Le Centre de Visionnage : Films et débats
Posté : ven. 27 août 2021 10:13
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Tu cernes merveilleusement bien, sans avoir vu le film, ce que j'ai le plus détesté dans France.groil_groil a écrit : ↑ven. 27 août 2021 08:38
Merci ami, pour mettre des mots si justes sur ce que je pense de Dumont depuis des années. C'était l'un de mes cinéastes préférés sur ses deux premiers films, et surtout sur L'Humanité qui est un chef-d'oeuvre bouleversant, mais je pense ce que tu écris depuis Flandres en fait (même si j'avais plutôt aimé Flandres à sa sortie d'ailleurs, mais je ne me souviens que de ses défauts, et je ne veux surtout pas le revoir). En fait, comme tu l'écris, je pense que désormais Dumont s'en fout. Il s'en fout de ce qu'il filme, il sait qu'il a une signature, que la presse le reconnait pour cela, et il impose cette signature partout, de manière systématique et irréfléchie, il pourrait presque y avoir une Citroën Dumont comme il y a une Citroën Picasso.
Et ce que tu dis sur les conditions de production et, ce qui en découle, sur le manque d'implication d'une grande partie des cinéastes français dits "auteurs", est tellement juste. Il y a une solution pour sortir de ça, sans doute, mais comment la trouver...
Merci, je partage cela, et ce que disait Asky, à 100%B-Lyndon a écrit : ↑ven. 27 août 2021 14:04Tu cernes merveilleusement bien, sans avoir vu le film, ce que j'ai le plus détesté dans France.groil_groil a écrit : ↑ven. 27 août 2021 08:38
Merci ami, pour mettre des mots si justes sur ce que je pense de Dumont depuis des années. C'était l'un de mes cinéastes préférés sur ses deux premiers films, et surtout sur L'Humanité qui est un chef-d'oeuvre bouleversant, mais je pense ce que tu écris depuis Flandres en fait (même si j'avais plutôt aimé Flandres à sa sortie d'ailleurs, mais je ne me souviens que de ses défauts, et je ne veux surtout pas le revoir). En fait, comme tu l'écris, je pense que désormais Dumont s'en fout. Il s'en fout de ce qu'il filme, il sait qu'il a une signature, que la presse le reconnait pour cela, et il impose cette signature partout, de manière systématique et irréfléchie, il pourrait presque y avoir une Citroën Dumont comme il y a une Citroën Picasso.
Et ce que tu dis sur les conditions de production et, ce qui en découle, sur le manque d'implication d'une grande partie des cinéastes français dits "auteurs", est tellement juste. Il y a une solution pour sortir de ça, sans doute, mais comment la trouver...
Dumont attaque un système "ennemi" en esquivant, en se protégeant, en ne se mettant jamais en cause ni en danger. Le pire c'est qu'il semble en être conscient car c'est la façon dont le système met en scène le réel qu'il met en cause. Mais lui, il fait quoi ? La pirouette finale (surgissement odieux de l'arbitraire dans la vie de France que je ne révèlerai pas tellement c'est scandaleux et dégueulasse), ça sert à quoi, à part créer un choc nerveux, qui ne produit ni récit ni pensée ?
J'ai toujours détesté ces cinéastes bidons qui enseignent le documentaire à la Fémis et n'ont que l'injonction "faut-pas-faire-comme-la-télé" dans la bouche. A force de pas-faire-comme-la-télé, eux ne font rien du tout, s'opposent bêtement, en se mettant de facto dans le camp du bien. France est malhonnête car il nous fait croire à la confusion alors que tout est bien dessiné.
Pour moi il n'y a rien de plus révoltant qu'un metteur en scène qui regarde les autres de haut, perché sur sa tour d'Ivoire Cinéma. Il y a toute l'arrogance du cinéma quand il oublie qu'il est un art dialectique dans ce film. C'est là que je dis que tu as bien cerné le problème : au système médiatique devenu fou et malin, Dumont n'oppose que son talent, que sa signature justement. Mais une griffe n'a jamais suffit - Godard, par exemple, n'aurait jamais fait une chose pareille. Pourtant le père Jean-Luc, s'y connait niveau griffe (et sait les sortir, ses griffes ) mais jamais il ne nous aura fait croire qu'il suffit de passer les choses à la moulinette Cinéma pour que survienne beauté et vérité (d'ailleurs je me disais, en 1975 on a eu Ici et ailleurs, en 2021 on a France, on a ce qu'on mérite - et puis en 1975, un grand cinéaste n'avait pas peur de nommer les guerres qui existaient, et les pays qui ne sont pas la France)
Et puis, sur cette question de griffe : Dans une scène du film, on demande à France pourquoi elle se met en scène autant dans ses reportages, et France répond : "bah...parce que c'est mon style". S'il était devant moi, je poserai la même question : dis nous, pourquoi Bruno, pourquoi ce récit troué de tous les côtés, cette absence de ton vraiment choisi, cette musique dégueulasse, ces travellings pompeux qui ne percent rien, ces acteurs qui n'articulent pas ? eh bien je suis sûr qu'il me répondrait pareil : "parce que c'est mon style".
Mais le style sans le désir, c'est non seulement de la branlette ; c'est la mort. Dumont tue à chaque plan. Voilà pourquoi à mon avis, il trahit, pour la première fois (et j'espère la dernière )
PS : pour reprendre les mots d'asketoner, Hamaguchi lui choisit toujours la dramaturgie plutôt que l'accumulation de chocs. Et paradoxalement, dans Drive My Car, les chocs qui finissent par advenir nous arrivent de plein fouet, nous émeuvent et nous donnent à penser.
Modestie à part, en 2011, après le visionnage de Hors Satan, ici sur ce forum je m'étais lâché et javais dit qu'il était temps que Bruno Dumont retourne à renseigner au lycée (puisque à la base il est prof de philo). Pourtant, depuis, j'ai aimé parfois certains moments de certains de ces films, certains trucs etc etc. Mais je pense que je ne m'étais pas trop trompé à l'epoque... .
OkTyra a écrit : ↑mer. 25 août 2021 14:20
La grosse douche froide. C'est donc ça, la dernière sensation cannoise "qui méritait mieux au palmarès". Jusque là j'étais plutôt gentil, sur la réserve, concernant les précédents films du cinéaste, mais ici, trop c'est trop. Marre de ce cinéma frigide (oui, bien que l'acte sexuelle soit montré comme moteur de la création dans la première partie), et plat, terriblement plat. En résumé (si vous me permettez l'outrage de séparer fond et forme), je dirais : plat formellement, plein de platitudes sur le fond. Le parcours laborieux sur plusieurs d'années d'un homme pour arriver à la conclusion qu'il n'aimait pas l'infidélité de sa femme et qu'il se taisait par lâcheté. Epiphanie et surmontement du deuil à la toute fin qui viennent par le travail du théâtre. Vision thérapeutique de l'art que je déteste.
Le film hésite constamment entre le développement de longues séquences théâtrales d'un coté, de longues séquences de voiture avec la "réincarnation" de sa fille morte de l'autre. Or il n'arrive rien du tout des deux cotés. Coté voiture, parce que Hamaguchi n'est pas Kiarostami, et qu'il ne sait que faire d'une voiture, comment construire tout un film sur cet espace restreint, comment filmer l'intérieur, comment filmer l'extérieur qu'on y voit.
Les séquences théâtrales de l'autre coté, qui sont décevantes, parasités par un personnage irritant, l'amant de la femme défunte, qui éclipse toute la troupe de comédiens qu'on aimerait voir, laisser vivre un peu. A un moment du film, après une répétition, les personnages principaux sortent de la pièce, et on assiste quelques minutes au débrief des comédiens, on les laisse vivre enfin, déborder un peu du scénario, et puis plus rien, retour au ron-ron programmatique du trauma à surmonter. J'ai l'impression que c'est souvent ça le cinéma d'Hamaguchi, plusieurs scènes pourraient être biens, faire basculer le film vers autre chose, mais ça n'arrive jamais.
Si un défenseur du film veut bien parler de ce qu'il a aimé, j'en serais très curieux.
Je pense que la voiture est celle du metteur en scène. Et le chien celui du couple Coréen.
Non, ce n'est pas bien vu du tout. La fille n'est pas du tout l'incarnation de la fille morte, on n'est pas dans un cinéma de métaphore, pas du tout meme. La fille-chauffeur est celle qu'elle est et point barre.
Pas forcément la réincarnation, mais la fille qu'il aurait eu si elle n'était pas morte, puisqu'elle a exactement le même âge, c'est précisé dans un dialogue.
Salut ! Vu le film hier et beaucoup aimé.sokol a écrit : ↑dim. 29 août 2021 01:04Je pense que la voiture est celle du metteur en scène. Et le chien celui du couple Coréen.
Durant la discution entre le metteur en scène et la fille-chauffeur devant la maison sous la neige ils disent C'EST VRIAMENT UN SPOILER !!!!!! : Bien évidement que ce n'est qu'une métaphore mais SPOILER !!! : Je reconnais que c'est de la pure fantaisie ce que j'écris mais il faut reconnaître que le versant (le fait d'acheter une voiture identique à celle de metteur en scène et un chien identique à celui des coréens n'est pas très convaincant non plus, même si je vois un peu mieux la raison pourquoi elle aurait fait ça
Parfait ! Et c'est la bonne et unique explication !! Un grand merci meme !!!
Oui et je reverrais bien le film d’ailleurs rien que pour le travail qu’il fait sur l’utilisation des langues. C’est un sujet à lui seul !sokol a écrit : ↑dim. 29 août 2021 16:36à propos de langue : même les quelques minutes des dialogues parlés par la taïwanaise suffisent pour réaliser à quel point la langue chinoise est un langue tonale mais pas le japonais ou le coréen
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Langue_à_tons
Oui, dit comme ça, je suis d'accord. (c'est moi même d'ailleurs qui dis dans le petit commentaire qui accompagne le film sur la liste top-2021 que la chauffeuse c'est la fille de Stalker).
C'est quelque chose ce film. Quand je l'ai (re)revu durant la confiture, je suis encore (et encore) tombé de très haut.
De plus en plus, je pense que c'est "du Kiarostami". Non seulement pour la voiture (même si, sans aucun doute, il s'en est largement inspiré) mais pour le coté "double culture" cinématographique : Hamaguchi est autant oriental (le Japon comme l’Extrême Orient) et occidental, c'est à dire, tout comme Kiarostami, c'est des Platoniciens : ils pense que l’homme est une abstraction platonicienne * en lui-même. Après, derrière Kiarostami veille Rossellini. Mais pas que (et c'est ça qui est intéressant).
Je ne l'avais jamais vu : c'est Saint-Cyr que je n'aime pas, et Paul Sanchez ne m'avait pas passionné.sokol a écrit : ↑jeu. 2 sept. 2021 09:36@asketoner Oui, Peaux de vaches est extraordinaire mais si ma mémoire est bonne, tu ne l'aimais pas celui-ci (ou tu n'aimais pas trop les films de Mazuy).
Pour moi, c'est une des plus dignes héritières de Godard. C'est comme tu l'écris ("Les hiatus entre la musique et l'image", "Au moins une idée par plan", "Et mieux qu'une idée : du désir. Et mieux qu'un plan : un surgissement" etc). Je pense qu'elle s'en sort beaucoup mieux que Claire Denis (sans faire de sexisme, mais c'est un peu logique de comparer 2 réalisatrices je pense).
Puis, tu l'as vu en copie neuve. Ça doit être quelque chose car en plus, la lumière c'est du Coutard non ?
Si tu veux tu peux lire un peu ça : ils ont fondé leur critique uniquement sur la comparaison entre les 3 nouvelles de Murakami et le film :
asketoner a écrit : ↑lun. 30 août 2021 13:47La seule réserve que j'ai sur le film tient justement au fait que ce soit une adaptation, et que si au début il parvient à nous le faire oublier,
la scène dans la neige où le chauffeur et le metteur en scène se prennent dans les bras l'un de l'autre me semble trop collée au livre duquel elle vient (mais ce n'est qu'une impression, car je n'ai pas lu le livre).
Nous nous sentirons moins seul : François Bégaudeau (qui a tout de même aimé le film, tout en pensant qu'il aurait pu être un chef d’œuvre) dit exactement la même chose, sauf que, notre ressenti, il l’appelle, très justement, la scénarisation de la dernière partie du film (selon lui, le personnage de la chauffeure scénarise donc ficèle le film). Ou comme il dit, l'art du scénario est un art médiocre, la preuve : la dernière partie de ce film.
Merci.