Michel-Ange (Il Peccato) - Andrey Konchalovsky
Le premier plan, paysage toscan aplati et pictural, filmé au zoom, évoque immédiatement Sokourov. D'autres points de détails (reflets et déformations d'images, protubérances monstrueuses, onirisme brouillé) viennent confirmer cette influence. Mais jamais la folie ne fait corps avec les images, le film reste dans son ensemble d'un académisme illustratif. Toujours nous restons à distance de la folie, de l'avarice, du narcissisme de Michel-Ange. Ce film est un-sous Faust, comme une variation à laquelle on aurait soustrait toute audace.
A vrai dire si j'avais su en amont que Konchalovsky était le frère de Nikita Mikhalkov je me serais sans doute abstenu du visionnage. Je ne sais pas si il souffre des mêmes tares politiques, mais cinématographiquement il n'a pas l'air bien meilleur.
L'histoire est fascinante, extraordinaire, sans doute l'une des plus folles que l'Humanité contemporaine ai connu : un homme, seul ou presque, à continué la deuxième guerre mondiale pendant 30 ans isolé sur une île. Et le réalisateur semble persuadé que cette histoire incroyable suffira à faire film. Erreur. J'imagine que c'est ce que Sokol appelle "film à programme". La première heure et demi est une longue mise en place dont on aurait pu probablement se passer, la deuxième moitié du film se permet un peu d'audaces quand le point de solitude est atteint, mais c'est alors que s'enchainent les ellipses. Avant de finir sur ce gamin qui vient chercher Onoda, que l'on sorte nous même de l'ile et que le film s'enfonce dans un forme sirupeuse qui fait définitivement tendre le film vers une forme très américaine, comme si le réalisateur semblait enfin assumer ses références.
Le cinéaste ne fait rien de son personnage, de sa folie, de son rapport au monde, pas plus qu'il ne nous dit quelque chose du monde ou de nous même. Le savoir-faire est indéniable et l'on ne s'ennuie presque pas malgré les près de 3h de film mais pour un résultat malheureusement assez convenu. Le tout dernier plan est, en fait, le plus beau : Onoda emporté en hélicoptère, dont on voit simplement, sans contre-champ, le visage et le regard, observant l'île qu'il a mainte fois parcouru et cartographié, mais sans jamais la voir de haut et dans son ensemble. C'est ici que se tenait le passionant point de folie entre la carte et le territoire, malheureusement Arthur Harari aura décidé d'en faire un autre film.
Bien heureux d'enfin voir un film récent de Rabat Ameur-Zaïmeche, dont je n'avais rien vu depuis trop longtemps.
Terminal Sud surprend par sa sécheresse assumée, sa raideur tendant vers l'abstraction, alors que ses précédents, par une proximité avec la forme documentaire, ma paraissaient plus amples et généreux. Pour bien appréhender le film je pense qu'il faut vraiment le voir, du début à la fin, comme un rêve, ou plutôt bien évidemment un cauchemar. Cauchemar d'un état policier, autoritaire, gangréné par des milices, sans que l'on ne puisse rien y faire ni n'y comprenne rien, mais subissant de plein fouet ses attaques sur nos quotidiens et nos vies intimes. Le résultat est imparfait mais audacieux, et est donc à saluer.
Les retours mitigés ou négatifs lus ici ou là sur Benedetta n'ont manqué de me surprendre. Le voir qualifié de kitsch, de bis, de dépassé, de vulgaire, de grotesque pour discréditer le film...n'est ce pas précisément ce qu'est le cinéma de Verhoeven ? Verhoeven, cinéaste-caméléon par excellence, se grimant sous toutes les formes possibles pour nous parler de tout autre chose que du sujet qu'il met en scène.
On est quand même face à un auteur qui à vu l'un de ses film, Showgirl, qualifier de "plus mauvais film du monde" pendant près de 20 ans avant de le voir porter aux nu par la critique et les cinéphiles. Et c'est exactement de cela que nous parle Benedetta. Pour un cinéaste qui s'est toujours intéressé aux rapports entre chair et esprit, entre sensible et intelligence, le cadre d'un couvent et de nonnes perverses était on ne peut plus évident, au point de se demander pourquoi il ne l'a pas utilisé plus tôt. Le seul comparatif à faire dans sa filmographie est avec le très grand "La chair et le sang", qui était son film de transition de l'Europe vers les États-Unis, et dont celui-ci est le modèle inverse de retour vers l'Europe (même si "Elle" et "Black Book" se sont intercalés depuis lors...). Comme dans une bonne part de sa filmographie, Verhoeven nous parle ici avant tout de lui, de la carrière mouvementé bien réelle de ses films à double-fonds. Il n'est ici question de que croyance, de conviction, de dédoublement entre ce qui est vu et ce qui est dit, entre ce qui peut être cru et ce qui peut-être compris, d'adoubement instantané et de déchéance aussi rapide, tandis que rôde invisible une peste bubonique qui ravira même les plus puissants et les plus purs. Ceci pourrait bien sur être extrêmement prétentieux mais il n'en est rien car comme toujours Verhoeven ne délaisse jamais son récit au premier degrè et, surtout, mène sont projet avec beaucoup d'humour et de distance.
Dans une époque indéterminée des punks s'affrontent dans de mystérieuses arènes, traqués par les services du gouvernement. Le récit est lacunaire, faussement linéaire, puisant ses références partout, de Godard au cinéma muet. Le film s'appréciera avant tout pour sa fougue, son énergie brute et honnête, trace de ce que pouvait être alors l'esthétique new-wave dans sa forme la plus pure, posture d’esthète n'ayant d'autres prétentions qu'être elle-même.