Le Centre de Visionnage : Films et débats

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sokol
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groil_groil a écrit : lun. 3 mars 2025 15:53
yhi a écrit : lun. 3 mars 2025 15:48 Shanelec a fait Music depuis.
Pas vu j'étais a la maison mais... Mais ça me laisse de marbre globalement.
ah oui, passé relativement inaperçu non ?
:hello:
Je viens de découvrir que “Music” est sur Arte Replay :

https://www.arte.tv/fr/videos/104893-00 ... 4893-000-A

Ainsi qu’un autre film d’elle : Le bonheur de ma soeur
https://www.arte.tv/fr/videos/124432-00 ... 4432-000-A
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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Non sans surprise, la référence stylistique principale des "Graines du Figuier" semble être le cinéma américain. Son sens du thriller et du suspense, ses références, ses images au format panoramique, son utilisation de la musique, tout semble tendre vers un cinéma de calibre international, immédiatement appréhendable par le plus grand monde - peut-être une façon inconsciente de permettre une existence à une œuvre qui ne pourra être vu en son propre pays.

L'ouverture du film, particulièrement lourde, se construit autour de dialogues informatifs et didactiques faisant craindre le syndrome Asghar Farhadi, dont le cinéma retors impose des questionnement moraux impossibles à ses spectateurs. Alors qu'on ne sait si les choix de mise en scène très réduits sont assumés ou subis (pour cause de tournage clandestin), le film trouve son équilibre en resserrant précisément sa narration sur la cellule familiale que nous avons sous les yeux. Alors que toute la première partie du film s'engage vers le corps social, que le réalisateur ne peut traiter que par la marge (les images des réseaux sociaux) ou par le symbole grandiloquent (l'éprouvante scène de retrait des chevrotines d'une jeune femme instantanément transformée en martyr), Rasoulof fait le choix opportun de se concentrer par la suite sur le corps intime.

Cette intimité du corps est repoussé dans son retranchement le plus précis puisque le nœud du film repose sur la disparition d'un pistolet, arme qu'il nous faut lire comme symbole phallique par excellence, avec tout l'imaginaire masculin et viriliste qu'il véhicule. L'histoire du film n'est donc pas "qui a volé mon pistolet ?", mais "qui à volé ma bite ?", et plus encore : quelle femme qui m'entoure m'a castré et s'en est approprié le pouvoir sous-jacent, me faisant sombrer dans la folie ? SI les slogans de la rue hurlent "Fin à la théocratie" c'est ainsi plus encore "Fin à la phallocratie" qu'il nous faut entendre. La suite du film prolonge cette métaphore : que fait-on quand on à un problème avec son sexe ? On suit une thérapie, bien évidemment. Une méthode adopté par le père, sous une forme quelque peu édulcorée visant à faire disparaitre presque entièrement les sensations des interrogées, plaçant définitivement l'enjeu corporel au cœur du film.

Le film gagne encore en ardeur quand le père fini par se faire prêter un pistolet par son collègue de bureau. Le problème n'est pas alors se faire "prêter la bite d'un autre" mais de se retrouver, virtuellement, avec une "double bite". Situation de rupture, le film se retourne alors complètement et sombre dans la folie. De l'étouffant appartement nous traversons désormais l'immensité ouverte des (magnifiques) montagnes iraniennes. Le film lui-même adopte des approches et modèles on ne peut plus masculin, passant du western-duel à la chasse en passant par le film de séquestration, transformant le gentil père de famille en bourreau tortionnaire. Le film se résoudra d'une part par la sororité mais également par l'action de la plus jeune des générations (la petite sœur) en qui le réalisateur semble placer discrètement tous ses espoirs depuis le début du film. Au jeune âge de l'héroïne répond celui ancestral du village fantôme où se clôt l'intrigue. Devenu labyrinthe aride, ce sont les constructions d'un passé devenu présent mortifère qui finiront par engloutir le patriarche et tout ce qu'il représente. Quoi de plus logique que la mort du père pour un film ayant fait de la castration son centre de gravité ?
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sokol
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sokol a écrit : sam. 19 avr. 2025 21:00
:hello:
Je viens de découvrir que “Music” est sur Arte Replay :

https://www.arte.tv/fr/videos/104893-00 ... 4893-000-A

Ainsi qu’un autre film d’elle : Le bonheur de ma soeur
https://www.arte.tv/fr/videos/124432-00 ... 4432-000-A
Je me permets de me citer, mais ayant vu ces deux films durant ce long week-end pluvieux, je voulais en dire quelques mots :

Music :

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Je ne comprends pas vraiment pourquoi ce film est passé si inaperçu, mais peu importe : je l'ai beaucoup aimé. Il n'y a quasiment aucun compromis chez Schanelec (chapeau, madame !), à l'exception de quelques facilités scénaristiques, comme l’utilisation d’un coup de fil pour que la femme de notre héros apprenne la mort d’un ami, tué auparavant justement par son mari.

Un des films les plus elliptiques qu’il m’ait été donné de voir. C’est toujours délicat avec ce procédé, car si la mise en scène "à petite échelle" est très bressonienne, la "grande", elle, reste profondément antonionienne. Or, marier les deux est une tâche sacrément difficile.

Au final, la forme du film évoque celle de la musique sérielle (dont il est d’ailleurs question dans le récit, en plus !). Mais justement : si le cinéma entretient un lien évident avec la musique — dans sa temporalité, notamment —, peut-on pour autant considérer la musique sérielle comme une vraie référence ? Schanelec a tenté l’expérience, et s’en sort, dans une large mesure, admirablement bien.

8.0

ps: J’avais quelque peu perdu cette cinéaste de vue, mais il me semble que le principal mérite de Schanelec réside précisément dans sa capacité à ne pas tomber dans ce que j’appellerais, "le travers de Naomi Kawase" : celui de faire des films pour le simple fait d’en faire, sans véritable nécessité intérieure
Modifié en dernier par sokol le mar. 22 avr. 2025 13:55, modifié 1 fois.
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Jean-Marie Straub
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groil_groil a écrit : lun. 8 mars 2021 10:36

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Le Chemin Rêvé, Angela Shanelec.

Comme souvent avec Schanelec il y a quelques fulgurances au milieu d'un film froid, abscons, et parfois difficile à suivre tant la narration est décousue.
:hello: Il était sorti au cinéma celui-ci ? Car tu l'as vu en 2021 or, selon allo, il est sorti en 2022, merci
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Coconut Head Generation - Alain Kassanda - 2024

Du cinéma comme objet politique, du cinéma comme agora : en filmant un ciné-club hebdomadaire se déroulant à Ibadan, plus vieille université du Nigeria, Kassanda s'intéresse non pas directement aux idées que peuvent véhiculer les films, mais à la parole qui les entoure. Il est donc question d'accompagnement : tout image à besoin d'une légende pour lui donner un sens, et ici d'un débat pour en élargir la portée. Y sont projetés des classiques (Les statues meurent aussi), mais aussi des films moins connus par chez nous (de Med Hondo, par exemple) ou encore des entretiens politiques (Angela Davis), dans une programmation se voulant proche des problématiques contemporaines : droits des femmes, reconnaissance des minorités etc... Peu à peu les corps que l'on voyait assis devant un écran deviennent des corps manifestant debout dans la rue, réagissant aux scandales - notamment liés aux misérables conditions universitaires - de la société nigériane. Coconut Head Generation est ainsi l'illustration parfaite du protocole militant, avancée d'un matérialisme passant de l'abstraction de l'art vers l'action directe.


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Prisonniers de la terre - Mario Soffici - 1948

Aliénation de la terre -et des racines- dans ce drame argentin dans lequel l'élément liquide joue néanmoins un rôle important, qu'on y circule sur une rivière coincé sur un bateau ou qu'on s'y noie dans l'alcool (ou tout court, d'ailleurs). Solide ou fluide le milieu est ici indéniablement désespéré. La fuite est impossible et celle du scénario non plus : les personnages et leurs trajectoires restent de la sorte un peu trop archétypiques pour pleinement convaincre, tandis que les problématiques semblent survolées. Ce qui est présenté comme un des meilleurs films argentin de l'histoire peine donc à convaincre.


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Van der Keuken, immense documentariste est également grand penseur des images. Aussi sait-il la tâche extrêmement ardue, pour ne pas dire impossible, pour un réalisateur européen d'éviter l'exotisation en allant filmer l'Inde. Tout son film semble même construit autour de cette interrogation, de cette limite et sa place de réalisateur. Si le titre du film fait référence à une fable locale, qui nous est d'ailleurs répété par deux fois - en ouverture puis en 3/4 du film - elle correspond aussi au geste du réalisateur, l'oeil étant la caméra et le puits l'immensité de la culture indienne.

Le film s'ouvre sur de très nombreux plans de pas, de foule de pieds : VDK recherche le sol, ou plutôt la base de ce sur quoi repose la société locale. Sachant qu'il ne peut filmer directement ce qui deviendrait immédiatement "du folklore" pour son spectateur, VDK va plutôt en chercher les endroits de transmissions et de continuations : moments d'apprentissages, de répétitions, de discussions, d'éducations constituent ainsi l'essentiel du film. Le film repose ainsi sur une question essentielle : comment la tradition reste vivante et non pas représentation déconnecté d'elle-même, un simulacre. Il n'y a qu'en cette entre-deux (entre corps, entre esprit, entre génération) que peut se tenir VDK.

En plein coeur de son film va d'ailleurs filmer une séance de cinéma, lui permettant, par un adroit jeu de mise en scène, de faire coïncider les images fictionnelles de la projection avec les siennes. Seulement ensuite, pour quelques instants, semble-t-il capable d'aller filmer au premier degré ce qui l'entoure et certaines cérémonies, comme envouté malgré lui par son propre médium et le rapport au monde qu'il induit. Mais vite le flot de la ville et de la vie, irrépressible, finit par déborder la mise-en scène. Quand le film se clôt sur un temps d'apprentissage d'un chant traditionnel (mystique ?) le message est clair : notre enchantement de spectateur est faux et ne constituera toujours qu'une compréhension superficielle de cette culture millénaire.
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sokol a écrit : mar. 22 avr. 2025 12:44
groil_groil a écrit : lun. 8 mars 2021 10:36

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Le Chemin Rêvé, Angela Shanelec.

Comme souvent avec Schanelec il y a quelques fulgurances au milieu d'un film froid, abscons, et parfois difficile à suivre tant la narration est décousue.
:hello: Il était sorti au cinéma celui-ci ? Car tu l'as vu en 2021 or, selon allo, il est sorti en 2022, merci
:hello: Je crois que je l'avais vu sur arte.
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sokol a écrit : sam. 19 avr. 2025 21:00
groil_groil a écrit : lun. 3 mars 2025 15:53
yhi a écrit : lun. 3 mars 2025 15:48 Shanelec a fait Music depuis.
Pas vu j'étais a la maison mais... Mais ça me laisse de marbre globalement.
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groil_groil a écrit : dim. 27 avr. 2025 06:46
sokol a écrit : sam. 19 avr. 2025 21:00
groil_groil a écrit : lun. 3 mars 2025 15:53

ah oui, passé relativement inaperçu non ?
:hello:
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6h46 c'est ce que tu appelles une grasse matinée le dimanche ? :D
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Kit a écrit : dim. 27 avr. 2025 18:02
groil_groil a écrit : dim. 27 avr. 2025 06:46
sokol a écrit : sam. 19 avr. 2025 21:00

:hello:
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Ainsi qu’un autre film d’elle : Le bonheur de ma soeur
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Abominable navet. Je ne l'avais pas revu depuis la tendre enfance, et je me souvenais surtout de l'extraordinaire musique de De Roubaix, une de ses plus belles, étrangement électronique pour un film se déroulant dans les années 30, mais putain, hormis la musique, le film est nullissime, un calvaire.

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Le film est magnifique dans ses thématiques, ses situations et ses obsessions, tout ce qui touche au deuil est absolument admirable, pertinent et dérangeant, mais le souci du dernier Cronenberg est son scénario, voire même son histoire de manière plus large. Cronenberg n'en a rien à foutre et ne sait pas quoi faire avec, il botte en touche mais entraine souvent aussi le spectateur en dehors du terrain de jeu. Heureusement que certaines obsessions visuelles et mentales viennent réveiller et agiter nos consciences, mais ça reste un petit Cronenberg (tout petit 6/10).
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Je ne pensais pas dire un jour quelque chose de positif concernant Franck Dubosc, mais son film est une réussite modeste et absolument pas prétentieuse, un polar noir et comique à la fois qui se tient très bien tout du long, qui évoque, sans jamais pourtant vouloir oser s'y comparer, une ambiance à la Fargo et qui relève grandement le niveau des comédies françaises populaires.
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Le bonheur de ma sœur - Angela Shanelec

J'avais déjà vu des Shanelec il y a fort longtemps, et mon souvenir prend la forme de films beaucoup plus secs que celui-ci. Enfin pas que "Le bonheur de ma soeur" soit particulièrement baroque mais on sent qu'il s'agit d'un premier film et que son style n'est pas encore tout à fait là : elle continuera à beaucoup dégrossir son approche. En l'état on dirait une sorte de lointaine nouvelle vague (le trio amoureux) mélangé à du Haneke, ou pour moins éxagérer, à une certaine austérité allemande supposé. Le film est mené finement, ce qui le rend regardable, même si l'on peine à y trouver un véritable intérêt. Celui-ci repose peut-être en sa lecture métaphorique : et si les deux (demis) sœurs entre lesquelles le type ne peut se résoudre à choisir étaient l'Allemagne de l'Ouest et de l'Est, alors fraichement réunis à l'époque du tournage (le film date de 1995) ?

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La première chose à comprendre pour bien appréhender Tardes de Soledad est qu'il s'agit d'un documentaire et non pas d'une fiction. C'est une première pour Serra et ce n'est pas rien. Il fait le choix de traiter son documentaire par une approche plastique : le film déborde de recherches visuelles composées de formes, de matières, de couleurs, tendant parfois vers l'abstraction. Là aussi la chose est surprenante car si Serra à pu -à tort- être classé comme cinéaste sensoriel, il n'a jamais été un réalisateur "de la belle image". Serra à pourtant trempé dans le champs des arts plastiques (à la biennale de Venise par exemple, entre autre) mais il prenait alors ses images par un tout autre angle en explosant la structure même du cinéma : des installations multi-écrans et des dizaines d'heures de films.

Pour l'observateur de la trajectoire de Serra que je suis, Tardes est donc particulièrement surprenant. On comprends néanmoins très vite les points ayant attiré le réalisateur à son dernier sujet. D"une part la question du territoire : si la première partie de sa carrière était composée de films d'errances (Honor..., Le Chant..., Histoire de ma Mort...) il a depuis longtemps retourné la chose en faisant des films statiques, pour le pire (Louis XIV, Liberté (au secours !) ou le meilleur (Pacifiction). Il est ici aussi question de terrain et de piétinement, dans l'espace de l'arène devenu opéra, dans ce "sur scène" et ce hors-champ qui l'entoure et nous apparait ponctuellement. L'autre fil rouge du travail de Serra est celui du costume (tient, on ne voit que ça sur l'affiche) et du rôle que l'on endosse/qu'il nous fait endosser : dans un cadre fictionnel (le Quichotte), mythologique (les rois mages), historique (Louis XIV) mais aussi, nous le savons désormais, contemporain et politique (Magimel dans Pacifiction). Ici tout se conjugue puisque la corrida est extrêmement codifiée et repose en grande partie sur son décorum et ses tenues intemporels et pourtant totalement inscrites au présent.

Par la somme de ces éléments on comprend à peu près pourquoi Serra en est venu à faire un film expérimental de deux heures sur l'un des sujets contemporains les plus clivants qui soient. Une fois ce point atteint : quid ? Que nous ayons à faire à un documentaire empêche de repousser le film d'emblée : il n'y a en effet pas de mauvais sujet "en soi". Dans ce curieux mélange entre "vie animale" et "tradition" je n'ai ainsi pu m’empêcher de songer au Cochon d'Eustache, lui aussi film éprouvant et, à mon sens, innommable (je n'ai pas tenu plus de quelques minutes, et pourtant je ne suis pas végétarien) : aurait-il fallu ne pas filmer la scène ? J'en doute.

L'auteur semble dire en interview que ce qui l'intéresse ici est le pur geste cinématographique et qu'il ne se positionne ni pour ni contre la corrida. D'une façon assez extraordinaire, et je ne sais pas tout à fait comment cela est possible, c'est exactement ce qu'il parvient à faire. Au sens où ceux qui vont voir le film en détestant la corrida la détesteront encore plus et (sans doute) inversement. Je ne m’attarderai pas sur le fait que, d'expérience, toute œuvre qui se revendique ouvertement comme apolitique ait une certaine tendance à mystérieusement se positionner dans un certain champs conservateur, voir réactionnaire. Mais je m'égare... Si je prends un instant pour analyser les vibrations émanants de mes entrailles après deux heures de film, j'ai sincèrement du mal à imaginer une seule seconde que Serra glorifie ici la corrida. Il n'y à peu près rien pour la sauver, la souffrance animale n'est pas dissimulé, le type se fait piétiner et encorner plusieurs fois, tout le hors-champs et les assistants du torero passent ouvertement comme des types horribles, machos et vulgaires à crever. Enfin, cette mise en scène traditionnelle et symbolique de la confrontation entre "l'homme et la nature", qui se conduit irrémédiablement vers la mort scriptée d'un des deux parties, répété à l'infini ad nauséam (et le film semble s'y concentrer de plus en plus, il faudrait regarder l'évolution des temps d'images entre le "hors-combat" et les mises à mort au fil du film), ne peut, je crois, que provoquer l'épuisement et le dégout total.

Tout ceci étant dit, il n'est pas moins indéniable que Serra réalise un film sur le mode de la fascination. Et si il n'est pas fasciné par la corrida, par quoi l'est-il ? Par le toréador, bien sur. Par la place qu'il occupe, sa position de prince et la petite cour grouillante qui l'entoure, et à peine plus loin encore par la plèbe qui exulte (que l'on ne voit strictement jamais mais dont Serra exagère à outrance les émotions (cris, huées, sifflets) pour renforcer la grandiloquence du moment vécu - il se sert de la musique (tendance opéra) de la même manière, mais ce serait un autre point à aborder). Mais fasciné il l'est plus encore par l'homme qui est le toréador. Je suis prêt à mettre ma main à couper que Serra est amoureux transi de Manuel Lara mais qu'il est pleinement conscient de l'impossibilité radicale de toute romance, impossibilité incarné ici par l'excès total de virilisme et de torture. Chaque mort n'est pas uniquement celle d'un animal, mais celle d'un amour qu'on exécute, un amour rendu impossible par la survie de traditions anachroniques. Si les après-midis sont solitudes, celle-ci touche autant le toréro que le réalisateur. Tardes de Soledad est donc avant tout et définitivement un film-portrait, un portrait de quelqu'un qu'on aime mais qu'on ne peut ni comprendre ni connaitre ni atteindre. Quelqu'un qui restera à tout jamais une image. Une image comme l'est... un certain Zinédine Zidane dans l'extraordinaire "Portrait du XXIème siècle" de Douglas Gordon et Philippe Parreno, film dont la référence est la plus surprenante mais au final la plus évidente tant les deux propositions de cinéma sont proches l'une de l'autre. La grande idée d'Albert Serra, dans son génie retors (je pense sincèrement que le mec est siphonné), est d'avoir rejoué 20 ans plus tard un dispositif extra-ordinaire tout en en changeant intégralement les paramètres d'existence (football/corrida). Et il n'en fallait pas plus pour nous donner un peu de grains à moudre...
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@cyborg J’ai pas vu le dernier Serra, mais en découvrant comment il a été filmé, ça m’a direct fait penser au film sur Zidane. À ma connaissance, tu es le premier à en avoir fait le rapprochement.
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Tyra
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Eh bien, de nos jours, il suffit de pas grand chose pour qu'un film devienne un succès public (et même critique). Pontifiant (lol), esprit de sérieux et mise en scène d'une immense pauvreté au service d'une intrigue au enjeux rachitiques, se contentant d'afficher des vertus progressistes en bandoulière. Et puis, franchement, cette révélation finale du nouveau pape intersexe... :saint: :lol:
Et puis, pas un gramme d'humour pour ce truc qui ne demandait que ça, bordel !


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Jamais été un grand fan de BJH, cinéaste surcoté par excellence, et ce dernier film ne changera rien à mes réserves, tant ce dernier film est du BJH au carré. Le problème de ce film, c'est qu'il arrive plus de 20 ans après Starship Troopers, et la comparaison fait très mal. Ce qui est insupportable chez BJH, c'est cette façon de tout baliser moralement. Il n'y a jamais d'ambiguïté chez personne, les méchants sont très très méchants, en plus d'être ridicules, au cas où il nous prendrait l'idée d'être de leur coté. Les animaux sont anthropomorphisés à fond pour provoquer la compassion (comme si celle-ci ne pouvait advenir autrement) . L'impression d'être dans le cerveau d'un ado révolté de première littéraire. En comparaison, dans le Verhoeven la farce fonctionne, puisque le film avance masqué, jouant sur le malaise ressenti devant le plaisir pris au premier degré. Je fatigue aussi de ces parcours balisés que représentent ces héros révolutionnaires qui vont se révolter contre le système, comme si la révolte ne pouvait advenir chez le spectateur qu'en la voyant incarnée à l'écran. C'est devenu le lot de tout ces films grands-public, je ne vois plus quel effet électrochoc cela peut avoir.
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Tyra a écrit : mar. 6 mai 2025 13:17
:jap: :jap:
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C'est un film que j'attendais beaucoup, puisque je considère le film précédent de Leigh Whannell, Invisible Man, comme un chef-d'oeuvre de mise en scène, et l'un des films m'ayant le plus fait flipper ces dernières années. (et ça fonctionne même à la revoyure). J'aime aussi beaucoup l'idée que le cinéaste s'attaque aux grands classiques de l'horreur cinématographique façon Universal des années 30, en réactualisant des mythes intemporels comme l'Homme Invisible ou, ici, celui du Loup Garou. Et cette nouvelle version du mythe est excellente, cohérente, bien flippante aussi, se déroulant sur deux blocs de temps distincts, l'enfance (assez court) et l'âge adulte du héros, qui, d'abord poursuivi par un loup-garou, se verra vite lui-même en train d'en devenir un et de devenir, de fait, un danger pour sa famille. Le film est moins bon que son Homme Invisible, il faut l'écrire, notamment car Whannell donne un coup de pied moins violent dans la fourmilière, son adaptation de l'Homme Invisible étant pour moi franchement révolutionnaire du genre. Ici, les codes sont vraiment respectés, j'y vois notamment pas mal de fidélité et de clins d'oeil à la superbe version de John Landis. Ce qu'il y a de plus réussi dans le film, outre des scènes de tension vraiment angoissantes, c'est le travail sur la question de la famille / du couple, qui semble vraiment intéresser le cinéaste. C'était déjà le cas dans le film précédent d'ailleurs. Dans les deux cas nous assistons à un homme qui devient un danger terrible pour sa femme / sa famille, et qui se transforme en monstre. La question qui semble donc sous-tendre le travail de Leigh Whannell est celle des violences conjugales et la manière imagée qu'il a de traiter de ce fléau est absolument passionnante, notamment ici car le héros a conscience du mal qu'il fait, semble vraiment le déplorer, mais ne peut pas lutter contre, car ses instincts sont plus forts que sa conscience.
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Loosing ground - Kathleen Collins - 1982

Qu'un tel film n'ait pu bénéficier d'une sortie en salle à son époque, avant de complètement disparaitre, relève du mystère le plus grand. Qu'il soit enfin redécouvert 40 ans plus tard est une bénédiction. Loosing ground n'a pourtant rien à envier aux comédies romantiques de son temps, pour ne pas dire qu'il les surpasse par l'intelligence de son fond et sa réflexion sur l'acte créatif. Collins se dit inspirée par Rohmer, et il y a en effet tout à fait de ce gout dans cette œuvre, étude de mœurs entre badinerie et philosophie, où les corps et les esprits se croisent.
Pour tout le reste, la divergence est totale, car le film évolue dans le milieu afro-américain, avec des personnages sans doute jamais vu porté à l'écran : une prof et chercheuse en philo à la fac, et son compagnon, un peintre venant de vendre sa première toile à un grand musée.
La présence de Bill Gunn dans un des rôles principaux est assurément un gage de qualité. Son très surprenant "Popular Problems", découvert tout récemment, faisait son sous-texte de la représentation à l'écran de la population noire américaine. Cette question est ici remise sur le tapis mais elle ne s'arrête pas à une question de groupe social (même si cela est fait avec beaucoup d'humour par le personnage de la mère), et s'étend à la représentation en général par le biais du geste créatif -par son mode de pensée, de création ainsi mais aussi de genre. Le résultat est une pépite dont la popularité, je l'espère, ne peut désormais que croitre.

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Quand deux des plus grands créateurs et penseurs des images contemporaines s'associent, Harun Farocki et Andrei Ujică, le résultat ne pouvait qu'être passionnant. 1992 : tandis que la poussière de la chute du mur n'est pas encore retombé, les deux auteurs s'emparent des rushs de caméra vidéo amateurs (et télévisuelles) pour reconstituer la fuite de Ceaucescu et les jours qui s'en ont suivi. Il y a urgence à faire ce film, autant qu'il y a urgence au sein du film, dans l'immédiateté écrasante de ce qui se passe sous nos yeux.

Il y a ici tout l'enjeu de ce qu'est la vidéo : la création d'images en mouvements de façon de plus en plus simple et légère, permettant de se rapprocher totalement de son sujet et de l'intime. Fin des années 80, le médium est encore tout jeune et cette révolution roumaine est peut-être la première à bénéficier d'une telle captation. Les images en sont donc inédites et toujours sidérantes près de 40 ans plus tard. Ici tout est montré au plus près du cœur de la marche révolutionnaire, dans ses hésitations, ses fragilités, ses choix mauvais ou bon, sa nécessité de s'affirmer comme véritable. Le grand enjeu du film est bien sur la puissance même des images comme ce qui permet aux choses de devenir vraies. Le "ca-a-été" de Roland Barthes semble envoyé valdingué en devenant un "c'est" dans l'immédiateté du flux vidéo. Ce n'est bien sur pas un hasard qu'une bonne part des combats se concentrent sur le contrôle du bâtiment de la télévision natioale où le nouveau pouvoir à établi son QG...

Pour Ujica il s'agit d'une prémisse de ce qui deviendra 20 ans plus tard l'incroyable "Autoportrait de Nicolas Ceaucescu". Mais les héritages sont plus multiples encore, que l'on songe au travail de fourmis d'Adam Curtis (dont le récent Traumazone traite d'un sujet très proche) ou plus encore aux travaux extraordinaires du collectif Ballistic Architecture.
Modifié en dernier par cyborg le lun. 12 mai 2025 15:03, modifié 1 fois.
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cyborg
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Rio Zone Nord - Nelson Pereira dos Santos - 1957

Si ce film précurseur du Cinema Novo à beaucoup de qualités pour lui (son rapport à la musique, ses scènes dans les favelas, etc) , il pèche par son scénario très écrit et misérabiliste : absolument aucun malheur n'est épargné à notre vaillant et touchant personnage principal. Je reste sur ma faim, mais tout de même curieux de découvrir le premier film du réalisateur portant sur la vie d'enfants des rues à Rio, paru l'année précédente.
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cyborg
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Variations on the Same Theme / Parallages sto idio thema - Antouanetta Angelidi - 1977

La sidérante découverte de "Topos" ne pouvait que me donner envie de voir d'autres créations d'Antouanetta Angelidi.
L'effet de surprise n'y est plus, d'autant que Topos était peut-être encore plus inidentifiable dans ses choix artistiques, évoluant dans une zone inexploré que j'identifiais comme étant pile entre les images et leurs coulisses.
Ici on reconnait plus directement le cinéma structurel, par sa grande rigueur, ses durées, son intérêt pour le langage. Mais un cinéma structurel déviant car se souhaitant politique, ce qui n'est pas l'ambition centrale du mouvement (pour dire le moins). On y explore les rapports des corps et des genres, les images "toutes faites" et ses imaginaires, les dictats du langage. Le résultat est le plus souvent abscons, aussi déstabilisant que fascinant, mais impressionnant par son refus du compromis. Un ovni, donc.
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Tamponn Destartinn
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Les 4 derniers films de David Cronenberg ont un malheureux point commun : leur postulat génial vend un film bien meilleur qu'il ne l'est réellement. Je ne peux m'empêcher de les voir comme des films-fantômes, des chefs d'oeuvre inachevés, car seul le Cronenberg de Videodrome ou eXistenZ aurait pu les achever, mais il n'est plus vraiment là...
Ceci étant dit : ce dernier ne serait-il pas le meilleur des 4 ? Il faudrait que je revois Map to the Stars, pour lequel j'ai peut être été trop sévère à l'époque, car je croyais encore à la possibilité de revoir un Cro à son plein potentiel. Mais en attendant, Les Linceuls a pour lui un moteur plus fort que les autres : un sujet intime et personnel. David a du mal à se remettre de la mort de sa femme, il va jusqu'à grimer Cassel en lui-même pour qu'il soit clair qu'il s'agit bien de cela avant tout (étonnante transformation, d'ailleurs ! Même si Cassel reste un acteur moyen quoiqu'il en soit). Mais David a aussi envie de parler du monde connecté et paranoiaque d'aujourd'hui, alors tout cela est englué dans une intrigue de cet acabit. L'air de rien Videodrome ou eXistenZ faisaient pareil. Ces grands films aussi sont rempli d'intrigues à tiroir, de complots et de trahisons de personnages de toute part, au point où on s'y perd. C'est juste que c'est cette fois mal dosé, quoi. La comparaison fait plus mal qu'autre chose, et dès qu'apparait Guy Pearce, on s'em.merde et on attend poliment Diane Kruger dont le double personnage contient à lui seul le meilleur du film, qui emprunte plus du côté Faux Semblant et surtout Crash. Il y a une scène de sexe avec du dirty talk chelou (une femme assume que l'homme avec qui il couche pense à une autre qu'elle - ça l'excite même) qui est à la limite du copié/collé. Mais ça marche. De fait, c'est un meilleur film-somme que Crime of the Futur, étrangement. Mais ça n'enlève pas l'emmerdement, malheureusement.
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groil_groil
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Revu avec les enfants qui le découvraient, le grand s'est bidonné, c'est passé un peu au dessus de la petite. Perso, ça reste une pièce de théâtre très marrante, hyper bien dialoguée et très bien interprétée également, mais c'est en revanche un très mauvais film, voire un non-film, car il n'y a pas de film du tout. Aucune idée de cinéma, ça dure 1h16 avec les deux génériques compris, tout dans la même pièce et ça évite simplement de se déplacer au théâtre quoi... C'est dommage, car même si le texte initial est forcément celui d'une pièce de théâtre (je n'ai pas vérifié, je m'en fous, mais ça semble évident), il y avait moyen d'en faire un bon film, notamment en créant un deuxième acte où le diner de cons aurait finalement lieu et où les rôles seraient renversés, où Pignon malgré sa gaucherie et son innocence, reprenait le dessus pour prouver sa valeur, ce qu'il ne fait que faire très brièvement à la fin du film en l'état mais aurais vraiment mérité un développement en second acte. Bref, restent pas mal de répliques vraiment drôles.

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Film documentaire animé par les journalistes de Mediapart auteurs des enquêtes sur Sarkozy qui retrace tout l'histoire du financement de la campagne de Sarkozy par Kadhafi, qui montre sans le moindre doute combien de nombreux hommes politiques français sont impliqués dans ce scandale, et remet enfin Sarkozy dans le rôle ultime de l'ordure finie qu'il a toujours été mais dont le climat ambiant tente d'adoucir quelque peu son image. Cette histoire est dingue, c'est l'un des plus grands scandales de l'histoire de la France, depuis ses prémices (Sarkozy couvrant l'attentat Lybien de l'avion français, ayant coûté la vie à 160 de nos ressortissants, tout ça pour pouvoir en échange bénéficier des fonds Lybiens pour financer sa campagne, jusqu'aux implications actuelles via Mimi Marchand (qui est celle qui a proposé les 4M d'euros à Ziad Takieddine pour qu'il change de version) et qui est l'une des personnes les plus proches du clan Macron. Bref, les révélations de ce film sont folles et imparables, et même si on savait à peu près tout déjà, ce qui est dingue c'est de les mettre bout à bout et de prendre conscience de l'ampleur d'un des plus grands scandales d'état de notre temps. Le film n'est pas génial dans sa mise en scène, mais qu'importe, il est si important, salutaire et passionnant qu'on ne peut qu'être admiratifs de ceux qui l'ont conçu.

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Un père se retrouve au chômage, sa femme se remet alors à travailler, et lui s'occupe des gosses et n'a aucune expérience en la matière. Cette comédie early 80's écrite par John Hugues et super bien interprétée par deux excellent comédiens, Michael Keaton et Teri Garr, se rapproche justement des films de Hugues ou de ceux de Chris Columbus dans l'esprit, distillant ce doux parfum familial 80's, mais peine pourtant à convaincre au final, à cause notamment d'une mise en scène flemmarde et dépourvue d'idées, mais surtout d'une schéma de pensée patriarcal et machiste qui laisse à penser in fine que l'homme est bien mieux au travail et la femme à la maison.
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Tyra
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groil_groil a écrit : ven. 2 mai 2025 17:23 Le film est magnifique dans ses thématiques, ses situations et ses obsessions, tout ce qui touche au deuil est absolument admirable, pertinent et dérangeant, mais le souci du dernier Cronenberg est son scénario, voire même son histoire de manière plus large. Cronenberg n'en a rien à foutre et ne sait pas quoi faire avec, il botte en touche mais entraine souvent aussi le spectateur en dehors du terrain de jeu. Heureusement que certaines obsessions visuelles et mentales viennent réveiller et agiter nos consciences, mais ça reste un petit Cronenberg (tout petit 6/10).
Largement d'accord avec ça. Comme pour le précédent (mais je préfère quand même ce dernier film), l'impression que Cronenberg part d'une idée, un concept, qu'il développe au début du film, mais qu'il se retrouve à court d'idée pour développer un récit qui se tienne sur la durée d'un long métrage. Le film est, comme souvent chez Cronenberg, sec et minimaliste, mais il aurait gagné à l'être encore davantage, resserré sur Cassel et son obsession. Je pense que Cronenberg s'identifie tellement à son personnage, et qu'il partage tellement son obsession (je ne juge pas :o ) qu'il peine à y voir un problème éthique ou philosophique, et qu'il est obligé d'y ajouter cette histoire de complot et de paranoïa pour meubler. Lorgnant toujours (c'est une constante dans sa filmographie) vers Philip K Dick. Mais si dans Ubik, les morts étaient maintenus dans une vie psychique qui permettait de communiquer avec eux, source d'un renversant récit halluciné, ici la simple contemplation du corp de la défunte dévoile vite une impasse scénaristique et thématique.
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Tyra a écrit : lun. 12 mai 2025 17:04 Image
groil_groil a écrit : ven. 2 mai 2025 17:23 Le film est magnifique dans ses thématiques, ses situations et ses obsessions, tout ce qui touche au deuil est absolument admirable, pertinent et dérangeant, mais le souci du dernier Cronenberg est son scénario, voire même son histoire de manière plus large. Cronenberg n'en a rien à foutre et ne sait pas quoi faire avec, il botte en touche mais entraine souvent aussi le spectateur en dehors du terrain de jeu. Heureusement que certaines obsessions visuelles et mentales viennent réveiller et agiter nos consciences, mais ça reste un petit Cronenberg (tout petit 6/10).
Largement d'accord avec ça. Comme pour le précédent (mais je préfère quand même ce dernier film), l'impression que Cronenberg part d'une idée, un concept, qu'il développe au début du film, mais qu'il se retrouve à court d'idée pour développer un récit qui se tienne sur la durée d'un long métrage. Le film est, comme souvent chez Cronenberg, sec et minimaliste, mais il aurait gagné à l'être encore davantage, resserré sur Cassel et son obsession. Je pense que Cronenberg s'identifie tellement à son personnage, et qu'il partage tellement son obsession (je ne juge pas :o ) qu'il peine à y voir un problème éthique ou philosophique, et qu'il est obligé d'y ajouter cette histoire de complot et de paranoïa pour meubler. Lorgnant toujours (c'est une constante dans sa filmographie) vers Philip K Dick. Mais si dans Ubik, les morts étaient maintenus dans une vie psychique qui permettait de communiquer avec eux, source d'un renversant récit halluciné, ici la simple contemplation du corp de la défunte dévoile vite une impasse scénaristique et thématique.
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groil_groil a écrit : lun. 12 mai 2025 18:24
Tyra a écrit : lun. 12 mai 2025 17:04 Image
groil_groil a écrit : ven. 2 mai 2025 17:23 Le film est magnifique dans ses thématiques, ses situations et ses obsessions, tout ce qui touche au deuil est absolument admirable, pertinent et dérangeant, mais le souci du dernier Cronenberg est son scénario, voire même son histoire de manière plus large. Cronenberg n'en a rien à foutre et ne sait pas quoi faire avec, il botte en touche mais entraine souvent aussi le spectateur en dehors du terrain de jeu. Heureusement que certaines obsessions visuelles et mentales viennent réveiller et agiter nos consciences, mais ça reste un petit Cronenberg (tout petit 6/10).
Largement d'accord avec ça. Comme pour le précédent (mais je préfère quand même ce dernier film), l'impression que Cronenberg part d'une idée, un concept, qu'il développe au début du film, mais qu'il se retrouve à court d'idée pour développer un récit qui se tienne sur la durée d'un long métrage. Le film est, comme souvent chez Cronenberg, sec et minimaliste, mais il aurait gagné à l'être encore davantage, resserré sur Cassel et son obsession. Je pense que Cronenberg s'identifie tellement à son personnage, et qu'il partage tellement son obsession (je ne juge pas :o ) qu'il peine à y voir un problème éthique ou philosophique, et qu'il est obligé d'y ajouter cette histoire de complot et de paranoïa pour meubler. Lorgnant toujours (c'est une constante dans sa filmographie) vers Philip K Dick. Mais si dans Ubik, les morts étaient maintenus dans une vie psychique qui permettait de communiquer avec eux, source d'un renversant récit halluciné, ici la simple contemplation du corp de la défunte dévoile vite une impasse scénaristique et thématique.
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Tyra a écrit : lun. 12 mai 2025 17:04
Largement d'accord avec ça. Comme pour le précédent (mais je préfère quand même ce dernier film), l'impression que Cronenberg part d'une idée, un concept, qu'il développe au début du film, mais qu'il se retrouve à court d'idée pour développer un récit qui se tienne sur la durée d'un long métrage.
Godard a toujours affirmé qu’il partait du titre pour faire un film — signe des poètes, soit dit en passant. Cronenberg, très probablement, a procédé de la même manière avec son dernier film, profondément personnel. Mais voilà : il est « américain » (je sais, je sais, il est canadien), donc il faut qu’il raconte une histoire. Tout le contraire de Godard, qui n’a jamais vraiment narré (Hélas pour moi : je dois vous raconter une histoire) : son ultime film ne s’intitule-t-il pas, justement, Scénario ?
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Complètement raté et surtout désagréable de bout en bout. Je ne comprend pas comment faire pour rendre aussi peu attirant l'adaptation d'un livre (celui de Carrère) qui est tout le contraire. Serebrennikov n'est pas sans talent technique, dans le sens où on voit bien qu'il sait ce qu'il fait et que le film ressemble à ses désirs, c'était déjà un cinéaste que je n'aimais pas beaucoup, mais là, ça se confirme, sa façon de faire du cinéma est vraiment opposée à celle que j'aime, tant il coche toutes les cases pour faire un film détestable, en couper toutes ambitions et projections. Après quand tu vois un réalisateur russe, qui raconte la vie d'un personnage réel russe, et qui décide de tourner son film en langue anglaise en employant un acteur anglais, tu comprends tout de suite que l'honnêteté n'est pas son fort.
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mort à 92 ans du réalisateur et scénariste américain Robert Benton (Kramer contre Kramer)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Benton
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Tyra
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Cela fait un petit moment qu'à mes yeux Almodovar ne fait plus que de la télénovela de luxe sans grande réflexion post-moderne, ce film ne va pas changer ce que je pense de son cinéma de ces dernières années. Le mal est aussi plus profond que ces questions de forme : j'ai l'impression qu'Almodovar n'a rien a dire sur son sujet, et pas grand chose sur la mort, alors que ça a l'air de le travailler. Aucune sorte d'angoisse du néant ou de l'au-delà à l'horizon, mais les petits arrangements d'une bourgeoises qui met tout en œuvre pour quitter ce monde dans l'endroit le plus paisible, mais aussi design et chic que possible, selon ses moyens financiers. Les modalités de la mise en œuvre de cette mort étant les seuls enjeux qui semblent intéresser le cinéaste.
L'apparition finale de la fille de la défunte en clone/revenante frôle le ridicule, mais au moins il provoque un petit trouble qui manquait jusque là.
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Vu un soir crevés, tout en faisant autre chose... c'est agréable ce genre de film qui distille tel un robinet sa petite musique hollywoodienne, en fait tu as beau faire autre chose à côté et ne pas suivre complètement le film, tu n'es jamais perdu dans le récit, tant celui-ci est calibré sur des vérins huilés conçus pour ne jamais te faire décrocher. Même si tu ne t'intéresses pas à l'intrigue. C'est un talent en soi. C'est Hollywood, même malade. En revanche, 5 jours plus tard, tu as tout oublié du film, ça n'imprime pas car ce n'est de la surface, de la consommation. Et une fois digéré, tu peux revoir le film puisque tu l'oublies à chaque fois, ou un autre du même genre puisque c'est la même chose.

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Revu cette merveille de film d'aventures à l'ancienne qui doit tout au talent de Ray Harryhausen pour le faire découvrir aux enfants qui ont, on va dire, apprécié moyennement.

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Revu pour le montrer à mon fils qui a bien kiffé. C'est un très chouette film, et une initiation parfaite au western, comme Le Bon, la brute et le truand l'est au western spaghetti, car c'est un film très codifié, au rythme millimétré, qui avance méthodiquement, allant de conflit en résolution, de manière ludique comme le seront les jeux vidéos : le récit proposé en est donc d'une grande clarté, prenant de l'ampleur au fur et à mesure de l'avancée du film.
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cyborg
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La loterie de la vie - Guy Gilles - 1982


Figure marginale de la Nouvelle Vague, Guy Gilles n'a pas la reconnaissance qu'il mérite malgré la beauté de ses films. La forme documentaire de La loterie de la vie confirme ses multiples talents. Entre film de voyage et tentation ethnographique, cet essai semble pour Gilles un certain aboutissement, conceptuel du moins.
Si nombre de ses films sont des films de côtes, de ports, de marins et de départs possibles, le voici enfin de l'autre côté de la vaste mer, au Mexique plus exactement. Quoi faire, que faire et comment faire une fois arrivé dans un environnement ou tout nous parait frais et séduisant ? Comment ne pas sombrer dans l'exotisme tout en voulant continuer à faire des images ? Ces interrogations parcourent l'ensemble du film, tandis qu'il s'ouvre par une obsession pour les chiffres. Ceux-ci sont présents sur les cartes de tarot illustré défilant à l'écran, sur les boules du loto manipulés par des enfants dans une émission télévisuelle et enfin sur les boutons que pousse inlassablement la liftière de l’hôtel où réside le réalisateur. La puissance organisatrice des nombres est ici voué à l'échec et toujours le hasard semble mener la danse.
C'est finalement en interrompant les incessants mouvement verticaux de la liftière que Guy Gilles arrive à rendre son film horizontal, allant soudainement vers l'avant, vers elle, sa vie modeste, son quotidien, ses proches, nous emmenant avec lui à dépasser sa position, à partir à la rencontre d'hommes et de femmes. C'est seulement en nouant un lien avec l'autre que nous pourrons, peut-être, connaitre un petit peu mieux ce qu'est le Mexique. La rencontre, tout comme le film, est brève, mais il n'en fallait pas plus pour le rendre sensible et singulier.
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cyborg
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Surname Viet Given Name Nam - Trinh T. Minh-ha - 1989

Dans Surname Viet Given Name Nam on ne sait jamais vraiment qui parle, à qui, de quoi et comment. Et pourtant les témoignages circulent, les vies et les résistances de ces 5 (ou 6?) femmes vietnamiennes nous apparaissent peu à peu, et s'ouvrent progressivement à d'autres paroles, d'autres corps, d'autres générations. Mais c'est également peu à peu que nous comprenons le jeu de mise en scène et de mise en abime instaurée par la réalisatrice. La réflexion ouverte par Minh-ha sur sa propre création se mélange peu à peu avec les voix de celles qu'elle filme, jusqu'à devenir un tout indémêlable. Penser et faire, dire et agir, ne deviennent ici plus qu'un : le tissu d'un même rapport à la politique, à la création, à la résistance.

Théoricienne intersectionnel de référence, Trinh T. Minh-ha est aussi théoricienne du cinéma et réalisatrice. Les œuvres qu'elle crée sont aussi riches, complexes et radicales que sa pensée et ce film en est l'exemple parfait. Tandis que Naked Spaces (le seul autre film que j'ai pu voir d'elle) était essentiellement silencieux, déconstruisant l'observation des films ethnographiques pour créer un film-poème hypnotisant, c'est au contraire la voix qui est ici élément central, interrogeant la possibilité d'existence même de tout témoignages, de toutes paroles, de la saisie même de la vérité.


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Le film s'ouvre sur un soupçon de radicalité cinématographique, avant de s’effondrer peu à peu. C'est amusant car le ramollissement stylistique du film suit peu ou prou la "renaissance" du héros. Mais c'est avant tout une preuve que les grands airs que se donne le film sont avant tout une pose, celle d'un style supposé d'auteur, telle une check-list à remplir (mutisme, "lenteur",...). Les dialogues sont bêtes à manger du foin tandis que les enjeux symboliques sont d'une platitude totale (le chien solitaire, ok... tous les ponts sont cassés ok... quand on saute au dessus on chute, ok...). Même les ellipses qui jalonnent tout le film servent essentiellement à ne pas construire ses personnages, à ne s'intéresser fondamentalement à rien et juste à, une fois encore, cocher des cases de choses à montrer. Cette "vitesse narrative" est clairement pour le réalisateur un biais lui servant à compenser l'impossibilité qu'il semble s'être imposé de mettre toute l'action/le style qu'il voudrait comme il le voudrait, jusqu'à ce qu'il vienne enfin nous éjaculer Pink Floyd dans les tympans. Bordel, quel enfer. Hu est beaucoup plus intéressé par ses CGI dégeulasses que par quoi que ce soit d'autre, en fait. Le résultat est une sorte de Mad Max chinois recouvert d'une épure faussement arty et social. Je ne retiendrais du film que les paysages du désert de Gobi absolument sublimes (encore qu'ils soient, là aussi, noyés sous les filtres d'effet).

PS : en réalité dès le tout premier plan j'ai eu un doute, me disant qu'il aurait du durer au moins 5 secondes de plus... la suite m'a donné raison.


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L'homme qui pensait des choses - Jens Ravn - 1969

Quelque part au tournant des années 60 et des années 70, le cinéma européen semble avoir accouché d'une série de films mélangeant la science-fiction et la critique sociale ou l'étude de mœurs, que l'on songe au Monde sur le Fil de Fassbinder ou au Je t'aime je t'aime de Resnais. C'est d'ailleurs plus à ce dernier que l'on songe (la souris blanche...) quand on regarde cette étonnante rareté suédoise. Dans une orientation moins expérimentale et plus appliqué néanmoins, le film tenant à raconter coute que coute son histoire, non sans certaines longueurs, mais toujours avec une grande précision de mise en scène, très maitrisée.
L'homme qui pensait des choses devient en réalité une proposition assez poussé autour du thème du double, sujet central de la modernité mais peut-être même de tout l'art cinématographique dans son ensemble. Ici le personnage finit par directement rencontrer son alter-ego inventé... et à l’exécuter pour reprendre le contrôle de son existence ! Divertissant et singulier !
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sokol
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cyborg a écrit : mer. 21 mai 2025 00:04 PS : en réalité dès le tout premier plan j'ai eu un doute, me disant qu'il aurait du durer au moins 5 secondes de plus... la suite m'a donné raison.
Pareil ! Mais alors vraiment i d e n t i q u e m e n t !!
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Soderbergh est à mes yeux l'un des cinéastes les plus surestimés de sa génération, n'ayant réalisé que deux bons films (Erin Brokovich et le visionnaire Contagion) et une série potable. Je mettais pourtant celui-ci dans ses réussites (certes moindre) après un premier visionnage. Ce second m'a prouvé que je me trompais. Ce n'est certes pas le plus vain, mais il est nettement moins intéressant que le souvenir que je m'en faisais, gonflé de vide la plupart du temps.

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Attention, je SPOILE : Un jeune gendarme belge fait partie de l'équipe qui enquête sur les enlèvements de jeunes filles qui secouent la Belgique. Il est très rapidement persuadé que le criminel est le dénommé Marcel Dedieu (Marc Dutroux dont le nom est changé pour permettre au film de s'éloigner du réel quand bon lui semble). Il tente de persuader sa hiérarchie, mais se heurte à un mur et au fait qu'à l'époque, les différents services de police belges se livrent à une guerre de chapelle contre-productive, empêchant les informations de passer d'un service à l'autre. L'étau finit par se resserrer, mais lorsqu'il parvient enfin à interpeller le criminel, il est trop tard, et les gamines sont mortes. Fou de douleur, et inconsolable, le gendarme va entamer une longue descente aux enfers alors qu'il tente de prouver que Dedieu n'agissait pas seul et qu'il est au centre d'un réseau de pédophiles organisé montant haut dans les classes sociales du coin. Cette second partie de l'enquête va le rendre littéralement dingue, et ruinera sa vie de famille (à laquelle le cinéaste accorde énormément d'importance à la manière d'un Cimino en première partie de Deer Hunter par exemple), ainsi que sa vie tout court, cette quête de vérité virant à l'obsession la plus morbide. Je ne pensais pas du tout aimer un jour à ce point un film de Fabrice du Welz (dont je n'avais vu qu'un opus précédemment mais disons que ses films ne m'attirent pas en générale et que le comportement agressif du mec face à ses détracteurs fait que j'y allait un peu à reculons, mais je dois avouer que je me suis pris ici une gigantesque claque et que ce film est une merveille de suspense et de tension durant chaque instant de ces 2h30 ultra riches qui passent en un rien de temps. Le film est bien écrit, très fidèle à cette horrible histoire mais prenant les distances d'avec elle dès qu'il peut enrichir son récit au service de son film, et incroyablement bien joué, Anthony Bajon, déjà excellent, trouve ici son meilleur rôle et est tout simplement brillant, Alexis Manenti excellent comme souvent, Sergi Lopez glaçant en horrible monstre Dutroux, Laurent Lucas et Jackie Berroyer sont aussi incroyables, bref, le film brille aussi par une direction d'acteurs incroyablement maitrisée et juste. Mais, et c'est là où je suis le plus étonné, le film est aussi génial dans sa mise en scène, à la fois ample, dans la prise en considération de la famille et de l'entourage du héros, très inspiré par Cimino, je me répète, et dans sa gestion du suspense, vraiment maitrisée et qui fait qu'on s'accroche à son fauteuil tout du long et qu'on vit cette enquête avec la même intensité que celle du héros. Du Welz peut sembler parfois un peu limite dans ses effets (genre la scène d'accouchement de sa femme montée en parallèle que la découverte de cadavres dans des conditions odieuses) mais en fait ça passe à chaque fois car chaque effet de mise en scène est justifié par le fond (ici par exemple, le héros n'assiste même pas à la naissance de son enfant car il vient d'apprendre une découverte macabre et fait passer cela avant la naissance de son gosse, le montage alterné montrant parfaitement son attirance pour la mort plutôt que la vie et le fait qu'il sombre et bascule de l'autre côté). Bref, c'est un très grand film, l'un des plus beaux vus cette année, et il est certain que je le reverrai souvent.

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Un très grand chef-d'orchestre est atteint d'une leucemie et a besoin d'une greffe de moëlle épinière. Sa soeur se porte volontaire mais lors des tests médicaux, tous deux découvrent qu'ils n'ont pas de sang en commun. Le héros comprend alors qu'il a été adopté et que ses parents lui ont toujours caché. Partant en quête de ses origines, surtout en espérant trouver un donneur compatible, il se découvre un frère, qui l'est. Celui-ci accepte assez rapidement le don de moëlle et ils apprennent à se connaitre. A priori, tous les opposent, c'est un gars du nord, travaillant dans une cantine, bougon et rugueux. Mais son nouveau frère découvre par hasard qu'il est tromboniste dans une petite fanfare du coin, et c'est cet amour de la musique qui va les rapprocher et les faire accomplir des choses en commun. En Fanfare est une réussite modeste, mais c'est une réussite. C'est un film populaire, commerciale, mais qui ne prend pas ses spectateurs pour des cons, qui se distingue par sa finesse, son intelligence et sa dignité. Les personnages ne sont jamais caricaturaux, mais tous très justes, portés par des acteurs très bon (Lavernhe et Lottin) mais qui n'ont jamais été employés avec autant de finesse et de justesse. Il en ressort un film qui confronte deux classes sociales mais qui ne verse jamais dans le caricatural ni dans le grotesque, qui est toujours à hauteur de ses personnages, tous sont tirés vers le haut systématiquement, qui peut parfois être drôle mais qui est constamment émouvant.
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sokol
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Lors de mes déplacements en avion j’ai eu l’occasion de (re)voir plusieurs films qui méritent bien que je dise deux mots sur chacun :

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"Napoléon" de Ridley Scott :

Rien d'exceptionnel. On peut néanmoins reconnaître au cinéaste le discernement d’avoir confié le rôle principal à Joaquin Phoenix, dont l’état de fragilité émotionnelle (pour ne pas dire : sa dépression) confère une profondeur singulière au personnage. Phoenix porte le film avec une humilité et une intensité remarquable. Du coup, le film n’est pas aussi hollywoodien que je l’aurais cru !
5.0

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"Fermer les yeux" de Victor Erice :

C’était un film que je tenais à revoir. C'est fait. Ou plutôt, j'ai revu les 30 à 40 premières minutes du film (impossible d'aller plus loin) et mon impression initiale se confirme : la présence d’Erice semble assez marginale. Très probablement en raison de son âge, sa participation au tournage a dû être limitée. Il avait d’ailleurs reconnu, dans une interview accordée aux Cahiers du cinéma, que cette mise en scène fondée sur un enchaînement systématique de champs/contre-champs lui avait été imposée par la production.

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Enfin, j'ai revu "Annette" de Carax ! Et mes réticences lors du premier visionnage restent les mêmes : les spectacles sur scène d’Adam Driver — cette fois chantées, puisqu’il s’agit d’une comédie musicale — ne fonctionnent pas, précisément parce que les chansons les annulent. En revanche, je comprends un peu mieux pourquoi le film adopte la forme du musical : c’est peut-être parce qu’il ne tiendrait pas sans la musique ! C’est elle qui porte véritablement le film, bien plus que la mise en scène. Au final, je me demande si Annette n’est pas une commande plutôt qu’un véritable film d’auteur.
On peut même le formuler ainsi : la « petite » mise en scène (celle qui relèverait de la microéconomie, si l’on emprunte le vocabulaire des sciences économiques) est plutôt réussie. En revanche, la « grande » mise en scène (sa macroéconomie) fonctionne mal, alourdie et rendue pompeuse par une musique envahissante.

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"La favorite" de Yorgos Lathimos

Je ne sais plus qui m’avait dit ici-même que ce film pourrait me plaire. Bingo ! À mon avis, c’est même le meilleur film de Lanthimos. Certaines scènes sont (presque !) godardiennes. Et le fait que la fin ne soit pas scénaristique, mais poétique, en est la preuve définitive.
7.0

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"Anatomie d'une chute" de Triet :

Oui, comme je le craignais, ça m’a moins plu que la première fois. C’est le personnage de l’enfant qui pose problème : trop écrit, trop sérieux, trop adulte. Et j’en comprends bien la raison : Triet a voulu faire un film féministe (ce qui n’est pas un problème en soi : l’enfant ne pouvait pas perdre à la fois son père et sa mère). Cela dit, le fait que j’aborde le film sous l’angle du scénario constitue une preuve supplémentaire qu’il s’agit d’un film de procès "à scénario" (contrairement à "Autopsie d'un meurtre", son "modèle", qui était un film de procès, mais surtout... de mise en scène !)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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groil_groil
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sokol a écrit : lun. 26 mai 2025 13:37 Lors de mes déplacements en avion j’ai eu l’occasion de (re)voir plusieurs films qui méritent bien que je dise deux mots sur chacun :

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"Napoléon" de Ridley Scott :

Rien d'exceptionnel. On peut néanmoins reconnaître au cinéaste le discernement d’avoir confié le rôle principal à Joaquin Phoenix, dont l’état de fragilité émotionnelle (pour ne pas dire : sa dépression) confère une profondeur singulière au personnage. Phoenix porte le film avec une humilité et une intensité remarquable. Du coup, le film n’est pas aussi hollywoodien que je l’aurais cru !
5.0

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"Fermer les yeux" de Victor Erice :

C’était un film que je tenais à revoir. C'est fait. Ou plutôt, j'ai revu les 30 à 40 premières minutes du film (impossible d'aller plus loin) et mon impression initiale se confirme : la présence d’Erice semble assez marginale. Très probablement en raison de son âge, sa participation au tournage a dû être limitée. Il avait d’ailleurs reconnu, dans une interview accordée aux Cahiers du cinéma, que cette mise en scène fondée sur un enchaînement systématique de champs/contre-champs lui avait été imposée par la production.

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Enfin, j'ai revu "Annette" de Carax ! Et mes réticences lors du premier visionnage restent les mêmes : les spectacles sur scène d’Adam Driver — cette fois chantées, puisqu’il s’agit d’une comédie musicale — ne fonctionnent pas, précisément parce que les chansons les annulent. En revanche, je comprends un peu mieux pourquoi le film adopte la forme du musical : c’est peut-être parce qu’il ne tiendrait pas sans la musique ! C’est elle qui porte véritablement le film, bien plus que la mise en scène. Au final, je me demande si Annette n’est pas une commande plutôt qu’un véritable film d’auteur.
On peut même le formuler ainsi : la « petite » mise en scène (celle qui relèverait de la microéconomie, si l’on emprunte le vocabulaire des sciences économiques) est plutôt réussie. En revanche, la « grande » mise en scène (sa macroéconomie) fonctionne mal, alourdie et rendue pompeuse par une musique envahissante.

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"La favorite" de Yorgos Lathimos

Je ne sais plus qui m’avait dit ici-même que ce film pourrait me plaire. Bingo ! À mon avis, c’est même le meilleur film de Lanthimos. Certaines scènes sont (presque !) godardiennes. Et le fait que la fin ne soit pas scénaristique, mais poétique, en est la preuve définitive.
7.0

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"Anatomie d'une chute" de Triet :

Oui, comme je le craignais, ça m’a moins plu que la première fois. C’est le personnage de l’enfant qui pose problème : trop écrit, trop sérieux, trop adulte. Et j’en comprends bien la raison : Triet a voulu faire un film féministe (ce qui n’est pas un problème en soi : l’enfant ne pouvait pas perdre à la fois son père et sa mère). Cela dit, le fait que j’aborde le film sous l’angle du scénario constitue une preuve supplémentaire qu’il s’agit d’un film de procès "à scénario" (contrairement à "Autopsie d'un meurtre", son "modèle", qui était un film de procès, mais surtout... de mise en scène !)
:jap:
jamais vu la Favorite, tu me donnes envie.
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sokol
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groil_groil a écrit : lun. 26 mai 2025 14:31
:jap:
jamais vu la Favorite, tu me donnes envie.
Attends : j'ai oublié de commenter celui-ci (sacré lapsus révélateur :D )

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"Un parfait inconnu" de James Mangold.

Finalement vu !
Le film se laisse regarder, car il est toujours plaisant d’écouter les chansons de Dylan. Mais le cinéaste ne nous dit pas grand-chose du génie de Robert Zimmerman, ni de sa musique, ni de ses paroles.
Autrement dit : tant que Chalamet chante, tout va bien. Mais dès qu’il cesse (dès qu’il n’y a plus de chanson dans l’air), c’est le néant. Et cela pose problème.

Une tentative de réponse à ce vide a peut-être déjà été proposée par "I'm Not There" de Todd Haynes (que je n’ai jamais vu), un film dans lequel Dylan est incarné par... six acteurs différents ! Pourquoi ce choix ? Sans doute parce que Bob était et est insaisissable !

Dès lors, on peut même se demander : une fiction "à la Mangold" sur Dylan en valait-elle vraiment la peine ? :crazy:

6.0
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit : lun. 26 mai 2025 17:10
groil_groil a écrit : lun. 26 mai 2025 14:31
:jap:
jamais vu la Favorite, tu me donnes envie.
Attends : j'ai oublié de commenter celui-ci (sacré lapsus révélateur :D )

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"Un parfait inconnu" de James Mangold.

Finalement vu !
Le film se laisse regarder, car il est toujours plaisant d’écouter les chansons de Dylan. Mais le cinéaste ne nous dit pas grand-chose du génie de Robert Zimmerman, ni de sa musique, ni de ses paroles.
Autrement dit : tant que Chalamet chante, tout va bien. Mais dès qu’il cesse (dès qu’il n’y a plus de chanson dans l’air), c’est le néant. Et cela pose problème.

Une tentative de réponse à ce vide a peut-être déjà été proposée par "I'm Not There" de Todd Haynes (que je n’ai jamais vu), un film dans lequel Dylan est incarné par... six acteurs différents ! Pourquoi ce choix ? Sans doute parce que Bob était et est insaisissable !

Dès lors, on peut même se demander : une fiction "à la Mangold" sur Dylan en valait-elle vraiment la peine ? :crazy:

6.0
C'est précisément ce qui me plait tant dans ce film, c'est que Dylan est raconté par ses chansons, seulement.
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groil_groil a écrit : mar. 27 mai 2025 10:39
C'est précisément ce qui me plait tant dans ce film, c'est que Dylan est raconté par ses chansons, seulement.
Je ne suis nullement opposé au principe (j’apprécie d’ailleurs énormément un film qui se concentre exclusivement sur l’une des œuvres majeures d’un génie : "Moïse et Aaron" d’Arnold Schoenberg) :

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Cela dit, on convient que l’approche adoptée ici est fondamentalement différente, n’est-ce pas ? Et que les Straub n’ont certainement pas opté pour cette voie, face à une œuvre de cette envergure, par pur caprice ou par posture esthétique.

P.S. : J’ignore si Dilan a vu le film et ce qu’il en pense, mais je peux faire part d’une expérience personnelle : Il y a quelques années, j’ai eu l’honneur d’échanger avec Ismaïl Kadaré, immense écrivain albanais et auteur du splendide "Avril brisé". Je l’avais interrogé sur l’adaptation cinématographique de son roman par Walter Salles. Il m’avait répondu ceci : « Je connais mal le cinéma, mais en grande partie, c’est un art facile… s’il en est un. »
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sokol a écrit : mar. 27 mai 2025 14:27
groil_groil a écrit : mar. 27 mai 2025 10:39
C'est précisément ce qui me plait tant dans ce film, c'est que Dylan est raconté par ses chansons, seulement.
Je ne suis nullement opposé au principe (j’apprécie d’ailleurs énormément un film qui se concentre exclusivement sur l’une des œuvres majeures d’un génie : "Moïse et Aaron" d’Arnold Schoenberg) :

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Cela dit, on convient que l’approche adoptée ici est fondamentalement différente, n’est-ce pas ? Et que les Straub n’ont certainement pas opté pour cette voie, face à une œuvre de cette envergure, par pur caprice ou par posture esthétique.

P.S. : J’ignore si Dilan a vu le film et ce qu’il en pense, mais je peux faire part d’une expérience personnelle : Il y a quelques années, j’ai eu l’honneur d’échanger avec Ismaïl Kadaré, immense écrivain albanais et auteur du splendide "Avril brisé". Je l’avais interrogé sur l’adaptation cinématographique de son roman par Walter Salles. Il m’avait répondu ceci : « Je connais mal le cinéma, mais en grande partie, c’est un art facile… s’il en est un. »
jolie réponse :)
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yhi
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sokol a écrit : mar. 27 mai 2025 14:27 j’ai eu l’honneur d’échanger avec Ismaïl Kadaré, immense écrivain albanais et auteur du splendide "Avril brisé". Je l’avais interrogé sur l’adaptation cinématographique de son roman par Walter Salles.
L'as-tu vu ?
Je n'ai pas lu le livre mais par contre j'ai présenté le film récemment et c'est quand même plutôt pas mal et en tout cas assez éloigné de ce qu'on pourrait attendre de Salles. Je pense que la délocalisation de l'action, rend toute comparaison film/livre complexe de toute façon.
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sokol
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yhi a écrit : mar. 27 mai 2025 16:54 L'as-tu vu ?
Je n'ai pas lu le livre mais par contre j'ai présenté le film récemment et c'est quand même plutôt pas mal et en tout cas assez éloigné de ce qu'on pourrait attendre de Salles. Je pense que la délocalisation de l'action, rend toute comparaison film/livre complexe de toute façon.
Non, mais je n'aime vraiment pas le cinéma de Salles. Après, si tu dis qu'il n'est pas mal, tant mieux
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Tamponn Destartinn
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C'est mieux que Bonne mère mais pas aussi bien que Tu mérites un amour.
Je dis ça alors que j'aime les 3, mais quand même, il y a une évidence dans cette ordre de préférence.
Herzi a un peu perdu en folie et lâché prise dans son style depuis qu'elle fait du cinéma à message - ou en tout cas à sujet.
Cependant : on est pas non plus dans un film scolaire en mode "Lesbienne musulmane, mode d'emploi". Le film est bien plus intelligent que ça. Le film a envie d'être autre chose que ça. Et au final, le film est avant tout un éventail de beaux portraits d'êtres humains divers et incarnés, comme les deux précédents.

Prix d'interprétation cannois mérité, cela va sans dire.


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Alors c'est un très bon film du dimanche soir, sympathique, où on s'ennuie pas (ou peu, y a des petits ventres mous tout de même)
Après, ça met en valeur des tubes français pour une bonne partie nuls, sans aucun recul ou autres envies que se faire kiffer, et dès lors c'est un film limité.
Quelle drôle d'idée de l'avoir mis en ouverture d'un festival international comme Cannes. T'as des grands auteurs et cinéphiles du monde entier qui ont découvert Femme Like U, Ces soirées là ou Partir un jour, c'est un peu drôle et gênant à la fois.
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cyborg
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Alors qu'en 1991 un Baudrillard narquois nous disait que « la guerre du Golfe n’a pas eu lieu », Bigelow brandit une antithèse 20 ans plus tard. A l’hallucination des images verdâtres répond celle extrêmement concrète du territoire qu'il sera sans cesse question de toucher, palper, tâter, ausculter. Pour en découvrir les pièges mais peut-être aussi s'assurer qu'il est bien réel. Si le film s'ouvre avec un robot démineur, celui-ci sera quasi-immédiatement mis au rebut. Il ne sera alors plus question que d'aller plus loin, et surtout plus près. Au risque de devenir un peu soi-même territoire, quand les peaux se recouvrent de sable à l'aune d'une longue planque, les corps semblant s'oublier eux-même autant qu'oublier les raisons de leurs présences.

C'est précisément vers cette question de corps que bascule progressivement le film. Pas tant le sien (ou, disons, celui de ses pairs qu'on s'amuse à tabasser pour le fun) que celui des autres, du peuple à qui l'on est venu faire la guerre. Il n'y a bien sur aucune place pour "l'autre", qui ne peut être que l'étranger radical et toutes les rencontres (le jeune vendeur de dvd – dont le retour final pourrait être une hallucination- ou l’homme qui propose un thé dans sa cuisine) sont impossibles. On en fini par courir après des fantômes dans les rues nocturnes tandis que les corps eux-même deviennent armes. Je me demande presque pourquoi la réalisatrice n’a pas intervertie les deux dernières scènes, celle du kamikaze rédempteur que l’on ne peut sauver avec celle du cadavre piégé dont on fait sortir les explosifs par le ventre. L’acte surréaliste de l’opération -entrailles devenues bombes- aurait été symboliquement plus troublant et plus fort, mais un certain sens du cinéma spectaculaire lui aura sans doute préféré un message plus évident.



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Le cinéma hollywoodien début 00's dans ce qu'il à de plus pénible, à peine distrayant (plus le film avançait plus je croyais moi même lutter contre une insomnie), ampoulé, hyper maniériste (la reprise du décorum Twin Peaks est assez hilarante) et porté par des acteurs pourtant bons et qu'on a jamais vu aussi patauds. Film de commande évident d'un Nolan encore peu identifié et dont l'esprit devait déjà être occupé par son film suivant qui le révèlera définitivement au grand public : Batman Begins.
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yhi
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cyborg a écrit : ven. 30 mai 2025 19:32 plus le film avançait plus je croyais moi même lutter contre une insomnie
C'est du cinéma immersif !
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cyborg
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Voilà c'est ça @yhi !
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sokol
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Quelques mots supplémentaires concernant le dernier Dardenne (comme on dit !) :

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Malgré ce que suggère l'affiche, il ne s'agit pas d'un film choral : le long-métrage se présente plutôt comme un "mélange" de quatre segments autonomes, proches du court-métrage, que l’on pourrait qualifier d’"aditions" narratives. Le cinquième personnage, quant à lui, est presque entièrement absent, pour des raisons scénaristiques qui ne nuisent pas à l’ensemble.
En effet, une seule scène — brève, qui plus est — réunit l’ensemble des personnages autour d’une table. Il n’y a donc pas vraiment de choralité, mais plutôt une forme de représentativité : la Noire, la toxicomane, la... . : ce dispositif confirme que les frères belges restent fidèles à leur schéma naturaliste « à la Rosetta», mais démultiplié par quatre.

Cela dit, le film est moins étouffant que leurs précédents, car cette diversité de personnages principaux permet une forme de respiration, une aération salutaire dans un univers qui, habituellement, tend à l’asphyxie émotionnelle.
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Et un petit mot supplementaire concernant le nouveau Bi Gan :

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La seule image du film (qui dure tout de même 2h30 !) est précisément celle de la statuette en train de fondre, telle qu'on la voit sur l'affiche : à chaque transition entre chapitres (au nombre de six), le réalisateur nous ressert cette même statuette fondante, accompagnée d'une voix off féminine lisse qui nous rappelle que "le temps passe" (le vrai titre du film étant : Les Temps forts). Une seule image. 2 heures et demi de film.
Pathétique.

ps: Et si le "modèle" de ce film était l'horrible "The Fountain" de Darren Aronofsky ?
:D

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groil_groil
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J'ai adoré. L'auteur présente son oeuvre modestement comme "une petite chose" car c'est un court-métrage, dont il n'est pas l'auteur du scénario, mais ce qu'il fait de ce simple fait divers scolaire qui oppose deux enfants qui en fait s'aiment, et le film raconte le cheminement de ces deux gosses pour arriver à se dire qu'ils s'aiment, chose beaucoup plus difficile à dire qu'on ne croit quand on est enfant, et la mise en scène ici, de par sa frontalité et sa circularité en même temps, crée une sorte de spirale qui est vraiment enthousiasmante. Et puis cette façon de filmer les enfants en les respectant autant que les acteurs adultes, en leur consacrant les plans qu'ils méritent, sans qu'ils soient les objets des adultes sujets, est digne, belle et m'a rappelé deux films qui me sont chers : En Rachachant de Straub et Huillet et Les Enfants de Marguerite Duras.

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J'avais pris une claque monumentale à la découverte de la plus belle relecture d'Alien qu'on puisse imaginer, évidemment le choc est moindre le second coup, car les effets de surprise et de noirceur sont anticipés, mais ça reste ultra bien et ultra prenant, preuve que sa mise en scène est bonne.

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Vu avec les enfants qui se sont littéralement bidonnés et qui veulent déjà le revoir et découvrir la suite. Du côté des parents, on s'est bien marrés aussi mais les rires étaient mêlées de gêne totale car l'humour du film est vraiment limite, et les blagues de cul (quand ce ne sont pas les scènes) vraiment explicites et gênantes pour des gamins. Donc grosse gêne mais énorme poilade en même temps, on verra le 2 en espérant qu'il ne soit pas plus trash que celui-ci.

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Polar politique français de Granier Deferre, coutumier du fait, dans une ambiance proche d'Adieu Poulet mais l'humour en moins, virant plus du côté Boisset, mais en moins percutant, moins dérangeant. Une toute petite réussite.

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Typique de l'inventivité japonaise des années 60, le film de Shinoda est sublime visuellement et ultra inventif en terme de mise en scène, mais au bout de l'éblouissement initial, le film peine à m'intéresser par son scénario qui semble presque secondaire pour son metteur en scène. Cela reste un très beau film bien sûr.

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Le nouveau Dardenne est une grande réussite. Le prix du Scénario à Cannes m'a fait craindre quelque chose de trop dramatiser à la Jeune Ahmed (film raté), mais ce n'est pas du tout le cas, et le prix du scénario donné pour ce film montre que le Jury sait vraiment ce qu'est un scénario, ça fait plaisir. Les frères Dardenne choisissent donc le collectif, c'est assez rare chez eux, et dressent le portrait de quatre jeunes filles qui se sont retrouvées mères beaucoup trop tôt et se rencontrent dans un foyer pour jeunes mères. Les Dardenne ne font pas pour autant interagir ses 4 actrices, même si elles se croisent bien sûr, et préfèrent raconter le destin de chacune d'elle, en faisant se croiser les récits. Et ces récits sont riches, si riches qu'ils auraient pu tous les quatre devenir un long-métrage à part entière. En ressort un film extra riche, super dense, émouvant, d'une grande virtuosité de mise en scène pour passer d'un récit à l'autre sans ne jamais perdre le spectateur. Réussite aussi car les Dardenne se renouvellent formellement tout en continuant leur sillon, et prouvent, après le magnifique précédent Tori & Lokita, qu'ils sont dans une grande forme.

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C'est un film que j'adorais dans les 90's, je l'ai vu un paquet de fois... à le connaitre quasi par coeur. J'avais un peu peur de le revoir car il est très marqué esthétiquement, et j'avais peur que ça ne passe pas les affres du temps. Mais c'est tout le contraire, le film est tellement marqué, tellement à part, que ce n'est plus une question de mode, c'est un geste artistique et cela ne se démode pas. Film génial donc, un Deville qui joue à faire son Godard (celui de Nouvelle Vague) mais en plus accessible tout de même, mais Godard reste clairement le modèle revendiqué de Toutes Peines Confondues. Le film est super beau visuellement, les 3 acteurs magnifiques (oui oui même Bruel, surtout Bruel, qui trouve ici son plus beau rôle) et j'adore aussi le fait que la bande son ne soit composée que d'extraits de quatuors de Chostakovitch. Deville les utilise super bien, les coupe, les monte, et en fait une matière sonore d'une grande originalité et pertinence. D'ailleurs, je crois me souvenir que ma passion pour Chosta, et plus précisément pour ses quatuors, m'est venue de ce film, et rien que pour ça, merci Deville.

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Contrairement à pas mal de monde, j'aime beaucoup les Wes Anderson récents, les plus expérimentaux, ceux où il crée des mondes miniatures de plus en plus petits qui s'imbriquent dans d'autres qui s'imbriquent dans d'autres, pour créer une matière globale née de l'association d'une multitude de petites choses. On dit qu'Anderson se coupe de son public par l'absence d'émotion, froideur etc., mais je pense plutôt que tout cela n'est que question de pudeur et d'élégance, que l'émotion passe quand même si on veut bien la recevoir. Malgré ça, je suis resté un peu à distance de The Phoenician Scheme, film qui brille une nouvelle fois pas son approche visuelle d'une préciosité et d'une beauté plastique de plus en plus abouties, même si le film manque souvent d'extérieurs pour aérer le récit qui est un peu engoncé, à cause de son scénario. Anderson peine à m'intéresser à cette histoire de holding de bric et de broc et je suis tout cela avec un ennui poli. L'ensemble est très beau, beaucoup de moments m'ont plu, mais disons poliment que ce n'est pas le meilleur film de son auteur.

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Vu et adoré à sa sortie en 1992 avec mon frère, et revu bien 15 ou 20 fois depuis, c'est vraiment devenu un de mes films préférés des années 90 et l'une des plus grandes réussites de Zemeckis. Ce film est un épanouissement total, un éblouissement de chaque plan, une pure merveille qui ne fait que se bonifier avec le temps. Ce temps qui justement, passant, transforme ce film en un classique hollywoodien absolu.
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Tyra
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Je me demandais devant le film, pourquoi cette réticence dans le cinéma français actuel à ne pas prendre totalement au sérieux le genre de la comédie musicale (en dehors du dernier Carax on va dire). Ici, ce n'est pas Demy qui est convoqué, mais le karaoké (dès le générique, avec cette typo rose), les personnages chantant maladroitement des standards nazes de ces 20 dernières années, ne provoquant rien d'autre qu'un ennui poli. Bref, on attend gentiment que ça se termine pour retourner dans la chronique sociale attendue dans un film français. Ce que je vois de plus proche, c'est On Connait la chanson, mais dans le Resnais, chaque interlude musical était tellement précis, tellement drôle, fin...
Reste donc, comme je disais, cette chronique sociale, parfois bien croquée, comme ce personnage du père qui note les remarques désobligeantes de sa fille sur son milieu d'origine lorsqu'elle était passée dans top chef. A propos de top chef, toutes les références sont comme ça, très franco-françaises, qu'est-ce que le public international cannois a pu en tirer ? C'est peut être ça le sujet sous-jacent du film d'ailleurs. Au delà de l'opposition rebattue Paris/province, une pesanteur à baigner dans un univers en vase clos dont on ne parvient à sortir. C'est thématisé dans ce que le film raconte, mais j'ai l'impression que la cinéaste ne se rend pas compte qu'elle reconduit ce qu'elle critique en convoquant un univers culturel nul, enfonçant davantage ses pauvres personnages dans leur morne dépression.
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Tyra
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Ce 8e et dernier (normalement) opus de la saga et suite directe du précédent (Dead Reckoning) s'enfonce, encore plus que le précédent, dans une intrigue sérielle, poussive et mal construite, parfois vaguement nanardesque, la faute à une production chaotique aux multiples réécritures de scripte. Ecriture ici plombée par le sérieux qu'impose le "grand final" d'une saga, avec surexpositions d'enjeux dramatiques boursouflés et réchauffés, déjà vue dans la saga, et par une héroïsation outrancière de son héros. Ne reste plus qu'à picorer les morceaux de bravoures (que l'intrigue est là pour relier péniblement), et celui qui arrive aux 2/3 du film, l'exploration d'une épave de sous marin par Hunt est absolument extraordinaire, d'un registre pourtant inhabituel puisque peu mouvementé et sans point d'orgue, mais visuellement splendide et angoissant. Dans ces moments là cette saga continue de rester la seule superproduction du moment à rendre quelque chose de physique, concret, matériel, dans ses scènes d'action.
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