Le Centre de Visionnage : Films et débats
Posté : mar. 12 déc. 2023 09:58
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Mais oui, soudain, il fallait remettre en perspective la portée politique. Et pourquoi ? Parce qu'elle était totalement absente du reste du film, qui se contentait de nous donner à jouir du spectacle très commun, vu et revu, de la violence, exactement de la même façon que tous les cinéastes qui n'ont jamais pensé la colonisation autrement qu'en terme de scène-choc (l'indigène violée et étranglée, sur laquelle on bave un peu ; les oreilles coupées ; les soldats qui s'enc.ulent parce qu'au fond c'est des homos refoulés).yhi a écrit : ↑sam. 23 déc. 2023 21:46Je te trouve dur sur Les colons. C'est un film qui dresse la naissance d'une nation sur des fondements de violence. Nation qui 125 ans plus tard n'arrive pas à faire invalider une constitution provenant d'un régime dictatorial. Sur la forme la première partie met en opposition la virginité des paysages et son viol (plus celui-ci que celui des hommes entre eux) par des soldats qui s'entretuent pour sa propriété. La dernière, qui boucle avec l'intro remet en perspective la portée politique et cette fois l'opposition entre riche propriétaire / soldats sur le terrain / indigènes. La musique est top aussi.
Il faut que je voie le Bodhi-Dharma ! Je l'ai, mais comme il est sous-titré en anglais, j'ai la flemme...
Peut être tout simplement encore une question de territoire, l'aspect politique ne se jouant pas au lieu de la bataille. Autre lieu oui, autres moeurs on ne sait pas si c'est franchement moins sauvage malgré l'apparat.
cyborg a écrit : ↑dim. 24 déc. 2023 00:15J'avais oublié de dire que j'avais aussi vu
Le vent - Souleymane Cissé - 1982
Deux étudiants, l'une fille d'un représentant politique, l'autre fils d'un chef traditionnel, se lient d'amitié et d'amour. Ce qui ne sera pas sans créer des tensions...Tandis que la jeune génération désire changer la société, sans forcément savoir ni totalement pourquoi ni comment, les figures de l’autorité se déchirent.
Beaucoup de questions en germe ici seront reprise dans Yeelen, paru 4 ans plus tard, et qui me semble meilleur car plus fort, plus original, moins bancal.
et depuis mon dernier post :
Premier court-métrage de Maldoror, préfigurant totalement Sambizanga, dans une version ramassée et masculine : l'emprisonnement, l'interrogation violente et la mort d'un résistant ougandais. La grande idée est de faire reposer toute l'histoire sur une incompréhension langagière : alors que sa femme dit lui ramener un "complet", soit un plat traditionnel local, ses geôliers francophones pensent à un... costume. Leur rage de comprendre pourquoi il aurait besoin d'une telle tenue dans sa situation, lui coutera la vie.
Tout l'enjeu du film n'est pas tant dans les feuilles desséchés, ni dans leurs chutes, mais dans le fait de savoir si les feuilles vont encore repousser. La question est donc : y-a-il encore de l'espoir de nos jours ? Et si oui, comment ?
Les feuilles mortes n'apparaissent en réalité à l'écran que tardivement. Et par deux fois seulement. Tout d'abord au bout des branches des arbres, à l'occasion de l’ellipse principale du film. Puis dans le dernier plan, mais elles sont alors au sol. Les personnages les piétinent, se dirigeant droit vers le soleil couchant au loin.
Le film, lui, pourtant, ne semblait cesser de regarder vers l'arrière, de son titre référencé a un poème de Prévert, à ses affiches de cinéma des 50s recouvrant tous les murs. Et quand il aborde le présent, c'est sous un jour gris : les nouvelles de la guerre ne cessent d'infiltrer l'espace sonore tandis que la vie est rudement régie par le travail, l'alcool (en trop), l'argent (en trop peu).
Heureusement Kaurismaki ne fait pas de cette situation un constat amer et cynique. Il croit en ses personnes et croit en l'amour comme ses personnages croient en l'amour. La force du film est là : chez Kaurismaki l'amour est force de changement et force d'un avenir meilleur. Si les plans et décors semblent vides c'est parce qu'ils sont remplit des relations des personnages, bien qu'ils se débattent le plus souvent entre eux ou avec eux même. Et malgré les embûches, des plus petites (la perte d'un numéro de téléphone) aux plus grandes (un accident de train, tout de même), l'envie, l'espoir, l'amour et ses nouveaux possibles restent vivant.
Il est rare de voir aborder un thème à la fois aussi simple et important sans jugement ni cynisme, d'autant plus dans le milieu travailleur. Ce film ferait à lui seul mentir l'idée bien établie (de mémoire déclarée en interview par Antonioni, mais je ne retrouve plus l'entretien, et repris à leurs comptes par des zigotos comme Haneke) que l'amour est un sentiment bourgeois, et qu'il ne peut être représenté à l'écran que dans un milieu bourgeois). Les Feuilles Mortes nous prouve l'inverse, affichant l'amour comme une force politique et positive, une ligne à reconsidérer sans complaisance pour les générations à venir.
Le dernier plan est ainsi double, rejouant la scène finale des Temps Moderne - tel un dernier clin d’œil vers le passé- tandis que l'énergie semble repartie dans le bon sens. Kierkegaard nous as dit qu' "on ne peut comprendre la vie qu'en regardant en arrière mais qu'on ne peut la vivre qu'en regardant en avant.", cela semble absolument le cas ici.
The Unknown Craftman - Amit Dutta
Découverte de ce film dans mon désir d'explorer un cinéma indien plus contemporain que celui auquel je m'étais frotté ces derniers mois.
Longue promenade méditative, The Unknown Craftman, suit les errances d'un homme, que l'on hésite à qualifier de mystique ou d'artiste, cherchant un emplacement pour construire un temple. Les paysages indiens sont absolument magnifiques mais cela ne fait pas un film et jamais la mise en scène ne vient incarner les propos ou la quête de son personnage. Le résultat est donc plat et illustratif, à des années lumières des superbes Kanchana Sita de Govindan Aravindan ou de Bodhi-Dharma de Yong-kyun Bae (dans un autre pays) auxquels on songe parfois, et qui réussissaient à faire tenir conjointement mise en scène et propos spirituels.
Donc, toi qui connais bien 'le nouveau roman', t'aime pas tant que ça 'la Nouvelle vague' ?asketoner a écrit : ↑jeu. 28 déc. 2023 12:36
J'aurais peut-être été plus enthousiaste si je ne connaissais pas la littérature sud-américaine (à partir de Borges, et jusqu'à Bolano, en passant par Cortazar) que le récit imite, et dont le cinéma, jusqu'alors, à part avec Raoul Ruiz, s'était peu emparé.
c'est un film qui commence comme Twin Peaks, puis qui bifurque vers la comédie romantique voir la science fiction puis on bascule dans du Antonioni.
Le Nouveau roman est contemporain de la Nouvelle vague, ça n'a donc rien à voir. Dans Trenque Lauquen il s'agit très nettement d'une inspiration (mais passée par le filtre de la pop-culture, série télé, Antonioni, tout mélangé), quand pour la Nouvelle vague on pourrait plutôt parler d'air du temps. D'ailleurs les "lectures" des cinéastes de la Nouvelle vague sont plutôt conventionnelles (Henri-Pierre Roché) ou populaires (les polars américains) (sauf Godard qui s'est frotté à Cortazar, justement, avec Week-end) ; ce qui les rapproche du Nouveau roman est surtout une question de style, le soupçon porté sur la psychologie des personnages, l'éreintement de quelques conventions, etc... Mais à part Resnais, et Duras qui a fait ses propres films, je n'ai pas beaucoup vu Truffaut, Godard, Rohmer, Chabrol ni Rivette s'intéresser à Nathalie Sarraute, Beckett, Claude Simon ou Robert Pinget.Donc, toi qui connais bien 'le nouveau roman', t'aime pas tant que ça 'la Nouvelle vague' ?
Il passait au ciné.ps: comment t'as pu choper le film ?
Ma foi, le nouveau roman commence dans les années 54-55 n'est ce pas ? Or, la nouvelle vague c'est vraiment à la toute fin années '50, non ?
C'est quand même pas très éloigné 'air du temps' et 'inspiré de' non ?
Et bien puisque j'ai lu de la littérature sud-américaine, je ne trouve pas que c'est une question de scénario. Le film est fait d'images non ? Si tu trouve qu'il s'agit d'un scénario filmé, dis-le. C'est de ça qu'il s'agit selon toi ?
Vraiment tu chipotes ! C'est la même période. Là dans Trenque Lauquen on parle de Borges, les années 40-50 (et encore, tout ça trouve sa source cher Gomez de la Serna ou Macedonio Fernandez ou Roberto Arlt...)...Ma foi, le nouveau roman commence dans les années 54-55 n'est ce pas ? Or, la nouvelle vague c'est vraiment à la toute fin années '50, non ?
Rien à voir mais à mon avis tu ne veux pas comprendre.C'est quand même pas très éloigné 'air du temps' et 'inspiré de' non ?
Dès lors que le film "imagine", oui. Mais ça ne veut pas dire grand chose, un scénario filmé, en soi (tout film pourrait en être un). Je veux juste dire que le film a du mal à s'intéresser à ce qu'il filme réellement. Et s'il s'y intéressait, s'il assumait absolument de filmer des gens qui se passionnent pour des histoires, sans tenter de filmer ces dites histoires, je suis prêt à parier qu'il serait plus court.Et bien puisque j'ai lu de la littérature sud-américaine, je ne trouve pas que c'est une question de scénario. Le film est fait d'images non ? Si tu trouve qu'il s'agit d'un scénario filmé, dis-le. C'est de ça qu'il s'agit selon toi ?
Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.asketoner a écrit : ↑jeu. 28 déc. 2023 16:17
Dès lors que le film "imagine", oui. Mais ça ne veut pas dire grand chose, un scénario filmé, en soi (tout film pourrait en être un). Je veux juste dire que le film a du mal à s'intéresser à ce qu'il filme réellement. Et s'il s'y intéressait, s'il assumait absolument de filmer des gens qui se passionnent pour des histoires, sans tenter de filmer ces dites histoires, je suis prêt à parier qu'il serait plus court.
sokol a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 09:24Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.
Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
cyborg a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 00:37@asketoner : non, Curtis ne vise à "rien d'autre". Mais c'est déjà beaucoup, dans sa façon de détricoter, retricoter, explorer les zones invisibles des relations internationales, les influences culturelles et autres sortes d'enjeux dont l'ampleur et les durées nous échappent généralement. J'y vois une sorte "d'anti-conspirationisme" tentant néanmoins de conjecturer le marasme dans lequel nous avons tous l'impression de nous trouver.
Cela me semble fait avec beaucoup d'aisance, de clarté et de précision, ce qui rend le travail digeste et captivant. Mais oui, bien entendu ce n'est pas du cinéma et "ça reste" du docu TV... mais produit par la BBC tout de même (pourrions nous imaginer 2 minutes France TV produire un truc de ce genre ?).
J'ai quasiment vu tout ce qu'il à fait et je crois qu'il s'en sort mieux quand il touche à des sujets plus ancien (Hypernormalisation est suspendu à la première élection (prédite - le docu a été diffusé juste avant) de Trump, tandis que son dernier Can't get you ot of my head se conclue (après 8h !) durant le début de la crise du covid, dont - comme tout le monde - il à alors peu à dire) et c'est en général The Century of the self (sur la "mise en application" des théories freudiennes par le milieu de la publicité au début du XXème) que je recommande en premier.
Parce que les films de Lynch aussi donnent l’impression qu’ils ne filment pas vraiment les gens mais plutôt les histoires qu’ils rêvent ou qu’ils imaginent.asketoner a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 11:25sokol a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 09:24Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.
Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
Pourquoi tu veux parler de Lynch soudain ?
Mais en fait je ne parlais pas de "filmer les gens" mais de filmer des gens qui s'intéressent à une histoire sans représenter l'histoire en question. Ce qui pour Lynch ne s'applique pas, puisque les protagonistes font partie de l'histoire (l'histoire n'est pas en-dehors d'eux) (sauf dans Twin Peaks, et encore, car l'histoire les emporte ou les implique à un moment ou à un autre).sokol a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 17:09Parce que les films de Lynch aussi donnent l’impression qu’ils ne filment pas vraiment les gens mais plutôt les histoires qu’ils rêvent ou qu’ils imaginent.asketoner a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 11:25sokol a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 09:24Sans jouer avec les mots : oui, tout film est un scénario filmé mais devrais-je le mettre entre guillemet ? Non, car t’es habitué avec cette notion.
Donc, si on te suit : pour faire simple : Lynch, s’il s’intéressait à filmer réellement les gens, ça irait mieux ?
Pourquoi tu veux parler de Lynch soudain ?
Ma question n’était pas du tout malsaine, cynique car il y a plein de cinéphiles (et des cinéastes qu’on adore) qui n’aiment pas ses films.
Donc on peut dire la même chose pour les films de Lynch non ?
Ah voilà, c’est ce que je craignais : tu parle scénario. Or je parlais exactement «filmer les gens ».asketoner a écrit : ↑ven. 29 déc. 2023 19:30
Mais en fait je ne parlais pas de "filmer les gens" mais de filmer des gens qui s'intéressent à une histoire sans représenter l'histoire en question. Ce qui pour Lynch ne s'applique pas, puisque les protagonistes font partie de l'histoire (l'histoire n'est pas en-dehors d'eux) (sauf dans Twin Peaks, et encore, car l'histoire les emporte ou les implique à un moment ou à un autre).
Tu persistes à me faire dire ce que je n'ai pas écrit.
Excellent premier film du 'grand frère' (pour ne pas dire du maitre) d'un certain Radu Jude. Film quasiment inconnuasketoner a écrit : ↑mar. 2 janv. 2024 11:18
Le Matos et la Thune, Cristi Puiu, 2004
Excellent film, dans lequel Cristi Puiu sait déjà qu'il n'a besoin de presque rien pour faire du cinéma : une voiture, trois personnes dedans, une mission, des adversaires, un patron, beaucoup de mélancolie, et cette lutte permanente contre la dureté des coeurs, et la facilité avec laquelle on prend le pli de la domination.
Tu as raison, c’est plus ou moins le même procédé, mais justement ce n’est pas du tout la même mise en scène. Erice organise les glissements, l’entremêlement des vies et des histoires, et tout chez lui est entièrement tendu vers la constitution d’une vision qui viendrait boucher le manque. Dans Trenque Lauquen, ça me semble juxtaposé, comme une tarte avec plusieurs couches de crème.sokol a écrit : ↑mar. 2 janv. 2024 10:03
En fait, si, je me souviens très bien des scènes dont tu parles (celles évoquées par les personnages durant leur conversations et qu'on les voit représenter). Je m'étais posé également la question mais au final, ça fonctionne.
A propos : dans "Fermer les yeux" Victor Erice fait exactement la même chose; cela ne t'a pas gêné ?
Enfin, on y est !asketoner a écrit : ↑mar. 2 janv. 2024 14:18
Tu as raison, c’est plus ou moins le même procédé, mais justement ce n’est pas du tout la même mise en scène. Erice organise les glissements, l’entremêlement des vies et des histoires, et tout chez lui est entièrement tendu vers la constitution d’une vision qui viendrait boucher le manque. Dans Trenque Lauquen, ça me semble juxtaposé, comme une tarte avec plusieurs couches de crème.