Le Centre de Visionnage : Films et débats
Posté : sam. 29 juil. 2023 17:44
@groil_groil : cool qu'Astrakan fasse l'unanimité ici !
Quelques films vus en cette fin de mois de juillet :
3ème et dernier film de Jean-François Stevenin, Mischka cultive avec peut-être un peu trop d'assurance l'étrangeté qui composait Double-Messieurs et surtout Passe Montagne, perdant à l'occasion la séduisante fragilité qui constituait le style du réalisateur. Qu'importe, après un début dont le chaos semble un peu trop calculé, le film retrouve une réjouissante énergie.
Et si c'était Pierrot le fou le parangon des road-movies à la française ? Le début de Michka, tout en scène de conduite, jump-cuts, Yves Afonso (ce bebel du pauvre) et portrait en monochrome jaune y fait quelque peu songer, avant que tout déraille durant une longue dérive à travers la France où se compose une famille de fortune au grès des rencontres et des ententes. Bien que datant de 2002, Michka sonne totalement 70s sans pour autant paraitre vieillot ou daté : la joie, la simplicité, le plaisir d'être ensemble et de vivre de réjouissantes aventures suffisent à tout emporter. Ceci sans tomber pour autant dans la naïveté ou la mièvrerie, les personnages sont entiers, ne cachent ni leurs joies ni leurs peines, prenant soin les uns des autres. Malgré leurs différences, ils sont tous égaux, même Johnny Halliday qui apparait au détour d'un champ et d'une tournée... C'est enfin à un autre cinéaste que l'on fini par penser : Guiraudie. La géographie déstructuré de Rester Vertical se combine ici à la famille d'accointances de Viens Je t'emmène pour affirmer le besoin et le plaisir d'être ensemble, quoi qu'il arrive. Et c'est peut-être ici que se construit une famille cachée de cinéastes et d'artistes, dont les parentés se dessinent dans le traitement de leurs personnages, dans la simplicité de l'univers du quotidien, dans leur regards vers les marges de la France, tant humaines que géographiques.
La redécouverte récente du travail de Michael Roemer aura permis d'exhumer ce chef-d'oeuvre qu'est Nothing But a Man. Drame sur le dur quotidien de la communauté afro-américaine dans le sud des Etats-Unis durant les années 60, le film décrit les mécanismes de l'intolérance, de la pauvreté et de l'exclusion à travers la vie de Duff Anderson, un ouvrier construisant des lignes de chemin de fer. Ambitieux et intransigeant, Duff devra faire face au racisme dévorant de la société américaine mais aussi de sa propre communauté. Bien qu'accablant, le film de Roemer ne verse pourtant jamais dans la facilité ou la caricature, dépeignant ses personnages avec leurs forces et leurs travers. Dernière surprise en finissant le film : Roemer n'est pas lui même afro-américain, mais un juif-allemand ayant subit la montée du nazisme dans son enfance... des nombreuses scènes ou contextes pourraient en effet se retrouver dans un milieu ou l'autre, le propos du film dépassant ainsi largement ce et ceux qu'il représente.
The North Calotte - Peter Nestler - 1993
Nestler est le documentariste sans effet par excellence. The North Calotte est dédié à ses confrères et amis Straub & Huillet, ce qui n'est aucunement une surprise. On retrouve chez eux la même rigueur, le même regard droit et sans concession, cette même façon de tout filmer sur un pied d'égalité. Également ce même regard féroce envers la modernité et le mal qu'elle à pu faire à la nature, aux animaux, aux hommes.
Chez Nestler les choses ne sont pas simplement les unes à côtés des autres, mais aussi devant et derrière les autres, dessus et dessous les autres. Bref : elles existent ensemble et elles forment un tout, un monde interdépendant. Et l'on comprend cela par la seule force des images, de leur montage, sans voix-off et sans remarque didactique. L'intelligence cinématographique de tout son travail est immense : son travail est exigeant mais généreux dans sa pensée.
The North Calotte s'intéresse à l'Europe du Nord et à l'impact puissant causé par l'industrialisation et l'exploitation minière (les strates minières/géologique sont une figure centrale de son cinéma). Entre ces observations des paysages et des territoires on rencontre des animaux, des cultures traditionnelles, des écoliers, des survivants de la WW2... ils sont tous là devant nous et nous parle d'eux et du monde, ils nous parlent d'eux et de nous et du monde tel qu'il s'est construit dans la deuxième moitié du XXème siècle, implacablement sans l'Homme qu'il prétendait pourtant servir. Ce film, tout comme l'oeuvre entière de Nestler, est essentiel, incontournable.
"Nuage", "singe", "poirier", "herbes"... autant d’occurrences à la nature qui composent les titres de la filmographie de Ceylan. L'autre partie de ses titres (ou bout de titres) sont "climat" "hiver", "mai" (= printemps), "sauvage", "sèches"... des mots plutôt liés à des conditions d'existence qui qualifient ou influencent la nature.
Ceylan n'est pourtant pas un cinéaste qui s'intéresse en premier lieu à la nature, mais bien plutôt à la "nature humaine". Et à ce qui compose et influence cette nature humaine : l'environnement humain et la société. La nature est plus généralement pour lui un décor, un arrière fond que l'on subit ou auquel on s'adapte. L'hiver et la neige (que l'on à déjà vu plusieurs fois chez Ceylan) jouent ici l'effacement, faisant disparaitre le paysage, l'abstrayant pour mieux en faire ressortir les silhouettes qui le traverse. Mais permettant aussi d'y observer les traces et les marques qu'elles laissent sur leurs passages. Ceylan, comme toujours, construit son film sur des relations, petites, banales, l'importance que chacun s'accorde à lui même et aux autres pour exister et/ou faire exister les autres au sein de ses désirs frustrés ou de son apathie emmitouflante, et comment chacun s'influence ou non en fonction de son histoire, de sa sensibilité, de son âge.
Le film narre le quotidien d'un jeune prof d'art plastique photographe à ses heures (n’oublions pas que Ceylan est à l'origine photographe, et que les images apparaissant à l'images sont avant tout les siennes, traçant un lien direct entre lui et son personnage, tout comme c'était le cas dans Uzak) dont le grand sujet semble être les portraits. A cette façon de faire vient répondre celui de la jeune femme qui est quant à elle dessinatrice et dont le sujet favori est aussi le portrait (cf la scène d'observation de son appartement). Deux techniques, deux façons de faire et donc deux façons de voir. Mais Les Herbes Sèches n'est au final pas tant un film sur "comment sont vues les choses" que sur "ce qui est laissé être vu ou pas", sur ce que l'on donne à voir ou non. J'en veux pour preuve le motif de la porte qui apparait sans cesse dans le film, soit par des plans filmés à travers des portes entrouvertes, soit parce qu'un personnage demande à la fermer ou à l'ouvrir durant la scène.
Si le film est confectionné avec une grande intelligence et ses dialogues écrit avec une finesse précieuse, je ne peux malheureusement m'empêcher de m'y ennuyer poliment. J'y vois beaucoup trop de sérieux, et plus encore l'envie d'y faire du "grand Cinéma" voulant dresser une somme de la nature humaine (si l'influence russe est présente dans le film elle est pour moi bien plus dans ses références littéraires que chez Tarkoski comme le dit souvent Sokol). Et quand, enfin, Ceylan veut se mettre à distance de son sujet, il le fait de la manière la plus pénible -et attendu, en 2020- en cassant le 4ème mur, un choix venant encore plus me désintéresser du film. Seule porte de sortie que j'aimerais voir Ceylan explorer dans un prochain long métrage : ses personnages d'enfants et sa façon très singulière de les faire exister (notamment la scène de don, souligné par Asketoner) qui mériteraient largement la place d'un sujet central.
Barbie - le film : Chronique ordinaire du capitalisme tardif
Une mode de ces dernières décennies pour le cinéma hollywoodien n'est plus l'adaptation d'une œuvre ou d'un univers fictionnel mais celui de l'adaptation pure et simple d'une marque. J'en veux pour preuve l'exercice réalisé pour une attraction (les Pirate des Caraïbes ou la Maison Hantée de Disneyland), un mode de communication numérique ("Emoji Movie" en 2017) ou encore de simple jouets et figurines tel que le film d'animations Les Trolls, ceux Action Man et donc désormais la poupée la plus célèbre du monde : Barbie.
A la différence des exemples cités précédemment, Barbie se paye le luxe immense d'investir dans l’attirail cinématographique au grand complet. Le film réussit ainsi l'exploit d'attirer les foules par son matraquage marketing (salle comble à ma séance) mais aussi de susciter l’émoi et l'interrogation cinéphilique en réunissant une jeune réalisatrice côté dans le 7ème art us indé (bien que ses films furent plus que médiocre), Noah Baumbach en co-scénariste, les acteurs têtes d'affiche du cinéma comique américain des années 2000 (Will Ferrel, Michael Cera notamment)... mais aussi du cinéma mondial, avec Ryan Gossling, sublimant ici même son traditionnel jeu d'endive en incarnant une figurine en plastique. Et il faut avouer que, cinématographiquement parlant, le film tient plutôt la route, trouvant dans ses chorégraphies et reconstitutions grandeurs natures des décors Barbie un point d'admiration non feint, atteignant des choses que nous n'avions plus vu depuis l'alliance Jerry Lewis/Frank Tashlin.
A la différence une fois encore des premiers exemples, Barbie "ose" une chose détonante : faire son auto-critique. Le film a donc été annoncé comme "féministe" et véhiculant censément un discours émancipatoire pour toutes les petites filles du monde. Si je dois bien avouer avoir été surpris que cette ligne ne soit pas un lointain arrière-fond mais bien abordé longuement au premier degré (le mot patriarcat est répété à tors et à travers et même mis dans la bouche d'une fillette, tandis que le climax scénaristique du film repose sur une vaste vague de sororité, faisant friser le film avec de l'entrisme teinte bubble-gum) c'est avant tout pour mieux retomber sur ses pattes et que rien ne bouge. L'esprit du capitalisme l'a bien compris depuis longtemps : l'intégration de son autocritique et la satire contrôlé de sa propre image est la meilleure façon de rendre les alternatives caduques et de perdurer. Et les clichés de continuer de circuler à la pelle tout en prenant bien soin d'éviter tout autre discours critique qui auraient été tout aussi cruciaux : désir, consommation, hétéronormativité etc etc... Coup de génie final : faire apparaitre la créatrice de la poupée Barbie et lui donner une aura divine afin de lui faire répéter ses valeurs d'origines à Barbie... qu'elle s'empressera alors de faire perdurer. Jamais la phrase Guépardesque "Il faut que tout change pour que rien ne change" n'aura été aussi bien illustré.
Quelques films vus en cette fin de mois de juillet :
3ème et dernier film de Jean-François Stevenin, Mischka cultive avec peut-être un peu trop d'assurance l'étrangeté qui composait Double-Messieurs et surtout Passe Montagne, perdant à l'occasion la séduisante fragilité qui constituait le style du réalisateur. Qu'importe, après un début dont le chaos semble un peu trop calculé, le film retrouve une réjouissante énergie.
Et si c'était Pierrot le fou le parangon des road-movies à la française ? Le début de Michka, tout en scène de conduite, jump-cuts, Yves Afonso (ce bebel du pauvre) et portrait en monochrome jaune y fait quelque peu songer, avant que tout déraille durant une longue dérive à travers la France où se compose une famille de fortune au grès des rencontres et des ententes. Bien que datant de 2002, Michka sonne totalement 70s sans pour autant paraitre vieillot ou daté : la joie, la simplicité, le plaisir d'être ensemble et de vivre de réjouissantes aventures suffisent à tout emporter. Ceci sans tomber pour autant dans la naïveté ou la mièvrerie, les personnages sont entiers, ne cachent ni leurs joies ni leurs peines, prenant soin les uns des autres. Malgré leurs différences, ils sont tous égaux, même Johnny Halliday qui apparait au détour d'un champ et d'une tournée... C'est enfin à un autre cinéaste que l'on fini par penser : Guiraudie. La géographie déstructuré de Rester Vertical se combine ici à la famille d'accointances de Viens Je t'emmène pour affirmer le besoin et le plaisir d'être ensemble, quoi qu'il arrive. Et c'est peut-être ici que se construit une famille cachée de cinéastes et d'artistes, dont les parentés se dessinent dans le traitement de leurs personnages, dans la simplicité de l'univers du quotidien, dans leur regards vers les marges de la France, tant humaines que géographiques.
La redécouverte récente du travail de Michael Roemer aura permis d'exhumer ce chef-d'oeuvre qu'est Nothing But a Man. Drame sur le dur quotidien de la communauté afro-américaine dans le sud des Etats-Unis durant les années 60, le film décrit les mécanismes de l'intolérance, de la pauvreté et de l'exclusion à travers la vie de Duff Anderson, un ouvrier construisant des lignes de chemin de fer. Ambitieux et intransigeant, Duff devra faire face au racisme dévorant de la société américaine mais aussi de sa propre communauté. Bien qu'accablant, le film de Roemer ne verse pourtant jamais dans la facilité ou la caricature, dépeignant ses personnages avec leurs forces et leurs travers. Dernière surprise en finissant le film : Roemer n'est pas lui même afro-américain, mais un juif-allemand ayant subit la montée du nazisme dans son enfance... des nombreuses scènes ou contextes pourraient en effet se retrouver dans un milieu ou l'autre, le propos du film dépassant ainsi largement ce et ceux qu'il représente.
The North Calotte - Peter Nestler - 1993
Nestler est le documentariste sans effet par excellence. The North Calotte est dédié à ses confrères et amis Straub & Huillet, ce qui n'est aucunement une surprise. On retrouve chez eux la même rigueur, le même regard droit et sans concession, cette même façon de tout filmer sur un pied d'égalité. Également ce même regard féroce envers la modernité et le mal qu'elle à pu faire à la nature, aux animaux, aux hommes.
Chez Nestler les choses ne sont pas simplement les unes à côtés des autres, mais aussi devant et derrière les autres, dessus et dessous les autres. Bref : elles existent ensemble et elles forment un tout, un monde interdépendant. Et l'on comprend cela par la seule force des images, de leur montage, sans voix-off et sans remarque didactique. L'intelligence cinématographique de tout son travail est immense : son travail est exigeant mais généreux dans sa pensée.
The North Calotte s'intéresse à l'Europe du Nord et à l'impact puissant causé par l'industrialisation et l'exploitation minière (les strates minières/géologique sont une figure centrale de son cinéma). Entre ces observations des paysages et des territoires on rencontre des animaux, des cultures traditionnelles, des écoliers, des survivants de la WW2... ils sont tous là devant nous et nous parle d'eux et du monde, ils nous parlent d'eux et de nous et du monde tel qu'il s'est construit dans la deuxième moitié du XXème siècle, implacablement sans l'Homme qu'il prétendait pourtant servir. Ce film, tout comme l'oeuvre entière de Nestler, est essentiel, incontournable.
"Nuage", "singe", "poirier", "herbes"... autant d’occurrences à la nature qui composent les titres de la filmographie de Ceylan. L'autre partie de ses titres (ou bout de titres) sont "climat" "hiver", "mai" (= printemps), "sauvage", "sèches"... des mots plutôt liés à des conditions d'existence qui qualifient ou influencent la nature.
Ceylan n'est pourtant pas un cinéaste qui s'intéresse en premier lieu à la nature, mais bien plutôt à la "nature humaine". Et à ce qui compose et influence cette nature humaine : l'environnement humain et la société. La nature est plus généralement pour lui un décor, un arrière fond que l'on subit ou auquel on s'adapte. L'hiver et la neige (que l'on à déjà vu plusieurs fois chez Ceylan) jouent ici l'effacement, faisant disparaitre le paysage, l'abstrayant pour mieux en faire ressortir les silhouettes qui le traverse. Mais permettant aussi d'y observer les traces et les marques qu'elles laissent sur leurs passages. Ceylan, comme toujours, construit son film sur des relations, petites, banales, l'importance que chacun s'accorde à lui même et aux autres pour exister et/ou faire exister les autres au sein de ses désirs frustrés ou de son apathie emmitouflante, et comment chacun s'influence ou non en fonction de son histoire, de sa sensibilité, de son âge.
Le film narre le quotidien d'un jeune prof d'art plastique photographe à ses heures (n’oublions pas que Ceylan est à l'origine photographe, et que les images apparaissant à l'images sont avant tout les siennes, traçant un lien direct entre lui et son personnage, tout comme c'était le cas dans Uzak) dont le grand sujet semble être les portraits. A cette façon de faire vient répondre celui de la jeune femme qui est quant à elle dessinatrice et dont le sujet favori est aussi le portrait (cf la scène d'observation de son appartement). Deux techniques, deux façons de faire et donc deux façons de voir. Mais Les Herbes Sèches n'est au final pas tant un film sur "comment sont vues les choses" que sur "ce qui est laissé être vu ou pas", sur ce que l'on donne à voir ou non. J'en veux pour preuve le motif de la porte qui apparait sans cesse dans le film, soit par des plans filmés à travers des portes entrouvertes, soit parce qu'un personnage demande à la fermer ou à l'ouvrir durant la scène.
Si le film est confectionné avec une grande intelligence et ses dialogues écrit avec une finesse précieuse, je ne peux malheureusement m'empêcher de m'y ennuyer poliment. J'y vois beaucoup trop de sérieux, et plus encore l'envie d'y faire du "grand Cinéma" voulant dresser une somme de la nature humaine (si l'influence russe est présente dans le film elle est pour moi bien plus dans ses références littéraires que chez Tarkoski comme le dit souvent Sokol). Et quand, enfin, Ceylan veut se mettre à distance de son sujet, il le fait de la manière la plus pénible -et attendu, en 2020- en cassant le 4ème mur, un choix venant encore plus me désintéresser du film. Seule porte de sortie que j'aimerais voir Ceylan explorer dans un prochain long métrage : ses personnages d'enfants et sa façon très singulière de les faire exister (notamment la scène de don, souligné par Asketoner) qui mériteraient largement la place d'un sujet central.
Barbie - le film : Chronique ordinaire du capitalisme tardif
Une mode de ces dernières décennies pour le cinéma hollywoodien n'est plus l'adaptation d'une œuvre ou d'un univers fictionnel mais celui de l'adaptation pure et simple d'une marque. J'en veux pour preuve l'exercice réalisé pour une attraction (les Pirate des Caraïbes ou la Maison Hantée de Disneyland), un mode de communication numérique ("Emoji Movie" en 2017) ou encore de simple jouets et figurines tel que le film d'animations Les Trolls, ceux Action Man et donc désormais la poupée la plus célèbre du monde : Barbie.
A la différence des exemples cités précédemment, Barbie se paye le luxe immense d'investir dans l’attirail cinématographique au grand complet. Le film réussit ainsi l'exploit d'attirer les foules par son matraquage marketing (salle comble à ma séance) mais aussi de susciter l’émoi et l'interrogation cinéphilique en réunissant une jeune réalisatrice côté dans le 7ème art us indé (bien que ses films furent plus que médiocre), Noah Baumbach en co-scénariste, les acteurs têtes d'affiche du cinéma comique américain des années 2000 (Will Ferrel, Michael Cera notamment)... mais aussi du cinéma mondial, avec Ryan Gossling, sublimant ici même son traditionnel jeu d'endive en incarnant une figurine en plastique. Et il faut avouer que, cinématographiquement parlant, le film tient plutôt la route, trouvant dans ses chorégraphies et reconstitutions grandeurs natures des décors Barbie un point d'admiration non feint, atteignant des choses que nous n'avions plus vu depuis l'alliance Jerry Lewis/Frank Tashlin.
A la différence une fois encore des premiers exemples, Barbie "ose" une chose détonante : faire son auto-critique. Le film a donc été annoncé comme "féministe" et véhiculant censément un discours émancipatoire pour toutes les petites filles du monde. Si je dois bien avouer avoir été surpris que cette ligne ne soit pas un lointain arrière-fond mais bien abordé longuement au premier degré (le mot patriarcat est répété à tors et à travers et même mis dans la bouche d'une fillette, tandis que le climax scénaristique du film repose sur une vaste vague de sororité, faisant friser le film avec de l'entrisme teinte bubble-gum) c'est avant tout pour mieux retomber sur ses pattes et que rien ne bouge. L'esprit du capitalisme l'a bien compris depuis longtemps : l'intégration de son autocritique et la satire contrôlé de sa propre image est la meilleure façon de rendre les alternatives caduques et de perdurer. Et les clichés de continuer de circuler à la pelle tout en prenant bien soin d'éviter tout autre discours critique qui auraient été tout aussi cruciaux : désir, consommation, hétéronormativité etc etc... Coup de génie final : faire apparaitre la créatrice de la poupée Barbie et lui donner une aura divine afin de lui faire répéter ses valeurs d'origines à Barbie... qu'elle s'empressera alors de faire perdurer. Jamais la phrase Guépardesque "Il faut que tout change pour que rien ne change" n'aura été aussi bien illustré.