Le Centre de Visionnage : Films et débats

Discutez de vos récentes expériences cinématographiques et complétez vos Tops annuels !
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:25
Vous reprochez au film son côté conceptuel et en même temps lui reprochez de ne pas tenir son concept. Faudrait savoir !


J'ai déjà relevé ce paradoxe ailleurs sur le forum. Qui n'en est pas tant un, d'ailleurs. Je vais le dire autrement.
Je vois deux pièges principaux à éviter quand tu fais un film concept :
1 - Tourner rapidement en rond
2 - Faire des exceptions, qui casse la radicalité du concept sans apporter autre chose d'aussi intéressant

Pour moi, La Zone d'intérêt tombe dans les deux pièges, et c'est assez classique. On étire le plus possible le concept (piège n°1), mais ça ne suffit même pas à faire un long donc il y a quand même des exceptions (piège n°2)
Ça n'a rien d'automatique. Pleins de génies ont réussi un "film-concept" avec ou sans exceptions, l'idée et son exécution sont juste deux choses très différentes.


B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:25

Puis si le film n'était que cette scène, ça marcherait pas. Là pour le coup y'aurait un côté "Auschwitz comme si vous y étiez". Le film, par sa durée, ses écarts, et peut-être même cette fin dont je n'ai pas encore saisi toutes les clés, devient autre chose.
Je n'ai jamais dit "que cette scène".
Juste un récit autour de la femme d'Hoss et de sa mère, cette dernière étant le seul personnage qui a une évolution dans son rapport à cet endroit. Evolution progressive, donc la durée du séjour et la répétitivité des journées auront toujours leur importance, bien évidemment.
Je ne sais pas si ça aurait un côté "Auschwitz comme si vous y étiez". Juste ça aurait été plus frontal sur le vrai sujet du film (vivre son "rêve" à côté de l'horreur, en cherchant à s'en absoudre), là où je trouve que les "écarts" dont tu parles sont moins intéressants, voire gâchent le tout.
Avatar du membre
B-Lyndon
Messages : 624
Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

Tamponn Destartinn a écrit :
mar. 6 févr. 2024 15:10
B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:25
Vous reprochez au film son côté conceptuel et en même temps lui reprochez de ne pas tenir son concept. Faudrait savoir !


J'ai déjà relevé ce paradoxe ailleurs sur le forum. Qui n'en est pas tant un, d'ailleurs. Je vais le dire autrement.
Je vois deux pièges principaux à éviter quand tu fais un film concept :
1 - Tourner rapidement en rond
2 - Faire des exceptions, qui casse la radicalité du concept sans apporter autre chose d'aussi intéressant

Pour moi, La Zone d'intérêt tombe dans les deux pièges, et c'est assez classique. On étire le plus possible le concept (piège n°1), mais ça ne suffit même pas à faire un long donc il y a quand même des exceptions (piège n°2)
Ça n'a rien d'automatique. Pleins de génies ont réussi un "film-concept" avec ou sans exceptions, l'idée et son exécution sont juste deux choses très différentes.


B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:25

Puis si le film n'était que cette scène, ça marcherait pas. Là pour le coup y'aurait un côté "Auschwitz comme si vous y étiez". Le film, par sa durée, ses écarts, et peut-être même cette fin dont je n'ai pas encore saisi toutes les clés, devient autre chose.
Je n'ai jamais dit "que cette scène".
Juste un récit autour de la femme d'Hoss et de sa mère, cette dernière étant le seul personnage qui a une évolution dans son rapport à cet endroit. Evolution progressive, donc la durée du séjour et la répétitivité des journées auront toujours leur importance, bien évidemment.
Je ne sais pas si ça aurait un côté "Auschwitz comme si vous y étiez". Juste ça aurait été plus frontal sur le vrai sujet du film (vivre son "rêve" à côté de l'horreur, en cherchant à s'en absoudre), là où je trouve que les "écarts" dont tu parles sont moins intéressants, voire gâchent le tout.
:jap: c'est plus clair pour moi.
On arrive à la question du goût, sans doute. Moi ces "écarts", ils m'ont passionné.
La façon dont Hoss, inexplicablement, s'extirpe de la bonne société nazie pour aller contempler la salle depuis le haut, se demandant comment il pourrait gazer tout le monde, pour le raconter à sa femme au téléphone après. Rendement, efficacité, couverture totale d'un espace, planification de zones de vies et de morts...tout est là. Non vraiment, plus je parle du film, plus je l'aime.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 17:01

:jap: c'est plus clair pour moi.
On arrive à la question du goût, sans doute. Moi ces "écarts", ils m'ont passionné.
La façon dont Hoss, inexplicablement, s'extirpe de la bonne société nazie pour aller contempler la salle depuis le haut, se demandant comment il pourrait gazer tout le monde, pour le raconter à sa femme au téléphone après. Rendement, efficacité, couverture totale d'un espace, planification de zones de vies et de morts...tout est là. Non vraiment, plus je parle du film, plus je l'aime.
C'est marrant, parce que pendant ma séance, j'étais tout du long en mode "raaaah, je sais pas..." et c'est la scène que tu cites en spoiler qui, sur le moment, m'a fait comprendre que je n'aimais pas le film.
Alors qu'avec du recul ce n'est pas du tout la pire.
Mais le fait est que j'ai très vite compris qu'Höss en personnage point de vue, c'est l'erreur première du film, à mon sens. Je m'en fous, de lui. Il n'a pas d'ambivalence, c'est le roi des monstres. Sa femme et leurs enfants, conscients ou pas de l'horreur dont ils sont complices, mais qui quoiqu'il en soit ne la côtoient qu'à travers le son et le hors champs, m'intéressent bien plus.
Après, je dis ça, mais une de mes scènes préférées est la fin avec Höss dans les escaliers. Donc... Comme disait Sokol, je retiens des moments, mais sans apprécier le tout.
Avatar du membre
yhi
Messages : 367
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:48

[La zone d'intérêt - Je trouve ça bizarre de mettre tout sous spoiler alors si vous ne voulez pas lire arrêtez vous là]

Mon interprétation de la chose (si ça peut ajouter du grain à moudre) :

Le début, c'est l'extraction depuis le camp. Le noir c'est l'impossibilité de montrer ce qu'il y a dans le camp. On y entend des voix (de déportés ?) caverneuses comme si venant de la chambre à gaz, puis progressivement, on glisse vers l'extérieur et le bruissement du vent et le gazouillis des oiseaux. C'est un voyage extrême qui pour moi mérite bien quelques instants de noir quand on pense à ce chemin (géographiquement court, mais émotionnellement immense) proche d'un trajet enfer/paradis. Ce faisant, le film se place peut être en opposé complet du Fils de Saul. Là où ce dernier proposait une expérience quasi 1ère personne de la Shoah (ce qui lui a d'ailleurs beaucoup été reproché), ici, le premier plan nous dit d'emblée : je ne peux pas attaquer cette thématique frontalement, mais allons y par le côté, l'extérieur.
L'ensemble du film me semble construit sur cette dualité extérieur/intérieur. l'image est à l'extérieur, le son provient de l'intérieur. Et le portrait de ce camp qu'on ne pourrait montrer nous est dressé à travers l'exploration de toutes les fuites vers la maison des Hoss, sonores, mais pas seulement (les cendres qui envahissent la rivière ou qui font pousser les fleurs rouges sang du jardin). Je ne rejoins pas forcément B-Lyndon sur l'aspect plan de vie / plan de mort, sauf peut être pour les enfants qui vivent (on peut le croire) naïvement, ce qui les rend plus ambigus que leur parents dans des scènes assez glaçantes (celle ou le petit reprend le chant des machines de mort du camp). Je pense que ces infiltrations d'éléments du camp vers la maison qu'on tente de tenir comme normale à tout prix travaillent un effet de déstabilisation sur Hoss et sa femme, qui semble arriver au bout des possibilités offertes par son déni.
Quant à la fin, elle me semble fonctionner en miroir. Comme on ne peut nous montrer le contrechamp de Hoss, on finit par lui montrer, à lui, notre propre contrechamp, celui que nous connaissons aujourd'hui. A l'horreur du contrechamp de, et créé, par Hoss, nous lui opposons la banalité (le ménage dans un musée) de notre contrechamp actuel. Une tentative d'estocade finale pour faire tomber de son piédestal auto-dressé un homme qui se croyait grand mais qui se découvre vide.
Avatar du membre
B-Lyndon
Messages : 624
Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

yhi a écrit :
mar. 6 févr. 2024 21:42
[La zone d'intérêt - Je trouve ça bizarre de mettre tout sous spoiler alors si vous ne voulez pas lire arrêtez vous là]

Mon interprétation de la chose (si ça peut ajouter du grain à moudre) :

Le début, c'est l'extraction depuis le camp. Le noir c'est l'impossibilité de montrer ce qu'il y a dans le camp. On y entend des voix (de déportés ?) caverneuses comme si venant de la chambre à gaz, puis progressivement, on glisse vers l'extérieur et le bruissement du vent et le gazouillis des oiseaux. C'est un voyage extrême qui pour moi mérite bien quelques instants de noir quand on pense à ce chemin (géographiquement court, mais émotionnellement immense) proche d'un trajet enfer/paradis. Ce faisant, le film se place peut être en opposé complet du Fils de Saul. Là où ce dernier proposait une expérience quasi 1ère personne de la Shoah (ce qui lui a d'ailleurs beaucoup été reproché), ici, le premier plan nous dit d'emblée : je ne peux pas attaquer cette thématique frontalement, mais allons y par le côté, l'extérieur.
L'ensemble du film me semble construit sur cette dualité extérieur/intérieur. l'image est à l'extérieur, le son provient de l'intérieur. Et le portrait de ce camp qu'on ne pourrait montrer nous est dressé à travers l'exploration de toutes les fuites vers la maison des Hoss, sonores, mais pas seulement (les cendres qui envahissent la rivière ou qui font pousser les fleurs rouges sang du jardin). Je ne rejoins pas forcément B-Lyndon sur l'aspect plan de vie / plan de mort, sauf peut être pour les enfants qui vivent (on peut le croire) naïvement, ce qui les rend plus ambigus que leur parents dans des scènes assez glaçantes (celle ou le petit reprend le chant des machines de mort du camp). Je pense que ces infiltrations d'éléments du camp vers la maison qu'on tente de tenir comme normale à tout prix travaillent un effet de déstabilisation sur Hoss et sa femme, qui semble arriver au bout des possibilités offertes par son déni.
Quant à la fin, elle me semble fonctionner en miroir. Comme on ne peut nous montrer le contrechamp de Hoss, on finit par lui montrer, à lui, notre propre contrechamp, celui que nous connaissons aujourd'hui. A l'horreur du contrechamp de, et créé, par Hoss, nous lui opposons la banalité (le ménage dans un musée) de notre contrechamp actuel. Une tentative d'estocade finale pour faire tomber de son piédestal auto-dressé un homme qui se croyait grand mais qui se découvre vide.

C’est super ce que tu dis sur cette fin ! C’est ce que j’ai lu de plus convaincant dessus. D’où le relent qui ne sort pas, aussi. Et les couloirs plongés dans le noir où il retourne.

Par contre je reste convaincu que le début est bidon. Je vois bien l’idée, mais pour moi ça ne provoque que du sensoriel creux. Heureusement la première scène le désamorce vite.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 14:39
Mais pourquoi ?? C'est le camp qu'il ne veut pas filmer, pas les déportés en soi quand ils traversent le mur et viennent s'inscrire dans la vie des Hoss à côté du camp.
Le camps sans les déportés ? Quel intérêt ??
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
B-Lyndon
Messages : 624
Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

sokol a écrit :
mer. 7 févr. 2024 14:24
B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 14:39
Mais pourquoi ?? C'est le camp qu'il ne veut pas filmer, pas les déportés en soi quand ils traversent le mur et viennent s'inscrire dans la vie des Hoss à côté du camp.
Le camps sans les déportés ? Quel intérêt ??
Ne joue pas sur les mots : il ne veut pas filmer les camps.
Il veut filmer la vie quotidienne des Hoss à côté du camp. Une scène avec une déportée dans ce contexte est cohérente.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

B-Lyndon a écrit :
mer. 7 févr. 2024 14:35
Ne joue pas sur les mots : il ne veut pas filmer les camps.
Il veut filmer la vie quotidienne des Hoss à côté du camp. Une scène avec une déportée dans ce contexte est cohérente.
Du coup, ça fait : je les utilise (les déportés) quand ça m'arrange (donc, un contrechamp biaisé)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
B-Lyndon
Messages : 624
Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

sokol a écrit :
mer. 7 févr. 2024 14:49
B-Lyndon a écrit :
mer. 7 févr. 2024 14:35
Ne joue pas sur les mots : il ne veut pas filmer les camps.
Il veut filmer la vie quotidienne des Hoss à côté du camp. Une scène avec une déportée dans ce contexte est cohérente.
Du coup, ça fait : je les utilise (les déportés) quand ça m'arrange (donc, un contrechamp biaisé)
Je trouve ça hallucinant de reprocher au film l'arbitraire de son récit parce qu'au fond, tu rêverais qu'il ne soit qu'un film-concept pour pouvoir le dézinguer plus proprement. C'est vraiment malhonnête.
"Utiliser" les déportés ? Mais tu te relis ? Demande toi plutôt ce que cette scène produit, donne à voir, à penser.
"Contrechamp biaisé" : bah oui, voilà, t'as compris le film. Moi ce contrechamp biaisé, il me passionne.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

B-Lyndon a écrit :
mer. 7 févr. 2024 14:51
Je trouve ça hallucinant de reprocher au film l'arbitraire de son récit parce qu'au fond, tu rêverais qu'il ne soit qu'un film-concept pour pouvoir le dézinguer plus proprement. C'est vraiment malhonnête.
C'est toi le "malhonnête" :D Relis toi :
B-Lyndon a écrit :
mar. 6 févr. 2024 13:23
Straub n'aurait jamais reconstitué la maison des Hoss, ils auraient planté des acteurs dans la forêt d'Auswchitz et on aurait entendu le vent et des textes. Straub vomirait ce film, et je le comprends.
Ce que j'ai mis en gras, ça aurait été un film-concept, n'est ce pas ? Et bien moi je l'aurais adoré, et pas dézinguer.
Modifié en dernier par sokol le mer. 7 févr. 2024 15:31, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Je te l'ai dis dans un message précédent : à mes yeux, ce film, au pire des cas, c'est du cinéma prétentieux; au mieux, naïf
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

Tiens, je vais relancer un truc qui se faisait ici il y a longtemps, parce que c'est pratique pour mieux se préparer à ce qu'il va sortir.

Films que je veux voir en Février

à coup sûr
La Bête - Bertrand Bonello (7/02)
L'Empire - Bruno Dumont (21/02)

peut-être
Daaaaaali ! - Quentin Dupieux (7/02)
Sans jamais nous connaître - Andrew Haigh (14/02)
Le Successeur - Xavier Legrand (21/02)
Walk Up - Hong Sang-Soo (21/02)
Dune : Deuxième Partie - Denis Villeneuve (28/02)
Eureka - Lisandro Alonso (28/02)

sur le net
Ferrari - Michael Mann
Le Cercle des neiges - Juan Antonio Bayona
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Dumont avec un nouveau film ?? Il ne l’a pas montré dans un festival ?? 😲
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1367
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

sokol a écrit :
mer. 7 févr. 2024 22:47
Dumont avec un nouveau film ?? Il ne l’a pas montré dans un festival ?? 😲
Il sera à Berlin.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tyra a écrit :
mer. 7 févr. 2024 22:49

Il sera à Berlin.
Merci

Ah voilà, j’ai eu peur :D
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

sokol a écrit :
mer. 7 févr. 2024 23:33
Tyra a écrit :
mer. 7 févr. 2024 22:49

Il sera à Berlin.
Merci

Ah voilà, j’ai eu peur :D
Et l'affiche, elle te fait peur ou au contraire ? :D

Image
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 7 févr. 2024 23:39

Et l'affiche, elle te fait peur ou au contraire ? :D
:lol:

J'ai vu ça hier soir, juste après avoir découvert l'existence et la sortie de ce film ici.

De toute façon, tout est déjà dans le résumé de Allociné :
Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de La Guerre des étoiles
et j'ai vu la BA :lol: :poop: :love: :ouch: :??: :sol:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

J'espère sincèrement l'adorer, mais je sais qu'il est possible qu'il finisse tout dernier de mon top 2024 :D
Avatar du membre
B-Lyndon
Messages : 624
Enregistré le : sam. 10 oct. 2020 09:31

sokol a écrit :
jeu. 8 févr. 2024 09:38
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 7 févr. 2024 23:39

Et l'affiche, elle te fait peur ou au contraire ? :D
:lol:

J'ai vu ça hier soir, juste après avoir découvert l'existence et la sortie de ce film ici.

De toute façon, tout est déjà dans le résumé de Allociné :
Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de La Guerre des étoiles
et j'ai vu la BA :lol: :poop: :love: :ouch: :??: :sol:
Ca a l'air tellement naze.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
mer. 7 févr. 2024 23:33
Tyra a écrit :
mer. 7 févr. 2024 22:49

Il sera à Berlin.
Merci

Ah voilà, j’ai eu peur :D
:lol: :lol: :lol:
I like your hair.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

B-Lyndon a écrit :
jeu. 8 févr. 2024 13:58
sokol a écrit :
jeu. 8 févr. 2024 09:38
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 7 févr. 2024 23:39

Et l'affiche, elle te fait peur ou au contraire ? :D
:lol:

J'ai vu ça hier soir, juste après avoir découvert l'existence et la sortie de ce film ici.

De toute façon, tout est déjà dans le résumé de Allociné :
Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de La Guerre des étoiles
et j'ai vu la BA :lol: :poop: :love: :ouch: :??: :sol:
Ca a l'air tellement naze.
tu m'étonnes. J'adorais ce mec sur ces deux premiers films, je crois que maintenant je le déteste.
I like your hair.
Avatar du membre
yhi
Messages : 367
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:48

Image

La bête

C'est en 6 mois, la deuxième adaptation du roman d'Henry James qui arrive sur nos écrans. Loin de dénigrer la version de Patric Chiha, qui après avoir filmé les parades des jeunes danseurs de Gisèle Vienne, trouve une continuité logique et entêtante dans ce récit d'un absolu romantisme qu'il déroule dans le monde d'une unique boîte de nuit. Bonnello, lui, se saisit du matériau d'origine pour en faire quelque chose de beaucoup plus ample qui utilise le récit en trame de fond, mais pour mieux y intégrer ses obessions actuelles. On croit parfois d'ailleurs être devant une version gros budget de Coma, son précédent film passé plus inaperçu, mais qui travaillait les mêmes questions.

Ce qui est captivant avec La bête, c'est que Bonnello vient s'aggréger à un courant de plusieurs cinéastes qui ont déjà filmé la déshumanisation du monde (ou la peur de la déshumanisation disons, selon là où chacun se situe par rapport à cette question) associée à la déshumanisation du cinéma. Mise en évidence du format numérique, fond vert, glitch à la Jacques Perconte, le cinéaste semble hyper-conscient de son matériau technique. Quitte à ce que les décors n'existent même plus, que la pellicule non plus, on nous balance tout à la figure en nous mettant en face de cette fausseté. Mais à quoi bon ?

Là où les collègues Carax (dans Holy Motors) ou Folman (Le congrès) nous confrontait à une disparition des acteurs, Bonnello en prend le contrepied. Dans un monde où l'humanité disparait (humanité au sens "d'humain" dit Gabrielle comme si cela pouvait éclaircir le propos auprès de son interlocuteur - lui même probablement non-humain), les grandes maisons bourgeoises de LA sont vides, et dans le futur, les animaux ont repris leurs droits dans les villes. Quand les poupées ressemblent de plus en plus aux humains, les humains ressemblent de plus en plus aux poupées. Que reste-t-il sur le fond vert ? Gabrielle / Léa Seydoux seule. Son émotion (souvent filmée en très gros plan) et son histoire d'amour intemporelle avec Louis semble être la dernière étincelle d'espoir d'un monde en perdition. Malheureusement celle-ci semble impossible et constamment retardée.

Un sentiment de malaise nous envahit alors, d'une manière assez lynchienne (référence non galvaudée ici tant elle semble explicite), entre le confort d'un environnement bourgeois et l'angoisse de personnages, qui boivent, se droguent, trompent et tuent. C'est là où la dernière partie du film devient dérangeante, car on nous fait comprendre que cette bête tapie depuis le début, c'est cette part humaine, ce quelque chose qui pourrait arriver à tout moment, à n'importe qui. Un genre d'explosion du mal qui malgré son horreur prouve paradoxalement notre humanité. Part qui une fois oblitérée chez Louis, horrifie Gabrielle dans un cri final glaçant (alors qu'elle n'était pas tant horrifiée par le versant tueur/violeur de Louis; C'est puissant et assez subversif je trouve comme postulat !)

Coma était sorti de façon assez confidentielle. Léa Seydoux en tête d'affiche a propulsé La bête dans certaines grandes salles (je l'ai vu au Pathé). Tant dans sa forme original que dans son propos incommodant, plusieurs spectateurs devraient en être pour leur frais.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

En attendant de voir Daaaaaali ! Supporte très bien le revisionnage, même l'effet de surprise estompé. Un des films de Dupieux les mieux écrits. Et si Quenard ne raffle pas tout au César, quelque soit le film, c'est à n'y plus rien comprendre.

Image

Un assez bon Huston à la fois choral et exotique, très jouissif dans sa galerie de personnages, mais disons que le cinéaste refuse parfois de faire des choix clairs, ce qui fait qu'on peut parfois perdre le fil de l'intrigue.


Image

C'est pas beau de vieillir. Je sais que j'ai vu un film, là, entre le précédent et le suivant, mais impossible de me souvenir lequel... ça ne devait pas être très marquant en même temps.

Image

Vu avec et pour les enfants. C'est mignon, mais à la fois daté, et très américanodisneyisé pour être intéressant. Dans le genre, je préfère le récent Une Equipe de Rêve.

bon sinon cool, cette semaine je peux aller au cinéma !
I like your hair.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1367
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

Image
Rarement vu un film qui se laisse aussi peu résumable et saisissable. Tous les éléments pour un mélo Almodovarien ou Sirkien sont là, ou pour un thriller Hitchcockien, mais le film n'est pas vraiment tout cela, échappe à toutes les catégorisations. Il est parfois parodique (Moore qui ouvre le frigo), parfois pas du tout. Si j'ai trouvé le film assez moyen, décevant, pendant la projection, il a plutôt bien vieilli depuis. J'aime bien comment Haynes utilise le coté neuneu de Natalie Portman, dans un rôle où elle est presque elle même. Cette scène finale, pour nous dire que tout le travail d'investigation imaginable ne nous rendra rien de ce qui motive ce couple atypique, et ce qui motive les êtres en général. Ces larmes du mari lorsque ses enfants reçoivent leur diplôme du lycée, mesurant ce qui lui fut enlevé de sa jeunesse. Cette lumière, cette atmosphère très douce de la Géorgie...
Je pense que le film peut gagner pas mal au revisionnage.
Un truc m'a gêné pendant tout le film tout de même, entachant sa crédibilité : le mari semble assistant médical, la femme ne vent que des gâteaux à ses voisins... Comment se payent-ils une barraque pareille au bord de l'eau ?

Image
Pour le dire assez simplement, sans rentrer dans les polémiques qui ont animé ce forum :D et d'autres espaces de discutions, le film fut une déception. Je trouve qu'il ne produit vraiment pas grand chose. Ce qui est un comble, avec un sujet pareil. Cela pouvait être un grand film sur le hors-champ, or je trouve qu'il n'y a pas de hors-champ qui existe. Peut être parce qu'on sait trop ce qu'il y a dans ce hors-champ, on l'a trop vu, lu, entendu. L'imagination ne travaille plus. Ce décentrage sur cette vie d'accommodement de l'horreur n'est pas inintéressant pour autant, mais vraiment j'attendais autre chose. Et puis, Glazer a peur de s'en tenir à son sujet et se sent obligé d'ajouter des visions pseudo-oniriques sur une jeune fille qui dépose des pommes dans la terre pour les déportés, de faire retentir régulièrement des percées de musique électronique angoissante. Puis en fin de film, de suivre Höss loin du camp pour décrire les rouages administratifs de la solution finale, mais encore une fois, était-ce le sujet ? Le recours en fin de métrage à ces scènes documentaires filmées au musée d'Auschwitz me semble encore une fois un aveu d'échec du dispositif du film.
Avatar du membre
Mr-Orange
Messages : 605
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 20:33

Tyra a écrit :
lun. 12 févr. 2024 15:36
Image
Rarement vu un film qui se laisse aussi peu résumable et saisissable. Tous les éléments pour un mélo Almodovarien ou Sirkien sont là, ou pour un thriller Hitchcockien, mais le film n'est pas vraiment tout cela, échappe à toutes les catégorisations. Il est parfois parodique (Moore qui ouvre le frigo), parfois pas du tout. Si j'ai trouvé le film assez moyen, décevant, pendant la projection, il a plutôt bien vieilli depuis. J'aime bien comment Haynes utilise le coté neuneu de Natalie Portman, dans un rôle où elle est presque elle même. Cette scène finale, pour nous dire que tout le travail d'investigation imaginable ne nous rendra rien de ce qui motive ce couple atypique, et ce qui motive les êtres en général. Ces larmes du mari lorsque ses enfants reçoivent leur diplôme du lycée, mesurant ce qui lui fut enlevé de sa jeunesse. Cette lumière, cette atmosphère très douce de la Géorgie...
Je pense que le film peut gagner pas mal au revisionnage.
Un truc m'a gêné pendant tout le film tout de même, entachant sa crédibilité : le mari semble assistant médical, la femme ne vent que des gâteaux à ses voisins... Comment se payent-ils une barraque pareille au bord de l'eau ?
C'est vrai qu'il vieillit très bien en tête, May December. Il n'a l'air de rien comme ça, à la fois inoffensif et sans relief, un film qui s'excuserait presque d'exister, mais à froid il finit quand même par distiller un doute sur tout ce qu'il a mis en représentation, ébranlant tout ce qui s'est présenté à la surface, et il en devient assez obsédant. J'y repense souvent.
S'agissant de la baraque, j'ai peut-être halluciné mais il me semble, sans souvenir très clair, qu'il est question d'un héritage à un moment donné, ou d'une extraction bourgeoise du personnage de Moore.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tyra a écrit :
lun. 12 févr. 2024 15:36

Un truc m'a gêné pendant tout le film tout de même, entachant sa crédibilité : le mari semble assistant médical, la femme ne vent que des gâteaux à ses voisins... Comment se payent-ils une barraque pareille au bord de l'eau ?
Dans son podcast, Burdeau parle de ça en évoquant, apparemment, un dialogue dans le film qui explique qu'ils ont pu acheter la maison avec les droits télévisés et médiatiques de leur histoire (dont je n'ai pas le souvenir de l'avoir entendu)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

Tyra a écrit :
lun. 12 févr. 2024 15:36
Je trouve qu'il ne produit vraiment pas grand chose. Ce qui est un comble, avec un sujet pareil.
Que tu le dis bien ça :jap: :jap: :jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
robinne
Messages : 5828
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 16:27

weird

Tyra a écrit :
lun. 12 févr. 2024 15:36
Image
Rarement vu un film qui se laisse aussi peu résumable et saisissable. Tous les éléments pour un mélo Almodovarien ou Sirkien sont là, ou pour un thriller Hitchcockien, mais le film n'est pas vraiment tout cela, échappe à toutes les catégorisations. Il est parfois parodique (Moore qui ouvre le frigo), parfois pas du tout. Si j'ai trouvé le film assez moyen, décevant, pendant la projection, il a plutôt bien vieilli depuis. J'aime bien comment Haynes utilise le coté neuneu de Natalie Portman, dans un rôle où elle est presque elle même. Cette scène finale, pour nous dire que tout le travail d'investigation imaginable ne nous rendra rien de ce qui motive ce couple atypique, et ce qui motive les êtres en général. Ces larmes du mari lorsque ses enfants reçoivent leur diplôme du lycée, mesurant ce qui lui fut enlevé de sa jeunesse. Cette lumière, cette atmosphère très douce de la Géorgie...
Je pense que le film peut gagner pas mal au revisionnage.
Un truc m'a gêné pendant tout le film tout de même, entachant sa crédibilité : le mari semble assistant médical, la femme ne vent que des gâteaux à ses voisins... Comment se payent-ils une barraque pareille au bord de l'eau ?
:lol:
Je me suis posé cette même question très terre-à-terre :lol:

Sinon, d'où vient le titre ? :??:
Avatar du membre
yhi
Messages : 367
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:48

Je crois avoir compris qu'une relation May December évoque un grand écart d'âge, comme l'écart entre ces deux mois.
Avatar du membre
cyborg
Messages : 291
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 10:11

Image

Premier long-métrage de la réalisatrice bruxelloise Eleonore Saintagnan, Camping du Lac prolonge et étoffe son intérêt pour la culture populaire et les anecdotes vernaculaires. Entre fiction et documentaire, Saintagnan filme ici les habitants d'un camping du centre Bretagne et imagine l'histoire d'un mystérieux monstre marin qui vivrait au fond d'un proche lac. Mélangeant les styles et les formes, les tonalités et les références, Camping du Lac se construit bon an mal an, dans un hétéroclisme toujours un peu de guingois mais surtout honnête et humble, sans toc. Se transformant peu à peu en conte moral, le résultat est aussi singulier que touchant.


Image

Chor et Chorchor - 1925 - Hano Bek Nazarian - Arménie

Slapstick arménien prenant pour héros deux agriculteurs avinés mis à la porte par leurs femmes respectives, se mettant en quête de quoi se mettre sous la dent. Le scénario n'est pas beaucoup plus développé et est essentiellement prétexte à un enchainement de gags et de scènettes. On pense bien sur à ce qui se faisait à la même époque de l'autre côté de l'Atlantique (Laurel et Hardi en tête) mais dans une version rurale et campagnarde, complètement imprégné du folklore et des traditions locales (magnifique scène de danse des démons + véritable festival de moustaches et de coiffes en tout genre). La spécificité locale se fait néanmoins sentir jusqu'au style cinématographique, la place laissées aux visages et aux groupes, ainsi qu'à quelques belles trouvailles visuelles, nous rappelle sans cesse que nous sommes bien chez les soviets.



Image

Si la carrière de Hitchcock est d'une densité affolante, la décennies des 50s est peut-être la plus incroyables avec 11 films au compteur (+ des courts/des épisodes de sa série tv) dont certains de ses plus importants et théoriques (Fenêtre sur cour, Vertigo, La Mort aux Trousses tandis qu'il commence la décennie suivante avec Psychose dès 1960 que je ne compte pas ici !).

Au milieu de ce feu d'artifice parait "Qui a tué Harry" en 1955, œuvre plutôt méconnue. Pourtant cette comédie noire et pince sans-rire tourné dans un technicolor flamboyant, n'en est pas moins délicieuse et passionnante. Hitch réussi même à y faire cohabiter deux de ses marottes essentielles : la mise en abime de son propre médium et les théories psychanalytiques (l'analyse de son œuvre par ce double prisme combiné ne serait-il pas passionnant, d'ailleurs ? Mais cela a sans douté été fait).

Après avoir décortiqué la place du spectateur et avant de s'attaquer à celle de l'acteur, Hitch s'intéresse ici à celle du scénario - et des scénaristes. Désamorçant tout drame par le ton de l'humour et de la badinerie, tout l'enjeu du film se met rapidement à reposer entre les mains des quatre protagonistes qui ne cessent de relire et réécrire la situation d'ouverture du film selon leurs bons vouloirs. Symbole même de ces aménagements possibles : le dessin de Sam Marlowe qui, de deux coups de crayons, vient soudainement ouvrir les yeux et perdre son statut de pièce à conviction. Le film se conclue génialement sur sa situation d'ouverture, venant de la sorte s'annuler lui même : tout va pouvoir désormais se rejouer différemment car de toute façon chaque recoin de ce que nous avons vu aurait pu différer. Ici la vérité mise en place est donc chose fluide se reconfigurant au grès des envies des acteurs-scénaristes.

Si le suspense hitchockien n'est pas ici prépondérant il transparait néanmoins à travers l'évolution des personnages. La dynamique du film est en effet constitué par la construction progressive de deux couples à coup de sous entendus, d'actes manqués et de plaisanteries plus ou moins grivoises. Le cadavre, poids mort du film, est ainsi contre-balancé par la pulsion sexuelle "de vie" motivant les quatre personnages à agir, se rapprochant à chaque scène un peu plus. Le seul "mystère" du film durant plus de quelques instants se trouve d'ailleurs dans ce que réclame Marlow au millionnaire souhaitant acheter ses toiles. La réponse constituera la réplique finale du film : un lit deux places. Pied de nez supplémentaire au Codes Hayes dont Hitchcock s'amusera dont de nombreux films et qu'il vient tacler ici non pas par un effet de mise en scène, mais en tout logique thématique par un effet d'écriture dialogué.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1367
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

B-Lyndon a écrit :
jeu. 8 févr. 2024 13:58
sokol a écrit :
jeu. 8 févr. 2024 09:38
Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 7 févr. 2024 23:39

Et l'affiche, elle te fait peur ou au contraire ? :D
:lol:

J'ai vu ça hier soir, juste après avoir découvert l'existence et la sortie de ce film ici.

De toute façon, tout est déjà dans le résumé de Allociné :
Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de La Guerre des étoiles
et j'ai vu la BA :lol: :poop: :love: :ouch: :??: :sol:
Ca a l'air tellement naze.
On lui a dit que Petit Quinquin, c'était génial. Puis Ma Loute. Il a continué. Il a fait ses deux Jeanne d'Arc, on lui a dit que c'était toujours génial, il a continué. Il a fait Coincoin et les Z'inhumains , on lui a dit que c'était génial, il a continué. Et nous voilà avec L'Empire.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1367
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

sokol a écrit :
lun. 12 févr. 2024 16:37
Tyra a écrit :
lun. 12 févr. 2024 15:36

Un truc m'a gêné pendant tout le film tout de même, entachant sa crédibilité : le mari semble assistant médical, la femme ne vent que des gâteaux à ses voisins... Comment se payent-ils une barraque pareille au bord de l'eau ?
Dans son podcast, Burdeau parle de ça en évoquant, apparemment, un dialogue dans le film qui explique qu'ils ont pu acheter la maison avec les droits télévisés et médiatiques de leur histoire (dont je n'ai pas le souvenir de l'avoir entendu)
Merci ;)
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Image

Le film du moment, celui dont tout le monde parle qu'il l'ait vu ou pas, et où tout le monde veut se positionner, avoir à tout prix un avis. Je ne sais pas s'il marche en salles, en tout cas je suis halluciné de voir une distribution si vaste pour un film aussi exigeant, avec un sujet pareil : 880 salles ! Non mais vous vous rendez compte ? c'est du niveau d'un Avengers... Tant mieux hein, mais n'est-ce pas un peu disproportionné ? Car le film de Glazer reste un film d'art et essai, assez conceptuel dans son dispositif. La première chose que je veux dire, c'est que le film n'est absolument pas problématique au niveau moral. Glazer est clair avec ce qu'il dit, pas de souci. J'ai entendu dire que des cons dans des parodies d'émissions critiques type Le Masque et la Plume disaient que le film était négationniste parce qu'il refusait de montrer les camps, c'est d'une connerie sans nom. Je ne sais pas qui a dit ça, je ne veux pas le savoir, mais franchement, en disant une connerie pareille, on ne devrait plus avoir le droit d'écrire la moindre ligne sur le cinéma de sa vie. Le film ne fait absolument pas de négationnisme, c'est tout le contraire, et d'ailleurs on dit beaucoup que les camps sont hors champ dans le film, mais c'est faux, ils sont là, dans le champ, dans les perspectives, ils sont simplement derrière le mur, et ce n'est pas du tout la même chose. Je trouve que le film respecte parfaitement le précepte Lanzmannien d'ailleurs, et même qu'il le transcende. Je suis persuadé que Lanzmann aurait adoubé le film. C'est à dire que Glazer réussit la double difficulté de ne pas faire de cinéma de fiction dans un camp de concentration (principe de Lanzmann) mais grâce à ce mur, il ne les met pas hors-champ non plus, ils ne les élude pas. Ils sont là, dans chaque plan ou presque, et c'est nous spectateurs qui savons ce qu'il s'y passe, et qui remplissons cet espace avec nos propres images mentales. Quelle intelligence. Et quel respect face à la Shoah. Rien que pour cela le film est un grand film. Ensuite, mise en scène, image, rien à dire, c'est parfait, notamment l'image, qui est d'une "beauté" incroyable, Glazer et son chef-op ayant réussi à reproduire une texture chromatique qui évoque vraiment l'idée qu'on se fait des photographies de l'époque, je ne sais pas comment mieux dire ça, mais la sensation de réalisme est totale et en même temps il y a un choix très fort dans les dominantes chromatiques qui font que ces images sont à la fois belles et réelles.
Après le film ne m'a pas bouleversé non plus. Ni terrassé, ni choqué. Je pense qu'on m'en a trop parlé avant, que le film a été trop vendu, et je pense aussi que Glazer aurait pu y aller plus fort. Disons que ça reste un film conceptuel (comme Under the Skin mais tout de même beaucoup plus réussi) et que le concept du film est un peu le piège du réalisateur. Sa prison à lui. Le concept du film est à la fois sa qualité, la juxtaposition du camp et de la villa avec jardin, la banalité du mal, etc., tout ça est parfaitement métrique, carré, et ne peut exister que par le concept, mais en même temps, cette maitrise a priori empêche Glazer de se laisser aller et d'aller chercher des choses plus profondes, viscérales. Quand il s'échappe c'est pour recourir à un nouveau concept (celui des 'rêves' en négatif, un peu gratuits, même si pas scandaleux pour autant.)
Bon on lui doit quand même une des plus belles fins de cinéma vues depuis des années. Celle du retour au contemporain, où nous voyons les femmes de ménage qui viennent nettoyer les salles du musée d'Auschwitz avant son ouverture matinale. Elles passent de longues minutes à nettoyer les grandes baies vitrées qui abritent les chaussures, les valises, les prothèses des déportés qui ont été gazés. C'est filmé comme un documentaire, et c'est ce qui m'a le plus bouleversé du film, et qui a contribué à me faire aimer, et à me convaincre de défendre le film.
Cette scène, qui m'a immédiatement fait penser à la fin du Goût de la Cerise de Kiarostami, est brillante à bien des égards. Déjà parce qu'elle vient rejoindre le documentaire, et dire, si jamais on avait pu le penser durant le film qui est interprété, il le faut bien, par des acteurs, que nous ne sommes pas devant de la fiction, que cela est bien réel, que cela s'est passé. Mais ensuite, et surtout, parce que la banalité de cette scène, des femmes de ménage font leur travail en somme, vient résonner avec la banalité du mal qui nous est montré durant tout le film. Glazer aurait pu choisir de finir son film en nous montrant les visiteurs du musée d'Auschwitz s'émouvoir (il y a de quoi !) devant ces vestiges terribles, c'est par exemple ce qu'aurait fait Spielberg (cf. l'immonde fin de l'immonde Liste de Schindler qui vient nous dire aussi "eh ho tout est vrai !"). Mais non, Glazer lui, dit, qu'à un geste que Höss considérait comme banal (tuer des centaines de milliers de juifs n'était que son travail), il faut répondre par un autre geste banal (des femmes de ménage font leur travail). C'est la meilleure réponse à apporter pour ne pas céder au spectaculaire, et donc au mensonge.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 11:58

Bon on lui doit quand même une des plus belles fins de cinéma vues depuis des années. Celle du retour au contemporain, où nous voyons les femmes de ménage qui viennent nettoyer les salles du musée d'Auschwitz avant son ouverture matinale. Elles passent de longues minutes à nettoyer les grandes baies vitrées qui abritent les chaussures, les valises, les prothèses des déportés qui ont été gazés. C'est filmé comme un documentaire, et c'est ce qui m'a le plus bouleversé du film, et qui a contribué à me faire aimer, et à me convaincre de défendre le film.
Après 1h40 minutes du film, c'est un peu tard non ?
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 11:58
Cette scène, qui m'a immédiatement fait penser à la fin du Goût de la Cerise de Kiarostami, est brillante à bien des égards.
Tout à fait. Sauf que, "Le gout de la cerise" est un magnifique film tout au long de ses 90 minutes
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:20
[
Après 1h40 minutes du film, c'est un peu tard non ?
Ah ben une fin de film ça arrive à la fin du film, logique non ? :D
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 11:58
je suis halluciné de voir une distribution si vaste pour un film aussi exigeant, avec un sujet pareil : 880 salles ! Non mais vous vous rendez compte ? c'est du niveau d'un Avengers... Tant mieux hein, mais n'est-ce pas un peu disproportionné ?
Bien sur que c'est disproportionné puisque le film a fait "que" 239 mille d'entrées, énorme pour un film d'auteur mais, avec le même nombre de salle, "Wonka" ou "Napoléon" ou "Hunger games" avaient fait chacun 800 mille d'entrée la première semaine donc presque 4 fois plus. (c'est juste pour faire une comparaison).
Donc, la sortie en si grand nombre, surtout pour la première semaine, est avant tout politique.
Modifié en dernier par sokol le mar. 13 févr. 2024 12:35, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:23
sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:20
[
Après 1h40 minutes du film, c'est un peu tard non ?
Ah ben une fin de film ça arrive à la fin du film, logique non ? :D
C'était par rapport à ça, je te cite :
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 11:58
c'est ce qui m'a le plus bouleversé du film, et qui a contribué à me faire aimer, et à me convaincre de défendre le film.
Un peu tard d'attendre la toute fin pour défendre et aimer un film, non ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:34
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:23
sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:20
[
Après 1h40 minutes du film, c'est un peu tard non ?
Ah ben une fin de film ça arrive à la fin du film, logique non ? :D
C'était par rapport à ça, je te cite :
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 11:58
c'est ce qui m'a le plus bouleversé du film, et qui a contribué à me faire aimer, et à me convaincre de défendre le film.
Un peu tard d'attendre la toute fin pour défendre et aimer un film, non ?
ben non, tu ne le sais pas car tu pars souvent au bout de 20mn :D mais un film se juge quand même dans son entièreté (même si je suis aussi OK avec Daney quand il dit qu'il a besoin de 3 plans pour savoir s'il aime un film). Ce que je veux dire c'est qu'un film n'est pas sécable en petits bouts, que c'est un tout, et que là, la fin est particulièrement décisive. ça ne m'a pas empêché d'aimer le reste, je le dis, mais cette fin, oui a été déterminante pour moi, car elle me permet de comprendre précisément ce qu'a voulu faire Glazer.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:40

ben non, tu ne le sais pas car tu pars souvent au bout de 20mn :D mais un film se juge quand même dans son entièreté (même si je suis aussi OK avec Daney quand il dit qu'il a besoin de 3 plans pour savoir s'il aime un film).
Je te rappelle que je suis resté jusqu'à la fin ;)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:47
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:40

ben non, tu ne le sais pas car tu pars souvent au bout de 20mn :D mais un film se juge quand même dans son entièreté (même si je suis aussi OK avec Daney quand il dit qu'il a besoin de 3 plans pour savoir s'il aime un film).
Je te rappelle que je suis resté jusqu'à la fin ;)
preuve que le film t'a tout de même intéressé non ?
et j'ai vu que tu avais remonté ta note, peut-être que tu vas finir par l'aimer.
Après je ne trouve pas ça fabuleux non plus, il avait moyen de faire encore plus fort, mais c'est un beau film.
Je vois le Bonello ce soir.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:53

et j'ai vu que tu avais remonté ta note, peut-être que tu vas finir par l'aimer.

Je vois le Bonello ce soir.
Justement, c'est le Bonello qui m'a 'obligé' de remonté de zéro à 2 la note de Glazer :D. L'année s’annonce tellement pas terrible que on s'adapte :(
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 13:05
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 12:53

et j'ai vu que tu avais remonté ta note, peut-être que tu vas finir par l'aimer.

Je vois le Bonello ce soir.
Justement, c'est le Bonello qui m'a 'obligé' de remonté de zéro à 2 la note de Glazer :D. L'année s’annonce tellement pas terrible que on s'adapte :(
:lol:
I like your hair.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

B-Lyndon a écrit :
lun. 5 févr. 2024 15:22
@sokol je te répond ici :)

Image

Donc, j'ai aimé le film.

Mais c'est clair qu'il se protège un peu trop :
la fin (j'y reviendrai) ; le noir minable du début, là-dessus on est bien d'accord, et qui fait vraiment "warning je fais un film sur la Shoah du coup je te met un écran noir de 4min avec une musique céleste au début pour bien te montrer que ça va être du sérieux ; la bo bien lourdaude ; quelques effets de montage. En se protégeant autant le film acquiert une certaine lourdeur. Un côté "expérience sensorielle" un peu dégueu, qui m'empêche d'y adhérer totalement.

Mais putain par contre, quel filmeur ce Glazer ! Je suis sidéré par la rapidité et la fluidité de la mise en scène, son côté captation documentaire et son montage très court-circuité, qui créé un rythme inouï. J'aime aussi que le film ose jouer sur les temps creux de la vie heureuse des Hoss, observer la structure dans laquelle vit cette famille qui accomplit "toutes les recommandations d'Hitler", comme le dis Hedwig dans la scène où ils discutent de la mutation de Hoss. Je suis très sensible à la dimension sociale du film : comment les gens vivaient, dans cette zone là ? Glazer voit beaucoup de choses, on est pas du tout à mon sens dans du scénario filmé (expression que, j'ai remarqué, tu utilises beaucoup en ce moment, comme un argument d'autorité assez implacable, mais que j'ai parfois beaucoup de mal à comprendre : parles tu du fait que rien ne surgit d'autre que le plan de vie dans laquelle s'inscrit la vie des Hoss ? mais c'est ce que racontes le film, avec une patience quasi scientifique : ces gens vivaient et tuaient selon des plans, des plans qui communiquaient secrètement entre eux, et donc vivre à côté de la machine de mort était possible). Le travelling le long du jardin avec la mère est exceptionnel : on parle des fleurs, on voit le camp derrière, et soudain la mère parle d'une femme pour qui elle travaillait, et qui est "peut-être de l'autre côté". Plus tard, assise à la table, la mère confie qu'elle est fière que sa fille ait accédé, par le nazisme, à une classe sociale supérieure. Voir et entendre ça, ce n'est pas rien.

Et puis, ce que j'ai aimé, c'est que c'est un film qui ne refuse pas la beauté, il y a une harmonie des plans, un secret, un rêve même. Les poèmes de déportés qui s'inscrivent à l'écran, la fleur rouge qui devient écran monochrome, et plus globalement le côté "maison hanté" qui sourd des séquences nocturnes. C'est là que le film n'est pas prisonnier de son concept, qu'il y a tout de même un regard sensible et humain sur ce qu'il se passe de l'autre côté.

Pour revenir à la fin, elle me questionne car elle muséifie un peu le film, lui fait perdre son côté universel. Après, si je me tiens à une piste, je crois que je peux la sauver : les femmes de ménage nettoient les instruments de mort inventés par Hoss. C'est à dire qu'aujourd'hui, à Auschwitz, on prend soin de ce matériel de mort. On nettoie le moindre recoin avant l'ouverture aux visiteurs. On enlève toute la poussière. On ne néglige aucune vitre, aucun objet. Je crois finalement que c'est une mise en abyme du geste qu'accomplit Glazer, qui prend soin, lui aussi, de nous montrer chaque recoin de cette zone d'intérêt, pour la rendre visible, pour montrer comment on construit cette machine, et surtout, pourquoi et comment il possible de cultiver son jardin à côté. Tu parles de Straub, si le film est un peu straubien à un endroit, c'est qu'il considère, comme le dit ta signature, que le cinéma reste avant tout un instrument d'analyse. ;)
Bravo :jap: :jap: :jap: superbe papier.
@Tamponn Destartinn
- ça va paraitre contradictoire, mais j'ai un problème avec la dernière partie du film, qui sort du dispositif ! Parce qu'il ne le fait pas de la bonne manière. Il y a un souci de protagoniste. Rien que suivre le point de vue de Hoss lui-même, c'est un problème : lui voit l'horreur des camps, donc pourquoi quand on le suit, c'est quand il n'y est pas ? Est ce que ça ne rend pas l'idée du hors champ un peu facile ? Pour moi, il était évident que les gens intéressants à suivre étaient exclusivement sa femme et ses enfants, ceux qui savent mais ne voient pas, ceux qui vivent l'horreur des camps uniquement par le son.
tu as raison, c'est étrange, je ne me l'explique pas pour le moment.
@sokol : ce film est TOUT sauf un scénario filmé. Preuve ultime : tu peux changer tout le scénario, leur faire faire d'autres actions, leur faire dire d'autres dialogues, tu auras le même film, qui tient par 1°) le dispositif et 2°) la mise en scène
@asketoner tu as écrit sur le film ? je ne trouve pas.
I like your hair.
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 13:53

@sokol : ce film est TOUT sauf un scénario filmé.
J'ai écris cela :
sokol a écrit :
sam. 3 févr. 2024 01:52
Or, mine de rien, c'est du scénario filmé (donc un film naïf), exemple très simple : après un panneau qui annonce le titre, arrive un écran noir accompagné d'une musique tremblante, qui dure 2-3 minutes. Pourquoi ? Pour nous dire que nous allons trembler. Pourtant, le film n'avait même pas commencé ! 😂
Peut-être je dois changer de terminologie mais, pour moi, dans l'absolut, bien évidement que tous les films sont des scénarios filmé. Or, j’appelle "un scénario filmé" un film qui donne l'impression qu'il n'y a pas d'écriture cinématographique (© copyright Luc Moullet), c'est à dire, ce qui ce trouve entre le scénario et la mise en scène.

Mais en lisant il y a quelques jours sur internet, j'ai découvert un truc qui me fait bien mieux comprendre ma réaction.
Concrètement, on peut lire sur allociné :

10 caméras et 60 micros cachés pour tourner La Zone d'intérêt : "Ils utilisaient tous nos moindres faits et gestes"
https://www.allocine.fr/article/fichear ... 64394.html

La Zone d'intérêt a été réalisé avec 10 caméras installées dans toutes les pièces de la maison.
Comme un système de surveillance, elles captaient les faits et gestes des acteurs sans la moindre présence d'un technicien et du réalisateur lui-même. Ce dernier se situait à l'extérieur de la maison, dans une caravane, devant les dix moniteurs qui retransmettaient les images. "Je voulais filmer ça comme une télé-réalité", explique-t-il à IndieWire. Je voulais me débarrasser de toutes les décisions et distractions pour juste regarder les scènes se jouer."


Et après, je parle de manque d'écriture cinématographique (un 'scénario filmé'). Tu m'étonne John ! C'est de la télé-réalité ! Donc, un scénario-filmé (propre à la télévision, où on ne peut parler d'écriture cinématographique, on est bien d'accord)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
sokol
Messages : 1545
Enregistré le : lun. 12 oct. 2020 11:54

On peut même conclure : dans ce film, l'écriture cinématographique est remplacé par un système de surveillance, les mots du cinéaste à l'appui.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

purée c'est étonnant et déstabilisant de lire cela.
I like your hair.
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 14:52
groil_groil a écrit :
mar. 13 févr. 2024 13:53

@sokol : ce film est TOUT sauf un scénario filmé.
J'ai écris cela :
sokol a écrit :
sam. 3 févr. 2024 01:52
Or, mine de rien, c'est du scénario filmé (donc un film naïf), exemple très simple : après un panneau qui annonce le titre, arrive un écran noir accompagné d'une musique tremblante, qui dure 2-3 minutes. Pourquoi ? Pour nous dire que nous allons trembler. Pourtant, le film n'avait même pas commencé ! 😂
Peut-être je dois changer de terminologie mais, pour moi, dans l'absolut, bien évidement que tous les films sont des scénarios filmé. Or, j’appelle "un scénario filmé" un film qui donne l'impression qu'il n'y a pas d'écriture cinématographique (© copyright Luc Moullet), c'est à dire, ce qui ce trouve entre le scénario et la mise en scène.

Mais en lisant il y a quelques jours sur internet, j'ai découvert un truc qui me fait bien mieux comprendre ma réaction.
Concrètement, on peut lire sur allociné :

10 caméras et 60 micros cachés pour tourner La Zone d'intérêt : "Ils utilisaient tous nos moindres faits et gestes"
https://www.allocine.fr/article/fichear ... 64394.html

La Zone d'intérêt a été réalisé avec 10 caméras installées dans toutes les pièces de la maison.
Comme un système de surveillance, elles captaient les faits et gestes des acteurs sans la moindre présence d'un technicien et du réalisateur lui-même. Ce dernier se situait à l'extérieur de la maison, dans une caravane, devant les dix moniteurs qui retransmettaient les images. "Je voulais filmer ça comme une télé-réalité", explique-t-il à IndieWire. Je voulais me débarrasser de toutes les décisions et distractions pour juste regarder les scènes se jouer."


Et après, je parle de manque d'écriture cinématographique (un 'scénario filmé'). Tu m'étonne John ! C'est de la télé-réalité ! Donc, un scénario-filmé (propre à la télévision, où on ne peut parler d'écriture cinématographique, on est bien d'accord)



Ah oui, donc quand plusieurs critiques parlent de "Loft Story d'Auschwitz", c'est un parallèle encore plus littéral et assumé par le réalisateur que je l'imaginais !
Ben moi je ne suis pas fan. Pas à cause d'Auschwitz. Mais parce que j'ai du mal avec ce procédé quand il implique des acteurs qui jouent. Je trouve que ça marche moyen ensemble, ça créé juste une distance. Et à mon avis, c'est surtout à cause de ça, que le film n'a pas bouleversé Groil, ou "Ni terrassé, ni choqué", comme il le dit dans sa critique.
Avatar du membre
Tyra
Messages : 1367
Enregistré le : jeu. 16 juil. 2020 16:59

sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 14:52


La Zone d'intérêt a été réalisé avec 10 caméras installées dans toutes les pièces de la maison.
Comme un système de surveillance, elles captaient les faits et gestes des acteurs sans la moindre présence d'un technicien et du réalisateur lui-même. Ce dernier se situait à l'extérieur de la maison, dans une caravane, devant les dix moniteurs qui retransmettaient les images. "Je voulais filmer ça comme une télé-réalité", explique-t-il à IndieWire. Je voulais me débarrasser de toutes les décisions et distractions pour juste regarder les scènes se jouer."


Et après, je parle de manque d'écriture cinématographique (un 'scénario filmé'). Tu m'étonne John ! C'est de la télé-réalité ! Donc, un scénario-filmé (propre à la télévision, où on ne peut parler d'écriture cinématographique, on est bien d'accord)
Je connaissais le dispositif, et j'ai été étonné de ne pas le reconnaitre dans la mise en scènes du film : les caméra semblent placée souvent à des endroits classiques, au beau milieu des pièces. Pas eu l'impression de voir des acteurs vivre espionnés par des caméras discrètes. De plus le film comporte un nombre assez important de travelings latéraux extrêmement minutieux et préparés.
Avatar du membre
groil_groil
Messages : 3793
Enregistré le : jeu. 8 oct. 2020 21:12

Tyra a écrit :
mar. 13 févr. 2024 17:06
sokol a écrit :
mar. 13 févr. 2024 14:52


La Zone d'intérêt a été réalisé avec 10 caméras installées dans toutes les pièces de la maison.
Comme un système de surveillance, elles captaient les faits et gestes des acteurs sans la moindre présence d'un technicien et du réalisateur lui-même. Ce dernier se situait à l'extérieur de la maison, dans une caravane, devant les dix moniteurs qui retransmettaient les images. "Je voulais filmer ça comme une télé-réalité", explique-t-il à IndieWire. Je voulais me débarrasser de toutes les décisions et distractions pour juste regarder les scènes se jouer."


Et après, je parle de manque d'écriture cinématographique (un 'scénario filmé'). Tu m'étonne John ! C'est de la télé-réalité ! Donc, un scénario-filmé (propre à la télévision, où on ne peut parler d'écriture cinématographique, on est bien d'accord)
Je connaissais le dispositif, et j'ai été étonné de ne pas le reconnaitre dans la mise en scènes du film : les caméra semblent placée souvent à des endroits classiques, au beau milieu des pièces. Pas eu l'impression de voir des acteurs vivre espionnés par des caméras discrètes. De plus le film comporte un nombre assez important de travelings latéraux extrêmement minutieux et préparés.
tout à fait d'accord.
Je pense qu'il pipote ou qu'il utilise ce procédé uniquement sur certains plans.
I like your hair.
Avatar du membre
Tamponn Destartinn
Messages : 1140
Enregistré le : ven. 9 oct. 2020 21:11

Image

SPOILERS !!

Après réflexion, voila ce que j'ai compris (je préviens, ça spoile de suite) : en 1910, Gabrielle rencontre Louis. Le coup de foudre est immédiat, mais elle est mariée. Malgré l'évidence, elle le rejette et, comme un signe divin direct, les deux non-amants se retrouvent coincés dans une usine en feu dont ils n'arriveront pas sortir vivants. Dès lors, dans toutes ses vies suivantes, Gabrielle ne cesse de recroiser la réincarnation de Louis et d'être immédiatement attirée par lui. Il est celui qui doit combler le vide qu'elle ressent en elle. Mais, tragiquement, il s'avère à chaque fois décevant, voire monstrueux. Jusqu'à la dernière vie montrée, en 2044, où cette éternelle frustration amoureuse sauve Gabrielle d'un procédé de déshumanisation : elle fait partie des 0,27% qui ne perdent pas leur affect en visitant leurs vies antérieurs. Elle est comme dans le livre de Ionesco, la dernière humaine à refuser de devenir Rhinocéros. Mais quel en est l'intérêt quand même son amour, lui, l'est devenu (nouvelle altération de cet amour décevant et inassouvi) ?

Cette façon de me raconter le film vient d'un besoin de comprendre pourquoi ce choix, pour 2014, de faire de Louis un incel tueur, inspiré d'un des faits divers les plus flippant né sur internet. Ça donne un film dans le film passionnant, à la fois ma partie préférée et en même temps qui rend très tordue cette histoire d'amour contrariée à travers les époques. Parce que là, Louis est juste flippant, jamais attirant (d'ailleurs, je n'imagine pas du tout Gaspard Ulliel dans le rôle sur cette partie, on dirait qu'elle a été écrite spécifiquement pour George MacKay). Mais du coup, maintenant que j'inclus l'idée que les autres Louis qui suivent celui de 1910 se doivent d'être décevant, voire monstrueux, je suis en paix avec ça. Et j'en suis fort heureux, parce que vraiment : qu'est-ce que ça a de la gueule ! Le terrain de jeu est immense et généreux, permettant à chacun de s'y éclater dans son domaine. Bonello me semble inspiré comme jamais dans sa mise en scène (les plus grosses prods lui vont bien, si si), mais c'est aussi le cas de sa directrice de la photo, Josée Deshaies, ou aussi, bien évidemment, de Léa Seydoux, qui livre à mon sens sa plus grande interprétation de sa carrière, car le rôle le lui permet.
Répondre