coucou les ptits loups, bon je n'écris plus depuis 1856 mais je vais tenter de m'y remettre un peu plus souvent, même si je n'ai plus l'inspiration d'avant
Vu 2 merveilles ces derniers jours :
On est dans un petit village du Périgord. Paul célibataire endurci est employé municipal et passionné de chasse à la palombe. Il passe la plupart de son temps en haut de la palombière qu’il a construit au milieu de la forêt. Davantage à observer le vol des oiseaux plutôt que les chasser.
Claire est la nouvelle institutrice du village, elle vient d’arriver. Paul va en tomber amoureux.
C’est le premier film que je vois de Jean-Pierre Denis est c’est une vraie belle découverte. Ce film est un petit bijou.
Ce qui est très beau, c’est que le cinéaste perce son cadre un peu rêche de percées romantiques. Mais qui ne sont jamais des élans lyriques, plutôt de petites touches, des regards et surtout une libération succincte et ponctuelle de la parole, de sentiments à peine dévoilés, avec pudeur, qui deviennent alors proprement bouleversants.
Le cadre est formidablement exposé, en peu de scènes on comprend tout de ce lieu, de ce village. Tout existe, les personnages annexes (le père de Jean, sa sœur qui va se marier, le amis de Paul,…), les décors, les évènements (un bar, une fête de village,…). Il y a une approche documentaire que l’on peut retrouver chez Olmi.
Et au milieu de ce cadre il y a Paul et Claire.
Tout est doux dans ce film, la mise en scène de Denis est caressante, bienveillante malgré toute la sècheresse que l’on ressent au premier abord, il aime et suit tous ses personnages jusqu’au bout.
Et puis il y a une idée formidable. Paul s’occupe donc d’une palombière, il élève des palombes qui vont servir de leurre pour attirer les palombes sauvages. Celle-ci, l’appât, a la patte attachée à un fil. Paul est cette palombe attachée, il est fixé au sol, ancré dans ce terroir. Il est né ici et ne pourra jamais en partir, comme son père, comme ses amis, sa vie est ici. Claire est une palombe sauvage. Elle n’est pas ancrée au sol, elle vole, elle est libre. Elle traverse le cadre. Ponctuellement elle va être attirée par la palombe au sol, mais elle repartira vers d’autres cieux. Elle est de passage.
Tout repose sur cette idée magnifique et mélancolique. Paul observe les palombes en plein ciel dessinant des nuages gracieux.
Une nuit, au Liban, le docteur Walter est réveillé dans sa résidence de Tripoli pour qu’il examine une femme souffrante, madame Bortak. Sans l’ausculter, il la dirige vers l’hôpital et apprend le lendemain qu’elle est décédée.
Œil pour œil est un film qui semble à part dans la filmographie d’André Cayatte.
Il aborde toujours la psychologie de l’homme, sa culpabilité, ses remords, mais il filme ça un peu autrement. Il y a toujours l’institution (ici la médecine) qui est mise en avant et qui est interrogée, mais surtout il y a l’homme et ses faiblesses.
Cayatte filme un peu différemment et Cayatte filme ailleurs, au Liban (surtout à Almeria en Espagne où seront tournés plus tard la plupart des westerns italiens), au milieu de villages perdus au bout du monde et des étendues désertiques.
C’est un film très en avance œil pour œil, il anticipe ce que sera le cinéma d’Antonioni, digère celui d’Hitchcock, et lorsque l’on voit le film, qui semble pourtant très méconnu, on est frappé par les similitudes que l’on trouvera plus tard dans plusieurs grands films (Profession : Reporter, Le bon, la brute et le truand, Gerry,…).
Le film est d’une modernité et d’une audace narrative dingues pour l’époque, film tourné en 56.
On suit donc un docteur s’enfoncer peu à peu dans le cadre et se perdre au fin fond du désert libanais.
Le docteur est incarné par l’autrichien Curd Jürgens qui apporte à lui-seul une vraie étrangeté, par sa voix, son corps, sa façon de se mouvoir, se s’exprimer, qui détonnent au sein de l’environnement dans lequel il évolue.
A côté il y a la bonhommie non moins étrange et singulière de Folco Lulli qui l’accompagne une partie du chemin.
Le film démarre comme du Hitchcock pour basculer dans un road movie existentiel à travers des paysages arides admirablement filmés. On sent la chaleur, la soif, la sueur, la poussière.
En plein milieu il y a une scène géniale, les deux hommes qui se suivent, pour une raison que je ne dévoile pas, ont quitté à pied un village perdu pour tenter de rejoindre la ville la plus proche.
Ils prennent alors un raccourci pour rejoindre l’immense désert, un téléphérique rustique qui permet de relier 2 montagnes.
Cette traversée est le point de bascule narratif. Les deux hommes passent littéralement de l’autre côté, dans un autre espace-temps cauchemardesque, un lieu d’outre-tombe.
Ce qui est fou, c’est que la scène a été reproduit quasiment à l’identique dans le dernier film de Big Gan, Un grand voyage vers la nuit.
Œil pour œil c’est également un grand voyage vers la nuit, le long voyage d’un homme vers la mort, seul face à lui-même.
Inutile d’y aller par quatre chemins, c’est ma plus belle découverte cinématographique de ces derniers mois, c’est absolument génial.
Merci Groil pour la découverte