Très bon film !
Le retour de Todd Field après le très réussi (et ultra sous-estimé) Little Children s'est fait sentir, et le revoilà avec Tàr, un film ample à la structure connue du rise & fall à propos d'une célèbre compositrice d'origine allemande s'apprêtant à conduire une réinterprétation de la 5e symphonie de Mahler (dont la structure du mouvement fait d'ailleurs écho à la structure globale du film quand on y réfléchit bien).
Ainsi, le film nous invite à suivre l'équilibre précaire entre la vie professionnelle et privée de Lydia Tàr (on pourrait presque croire à un film inspiré de faits réels devant la minutie d'informations évoquées et le pedigree réaliste du personnage cité par Adam Gopnik du New Yorker en intro), alors que des accusations et son penchant pour les jeunes demoiselles vienne contrarier les ambitions de la protagoniste et la faire plonger petit à petit dans une spirale anxiogène.
Tàr est le genre de film où sans son interprète principal, le tout n'aurait pas la même majesté : ce qui n'enlève rien à la composition des cadres de Todd Field (la mise en scène est d'une précision souvent sidérante) et une écriture tout aussi chirurgicale en terme de dialogues, le tout enrobé d'une ambiance Berlinoise et aux intérieurs souvent brutalistes conférant au film une certaine âpreté initiale, comme si Field abordait le milieu d'un oeil pas si neutre que cela.
La toute première heure du film est par ailleurs la plus passionnante selon moi, abordant la musique classique dans ce qu'elle représente aujourd'hui, via notamment une séquence de débat à Juilliard tournée en plan-séquence qui est absolument saisissante de maîtrise tout en questionnant ce que l'on doit retenir d'un artiste : sa vie (ses idéologies) ou son oeuvre ?
Un leitmotiv qui va s'appliquer à Lydia Tàr jusque dans la conclusion (excellente du métrage), portée par une interprétation fabuleuse de Cate Blanchett (selon moi on est quasi sur la meilleure performance de sa carrière). Intense à chaque seconde, parlant allemand comme si elle était bilingue, elle illumine chaque plan et je pense qu'on tient très clairement la performance d'actrice de l'année.
Le reste du casting est également très bon (et c'est cool de voir notre Noémie Merlant nationale),mais Tàr appartient à Blanchett,et c'est clairement elle qui façonne ce personnage complexe autant que le réalisateur.
En terme de récit pur, le tout aurait pu s'éloigner de quelques sentiers battus (notamment dans sa longue seconde portion), et moins précipiter l'amorce de son dernier segment (pas de <spoiler> ressenti de sa fille ou de sa compagne mis en avant ? </spoiler>) mais on tient là un très bon film tout simplement.
8/10
Après Ali G ou des épisodes Game of Thrones, Mark Mylod fait un grand écart de plus avec Le Menu.
Alors que plusieurs invités (une célèbre critique culinaire, un aficionado de cuisine, une star de cinéma,etc) se retrouve sur une île isolée, ils sont conviés par le grand chef Julian Slowik (Ralph Fiennes) à un repas des plus singuliers, dont le menu se dévoilera petit à petit au cours de la soirée,avec des répercussions plus ou moins mortelles.
Difficile d'aborder Le Menu en profondeur sans spoiler (ce que je ne vais pas faire car le plaisir du visionnage vient du fait que justement on ne sait pas jusqu'où ce délire va aller) mais on tient là une comédie noire bien réussie, bien rythmée, drôle et portée par un casting très bien utilisé.
En tête, Anya Taylor-Joy (je dis ça depuis 2015 mais bon voilà elle crève l'écran à chaque fois) dans un personnage insolent mais attachant, et Ralph Fiennes qu'on adore détester dans un rôle qui pourrait presque être sorti d'une version fucked up de Top Chef.
Le reste du cast est bon (notamment John Leguizamo qui est le vrai comic relief,ou bien Nicholas Hoult et Hong Chau), et le film a également pour lui de bien mettre en valeur les divers mets gastronomiques disposés à l'écran.
C'est là qu'on atteindra peut-être la principale limite du film, étant donné qu'il s'agit d'une satire du monde de la cuisine de haut standing. Et si le script en grossit quelques traits pour l'amener vers le film de genre, je trouve sa finalité un peu attendue, en plus d'être plutôt classique (tout en incorporant le sacro-saint cheeseburger américain dans l'équation) et pas bien finaude pour un sou.
Le tout se tient et se matte néanmoins avec un vrai plaisir (la photo est de Peter Deming, soit le chef op' de Mulholland Drive et de la S3 de Twin Peaks)
Une bonne pioche tout simplement
7/10
Avec les Banshees d'Inisherin, Martin McDonagh revient encore une fois avec un excellent film !
Prenant place un siècle plus tôt sur une petite île au large des côtes irlandaises,le film nous invite à suivre le conflit entre Padriac (Colin Farrell) et Colm (Brendan Gleeson) après que ce dernier ait décidé du jour au lendemain de mettre fin à leur amitié.
Et ce qui débute comme une comédie caustique souvent hilarante (comme d'hab chez McDonagh et ce dès son super In Bruges dont il retrouve les 2 têtes d'affiche), va peu à peu devenir beaucoup plus dramatique (tel son super 3 Billboards) alors que ce conflit (lié à Padriac qui n'accepte pas la situation) va s'envenimer, et se répercuter sur la soeur Siobhan (Kelly Condon est excellente) et le weirdo du village (joué par un Barry Keoghan qui incarne les demeurés à merveille).
Sans trop en dévoiler, cette opposition va loin tout en restant sur une ligne tenue entre le loufoque et la sobriété pure, qui fait que rapidement le rire laisse place à un déchirant cri d'alarme et questionnement existentialiste sous-jacent (ce n'est jamais explicité dans le film et la fin en laissera peut-être certains sur le carreau, mais la clé tient la guerre civile en arrière-fond qui a durablement scindé l'Irlande en deux).
Les acteurs sont fabuleux, avec notamment un Colin Farrell vraiment excellent en bon vivant un peu simplet. Outre une belle musique de Carter Burwell, la photographie de Ben Davis est également de toute beauté.
Bref, une petite merveille me concernant, qui rejoint direct mon Top 3 de 2022
9/10