et de gagner plus ou moins d'argent (la première émission montre des chômeurs à qui Godard demande de fixer eux-mêmes leur rétribution pour être venus lui parler). J'ai regardé l'ensemble avec passion (même si j'ai parfois épluché des patates en même temps, parce qu'après tout c'est de la télé), bien que ce soit inégal (mais c'est le principe). J'écrivais plus tôt que Godard avait inventé une langue, j'ajouterais qu'il a aussi inventé une façon de faire advenir la langue de l'autre. Ca ne se déploie pas toujours, ça se heurte souvent à des résistances - mais alors ce qu'il y a à voir justement, ce sont ces résistances, c'est-à-dire ces murs que les personnes mettent entre le langage et eux (ou entre eux et la réalité). Godard est un interviewer génial, peut-être plus génial que quand c'est lui qui est interviewé - parce que ce qui compte, ce sont les questions, pas vraiment les réponses, ou alors l'impossibilité de donner une réponse. Il est comme le psychanalyste d'une société - et en fait il réalise ce que la télévision évite consciencieusement d'accomplir : écouter et regarder un lieu à une époque et un moment donné (en l'occurence Grenoble en 1976). Le plus bel épisode est sans doute celui du cinéaste amateur, horloger de profession, qui fait exactement les mêmes gestes pour concevoir des montres que pour monter ses films glorifiant la nature, mais qui refuse d'être payé pour le cinéma, et ne travaillerait sans doute pas comme horloger s'il ne touchait pas un salaire en échange. Godard l'accompagne vraiment, sans se moquer de lui, dans sa candeur assez prodigieuse, dans ses hésitations, sa façon de peiner face au langage, ses convictions fulgurantes. (Pour ceux que ça intéresserait, ça dure 50 minutes et c'est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=d-bHDo1G8mU ). Je suis très heureux d'avoir vu ce long machin, qui confirme ce que je pense depuis que je revois quelques Godard cette année : sa rencontre avec Miéville est vraiment ce qui lui est arrivé de mieux, parce qu'il s'est retrouvé face à une femme intelligente, qui lui a permis de donner la parole à l'autre, et finalement à lui-même aussi, puisqu'il n'avait (enfin) plus rien à prouver. La deuxième partie des années 70 est vraiment pleine de choses passionnantes, uniques, comme Numéro deux que j'avais tant aimé, ce 6 fois 2 et Ici et ailleurs, puis Sauve qui peut la vie qui initiera la période suivante, dans laquelle on trouvera encore, bien que les films redeviennent plus traditionnels ou commerciaux, pas mal de traces de ce qui s'est inventé ou expérimenté à ce moment-là. Du coup je suis curieux de voir le France Tour Détour Deux Enfants qui date de 79. Je suis presque certain que c'est magnifique.
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B-Lyndon
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Allez, je vais regarder ça, c'est pile ce que j'ai envie de voir en ce moment (mais bon, j'ai toujours envie de voir des Godard)
Tout se passe à Grenoble?
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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asketoner
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B-Lyndon a écrit :
lun. 30 nov. 2020 22:15
Tout se passe à Grenoble?
Oui tout, c'est le moment où Godard vivait avec Miéville à Grenoble. Mais on ne voit pas beaucoup Grenoble (c'est essentiellement filmé en intérieur). Par contre on entend beaucoup Grenoble (l'accent si étrange).
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B-Lyndon
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Ahahahah qu'est-ce qu'il a de si étrange l'accent grenoblois ?
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groil_groil
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Un enfant de 5 ans est atteint d'une maladie neurologique dégénérative sans rémission possible. Ses parents, américains d'origine italienne, décident de se battre et de tout faire pour le sauver et, face à un corps médical incompétent, vont lire, lire, lire et lire, se documenter et devenir spécialistes de ce type de maladie, trouvant un moyen de lui sauver la vie. Enfin, à quel prix, puisqu'après 10 ans, l'enfant est encore totalement paralysé et parvient à péniblement bouger le petit doigt. Ce chemin de croix tiré bien évidemment d'une histoire vraie un film étonnant dans la carrière de Miller, réalisateur de Mad Max. C'est un film coup de poing, réalisé avec dynamisme comme un thriller allant à tambour battant. J'ai toujours dit et je le répète qu'un film qui met en jeu la mort possible d'un enfant n'est moralement sauvable que si le gamin s'en sort à la fin. Sinon c'est du pur chantage émotionnel, totalement inacceptable à mes yeux. Le Miller est un bon film, certes, mais sa position morale me laisse perplexe. Certes le gamin reste en vie, et les recherches effectuées par les parents ont permis dans le futur de sauver les vies de nombreux autres enfants, mais il y a quand même dans le film quelque chose qui me met mal à l'aise, c'est le fait d'assister à l'agonie de ce pauvre gosse (on se croirait parfois dans l'Exorciste, c'est dire), et de souffrir pendant deux heures et quart, pour au final le voir bouger un petit doigt.

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Avec cet énorme biopic de 3h21, Spike Lee change de braquet et intégré un système hollywoodien qu'il a longtemps dynamité de l'intérieur. Mais le pari est réussi puisque le film est magnifique, certes plus dans les rails de ce qu'on attend d'un gros biopic à gros budget, mais le film est passionnant, allant des souvenirs d'enfance au film de gangster, au film militant et politique sans jamais oublier la question du religieux (la partie à la Mecque est superbe). C'est une merveille du genre, à la mise en scène magnifique, assez proche d'un Scorsese par exemple, et avec ce film j'ai l'impression que Lee fait son JFK à lui (le film sort un an plus tard) mais en livrant sa vision à lui de l'Amérique de l'époque. C'est un film irréprochable et courageux, un modèle de biopic qui malgré sa longueur n'est jamais emmerdant la moindre seconde, et Denzel Washington est absolument prodigieux dans le rôle-titre.
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sokol
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asketoner a écrit :
lun. 30 nov. 2020 20:29
France Tour Détour Deux Enfants qui date de 79
ça c'est carrément GÉNIAL
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B-Lyndon a écrit :
mar. 1 déc. 2020 00:43
Ahahahah qu'est-ce qu'il a de si étrange l'accent grenoblois ?
C'est un des plus bizarroïdes que j'ai entendus de toute ma vie. :D Je ne sais pas si c'est parce que mon rapport à cette région était hyper conflictuel ou non, en général j'aime plutôt les accents, mais celui-là m'a toujours heurté.
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asketoner a écrit :
lun. 30 nov. 2020 20:29

Ha précisément ce que je veux voir depuis que j'ai vu... "Tour Détour" l'an passé. Qui est en effet très intéressant ! Presque un peu déstabilisant par sa simplicité (en effet comme tu le dis il y a un rapport à Godard interviewer...).
J'ai hâte mais je n'ai pas encore pris le temps !




Également du coup j'ai pris le temps de lire la lettre entre Godard et Truffaut dont je parlais plus haut... effectivement Godard y est excessivement grossier :D
Mais quel que soit le contenu de la lettre (il s'y trouve beaucoup de choses intimes qui ne "nous" regarde pas ou sont, disons, d'autres sujet que celui d'un film/du cinéma) mais il est intéressant de voir à quel point leur style, l'énergie qu'ils y mettent, comment ils la construisent l'un et l'autre me semble systématique de leur façon de penser/faire des films.
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Bon pour les réponses et citations il semblerait que je n'y arrive toujours pas :D
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sokol
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cyborg a écrit :
mar. 1 déc. 2020 14:20
il est intéressant de voir à quel point leur style, l'énergie qu'ils y mettent, comment ils la construisent l'un et l'autre me semble systématique de leur façon de penser/faire des films.
Il n'a jamais cessé de le dire lui-même : dialectiquement ( = l'unité et la lute des contraires)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Babs a écrit :
ven. 27 nov. 2020 19:58
:love2:
groil_groil a écrit :
ven. 27 nov. 2020 11:53
A noter aussi une très belle utilisation de la musique
Le père de Spike Lee était compositeur, d'où certainement cette sensibilité accrue qu'il a pour une musique qui a baigné son enfance ;) En parlant de son enfance justement, j'ai une affection particulière pour "Crooklyn". Une chronique familiale très attachante. Un film modeste et pas très connue, ni reconnu, qui je le crois réserve quelques pans autobiographiques.
Pour reparler de "Jungle Fever", quand Lee sort ce film, c'est du jamais-vu à Hollywood; un tel sujet n'était même pas envisageable quelques années auparavant ! Ce mec est gonflé quand même :D

Dis-donc, tu me fait doublement plaisir en parlant de Cher !!! J'aime l'actrice, qui malheureusement a tourné trop peu (mais a tout de même réussi l'exploit de décrocher un prix d’interprétation à Cannes et un Oscar), mais j'ai surtout une passion pour sa carrière discographique de 1965 à 1979, comme pour ses shows tv des années 70 euphorisants.

Crooklyn et Clockers sont les deux suivants :)
Quant à Cher, je ne sais pas pourquoi, mais ça ne m'étonne absolument pas que tu sois fan :D :D
et perso je suis un gros fan des Sorcières d'Eastwick
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cyborg a écrit :
mar. 1 déc. 2020 14:20
Bon pour les réponses et citations il semblerait que je n'y arrive toujours pas :D
Tu peux toujours revenir sur tes posts en cliquant sur le stylo, en haut à droite de ton message
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sokol a écrit :
mer. 2 déc. 2020 09:11
cyborg a écrit :
mar. 1 déc. 2020 14:20
Bon pour les réponses et citations il semblerait que je n'y arrive toujours pas :D
Tu peux toujours revenir sur tes posts en cliquant sur le stylo, en haut à droite de ton message
ha oui cool, merci ;)
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Tant qu'on est chez Godard,
je n'avais jamais vu son "Détective", figurez vous !

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Bon je vais faire très simple, je vais poster ce que Johnny Halliday a dit à propos de ce film, c'est largement suffisant :

"Le téléphone sonne : "C'est Jean-Luc Godard. Je voudrais déjeuner avec vous." Il m'indique un restaurant de poissons, commande une sole, sans m'adresser la parole. Je commande la même chose. Il mange, en regardant son assiette, puis lâche : "C'est bon, hein ? - Oui, c'est bon." Alors il se lève, et me dit "On commence dans quinze jours", et il me plante là.
Ça s'est très bien passé ! Il m'avait à la bonne, je ne sais pas pourquoi. C'était très gênant, il me montrait toujours en exemple : "Faites comme Johnny, il fait ce qu'il faut, lui !" Un personnage étrange, mais passionnant. Je n'étais pas un grand fan de ses films, ce n'était pas mon cinéma, la nouvelle vague. Mais j'ai beaucoup appris avec lui. Il n'y avait pas de texte. Il arrivait le matin, griffonnait les dialogues en dix minutes ; il fallait les apprendre dans la foulée. C'était terrifiant, mais c'est ainsi que j'ai dû et pu entrer complètement dans un rôle. Godard est le premier qui m'a filmé comme un acteur et non pas comme Johnny
".
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Hana-Bi, Takeshi Kitano

J'ai eu l'impression que le film n'existait que pour servir d'écrin aux peintures réalisées par Kitano après son accident. Ce n'est ni un reproche ni un compliment, simplement ça m'est apparu cette fois-ci de façon très claire, alors qu'à l'époque pas du tout.
Pour les compliments, il y a cette concision dans la représentation de l'action qui est assez fulgurante, surtout quand il est question de violence. Kitano a un vrai talent pour mettre en scène un coup de feu, un coup de poing, une giclée de sang.
Pour les reproches, je trouve que Kitano se complaît dans la stigmatisation de la bêtise de ses personnages secondaires. C'est ce qui fait que ça marche : parce qu'alors son personnage, qui se tait presque tout le temps, semble moins idiot que les autres, et donc attire notre attention alors même qu'il se tient toujours en retrait. Mais c'est quand même une vision du monde (et de l'humanité) un peu limitée. Heureusement, il y a la dernière demie-heure, où le coeur du cinéaste s'ouvre soudain.

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Meltem, Basile Doganis

Je connais le cinéaste, j'ai donc du mal à avoir un avis tranché sur ce qu'il a fait. Je dirais quand même qu'il s'embourbe dans des questions de crédibilité. A force de vouloir à tout prix représenter la jeunesse "telle qu'elle est", on se retrouve un peu accablé par une déferlante de blagues de Segpa qui ne rendent justice à personne. Par contre c'est un film courageux à bien des égards, et qui sait donner à un même motif plusieurs significations, tonalités, couleurs, émotions...

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La fièvre au corps, Lawrence Kasdan

Je ne connaissais absolument pas alors j'ai voulu le voir. Je trouve ça irregardable ! :D Cette représentation du désir digne d'une pub Marlboro...
Vraiment absolument pas pour moi.
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:eek: :eek: :lol: :lol: :lol:
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J'avais adoré en salle, je me suis grave fait chier à la revoyure. On va dire que ça ne devait pas être le bon moment.

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Je ne sais pas ce qu'il y a de plus honteux : que Fontaine reprenne sans vergogne le titre d'un film de Pialat encore ancré dans toutes les mémoires, ou alors qu'elle trouve un producteur pour financer une merde pareille. Je voulais écrire sur le film pour le démonter en détail, mais c'est tellement à chier de chaque plan, ça me révolte tellement que je ne perd pas plus de temps avec cette merde - la cinéaste est une habituée décidemment...

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Que j'ai regardé uniquement pour la sublime Jessica Chastain, également productrice du film, mais que j'ai arrêté au bout de 20 minutes malgré ça tant c'est nul et tant la mise en scène est absolument affreuse.

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Le début est nul, ensuite j'ai un peu dormi, mais ça finit par s'améliorer, et au final, je dirais que ce n'est pas si mal. C'est tout sauf un grand film mais il y a dans la seconde partie du film, des scènes vraiment réussies, et deux acteurs qui finissent par être vraiment touchants. Ce qui est déjà pas mal.
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En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly), Robert Aldrich, 1955

Quand Lily, la colocataire de l'autostoppeuse qui a été tuée, réclame la moitié du pactole à la fin du film, j'ai aussi et surtout eu l'impression qu'elle revendiquait la moitié du monde (ou la moitié du film, que le film n'a cessé de lui refuser, réduisant toute figure féminine à la folie ou à la nymphomanie). Aussi, puisque le pactole convoité n'en est pas un, et s'avère indivisible (et c'est bien l'affaire des hommes que d'avoir rendu l'objet du désir indivisible, alors que l'argent l'était - on pense évidemment à l'énergie atomique : c'est l'un ou l'autre, l'est ou l'ouest, mais pas les deux, et donc pas l'homme et la femme, plus jamais Bonnie and Clyde), la femme fatale, cette fois-ci, se passera bien de mourir par amour, et tuera le truand auquel elle s'est liée pour remporter seule la mise. "Ne m'oublie pas", a dit l'autostoppeuse avant de mourir, et tous les hommes du film se demandent ce qu'elle a voulu dire par là : qu'y avait-il donc à ne pas oublier ? Le déni du féminin est ici poussé à l'extrême, travestissant l'absence d'amour (et même simplement de reconnaissance) en quête.
Ce film de Robert Aldrich est vraiment merveilleux. Quelle que soit l'époque à laquelle on le voit, il nous donne quelque chose à comprendre, comme s'il était encore branché sur le devenir du monde. Je le trouve inépuisable.
Je ne sais pas exactement quel est le statut de ce film dans la filmographie d'Aldrich, car je n'ai rien vu d'autre de ce réalisateur. On a parfois l'impression qu'il a été saboté par rapport à ce qu'il aurait dû être à l'origine, et que c'est ce sabotage qui a produit toutes ces choses étranges et jamais vues. Je ne sais pas si on a trouvé ce film bizarre à l'époque, ou si on a pu le rattacher à un genre, à une actualité du cinéma et ne pas voir ce qu'il avait de si particulier.
J'ai aussi pensé au magnifique Une femme à abattre de Walsh que j'ai découvert récemment (peut-être à cause de cette histoire de deux femmes colocataires). Le film de Walsh ne déploie pas le même imaginaire qu'Aldrich, je dirais même qu'il est assez plat à l'endroit où le film d'Aldrich est extravagant, mais il atteint une certaine épure dans la description de l'action de ses personnages, quand au contraire Aldrich distend énormément, et multiplie jusqu'à épuiser (on a même parfois l'impression que son récit agonise). Le film de Walsh est peut-être même ce contre quoi le film d'Aldrich travaille, pourtant j'aime les deux. J'aime que le cinéma puisse atteindre la perfection solaire de Walsh et les ténèbres chaotiques de Aldrich. Il y a des écarts possibles.
Sinon, dans la lignée des héritiers, difficile de ne pas parler de Lynch, dont la filmographie quasi entière semble être une relecture postmoderne d'En quatrième vitesse. Et aussi, bien sûr, Rivette... Paris nous appartient, Duelle, Out one sont des films purement Kiss me deadlyesques.
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L'emploi, Ermanno Olmi, 1961

C'est un des films les plus touchants que j'ai vus de ma vie. Le cinéaste parvient à saisir ce moment, cette journée où l'adolescent est changé en homme par son premier emploi. Et comment, dans ce nouveau monde qui s'ouvre à lui, terrifiant d'ennui, c'est par le désir seulement qu'il va trouver comment survivre. Et comment aussi ce monde va s'acharner à broyer, dissiper ce désir, pour que le piège de l'âge adulte à jamais se referme sur l'homme.
Sandro Panseri, l'acteur principal, est l'une des trouvailles du film. Dès le début, où on le voit se réveiller alors qu'il fait encore nuit, son lit installé dans la cuisine de l'appartement familial, l existe, il dit tout, toute la détresse et tout l'espoir. Il ressemble à la fois à Buster Keaton et Franz Kafka. Franz Kafka qui passe un examen, Buster Keaton convié à une fête de fin d'année organisée par l'entreprise (le réalisateur aussi a pensé à Buster Keaton, en affublant son acteur d'un canotier plus qu'allusif).
Mais le plus beau est peut-être que tous les autres personnages existent aussi : le petit-frère qui fera des études, la mère sévère et permissive, l'employé de bureau rondouillard qui voudrait écrire un roman, les deux collègues qui s'envoient des boulettes de papier... D'ailleurs à un moment le film s'emballe, déviant de sa ligne première, abandonnant soudain son héros pour suivre chacun des employés dans sa vie après le travail, dans sa petite chambre meublée, dans son foyer, dans son bar, dans sa solitude.
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Babs
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groil_groil a écrit :
mar. 1 déc. 2020 16:43



Crooklyn et Clockers sont les deux suivants :)
Quant à Cher, je ne sais pas pourquoi, mais ça ne m'étonne absolument pas que tu sois fan :D :D
et perso je suis un gros fan des Sorcières d'Eastwick
:love2: En plus j'ai eu le bonheur de la croiser il y a quelques années. Superbe souvenir de sa gentillesse et magnifique autographe (un des fleurons de ma collection) ...j'ai une affection particulière pour les grandes divas de la pop. Barbra (of course), Aretha Franklin, Diana Ross, Cher, Madonna et Judy Garland.

Tu n'avais pas vu "Malcolm X" à sa sortie ciné ? gros coup de cœur me concernant à l'époque. La encore il fallait être culotté pour faire un biopic d'une personnalité politique aussi controversée que Malcolm X ! A l'arrivée c'est l'un de meilleurs film de Spike et des plus rôles de Denzel :love2:

vu
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Paris qui dort - René Clair - 1924

J'aime beaucoup le cinéma de René Clair, un cinéaste majeur du cinéma français au tournant du parlant, avec aussi une belle carrière à Hollywood et un retour en France dans les années 50 tout aussi réjouissant. Un cinéaste, malheureusement, un peu oublié de nos jours. J'ai revu avec bonheur "A nous la liberté" il y a quelques jours...qui inspira beaucoup Chaplin pour ses "Temps modernes" et qui est un petit bijou d'invention, de fantaisie, mais aussi une critique sans concession du capitalisme et de l'aliénation par le travail. Je découvre aujourd'hui ce "Paris qui dort", moyen métrage fascinant qui nous montre ....le Paris de mars 2020 !!!! déserté de ses habitants ! La modernité inconfortable de cette vision ici, fantastique, d'un Paris vide est fascinante. Le film commence par l'éveil du gardien de nuit du 3ème étage de la Tour Eiffel qui étonné de ne pas voir arriver la relève, descend de la dame de fer et découvre une capitale désertée...en plus des magnifiques plans de et sur la Tour Eiffel, c'est toujours génial de voir des vues d'un Paris d'il y a 1 siècle. S'ensuit encore une fois, de la fantaisie, de l'originalité et un ton satirique toujours au peu grinçant. Très beau film.
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groil_groil
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Chronique d'une famille black de Brooklyn dans son quotidien, traité avec beaucoup d'humour même quand les circonstances sont tragiques, et c'est souvent le cas. Film attachant, et très belle utilisation de la musique - des standards soul, funk ou rock - qui généralement dédramatise des situations en en proposant un contre-pied parfait.

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un biopic de Herman Mankiewiecz, scénariste hollywoodien, au moment de l'écriture de Citizen Kane, constellé d'une multitude de flashes-back sur les faits marquants de sa carrière et ses emportements liés à l'alcool. Evidemment, il y a le savoir-faire Fincher, donc ça a forcément de la gueule, une belle mise en scène, une photographie comme si on y était (mais on sent malgré tout l'image tv netflix qui prend le dessus), de bons acteurs et un sujet absolument passionnant, mais le film ne m'a pas complètement convaincu pour autant. Il y a un problème d'incarnation évident, aucun personnage ne parvenant à susciter une empathie quelconque, un débit verbal intensif et vite fatiguant, et des allers-retours narratifs permanents qui deviennent fatiguant au bout du compte. Je dirais pour résumer que comme il y a le sujet et le talent de Fincher c'est plutôt réussi pour un film Netflix mais que malgré tout la plateforme fait qu'elle nivelle par le bas le talent de la quasi totalité des cinéastes qu'elle engage, notamment parce qu'elle ne joue jamais le rôle de producteur / directeur artistique.
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groil_groil
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Babs :
Non pas vu Malcolm X en salle, j'en avais rien à foutre à l'époque.
Paris qui dort est magnifique.

Asky :
Il Posto quel chef-d'oeuvre... Et tu mentionnes à raison les seconds rôles, mais tu n'évoques pas la jeune femme dont il tombe amoureux, et qui est le rôle principal féminin, cette actrice m'a bouleversé, je l'ai trouvée sublime.
en 4ème vitesse. tu n'avais jamais vu ça ? c'est énorme, et c'est en effet une matrice de plein de choses, notamment de toute l'oeuvre de Lynch.
il faut que tu voies Baby Jane, et ensuite et surtout, Chut chut chère Charlotte.
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yhi
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parce qu'elle ne joue jamais le rôle de producteur / directeur artistique.
J'ai pensé à ça aussi, en me disant qu'avec un gros studio derrière et une sortie salle, le film aurait certainement connu des coupes ou des remontages (enfin du moins, ça ne serait pas passé tel quel).
Mais je trouve qu'on peut pas se plaindre d'un côté que les studios charcutent certains films (avec les réalisateurs qui se plaignent et qui doivent attendre une sortie dvd pour proposer leur version director's cut etc...), et que de l'autre on laisserait une liberté trop grande.
Je suis plutôt en faveur de la liberté à 100%. Ca peut effectivement créer des films un peu plus erratiques (j'ai adoré Mank cependant), mais c'est un vrai nouvel espace d'expression.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
dim. 6 déc. 2020 09:57

Asky :
Il Posto quel chef-d'oeuvre... Et tu mentionnes à raison les seconds rôles, mais tu n'évoques pas la jeune femme dont il tombe amoureux, et qui est le rôle principal féminin, cette actrice m'a bouleversé, je l'ai trouvée sublime.
en 4ème vitesse. tu n'avais jamais vu ça ? c'est énorme, et c'est en effet une matrice de plein de choses, notamment de toute l'oeuvre de Lynch.
il faut que tu voies Baby Jane, et ensuite et surtout, Chut chut chère Charlotte.
Si si, En 4ème vitesse ça doit être la 3ème ou 4ème fois que je le vois, mais j'étais presque étonné de l'aimer à ce point encore une fois. Et je n'ai jamais vu un seul autre Aldrich. Mais j'ai l'impression que En 4ème vitesse est très à part stylistiquement dans sa filmo, non ? (Le reste a l'air plus théâtral... J'essaierai quand même Baby Jane.)

Et pour la femme d'Il Posto, je préfère celle des Fiancés que j'ai vu hier soir.
C'est beau parce que Olmi ne filme pas des mannequins (comme Antonioni) ni des gueules (comme Fellini). C'est encore autre chose, une autre façon d'envisager l'être humain - il regarde toujours l'endroit où l'être humain est empêché, humilié par sa condition, son éducation.
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cyborg
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Pantalonnade pop éreintante.



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Réjouissant Cronemberg semblant pousser à bout ses recherches horrifiques en liant toutes ses marottes (corps, machine, mutation, désir...) en un seul film avec des thématiques alors particulièrement dans l'air du temps (le film date de 99, et se rapproche de beaucoup de films produits à la même époque). Le sous-texte crypto-gay de la narration, même si s'étiolant malheureusement au fur et à mesure du récit, est également assez amusant.
Près de 20 as plus tard le résultat n'a donc pas à rougir face au temps qui passe, peut-être même au contraire tant les glaçantes théories trans-humanistes ont pris de l'ampleur depuis lors...!




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L'histoire du canal de Yanagawa - Isao Takahata

Improbable documentaire de près de 3h sur les canaux de la petite ville de Yanagawa situé au sud du Japon. Le résultat est pourtant assez passionnant, notamment par l'ampleur de son approche (historique, technique, écologique...) et la portée politique que finit par revêtir le film. Celui-ci a été en effet réalisé juste après l'annulation d'un projet politique visant à faire disparaitre tous les canaux de la ville en les enfouissant sous terre, ce qui, comme le montre le docu, aurait été aussi absurde que néfaste. La dernière partie du film se concentre alors sur la décision qui fut finalement prise de nettoyer et rénover le réseau fluvial par une grande démarche collective, dans une réflexion semblant typiquement japonaise alliant les bienfaits de la modernité et de la tradition.
Quelques scènettes dans un style assez familier surgissent au cour du film... il a en effet été produit par Miyazaki à la suite du succès international que rencontra Nausicaä... un étonnant détour de style loin de manquer d’intérêt.


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S'agit il du plus beau Resnais ?

Le film impressionne par la cohérence des éléments composant sa structure interne : l'appartement servant de magasin d'antiquité, le choix de la ville de Boulogne, les voisins dont on dit entendre les voix et tant d'autres détails permettant à l'auteur de dresser un décor (comme d'habitude chez Resnais le théâtre est en embuscade) parfait pour y étendre son récit sur les affres des souvenirs et des sentiments pris au piège du temps. Chacun des non-dits, non-faits, non-sus, non-vus, non-admis des uns rebondissant adroitement sur ceux des autres, surplombé sur le silence le plus tut de tous, celui de la guerre d'Algérie, hors-champs total (ou presque, le surgissement des images d'archives amateurs en plein milieu !) dont le nom ne se prononce qu'au bout des lèvres. Alors que le tout (expérimentation de la narration, préoccupations politiques, esthétique générale) pourrait rendre le film désuet, il n'en est rien et la distance temporelle qui nous en sépare semble même parfaire l'ambition du film en le rendant presque atemporel.

Je ne veux pas dire de bêtise mais il me semble qu'il s'agisse du seul film de l'auteur dont la narration est purement linéaire. Son découpage multipliant les plans et les sautes donne néanmoins au film 'une impressionnante densité temporelle. Comme si chaque saute renvoyait à la perception d'un autre personnage, telle la somme de micro-ellipses ou de subreptices répétitions.

Le plus beau Resnais je ne sais donc pas, mais celui qui m'est immédiatement apparu comme le plus implacable et terrassant.

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Avant de rendre le silence quasiment diégétique de son cinéma, Pedro Costa réalise avec son premier film une œuvre semblant renvoyer sans cesse au cinéma muet. Stylistiquement très marqué (et assez superbe, il me faut le dire) le film ne parait pourtant jamais ni vain ni poseur. Au contraire sa douceur glacée (le surgissement de quelques notes de synthé au détour d'une fête de village semblant irrémédiablement lier le film à la vague synth-punk de son temps) est on ne peut plus diffuse et contagieuse. Superbe.
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asketoner
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Salut Cyb ! D'accord avec tout !


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Les fiancés, Ermanno Olmi, 1963

Les fiancés commence où L'emploi s'arrêtait : à la fête donnée par l'entreprise (d'ailleurs je crois qu'il s'agit du même décor). Mais cette fois-ci, le garçon n'attend plus la fille en vain, ils sont venus ensemble, ils travaillent depuis déjà pas mal de temps et ils sont ensemble depuis encore plus longtemps. Tout ce temps entre eux passe dans cette seule scène de bal, avec quelques flash-backs, mais qui sont plutôt des réminiscences évasives que des histoires à proprement parler. On comprend ce qui se joue, on comprend que la femme est fâchée mais que l'amour est là, à n'en pas douter. L'homme va partir en Sicile, seul, pendant un an et demi, sans sa fiancée, pour devenir ingénieur. Leur amour est mis à l'épreuve, et le silence de l'homme (son empêchement vis-à-vis de la parole) aiguise les angoisses légitimes de la femme. Ensuite, on voit l'homme travailler, découvrir la Sicile, vivre à l'hôtel, chercher une chambre en ville, s'ennuyer, être humilié par les uns, accompagné par les autres, rêver de la présence de celle qu'il aime à ses côtés. Il y a une grande scène de carnaval qui est totalement documentaire, magnifique, où Olmi a précipité ses personnages au milieu de milliers de badauds qui regardent la caméra. Et puis alors arrive la première lettre de la femme, et entre les deux amants une correspondance s'enclenche. Le film finit sur cette parole, ce dialogue, d'un couple épuisé par le travail, qui trouve enfin, grâce à la distance, la force de se dire ce qu'ils ressentent. C'est très succinct (Olmi n'est pas un cinéaste qui s'étale), et c'est pourtant bouleversant.
Et puis en creux aussi, il y a cette histoire à peine esquissée, pourtant très belle, où l'on comprend que l'homme, parce qu'il part en Sicile, a dû se résoudre à laisser son père à l'hospice. Les quelques plans furtifs sur ce vieil homme, et les mots qui suivront à son sujet, sont d'une beauté inouïe.
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sokol
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cyborg a écrit :
dim. 6 déc. 2020 19:37
S'agit il du plus beau Resnais ?
C'est mon Resnais préféré, ca, je le sais.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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