Bergman Island
Je n'ai pas vu tous les films de Hansen-Love. A vrai dire, j'ai eu beaucoup de mal à lui pardonner son horrible Eden (avant dernier film où je suis sorti de la salle avant la fin, je crois). C'est la première fois depuis que je retente ma chance. Bonne pioche, c'est un excellent film, le meilleur de son autrice parmi ceux que j'ai vu.
Autobiographie à peine déguisée, où la dramaturgie est volontairement à bas régime, j'ai particulièrement adoré le film dans le film, cette histoire de deux amants maudits qui s'apprêtent à vivre l'ultime chapitre de leur histoire d'amour contrarié, le temps d'un mariage. Le personnage de la réalisatrice (donc Hansen-Love) explique à son mec qu'elle n'est pas sûre que son idée tienne sur un long métrage. Ma théorie personnelle est que Hansen-Love a eu l'idée du concept du film parce qu'elle ne voulait pas faire "qu'un" moyen métrage. Cela dit, la première partie reste digne d'intérêt pour deux choses. Déjà, son côté documentaire sur le tourisme de l'île de Bergman (Hansen Love est forte pour inclure du documentaire dans ses fictions, c'était déjà le cas dans le pourtant moins réussi "Un amour de jeunesse"), Mia filme l'île très différemment que le maitre et c'est là tout l'intérêt. Ensuite : Vicky Krieps, actrice décidément exceptionnelle (Mia Wasikowska tient aussi un de ses meilleurs rôles).
Benedetta
C'est Showgirls avec des nonnes, je peux difficilement mieux résumer le film.
Une femme utilise les rares armes à sa disposition pour monter en grade, devenir "quelqu'un", à savoir la femme la plus importante de l'institution patriarcale à laquelle elle est soumise. Sauf que la vraie révolution serait de renverser l'institution avec l'aide de la femme à qui elle a pris la place, mais est-ce seulement possible ?
Bon. La force de cette version me semble notamment être le jeu avec les points de vue. Contrairement à Showgirls, on perd à un moment clé celui de Benedetta pour qu'elle reste jusqu'au bout un mystère. La frontière entre manipulatrice ou manipulée ne sera jamais révélé et c'est pour le mieux. Quoiqu'il en soit, son regard très premier degré sur des apparitions de Jésus ou la découverte de la sexualité, qui nous apparaissent à nous spectateurs de 2021 comme kitsch ou ridicule, est pour moi l'une des forces du film. J'ai trouvé ce décalage assumé passionnant.
Titane
Désolé sokol, je vais encore une fois beaucoup parler scénario
Car pour moi, la première chose à noter sur Titane est qu'il repose sur l'acceptation ou non du spectateur d'une situation absurde. Je parle de comment on passe de la première partie du film à la seconde. Ca n'a aucun sens.
A partir de là, on a le choix entre accepter et passer à autre chose ou rester bloqué là dessus.
Moi j'accepte de passer à autre chose, parce que je vois bien que Ducournau n'est pas intéressée à l'idée d'ajouter une ou deux scènes pour crédibiliser la situation. Or Ducournau fonctionne clairement par des envies de scènes avant tout. Par exemple, elle a deux scènes de tuerie en tête pour la première partie du film, donc elle fait les deux, même si narrativement une seule aurait suffit. Ca déséquilibre pas mal le récit, mais ça a l'avantage de faire en sorte qu'on s'ennuie jamais vraiment.
Je trouve qu'il y a juste deux passages dont on aurait pu se passer. Déjà, le premier meurtre (le regard du père devant le journal télé suffit pour comprendre l'enjeu, et la scène de la maison aurait eu plus de force). Et aussi Vincent qui dit ouvertement qu'il sait qu'elle n'est pas son fils (pas besoin, la scène finale raconte la même chose et aurait été plus forte seule). Comme quoi, l'imperfection dont parle Ducournau elle-même dans son discours palmé, tient paradoxalement plus de béquilles scénaristiques inutiles que de trous de scénario.
A partir du moment où Ducournau lâchera définitivement les chevaux, avec une scène = une idée de mise en scène unique, sans jamais bégayer, là j'accepterais ses défauts à bras ouverts. Elle y est presque. Par exemple, il n'y a qu'une seule scène de sexe avec une voiture et ça suffit pour raconter ce qu'elle a à raconter dessus. Par contre, bien sûr qu'elle peut jouer sur la répétition quand ça a du sens (l'évolution du ventre enceint, les 2 tentatives de suicide de Lindon comme le disait asky...)
Bref. Beaucoup disent que contrairement à Sciamma, il est étrange de se dire que Ducournau vient d'abord du la spécialisation "scénario" à la Fémis, mais moi je le vois bien. Cela dit, elle a quand même réussi à empêcher le jury de lui donner le prix du scénario comme c'est arrivé à Sciamma à la précédente édition, bravo à elle.
(PS : en tout cas, l'idée de caster Lindon pour ce rôle est déjà une idée osée mais au final géniale, qui prouve un instinct de metteuse en scène assez exceptionnel)
Comment je suis devenu super héros
Et paf : autre film qui te demande en premier lieu de croire en une situation absurde, mais auquel je refuse d'adhérer car il n'y a rien derrière de suffisamment intéressant pour cela.
C'est juste un film qui essaie de respecter au maximum le genre auquel il se mêle, mais sans jamais vraiment exploiter la spécificité à laquelle il ne peut se soustraire, à savoir que c'est un film français. Ca donne un truc qui a un très gros problème d'échelle. Et c'est surtout moche et con.
J'ai aussi vu Annette, mais je préfère le revoir avant d'écrire qq chose dessus