Elle était donc là la meilleure adaptation de Tintin qui ne dit pas son nom ? Vraiment tout y est, du motif au clin d’œil plus appuyé... tout en inscrivant ces inspiration dans une forme typique du cinéma français des années 60/70 : celle de l'escapade, de la folle parenthèse avant le retour à la normale. Chouette mélange, donc.
La première partie est extrêmement plaisante et ébouriffante tandis que la 2ème traine un peu en longueur, perdant de sa verve. Le film aurait ainsi mérité un bon quart d'heure en moins pour être parfait.
Si l'on accepte de fermer les yeux sur certains point qu'on dira "d'époque" (le rapport homme-femme, mais plus encore la fin dans laquelle le grand progrès civilisateur rasant l'Amazonie est ce qui vient sauver les héros, faisant des amérindiens un folklore du bas côté (pour un contre-point de vue on regardera Iracema: Uma Transa Amazônica réalisé 10 ans plus tard par Jorge Bodanzky et Orlando Senn), L'homme de Rio est en effet un très bon divertissement.
En parlant de "progrès" il est possible que j'en garde surtout ces incroyables scènes et plans dans ce projet fou qu'est Brasilia sortant alors à peine de terre...
Revisionnage de ce film vu en salle il y a plus de 10 et la claque est encore plus grande qu'imaginée : quel chef d’œuvre
Maitrise incroyable de la narration et de chaque éléments qui la compose, n'en délaissant aucun au profit d'un autre, ne surlignant ni n'exagérant rien. Le film est hautement bouleversant avant tout par son honnête et sa clairvoyance, malgré la grande complexité des sujets qu'il aborde.
Qui d'autre à fini sa carrière avec un tel point d'orgue ?
Découverte du cinéaste Paul Fejos qui semble avoir eu de multiples périodes dans sa carrière : du muet au parlant, de l'Europe aux USA et de la fiction au documentaire anthropologique. Cette réalisation de 1928 est son plus grand succès américain. Le film est muet mais s'est vu rajouter quelques scènes parlantes peu après sa sortie, le cinéma sonore commençant tout juste carrière...
La trame du film est fort simple (un ouvrier et une standardiste se sentant bien seuls dans la grande ville de New-York se rencontrent au hasard d'une fête à Coney Island et ne tardent pas à tomber amoureux... ) et celui-ci vaut essentiellement pour sa mise en scène et ses splendides trouvailles visuelles qui culminent dans deux séquences alors particulièrement caractéristiques de l'époque, l'une dédiée au travail (répétitif et standardisé) et l'autre aux loisirs (les amusements débridés et la fête folle, ou l'énergie explose et la caméra virevolte).
Little Otik - Jan Svankmajer
Quelques jours après avoir vu "Les petits marguerites" me voici par hasard à regarder un autre film tchèque (ok LPM date de la tchécoslovaquie, pardon pour l'approximation) et malgré les 35 ans de différence on semble retrouver ce même sens de la farce sensuelle et bouffonne, semblant chercher dégout et écœurement par l'excès des corps et de la nourriture.
Svankmajer est avant tout connu pour ses films d'animations (je crois en avoir vu par le passé l'un ou l'autre, sans véritable souvenir) et il semble incapable de penser en terme de plan large ou de respiration de ses images ; tout semble filmé de très près, et il ponctue absolument TOUTES ses scènes par des détails en très gros plans avec d'incessants inserts de toutes les actions : si un personnage prend une clé dans sa poche on a un plan sur la main qui prend la clé dans la poche, si un personnage marche dans la rue on a un plan sur ses pieds. Bref : c'est d'une lourdeur sans nom, semblant redoubler toute étape de la narration. Nous avons bien sur de nombreuses scènes de repas, et nous avons donc droit à d'innombrables très gros plans de trucs mis dans des bouches, de bouillies versées dans des assiettes et autres œufs dégoulinants. Le résultat est incroyablement étouffant, mais surtout épuisant.
Cela est à coup sur raccord avec la trame du film : un coupe stérile adopte une buche/racine d'arbre qu'il traite comme un vrai bébé... mais les véritables problèmes commencent lorsque la buche devient gigantesque et vivante et se met à dévorer les voisins...
Même si trop long, je ne pense pas que le film soit fondamentalement mauvais, et vu son poids symbolique je ne doute pas qu'il porte un sous-texte psychanalytique... Lors du visionnage j'ai surtout pensé à une phrase de Deleuze dans son abécédaire qui déclare (à propos de Minelli d'ailleurs) "méfiez-vous du rêve de l'autre, parce que si vous êtes pris dans le rêve de l'autre, vous êtes foutu." Ici c'est le cas : le rêve d'enfant du couple finit par engloutir tous leurs proches ainsiq qu'eux-même... Par contre en tant que spectateur je ne sais pas si j'ai été digéré immédiatement ou si j'ai fuit avant.
Why has bodhi-dharma left for the east - Bae Yong-kyun - 1989
Trois moines bouddhistes vivent dans un temple isolé : un enfant découvrant la vie et la nature, un vieux sage attendant la mort, et un homme en plein apprentissage de la foi.
Nous sommes à des années lumières de toute réinterprétation occidentale de la foi zen que l'on a pu voir au cinéma (je pense à Kundun de Scorcese ou à Little Buddha de Bertolluci) et c'est précisément là que repose l'immense force et singularité de ce film magnifique. Nous ne sommes ni dans un traitement illustratif ni exotique, mais bien dans un film totalement incarné par ses préoccupation mystiques. Il en ressort une profonde pureté et tranquillité particulièrement agréable durant le sombre confinement que nous traversons.
Derrière l'aspect initiatique du film (ne connaissant rien ou presque au bouddhisme j'ai beaucoup appris) il est saisissant de voir à quel point le réalisateur (il s'agit de son premier film. Il y a presque tout fait et n'en a fait qu'un autre depuis) sait se servir de son médium pour exprimer la dimension mystique de sa foi. Les images semblent très respectueuse de tout ce qui est filmé, réussissant à mettre sur un pied d'égalité homme, animaux et nature.
Lors d'un des plans j'ai pu entendre dans ma tête Sokol crier "Tarkovvvskyyyyy". C'est assez amusant car il y a en effet un long et lent plan remontant doucement un cours d'eau qui ne peut pas ne pas faire penser à Stalker. Ce clin d’œil au final assez discret est surtout assez émouvant, dans sa façon de réunir deux cinéma et deux questionnement mystiques très différents, comme semblant reconnaitre à demi-mot que les questions de vie et d’au-delà dépassent la diversité des fois.
Une femme a passé - René Jayet - 1928
Film muet français méconnu narrant la pagaille semée par une crapuleuse femme fatale au sein de l'équipage d'une péniche sillonnant la France. Bref et sans détour (une heure seulement), le film est porté par une esthétique et des acteurs superbes (ces plans de visage !).