Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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groil_groil
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Film très réussi au procédé très original, qu'il me faut expliquer : c'est un film documentaire dont le propos est de suivre un jeune homme d'environ 20 ans, Bastien, qui est membre militant du Front National, juste avant les élections présidentielles de 2017. Les cinéastes le film dans son quotidien, meetings, collages d'affiches, rencontre avec l'un de ses dieux, Florian Philippot, etc. Ces scènes sont entrecoupées d'entretiens où Bastien est face caméra, et lit un texte, qui est le texte-off, très littéraire, que les cinéastes ont écrit, texte qu'on entendra en voix-off durant tous les films pendant les images documentaires. C'est un très beau texte, qui retrace toute la vie du jeune homme, et qui découle des nombreux entretiens que les deux cinéastes ont eus avec lui avant de commencer le tournage. Durant ces scènes, Bastien commente le texte, l'annote, reviens sur certaines anecdotes de sa vie, exprime parfois son désaccord. Il faut savoir que c'est un jeune homme qui, malgré ses choix politiques, attire plutôt la sympathie. Il a le visage rond, tout juste sorti de l'adolescence, et est poli, bien élevé souriant. On peut se dire parfois que les cinéastes qui font pourtant un boulot extraordinaire, l'utilisent, utilisent son innocence pour décrire un phénomène de société, et font du jeune homme un objet qu'ils manipulent pour servir leur propos. Ce pourrait être partiellement vrai parfois, mais cette théorie vole en éclat au milieu du film, lorsque Bastien fait une confession aux cinéastes, leur racontant quelque chose qu'il avait tenu secret pendant tous les longs préparatifs du film : plus jeune, Bastien avait été inscrit dans un collège d'exception, très haut de gamme, formant les meilleurs élèves. Mais il n'avait pas tenu, il n'était pas assez bon. Il avait dû quitter ce collège, humilié, pour être placé dans un autre bas de gamme, rempli de racailles (dixit l'intéressé). Nourri par la rancœur et l'amertume, et influencé par les tueries de type Columbine qu'il matait sur internet, le jeune Bastien a un jour pété un câble : il a pris une carabine de son père, et est parti en direction de son ancien collège, dans le but de tuer tout le monde. Dieu merci, ses parents ont vu l'absence du fusil, et ont pensé que leur fils allait se suicider, ils ont appelé la Police, qui l'attendait au collège et qui a évité le carnage. Suite à ça, Bastien a eu pas mal de déboires, et a notamment été placé dans une famille d'accueil loin de chez lui. C'est là qu'il a rencontré pour la première fois de sa vie des skinheads, et c'est ainsi qu'il est devenu skinhead. Et que tout a commencé pour lui. Il a ensuite changé de région (Beauvais pour Amiens) et a intégré le Front National en cachette : en cachette de ses anciens copains skinheads qui trouvent le FN trop mou, trop consensuel, et en cachette de ses parents à qui il n'a jamais parlé de son engagement, et qui vont donc le découvrir par ce film, La Cravate, qu'il tourne en n'en disant pas un mot à sa famille. Cette scène de confession imprévue est totalement sidérante, elle est le point central du film, le centre névralgique de tout le système. Et lorsque les cinéastes lui demandent l'autorisation de l'insérer dans le film, Bastien dit "non, il en est hors de question". Il changera finalement d'avis, la scène n'a pas été mise ici à son insu, et il a bien fait, car cette précisément elle qui fait basculer tout le film. On comprend alors que ce ne sont pas les cinéastes qui ont utilisé Bastien pour démonter un système, mais que c'est Bastien qui a utilisé ce tournage, cette proposition, pour en faire sa propre psychanalyse. En formulant cela, il le rend vivant, visible, à ses yeux tout d'abord, mais aux yeux du monde, donc de tout son entourage, qu'il soit familial, politique, ou touchant son passé skinhead. Le fait de sortir ce secret en place publique, lui servira, je l'espère, à assumer ce refoulé et à passer à autre chose. Et le film s'achève sur une question qui semble habiter Bastien depuis le début, et qu'il pose plus à lui-même qu'aux deux cinéastes hors-champ : "Mais alors, en fait, je suis un connard ou pas ?".

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C'est l'archétype du film français dans le sens où ce film-là, comme tant d'autres, ne peut exister que grâce à l'avance-sur-recettes. C'est en effet un film qui se monte sans que le producteur n'y mette un centime de sa poche, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, on produit des films comme on produit autre chose, sans envie, sans idée, si ce n'est celle de faire tourner une industrie et de faire travailler les travailleurs qui évoluent dans ce milieu et qui ainsi remplissent leurs 507 heures annuelles pour toucher leurs allocs. Sinon, ce genre de film est impensable. Ce n'est même pas que c'est nul, c'est au-delà de ça, ce n'est rien. Aucune envie, aucune idée, ce n'est ni original ni pas original, ça raconte quelque chose sans le raconter, personne n'y croit jamais, ça se voit, ça s'oublie, on passe à un autre film à produire et on ne pensera plus jamais à celui-ci, c'est ce n'est plus un film c'est du débit.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
ven. 26 févr. 2021 08:36
Revoir les films de WKW... Putain vous êtes courageux les mecs !
Déjà que les voir était une épreuve...
:lol: mais on te dit qu'elle change de robe à chaque plan ! :D
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Babs
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hello everybody ! :hello:

Toujours pas de ciné et peu d'envie de découvrir des films à la télé; j'enchaîne les séries; je me refais l'intégral "The West Wing", kiffe "En thérapie" et vient de tomber sur ça :
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Fran Lebowitz- Pretend It's a City - Martin Scorsese

Je ne connaissais pas du tout cette dame et franchement je l'ai adoré au bout de 10mn. Ce doc en 7 morceaux m'a donné du baume au coeur ! ça fuse dans tous les sens, LA Lebowitz décoche des punchlines toutes plus tordantes les unes que les autres (et tellement vraies) qu'on n'a juste envie de l'écouter nous livrer sa vision de la vie pendant des heures. Et en plus c'est Marty et Spike qui "mènent" les débats :love2:
Je crois que c'est le truc le plus drôle que j'ai vu depuis 1 an.
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groil_groil
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:hello: Babs, dommage que tu ne voies plus de films, tes commentaires nous manquent...

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Enième revisionnage pour montrer à mon fils.

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C'est pas mal, sans plus, mais pas mal. Disons que c'est un petit original dans le paysage du tout venant du cinéma français, et que le dispositif fonctionne bien : une sorte de huis-clos entre deux appartements face à face. Pas fou non plus, et la double nomination des comédiennes pour le César de la Meilleure Actrice est un peu trop, une suffisait, et Sukova de préférence, l'autre est glumeuse la moitié du film donc ne fait absolument rien.

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Film que je n'aurais jamais vu sans ce rattrapage César et qu'est-ce que j'ai bien fait, car c'est absolument excellent ! Bouajila, exceptionnel, il en devient mon favori pour la catégorie Meilleur Acteur, joue un chef d'entreprise tunisien, qui part en week-end à Tataouine avec femme et enfant. Nous sommes en 2011, en plein conflit libyen, et au retour du weekend, la famille est prise dans un attentat terroriste sur la route, et leur enfant de 11 ans se prend une balle dans le ventre. Ils foncent à l'hôpital le plus proche, son foie est atteint, il lui faut une greffe d'urgence, et les parents sont testés pour choisir le meilleur taux de compatibilité. La femme n'est pas compatible, et le test du père dévoile qu'il n'est pas le père biologique de l'enfant... S'en suit une crise sans précédent dans le couple, mêlée à la peur de la perte de leur fils dont l'état se dégrade rapidement. Il est sur une liste d'attente de don d'organes, mais comme c''est une pratique très peu courante dans le pays, il risque de ne jamais arriver, et l'enfant de mourir. Les deux parents, vont se lancer dans une course effrénée et diamétralement opposée : elle va tenter de rechercher son coup d'un soir d'il y a 11 ans, qu'elle n'a jamais revu et dont le n° de téléphone n'est plus le bon, et lui va se laisser convaincre d'acheter un foie pour faire opérer son fils dans une clinique privée. Mais derrière cette clinique se cache un terrifiant trafic d'organes, découpés sur des enfants libyens laissés orphelins par les ravages de la guerre. C'est un film magnifique, ultra dur à suivre psychologiquement à cause de son, de ses sujets, mais superbement mis en scène et interprété, nerveux, sans gras, super bien rythmé, une belle découverte.

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Un des rares Frears que je n'avais pas vu, sur un sujet plutôt attirant, mais c'est complètement raté, et ça cède aux sirènes néo-gothiques de l'époque de manière factice. Je n'ai pas tenu longtemps.
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sokol
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moi j'ai vu :
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"Wang Bing, tendre cinéaste du chaos chinois", un documentaire de Dominique Auvray

C'est un doc très simple, mais qui nous apprend :
- que Wang Bing a galéré 1000 fois plus pour réaliser "La faussé",sa seule fiction (que j'adore) que ses documentaires;
- qu'il se pose beaucoup de questions vis à vis du passé de la Chine, sans être vraiment capable de trouver une réponse claire;
- que c'est un fils d’intellectuels de la Chine des années '60 qui ont choisi de quitter la ville et vivre à la campagne, suite aux changements de la Chine de l'époque (celle qu'on appelle "La Révolution culturelle" etc);
- qu'il pense que le rapport de la Chine actuelle avec son passé n'est pas une question politique ou idéologique mais de courage au sens humain du terme (et il a bien raison)

et un documentaire où, à la tout fin, on voit Wang Bing se mettre dans une colère noire par rapport à ce manque de courage chez ses compatriotes et, comme il n'a pas le droit de perdre la face (comme tout oriental qui se respecte), il refuse de pleurer (pleurer, déjà, c'est un acte infiniment complexe). Et du coup, c'est son nez qui se met à couler (il faut voir pour le croire, perso je n'avais jamais vu ça).

Wang Bing est sans doute un des plus grands cinéastes du XXI siècle et les 5-10 dernières minutes de ce films, d'une authenticité rare, le confirme
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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cyborg
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Le grand Les Blank, spécialiste des documentaires sur les musiques et cultures populaires, pose sa caméra en 1968 dans le Texas profond pour y filmer Lightnin' Hopkins, légende du blues. Si les quelques propos face caméra de ce dernier sont assez abscons, on en apprend 100 fois plus sur "l'esprit du Blues" en découvrant son environnement quotidien, la vie de sa famille, la campagne alentours et les fêtes de sa communauté. Encore une fois les images de Blank sont splendides


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Kubrick n'est pas vraiment un cinéaste que l'on pourrait qualifier de "urbain", et c'est pourtant une part essentielle de son premier film. Le Baiser du Tueur s'inscrit dans la tradition du film noir, genre que Kubrick ne retouchera pas par la suite (hormis dans son deuxième, si je ne m'abuse) mais la popularité du genre à l'époque en faisait sans doute une bonne porte d'entrée vers la réalisation. L'intrigue est assez simple, entre boxeurs, amours et truands, mais Kubrick y imprime déjà un savoir faire en plus qui passe par une magnifique gestion de l'espace et la façon dont s'y inscrivent les corps. On passe de leur proximité tendue -sur le ring, dans l'appartement- à un élargissement progressif dans lequel les corps se poursuivent - un peu longuement - et viennent s'inscrire dans la taille de la ville. C'est donc une pensée du rapport d'échelle et de place des acteurs qui structure le film, et sa dernière scène, dans une fabrique des mannequins est à ce titre loin d'être anodine, d'autant plus pour un réalisateur qui bâtira sa carrière sur la notion d'identité et de trajectoire personnelle au sein du groupe.


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Je dois bien avouer avoir quelque peu souffert devant les choix esthétiques du film, version délayée de Demy sans le charme des années 60 et vitaminé par la bécasserie superficielle des années 80. Mais le sérieux qui y est mis, et le contre-emploi total qu'Akerman fait d'elle même (Jeanne Dilman ce n'est que 10 ans avant !) conduit à se poser des questions, à s'interroger sur les signes que laisse transparaitre l'auteur. "Transparaitre" est le bon mot car la grande idée du film est ce décor-centre commercial-monde tout en vitres dans lequel la transparence généralisée des vitrines laisse les espaces s'inscrire sans cesse les uns dans les autres. Le film évolue donc dans une sorte d'étrange panoptique total qui laisse la part belle à, précisément, l'apparence (on y vient pour s'habiller, se faire coiffer) mais dans lequel on ne voit, en fait, absolument rien, car les tourments sont internes et le miel des relations est toujours un peu truqué. D'ailleurs ce ne sont pas ceux que l'on voit le plus -les jeunes et leurs amourettes- qui sont le plus intéressants, mais ce sont deux personnages à priori secondaires qui donnent la vraie tonalité du film. Tout d'abord la mère (on est pas chez Akerman pour rien) qui est celle qui est la plus caractérisée (on apprend qu'elle a survécu aux camps) et la plus discrètement manipulatrice, mais aussi le père (personnage préféré d'Akerman et auquel elle s'identifie le plus, nous dit la réalisatrice en interview) qui livrera la maxime finale du film : l'amour est comme une robe, si elle ne nous va pas on à qu'à en acheter une autre. Golden Eighties est un film extrêmement pessimiste, pas mélancolique mais vraiment triste, où Akerman dissimule -mais si peu au final- tout le cynisme des années 80 et sa glorification consommatrice, derrière la fine couche d'une joie bien trop forcée pour être vraie. Le film me hante bien plus que je ne l'aurais cru.


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Le tombeau d'Alexandre - Chris Marker

Documentaire de deux heures sur la vie du réalisateur soviétique Alexandre Medvekine organisé en deux parties : la première se concentre surtout sur ses deux œuvres les plus connues : Le Bonheur et le Ciné-Train, tandis que la deuxième élude presque la suite de sa carrière (ses films sont très brièvement évoqués vers la fin) pour s'ouvrir plus largement à d'autres réalisateurs (Vertov en premier lieu bien sur) et à l'histoire de la Russie. C'est même cela l'entreprise de Marker : lier l'histoire de la Russie moderne avec ses forces, faiblesses et prétentions (Medvedkine est né en 1900 et commence à réaliser peu de temps après la révolution d'octobre, et fini par mourir en 1989 juste avant la chute du mur et l'effondrement de l'URSS) à celle d'un homme avec sa vie intime, politique et artistique. C'est assez beau et bien sur suffisamment Markerien pour être ponctué de passionnantes réflexions, anecdotes et de surgissement de la vie de Marker lui même.
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sokol
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cyborg a écrit :
mar. 2 mars 2021 10:05
Le film me hante bien plus que je ne l'aurais cru.
:jap: C'est ça : on n'oublie pas de l'avoir vu ce film
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Jean-Marie Straub
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cyborg
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Et ce plan dans le Baiser du Tueur... ne serait ce pas le négatif du monolithe de 2001...?

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groil_groil
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Film dont je n'avais bizarrement jamais entendu parler... et qui est plutôt intéressant, avec une belle interprétation (le duo Brasseur / Trintignant est implacable) et un beau pitch : Un tueur en série sévit et tue des femmes au hasard, à la carabine, par leur fenêtre. Trois femmes ont déjà été tuées. Le commissaire divisionnaire qui enquête (Brasseur) est également fan de vélo. Il est abordé par hasard par un riche patron d'agences immobilières (Trintignant), qui se met à s'intéresser au vélo, et les deux deviennent très amis, très proches. Puis, le tueur en série commet un 4ème meurtre, et c'est la femme de Trintignant qui est la victime. Brasseur commence par prendre l'affaire à coeur, puis finalement s'en retire, car trop proche du mari. Et l'on apprend que Trintignant avait une maitresse, qu'il ne s'entendait plus du tout avec sa femme, etc... Et l'idée vient à germer qu'il serait peut-être à l'initiative du meurtre de sa femme... et il passe de victime à principal suspect. Voilà en gros le pitch du bazar, c'est plutôt bien fichu jusqu'au bout, je regrette juste que la partie serial killer soit laissé de côté assez rapidement pour se concentrer uniquement sur l'affaire du meurtre de la femme du promoteur.

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Cottafavi n'a pas réalisé que des péplums et des Maciste, mais il est aussi l'auteur de beaux mélodrames italiens, comme celui-ci, l'histoire d'un amour impossible et d'une femme qui gâche littéralement sa vie en faisant des mauvais choix.

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NUL ! Avec de la voix-off omniprésente étalée sur le film comme de la merde sur une tartine.
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asketoner
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Les Dites Cariatides, Agnès Varda, 1984

Aux images des Cariatides parisiennes, Varda adjoint quelques nus vivants, et les poèmes de Baudelaire en voix-off. Une collection s'élabore sous nos yeux - voire un commissariat d'exposition. J'ai vu plus passionnant, mais c'est tout de même une bien plus haute idée du cinéma que :

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Elegia, Zoltan Huszarik, 1965

Des chevaux, et puis voilà. Ce film est censé être un monument du cinéma expérimental, il affiche sa liberté formelle à chaque plan (aucune unité esthétique ni narrative), mais devient très vite atrocement scolaire (on s'amuse à repérer les chevaux dans les plans, et quand il n'y en a pas : tant pis !).

Puis 2 films d'Alice Diop :

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Vers la tendresse, Alice Diop, 2016

La réalisatrice a mené des entretiens avec des jeunes hommes au sujet de l'amour lors d'un atelier en Seine Saint-Denis. Elle a enregistré leurs voix, puis les a greffées à quelques images : 4 garçons dans un café, une virée à Amsterdam, le portrait d'un jeune homosexuel de banlieue, un couple louant une chambre d'hôtel pour la nuit.
Pour les deux premiers, ça marche plutôt bien, parce que dans le discours l'amour est le grand tabou. La dissociation du son et de l'image (les protagonistes visibles sont mutiques) appuie la dimension secrète de la confession.
Pour les deux suivants, qui parlent très ouvertement, c'est beaucoup plus problématique. D'ailleurs la réalisatrice s'en aperçoit et finit, avec le quatrième, par inventer une petite scène dans une chambre d'hôtel, sans grande pertinence. L'idée de départ a mué en procédé que rien ne peut déplacer.

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La Permanence, Alice Diop, 2016

Alice Diop place sa caméra dans le cabinet d'un médecin proposant des consultations aux sans-papiers en Seine-Saint-Denis. Outre le dispositif très rigoureux, à la Depardon, le goût de la durée et de l'attention à l'autre dont le montage témoigne, et le regard précis et emphatique porté sur les patients ainsi que sur le personnel médical, un détail dans le cadre frappe par sa valeur de miroir symbolique : derrière le médecin se trouve punaisée, sur le mur beige et triste, une modeste carte du monde. Le monde est donc deux fois dans cette pièce : sur le mur, et face au médecin.
Dans la dernière scène, une jeune femme d'Afrique du Sud, évoquant son histoire atroce, se met soudain à crier, hurler de rage et de détresse, levant les poings vers le ciel. Elle est filmée de dos. Face à elle, le médecin semble embarrassé voire ému, se pressant de rédiger le rapport nécessaire à l'administration de soins médicaux. Sur le côté gauche du cadre, il y a la psychiatre aux cheveux rouges, qui tient dans ses bras l'enfant très calme de la jeune femme. Le plan est fabuleux, et pourtant la réalisatrice choisit de ne pas le tenir. La caméra bouge un peu, la perche du preneur de son s'affaisse. Alice Diop abandonne la caméra, entre dans le champ et pose ses mains sur les épaules de la jeune femme. Ce geste a valeur de manifeste : il ne s'agit pas seulement d'enregistrer ce qui se passe, il faut aussi intervenir quand c'est nécessaire. (Par contre, je ne sais pas quoi penser du fait que la cinéaste arrête presque son film sur ce geste. Il y a quelque chose de très déclaratif là-dedans qui vient recouvrir tout ce qui a été mis en place auparavant. Mais effectivement, c'est une belle manière de s'affranchir de Depardon, d'aller voir plus loin que lui.)
(Le même goût de l'intervention se retrouve dans les entretiens de Vers la tendresse, lorsqu'Alice Diop n'hésite pas à renvoyer à ses interlocuteurs l'inanité machiste de certains de leurs propos, de les contredire, etc...)
(Une chose est certaine en tout cas : j'ai dû voir La Mort de Danton, le premier long-métrage de la réalisatrice, il y a dix ans, et j'y pense encore très souvent. Alice Diop est en train de construire quelque chose de vraiment singulier dans le cinéma français documentaire.)
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sokol
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ah oui, juste un mot à propos de ce film :

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Un, deux, trois, soleil de Blier

Comment peut-on arriver là ?? Bon, je comprend que au début des années 90 on continuait à donner de l'argent à Blier, mais on ne voyait pas le film avant qu'il soit diffuser dans les cinémas ?? Car c'est d'un racisme et d'un misanthropie sans nom !! Il faut le voir pour le croire (il passait sur une chaine Ciné + et du coup, j'ai regardé un peu : en fait, je l'ai regardé en entier pour voir jusqu'à quel point était permis de faire un cinéma si nauséabond !!).

Par exemple, dès qu'on montre des banlieusards marseillais, on envoie à fond la caisse de la musique hurlante magrébine. Anouk Grinberg est à mi-chemin entre Josette, dite "Zézette" du Père Noël est une ordure (une comédie) et le personnage de Mongola d’Élie Kakou. Littéralement !

Bon, je veux bien croire que le début des années 90 c'était la débandade des 14 ans de mitterrandisme, mais comment laisser passer ça ?? Et Marcello Mastroianni, que fout-il dans cette galère ? Ok, il était déjà vieux et on pouvait faire ce qu'on voulait de lui, mais à ce point ??

J’apprends : César de la meilleur musique en 93 ! Ahahaha, mais quelle musique ?? Une musique qui est utilisée juste pour dire ce que Eric Zémour prône tous les soirs à la télé sur le Grand Remplacement ?? :ouch: :ouch: :ouch:

Oh la honte, mais vraiment la honte !

ps: comparant ça :

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à ça (du film "Madame Hyde"), puisque les deux films se veulent 'décalés' :

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Le jour et la nuit !!!! (Pourtant, c'est exactement le meme contexte sociologique, ...etc)
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Les Créatures, Agnès Varda, 1966

Varda fait son Shining sur l'île de Noirmoutiers, un grand fourre-tout dont les expérimentations m'ont tour à tour émerveillé ou lassé (le début, jusqu'au générique, est un chef d'oeuvre ; le film aurait presque pu s'arrêter là, tout était dit ; Varda est aussi photographe : elle va très vite). Le motif du damier revient souvent, noir et blanc s'entrelacent, amour et pédophilie... La cinéaste saisit plutôt bien l'atmosphère du second, mais peine à croire durablement au premier - elle fait semblant, d'où le sentiment d'un surjeu parfois épuisant (par exemple le film est plein à craquer de musique, exactement comme dans les Godard des années 80 : un surgissement puis ça s'interrompt brutalement, et ça revient, et c'est de nouveau coupé... mais chez Varda ça ne marche pas aussi bien).
(Par ailleurs, l'île de Noirmoutiers est magnifiée par le film, dont les cadrages et les mouvements de caméra sont aussi brillants que chez Welles ; Welles qui aurait vu des films de Robert Bresson ; on part de quelques gestes bien précis qu'on élargit soudain en désaxant le cadre pour livrer un tableau d'ensemble extrêmement large : les changements d'échelle sont étourdissants.)
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asketoner
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Magnifique entretien avec Yolande Zauberman, surtout le début, sur France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/ ... ulturelles
(Elle dit que sa langue maternelle, elle croyait que c'était le silence. Sa mère était polonaise et son père lui interdisait de parler polonais.)
Elle est la réalisatrice de M & Would you have sex with an Arab ?
J'ai vu Clubbed to death il y a longtemps, à sa sortie, qui avait été une catastrophe financière je crois, mais qui décrivait plutôt bien le milieu des rave partys. (Il y avait des choses très ratées dedans.)
Par contre je rêve de voir Moi Ivan, toi Abraham.
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groil_groil
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vu moi Ivan toi Abraham au ciné, merveille dont la seule l'unique référence esthétique et morale est Ivan Roublev.
Clubbed to Death vu au ciné aussi c'était super.
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C'est du Tony Scott donc c'est rupture des deux nerfs optiques, mais pour du Tony Scott c'est un film plutôt réussi. Enfin surtout la première heure, assez attachante, la seconde ou Denzel va buter tout le monde pour se venger est pleine de relents fascisants bien désagréables.

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Une black toxico abandonne son bébé dans une poubelle. Ce bébé est adopté par une famille de blancs. La black sort de prison et de désintox et veut récupérer son bébé. D'où procès. C'est raconté avec toutes les facettes possibles du cinéma hollywoodien sirupeux et dégoulinant, mais ça fonctionne car c'est de bonne facture et les comédiens sont top.

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Rattrapage César, chapitre je sais plus combien. Etonnamment j'ai trouvé ça plutôt bien. Disons que c'est un film original, et qui a pour lui de tenter des choses (ce qui devient rarissime dans le jeune cinéma français). Toutes ne sont pas réussies, certaines sont maladroites, mais au moins il tente, et quand ça marche c'est assez chouette. Je déteste Kervern réalisateur, mais il est plutôt bien dans le rôle. Le film serait quelque part à ranger entre Dupieux et Bozon, même s'il ne ressemble pas vraiment ni à l'un ni à l'autre. Et puis il y a une très chouette musique de Jean-Benoit Dunckel.
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groil_groil a écrit :
ven. 5 mars 2021 09:43
vu moi Ivan toi Abraham au ciné, merveille dont la seule l'unique référence esthétique et morale est Ivan Roublev.
Clubbed to Death vu au ciné aussi c'était super.
ah génial ! :love: tu me donnes encore plus envie
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La Fête et les invités, Jan Nemec, 1966

Comme j'avais adoré Les Diamants de la nuit, j'ai voulu voir un autre film de Jan Nemec. J'ai donc trouvé son suivant, qui lui valut quelques ennuis, pour cause de parabole politique trop évidente. La Fête et les invités est un film étonnant, après l'hyper-bressionnien Diamants de la nuit, à la fois épuré et fragmentaire, éclaté par mille souvenirs et visions. Ici, on croirait voir un Bunuel, au développement à la fois linéaire et hyperbolique. Seul le décor est le même : une forêt - où deux jeunes Juifs couraient pour échapper aux camps et tenter de trouver un abri pour la nuit, quelques convives désormais préparent une fête qui finit mal. Les deux films se superposent et résonnent étrangement.
La Fête et les invités n'est pas un mauvais film, mais il est beaucoup moins impressionnant que Les Diamants de la nuit. C'est comme si Jan Nemec avait réussi un premier film parfait, et puis à quoi bon continuer dans cette voie : il change du tout au tout, redevient débutant, et ça se voit. Il parvient tout de même à montrer que les problèmes ne viennent pas seulement des systèmes totalitaires, mais aussi de l'obéissance des citoyens. Il y a une scène très forte où un type dont on ne sait pas bien s'il est idiot ou dangereux, ou les deux à la fois (celui de la photo ci-dessus, comédien exceptionnel), organise pour 6 clampins un simulacre de procès, sans se justifier d'une cause. Aussitôt, les accusés s'inventent des torts, reconnaissent quelque chose, tentent de s'en tirer - l'une exige d'aller aux toilettes, l'un s'enfuit, et s'il est rattrapé les autres condamnent son attitude. Par la seule mention d'un procès, la société se trouve détruite, démantibulée, disloquée.
S'ensuit un étrange banquet au bord d'un lac, où un homme puissant fête son anniversaire en compagnie de convives qui ne trouvent jamais leur place. Le sens est très appuyé, mais au moins il est là. Jan Nemec s'est risqué à donner quelque chose de ce monde à comprendre.
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cyborg
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@asketoner : comme toi, son deuxième m'avait assez surpris car vraiment différent, mais m'avait plu.
J'avais vu son troisième ensuite dont je ne me souvient plus et qui, d'après mes notes, ne m'avait pas plu : dans une veine plus "surréaliste" sur trois histoires d'amour, plus convenu.
Je n'ai rien vu d'autre depuis lors.
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asketoner
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:jap:

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Joe Limonade, Oldrich Lipsky, 1964 (que j'ai récupéré après avoir vu Happy end, du même cinéaste, qui m'avait beaucoup plu)

On est ici dans un western, réalisé par un cinéaste tchèque, où le gentil cowboy, Joe Limonade, ne peut pas être seulement gentil : en réalité il s'agit d'un publicitaire qui tente de placer son produit (sa limonade) au bout de chacune de ses bonnes actions. Il est du côté de la loi, mais aussi du côté de la loi du marché. Il ne tue pas les méchants populaires mais leur fait signer un papier vantant les mérites de sa boisson, pour tirer profit de leur popularité.
La comédie est très réussie, très stylisée, comme Happy End. La bagarre de saloon, dès les premières minutes, est poussée à l'extrême de son esthétisation burlesque par un filmage en stop-motion permettant d'invraisemblables cascades. Les méchants sont particulièrement extravagants. J'aime beaucoup le personnage du pistolero qui mange tout ce qui lui tombe sous la main, même le verre après l'avoir bu, ou le violon de son ennemi.
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groil_groil
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asketoner a écrit :
ven. 5 mars 2021 18:29
groil_groil a écrit :
ven. 5 mars 2021 09:43
vu moi Ivan toi Abraham au ciné, merveille dont la seule l'unique référence esthétique et morale est Ivan Roublev.
Clubbed to Death vu au ciné aussi c'était super.
ah génial ! :love: tu me donnes encore plus envie
Ivan Roublev, n'importe quoi :D :D je pensais à la fois à l'Enfance d'Ivan et Andrei Roublev :D
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Narval
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Ola, juste un petit message pour dire qu'il y a de chouettes films sur Arte en ce moment, notamment Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) (film très difficile à trouver en dvd - à prix abordables) :bounce:

https://www.arte.tv/fr/videos/017555-00 ... -sexuelle/
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groil_groil
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Biopic consacré à la dernière tournée de Nico dans les 80's, peu de temps avant sa mort, alors qu'elle est totalement dépendante de l'héroïne et qu'elle est toujours séparée de son fils Ari, alors interné. Le film est très fort, très beau, allant à l'encontre des biopics à l'hollywoodienne, d'autant que l'actrice choisie, Trine Dyrholm, ne ressemble absolument pas à Nico mais qu'elle joue son rôle de manière prodigieuse, l'incarnant véritablement, et allant même jusqu'à chanter véritablement, et avec beaucoup d'émotion, ses chansons.

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Le Chemin Rêvé, Angela Shanelec.

Comme souvent avec Schanelec il y a quelques fulgurances au milieu d'un film froid, abscons, et parfois difficile à suivre tant la narration est décousue.

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L'un des deux films sortis pas Lifshitz cette année, et celui-ci, fait rare pour un documentaire, est multi-nommé aux César à venir en fin d'année. Sur un principe assez couru mais qui fonctionne souvent, le cinéaste suit sur plusieurs années deux adolescentes, du collège jusqu'au bac, en les filmant pendant plusieurs années, donnant l'illusion aux spectateurs de les voir grandir. Le film est tout à fait correct dans le genre, mais il ne le transcende pas non plus. Disons que l'une des deux filles à une vie vraiment difficile avec plein d'embûches familiales, et pourtant s'en sort, et ce sont ces malheureux accidents qui rendent le film intéressant, sinon la construction dramatique de l'ensemble manque d'originalité ou d'implication, je ne sais pas, mais l'exercice ne dépasse son principe assez scolaire.

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A sa sortie en salles en 1994, Exotica jouissait d'une réputation énorme, genre chef-d'oeuvre de film d'auteur sulfureux, que je trouvais déjà un peu exagérée. J'étais pourtant curieux de le revoir près de 30 ans plus tard (ça ne nous rajeunit pas...), pensant parfois qu'il aurait pu bien vieillir... Mais c'est malheureusement tout le contraire. Moche, kitsch, avec tous les clichés d'auteur des 90's, j'ai tenu une petite demi-heure.

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Un bon Sautet fin de carrière, tout en retenue.
Gros souci au niveau du maquillage, les acteurs sont surmaquillés, et c'est particulièrement gênant pour Auteuil et ses yeux, on dirait qu'il s'apprête à jouer Pierrot lunaire.
Et sinon, un truc que j'adore chez Sautet, et dont on ne parle jamais, c'est l'utilisation de l'arrière-plan sonore. C'est toujours hyper travaillé et hyper juste, hyper discret, à tel point qu'on ne le note pas, mais il y a toujours le bruit de la mobylette qui passe en ville, du clocher du village qui sonne à la campagne, c'est un travail fin et ciselé dont je suis sûr que Sautet y prêtait une grande attention.

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J'en avais lu beaucoup de mal je ne sais plus où, et j'y allais donc à reculons, mais c'est plutôt un bon Jacquot, avec des personnages habités, un bon sens du rythme, et une facture réussie, musique, décors, mise en scène, c'est plutôt crédible. Poelevoorde est tellement bon qu'il arrive à faire croire qu'un inspecteur des impôts peut se taper à la fois Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni. Le filme pêche en revanche par des détails qui m'agacent profondément. Le premier c'est l'utilisation du mot "province" qui est fait avec un mépris rare et pas mal d'incohérence. Comment des gens originaires de Valence, Deneuve et ses deux filles, peuvent ainsi dire qu'ils vivent en Province, que c'est mort la Province, alors que c'est un terme qui n'est employé que par les parisiens. Passons, mais ça m'agace. Ensuite, c'est l'histoire de ce rendez-vous manqué qui m''agace. A moins que j'ai mal vu, mais ça m'étonnerait, Charlotte Gainsbourg traverse donc toute la France pour ce rdv avec son amoureux inconnu aux jardins des Tuileries, et elle se barre uniquement après 5 minutes de retard ? Elle ne l'attend pas plus longtemps ? Sérieux ? et tout le film découle de ce rendez-vous manqué ? et la vie de nos personnages en dépend ? pour 5 putain de minutes de retard. J'espère m'être planté et qu'elle l'a attendu 1h et 5 minutes, mais je ne suis vraiment pas certain. Mais le film est plutôt réussi quand même, notamment dans ses ellipses, parce que malgré cela, et mes réticences liées à cela, j'ai fini par plutôt l'aimer.
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asketoner
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O-Bi O-Ba, la fin de la civilisation, Piotr Szulkin, 1985

Une sorte de Blade Runner, Brazil ou Soleil Vert polonais, dix fois plus glauque, aussi spectaculaire (peut-être même plus), et plus profond.
Parfois dans un film le décor à lui seul tient lieu de mise en scène : ici, un vaste sous-sol, plein de galeries et d'alcôves secrètes, abrité par une coupole sur le point de s'effondrer (bonjour l'URSS), autour duquel le monde a été dévasté par la bombe atomique (artefact du capitalisme). On ne verra pas le ciel, seulement une série de chambres où chacun tente, à sa façon misérable, de dire un peu qui il est, et comment il espère encore (comment il croit, malgré tout, en la possibilité du monde, bien que le monde soit devenu impossible). Le film, déployant d'effroyables visions d'une Humanité à la dérive (quelques hommes perdus devant des lavabos sous des néons capricieux, une foule basculant d'un pied sur l'autre tandis que des hauts-parleurs diffusent une vague propagande, des petites bandes attendant que quelque chose sorte d'un tuyau) parvient très bien à tourner ce thème de l'espérance et de la foi dans tous les sens, jusqu'à le compromettre absolument dans un finale rappelant le Magicien d'Oz. Les mouvements de caméra sont exagérés (mais le film lui-même cherche cette exagération), pourtant certains plans sont d'une grande puissance, excitant fortement l'imaginaire, moins par leur cadre que par leur fourmillement d'idées plus terribles les unes que les autres. (Les trois équilibristes marchant sur des fils tendus au-dessus de la foule sont merveilleuses, par exemple, image parfaite de la sublimation d'une condition désespérante.) O-Bi O-Ba me semble être la conjugaison de divers talents, au service d'une esthétique assez claire, à la fois expressive et vulgaire, et malgré tout très habitée.
J'ai beaucoup aimé ce film pour ce qu'il est : certainement pas la révélation d'un grand cinéaste (quoique... j'ai vu que Szulkin avait réalisé un Golem à la même période, que je regarderai peut-être si j'arrive à le trouver), mais une excellente science-fiction rivalisant largement avec ses modèles ou contre-modèles hollywoodiens.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
dim. 7 mars 2021 19:01
asketoner a écrit :
ven. 5 mars 2021 18:29
groil_groil a écrit :
ven. 5 mars 2021 09:43
vu moi Ivan toi Abraham au ciné, merveille dont la seule l'unique référence esthétique et morale est Ivan Roublev.
Clubbed to Death vu au ciné aussi c'était super.
ah génial ! :love: tu me donnes encore plus envie
Ivan Roublev, n'importe quoi :D :D je pensais à la fois à l'Enfance d'Ivan et Andrei Roublev :D
Je n'avais même pas remarqué :D
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Skipper Mike
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groil_groil a écrit :
lun. 8 mars 2021 10:36
Le premier c'est l'utilisation du mot "province" qui est fait avec un mépris rare et pas mal d'incohérence. Comment des gens originaires de Valence, Deneuve et ses deux filles, peuvent ainsi dire qu'ils vivent en Province, que c'est mort la Province, alors que c'est un terme qui n'est employé que par les parisiens.
C'est même pire que ça : à l'époque Jacquot disait en interview qu'il s'était refusé à donner le nom de la ville dans le film parce que "toutes les villes de province se ressemblent et ont la même atmosphère".
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Skipper Mike a écrit :
lun. 8 mars 2021 22:07
groil_groil a écrit :
lun. 8 mars 2021 10:36
Le premier c'est l'utilisation du mot "province" qui est fait avec un mépris rare et pas mal d'incohérence. Comment des gens originaires de Valence, Deneuve et ses deux filles, peuvent ainsi dire qu'ils vivent en Province, que c'est mort la Province, alors que c'est un terme qui n'est employé que par les parisiens.
C'est même pire que ça : à l'époque Jacquot disait en interview qu'il s'était refusé à donner le nom de la ville dans le film parce que "toutes les villes de province se ressemblent et ont la même atmosphère".
mais quel affreux connard :D
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Je m'attendais au pire, mais en fait c'est assez réussi, et assez touchant. Ce n'est bien sûr pas un bon film, mais le cinéaste s'en tire car il choisit de traiter le sujet sur le ton de la comédie et cela lui permet de sortir de bien des écueils et d'éviter les poncifs. Et, dans le genre de la comédie, le film est réussi, sans être très drôle il est touchant. C'est un archétype de la comédie française : un mis-à-part va se révéler grâce à une épreuve dans laquelle il doit se surpasser. On pourrait reprocher au film d'avoir choisi le concours de Miss France pour exposer son message, car c'est quelque chose de plutôt rétrograde et abaissant pour la gent féminine, mais on s'en fiche car le concours n'est qu'un prétexte qui va permettre à ce jeune garçon (le comédien est assez bluffant) de se révéler et d'exister tel qu'il a envie de se montrer au monde. Dans ce genre de film, je trouve celui-ci un milliard de fois supérieur à la daube insultante de Gilles Lellouche qui a pourtant eu un succès aussi énorme qu'incompréhensible...
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sokol
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groil_groil a écrit :
mar. 9 mars 2021 09:43
Skipper Mike a écrit :
lun. 8 mars 2021 22:07
groil_groil a écrit :
lun. 8 mars 2021 10:36
Le premier c'est l'utilisation du mot "province" qui est fait avec un mépris rare et pas mal d'incohérence. Comment des gens originaires de Valence, Deneuve et ses deux filles, peuvent ainsi dire qu'ils vivent en Province, que c'est mort la Province, alors que c'est un terme qui n'est employé que par les parisiens.
C'est même pire que ça : à l'époque Jacquot disait en interview qu'il s'était refusé à donner le nom de la ville dans le film parce que "toutes les villes de province se ressemblent et ont la même atmosphère".
mais quel affreux connard :D
Bon, je vais faire un peu l'avocat du diable mais, comme la France est un pays très centralisé (de toute façon, dans le monde, s'il y a une catégorisation indéniable des pays serait celle des pays centralisés d'un coté et non-centralisés - décentralisés de l'autre), donc la France ne peut pas échapper à la 'règle' suivante : dans les pays décentralisés (exemple : l'Italie, les USA, l'Allemagne, le Brésil, le Canada, l'Espagne, l'Inde, ...etc), même s’il y a une capitale officielle, il y a plusieurs très grandes villes, plusieurs capitales, et par conséquent, plusieurs provinces tandis que dans les pays centralisés (exemple : la Russie, la France, la Chine, l'Algérie, l'Egypte, l'Iran, ... etc) , il n'y a qu'une capitale et, par conséquent, qu'une province (mon père, qui n'est plus de ce monde, quand il venait en France, disait toujours, surtout quand on allait de Paris à Bordeaux en train : "dès qu'on quitte Paris, la France est partout pareil").

Bref,pas si faux que ça ce que a dit Jacquot
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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asketoner
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sokol a écrit :
mar. 9 mars 2021 11:43
groil_groil a écrit :
mar. 9 mars 2021 09:43
Skipper Mike a écrit :
lun. 8 mars 2021 22:07


C'est même pire que ça : à l'époque Jacquot disait en interview qu'il s'était refusé à donner le nom de la ville dans le film parce que "toutes les villes de province se ressemblent et ont la même atmosphère".
mais quel affreux connard :D
Bon, je vais faire un peu l'avocat du diable mais, comme la France est un pays très centralisé (de toute façon, dans le monde, s'il y a une catégorisation indéniable des pays serait celle des pays centralisés d'un coté et non-centralisés - décentralisés de l'autre), donc la France ne peut pas échapper à la 'règle' suivante : dans les pays décentralisés (exemple : l'Italie, les USA, l'Allemagne, le Brésil, le Canada, l'Espagne, l'Inde, ...etc), même s’il y a une capitale officielle, il y a plusieurs très grandes villes, plusieurs capitales, et par conséquent, plusieurs provinces tandis que dans les pays centralisés (exemple : la Russie, la France, la Chine, l'Algérie, l'Egypte, l'Iran, ... etc) , il n'y a qu'une capitale et, par conséquent, qu'une province (mon père, qui n'est plus de ce monde, quand il venait en France, disait toujours, surtout quand on allait de Paris à Bordeaux en train : "dès qu'on quitte Paris, la France est partout pareil").

Bref,pas si faux que ça ce que a dit Jacquot

n'importe quoi :D

bon, mais moi de toute façon ça fait un moment que je ne nomme plus les films de Jacquot, ils se ressemblent tous et ont tous la même absence d'atmosphère
- qu'est-ce que tu as vu ?
- oh, un film de Jacquot
- ah oui, il y a un H&M au centre, non ?
- oui, et une Fnac, comme dans tous les Jacquot
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cyborg
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Oui enfin ceci dit il y a un HM & une Fnac dans tous les centres-villes de toutes les villes de province en France, ainsi que toutes les incontournables autres grandes enseignes.
Ce qui se rajoute au fait qu'en plus ces mêmes centres sont souvent désertés pour cause de zones commerciales -avec les mêmes enseignes ou presque- en plus ou moins proches banlieue.
C'est très français comme phénomène, et en même temps ce n'est pas un "problème français", ce sont des dynamiques plus larges.
Ceci étant dit ça n'enlève rien au grand n'importe quoi que dit Jacquot dans la citation ci-dessus..
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asketoner
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@cyborg : je m'aperçois grâce à ton message que j'ai fait une blague incompréhensible :D

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illumination, Krzysztof Zanussi, 1973

Le problème d'Illumination, c'est que contrairement à ce que le titre promet, aucune illumination jamais ne survient dans la vie de son personnage principal (sinon une maladie finale, coup du sort un peu mièvre déclenchant les pires violoneries lyriques imaginables). Je vois bien ce que le film tente de saisir - il y a un certain vertige à voir une vie ainsi survolée, en s'en tenant à la surface de l'existence comme le héros le fait -, mais ce qui devrait durer vingt minutes et se briser s'éternise sur une heure trente sans jamais trouver de contrepoint. A la superficialité rien ne répond, sinon le présage de la mort. Le film n'est pas mauvais (le procédé auquel il se condamne lui confère une certaine vitesse, donc une belle hétérogénéité, qu'un travail de documentation scientifique étaye de façon très plaisante), mais il est vraiment limité.
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cyborg
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Bachelor Mountain - 2011

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Timber Gang - 2006

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Survival Song - 2008


Happé par ces trois films du documentariste chinois Yu Guangyi composant sa "Trilogie du pays natal", je les ai vu quasiment d'affilé lors d'une journée pluvieuse.
Revenant dans sa région d'origine, Guangyi y filme des bucherons, des travailleurs, des villageois survivants dans la misère la plus profonde.

Deux cents ans d'exploitation forestière ont épuisés la région, réduisant à néant la source principale de revenus des locaux. Si la fuite vers les villes n'est pas des plus évidentes ni forcément désirée, la pression est désormais double avec la marche forcée de l'économie qui grandi dans le pays : constructions de barrages électriques engloutissant les terres, expulsions, afflux d'éco-touristes...

La première comparaison venant à l'esprit est bien sur Wang Bing et son "A l'est des rails", telle une variation rurale dans laquelle les hauts fourneaux auraient été remplacés par des sapins enneigés. Mais la grande différence avec Bing est la proximité que Gyangyi occupe par rapport à ceux qu'ils filment. Il n'y a pas ici d'impression d'ensemble, d'impression démesurée de la fin d'une époque tout aussi démesurée, de complexe industriel peuplée de derniers fantômes survivants. Ici les corps font corps, ils font chairs, ils font mémoires, ils font sentiments et émotions.

Timber Gang, premier film dans l'ordre chronologique, est celui avec l'approche la plus large. On y suit un groupe d'homme, dernier groupe de bûcherons de la région, durant leurs derniers mois de travail. On y voit leurs rapports entre eux, entres leurs corps qu'ils auscultent ou soignent, avec la nature ou avec les animaux qu'ils exploitent ou tuent ou mangent. On y découvre la rudesse totale des conditions de vie. On y devine les relations d'amitiés ou d'inimitié. Ni le film ni la forme n'ont vraiment à voir, mais je n'ai pu m'empêcher de penser à l'incroyable La Libertad de Lisandro Alonso, dont l'isolation totale du bucheron solitaire venait rendre visible le hors-champ de notre économie globalisé et atomisé. Même sentiment d'effroi implacable ici : ces gens sont-ils en train de couper l'arbre qui constitue la table basse de mon salon ?

Les deux autres films, Bachelor Mountain et Survival Song, se déroulent absolument dans le même contexte mais s'arrêtent sur des rapports intimes de familles et de voisins dont on connait les noms, les quotidiens, les échanges. Bachelor Mountain narre même l'amour frustré d'un célibataire amoureux de sa voisine depuis 10 ans et à qui il continue de rendre quotidiennement service, malgré ses rabrouement récurrents et les remarques de ses amis. On sait que la problématique de la représentation de la vie sentimentale de la classe "pauvre"/"populaire" est un sujet assez rare au cinéma (les plus grands, du type Antonioni, Robbe-Grillet ou Haneke n'hésitant pas à repousser le sujet d'un revers de la main pour le classer comme impossible) et ce film en est l'incroyable contre-exemple. Rapidement cet homme n'apparait plus ni comme un ouvrier ni comme un miséreux mais on apprend à le connaitre par ses travers affectifs profondément humain. Je crois que je n'avais jamais vu ça sur un écran. Je crains néanmoins qu'il y ai chez Guangyi un petit côté manipulateur - à la "strip-tease" pour faire simple- ce qui me conduit à ne pas être encore totalement fixé par rapport à ces films. Mais dans l'ensemble ils furent une incroyable découverte.
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cyborg
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L'or des mers - Jean Epstein

Conte moral au coeur d'un village de marin breton, avec les habitants du cru dans les rôles principaux. La mer, telle une entité spirituelle, y donne et y reprend la richesse, la vie, modèle les relations. Les images sont belles. Pas de doute on est chez Epstein, mais je n'ai rien à de spécial à en dire.
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cyborg
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Ha zut, j'ai oublié que j'avais vu

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Dante no es únicamente severo -Dante n’est pas uniquement sévère - Joaquín Jordà et Jacinto Esteva - 1967

Film phare du mouvement de l'"Ecole de Barcelone" ayant sévi à la fin des années 60. Alors sous le joug du franquisme, un groupe de cinéaste tente d'échapper à la censure par la recherche cinématographique. Le mot d'ordre semble ici d'être avant tout le refus du récit qui explose sans cesse, se délite, se recompose, se démultiplie en fragments plus ou moins compréhensibles. Les deux hommages centraux du film (Godard (le titre de Pierrot le fou apparait à l'image + on y rejoue peu ou prou la scène avec les ciseaux) et Bunuel) sont aussi sensiblement appuyés que toutes les tentatives d'expérimentations qui émaillent le film, finissant par ressembler à un exercice très scolaire bien appliqué mais sans proposition propre. L'heure et quart en devient même longue... Reste surtout un sens visuel indéniable, vitaminé par les couleurs pop des années 60.
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cyborg a écrit :
mar. 9 mars 2021 22:21

L'or des mers - Jean Epstein

Conte moral au coeur d'un village de marin breton, avec les habitants du cru dans les rôles principaux. La mer, telle une entité spirituelle, y donne et y reprend la richesse, la vie, modèle les relations. Les images sont belles. Pas de doute on est chez Epstein, mais je n'ai rien à de spécial à en dire.
On dirait Le tempestaire
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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cyborg a écrit :
mar. 9 mars 2021 16:33
ce sont des dynamiques plus larges.
C'est ce que j'ai tenté d'expliquer par "pays centralisés" et "pays décentralisés"
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Revu ce Tony Scott parce que je m'étais surpris à beaucoup l'aimer la première fois, c'est d'ailleurs son meilleur film à mes yeux, et je ne suis pas loin de le préférer à l'original. Bon, c'est toujours très cool, mais c'est un genre de film dont le revisionnage n'apporte absolument rien, mieux vaut rester sur sa première impression. Sinon Denzel est comme toujours absolument énorme dans ce film, je l'aime.

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Ce n'est absolument pas génial (impossible avec Audiard, même déterritorialisé), mais c'est quand même correct, plus correct que ce que je redoutais, et c'est de toute évidence du à l'énorme casting impeccable, et aux décors naturels de toute beauté. Le film ensuite... bon, c'est un petit western contemporain, rien de plus, avec tout de même une belle idée, celui du produit révélateur de pépites d'or. Je m'interroge en revanche sur le pouvoir de Audiard, même si ce film ne comporte pas tous ses tics habituels, dieu merci, ce n'est clairement pas un film de commande, c'est un film personnel, dont il est aussi l'auteur, dont il a choisi les producteurs, etc., bref, je ne le savais pas aussi puissant pour que des stars aussi énormes viennent jouer chez lui. C'est dingue l'aura du cinéma français est encore présente à Hollywood, je pensais que plus du tout depuis des décennies.
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Plusieurs prix à Cannes c'est quand même un bon sésame pour attirer les stars hollywoodiennes non ?
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Moi Ivan, toi Abraham, Yolande Zauberman, 1993

Très beau film valant surtout pour sa fougue, ses grands moments d'intensité. La mise en place est un peu longue, embrouillée (le scénario multiplie les intrigues et les personnages), mais dès que les enfants s'enfuient, le film se libère et déploie toute la grâce dont il est capable. On retrouve dans ce premier long-métrage de Yolande Zauberman ce qui marque également le reste de son oeuvre : une quête ardente de la cinégénie, une passion pour le visage de ses acteurs, leur corps, leur sourire. Portée à une telle intensité, cette obsession devient une question bouleversante : qu'est-ce que les êtres humains ont, non pas à nous dire, mais à nous montrer, de par leur seule présence, leur apparence, leur énergie, leur façon de se mouvoir, de regarder le monde, de se regarder entre eux ? L'amitié est ici le lien révélateur de cette pure puissance d'être-au-monde.
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robinne
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weird

yhi a écrit :
mer. 10 mars 2021 18:25
Plusieurs prix à Cannes c'est quand même un bon sésame pour attirer les stars hollywoodiennes non ?
&
@groil_groil
J’avais lu que c’était un projet de John C. Reilly qui a appelé Audiard.
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groil_groil
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merci, c'est ce qu'on m'a dit sur Facebook aussi, tout s'explique ;)
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groil_groil
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En pleine intégrale Lawrence Kasdan en ce moment, et c'est assez passionnant à faire, mais quand il s'agit de film médiocre comme ici. C'est un mix entre une comédie romantique et une comédie policière, où une jeune américaine qui allait se marier part à Paris, malgré sa peur noire de l'avion, pour retrouver son futur-ex-mari qui l'a larguée pour une bimbo rencontrée sur place. Dans l'avion, elle rencontre un bonimenteur, Kevin Kline, acteur fidèle du cinéaste et toujours génial, qui ne va plus la quitter d'une semelle, à la fois parce qu'il a planqué un collier précieux dans ses bagages mais aussi parce qu'il tombe amoureux. C'est une comédie légère, qui n'évite aucun stéréotype et qui se vautre tant dans les clichés qu'on se persuade que c'est volontaire, c'est donc un film totalement secondaire, sans doute l'un des moins bons de son auteur, mais qui reste agréable à suivre grâce aux comédiens, aux décors et à la vivacité de la mise en scène.

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Curieux et étonnant film, à moitié réussi, mais cette moitié de réussite est chouette, narrant le quotidien de différents personnages n'ayant a priori rien à voir mais dont les destins se croisent sous l'envie d'aller visiter le grand Canyon, qu'on ne verra que lors du dernier plan du film et de son générique final. Un cinéma américain grand public mais profond en même temps, qui ressemble parfois à du Robert Benton, un cinéma généreux et bancal à la fois, au casting remarquable, et en tout cas tout à fait digne d'intérêt.

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Un couple se déchire toute une nuit en rentrant de l'avant-première du long-métrage de monsieur, qui a pourtant été encensé par la critique présente, au prétexte qu'il a, lors de son discours de remerciements, oublié de citer sa compagne. Alors c'est très beau, du noir et blanc bien granuleux, c'est une prouesse, deux acteurs, rien d'autre, et ça sent la course à la carotte de l'interprétation magistrale, mais le film sonne quand même creux dans il étouffe dans son approche théâtrale de la mise en scène (clairement un aveu d'échec). Pire encore, derrière cette petite crise du metteur en scène, on ne peut s'empêcher de voir celui du film que nous sommes en train de voir, et cette mise en abyme au rabais laisse surtout transparaitre de la mesquinerie plutôt qu'une grandeur d'âme. Et puis, franchement, comment supporter un personnage qui, une fois chez lui, garde ses godasses et les pose intentionnellement sur le canapé, qui comme tout le reste de la déco, est tellement soigné qu'on a du mal à croire que cet intérieur puisse vraiment être habité, sachant qu'il va le dégueulasser comme un gros goret. Inadmissible !
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asketoner
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Mère Jeanne des Anges, Jerzy Kawalerowicz, 1961

Un film un peu pénible a priori : on voit venir la longue dissertation entre le bien et le mal, l'indignation morale et l'exultation des sens ; d'ailleurs quand on comprend que notre point de vue sera celui de cet abbé simple et pieux qui pardonne à tous mais ne sait rien, on craint le pire. Pourtant, quelque chose dans la mise en scène évite au film d'être trop plat, et finit même par le soulever assez haut. Cela tient peut-être à cette façon très sûre (très polonaise : c'est pénible de faire des généralités de cet ordre mais tous les films polonais que je vois sont habités par la religion d'une manière ou d'une autre, qu'elle soit glorifiée ou déchue) de filmer une église, un couvent, une personne en train de prier. Dans ces moments-là les cadres sont beaux, parfaits, lisibles, et il y a toujours quelque chose qui s'y passe (quelque chose de plus que la tentative de reproduire les signes de la religiosité, acquise d'emblée). Les champs/contrechamps sont également très étonnants, parce que les visages des protagonistes sont exactement à la même place dans le cadre, ce qui crée d'étranges effets de superpositions (comme si Bien et Mal, par la géométrie rigoureuse, peu à peu s'emmêlaient). Et toutes les chorégraphies des bonnes soeurs possédées sont également très réussies, donnant du relief (le relief du corps) à ce film au scénario par ailleurs très scolaire. Il devient assez évident, grâce à ces danses, que l'exorcisme est une guerre des sexes avant tout. Deux façons de jouir s'opposent sans se comprendre : l'abbé à la tonsure triste prie obstinément, répétant ses formules et ses rituels, se flagellant à l'occasion ; les femmes tournent sur elles-mêmes jusqu'au vertige, comme si leur corps pouvait se disloquer, et finissent par perdre leur tunique et crier, et laisser des traces sur les murs blancs.
Vers la fin du film, il y a une scène très belle, où le héros commet un acte terrible, mais le cinéaste ne le montre pas : il filme le regard des chevaux dans l'étable où l'acte est commis, leur panique, leur terreur. Parfois dans certains films cette dissipation du regard peut être une facilité ; ici c'est une belle intuition.
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Tyra
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 15 févr. 2021 16:22
groil_groil a écrit :
lun. 15 févr. 2021 13:01
:hello: :hello: :hello:

ça me rappelle les grandes années quand on me filait le Coffret César, j'enchainais un nombre incalculable de merdres :D
Merci pour tes mots sur Dupontel, je déteste tellement ce mec.
D'ailleurs j'ai commencé à trier mes relations en fonction de leur avis sur Dupontel. :D
Ben justement, je trouve que cette sélection, aussi naze soit-elle dans sa majorité, est intéressante pour vérifier si les votants de l'académie ont réellement été renouvelés.
Avant, Dupontel était sûr d'avoir le césar du meilleur réalisateur. Car les votants ne votaient que pour les réalisateurs dont la mise en scène "se voit", c'est à dire principalement tape à l'oeil, justement. En l'occurence, parmi les 5 nommés, c'est le plus évident. On verra si ce n'est plus le cas aujourd'hui ou pas.
:cry: :cry: :cry:
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sokol
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Un des 2-3 films les plus importants de Godard dont, en le revoyant, m'a permis de comprendre que "Adieu au langage" n'est "que" son "Numéro trois".
Et d'un coup, on se rend compte que si des artistes comme Godard avait une deuxième vie biologique, ils auraient pu avoir une quatrième ou cinquième vie artistique (puisqu'il en a déjà eu 3 !)
Modifié en dernier par sokol le lun. 15 mars 2021 11:15, modifié 1 fois.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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Tyra a écrit :
sam. 13 mars 2021 16:27
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 15 févr. 2021 16:22
groil_groil a écrit :
lun. 15 févr. 2021 13:01
:hello: :hello: :hello:

ça me rappelle les grandes années quand on me filait le Coffret César, j'enchainais un nombre incalculable de merdres :D
Merci pour tes mots sur Dupontel, je déteste tellement ce mec.
D'ailleurs j'ai commencé à trier mes relations en fonction de leur avis sur Dupontel. :D
Ben justement, je trouve que cette sélection, aussi naze soit-elle dans sa majorité, est intéressante pour vérifier si les votants de l'académie ont réellement été renouvelés.
Avant, Dupontel était sûr d'avoir le césar du meilleur réalisateur. Car les votants ne votaient que pour les réalisateurs dont la mise en scène "se voit", c'est à dire principalement tape à l'oeil, justement. En l'occurence, parmi les 5 nommés, c'est le plus évident. On verra si ce n'est plus le cas aujourd'hui ou pas.
:cry: :cry: :cry:


:D
Putain, j'avais oublié que j'avais dit ça
Au jeu des pronos, j'ai pas osé parier sur Dupontel, résultat j'ai perdu, merdre ! :D
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Tyra
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Si j'ai bien compris, les votants restent les mêmes donc bon...
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sokol
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Cul-de-sac de Polanski :

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Je ne l'avais jamais vu et je l'ai trouvé vraiment très bien mais c'est ça le problème avec Polanski : si il était capable de faire ça, pourquoi il faisait aussi "Le pianiste" (et pas que)
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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Tirez sur le pianiste (Truffaut, 1960) :

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On m'avait dit que ça pouvait être un Truffaut des année 60 qui pouvait me plaire (à propos : je pense que, contrairement à ses copains de la Nouvelle Vague, ses films des années 60 sont mauvais et seulement vers la toute fin des années 60 et surtout durant les années 70 qu'il a réalisé quelques bons).

Bon, celui-ci je l'ai plutôt aimé.

Sachant que son film précédent était "Les 400 coups" (1959) (que je n'aime quasiment pas du tout), je le trouve celui-ci plus libre, plus 'nouvelle vague', plus rapide (au sens de la rapidité godardienne) : durant le visionnage, je me suis posé la question si "Tirez sur le pianiste" (1960) était intérieur à "A bout de souffle" (1960 également). J'avais bien raison : même si les deux films sont sortis en 1960, j'ai vérifié sur Wiki que les prises de vue du film de Godard ont eu lieu du 17 août au 15 septembre 1959 tandis que le film de Truffaut a été tourné du 30 novembre 1959 au 22 janvier 1960. Ce dernier, sans aucun doute a du être plus que impressionné en regardant celui de son camarade : son influence est évidente dans "Tirez sur le pianiste".

Alors,on peut se poser la question : Truffaut, après celui-ci, pourquoi il a fait un film horrible comme "Jules et Jimes" ? Sans doute parce que il s'est rendu compte que "Les 400 coups" (à qui, en terme de mise en scène "Jules et Jim" lui ressemble beaucoup plus qu'à "Tirez sur le pianiste") a eu un succès public nettement supérieur. Donc, à mon opinion, Truffaut s'est plutôt soumis au gout ambiant (l’éternel paradoxe de l'œuf et de la poule contextualisé : est-ce que les films donc les réalisateurs doivent tirer le public vers le haut ou ils doivent se soumettre au gout du public ?).
Ca ne métonne pas que,au milieux des année 60, il a dit à propos de Godard, je le cite : "Jean-Luc Godard n'est pas le seul à filmer comme il respire, mais c'est lui qui respire le mieux. Il est rapide comme Rossellini, malicieux comme Sacha Guitry, musical comme Orson Welles, simple comme Pagnol, blessé comme Nicholas Ray, efficace comme Hitchcock, profond, profond, profond comme Ingmar Bergman et insolent comme personne".

Comme je disais plus haut, plus tard il a fait quelques beaux films (j'ai découvert récemment "Le dernier métro" et c'est vraiment un bon film !!) mais il est évident qu'il a voulu plaire aux plus grand nombre donc, il a risqué beaucoup beaucoup moins que Godard, Rivette ou Rohmer : "Tirez sur le pianiste" est l’exception qui confirme la règle.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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