Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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Duvivier, toujours aux aguets en 1960, engage le jeune acteur découvert par Truffaut avec Les 400 Coups pour un film étonnamment libre pour du cinéma classique (mais les talents de Duvivier sont nombreux) sans pour autant s'assujettir aux codes tout nouveaux de la Nouvelle Vague. Boulevard est un film à la fois écrit et libre, à la fois classique et moderne, tourné avec rigueur et une grande liberté. J'allais écrire une belle curiosité, mais c'est beaucoup plus que ça, c'est la monstration qu'un grand cinéaste est capable de se renouvellement même en fin de carrière (immense) et qu'il est aussi capable d'ingérer l'avancée de son medium sans pour autant renier son oeuvre passée.

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Je n'avais vu ce Cronenberg que deux fois, à sa sortie puis chez moi fin des 90"s, quand j'avais organisé dans mon petit 35m² une grande rétrospective Cronenberg (c'était pour préparer la sortie de Crash de mémoire). Il y avait un ou deux films de Cronenberg diffusés chaque soir, en vhs de mémoire, chez moi, venait qui voulait, on pouvait amener des amis à soi, j'ai eu des soirs à 3 ou 4 personnes, d'autres où on était 25 tous assis par terre sur la moquette en picolant du vin, c'est un souvenir merveilleux qui m'est revenu en revoyant ce film, pas vu depuis plus de 25 ans donc. Il appartient à la veine classique du cinéaste, celle où il n'y a a priori pas de monstruosité évidente, à l'instar d'un Dangerous Method par exemple, mais ce n'en est pas moins un film très fort et important dans son oeuvre. Le cinéaste s'empare d'un fait divers célèbre, qu'il simplifie quelque peu pour aller à l'essentiel et traiter d'usurpation d'identité, de changement de sexe, de transformation corporelle. En sous-texte c'est donc un pur film cronenbergien, très important dans sa filmo d'ailleurs, dans lequel brillent Irons et Lone, tout deux absolument extraordinaires.

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Premier long métrage d'Almodovar en langue anglaise (et sans doute le dernier, pour moi Almodovar n'a aucune intention de faire carrière aux USA et souhaitait juste tenter une expérience), La Chambre d'à côté n'est pas un film américain pour autant. Les USA n'ont pas avalé Almodovar, c'est plutôt lui qui a avalé les USA transposant son cinéma dans un autre pays mais en conservant toutes les caractéristiques (un peu comme Weerasethakul et Memoria tourné en Colombie). C'est donc un vrai, pur, film d'Almodovar, fin de carrière, avec ses couleurs, son rythme, son obsession pour la mort, sa passion pour les actrices, ses petites incohérences scénaristiques, son esthétique marquée. Et le sujet est très lourd puisqu'il aborde ici le droit à l'euthanasie. Evidemment, on n'y croit pas, car même si Moore et Swinton sont extraordinaires, tout ceux, et nous sommes malheureusement nombreux, qui ont accompagnés une personne en phase terminale d'un cancer savent qu'on ne se comporte pas de cette manière tranquille, à boire un petit thé, feuilleter une revue, parler d'art contemporain, en admirant la vue sublime, avec juste un peu mal au ventre de temps en temps pour rappeler la maladie. Non, la mort aspire tout, et détruit tout. Mais tant pis, on lui pardonne, Almodovar n'est pas Cassavetes, et on sait que ses personnages ne souffriront pas vraiment. C'est un film assez bancal, dont j'admire la première partie, avec tous ces films dans le film, partie durant laquelle il en profite pour glisser plein de références picturales, et dont j'aime aussi beaucoup la fin, j'y reviens. Le centre du film est en revanche un ventre mou assez chiant où l'on sent le temps passer. Mais on y survit et l'on accompagne Almodovar qui n'a qu'une envie, nous monter la fin de son histoire. J'ai lu pas mal que le film évoquait Persona, et pour moi c'est une belle connerie, il n'y a rien de Bergmanien dans ce film (Almodovar est l'anti Bergman par essence), et au contraire la fin du film m'a pas mal fait penser à Douglas Sirk et notamment à tout ce que le ciel permet. Une belle maison, une baie vitrée et une sublime vue, un amour impossible par différence de classe (pour cacher un amour homosexuel que Sirk n'avait pas le droit de film à Hollywood), tout est là, à commencer par cet amour entre deux femmes qui ne matérialisera pas, non pas à cause des moeurs, Almodovar est un coutumier du genre, mais à cause de la mort, qui aspire tout comme je l'écris plus haut. Les personnages attendent donc, paisiblement, avec un renoncement qui a même quelque chose de Houellebecquien, que la mort vienne faire son travail. Et ça y est, la mort est là, elle gagne la partie, et les personnages n'essaient même pas de lutter, elles se contentent de l'attendre.

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Je me souviens quand sortant de la salle le jour de sa sortie, j'avais l'impression d'être dans un monde virtuel, que les passants allaient soudain me tirer dessus avec un pistolet en chair humaine, je me tenais aux murs, pour ne pas trébucher. C'était une expérience unique, et vraiment déstabilisante. 25 ans et de nombreux visionnages plus tard, ce film fonctionne encore. Et c'est là ou Cronenberg est vraiment le film : il avait tout prédit, la réalité virtuelle, la réalité augmentée, les jeux connectés à plusieurs, les pods, les connexions neuronales, etc. Déjà le mec était visionnaire, mais alors que tout cela existe ou presque aujourd'hui, son film n'est pas ringard pour autant et continue à fonctionner parfaitement.

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Après Existenz, j'ai forcément remonté le temps en revoyant aussi Videodrome, l'un de ses plus grands films. Bon ça aussi c'est toujours aussi génial aujourd'hui, même si c'est assez différent. Visionnaire, oui, ça l'est tout autant, mais le film est plus à voir comme une farce grotesque et monstrueuse. Déjà la patine de l'image renvoie beaucoup à Dead Zone, même si l'image est un peu moins classique, c'est le même grain, et le contenu, critique de la TV poubelle et du virage snuff, porno hardcore que prendra vite internet qui est loin d'exister au moment où le film sort, vire au grotesque de la monstruosité, assez proche d'un Stuart Gordon (on dirait le film jumeau de From Beyond) voire d'un Brian Yuzna. Cela reste encore aujourd'hui une expérience très intense.

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Avant de voir le nouveau Wallace & Gromit avec les enfants, j'ai voulu leur montrer ou remontrer le chef-d'oeuvre du duo, soit Un Mauvais Pantalon, qui est sans doute mon film d'animation préféré, notamment parce que le nouveau en est la suite directe. Et c'est toujours un chef-d'oeuvre, et qui fonctionne même sur un nouveau public, ma fille qui le découvrait, passant du rire aux larmes en quelques secondes.

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Un nouveau long métrage de Wallace & Gromit est déjà une satisfaction en soi, mais quand il est réalisé par Nick Park et qu'en plus il est la suite direct d'Un Mauvais Pantalon, le meilleur épisode de la série, il y a vraiment de quoi se réjouir. Et le résultat est une franche réussite, amusante, maligne et enjouée. Même si l'on peut regretter de ne plus sentir la pâte à modeler triturée à la main et à l'ancienne comme dans les premiers opus et que l'image est plus lisse ici, cela reste une prouesse et un résultat final assez complet et réjouissant.

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Unique long-métrage de Paul Gégauff, important scénariste, notamment de Claude Chabrol dont il a écrit plusieurs des grands films, Le Reflux propose un mix original emmenant la Nouvelle Vague à Tahiti. On retrouve donc Roger Vadim, Michel Subor ou Serge Marquand, embarqués dans une histoire de pirates modernes, dans un film (un peu trop) libre et original qui, c'est marrant mais c'est ainsi, ne brille pas forcément par son scénario. C'est souvent le cas des films de scénaristes d'ailleurs, comme si ça les bloquait créativement de passer à la réal en même temps.

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Un beau Zampa, même si un peu trop scénario filmé sur toute une partie du métrage, sur la corruption via la Mafia, et la manière dont celle-ci parvient à avoir l'assentiment même muet de l'ensemble d'une population, totalement anémiée, et souvent par peur ou par conformisme.

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Pour singer Hitler, Mussolini s'était mis en tête lui aussi d'envahir des pays et avait jeté son dévolu sur la Grèce, avant que les combats ne se déplacent sur l'Albanie. Il a fait beaucoup de dégâts dans ces deux pays pour un résultat nul. Le film raconte l'histoire vraie de convois de femmes grecques capturées et envoyées comme prostituées pour assouvir les besoins de ces bons soldats italiens. C'est un film intéressant, une relecture de Convois de Femmes néo-réaliste, mais je ne suis pas tellement convaincu au final, comme un peu avec toute l'oeuvre de Zurlini, qui est un cinéaste italien assez surestimé en France à mes yeux (c'est un débat à part). Il fait mine de donner la belle part aux femmes, gros casting féminin, sujet engagé, etc. mais au final la femme est ici souvent cantonnée à son rôle de prostituée, et le schéma n'est pas inversé comme il devrait l'être, la femme restant au service de l'homme, au service du scénario et du cinéaste.

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Il est bon régulièrement de se reconfronter avec ses films préférés. Celui-ci est encore et toujours, et toujours plus même, un chef-d'oeuvre absolu strictement imbattable et indépassable à tous niveaux. Je ne vais pas me lancer dans une analyse du film, soit tu enfonces des clichés, soit il faut carrément en écrire un livre, je dirai juste qui si certains d'entre vous ne l'ont pas encore vu, foncez, il est de ceux qui changent une vie, de ces films qui contiennent tout le cinéma en eux, tous les films qui ont été faits avant et qui seront fait après sont là-dedans. Notamment toute l'oeuvre de Lynch (un des personnages s'appelle Gordon Cole, nom de Lynch dans Twin Peaks pour rappel), et c'est vraiment étrange d'avoir revu ce film quelques jours seulement avant son décès.

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Revisionnage annuel.

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Si le nouveau Jia Zhang-Ke est une vraie proposition de cinéma, c'est indéniable, ça ne l'empêche pas d'être à mes yeux un film totalement raté. Ce film c'est un aveu d'échec : il l'a fait encore bloqué par le covid, ne pouvant pas voyager, pas filmé, et il a donc décider d'utiliser plein d'extraits de ses anciens films, les mêlant avec des nouveaux plans tournés pour l'occasion, afin de raconter une histoire, qui se veut un regard contemporain sur l'évolution de la Chine, mais aussi un portrait de sa femme qui joue dans quasiment tous ces films et qui tient une fois de plus le premier rôle, à des âges différents du coup, tout en étant un grand autoportrait qui revient sur toute son oeuvre. Le souci c'est que le résultat est complètement stérile : soit tu as déjà vu tous les films cités, et tu n'y vois qu'une grosse compilation comme l'horrible L'Amour en Fuite de Truffaut, soit tu ne connais pas l'oeuvre et tu ne comprends strictement rien au film, ne sachant pas ce qui est emprunté et ce qui est nouveau et ne pipant que dalle à la construction du cinéaste. Donc c'est un film qui ne s'adresse ni aux fans ni aux néophytes. JZK l'a donc fait pour lui, et voir ce film donne l'impression d'un mec qui feuillette son album de photos-souvenirs pour lui-même.

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Là aussi, revisionnage d'un grand classique, qui n'est pas mon Mankiewicz préféré mais que j'aime beaucoup. Le film vaut beaucoup pour son duo d'acteurs, et se perd parfois dans la facilité, et dans la longueur (y avait vraiment de quoi couper 30 mn), voire dans le cliché masculiniste à outrance, mais ça fonctionne quand même très bien. Marrant de voir que Carlotta a privilégié dans son bluray le côté technicolor à outrance pour sans doute retrouver la sensation de l'époque, mais au final c'est assez moche, l'image n'est pas nette et les couleurs bavent.

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Long film de montage de 3h dans lequel Thom Andersen raconte l'histoire de la ville de Los Angeles par des plans de cinéma de films (ultra légendaires ou plus méconnus) qui ont été tournés là-bas. Donc à part de très rares plans tournés par Andersen pour des raisons bien précises, l'ensemble des images de ce film sont des extraits d'autres films tournés à LA. C'est une oeuvre pharaonique et monumentale, qui rappelle beaucoup les films expérimentaux et compilatoires de Christian Marclay, mais la voix off omniprésente d'Andersen fait que ce n'est pas juste un plaisir visuel : le film et le cinéaste ont plein de choses à dire sur la construction et l'évolution de la ville, et par extension du pays et du monde. Une oeuvre-monde, c'est un terme qui pour une fois sera utilisé à bon escient.
Et merci à @cyborg qui me bassine avec ce film depuis des lustres et que j'ai enfin vu :D

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Soir de la mort de David Lynch.
Impossible de regarder autre chose qu'un film de lui.
Afin de repousser cette nouvelle et de le conserver vivant auprès de soi.
Toujours aussi hypnotique, ce Lost Highway, que je connais par coeur plan par plan et souvent dialogue par dialogue...

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Un cheffe d'entreprise très directive et autoritaire, assoiffée de sexe et insatisfaite avec son ami, se lance dans une histoire sexuelle avec un jeune stagiaire beau gosse mais insupportable. Elle qui domine dans la vie, à besoin de se faire dominer au lit, et leur relation vire de suite à une sorte de SM soft où le jeune homme jouera des pulsions masochistes de sa patronne avec délectation et sadisme. Le film est plutôt réussi dans sa mise en scène. Kidman y est absolument géniale, elle ose comme Demi Moore ose dans The Substance (je crois que c'est un peu devenu la norme pour réexister à Hollywood, après avoir fait refaire son corps en plastique de A à Z, il faut désormais le montrer), et surtout elle joue de ça : elle se moque d'elle-même et le film invective pas mal le personnage sur le fait qu'elle s'injecte du botox, qu'elle est vieille etc... Bref tout ça est la partie réussie du film. Ce qui est plus difficile à avaler, c'est l'absence de crédibilité des faits, le comportement de ce jeune stagiaire semble tellement invraisemblable, dès le début, dans une entreprise actuelle, que cela rend tout cela difficile à croire. Idem pour leur relation sexuelle. Tout est bizarre et tarabiscoté tout le temps, à tel point qu'on se demande souvent ce que veulent l'un et l'autre. Mais à la limite, ça, j'ai fini par y croire, disons que les deux doivent avoir un rapport au sexe, et l'autre, tellement compliqué, que lorsqu'ils entreprennent une relation commune, tout se retrouve encore plus compliqué que lorsqu'ils étaient face à leurs seuls fantasmes. Du coup, les réactions sont souvent surprenantes, et ce n'est pas si dérangeant que cela une fois qu'on s'y est fait. Ah et la toute fin, cette métaphore canine est quelque peu avilissante, et beaucoup trop facile, si je peux m'exprimer ainsi... Non mais franchement...

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J'ai toujours bien aimé Julie Delpy et ses films sont souvent des réussites mêmes mineures. Celui-ci est mineur oui, mais très chouette. Ca se passe dans un petit village tranquille de Bretagne, Paimpont :D , et la mairie décide d'accueillir une famille de réfugiés Ukrainiens. Sauf que les Ukrainiens c'est très demandé, il n'y en a plus, et on leur envoie des Syriens à la place. Et cette famille tranquille et très européanisée de fait, va déchainer les passions et réveiller les sentiments les plus barbares de nombres de villageois. Voilà, c'est un humour fin, à la limite de la génance, Curb your enthusiasm n'est pas loin. Ce sont des grosses ficelles comiques avec pas mal de stéréotypes, mais Delpy est intelligente, fine et cultivée, et elle arrive à dire plein de choses sensées, tout en faisant une comédie légère et amusante, perso ça me suffit !
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cyborg
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Oui, Godard aussi m'avait rendu tout triste, c'est sur...


@sokol : merci pour ton commentaire sur mon texte sur Anora, c'est gentil ;)
@groil_groil : super que tu aies enfin vu ce film aussi passionnant qu'incroyable ! Vraiment une perle pour cinéphile.


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L'idée de transposer la Rome antique à New-York est séduisante. L'avertissement d'ouverture du film, indiquant être une "fable", en oriente immédiatement la lecture, rendant acceptable de nombreuses ficelles, effets stylistiques, symboles, abstractions, bouffonneries et autres excès, nous faisant songer que, oui, tout ceci est voulu, maitrisé, choisi. D'accord. Mais jusqu'à un certain point seulement : l'accumulation de trop d'éléments indigents finissent pas rendre le film... indigeste.
Dur à dire, mais Mégalopolis fini vite par ressemble au caprice d'un vieux réalisateur, qu'on a privé de son projet trop longtemps et qui sait, de surcroit, qu'il signe probablement son dernier film. Tout n'est pas inintéressant, il y a même beaucoup d'idées ou de pistes, enfin plutôt "trop" sans doute (peut-être que le film aurait du être une série de 10h ? On aurait sans doute mieux compris certains propos ou rebonds scénaristiques ?). Le plus amusant est peut-être les réf cinéma qui défilent sous nos yeux (peut-être même de l'art vidéo, je crois qu'on a pas autant/si bien filmé le Chrysler Building depuis le Cremaster 3 de Matthew Barney...).
On pourrait sans doute dire beaucoup de choses sur ce ratage hors norme. Mais je n'en ai ni l'envie, ni la foi. Pour cause ? L'arc général du film et son aboutissement, tournant autour de figures éculées du génie artistique quasi-christique, de l'architecte visionnaire, de la cité nouvelle, etc qui dénotent toutes d'une vision moderniste éculée et épuisée, n'offrant aucune ouverture vers un renouveau salutaire. Désolé Francis, mais tu fais bien ton âge...


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La ville est tranquille... ou plutôt indifférente aux êtres et aux drames qui l'émaillent. Il y a quelque chose de très littéraire, ou plutôt de romanesque, dans ce film choral extrêmement sombre de Guédiguian. Je crois qu'il faut vraiment accepter ce type de recette, accepter certains fils ou situations un peu grosses, certaines figures un peu trop excessive pour se laisser prendre par la force de l'ensemble. Ce portrait de ville est même assez passionnant, d'autant plus avec un quart siècle d'écart, devenant le témoin de tous tous les drames contemporains (politiques, sociaux...) alors en germe. Ce film m'a aussi fait prendre conscience à quel point Marseille était une ville cinématographique, souvent filmé et de façons si différentes, mais qu'on à tendance à l'oublier je crois... Il faudrait faire un Top des films se passant à Marseille pour mieux s'en rendre compte.



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Why is the yellow the middle of the rainbow ? - Kildat Tahimik - 1994

KIDLAT !!!!!!!!!!! Pourquoi cet artiste n'est il pas plus connu ?!


Au bête jeu des comparaisons, on aurait de suite envie d'évoquer le magnifique "As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty" de Mekas, pour son approche du journal filmé, sa longueur, son rapport à la vie. Mais ce ne serait pas tout à fait rendre honneur à ce film incroyable de Kildat Tahimik et simplifier sa singularité.

Les films de Tahimik sont tous (enfin pour les deux que j'ai vu, qui sont les seuls dispos en ligne malheureusement) des exercices de décentrements, mais des décentrements inattendus. Leurs centres en sont le "tiers-monde" (je me permet cette expression désormais honnie mais que l'auteur utilise sans cesse) et font de l'occident la périphérie, pour mieux analyser, démonter, satiriser les liens (post-)coloniaux fagocitant notre planète.

Mais ici le décentrement est double, car Kidlat Tahimik est désormais père, d'un jeune Kidlat Gottlieb Kalayaan que nous verrons grandir au long des 3 heures du film et des 10 ans qui composent les images. L'auteur l'interpelle d'ailleurs sans cesse par son nom, Kidlat, qui est aussi le sien. Il n'en fallait pas plus, dans un esprit très Garcia-Marquez-100ansdesolitude- pour que la boucle opère et que l'auteur semble se poser à lui même des questions, troublant les existences temporelles de ce qui est dit, senti, imaginé. Ici l'existence globale s’enchâsse aux possibles d'une existence macro, à la construction de l'intimité et de la filiation.

S'ouvrant au plus loin, dans une réserve Navajos et un tour du monde (Tahimik suivant les invitations dans des festivals de cinéma), le film se recentre peu à peu sur les Philippines, tout d'abord par l'agitation politique et révolutionnaire qui secoue le pays, puis une exploration de plus en plus proche des traditions, des souvenirs, des territoires.

Rien, bien sur, n'est aussi clair dans le cinéma de Tahimik car tout vibre, tout se mélange, tout se répond, tout gigote et s’emmêle, déborde d'inventions et d'imaginations en tous sens. Et quand Kidlat se demande comment il pourrait bien conclure son film, il nous reste pourtant une heure devant nous. L'occasion parfaite pour repartir au loin, au plus proche des Navajos et essayer d'envisager d'autres possibles, telle une internationale des peuples colonisés et martyrisés. Deux idées forces, magnifiques, émergent alors. Tout d'abord l'idée que le célèbre "John Ford Point" et la base philipino-américaine de "Camp John Hay" ne partagent pas juste le même nom mais participent toutes les deux du même imaginaire mortifère global. L'autre est l'invention, pour jouer, par le père et son fils d'une machine d'enregistrement-diffusion faite de bric et de broc, qui serait semble-t-il en train de créer le film que nous sommes en train de regarder. La clé est peut-être ici : ce n'est pas juste d'images qu'il nous faut changer, mais de tout un système de production, et avec lui, le système de prise de vue qui constitue la constitution de base de son imaginaire. Le geste est simple, joueur, mais d'une puissance immense.

Qu'une même œuvre arrive à nous parler aussi richement et de façon concomitante de rapports politiques internationaux et du médium cinématographique est absolument prodigieux. Viva Kidlat !


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Wrony - Dorota Kędzierzawska - 1994

Une fillette, délaissé par sa mère qui travaille, s'ennuie et fait des bêtises. Elle fini par s'enfuir à la mer avec une enfant encore plus jeune qu'elle... Malheureusement pas grand chose à signaler dans ce court film (1h) sans trés grand originalité, flirtant avec l'exercice.
Kit
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groil_groil a écrit : sam. 18 janv. 2025 09:08 Image

Duvivier, toujours aux aguets en 1960, engage le jeune acteur découvert par Truffaut avec Les 400 Coups pour un film étonnamment libre pour du cinéma classique (mais les talents de Duvivier sont nombreux) sans pour autant s'assujettir aux codes tout nouveaux de la Nouvelle Vague. Boulevard est un film à la fois écrit et libre, à la fois classique et moderne, tourné avec rigueur et une grande liberté. J'allais écrire une belle curiosité, mais c'est beaucoup plus que ça, c'est la monstration qu'un grand cinéaste est capable de se renouvellement même en fin de carrière (immense) et qu'il est aussi capable d'ingérer l'avancée de son medium sans pour autant renier son oeuvre passée.
t'as pas chômé :sol:
la preuve qu'on apprend toujours, à 63 ans tu m'apprends un nouveau mot "monstration", je me suis dit que tu voulais écrire démonstration, puis que tu voulais par un néologisme, voire un barbarisme considérer Duvivier (dans Duvivier il y a vivier alors pourquoi pas ?) comme un monstre du cinéma français, puis dans mes pensées "démontrer, démonstration, montrer pourquoi pas monstration ? j'ai vérifié et oui le mot existe bien :jap:
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Kit a écrit : dim. 19 janv. 2025 07:03
groil_groil a écrit : sam. 18 janv. 2025 09:08 Image

Duvivier, toujours aux aguets en 1960, engage le jeune acteur découvert par Truffaut avec Les 400 Coups pour un film étonnamment libre pour du cinéma classique (mais les talents de Duvivier sont nombreux) sans pour autant s'assujettir aux codes tout nouveaux de la Nouvelle Vague. Boulevard est un film à la fois écrit et libre, à la fois classique et moderne, tourné avec rigueur et une grande liberté. J'allais écrire une belle curiosité, mais c'est beaucoup plus que ça, c'est la monstration qu'un grand cinéaste est capable de se renouvellement même en fin de carrière (immense) et qu'il est aussi capable d'ingérer l'avancée de son medium sans pour autant renier son oeuvre passée.
t'as pas chômé :sol:
la preuve qu'on apprend toujours, à 63 ans tu m'apprends un nouveau mot "monstration", je me suis dit que tu voulais écrire démonstration, puis que tu voulais par un néologisme, voire un barbarisme considérer Duvivier (dans Duvivier il y a vivier alors pourquoi pas ?) comme un monstre du cinéma français, puis dans mes pensées "démontrer, démonstration, montrer pourquoi pas monstration ? j'ai vérifié et oui le mot existe bien :jap:
Ah oui, marrant, c'est un mot qui était employé quotidiennement quand je faisais des études de cinéma, c'est pour ça qu'il m'est familier, mais c'est vrai qu'on l'entend moins dans le langage courant.
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Kit
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Mort à 85 ans de Bertrand Blier
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Blier
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sokol
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Kit a écrit : mar. 21 janv. 2025 12:59 Mort à 85 ans de Bertrand Blier
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Blier
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Sa mort me fait penser que lors que j’avais revu il y a 2-3 ans les 30-40 premières minutes de «Un, deux, trois, soleil » 1993 (vu pour la première fois à la télé dans les années 90, je venais d’arriver en France), je m’étais dit qu’il ne faut pas du tout du tout s’étonner que Marine Le Pen prenne le pouvoir un jour : les jeunes arabes étaient montrés comme des singes sauvages, des barbares. Vraiment. Et je m’étais dit : qu’elle a la dent dure ce post-colonialisme. Même très très dur.

Donc aujourd’hui je me dis que, quand on fait un film ausi degueulasse que Un deux trois soleil, qu’est ce que tu veux sauver d’une cinéaste ?? Qu’est ce que ça peut me faire qu’il a réalisé des « succès populaires », des « films réussits » et patati patata ?? Rien de chez rien. Mais vraiment rien.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol a écrit : mer. 22 janv. 2025 04:02
Kit a écrit : mar. 21 janv. 2025 12:59 Mort à 85 ans de Bertrand Blier
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Blier
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Sa mort me fait penser que lors que j’avais revu il y a 2-3 ans les 30-40 premières minutes de «Un, deux, trois, soleil » 1993 (vu pour la première fois à la télé dans les années 90, je venais d’arriver en France), je m’étais dit qu’il ne faut pas du tout du tout s’étonner que Marine Le Pen prenne le pouvoir un jour : les jeunes arabes étaient montrés comme des singes sauvages, des barbares. Vraiment. Et je m’étais dit : qu’elle a la dent dure ce post-colonialisme. Même très très dur.

Donc aujourd’hui je me dis que, quand on fait un film ausi degueulasse que Un deux trois soleil, qu’est ce que tu veux sauver d’une cinéaste ?? Qu’est ce que ça peut me faire qu’il a réalisé des « succès populaires », des « films réussits » et patati patata ?? Rien de chez rien. Mais vraiment rien.
je n'ai pas vu le film mais je comprends ton ressenti
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Kit a écrit : mer. 22 janv. 2025 09:09
je n'ai pas vu le film mais je comprends ton ressenti
Et je dirais exactement la même chose pour «Les valseuses » que j’ai vu il y a 2-3 ans pour la toute première fois : plus réac et misogyne tu meurs.
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sokol a écrit : mer. 22 janv. 2025 04:02
Kit a écrit : mar. 21 janv. 2025 12:59 Mort à 85 ans de Bertrand Blier
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Blier
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Sa mort me fait penser que lors que j’avais revu il y a 2-3 ans les 30-40 premières minutes de «Un, deux, trois, soleil » 1993 (vu pour la première fois à la télé dans les années 90, je venais d’arriver en France), je m’étais dit qu’il ne faut pas du tout du tout s’étonner que Marine Le Pen prenne le pouvoir un jour : les jeunes arabes étaient montrés comme des singes sauvages, des barbares. Vraiment. Et je m’étais dit : qu’elle a la dent dure ce post-colonialisme. Même très très dur.

Donc aujourd’hui je me dis que, quand on fait un film ausi degueulasse que Un deux trois soleil, qu’est ce que tu veux sauver d’une cinéaste ?? Qu’est ce que ça peut me faire qu’il a réalisé des « succès populaires », des « films réussits » et patati patata ?? Rien de chez rien. Mais vraiment rien.

:jap: :jap: :jap:

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Tyra
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sokol a écrit : mer. 22 janv. 2025 10:03
Kit a écrit : mer. 22 janv. 2025 09:09
je n'ai pas vu le film mais je comprends ton ressenti
Et je dirais exactement la même chose pour «Les valseuses » que j’ai vu il y a 2-3 ans pour la toute première fois : plus réac et misogyne tu meurs.
C'est un peu l'inverse non ? Un peu comme MASH d'Altman dont j'avais parlé, ça fait partie des films de cette époque se voulant anti-reac, anti-bourgeoisie, anti-conformiste, mais qui sont, derrière cette façade, pires que ce qu'ils dénoncent. Et comme dans le Altman, les grandes victimes de cet anticonformisme libertaire sont les femmes.
Kit
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sokol a écrit : mer. 22 janv. 2025 10:03
Kit a écrit : mer. 22 janv. 2025 09:09
je n'ai pas vu le film mais je comprends ton ressenti
Et je dirais exactement la même chose pour «Les valseuses » que j’ai vu il y a 2-3 ans pour la toute première fois : plus réac et misogyne tu meurs.
je ne l'ai même pas vu en entier, le seul que je peux citer c'est La Femme de mon pote
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Narval
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Les feux sauvages - Jia Zhangke
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Les bons cinéastes font le même film en boucle. C'est peu ou prou une phrase que j'ai beaucoup lu ici. Jia Zhangke est peut-être le meilleur exemple pour l'illustrer : Les éternels est un remake d'Au delà des montagnes (jusqu'aux noms des persos), déjà très proche d'une des histoires de Touch of Sin, lui-même calqué sur Still life et 24 City, copie de the Wolrd, déjà contenu dans Plaisirs inconnus. Bref on remonterait jusqu'au début si on le voulait (tout vu sauf Xiao Wu). J'avais peur que le film sente le montage flemmard, le trip nostalgique autocentré, ou l'essai bon élève (genre le Carax), mais punaise, qu'est-ce que c'est fort. Il suffit d'une intro efficace, deux trois plans tout au plus et d'un générique pour te rappeler à quel point ce cinéaste est bon et précis. Précis alors même qu'il a un regard très particulier sur son pays d'origine (et même sur sa région natale) : il ne peut pas s'empêcher de filmer des mutations et du mouvement. Des gens constamment en recherche d'un proche, en train de s'enfuir, de trimer pour s'en sortir, d'arnaquer, de se salir les mains pour survivre ou de faire acte de grâce au hasard des rencontres (sans compter les quelques rencontres avec des ovnis). Et puis il adore filmer la danse par dessus tout ceci (élément qui revient particulièrement dans cet opus), agrémenté parfois de musique année 2000 tendance euro dance (ici c'est Butterfly Smile DK qui s'invite), comme élément fédérateur, éternel lien social. Les feux sauvages est un condensé de son cinéma, mais ce n'est pas comme j'ai lu, un film frustré ou empêché par la pandémie, c'est un film totalement réussi et autosuffisant.

La réelle prouesse, c'est de tenir le pari d'un agglomérat de bouts de scènes provenant de plusieurs décennies, tout en distillant au fur et à mesure le début d'une fiction, sans recourir à de réels dialogues pour entretenir le nœud du récit (le couple qui n'en est pas un). J'ai trouvé ça très beau et rare. Finalement, cette narration, débarrassé des canons d'écriture habituels, donne un film purement relié par des astuces de montages, tantôt sonores tantôt visuelles (beaucoup de fondus et parfois même des photos qui s'infiltrent là-dedans). Lorsque les retrouvailles ont finalement lieu, (à deux reprises) c'est sans aucune effusion, presque sans aucun mot échangé, comme coupé, simplement des gestes, des regards, et un bout de chemin ensemble (j'y reviens). En soit, ces Feux sauvages constituent peut-être un aboutissement encore plus radical de son écriture, du montage de ses films, il s'agit d'un épurement du récit, qui tend vers l'abstraction par instant, mais aussi vers la contemplation. Les trains se changent en avion, les salons de thé dansant en boites de nuits, les marchés ambulants en superettes ultra modernes bien absurdes, mais rien n'est insistant, rien n'est asséné ou rappelé par des dialogues (comme on pouvait le reprocher à la dernière partie futuriste d'Au delà des montages). C'est le constat d'une évolution patiente et qui n'oublie pas non plus de parler de la crise Covid et de sa gestion par le gouvernement, avec simplement quelques petites scènes, distillées vers la fin. En bref, le film a pour moi amplement réussi cette idée de parcourir un pays en traitant de mille et uns aspects, tout en conservant une ligne directrice claire. Et c'était loin d'être évident.

La plus belle des récompenses vient par ailleurs avec cette fin, magnifique, toute simple. Tournées en 2023, les 20-25 dernières minutes méritent amplement le déplacement. C'est là où culmine cette impression de vertige temporel qui a été longuement préparée tout du long. C'est en voyant les comédiens bien plus tard, et par extension leurs personnages, que l'on peut réellement prendre conscience du trajet effectué. Pour en dire le moins possible, disons que l'un des amants a beaucoup vieilli physiquement, tandis que l'autre non. Et il n'y a pas besoin de mots lors de ces secondes retrouvailles, simplement un constat amer et terrible, sur la banalité de ce qui nous attend, mais aussi de ce que la société peut engendrer comme injustices dans nos destins respectifs. Quelques regards, un bout de route ensemble et surtout des gestes superbes de simplicité (nouer des lacets), culminant avec cette très belle idée de rejoindre une foule de coureurs, sans dire mot, pour rattraper le mouvement sans fin d'une nation. Si Zao Tao est la muse du cinéaste, elle trouve ici peut-être son rôle le plus fort symboliquement parlant, agrégant une carrière de plus de vingt ans en quelques secondes, sous le regard déchirant d'un amant dépassé par ses blessures. Le cœur serré, j'ai quitté la salle accompagné d'un néophyte qui a pourtant été tout autant émerveillé et stimulé par ce film que moi (comme quoi ce film peut s'adresser à tout le monde), et qui n'a qu'une envie, c'est de voir ses autres films. Et bien tout pareil ! Jia ZhangKe est un cinéaste tellement important et ce film m'a fait réalisé à quel point son regard avait laissé une emprunte sur le cinéma, pas seulement chinois mais bien mondial. Qui filme les ruines d'un pays, les gorges d'un fleuve ou encore des mafieux comme lui ? Qui construit ses cadres extérieurs ainsi ? Qui a l'ambition de raconter un pays au travers des années comme lui sans essentialiser ? Bref il faut tout revoir, c'est très urgent.
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groil_groil
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Revu avec plaisir ce thriller paranoïaque du grand Pakula, très inspiré par l'affaire JFK, c'en est même une parfaite relecture à peine modifiée, même s'il m'a moins impressionné que la première fois. J'attends avec impatience le bluray Carlotta attendu cette année.

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Un court métrage de Lynch de 2002 que je n'avais pas vu, époque où il expérimente beaucoup avec sa DV, un film très bizarre et inquiétant, qui annonce les expérimentations à venir sur Inland Empire, abstrait, angoissant, et très intéressant.

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Seven fait partie de la catégorie rare des films que j'aime de plus en plus à chaque vision (et que je n'aimais donc que très modérément au départ, mais avec toujours quelque chose me donnant envie de le revoir). C'est dingue parce qu'il y a tout pour faire dater, et ne pas passer les années, le sujet, le twist final, le méchant joué par toujours le même mec, et surtout la photo de Khondji tellement marquée et représentative d'une époque, mais pourtant, plus le temps passe et plus ce film s'affirme comme un classique. Première fois que je le voyais en bluray et la copie magnifie encore d'avantage le film, notamment sur ces magnifiques ambiances de pluie (permanente ! sauf sur la dernière scène, la plus horrible) en extérieur. Bref, n'hésitez pas à le revoir ! Ne serait-ce que pour entendre Coil au générique (plus exactement un remix de Closure de Nine Inch Nails par Coil), qui avaient été fous de rages de voir qu'ils n'avaient même pas été crédités au générique.

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Quel bonheur de revoir un de mes films préférés de mes jeunes années de cinéphile pour la première fois en bluray et de constater que celui-ci est toujours aussi et que mon amour pour lui n'en est pas altéré par le poids des ans. C'est vraiment un des plus beaux Comencini, lui, qui, grand cinéaste de l'enfance, consacre son film à l'enfance de Casanova (le film se déroulant quasi intégralement à Venise), et s'arrêtant à sa toute première expérience amoureuse. Une merveille.

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C'est certes une mini-série, mais je le traite ici car elle est de David Lynch, entièrement animée et réalisée par lui au dessin. Elle porte bien son nom, et sa stupidité, revendiquée, va de paire avec le malaise qu'elle engendre. Des débiles, et des plus débiles encore, elle aurait pu s'appeler Dumb & Dumber, et montre en creux une Amérique malade faite de gens malades eux aussi d'une maladie incurable et engendrée par le pays lui-même. La stupidité montrueuse des gens filmée ici par Lynch, renvoie à plein de monstres de son cinéma, tous plus effrayants les uns que les autres, et qui parfois peuvent provoquer le rire également, lorsque le rire est utilisé comme ultime moyen de défense contre la peur.

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Cela confirme ce que je pensais du cinéma d'Eggers, que j'ai découvert il y a peu avec The Northman, à savoir qu'Eggers est un type bien, sincère et cinéphile, sans doute un super type avec qui boire des coups et parler de cinéma jusqu'à 5 heures du mat', mais ce n'est pas un cinéaste qui m'intéresse. Son cinéma est trop figé, se concentrant trop sur l'image plastique plutôt que sur son sens. Son Nosferatu est pourtant très fidèle, il s'inspire à la fois de Stoker et du scénario du Murnau, mais il est tellement fidèle bêtement je dirais qu'il ne provoque que de l'ennui et un sentiment de déjà vu. Les cinéastes ayant réussi leur Dracula, et bien évidemment Murnau en tête de cette liste, ont essayé de se mettre un minimum du côté de leur monstre, et d'éprouver un minimum d'empathie pour lui. Ici il n'en est rien (à part peut-être lors de la toute dernière scène, mais c'est trop tard), et on passe ces deux heures à attendre impatiemment que le film commence... Eggers crée donc une attente permanente, qui n'est jamais comblée... Gros sentiment d'ennui poli, car tout est très joli, surtout que les sentiers sont incroyablement balisés : on a évidemment tous vu 25 films sur Dracula et on connait ça par coeur... A quoi bon refaire encore et en moins bien ce qui a déjà été fait ?

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Quel plaisir de revoir un film d'HSS qui m'emballe vraiment. Troisième volet de sa trilogie Huppert, le film l'a transforme ici en une soi disant prof de Français (qui en fait n'apprend rien à personne) aux méthodes plus que particulière. L'occasion de déambuler de rencontre en rencontre et se combler sa solitude, décuplée par le dépaysement géographique. C'est drôle de voir l'importance que tient la musique dans ce film : Huppert joue (très mal) de la flûte, et les personnes chez qui elle se rend jouent toutes d'un instrument : piano, puis guitare, puis synthétiseur. Comme si la musique devenait le langage universel, cette langue qu'Huppert n'arrive pas à apprendre et qui permet de créer ce lien entre les êtres. Huppert est parfaite, et HSS ressort enfin sa caméra en extérieur avec générosité, ça fait du bien.

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Je ne pensais pas Ozon capable de faire une merde pareille, sérieusement... On suit cette histoire d'empoisonnement aux champignons avec beaucoup d'indulgence, mais lorsque arrive enfin le point de bascule, on est tiraillé entre la colère, le coussin de la honte, et l'éclat de rire généré par le ridicule de la situation. Comment écrire un scénario aussi pourri, poser des situations aussi grotesques et invraisemblables et faire semblant d'y croire, comment des producteurs peuvent-ils lancer un projet et investir de l'argent, faire travailler des équipes, sur un truc aussi mal torché ? Comment une certaine presse et des spectateurs peuvent-ils ne pas se révolter devant un truc torché de cette manière, qui n'est même pas du niveau d'une V1 de scénario qui serait retoquée chez n'importe qui d'autres. Je m'insurge souvent contre les gens, souvent réac, qui conspuent le cinéma français, disant que c'est de la merdre, etc., mais franchement, comment leur donner tort quand tu vois un film pareil ?

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Suite à un film défectueux hier soir, on s'est retourné à la dernière minute sur ce produit Netflix dont tout le monde parle, l'événement qui a rassemblé plus de 17 millions de spectateurs en seulement 3 jours. On ne s'attendait certes pas à grand chose, mais pas non plus à une merde de ce niveau-là. ça dépasse l'entendement ! C'est un croisement entre les pires productions Besson et un tract de propagande pour le GIGN (ça me semble impensable que l'Etat Français n'ait pas mis d'argent là-dedans tant c'est un film à la gloire du GIGN). Tout est affreusement laid, stupide, mais le pire revient encore au scénario, qui est réduit à l'état d'embryon, mais l'embryon d'un futur débile mental au mieux. Voilà ce que j'appelle le fascisme doux, quand je parle de Netflix, qui te broie complètement le cerveau à force de balancer des merdes pareilles, et qui annihile tout à force de balancer des produits vide de toute substance. Du débit continu, de la merde à la chaine, jusqu'à rendre débile et impassible les millions et millions de spectateurs qui par faiblesse, par fatigue ou par faciliter viennent s'abrutir devant ce genre de daubes. J'ai envie de chialer quand je vois ça. Et même temps c'est très instructif.
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yhi
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groil_groil a écrit : sam. 25 janv. 2025 09:01 Je ne pensais pas Ozon capable de faire une merde pareille, sérieusement...(...) Comment écrire un scénario aussi pourri, poser des situations aussi grotesques et invraisemblables et faire semblant d'y croire
Prix du meilleur scénario à San Sebastian :D

En vrai j'avais trouvé ça mieux ficelé que à quoi je m'attendais. Mais enfin je l'ai déjà oublié cela dit.
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yhi a écrit : sam. 25 janv. 2025 12:46
groil_groil a écrit : sam. 25 janv. 2025 09:01 Je ne pensais pas Ozon capable de faire une merde pareille, sérieusement...(...) Comment écrire un scénario aussi pourri, poser des situations aussi grotesques et invraisemblables et faire semblant d'y croire
Prix du meilleur scénario à San Sebastian :D

En vrai j'avais trouvé ça mieux ficelé que à quoi je m'attendais. Mais enfin je l'ai déjà oublié cela dit.
ça me semble totalement hallucinant et incompréhensible :D bon en même temps ce n'est pas la première fois qu'un Prix de Festival me semble grotesque.
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En soi, ce n'est pas terrible, du sous-Leone potache, mais quel plaisir de revoir ça - pas revu depuis la tendre enfance - avec mes propres enfants et les voir hilares à chaque scène de bagarre. Comme en plus il y a de la bagarre tout le temps, il n'y a à peu près que ça, on a passé un moment génial.

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Un industriel de 40 ans rencontre de manière plus ou moins forcée une bande de jeunes gens turbulents partant en vacances, et va s'éprendre d'une jeune fille de 16 ans. Un pitch qui apparait très problématique, voire impossible aujourd'hui, et qui était monnaie courant à l'époque, d'autant qu'il est traité ici sans le moindre vice et avec beaucoup de naturel : c'est juste une jeune femme. Le film joue d'ailleurs beaucoup sur cette différence d'âge et ce conflit de générations qui bien souvent ne se comprennent pas. Ce qui fait que le film est bon, outre deux acteurs sublimes, Ugo Tognazzi et la jeune Catherine Spaak (tous deux ayant l'âge précis de leurs rôles), et une mise en scène de Salce digne des plus grands films Italiens de l'époque (Le Fanfaron n'est pas loin), outre aussi la beauté de ce qu'on appelle les films de vacances, c'est que c'est la jeune femme qui mène le bal du début à la fin. C'est elle qui décide de tout et qui surtout, mène en bateau complètement ce vieux beau, avec certes beaucoup de tendresse, mais pour finir dans les bras d'un jeune homme de son âge.
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cyborg
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:hello: les petits loups.

Ces derniers temps :

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Film le plus verhoevenien produit par Hollywood depuis le retour en Europe de Verhoeven, Joker est une oeuvre "cheval-de-trois" sidérante, commentant avec acuité son époque. Qui aurait cru que Todd Phillips, jusqu'alors réalisateur de comédies de seconde zone (pardonnez-moi de suite : je n'ai rien vu d'autre de lui, bien sur...) pratique l'entrisme ? Capitalisant sur le genre super-héros, Joker tient pourtant au loin l'univers de Batman (dieu merci), n'y faisant référence que vaguement par le noms de personnages, de lieux ou d'anecdotes secondaires. Que l'on prête attention à ces touches ou non, le film tient pourtant seul sur ses deux jambes. N'y a t'il qu'enrobé d'une franchise qu'Hollywood se permette ce type d'écart ? Dans ce simple fait nous pourrions déjà voir le propos même du film, dissociation de principe entre ce qui est supposé et ce qui est vraiment.

L'autre grande idée du film est bien sur ce personnage qui, ne pouvant pleurer, ri. Ce retournement des sens ressemble presque à un postulat Calvino-esque, suffisamment riche pour se suffire à lui même. Mais, fort heureusement, Phillips déploie cette notion. La figure du fou est ici déplacée de la sphère politique, où elle se situe normalement, vers la sphère intime, s'ouvrant de la sorte à un problème que d'aucun diront "générationnel" mais qui se révèle de plus en plus "civilisationnel" : la santé mentale. Sa réinjection dans un second temps vers la sphère publique ne se fera ainsi pas sans fracas.

Difficile également de ne pas songer à un autre film récent : Beau Is Afraid d'Ari Aster. C'est à se demander ce qu'incarne Joaquim Phoenix aux yeux des réalisateurs désireux d'approcher la question des dérèglements mentaux. Mais si le film d'Aster est plus "malade" dans sa forme, il est peut-être plus "sage" dans son propos - se concluant peu ou prou sur un complexe d'oedipe - tandis que celui de Philips, qui est plus sage dans sa forme (bien qu'assez élégante esthétiquement, lorgnant vers le Scorcese première période) est beaucoup plus noir politiquement et trouble moralement.

On peut bien sur avancer que le film parle de la multiplicité des rôles que nous jouons ou que l'on nous fait jouer, se traduisant cinématographiquement par d'incessants effets de rideaux qui surcadrent, dévoilent ou révèlent, mais aussi par des changements réguliers de costumes (clown, groom, humoriste...). Tout ceci vient, peut-être sans trop de surprise, culminer dans un talk-show tournant au cauchemar, critique à peine cachée et rebattue de notre société du spectacle et des apparences. A l'inverse le film se révèle plus original et audacieux dans sa façon d'aborder la dichotomie entre violence symbolique et violence physique.

Ce point, aussi dur à quantifier qu'à représenter, est assurément l'un des plus grands impensés de notre société. La deuxième scène chez l’assistante sociale, annonçant que les services sociaux ferment car "tout le monde s'en fout" est ainsi la plus sidérante du film. Elle fait raisonner plus fort encore la scène qui la précède, l'assassinat des trois traders dans le métro, dressant un portrait noir mais perspicace des rouages politiques de notre époque. Les slogans "Kill The Rich" qui envahissent alors Gotham se révèlent d'autant plus troublants 5 ans après la sortie du film et quelques mois après l'assassinat de sang-froid du PDG de UnitedHealthCare. Si la fiction n'est pas toujours plus forte que la réalité, peut-être parfois la devance-t-elle juste un peu...



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Barravento - Glauber Rocha - 1962

Quand s'ouvrent les premiers plans, représentant un groupe de pécheur au bord de mer, difficile de ne pas songer à ceux du Stromboli de Rosselini. Si le mélange entre fiction et ethno-documentaire parcourt le film, la comparaison avec le néo-réalisme s'arrête là. Tout le reste de Barravento, premier film de son auteur, est sans doute imparfait et un peu maladroit mais aussi assez plaisant car il annonce tout le cinéma à venir de son auteur.

On y voit déjà la puissance et l'énergie de ses images, ou encore les formes quasi-symboliques de ses personnages qui se rapprocheront peu à peu de figures d'opéras. Plus encore on voit ici déjà la tentation révolutionnaire prendre corps, dans et par le cinéma. Il n'y a qu'un pas entre le personnage principal, de retour dans son village natal après avoir fait fortune en ville et qui tente de semer pataudement la révolte, et Rocha qui cherche encore à affirmer son style et son propos.

Des corps virevoltant la capoeira jusqu’à la difficulté à se situer entre tradition et modernité, le film est porté par une très belle notion d'équilibre. Celle-ci s'incarne même géographiquement dans le lieu ou se déroule toute l'intrigue, fine bande de plage entre l'océan infini (et l'Afrique au delà) et les pleines immenses (jusqu'à la grande ville), l'un et l'autre se révélant aussi dangereux que complexe. A un niveau très personnel, m'intéressant de prêt à ces questions, je trouve incroyable de voir représenter ici la question de la modernité et de sa naissance dans l'utilisation ou non d'un objet aussi simple qu'un filet de pèche (point essentiel du film). Ce qui ne nous semble aujourd'hui, et de loin, n''être qu'un bête ensemble de fils attachés ensemble, pose pourtant déjà de façon essentielle notre rapport à l'outil et au rapport au monde et à la société qu'il contient. Ce propos est ici très bien incarné.


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Prater - Ulrike Ottinger - 2007

Découverte de la réalisatrice Ulrike Ottinger, dont l’œuvre semble aussi prolifique que hors-norme (certains de ses documentaires atteignant les 8 voir 12 heures !). Dans Prater (2h seulement !), Ottinger s'intéresse à l'un des plus vieux parc d'attraction/fête foraine permanente d'Europe, installé à Vienne depuis la fin du XVIIIème siècle. Une comparaison hâtive serait de songer à Frederick Wiseman. Il y a en effet quelque chose de similaire dans la tentative de portraiturer un lieu ou une institution. Mais là ou Wiseman m'a toujours semblé trop sérieux, pour ne pas dire pesant (du moins dans la dernière partie de sa carrière, la seule que je connaisse un petit peu, dans laquelle il semble être devenu le réal officiel des institutions), Ottinger est plus légère et joueuse, faisant passer ses commentaires et son humour par des choix subtiles de montages et de durée. En insérant quelques témoignages face caméra et de nombreuses archives, son film gagne progressivement en densité, passant de la simple représentation d'un lieu de loisir à celle de toute une société et de son évolution à travers les âges. Une réussite.



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The Flat Jungle - Van Der Keuken - 1978

Film méconnu de Van Der Keuken, sa "jungle plate" ne manque pourtant pas d’intérêt. 15 ans avant qu'elle ne soit reconnue comme réserve de biodiversité, Van Der Keuken s'arrête dans la "Waddenzee", cette série de petites iles au nord des Pays-Bas, sur lesquels vos yeux ont peut-être déjà butté en regardant une carte de l'Europe.
Le film s'ouvre sur des animaux marins infimes peuplant la baie et se clos sur les manifestations contre la construction d'une centrale atomique. Passant des existances sous-marine microscopique à l'agitation des atomes, VDK s'intéresse à la vie dans toutes ses dimensions : ce que veut dire habiter un lieu et comment celui-ci s'inscrit dans des dimensions et temporalités longues qui nous échappent, tant vers le passé (les bateaux de pèche évoquant les navires coloniaux) que vers le futur (la modernisation en marche accéléré dont la trainée funeste est ici souvent questionné et même confronté). Si l'ensemble de ces questions nous semblent désormais bien connue, ce n'était sans doute pas le cas lors de la sortie du film (le premier rapport du Club de Rome n'a alors que 5 ans !), plaçant VDK à l'avant garde de l'échiquier politique.
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Je n'ai découvert que très récemment que l'excellent film hollandais L'Homme qui voulait savoir, que Stanley Kubrick qualifiait de "film le plus terrifiant que j'aie jamais vu", avait été l'objet d'un remake américain au début des 90's, et j'ai encore plus halluciné en réalisant que c'était le réalisateur original, George Sluizer, qui s'en était occupé. Des raisons d'être fidèle et de proposer un bon film. Et c'est le cas, c'est une sorte de remake parfait, dans lequel on pense évidemment constamment à l'original, mais qu'on arrive pourtant à oublier également, tant le film qui se déroule sous nos yeux est réussi en tant que tel, et pas seulement comme remake. Le casting est vraiment idéal, et l'idée de génie est de donner le rôle de Donnadieu à Jeff Bridges. Bridges est un acteur habitué aux rôles de gentil, et le voir ici en tueur dérangé est déstabilisant tant il est parfait, crédible et dérangeant. Je n'ai pas vu l'original depuis longtemps, mais l'adaptation m'a semblée fidèle. Le rythme est un peu plus soutenu, disant qu'en gardant toutes ses spécificités et son côté malsain, dérangeant, son rythme est un peu hollywoodien, respectant les canons du genre thriller, et est beaucoup moins atmosphérique, vaporeux, que le souvenir que j'ai de l'original. C'est cependant excellent, et ça m'a donné très envie de revoir l'original.
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sokol
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Comme toujours, les podcast de Begaudeau sont bien plus intéressants lorsqu’il est critique vis à vis du film choisi (cette fois-ci il s’agit du dernier Almodovar).
Deux petites observations :
1. Même s’il n’a pas aimé le film, il a le mérite de l’avoir vu en entier (sa critique est construite autour des 4-5 scènes précises du film)
2. Il répond à ma question posée sur son profile social qui annonçait la préparation du podcast :langue:

"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tyra
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Le problème Desplechin depuis plusieurs années : le mec est un bavard, il court les plateaux, les séances avec présentations, les interviews, pour parler de sa passion du cinéma. Une certaine générosité dans la parole qui le rend toujours agréable à entendre, à défaut d'être toujours pertinent. Le problème, c'est que maintenant, il fait des films pour parler, pour digresser, disserter, gloser à l'infini. La force de son cinéma des débuts, c'était, je crois, une forme d'impénétrabilité, un sècheresse un peu brute qui a peu a peu disparu, jusqu'à ce film là ou des Tromperies.
Autre problème, lié au premier : je pense que Desplechin, à la base n'est pas un théoricien, il ne fait pas du cinéma théorique, du cinéma où l'idée générale du film précède son exécution. Je le vois beaucoup plus comme un instinctif qui théoriserait à près coup. D'où ses films récents où il a tendance à se perdre dans le concept, comme Roubaix, Ismaël, ou Tromperie. Ce n'est pas toujours mauvais, mais ça ne fonctionne jamais pleinement. D'où la réussite, aussi, de Trois souvenirs de ma jeunesse, qui lui a posé problème au montage, ne sachant pas comment assembler ses trois parties, faute d'un concept théorique d'entrée.
Le film m'a forcément fait penser au dernier Carax, en sa défaveur, Carax autre cinéaste instinctif mais plus taiseux, qui tente de penser en image plutôt qu'en paroles.
Voilà, c'est toujours un peu triste de se confronter à la chute d'un cinéaste aimé, ici on cherche en vain un peu de ce qu'on aime dans les maigres parties fictionnelles, ce trio amoureux par exemple où la fille brune inverse les rapports de séduction pour précipiter sa copine blonde dans les bras du copain convoité. C'est une belle scène, mais ça fait peu. D'ailleurs une des rares scènes qui ne parle pas de cinéma.
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Tyra
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Double nouveautés d'Aardman avec le petit :
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Le film qui te fait réaliser que depuis le début, Wallace est un sacré con et qu'il mène la vie dure à son chien en mal d'amour, et que ses inventions, en plus de créer la pagaille, sont toujours synonymes de distance et de rejet pour Gromit. Une vraie relation toxique. :D
Le film est pas mal, inventif comme toujours, mais un peu mécanique, il manque une petite âme, celle qui vibrait dans le parfait Un Mauvais pantalon, le meilleur de la série (qui fonctionne peut être mieux en moyen métrage).

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Les aventures loufoques de personnages en patte à modeler dans un atelier d'artiste, où les objets du quotidien deviennent pour nos petits personnages source de récits et de gags. A l'origine ils apparaissent dans de petits épisodes d'une ou deux minutes pour la télévision, ici ils sortent au cinéma dans une compilation de 8 épisodes plus longs, de niveaux assez égaux, très inventifs, drôle (plus que le Wallace et Gromit je trouve), et adapté à tous âges, mêmes adultes. Du pur cartoon, burlesque, comme on en voyait beaucoup plus souvent à l'époque du cinéma muet et des tex-Avery. Un bon moment de partage avec mon fils au cinéma.
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https://www.telerama.fr/cinema/karla-so ... 1738409178

où on comprend mieux pourquoi dans le film elle devient blonde aux yeux bleues (je suis quasiment sur que ce n'était pas seulement le choix de Audiard mais surtout d'elle même) :

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"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit : mar. 4 févr. 2025 17:10 https://www.telerama.fr/cinema/karla-so ... 1738409178

où on comprend mieux pourquoi dans le film elle devient blonde aux yeux bleues (je suis quasiment sur que ce n'était pas seulement le choix de Audiard mais surtout d'elle même) :

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C'est quand même a mourir de rire que ce film ait été porté aux nues à L.A comme porte étendard anti-Trump, tout ça pour se rendre compte que l'actrice trans est aussi conservatrice, raciste etc que Trump. Evidemment, à aucun moment il aurait été question de cinéma.
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Tamponn Destartinn a écrit : mar. 4 févr. 2025 17:28 C'est quand même a mourir de rire que ce film ait été porté aux nues à L.A comme porte étendard anti-Trump, tout ça pour se rendre compte que l'actrice trans est aussi conservatrice, raciste etc que Trump. Évidemment, à aucun moment il aurait été question de cinéma.
Oui, c'est très drôle tout ça. Et comme tu dis, ce n'est jamais question de cinéma : quand les mexicains, mécontents, quittaient les salles du cinéma en pleine projection d'"Emilia Perez", ils s'en foutaient. Maintenant, le même monde, Netflix en tête, s'agite dans tous les sens.
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groil_groil a écrit : mer. 23 oct. 2024 15:11 oui il raconte la vérité, mais tu ne sais rien de cette vérité et tu ne sais pas où ça le conduit de dire la vérité. Vers quelque chose de pire ou de mieux ?
:hello:
Puisque maintenant j'ai vu le film :
en disant la vérité, Souleymane n'a aucune chance d'obtenir une réponse positive de la part d'OFPRA car, les raisons économiques (Soulaymane voudrait aider financièrement sa mère malade mentale) sont catégoriquement exclut du droit d"asile. Faire ça à la fin du film c'est une honte de la part de ce cinéaste car, je suis sur et certain qu'il sait comment ça fonctionne. Du coup, à la fin, il laisse son héros comme une merde à la sortie du bâtiment de l'OFPRA, tout en espérant que des spectateurs non informés concernant le fonctionnement du droit d'asile vont croire que, en disant la vérité, Souleymane a ouvert une possibilité de rester en France. Or, c'est tout le contraire !!
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groil_groil a écrit : sam. 25 janv. 2025 09:01 Je ne pensais pas Ozon capable de faire une merde pareille, sérieusement... On suit cette histoire d'empoisonnement aux champignons avec beaucoup d'indulgence, mais lorsque arrive enfin le point de bascule, on est tiraillé entre la colère, le coussin de la honte, et l'éclat de rire généré par le ridicule de la situation. Comment écrire un scénario aussi pourri, poser des situations aussi grotesques et invraisemblables et faire semblant d'y croire, comment des producteurs peuvent-ils lancer un projet et investir de l'argent, faire travailler des équipes, sur un truc aussi mal torché ? Comment une certaine presse et des spectateurs peuvent-ils ne pas se révolter devant un truc torché de cette manière, qui n'est même pas du niveau d'une V1 de scénario qui serait retoquée chez n'importe qui d'autres. Je m'insurge souvent contre les gens, souvent réac, qui conspuent le cinéma français, disant que c'est de la merdre, etc., mais franchement, comment leur donner tort quand tu vois un film pareil ?
Qu'ajouter à tout ça ? :hehe:
Ce qui est déprimant, c'est que le film tape facilement les plus de 600 000 entrées, car Ozon a toujours un public fidèle (en grande partie retraité, le vieillissement des spectateurs est un vrai problème pour la vitalité du cinéma), il a ses financements, ses petites recettes, ici c'est encore plus fainéant que d'habitude, mais si ça marche, pourquoi se fouler ?
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Un jeune ingénieur français résidant à Berlin revient quelques jours dans son village pour vendre un terrain suite à la mort de son père. Il y retrouve sa mère, des anciens amis, une ex-petite amie. Il découvre aussi qu'une usine d'extraction de matières premières située à proximité pollue les eaux de la région, et commence à mener une enquête. Fario, nom des poissons qui évoluent dans ces eaux contaminées, aurait pu être un Erin Brokovich à la française. Mais la jeune cinéaste Lucie Prost prend le contre-pied, offrant un film d'auteur atmosphérique et mystérieux plutôt réussi, mais qui laisse tout de même sur sa faim en terme de résolution d'enquête, comme si la promesse n'était pas complètement tenue.

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Le nouveau Desplechin est pas mal moqué, mais perso je l'ai beaucoup aimé. Alors certes, ce n'est pas obligé de le voir en salle et un passage sur arte aurait peut-être suffit, mais le fait que ce soit un film sur son amour du cinéma justifie la salle in fine. C'est un film à la première personne, mélange de documentaire, de souvenirs personnels et de fiction reconstituée d'après des souvenirs persos. C'est un film bancal et fragile mais sa sincérité m'a bouleversé. L'amour du cinéma de Desplechin est le même que celui de Truffaut jadis et je crois que c'est pour cela qu'on a toujours dit que Desplechin est un cinéaste truffaldien. Le film est très touchant donc, et puis, d'un coup, il devient bouleversant. C'est le moment où le cinéaste découvre Shoah. Le film de Lanzmann le bouleverse tant qu'il change sa vie, et lui donne une âme juive (même s'il ne l'a jamais été). C'est d'ailleurs un moment important de Comment je me suis disputé, quand le frère de Paul Dedalus, comme par hasard joué par le frère de Desplechin himself, se réveille un beau matin persuadé qu'il est devenu juif pratiquant. Bref, Desplechin se prend la claque du siècle en découvrant Shoah. Il en est tant bouleversé qu'il en pleure, comme chacun de nous, mais surtout la vision de ce film le paralyse, il est incapable de mettre des mots sur ce qu'il a vu. Il est tétanisé. Il n'arrive à s'en sortir qu'en lisant le texte d'une historienne israélienne parlant si bien du film de Lanzmann qu'elle couche sur papier les pensées que Desplechin n'arrivait pas à formaliser. Et ce qu'il y a d'absolument bouleversant dans Spectateurs !, c'est que Desplechin fait le voyage jusqu'à Tel Aviv pour rencontrer cette historienne plus de 30 ans plus tard, et lui expliquer combien ce texte a changé sa vie et a fait qu'il est devenu cinéaste. Cet échange est un des plus beaux moments de cinéma vus depuis longtemps et rien que pour cela Spectateurs ! mérite d'être vu et loué.

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Evidemment on a tous envie de revoir des films de Lynch en ce moment, inconsolables que nous sommes. Je connais bien Elephant Man, c'est l'un de ses seuls films classiques, mais je n'en suis pas moins bouleversé à chaque fois que je le revois. Je ne parle même pas du fond du film, ni des acteurs, qui sont déjà hallucinants en soi, mais de la maitrise de mise en scène de Lynch qui n'en est pourtant qu'à son second film, et du délire de voir Mel Brooks, alors producteur, lui confier les rennes d'un si gros budget alors qu'il n'a que l'expérimental Eraserhead à son actif. Et, chose qu'on oublie car on garde surtout en souvenir la facture classique de l'ensemble, c'est de constater combien c'est quand même un vrai grand film de Lynch dans ses interstices, combien il s'adone à des plans contemplatifs et / ou expérimentaux entre les séquences ou dans les séquences de rêves qui sont assez nombreuses dans le film. C'est certes une parenthèse dans sa filmographie, mais ça reste, malgré la commande, un film incroyablement personnel; et bien évidemment une grande réussite.

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N'y allons pas par quatre chemins : c'est l'un des plus beaux films du grand Guédiguian, cinéaste important à mes yeux, l'un des rares aujourd'hui à ne pas faire de films pour épater la galerie sur le coup mais dont chaque film est une pierre et dont l'oeuvre est la maison. Guédiguian a ceci de pasolinien chez lui : un grand cinéaste est celui qui fait le même film toute sa vie, disait le Romain, et Guédiguian c'est ça, d'infimes variations de l'intime pour générer une oeuvre grande comme une maison, accueillante et pleine de pièces secrètes et de recoins cachés. La Pie Voleuse est l'un de ses plus beaux films car l'un des plus émouvants et des plus politiques en même temps, et l'équilibre entre les deux est parfaitement maitrisé. Ce film a l'élégance de paraitre simple, et pourtant sa structure, sa construction et son ambition de mise en scène (il n'a je crois jamais aussi bien filmé Marseille que dans cet opus-ci) sont absolument dingues, m'ayant rappelé aussi bien la gestion de l'émotion contenue d'un Ozu que le lyrisme décalé d'un Demy. Premier chef-d'oeuvre de l'année !

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Comment peut-on imaginer deux secondes imaginer consacrer un film sur un.e artiste dans avoir au préalable obtenu le droit de représenter les œuvres de l'artiste en question à l'écran ? C'est ce qui arrive pourtant ici à la pauvre Céline Salette qui foire complètement son film, même si elle se donne du mal, à force de ne jamais pouvoir montrer. Ce qui est particulièrement ridicule car il y a des dizaines de scènes dans l'atelier de Niki, et toutes les toiles, il y en a des dizaines, sont retournées face contre mur. C'en est ridicule. Sans parler du fait que le film est dialogué, interprété et décoré comme un film de 2024 et que jamais le spectateur ne peut croire que ce qu'il voit se déroule dans les années 50.

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Revu le chef-d'oeuvre de Molinaro, merveille de film noir, qui enterre tous les films américains de l'époque. Le film est tellement beau et magnifiquement mise en scène qu'il n'a même quasiment plus de dialogues. Pas besoin de bavardages, c'est la mise en scène qui raconte. Tout est sublime dans ce chef-d'oeuvre !

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Une Iranienne dispute les Championnats du monde de Judo. Elle se qualifie, passe les tours, mais son entraineuse reçoit l'ordre de lui faire abandonner la compétition, car il est possible qu'elle rencontre une Israélienne en demi finale et le gouvernement iranien s'y oppose formellement. Mais la judoka s'y oppose et souhaite continuer la compétition. Je ne pensais pas aimer ce film mais il m'a finalement conquis. Pourtant tout ou presque se déroule en intérieur, c'est un film iranien qui n'en est pas vraiment un, mais on imagine bien qu'il est impossible de tourner un sujet pareil en Iran, mais les deux cinéastes m'ont finalement conquis et tiennent leur film jusqu'au bout, dans une tension permanente et un final réussi.

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Deux soeurs jumelles, toutes deux interprétées par la sublime Dolores Del Rio. L'une, manucure modeste et discrète, assassine l'autre, riche bourgeoise fortunée récemment veuve, afin de prendre sa place et d'empocher l'héritage, et le train de vie. Mais évidemment rien ne se passe comme prévu, et l'enfer ouvre doucement mais surement ses portes. Attention claque du mois, et plus grosse découverte d'un cinéaste depuis plusieurs années : Roberto Gavaldon, cinéaste mexicain, dont je vais me plonger dans l'oeuvre après la découverte de cette merveille absolue, dont le titre original, L'Otra, laisse encore mieux entendre le thème du double, l'un des plus fascinants de l'histoire du cinéma, ce n'est pas Hitchcock, Polanski ou De Palma qui diront le contraire. Ce film est aussi une merveille de mise en scène, un joyau total au niveau des grands maitres d'Hollywood, une sorte de croisement parfait entre Mankiewicz et Buñuel.
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groil_groil a écrit : sam. 8 févr. 2025 10:33
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Le nouveau Desplechin est pas mal moqué, mais perso je l'ai beaucoup aimé. Alors certes, ce n'est pas obligé de le voir en salle et un passage sur arte aurait peut-être suffit, mais le fait que ce soit un film sur son amour du cinéma justifie la salle in fine. C'est un film à la première personne, mélange de documentaire, de souvenirs personnels et de fiction reconstituée d'après des souvenirs persos. C'est un film bancal et fragile mais sa sincérité m'a bouleversé. L'amour du cinéma de Desplechin est le même que celui de Truffaut jadis et je crois que c'est pour cela qu'on a toujours dit que Desplechin est un cinéaste truffaldien. Le film est très touchant donc, et puis, d'un coup, il devient bouleversant. C'est le moment où le cinéaste découvre Shoah. Le film de Lanzmann le bouleverse tant qu'il change sa vie, et lui donne une âme juive (même s'il ne l'a jamais été). C'est d'ailleurs un moment important de Comment je me suis disputé, quand le frère de Paul Dedalus, comme par hasard joué par le frère de Desplechin himself, se réveille un beau matin persuadé qu'il est devenu juif pratiquant. Bref, Desplechin se prend la claque du siècle en découvrant Shoah. Il en est tant bouleversé qu'il en pleure, comme chacun de nous, mais surtout la vision de ce film le paralyse, il est incapable de mettre des mots sur ce qu'il a vu. Il est tétanisé. Il n'arrive à s'en sortir qu'en lisant le texte d'une historienne israélienne parlant si bien du film de Lanzmann qu'elle couche sur papier les pensées que Desplechin n'arrivait pas à formaliser. Et ce qu'il y a d'absolument bouleversant dans Spectateurs !, c'est que Desplechin fait le voyage jusqu'à Tel Aviv pour rencontrer cette historienne plus de 30 ans plus tard, et lui expliquer combien ce texte a changé sa vie et a fait qu'il est devenu cinéaste. Cet échange est un des plus beaux moments de cinéma vus depuis longtemps et rien que pour cela Spectateurs ! mérite d'être vu et loué.

Mince, j'aurai du l'écrire avant pour le prouver, mais j'étais sûr que c'était la partie sur Shoah qui te rendait le film sympathique.
Je reconnais que c'est la meilleure partie d'ailleurs. Avec toutes les scènes de Paul Dedalus jeune (j'ai beau ne plus aimer ce que fait Desplechin depuis 15 ans, dès qu'il fait du Paul Dedalus ça remarche comme par magie). Mais je trouve tout le reste trop raté pour voir le verre à moitié plein comme toi.


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HSS, une année avec une année sans.
Je fais ça depuis le covid, je crois : je vais voir les HSS au cinéma une année sur deux. J'ai peut-être fait une connerie concernant l'an dernier, car ses deux films ont été particulièrement célébrés, mais tant pis : 2025, j'y retourne. Huppert avait déjà fait deux films avec HSS. Un avec, un sans : le 1er de 2012 est un de ses meilleurs, le 2nd un de ceux qui m'ont lassé. Ce troisième est... typique des HSS du milieu ! En gros, ce film est très pratique pour faire mon top de l'année : tout film qui sera au dessus vaut le coup d'être vu, tout film qui sera en dessous ne mérite pas le déplacement. C'est un mètre étalon parfait.
Voila. Sinon, que dire sur le film lui-même... J'aime bien quand HSS fait des variations de la même scène dans le même film. Surtout qu'ici, cela permet de créer de l'ironie dramatique concernant le point central du film : le personnage d'Huppert, trouble, car difficile de cerner son cynisme ou non quant à sa méthode d'enseignement et sa façon d'utiliser ces coréens qui gravitent autour d'elle. Dès qu'il y a une répétition dans ses citations, une impression de routine, le soupçon de l'escroquerie surgit. Seuls nous spectateurs pouvons le voir, car seuls nous avons accès à cette répétition (avec Huppert, donc). Mais HSS a l'intelligence de ne jamais trancher, de rester dans l'entre deux. J'aime bien.

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Soyons clair : je suis quasi sûr, à 90%, que Soderbergh a eu l'idée de faire ce film en se cherchant une nouvelle maison et découvrant alors les visites virtuelles régulièrement proposées par les agences immobilières, où on va de pièce en pièce avec une caméra en grand angle. Pouf, révélation : ça a un cachet de fou, et voila comment il en vient à faire un film de fantôme, filmé exclusivement du point de vue du dit fantôme, toujours en plan séquence et avec cette même caméra grand angle. Le fait est que c'est une excellente idée qui rend très bien ! Dans le genre simple mais il fallait y penser, Soderbergh a fait fort sur ce coup-là. Après, la question est de savoir ce qu'on raconte avec cette idée. Fait rare : l'affiche met autant en avant le nom du réal que celui du scénariste. David Koepp, qui a écrit pour Spielberg (les deux premiers Jurassic Park + La guerre des mondes + Indiana Jones... 4) ou pour DePalma (Mission Impossible et Snake Eyes), ainsi que deux ou trois autres trucs chouettes... Mais aussi pas mal de merdres, et à vrai dire de plus en plus quand on avance dans le temps ! Donc David, il est bien sympathique, mais putaing les dialogues sont d'un lourd dans Présence ! Et tout cela pour aboutir à un climax un peu foirax à mon humble avis... Après, on peut saluer que le film se tient de bout en bout avec son concept de mise en scène et que c'est déjà un exploit visuel ET narratif. Mais je trouve tout de même qu'il y a un rendez vous manqué avec un film qui aurait pu être bien plus grand.
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"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Je sens venir le film bien réac, Ozon oblige.
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Tyra
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Fabrice Luchini en Meursault, obligé. :bave:

Je me rends compte que je n'ai pas vu cette adaptation de Visconti d'ailleurs.
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