Le Centre de Visionnage : Films et débats

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Tyra
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A quand la critique du Brac ? :langue:
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Kit
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Localisation : où est né William Wyler

groil_groil a écrit :
jeu. 27 mai 2021 10:36
Kit a écrit :
mer. 26 mai 2021 10:56
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J'ai mon neveu à la maison et je lui ai proposé de choisir le film. Choix parfait, ça m'a permis d'enfin voir ce grand classique, Palme d'Or à Cannes, 5 millions d'entrées en France à sa sortie (ça semble dingue d'imaginer cela aujourd'hui), superbe mélodrame à la belle mise en scène, que j'ai préféré à celle de Soy Cuba que je trouve trop osentatoire.
un film que j'ai découvert tout jeune il y a environ 50 ans et qui reste un des mes films préférés. anecdote les oiseaux étaient en fait des grues, mais "Quand passent les grues" les gens auraient vu autre chose que des oiseaux ou des engins de chantiers
:lol: :lol: :lol:
tu pourras le mettre dans ton top des palmes d'or
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groil_groil
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Visionnage annuel. Très heureux à l'idée de renchainer les 4.

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Le film de Zhao qui précède Nomadland, et qui est réalisé selon les mêmes principes de cinéma à festival post-Malickien (qu'est-ce que Malick aura fait comme mal au cinéma quand on y réflechit deux secondes...), qui se veut original et indépendant, mais qui n'est en fait que pur formatage, étant simplement formaté sur un canevas différent. On y suit la vie quotidienne d'un jeune homme anciennement dresseur de chevaux et champion de rodéos, qui se remet de blessures graves dues à son activité qu'il tente à tout prix de reprendre un jour. Comme dans Nomadland, la plupart des gars jouent leur propre rôle. Et comme dans Nomadland au milieu des poncifs artys il y a parfois de très beaux moments.
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asketoner
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Le Maître du gang, Joseph H. Lewis, 1949

Super ringard. J'en attendais un peu plus du réalisateur de Gun Crazy. La seule bonne idée du film, c'est de placer une gamine, fille de gangster, au milieu de cette affaire. Tout le reste est attendu.

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La Nature, Artavazd Pelechian, 2020

Tout le monde dit que c'est l'un des meilleurs Pelechian, moi je pense que c'est l'un des moins bons, l'un des plus grossiers dans son montage, l'un des plus appuyés dans son discours : la nature peut être terrible, oui. La séquence du tsunami est particulièrement forte, Pelechian quittant enfin le catalogue pour entrer dans la durée : durée d'une vague, durée du passage d'une maison arrachée à ses fondations, durée qu'il faut au courant pour fendre un pont en deux. Chez Pelechian l'homme est minuscule, mais absolument présent. Il est là, à la fin, sur le toit d'une maison emportée par le courant, faisant signe au spectateur, lui demandant de lui porter secours. L'homme est une toute petite silhouette perdue dans un grand chaos incompréhensible.
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asketoner
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Harakiri, Masaki Kobayashi, 1962

Tarantino semble être né dans ce film : tout son cinéma y tient.
C'est trop long, un peu lourd, très prévisible, narrativement excitant, visuellement bien symétrique... Une sensibilité manque.
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asketoner
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A l'abordage, Guillaume Brac, 2021

C'est à peu près le même matériau, le même geste, le même point de vue qu'Eva en août, et pourtant je suis mille fois plus convaincu par le cinéma de Jonas Trueba. C'est drôle parce que groil parlait ici de l'importance d'aimer ses personnages, je suis bien d'accord, mais chez Brac je ne vois pas d'amour, j'ai même plutôt l'impression qu'il les enferme, les écrase sous une sorte de surplomb soft, les fige dans l'air du temps. Dans Eva en août il y a une grâce (le même type de grâce que chez Rohmer : je pense que Rohmer et Trueba sont tous deux obsédés par la question de l'âme, filmer l'âme), alors que chez Brac il n'y a même pas cette tentative, il n'y a que du rachat : le gosse de riche lave les chiottes, l'amant un peu volontariste se fait une raison, et le bon papa est récompensé.
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cyborg
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Halala, entre les beaux jours et la "reprise des activités" moins le temps de voir des films et de poster ici...
Mes souvenirs m'échappent déjà pour les films vu il y a déjà trois semaines.

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Encore un époustouflant Grémillon, cousin évident de La Règle du Jeu (paru 4 ans plus tôt), mais teinté d'une sensibilité politique autre et tendu par l'espoir.
La construction du film est splendide, de cet hôtel isolé, véritable purgatoire, à cette riche demeure dont on peinera à savoir si il s'agit du paradis ou de l'enfer. Il semble y avoir tout au long du film un rapport au "monde dans le monde" avec des éléments qui en contiennent d'autres de façons plus ou moins cachées (je pense au projet du peintre de peindre une pièce entièrement en blanc puis de peindre un paysage détaillé au fond d'un placard, mais je sais qu'il y en à d'autres qui m'échappe actuellement). Il y a ainsi sans cesse un jeu entre décor naturels (magnifique montagnes du sud de la France) et la fausseté plus ou moins évidente du décor, ayant toujours un lien avec les sentiments et relations des personnages eux mêmes. Quelle adresse !


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Découverte de Cécilia Mangini avec 9 de ses courts métrages (Ignoti alla città, Divino amore, Essere donne, Tommaso...)

Magnifiques documentaristes que Mangini, qui collaboraient dans les années 60 avec deux de ses plus grands contemporains, à savoir Pasolini pour le texte/la voix-off et Eggisto Macchi pour la bande son. Quelle équipe !
Mangini documente l’émergence de l’Italie dite "moderne", tiraillée entre traditions et villes modernes, entre artisanat et misère du travail à l'usine. Dans cet ensemble de films réalisés sur une période d'environ 10 ans la nature, les traditions, les corps et les jeux des jeunes gens se juxtaposent à la rude vide de la classe laborieuse, à la modernité qui détruit les corps et les esprits, toujours superbement filmés. Ouvertement féministe, la porté politique de l’œuvre de Mangini semble culminer dans Essere donne (Etre femme, 1965. Une commande du partie communiste italien, soit dit au passage) qui s'intéresse à la vie quotidienne des ouvrières, à leurs désirs d'émancipations et aux contraintes familiales et sociales qu'elles subissent.
Une réalisatrice incontournables et pourtant presque jamais cité !


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Après avoir découvert il y a quelques mois "Weighed But Found Wanting" il me tardait de découvrir d'autres films du philippin Lino Brocka.
Imaginez un Douglas Sirk au fin fond d'un bidonville de Manille, et vous aurez une idée de ce qu'est Insiang. Le cinéma de Brocka se veut volontairement "populaire", ce qui se traduit par des formes et des enjeux simples, directs, brutes sans oublier pour autant un grand soin apporté à sa mise en scène et à ses visuels plastiquement superbes (la restauration HD aide sans doute). Ici la flamboyance des sentiments n'a d'équivalence que la violence extrême, sordide même, qui surgit entre des personnages sans pitié. Jamais la solitude n'aura paru aussi intense au cœur d'une grouillante métropole.

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Brac continue son décalque du cinéma français des années 70 (tant dans la forme typique de scénario que dans certains profils de caractère, on imagine par exemple très bien Bernard Menez à la place d'Edouard Sulpice), en s'adaptant aux évolutions et enjeux de notre époque. On y observe sous un angle naturalistico-documentaire (on est loin de Tonerre et on pense bien entendu à L'île au Trésor) des classes qui se croisent et apprennent les unes des autres. La formule est une réussite, à la fois légère et drôle, il n'y à mon sens que les dialogues qui tombent un peu à plat, à force de vouloir faire simple on finit par sembler convenu. Le plus intéressant est que cette fluidité recherché influence la forme du film, tous les personnages ont la place d'exister et d'avancer mais surtout ce qui constituait l'intrigue principale/le héros finit par peu à peu s'effacer au profit d'un personnage secondaire qui se transforme en émouvant personnage de premier plan.


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La Fracture du Myocarde - Jacques Fansten - 1990

La mère d'un jeune collégien décède, le laissant orphelin. Sa bande de copain s'organise pour le soutenir et empêcher son départ à la Ddaas.
Tout petit film, simple et humble (un TV-film à la base il me semble) mais porté par une belle énergie d'amitié et de solidarité. Vrai film sur l'enfance et la camaraderie dans lequel les incohérences multiples ne comptent rapidement plus si l'on se laisse porter par la belle et réjouissante générosité de l'ensemble. Il se dit que Spielberg en a racheté les droits sans jamais l'adapter... aisé de voir ce qui l'intéresse ici et d'imaginer cette bande de gamin en jogging 90s errant dans les pavillons de la province française revisité à la sauce Amblin...
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asketoner
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@cyborg : je crois que je n'avais pas répondu à ta question sur Grémillon : oui les textes doivent être sur l'ancien forum, me semble-t-il
et au sujet de Mangini : elle me semble être une cinéaste très intéressante, très libre, même dans ses formats...
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groil_groil
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Antoine t'es dur avec Brac... m'enfin... je ne trouve pas que le cinéaste soit rohmérien d'ailleurs, on dit souvent ça mais je pense que c'est une bêtise.

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Voilà... le 2 est un bon divertissement 80's une résucée du Temple du Soleil avec des éléments gore pour effrayer les ados de l'époque, et un scénar minimaliste qui a pour lui d'avancer en ligne droite. Le 3 est un chef-d'oeuvre absolu que je ne comprends même pas comment il est possible d'en préférer un autre de la tétralogie, ça me dépasse. Le 4 est clairement en deça du reste, mais vu le temps passé entre le 3 et le 4, je me dis que ça aurait pu être bien pire. En tout cas ça reste un grand moment de bonheur d'enchainer les 4, et encore plus d'imaginer que la prochaine fois que je le ferai ce sera sans doute avec mon fils.

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C'est pas loin d'être la gênance absolue pendant tout le film, mais c'est sauvé par deux trois beaux plans (souvent des plans de paysages d'ailleurs, ce qui est un comble dans un film de personnages) et deux trois belles idées (le développement de la photographie par exemple). Heureusement (si je puis dire) que c'est inspiré de la pièce de théâtre, adapté de l'expérience même, de la compagne du réalisateur, sinon on serait carrément en droit de s'intérroger sur la légitimité du cinéaste à faire un film pareil, surtout pour un premier film américain. Je ne sais pas si le film a été conçu pour Netflix ou si la chaîne l'a racheté après la fermeture des salles, mais ce côté lisse, poli, sans aspérité alors que le sujet en est plein, comme si on feuilletait un catalogue de déco, est vraiment fatiguant, et le fait d'y ajouter un côté sentencieux à la Lanthimos ou à la Cuaron rend souvent l'ensemble pas loin du dégueulasse. Ah le truc qui m"a le plus énervé, surtout pour un film qui se veut réaliste avec cet accouchement filmé en impression de temps réel, avec un long plan séquence de 30 minutes, c'est que la sage-femme débarque chez le couple qui a choisi d'accoucher à la maison, elle a sans doute pris le métro, au mieux sa bagnole, la meuf débarque, et elle se met direct au boulot, les deux mains dans l'intimité de madame, sans même se laver les mains au préalable ! ça m'a mis hors de moi ! :D
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groil_groil
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Sur le papier, c'est le film du dimanche soir parfait : thriller d'espionnage, avec Denzel d'amour... Mais c'est réalisé avec les pieds, monté avec le cul, y a pas un plan qui dure plus d'une seconde, bref, c'est un archétype du cinéma d'action du début des années 2010, et c'est totalement insupportable. Bref, tenu 12 minutes.

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Je ne l'avais jamais vu et je ne connaissais, comme tout le monde, que le slip de Sean Connery. En fait, c'est pas juste kitsch, c'est totalement barré, un délire 70's sous champi ou acide, mais qui va vraiment jusqu'aux frontières d'un expérimental d'époque. Alors oui le film est totalement raté, parfois grotesque, mais au moins il y a une vision, un jusqu'au boutisme dans le délire totale qui force le respect.

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Les mecs, ça va les chevilles, ont ni plus ni moins la prétention de présenter leur truc comme une sorte de relecture de Fenêtre sur Cour tout en empruntant le nom d'un film de Fritz Lang. ça va ? Tranquilles ? Le film est une grosse daubasse du niveau de n'importe quel épisode merdique de série télé merdique avec twist à tout va, retournements de situations à outrance, personnages grotesques, apésantissement malsain sur la mort d'un gosse, effets visuels à gerber et mise en scène inexistante. Horrible.
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groil_groil
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Ce n'est certes pas le meilleur slasher du monde, mais j'ai tout de même beaucoup, beaucoup aimé le film, malgré ses (parfois gros) défauts. Grâce à sa construction somme toute assez classique, grâce à la beauté de son image, sublimée par un bluray parfait, qui donne vraiment l'impression de découvrir le film en salle le jour de sa sortie (en mieux !), grâce à la vision du cinéaste de ce décorum de l'époque (lycée américain fin 70's/début 80's et bal de promo) qui est parmi ce que j'ai vu de plus réussi esthétiquement dans le genre, et bien sûr grâce à Jamie Lee Curtis qui est magnifique quel que soit le film. Alors on est loin d'un Carrie, il y a des incohérences folles en terme de mise en scène lorsque le tueur se jette sur ses proies, mais j'aime beaucoup ce petit film sans prétention et je pourrai même en faire un classique du genre.
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Pale
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groil_groil a écrit :
jeu. 3 juin 2021 09:27
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Ce n'est certes pas le meilleur slasher du monde, mais j'ai tout de même beaucoup, beaucoup aimé le film, malgré ses (parfois gros) défauts. Grâce à sa construction somme toute assez classique, grâce à la beauté de son image, sublimée par un bluray parfait, qui donne vraiment l'impression de découvrir le film en salle le jour de sa sortie (en mieux !), grâce à la vision du cinéaste de ce décorum de l'époque (lycée américain fin 70's/début 80's et bal de promo) qui est parmi ce que j'ai vu de plus réussi esthétiquement dans le genre, et bien sûr grâce à Jamie Lee Curtis qui est magnifique quel que soit le film. Alors on est loin d'un Carrie, il y a des incohérences folles en terme de mise en scène lorsque le tueur se jette sur ses proies, mais j'aime beaucoup ce petit film sans prétention et je pourrai même en faire un classique du genre.
Un film que tu pourrais kiffer c'est Black Christmas de Bob Clark, sorti en 1975.
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Tyra
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:hot: :hot: :hot:
Retrouvez la sélection officielle du Festival de Cannes 2021

Compétition
“Un héros” - Asghar Farhadi
“Tout s’est bien passé” - François Ozon
“Tre piani” - Nanni Moretti
“Titane” - Julia Ducournau
“The French Dispatch” - Wes Anderson
“Red Rocket” - Sean Baker
“La fièvre de Petrov” - Kirill Serebrennikov
“France” - Bruno Dumont
“Nitram” - Justin Kurzel
“Memoria” - Apichatpong Weerasethakul
“Lingui” - Mahamat-Saleh Haroun
“Les Olympiades” - Jacques Audiard
“Les intranquilles” - Joachim Lafosse
“La fracture” - Catherine Corsini
“Compartment NO.6” - Juho Kuosmanen
“Julie en douze chapitres” - Joachim Trier
“Haut et fort” - Nabil Ayouch
“Le genou d’Ahed” - Nadav Lapid
“Drive my car” - Ryusuke Hamaguchi
“Benedetta” - Paul Verhoeven
“Bergman island” - Mia Hansen-Love
“Annette” - Leos Carax
“L’histoire de ma femme” - Ildikó Enyedi
“Flag Day” - Sean Penn


Hors compétition
“De son vivant” - Emmanuelle Bercot
“Stillwater” - Tom McCarthy
“The Velvet Underground” - Todd Haynes
“Emergency declaration” - Han Jae-Rim
“Aline” - Valérie Lemercier
“Bac nord” - Cédric Jimenez


Cannes Premières
“Evolution” - Kornél Mundruczo
“Tromperie” - Arnaud Desplechin
“Cette musique ne joue pas pour personne” - Samuel Benchetrit
“Cow” - Andrea Arnold
“Mothering sunday” - Eva Husson
“Serre-moi fort” - Matthieu Amalric
“In front of your face” - Hong Sang-Soo
“Val” - Ting Poo et Leo Scott


Séances spéciales
“The year of the everlasting storm” - film à sketchs avec Jafar Panahi, Laura Poitras, Dominga Sotomayor et Apichatpong Weerasethakul
“Cahiers noirs” - Shlomi Elkabetz
“Le marin des montagnes” - Karim Aïnouz
“H6” - Yé Yé
“Jane par Charlotte” - Charlotte Gainsbourg
“JFK revisited: through the looking glass” - Oliver Stone


Séances de minuit
“Oranges sanguines” - Jean-Christophe Meurisse

Un certain regard
“Un monde” - Laura Wandel
“The Innocents ” - Eskil Vogt
“After yang” - Kogonada
“Commitment hasan” - Hasan Semih Kaplanoglu
“Noche de fuego” - Tatiana Huezo
“Lamb” - Valdimar Johansson
“House arrest” - Alexey German Jr.
“Blue bayou” - Justin Chon
“Moneyboys” - C.B Yi
“Freda” - Gessica Généus
“Bonne mère” - Hafsia Herzi
“Women do cry” - Mina Mileva et Vesela Kazakova
“La civil” - Teodora Ana Mihahi
“Unclenching the fists” - Kira Kovalenko
“Et il y eut un matin” - Eran Kolirin
“Rhana Maryam Noor” - Abdullah Mohammad Saad
“Great freedom” - Sebastian Meise
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Whiskiss
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Tyra a écrit :
jeu. 3 juin 2021 15:11
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Retrouvez la sélection officielle du Festival de Cannes 2021

Compétition
“Un héros” - Asghar Farhadi
“Tout s’est bien passé” - François Ozon
“Tre piani” - Nanni Moretti
“Titane” - Julia Ducournau
“The French Dispatch” - Wes Anderson
“Red Rocket” - Sean Baker
“La fièvre de Petrov” - Kirill Serebrennikov
“France” - Bruno Dumont
“Nitram” - Justin Kurzel
“Memoria” - Apichatpong Weerasethakul
“Lingui” - Mahamat-Saleh Haroun
“Les Olympiades” - Jacques Audiard
“Les intranquilles” - Joachim Lafosse
“La fracture” - Catherine Corsini
“Compartment NO.6” - Juho Kuosmanen
“Julie en douze chapitres” - Joachim Trier
“Haut et fort” - Nabil Ayouch
“Le genou d’Ahed” - Nadav Lapid
“Drive my car” - Ryusuke Hamaguchi
“Benedetta” - Paul Verhoeven
“Bergman island” - Mia Hansen-Love
“Annette” - Leos Carax
“L’histoire de ma femme” - Ildikó Enyedi
“Flag Day” - Sean Penn


Hors compétition
“De son vivant” - Emmanuelle Bercot
“Stillwater” - Tom McCarthy
“The Velvet Underground” - Todd Haynes
“Emergency declaration” - Han Jae-Rim
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“Bac nord” - Cédric Jimenez


Cannes Premières
“Evolution” - Kornél Mundruczo
“Tromperie” - Arnaud Desplechin
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“Cow” - Andrea Arnold
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“Serre-moi fort” - Matthieu Amalric
“In front of your face” - Hong Sang-Soo
“Val” - Ting Poo et Leo Scott


Séances spéciales
“The year of the everlasting storm” - film à sketchs avec Jafar Panahi, Laura Poitras, Dominga Sotomayor et Apichatpong Weerasethakul
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“Le marin des montagnes” - Karim Aïnouz
“H6” - Yé Yé
“Jane par Charlotte” - Charlotte Gainsbourg
“JFK revisited: through the looking glass” - Oliver Stone


Séances de minuit
“Oranges sanguines” - Jean-Christophe Meurisse

Un certain regard
“Un monde” - Laura Wandel
“The Innocents ” - Eskil Vogt
“After yang” - Kogonada
“Commitment hasan” - Hasan Semih Kaplanoglu
“Noche de fuego” - Tatiana Huezo
“Lamb” - Valdimar Johansson
“House arrest” - Alexey German Jr.
“Blue bayou” - Justin Chon
“Moneyboys” - C.B Yi
“Freda” - Gessica Généus
“Bonne mère” - Hafsia Herzi
“Women do cry” - Mina Mileva et Vesela Kazakova
“La civil” - Teodora Ana Mihahi
“Unclenching the fists” - Kira Kovalenko
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Tiens, pas de film de Kawase ? :lol:
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groil_groil
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Pale a écrit :
jeu. 3 juin 2021 09:56
groil_groil a écrit :
jeu. 3 juin 2021 09:27
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Ce n'est certes pas le meilleur slasher du monde, mais j'ai tout de même beaucoup, beaucoup aimé le film, malgré ses (parfois gros) défauts. Grâce à sa construction somme toute assez classique, grâce à la beauté de son image, sublimée par un bluray parfait, qui donne vraiment l'impression de découvrir le film en salle le jour de sa sortie (en mieux !), grâce à la vision du cinéaste de ce décorum de l'époque (lycée américain fin 70's/début 80's et bal de promo) qui est parmi ce que j'ai vu de plus réussi esthétiquement dans le genre, et bien sûr grâce à Jamie Lee Curtis qui est magnifique quel que soit le film. Alors on est loin d'un Carrie, il y a des incohérences folles en terme de mise en scène lorsque le tueur se jette sur ses proies, mais j'aime beaucoup ce petit film sans prétention et je pourrai même en faire un classique du genre.
Un film que tu pourrais kiffer c'est Black Christmas de Bob Clark, sorti en 1975.
Salut Pale.
Déjà vu, c'est super oui !
il ressort en bluray dans quelques semaines chez Ecstasy of FIlms.
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asketoner
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Huit heures de sursis, Carol Reed, 1947

De Carol Reed on voit toujours Le Troisième homme, dont on dit qu'il est très wellesien. Mais quand on voit Huit heures de sursis, on s'aperçoit qu'il y a vraiment un style Carol Reed, ou en tout cas des obsessions : des courses-poursuites dans la nuit, des rues mouillées, des tunnels, des contre-allées, des échelles qui ne mènent nulle part, des folies géométriques à la Escher... Des courses dans l'espace contre le temps. Les hommes sont au bord de la mort (ou bien de la folie), mais s'y tiennent. On trouve même dans Huit heures de sursis une scène qui évoque beaucoup celle du plus tardif Procès de Welles, avec le peintre Titorelli : ici aussi il y a un peintre, des escaliers infinis, un immeuble décati, des visages qui traînent dans le coin des portes. Le trait est un peu lourd, les dialogues sont trop copieux, les acteurs sont un peu pénibles, le film durait deux heures alors que j'ai eu l'impression qu'une demie-journée entière s'était écoulée, mais ce n'est pas si mal.

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Les Communiants, Ingmar Bergman, 1963

Je ne l'avais jamais vu. C'est pourtant, m'a-t-il semblé, l'un des plus beaux Bergman, limpide, exact. J'ai vraiment eu la sensation que chaque plan avait sa nécessité, pas seulement du sens, ou une logique, mais quelque chose de plus brutal, créant une tonalité très particulière, sourde, coléreuse, froide. Toute la violence qu'il y a chez Bergman est ici portée contre Dieu, ou plutôt contre le silence de Dieu, et contre le silence qui pèse sur l'amour d'une façon plus générale (cette manière qu'a la vie d'étouffer l'amour, de le contraindre, de l'anéantir). A la cruauté des répliques s'oppose la tendresse insistante des plans : personne n'est ridicule ici, même celle qui aime celui qui ne l'aime pas, et qui écoute comment il la rejette, et qui le suit malgré tout, partout ; même celui qui ne peut plus aimer n'est pas tout à fait haïssable, car Bergman filme ses fuites comme des égarements, des disparitions. Tout a lieu dans un bourg, l'hiver. Par les fenêtres on aperçoit des arbres squelettiques. Les lumières sont basses mais très blanches malgré tout, à cause de la neige qui recouvre le sol. Tous ces détails touchent à la perfection.
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cyborg
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J'imagine que le film se veut satire, critique d'une fangieuse Italie Berlusconienne qui lui est contemporaine. Mais c'est l'échec. La complaisance règne. Les visages, aux traits souvent excessifs, voudraient être des masques mais ils ne sont que des visages. La Grande Bellezza est le même produit que ce qu'il prétend dénoncer. La pénibilité du visionnage est extrême, d'autant que le film est interminable, plus de 2h15...

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La tour des ambitieux (Executive Suite) - Robert Wise - 1954

Surprenant Robert Wise... auteur de deux des films les plus populaires de l'Hollywood classique (West Side Story et La Mélodie Du Bonheur) mais on le cite pourtant assez peu et, surtout, on oublie l'incroyable diversité de sa carrière : de monteur pour Citizen Kane (!) à metteur en scène du tout premier film Star Trek (!).
Au milieu de sa carrière, en 54, apparait "La Tour des Ambitieux". Le film est totalement spectral, au sens ou il est entièrement porté par le spectre d'un homme venant de déceder. Si le spectateur l'apprend immédiatement, les personnages, eux, ne l’apprennent que 40 minutes plus tard. Cet homme c'est le PDG à la tête d'une industrie, et le film se concentre sur la bataille interne de ses plus proches collaborateurs pour prendre sa succession. Tel un "Ran" à l'ère du capitalisme, la perte de la figure paternel fragilise le groupe, révèle les faiblesses et les divergences d'opinions et de sensibilité. Semblant illustrer les théories néo-libérale qui se mettent alors en place, la grande question du film est la suivante : faut-il continuer en privilégiant le capital et ses dividendes, ou faut-il privilégier le facteur humain et le travail bien fait ? Le film est très bavard mais sans jamais se perdre, toujours adroitement tendu, porté par une mise en scène discrète mais efficace et des interprètes parfaits. Si le film est extrêmement masculin il laisse néanmoins place à des apparitions non négligeables : les ouvriers et leurs inquiétudes, mais surtout les femmes et maitresses des personnages, qui se révèlent être des personnages forts, indépendants et réfléchis. Comble du suspense, le film se conclut sur une palpitante réunion de 20 minutes dans laquelle se dénouent les enjeux et s'affirme la porté humaniste du film l'emportant sur la froide rationalité calculatrice.


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Elegie Orientale - Sokourov - 1996

Je n'aurais jamais songé à cela avant, mais l'influence la plus directe de Sokourov pour ce film (et peut-être les autres Élégie mais je ne sais plus si j'en ai vu d'autres) et Bill Viola. Il tire de la fluidité du format numérique des images étranges, à l’atmosphère humide et diaphane. Venez rajouter à cela l'aura de Tarkoski (cf l'image ci dessus... cette silhouette à contre-jour avec sa moustache, n'est ce pas Andrei bien avant Sokourov lui même ?) et même une dernière image qui rejoue la fin de Solaris. Le résultat est bizarre, ni raté ni réussi. A mon avis plutôt un coup d'essai du réalisateur, qui reprendra certaines de ses expérimentations dans ses longs de fiction.
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B-Lyndon
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Je viens de revoir l'un des plus beaux films de Chantal Akerman, et j'ai pensé au plus beau film de Leos Carax.
Deux films de rendez-vous - et ce qui précède et suit et compose même un rendez-vous : la solitude, l'attente, l'errance.
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol
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cyborg a écrit :
sam. 5 juin 2021 11:37
La Grande Bellezza est le même produit que ce qu'il prétend dénoncer.
Magistralement bien dit ! :jap: :jap: :jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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En re(re, re, re...)regardant "Au travers des oliviers" de Kiarostami, je me suis rendu compte que très souvent, dans ses films, les personnages portent des fleurs :

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Les fleurs de l'Orient dans toutes leurs splendeurs.

ps: et en bonus, la tombe du plus grand cinéaste de tous les temps :

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Modifié en dernier par sokol le lun. 14 juin 2021 13:56, modifié 1 fois.
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Jean-Marie Straub
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asketoner
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Nomadland, Chloé Zhao

Elle ouvre un carton, elle tombe sur une chemise d'homme, elle la serre dans ses bras. C'est la première scène, on comprend tout de suite que le film sera lourd et convenu, mais on accepte ou bien alors il faut partir tout de suite. Et puis il y a la musique qui est vraiment en trop, et l'artificialité des confessions des nomades, qui s'enchaînent (cancer, suicide, chômage...), sans doute à cause d'un désir documentaire planqué sous la fiction, complètement raté. Mais au moins le film prend le vivant à bras-le-corps, se gonflant d'émotions diverses, et donne l'impression que les vies brisées ne sont pas rares, qu'au contraire elles se multiplient, elles sont la norme, tenues secrètes, rendues inaudibles. Il y a des scènes qui ne vont pas, qui ne disent rien, mais leur coexistence crée quelque chose : une femme sur une falaise, les bras en croix, dans le vent, avec la caméra qui tourbillonne et le petit filtre joli (la nature = Instagram), et tout de suite après, un plan sur l'enseigne de l'entrepôt Amazon où bosse cette femme. Rien n'est dit sur le travail, rien n'est dit sur la nature, mais quelque chose est dit de l'humain qui tente de faire coexister dans sa vie son désir d'absolu (un certain sentiment d'immensité) et ce qu'il doit faire pour survivre (un certain sentiment de médiocrité). On pourrait presque croire que le film traite de dignité. Mais ce serait sans compter deux plans d'une bêtise abyssale : le premier, une pause-pipi anodine sur le bord de la route, dénonce le point de vue ultra-bourgeois de la réalisatrice (on a l'impression qu'elle trouve ça grave, de pisser dehors), mais on l'oublie ; le deuxième montre Frances McDormand jouer de la clarinette, s'interrompre, et chier dans un seau en faisant des bruits, et manquer de pq. C'est bien petit, bien humiliant. Et je crois que tout le film, toute la vision de la cinéaste tient dans ces deux plans : pipi-caca.
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asketoner
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The Last Hillbilly, Thomas Jenkoe & Diane Sara Bouzgarrou

On reste tellement à la surface des choses que je n'ai pas compris de quoi parlait le film.

En fait en deux jours j'ai vu deux films sur un thème à peu près semblable (les déclassés des États-Unis - ceux de Chloé Zhao sont mobiles, ceux de Jenkoe et Bouzgarrou sont très fixes au contraire, mais c'est la même pauvreté) aux façons de faire totalement opposées, et aucune ne me convainc. D'un côté Nomadland sort le grand jeu de la tranche de vie empathico-emphatique, de l'autre The Last Hillbilly reste prudent et ne montre jamais rien, ni émotion ni désir, même pas d'ironie. N'y a-t-il pas de cinéma intense et digne, humain et intelligent ?
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asketoner
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La Mère, Mikio Naruse, 1952

Chef d'oeuvre, mais du genre innocent : je suis presque sûr que Naruse ne savait pas qu'il était en train de faire un grand film. D'ailleurs il l'arrête trop tôt, par excès de modestie, alors qu'il y aurait eu de quoi pousser trente minutes de plus et toucher au grandiose.
Les contrechamps sont magnifiques, insignifiants : il y a la scène, et puis soudain un contrechamp sur l'un des personnages qui n'y participe pas mais y assiste (souvent un enfant). Naruse ne fait pas des contrechamps pour renvoyer la balle, mais pour l'absorber au contraire, la laisser se perdre, cette balle du drame, dans un visage d'enfant. Les contrechamps du film s'adressent au futur, comme s'ils essayaient de nous dire que quelqu'un, de ce qui est arrivé, un jour se souviendra. Le vrai spectateur, c'est l'enfant ; et l'enfant véritable, c'est le spectateur, venu voir "La Mère".
Kahled
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:hello:

Je ne poste pas souvent ici mais récemment je me suis remis à voir des films (chose que je ne faisais quasiment plus ces derniers mois). Et comme je suis plutôt inspiré pour parler de ce que je vois en ce moment, je mets mes commentaires ici.

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Mandibules, Quentin Dupieux (2021)

Premier retour en salle depuis la réouverture. J'ai tendance généralement à trouver le cinéma de Quentin Dupieux assez vain (ses deux derniers films montrent clairement les limites de son cinéma conceptuel où l'absurde et le non-sens tournent à vide sans parvenir à générer la moindre dissonance dans le monde qu'ils mettent en scène). Mais ici, filmer de manière aussi simple, ludique et empathique la médiocrité et la bêtise de ses deux personnages, avec une telle simplicité et une telle évidence dans l'écriture (qui sait où elle va contrairement à d'habitude car le mérite de sa simplicité le lui permet justement) lui va super bien. Le film se concentre moins sur son concept, simple postulat de base, que sur l'interaction poétique des personnages avec le monde qui les entoure. Et les paysages sont bien filmés. Pour l'instant, son meilleur film après Réalité.

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Petite maman, Céline Sciamma (2021)

C'est un petit film minimaliste au possible mais un minimalisme derrière lequel se cache une certaine ambition narrative dans sa volonté d'orienter progressivement son récit sur la voix du fantastique et du film d'aventures, à échelle d'enfant. C'est quelque chose de louable. Mais malheureusement c'est aussi un minimalisme à double tranchant parce qu'il se situe tellement dans la retenue (en particulier dans le jeu de ses deux petites actrices et des échanges mécaniques qu'elles entretiennent, y compris dans leurs jeux - bien que ça change un peu à la fin) qu'il étouffe tout le débordement et la vitalité propres à l'enfance. Tout l'inverse de Tomboy en somme, qui pétillait littéralement de vie dans les interactions entre enfants, que ça soit dans les jeux ou les conflits. Et quand je lis qu'en plus, Sciamma, de son propre aveu, s'est largement inspirée de Miyazaki pour son film, c'est d'autant plus regrettable. On imagine forcément qu'avec ses deux petites filles jouant dans la campagne, une figure maternelle maladive et absente et une figure paternelle pleine de bienveillance, sa première référence c'est Mon voisin Totoro, film presque aussi court que celui de Sciamma, adoptant lui aussi, à son propre niveau (en tant que film d'animation et film de Miyazaki), un certain minimalisme. Mais quand on voit à quel point le film de Miyazaki, malgré sa gravité sous-jacente est à ce point lumineux et solaire, enjoué et débordant de vie, c'est assez regrettable de voir que Sciamma échoue un peu à ce niveau.

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Drunk, Thomas Vinterberg (2020)

Moui. Le sujet est convenu et le traitement l'est encore plus (spoiler-exemple : j'étais convaincu que l'un des quatre allait crever et qu'on allait se taper des funérailles et des hommages déprimants, ça n'a pas manquer). Et mis à part la scène de début qui ouvre le film et la scène de fin qui laisse éclater un peu de vie, c'est mortifère et ça manque d'énergie et de peps dans la mise en scène. Mais Mikkelsen est super bon.

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Demon Slayer: Kimetsu no Yaiba - Le film : Le train de l'Infini, Haruo Sotozaki (2021)

Euh... ouais. Je suis adepte des animés japonais mais plutôt en films (que je trouve mieux bossés car sûrement moins contraints par des besoins de temps et donc de production) qu'en séries. Ici, c'est donc un mix des deux : c'est un film, sorti au cinéma, mais s'intégrant dans l'univers d'une série animée (très réputée au Japon et qui explique le succès monstre du film là-bas), suite directe de celle-ci. L'univers a l'air sacrément schématique quand même, si je me base uniquement sur ce film et, forcément, comme c'est la suite de la série (que je n'ai pas vue), certaines ramifications sont moins évidentes pour les non-initiés, il n'y a pas la connivence qu'entretiennent les connaisseurs et le matériau d'origine doit de toute évidence développer plus de choses. Mais tout de même, en l'état, l'ensemble présente un univers qui m'apparait plutôt pauvre, peut-être dû au fait que c'est à moitié un huis-clos (car on sort quand même beaucoup de ce train mine de rien) et un huis-clos qui, en plus, n'exploite pas toujours son potentiel. Il y a des bonnes idées (pas toujours bien exécutées) comme ce partage des rêves (on pense forcément à Paprika, classique du cinéma d'animation japonais) et, comme beaucoup de shōnen (de ce que j'en connais), c'est tellement énergique et généreux dans son sens du spectacle (si on passe outre certaines horreurs visuelles offertes par des SFX numériques dégueux ni fait ni à faire) qu'on arrive quand même à être emportés par ce maelstrom de combats (malheureusement ponctués de beaucoup trop de pleurs, autre truc qui m'a bien saoulé).

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Uncut Gems, Joshua Safdie et Ben Safdie (2019)

J'étais bien parti pour le détester au bout d'une heure de film. Voir un connard antipathique entouré de connards antipathiques faire des magouilles de connard antipathique en troquant toutes sortes de breloques pour gagner deux ronds de sursis dans le but de payer des créanciers orduriers, le tout avec un rythme d'emblée ultra-survitaminé avec musique électro en fond sonore (la même chose qu'avec Good Time en somme), ça m'a vite épuisé pour commencer, même si c'est clairement un parti pris qui s'inscrit dans une vraie proposition de cinéma. D'autant que les Safdie ont cette manie agaçante de faire gueuler tous leurs personnages en même temps pour créer de la tension, c'est juste saoulant. J'y voyais un truc avant tout branchouille mais en fait, ça finit par aller au-delà : en gardant cette ligne directrice et ces choix esthétiques (visuels et musicaux avec tout ce que ça peut comporter comme tics de mise en scène plus ou moins agaçants), on atteint rapidement un état de transe ultime qui finit par épouser pour de bon la folie auto-destructrice du personnage. Ce dernier est absolument détestable, alignant les mauvais choix avec la même ivresse qu'un alcoolique en manque (il choisira systématiquement l'impasse à la raison) mais il porte le film sur ces épaules, d'un bout à l'autre, avec une exaltation à la limite du fanatisme dans tous les mauvais choix qu'il effectue. Le film repose sur son énergie, sur laquelle il faut faire l'effort de s'aligner, à la manière d'un coach sportif qui bouscule ses joueurs (et le sport est justement un élément central du film). Mais une fois que cet effort est effectué, c'est finalement la même adrénaline que celle qu'on connait quand on effectue une course de fond.

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Silent Hill, Christophe Gans (2005)

Ambiance au top (le beau photogramme ci-dessus montre à quel point cet aspect du film est réussi) mais ça manque d'âme, de chair, de vie. On a clairement l'impression que Christophe Gans se laisse écraser par l’œuvre d'origine (très lovecraftienne visiblement) sans effectuer un vrai travail d'adaptation. Un peu paresseux tout ça. D'autant que le film finit définitivement par lasser avec son excès de pyrotechnie dans son dernier acte, assez catastrophique d'explications poussives en plus. Le film est formellement cauchemardesque, il ne manque pas d'images et de visions marquantes (l'une des premières scènes dans la ville, avec les hurlements des enfants brûlés, je n'étais pas loin du traumatisme, sincèrement). Mais le problème, c'est qu'il passe un peu à côté du sujet central qu'il aurait gagné à s'approprier plus solidement, à savoir la relation mère-fille, peu touchante et qui est ici un simple prétexte à un exercice formel assez vain (ça aurait dû être l'inverse). Je sais bien que le film est adapté d'un JV mais ici, il est question de cinéma : Gans transpose un univers sans le transcender, on rentre presque directement dans l'horreur, avec des niveaux à passer, un jeu de piste à résoudre, le tout tournant à vide car il n'y a aucune matière à alimenter. C'est dommage, le film, s'il n'avait pas autant négligé cette dimension (d'autant qu'il est incroyablement long pour un film d'horreur, quel gâchis !) aurait pu être bien plus abouti qu'il ne l'est, en lorgnant émotionnellement et thématiquement du côté du Dark Water d'Hideo Nakata qui, lui, reposait principalement sur sa relation mère-fille tout en faisant preuve d'une efficacité redoutable dans son versant horrifique, avec une belle économie de moyens dans sa mise en scène. Tout le contraire du Gans en somme.
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sokol
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Kahled a écrit :
sam. 12 juin 2021 21:20
l'interaction poétique des personnages avec le monde qui les entoure.
:jap:

Tout est là !
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Tyra
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Cénul ! Bidon ! Ce qui est bien lorsqu'on se fait la rétro Kiarostami, c'est (entre autre) qu'il est impossible de se laisser berner par ce genre de produit merdique. Chez Kiarostami, on voit des enfants, on les reconnait, leur vie, leur détresse, leurs interrogations face au monde étrange et parfois injuste des adultes. Sciamma elle, nous invente des singes savants irréalistes, à égalité avec les adultes, qui remettent à leur place ces grands dadais apeurés ("oui papa, tu peux fumer mais attention c'est pas bien"). Le rapport parent / enfant complètement vidé de sa substance, remplacé par une vision égalitariste où l'enfant fait même l'éducation de ses parents (puisqu'elle s'est déjà éduquée elle même). Vision fantasmée, d'une cinéaste adulte qui se projette dans le corps d'une enfant, en lui prêtant des mots et des attitudes d'un autre âge. Résultat, nos gamines championnes de mot-croisés ne sont que des êtres morts, robotisés, scandant péniblement un texte (péniblement parce qu'on ne comprend pas toujours ce qui est dit), perdus dans une direction d'acteurs catastrophique. Et attention, c'est pas du Bresson hein, chez Bresson les enfants restent des enfants. On est très loin d'un Tomboy où au moins, elle savait diriger et filmer les enfants. Qu'est-ce qui a pu lui arriver ? Entre celui-ci et le précédent, il faudrait qu'elle décongèle ses films et qu'elle arrête de se prendre pour une cinéaste de la maitrise alors qu'elle n'est que scolaire et plate.
Modifié en dernier par Tyra le lun. 14 juin 2021 14:57, modifié 1 fois.
Kahled
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Tyra a écrit :
lun. 14 juin 2021 14:54
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Cénul ! Bidon ! Ce qui est bien lorsqu'on se fait la rétro Kiarostami, c'est (entre autre) qu'il est impossible de se laisser berner par ce genre de produit merdique. Chez Kiarostami, on voit des enfants, on les reconnait, leur vie, leur détresse, leurs interrogations face au monde étrange et parfois injuste des adultes. Sciamma elle, nous invente des singes savants irréalistes, à égalité avec les adultes, qui remettent à leur place ces grands dadais apeurés ("oui papa, tu peux fumer mais attention c'est pas bien"). Le rapport parent / enfant complètement vidé de sa substance, remplacé par une vision égalitariste où l'enfant fait même l'éducation de ses parents (puisqu'elle s'est déjà éduquée elle même). Vision fantasmée, d'une cinéaste adulte qui se projette dans le corps d'une enfant, en lui prêtant des mots et des attitudes d'un autre âge. Résultat, nos gamines championnes de mot-croisés ne sont que des êtres morts, robotisés, scandant péniblement un texte (péniblement parce qu'on ne comprend pas toujours ce qui est dit), perdus dans une direction d'acteurs catastrophique. Et attention, c'est pas du Bresson hein, chez Bresson les enfants restent des enfants. On est très loin d'un Tomboy où au moins, elle savait diriger et filmer les enfants. Qu'est-ce qui a pu lui arriver ? Entre celui-ci et le précédent, il faudrait qu'elle décongèle ses films et qu'elle arrête de se prendre pour une cinéaste de la maitrise alors qu'elle n'est que scolaire et plate.
Moins dur que toi, mais d'accord avec chacun de tes mots ! :jap:
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Mr-Orange
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Kahled a écrit :
lun. 14 juin 2021 15:12
Tyra a écrit :
lun. 14 juin 2021 14:54
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Cénul ! Bidon ! Ce qui est bien lorsqu'on se fait la rétro Kiarostami, c'est (entre autre) qu'il est impossible de se laisser berner par ce genre de produit merdique. Chez Kiarostami, on voit des enfants, on les reconnait, leur vie, leur détresse, leurs interrogations face au monde étrange et parfois injuste des adultes. Sciamma elle, nous invente des singes savants irréalistes, à égalité avec les adultes, qui remettent à leur place ces grands dadais apeurés ("oui papa, tu peux fumer mais attention c'est pas bien"). Le rapport parent / enfant complètement vidé de sa substance, remplacé par une vision égalitariste où l'enfant fait même l'éducation de ses parents (puisqu'elle s'est déjà éduquée elle même). Vision fantasmée, d'une cinéaste adulte qui se projette dans le corps d'une enfant, en lui prêtant des mots et des attitudes d'un autre âge. Résultat, nos gamines championnes de mot-croisés ne sont que des êtres morts, robotisés, scandant péniblement un texte (péniblement parce qu'on ne comprend pas toujours ce qui est dit), perdus dans une direction d'acteurs catastrophique. Et attention, c'est pas du Bresson hein, chez Bresson les enfants restent des enfants. On est très loin d'un Tomboy où au moins, elle savait diriger et filmer les enfants. Qu'est-ce qui a pu lui arriver ? Entre celui-ci et le précédent, il faudrait qu'elle décongèle ses films et qu'elle arrête de se prendre pour une cinéaste de la maitrise alors qu'elle n'est que scolaire et plate.
Moins dur que toi, mais d'accord avec chacun de tes mots ! :jap:
Et moi je ne suis d'accord avec rien. :D Les enfants ne sont pas des singes savants irréalistes, juste des enfants qui aiment jouer au père et/ou à la mère (jouer à l'autorité in extenso), ce qui ne me semble pas être un comportement enfantin inhabituel. Et je trouve la direction d'enfants formidable. Je n'y vois pas un film de la maîtrise désincarnée, mais un terrain vague où l'enfance se déploie largement, j'irai même dire spontanément, voire de manière presque naturaliste.
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Mr-Orange
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En somme, oui la cinéaste se projette dans un corps d'enfant, comme les enfants se projettent dans un corps d'adulte ! C'est parfois ce qui se passe dans les relations filiales et les jeux d'enfants, non ? C'est le thème du film !
Kahled
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Mr-Orange a écrit :
lun. 14 juin 2021 15:21
Kahled a écrit :
lun. 14 juin 2021 15:12
Tyra a écrit :
lun. 14 juin 2021 14:54
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Cénul ! Bidon ! Ce qui est bien lorsqu'on se fait la rétro Kiarostami, c'est (entre autre) qu'il est impossible de se laisser berner par ce genre de produit merdique. Chez Kiarostami, on voit des enfants, on les reconnait, leur vie, leur détresse, leurs interrogations face au monde étrange et parfois injuste des adultes. Sciamma elle, nous invente des singes savants irréalistes, à égalité avec les adultes, qui remettent à leur place ces grands dadais apeurés ("oui papa, tu peux fumer mais attention c'est pas bien"). Le rapport parent / enfant complètement vidé de sa substance, remplacé par une vision égalitariste où l'enfant fait même l'éducation de ses parents (puisqu'elle s'est déjà éduquée elle même). Vision fantasmée, d'une cinéaste adulte qui se projette dans le corps d'une enfant, en lui prêtant des mots et des attitudes d'un autre âge. Résultat, nos gamines championnes de mot-croisés ne sont que des êtres morts, robotisés, scandant péniblement un texte (péniblement parce qu'on ne comprend pas toujours ce qui est dit), perdus dans une direction d'acteurs catastrophique. Et attention, c'est pas du Bresson hein, chez Bresson les enfants restent des enfants. On est très loin d'un Tomboy où au moins, elle savait diriger et filmer les enfants. Qu'est-ce qui a pu lui arriver ? Entre celui-ci et le précédent, il faudrait qu'elle décongèle ses films et qu'elle arrête de se prendre pour une cinéaste de la maitrise alors qu'elle n'est que scolaire et plate.
Moins dur que toi, mais d'accord avec chacun de tes mots ! :jap:
Et moi je ne suis d'accord avec rien. :D Les enfants ne sont pas des singes savants irréalistes, juste des enfants qui aiment jouer au père et/ou à la mère (jouer à l'autorité in extenso), ce qui ne me semble pas être un comportement enfantin inhabituel. Et je trouve la direction d'enfants formidable. Je n'y vois pas un film de la maîtrise désincarnée, mais un terrain vague où l'enfance se déploie largement, j'irai même dire spontanément, voire de manière presque naturaliste.
En fait ça n'est pas tant le fait qu'elles veulent jouer aux parents ou s'approprier leur autorité qui pose problème. ;)

C'est plutôt le style avec lequel Sciamma les fait jouer : pour moi c'est mécanique, surréfléchi et froid alors que l'enfance, par définition, c'est censé être l'inverse de ça : c'est l'insouciance, l'énergie et le débordement. Quand je les vois se promener en forêt et construire une cabane par exemple, je trouve que ça manque de vitalité, de folie, d'excès.

Sciamma captait beaucoup plus de choses sur l'enfance avec Tomboy, que ça soit dans ses joies ou ses désillusions (et même sa cruauté).

Après, je pense que la cinéaste a clairement voulu faire un cinéma de l'épure où elle n'aurait gardé que le strict essentiel. Mais pour moi c'est tellement épuré que ça passe à côté de son sujet.
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B-Lyndon
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Tyra a écrit :
lun. 14 juin 2021 14:54
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Cénul ! Bidon ! Ce qui est bien lorsqu'on se fait la rétro Kiarostami, c'est (entre autre) qu'il est impossible de se laisser berner par ce genre de produit merdique. Chez Kiarostami, on voit des enfants, on les reconnait, leur vie, leur détresse, leurs interrogations face au monde étrange et parfois injuste des adultes. Sciamma elle, nous invente des singes savants irréalistes, à égalité avec les adultes, qui remettent à leur place ces grands dadais apeurés ("oui papa, tu peux fumer mais attention c'est pas bien"). Le rapport parent / enfant complètement vidé de sa substance, remplacé par une vision égalitariste où l'enfant fait même l'éducation de ses parents (puisqu'elle s'est déjà éduquée elle même). Vision fantasmée, d'une cinéaste adulte qui se projette dans le corps d'une enfant, en lui prêtant des mots et des attitudes d'un autre âge. Résultat, nos gamines championnes de mot-croisés ne sont que des êtres morts, robotisés, scandant péniblement un texte (péniblement parce qu'on ne comprend pas toujours ce qui est dit), perdus dans une direction d'acteurs catastrophique. Et attention, c'est pas du Bresson hein, chez Bresson les enfants restent des enfants. On est très loin d'un Tomboy où au moins, elle savait diriger et filmer les enfants. Qu'est-ce qui a pu lui arriver ? Entre celui-ci et le précédent, il faudrait qu'elle décongèle ses films et qu'elle arrête de se prendre pour une cinéaste de la maitrise alors qu'elle n'est que scolaire et plate.

C'est la première fois que ça arrive dans l'Histoire du cinéma : pour la première fois une cinéaste a tué son cinéma à partir du moment où elle s'est acheté un pied de caméra.
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Narval
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Petite maman - Céline Sciamma
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Un tout petit film comme celui-ci, très loin de l'austérité et du vernis historique de son dernier, et qui propose une vraie profondeur narrative et affective, je trouve ça plutôt fort. Et l'intelligence du scénario est là : au lieu de tout centrer sur un héros qui voyagerait dans le temps pour découvrir tout un monde qu'il n'a pas pu vivre (ou qu'il voudrait revivre), Sciamma a resserré son film sur l'essentiel : une maison, une forêt et la relation mère-fille. On ne sortira jamais de cette unité de lieu. Lieu qui d'ailleurs mute astucieusement par de petits éléments entre chaque scène, et qui permet de faire des transitions assez remarquables entre les temporalités (le montage est à ce titre très réussi et en phase avec l'esprit de Nelly). J'aime aussi la petite économie du film (surtout après le gros succès de La jeune fille en feu) et l'absence de musiques (hormis celle composée spécialement pour le film qui intervient à la toute fin lors d'une escapade, un peu une fausse note à mon avis).

Toujours aussi perspicace pour découvrir des jeunes talents, Sciamma dirige d'une très belle façon les deux jeunes actrices (dans la vraie vie jumelles, moyen d'ajouter encore une strate de complexité et de beauté dans leur relation). On est loin de la spontanéité de certaines scène de Tom boy, hormis une préparation de crêpes plus relâchée, et ça fonctionne pour moi : ce que j'aime dans le film, c'est la nature très sereine des personnages. Il n'y a aucun conflit, aucune crise de pleurs, aucune engueulade, juste beaucoup d'attention d'un personnage à l'autre. Et ce sont ces rapports tendres et réparateurs (un peu comme chez Brisseau) qui alimentent le film. Chaque réplique est posée, chaque action est découpée, chaque geste et démarche est bien lisible (d'ailleurs, Nelly a une démarche chaloupée très particulière qui à elle seule m'a ému, toute la fragilité et l'authenticité du corps d'enfant est là). Sciamma a un regard très précis et fort sur ces deux actrices, elle leur donne un terrain de jeu certes, mais tout est très encadré, et j'aime cette contrainte. Pour ne pas laisser les enfants faire le film par leur seul charme, leur seule présence magnétique, le cadre leur permet de se révéler avec clarté. Ce qui fait que les scènes où les deux gamines s'inventent une pièce de théâtre et revêtent de nouveaux costumes par dessus les anciens, et de nouvelles identités alors que leur propre nature est déjà ambivalente, tout cela devient encore plus fort et émouvant. Problème découle par contre de tout cet encadrement : certaines scène sont trop écrites(notamment lorsque les deux gamines parlent de leurs peurs) c'est ce que j'aurai à reprocher au scénario. Et il aurait encore plus gagné à élaguer quelques dialogues.

Pour rebondir sur les critiques concernant les rapports parents-enfants : ce sont les enfants qui dirigent les adultes, les orientent et les réparent finalement : comme cette scène où le fille rase son père et lui adresse ensuite la parole comme s'ils venaient de se rencontrer, ou les mots-croisés, la chanson d'anniversaire qu'il faut répéter. Tout est à leur hauteur, mais pour moi c'est totalement cohérent avec le cœur du film : la relation mère-fille s'est rompue à cause d'une tristesse insondable, une tristesse de vivre tellement forte qu'on ne peut plus s'afficher devant ses proches et qu'on finit par régresser, si bien que l'on est plus utile pour personne. On est tombé si bas qu'on ne veut pas faire souffrir les autres par notre seule présence alors on s'éclipse, quitte à disparaître. Et la mère de Nelly part en fumée et régresse tant dans sa stature de parent qu'elle finit par être aussi dépendante que lorsqu'elle était petite fille. Lorsqu'elle reparaît sous les traits d'une gamine, c'est pour mieux se faire rassurer par quelqu'un qui pourrait être son double. Le père également, complètement effacé et impuissant face à tout ça, laisse la place du saveur à Nelly. Dans la dernière superbe étreinte du film, c'est par son prénom que Nelly appelle sa mère, tout est là, dans le renversement des rôles et la perte des repères parentaux, la prise de conscience des enfants. Au final Nelly aura grandi tout comme sa mère. C'est superbe.
Modifié en dernier par Narval le mer. 23 juin 2021 21:39, modifié 3 fois.
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Narval
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C'est la première fois que ça arrive dans l'Histoire du cinéma : pour la première fois une cinéaste a tué son cinéma à partir du moment où elle s'est acheté un pied de caméra.
Sciamma utilise assidument un pied de caméra depuis Naissance des pieuvres (d'ailleurs cela donnait lieu à des moments chorégraphiques superbes) et elle a continué dans chacun de ses films suivants. Peut-être qu'il y en a plus dans ses deux derniers films - je t'avoue que j'ai pas calculé de ratio - mais c'est un peu fort comme affirmation.
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Narval
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A l'abordage ! - Guillaume Brac
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J'aurai plus de reproches à faire à ce film même si j'ai globalement aimé : je le trouve trop facile, trop évident, trop attendu la plupart du temps. Les personnages sont à peine esquissés : dès le départ j'ai flairé les deux mecs de cité (l'entreprenant beau gosse et le timide un peu plus enveloppé) qui vont rencontrer le blanc (trop fier, méfiant et râleur) à des milliers de kilomètres. Le film donne des prétextes scénaristiques assez peu convainquant pour tenter de les réunir (et le trio ne fonctionne pas in fine). Pire, les dialogues ne leur donnent pas toujours beaucoup de personnalité, et leurs réactions sont trop virulentes/naïves pour êtres justes. De la même façon, les scènes entre Félix et Alma sa compagne de vacance sont à ce titre trop écrites et peu convaincantes, aucune alchimie). En fait, le film se rêverait naturaliste dans son traitement mais Brac gère assez mal son ton et cela donne des moments sensés êtres burlesques où les gens se tapent dessus par jalousie mais ça en devient gênant (comme la scène de canyoning qui est très bizarre), je trouve que certains aspects du film sont décevant à cause de ce problème d'écriture/direction.
Heureusement à côté il y a de très belles choses : l'atmosphère estivale des parcs aquatiques que Brac adore filmer depuis ces dernières années et qui revient de plus belle ici est très réussie. Mais surtout, la relation entre Chérif (super Salif Cissé) le copain qui suit toujours son pote de près sans oser s'affirmer et qui finit par devenir baby-sitter. Voilà enfin quelqu'un qui arrive à se sortir de la caractérisation et transcende un peu sa condition de personnage. Avec patience, on le suit prendre plus d'importance pour l'enfant et la mère délaissée. Leur scène à trois sont toutes réussies car le ton et l'écriture sont justes et bien dosés. Même si je ne suis pas forcément fan de la façon dont leur rencontre aboutie, le chemin parcouru est vraiment fort.
Dommage que le film se termine brutalement, j'ai eu la même réaction qu'akestoner pour le coup : on dirait vraiment que Brac a juxtaposé quelques plans pour montrer que chacun avait maintenant sa place (le dragueur continue ailleurs, le patient est récompensé, le fier va apprendre sa leçon en récurant les chiottes).
Modifié en dernier par Narval le mer. 23 juin 2021 21:38, modifié 2 fois.
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asketoner
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Une Femme dans la tourmente, Mikio Naruse, 1964

J'ai un petit peu moins aimé que La Mère (la fin est quand même très programmatique), mais il y a vraiment des choses étonnantes chez Naruse, comme cette façon de prendre au sérieux la question des rapports conflictuels entre petits commerces de centre-ville et supermarchés dans les années 60 (et de filmer des discussions passionnées, très longues à ce sujet), ou bien de se lancer soudain, au 2/3 du film, dans un infini voyage en train, perdu d'avance, où chaque micro-geste amoureux du couple impossible est coupé par un plan des rails, des paysages ou de la nuit qui tombe tandis que les amants s'enfoncent dans les montagnes, vers les sources d'eau chaude. Mikio Naruse est un cinéaste dont la conscience toujours active n'empêche absolument pas le mystère : tout s'explique tout le temps, tous les personnages se justifient et font l'effort de se comprendre et de changer, et pourtant, quelque chose résiste, plus noir que tout, au coeur de la vie.
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sokol
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asketoner a écrit :
lun. 31 mai 2021 11:55
pourtant je suis mille fois plus convaincu par le cinéma de Jonas Trueba.
...
Dans Eva en août il y a une grâce
Parce que Trueba est plus religieux. Brac est tout simplement athée, point barre.

Moi c'est l'inverse : l'aspect "religieux" était le seul qui me gênait un tout petit peu chez l'espagnol.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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cyborg a écrit :
lun. 31 mai 2021 14:02
l'intrigue principale/le héros finit par peu à peu s'effacer au profit d'un personnage secondaire qui se transforme en émouvant personnage de premier plan.
C'est la qualité numéro un du film :love2:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
jeu. 10 juin 2021 10:13
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Nomadland, Chloé Zhao

Elle ouvre un carton, elle tombe sur une chemise d'homme, elle la serre dans ses bras. C'est la première scène, on comprend tout de suite que le film sera lourd et convenu, mais on accepte ou bien alors il faut partir tout de suite. Et puis il y a la musique qui est vraiment en trop, et l'artificialité des confessions des nomades, qui s'enchaînent (cancer, suicide, chômage...), sans doute à cause d'un désir documentaire planqué sous la fiction, complètement raté. Mais au moins le film prend le vivant à bras-le-corps, se gonflant d'émotions diverses, et donne l'impression que les vies brisées ne sont pas rares, qu'au contraire elles se multiplient, elles sont la norme, tenues secrètes, rendues inaudibles. Il y a des scènes qui ne vont pas, qui ne disent rien, mais leur coexistence crée quelque chose : une femme sur une falaise, les bras en croix, dans le vent, avec la caméra qui tourbillonne et le petit filtre joli (la nature = Instagram), et tout de suite après, un plan sur l'enseigne de l'entrepôt Amazon où bosse cette femme. Rien n'est dit sur le travail, rien n'est dit sur la nature, mais quelque chose est dit de l'humain qui tente de faire coexister dans sa vie son désir d'absolu (un certain sentiment d'immensité) et ce qu'il doit faire pour survivre (un certain sentiment de médiocrité). On pourrait presque croire que le film traite de dignité. Mais ce serait sans compter deux plans d'une bêtise abyssale : le premier, une pause-pipi anodine sur le bord de la route, dénonce le point de vue ultra-bourgeois de la réalisatrice (on a l'impression qu'elle trouve ça grave, de pisser dehors), mais on l'oublie ; le deuxième montre Frances McDormand jouer de la clarinette, s'interrompre, et chier dans un seau en faisant des bruits, et manquer de pq. C'est bien petit, bien humiliant. Et je crois que tout le film, toute la vision de la cinéaste tient dans ces deux plans : pipi-caca.


:jap: :jap:

Je ne sais pas si les deux scènes de pipi/caca sont filmées comme humiliantes. Je ne l'ai pas vécu ainsi, en tout cas. Sinon, d'accord sur tout.

J'ai été surpris d'à quel point le film évite toute représentation d'agressivité.
Personne ne met de batons dans les roues de notre héroine. Elle n'est jamais en insécurité, on est aux US mais les armes à feu n'existent pas, et c'est bien normal vu que chaque rencontre humaine est positive.
A la fois, c'est reposant. C'est même un parti pris qui m'a fait aimer le film sur le moment.
Et en même temps, on peut très vite y voir une part d'hypocrisie. Genre, Amazon non plus n'est pas agressif. C'est sympa d'y bosser dans ce film. De toute façon, le simple fait que l'enseigne ait accepté de voir son logo et son nom cités directement prouve que le film est très inoffensif. Plus encore que ses oscars.
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Tyra
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Mr-Orange a écrit :
lun. 14 juin 2021 15:28
En somme, oui la cinéaste se projette dans un corps d'enfant, comme les enfants se projettent dans un corps d'adulte ! C'est parfois ce qui se passe dans les relations filiales et les jeux d'enfants, non ? C'est le thème du film !
Oui mais la petite fille est déjà une adulte avant la rencontre avec sa mère enfant. Il n'y a donc même pas de jeu d'enfant visant à jouer des adultes, les petites filles le sont déjà. Du coup la rencontre, à mon sens, ne produit rien, Sciamma ne sait pas quoi en faire. C'est juste mon avis, je respecte le tiens ! :)
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groil_groil
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Salut !
Une vingtaine de films en retard, même si j'en vois moins avec l'Euro.
pas le temps de poster alors je profite d'un voyage en train équipé du wifi pour rattraper ça rapidement.
(et je viens de perdre mon post avec déjà une bonne partie des films chroniqués, donc je recommence la mort dans l'âme)

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Planète Triste - Sébastien Betbeder (2021)

Le nouveau film de Sébastien Betbeder est un court métrage d'une 30aine de minutes, résultant d'un atelier réalisé avec une classe de première option cinéma du lycée d'Ivry. Les gamins ont été aussi bien aux postes techniques, qu'acteurs, à part les deux acteurs adultes, professionnels, tous les autres sont des enfants de cette classe. Le film raconte l'histoire d'un cinéaste qui réalise un film avec des lycéens dans le cadre dans atelier. Mais à part ce postulat de départ, rien d'autobiographique. Le film est magnifique, très émouvant, et au-delà des lycéens, tous bouleversants dans des rôles proches de ce qu'ils sont, le film dit beaucoup de chose sur la solitude, et oscille en permanence entre le rire et une mélancholie profonde. Film magnifique donc, aussi réussi et émouvant que bien des longs métrages, notamment grâce à sa grande gestion du temps, de l'espace, et des comédiens. On a eu la chance d'en faire la musique, et donc de le voir lors d'une avant-première technique, en compagnie de tous les lycéens, qui se voyaient à l'écran pour la première fois. Un moment inoubliable.

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Dans une ambiance 50's magnifiquement kitsch et idéalisée, qui ne déplairait pas au Lynch de Blue Velvet, un enfant, forcé par ses parents de manger de la viande, se met à les soupçonner de manger de la viande humaine, avant de les tuer. Le meilleur plaidoyer vegan jamais vu au cinéma, doublé d'un film d'horreur vraiment efficace et terrifiant.

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Un petit Fisher, sur un sujet archi classique, mais à la belle mise en scène, étonnamment lente et posée.

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Un Fisher beaucoup plus tardif, sur une ile ambiance fin du monde, avec une invasion extraterrestre qui a comme conséquence première une très forte chaleur en plein hiver. Parce qu'il est tardif, le film semble se détacher des contraintes de studio, permettant à Fisher de réaliser un petit film adipeux, poisseux, un peu plus trash que ce que lui autorisait son néo-classicisme. Une petite réussite.

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Celui-ci est considéré comme un classique de Fisher, mais j'ai été assez déçu, notamment parce qu'il y a 1h15 de mise en place pour 15 minutes vraiment prenantes. ça passait sans doute à l'époque, c'est plus difficile aujourd'hui. Mais la mise en scène est solide.

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Comme chaque année, avec un plaisir intact.

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Celui-ci est le meilleur de ce petit cycle Fincher, et je crois tout simplement le meilleur Fisher vu à ce jour. Au-delà d'une mise en scène splendide, le cinéaste adapte le mythe de Jekyll d'une manière totalement différente de tout ce qui a été fait jusqu'à présent, très originale, et le film est d'une grande profondeur, chaque scène remettant l'ensemble en perspective, et ouvrant sur un océan de possible narratifs. Assez brillant.

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Enième revisionnage de ce grand classique d'Hitchcock, un de ses plus beaux films, et l'un des ceux ou la mise en scène et le scénario sont les plus étroitement liés, chacun étant totalement dépendant de l'autre et ne pouvant pas avance sans l'autre.

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Trois enfants naissent le même jour, dans la même clinique, une nuit de pleine lune. 10 ans plus tard, et sans raison apparente, ils sont devenus d'affreux monstres sanguinaires à visages d'anges et truicident tout leur entourage, sans pitié aucune. Un slasher incroyable, mémorable, et je crois méconnu, que je découvrai, et qui est de toute évidence l'un des meilleurs du genre. Le film est dur, vraiment sans pitié, rien ne vient excuser, pardonner ces gamins, déterminés à tuer autour d'eux. Il y a quelque chose du Mais ne nous délivrez pas du mal de Séria, mais le film va encore plus loin...

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Très bon giallo, un Lenzi plutôt versant classique, avec un scénario original et qui tient la route jusqu'au bout.

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Je crois que ce western est considéré comme un classique de Dmytryk, mais malheureusement je m'y suis pas mal emmerdé. j'ai trouvé l'ensemble très bavard, avec une mise en scène incroyablement pantouflarde. D'autant plus dommage vu le casting.

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Décidé de refaire une intégrale Solondz (j'avais tout vu, sauf le 1er court et le 1er long jamais sorti chez nous). Celui-ci est le second, mais le premier à être officiellement sorti. Et plus j'avance dans la rétro, plus je trouve que c'est son meilleur film. Il est trash, provocateur, mais conserve néanmoins une certaine dignité face à ces personnages, ce qu'il va malheureusement abandoner ensuite pour se vautrer dans le scabreux.

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Le tout premier court de Solondz. Dispensable et anecdotique.

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Un jeune juif New-Yorkais fan de Beckett tente d'écrire sa première pièce, pris dans ses déboires amoureux. Premier film de Solondz, le style se cherche et regarde un peu trop du côté de Woody Allen.

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Je me souviens qu'à l'époque ce film jouissait d'une excellente réputation, critique élogieuse, cinéaste indé branché, tout ça... Je me souviens l'avoir vu et ne pas avoir été scandalisé comme je l'ai été ce coup-ci. Ai-je vieilli, est-ce que l'époque a tellement changé qu'on pouvait accepter jadis des choses qui ne le sont plus du tout aujourd'hui. Quoiqu'il en soit, et alors que j'allais vers le film avec un a priori positif, celui-ci est totalement abject, dans son désir de choquer à tout prix est totalement à côté de la plaque et fait immédiatement sombrer le film dans le scabreux le plus inacceptable. Faire de son personnage principal un pédophile, mais lui chercher sans cesse des excuses, et faire des scènes abominables sur des viols d'enfants, se permettre une petite musique et de l'ironie par dessus, terminer par une scène finale entre le pédophile et son fils, le premier regrettant de ne pas l'avoir enculé, mais lui disant qu'il se branle en y pensant... j'arrête là, tant tout ça me dégoute. Je ne sais pas ce qu'il y a dans la tête de Solondz, mais je n'aimerai pas y être. Il y a sans doute cette envie de dénoncer le "tous pourris", mais le faire ainsi c'est aussi irresponsable que moralement condamnable. Je ne reverrai jamais ce film, et Solondz vient de chuter lamentablement dans mon estime.

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Une mère de famille bourgeoise, condamnée par une maladie dégénérative incurable, convoque sa famille dans sa riche et belle demeure isolée afin de passer un dernier weekend avec eux, avant que son mari ne l'euthanasie. Le film n'évite malheureusement pas les clichés, famille modèle qui se déchire, secrets longtemps enfouis qui resurgissent, déco façon magazine, etc. mais il tient debout par l'excellence de ses acteurs - Kate Winslet en tête - et à le mérite de traiter de l'euthanasie comme sujet principal, pas mal pour un bb hollywoodien.

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Le dernier Ron Howard est encore un d'après une histoire vraie. L'histoire d'un gamin né plouc élevé par une famille de rednecks et par une mère alcoolique dépressive, et de sa réussite sociale parce que tu comprends quand on veut, on peut, c'est ça le rêve américain mec. Donc ça a tout pour être puant, ça l'est souvent, mais Howard déroule son petit savoir faire et construit un film que, sans être dupe une seconde, tu regardes quand même avec plaisir.

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Un lendemain de grosse cuite, j'avais besoin du truc le plus con possible pour être capable de suivre, mais en fait c'est tellement con, plus que tu ne l'imagines, que ça a démultiplié le mal de crâne et que je n'ai pas tenu plus de trente minutes. C'est fou cette façon de constamment niveller vers le bas pour arriver au néant, alors que les deux premiers films signés McG étaient si bien, si inventifs et drôles.

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A peine mieux que Happiness. Le film est divisé en deux parties assez pompeuses, Fiction et Non-Fiction. Si la première peut être génante dans ses thèmes et ses façons de l'aborder, elle dégage au moins un climat dérangeant et est assez réussie. La seconde en revanche, vire au scabreux par une succession d'événements qui ne font que rajouter des couches dans le simple but de choquer. Inutile.

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Là-aussi titre pompeux, sujet scabreux : une gamine de 12 ans veut à tout prix tomber enceinte. L'originalité du film vient du fait qu'une dizaine de gamines aux physiques très différents jouent le même rôle, mais Solondz ne peut pas s'empêcher les scènes scabreuses, vu le sujet et l'âge de la protagoniste, je vous laisse les imaginer...

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La fin de carrière de Chabrol était malheureusement très très difficile, il a enchainé pas mal de films ratés, mais tenter de les revoir aujourd'hui est encore pire. Tenu 30mn.

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Un classique de Fellini qu'étonnament je n'avais jamais vu et que j'ai découvert dans sa magnifique copie restaurée 4k, l'idéal pour découvrir un film. Et celui-ci est magnifique, avec une Massina excellente, assez proche de Pasolini dans l'esprit, et ce n'est pas un hasard si l'on le retrouve au générique ayant participé au scénario, ça se sent vraiment. Fellini est assez moqué, voire oublié aujourd'hui, il est urgent de le célébrer à nouveau, c'est un très grand.
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groil_groil
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Bizarrement j'étais jusqu'à présent passé à côté du cinéma d'Amos Kollek, dont on avait pourtant beaucoup parlé à une époque. Je découvre donc avec Sue, et immédiatement, littéralement, j'adore. C'est le cinéma indépendant dans sa quintessence. Ce destin de femme paumée est incroyablement juste, incroyablement émouvant, j'ai été sidéré par la manière dont Kollek crée un rapport de proximité entre Sue et nous spectateurs, sans jamais non plus être voyeur, la distance est parfaite et l'empathie totale. Le film doit évidemment beaucoup à Anna Thomson qui est sublimissime. J'ai rarement vu une actrice aussi émouvante, aussi physique et intellectuelle à la fois, c'est vraiment l'actrice parfaite pour ce rôle, lui donnant une dimension quasi métaphysique. Ils ont fait 4 films ensemble, je vais les enchainer, mais je suis allé aussi voir ce qu'elle avait fait avant. Et là, je me rends compte que c'est une actrice à la filmographie hallucinante et que je l'ai vue jouer des dizaines de fois : La Porte du paradis, Maria's Lovers, Le Pape de Greenwich Village, Recherche Susan désespérément, Dangereuse sous tous rapports, Liaison fatale, Wall Street, Bird, Talk Radio, Impitoyable, True Romance, The Crow et puis un rôle chez Ozon dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes. Mais c'est en tout cas Kollek qui en aura fait une actrice qui a marqué son époque, ce rôle de Sue était absolument bouleversant (plus les trois autres qu'il me reste à voir).
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groil_groil a écrit :
lun. 21 juin 2021 12:07
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Bizarrement j'étais jusqu'à présent passé à côté du cinéma d'Amos Kollek, dont on avait pourtant beaucoup parlé à une époque. Je découvre donc avec Sue, et immédiatement, littéralement, j'adore. C'est le cinéma indépendant dans sa quintessence. Ce destin de femme paumée est incroyablement juste, incroyablement émouvant, j'ai été sidéré par la manière dont Kollek crée un rapport de proximité entre Sue et nous spectateurs, sans jamais non plus être voyeur, la distance est parfaite et l'empathie totale. Le film doit évidemment beaucoup à Anna Thomson qui est sublimissime. J'ai rarement vu une actrice aussi émouvante, aussi physique et intellectuelle à la fois, c'est vraiment l'actrice parfaite pour ce rôle, lui donnant une dimension quasi métaphysique. Ils ont fait 4 films ensemble, je vais les enchainer, mais je suis allé aussi voir ce qu'elle avait fait avant. Et là, je me rends compte que c'est une actrice à la filmographie hallucinante et que je l'ai vue jouer des dizaines de fois : La Porte du paradis, Maria's Lovers, Le Pape de Greenwich Village, Recherche Susan désespérément, Dangereuse sous tous rapports, Liaison fatale, Wall Street, Bird, Talk Radio, Impitoyable, True Romance, The Crow et puis un rôle chez Ozon dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes. Mais c'est en tout cas Kollek qui en aura fait une actrice qui a marqué son époque, ce rôle de Sue était absolument bouleversant (plus les trois autres qu'il me reste à voir).
Ça donne envie, très beau titre déjà et j'aime bien les films qui traitent de l'errance dans des villes déshumanisées. :hot:
Kahled
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Les salles de cinéma m'ayant quand même manquées (je m'en rends compte aujourd'hui plus que pendant leur fermeture), j'essaie de trouver des bons films à me mettre sous la dent (il y a encore le Podalydès sorti la semaine dernière que je dois voir et le Brac qui n'est toujours pas sorti chez moi). Pour l'instant, c'est pas ouf globalement...

Notamment avec les films d'horreur :

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Conjuring : Sous l'emprise du diable, Michael Chaves (2021)

Bon cette saga est globalement médiocre, c'est de l'horreur mainstream, produite et réalisée de manière quasi industrielle, sans même parler du manque de recul dans cette mise en image des affaires qu'elle prétend adapter (et à la limite qu'importe, on sait ce qu'on vient voir et on se fiche un peu de la manière dont les films communiquent avec les vrais cas). Mais quand James Wan était encore à la barre, ces films avaient le mérite d'une certaine générosité, ça se rapprochait parfois (sans jamais vraiment atteindre un tel niveau) d'un grand huit de l'horreur flirtant avec le grand guignol (et sans jamais non plus que ce dernier aspect soit volontaire ou totalement assumé, la saga étant totalement premier degré). Ici, malheureusement, il n'y a plus les maigres talents de mise en scène des 2 premiers opus, le film est moins long et prend donc moins le temps de se construire, c'est plan-plan, il n'y a pas les idées plus ou moins folles que Wan était capable de proposer (comme le démon déguisé en nonne dans le second opus, belle trouvaille) et ça rate à peu près tout ce que ça entreprend ou souhaiterait entreprendre : c'est un mauvais film policier (l'enquête est bâclée et expédiée), ça n'a pas les couilles d'être un vrai film de procès et donc d'offrir une vraie réflexion sur le cas proposé (ça ellipse sans arrêt la question) et en tant que film d'horreur, il y a une régression flagrante en termes d'inventivité (la réalisation est super molle, là ou Wan savait proposer de magnifiques soubresauts). Reste le capital sympathie des 2 acteurs et une scène d'intro bien vénère (seule scène plutôt réussie du film même si l'emprunt à L'Exorciste de son célèbre plan iconique avec le prêtre devant la maison est bien ridicule).

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La Nuée, Just Philippot (2021)

Presque réussi. Mais finalement non, c'est raté. Ça se veut cronenbergien mais Cronenberg, lui, savait toujours trancher : soit c'est du cinéma ultra viscéral (La Mouche, Vidéodrome) soit c'est froid et clinique (Faux-semblants, Maps to the stars). Ici ça hésite entre les deux, le film est incapable de choisir, beaucoup trop frileux pour offrir de réelles visions cauchemardesques (pas un plan qui marque), beaucoup trop de compromis pour permettre la moindre radicalité, le moindre épanouissement du geste horrifique qu'il prétend dessiner. Pas assez rigoureux non plus dans sa volonté de décrire le quotidien ingrat d'une exploitation agricole ni assez troublant dans sa manière de dévoiler la fascination qu'elle exerce sur le personnage principal. C'est assez triste, car l'actrice / le personnage a la même férocité mêlée de fragilité (voir de masochisme) que peut avoir Charlotte Gainsbourg dans certains de ses films (ceux de Lars von Trier), sans même parler de leur forte ressemblance physique. Dommage que le film ne lui donne pas mieux à jouer que ça. Le film multiplie les gros plans sur les sauterelles, comme une sorte de récurrence qui est sensée accompagnée l'obsession de Virginie et sa plongée progressive dans la folie, il est sur ce point très maniériste. Mais il ne se dégage pas grand chose de tout ces plans, le cinéaste, dont c'est le premier long-métrage (c'est toujours la même musique avec les "cinéastes de genre" français dont c'est le premier long-métrage - je pense notamment à Irréprochable de Sébastien Marnier qui avait faux sur toute la ligne), ne sait pas gérer sa narration ni son crescendo (le climax est particulièrement raté). Il y a une scène, assez représentative du problème majeur du film : à un moment on voit les sauterelles qui semblent envahir progressivement la maison, on les voit remonter le conduit de l'évier, et là on se dit que le film va enfin déployer toute son ampleur. Mais le film ne fait pas durer ça : on comprend assez vite que ça n'est... qu'un rêve. Cette échappée dans le subconscient d'un des personnages (le fils en l’occurrence qui possède, selon moi, le plus beau rôle du film) cristallise assez bien les actes manqués du film.

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Sans un bruit 2, John Krasinski (2021)

Je n'avais pas beaucoup aimé le premier : le film s'évertuait, en permanence, à ne pas du tout exploiter son potentiel, à passer à côté de son concept, en ne filmant pas ce qu'il aurait dû filmer, en ellipsant ce qui ne devait pas l'être (le fameux accouchement qui était la problématique majeure du film, honteusement passé à la trappe). J'ai préféré cette suite. En guise d'introduction, le premier étant plus que déceptif, ici on sait où met les pieds : le concept n'étant plus à présenter, ce nouvel opus permet d'offrir autre chose sans pour autant faire l'impasse sur les particularités de son univers, offrant toujours de belles scènes de tension où le bruit doit toujours être proscrit. D'autre part, je trouve le film plus généreux, car justement plus travaillé dans ces scènes. L'introduction, le meilleur passage du film d'ailleurs, prends le temps de se déployer en remontant aux origines (Jour 1 nous annonce le carton d'ouverture du film) en présentant, en filigrane, le personnage de Cillian Murphy (acteur que j'apprécie de plus en plus), en filmant la vie et le quotidien de ses personnages, dans cette petite ville, avant la plongée dans l'horreur, qui va se concrétiser d'abord avec cette traînée de feu dans le ciel, angoissante au point de mettre un terme au match de base-ball auxquels les parents viennent assister en soutien à leurs enfants, puis avec cette attaque foudroyante sur terre, d'une brutalité terrifiante, sèche, frontale, cauchemardesque, et durant laquelle on passe d'un personnage à un autre au sein de cette famille, divisée en deux groupes (Emily Blunt avec les deux garçons d'un côté, John Krasinski avec Regan, la fille sourde de l'autre). La scène, particulièrement longue, offre une dynamique très travaillée dans sa gestion de l'espace, dans sa gestion du son et la rupture qui en découle, accentuant les bruits ou les effaçant au gré de la situation et des personnages filmés. Belle entrée en matière (la scène n'aurait pu être qu'un court-métrage, celui-ci aurait été génial) et qui permet surtout d'offrir un aperçu de ce que sera le reste du film : une famille (recomposée, Cillian Murphy remplaçant John Krasinski, le nouveau-né se substituant à l'enfant tué du premier film) scindée en deux face à l'adversité : Regan avec Murphy dans une odyssée se voulant salutaire, Emily Blunt avec ses deux fils mettant tout en œuvre pour soigner le plus grand, grièvement blessé (scène éprouvante au possible d'ailleurs, on souffre pour lui !). En d'autres termes, le même schéma que celui présenté au début et qu'il va ici tenir sur toute la durée restante. Le film est assez concis, allant à l'essentiel mais se permettant ici et là des moments de flottements et de pur contemplation du côte de Cillian Murphy et de Regan, alternant avec fluidité les scènes entre le premier et le second groupe (celui d'Emily Blunt, qui sera lui-même divisé en deux à un moment). Ça multiplie les scènes de terreur, en intérieur ou en extérieur, ça ose certaines nouveautés dans son approche du danger (le groupuscule malsain à la moitié du film, flirtant presque avec l’abstraction tellement on ne comprend pas réellement ses motivations - ça se rapproche presque de ce que pouvait proposer Carpenter avec ses premiers films) et ça se conclue, assez sèchement, en choisissant de ne pas filmer les retrouvailles de la famille (choix intéressant). Plutôt emballé donc.
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asketoner
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groil_groil a écrit :
lun. 21 juin 2021 12:07
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Bizarrement j'étais jusqu'à présent passé à côté du cinéma d'Amos Kollek, dont on avait pourtant beaucoup parlé à une époque. Je découvre donc avec Sue, et immédiatement, littéralement, j'adore. C'est le cinéma indépendant dans sa quintessence. Ce destin de femme paumée est incroyablement juste, incroyablement émouvant, j'ai été sidéré par la manière dont Kollek crée un rapport de proximité entre Sue et nous spectateurs, sans jamais non plus être voyeur, la distance est parfaite et l'empathie totale. Le film doit évidemment beaucoup à Anna Thomson qui est sublimissime. J'ai rarement vu une actrice aussi émouvante, aussi physique et intellectuelle à la fois, c'est vraiment l'actrice parfaite pour ce rôle, lui donnant une dimension quasi métaphysique. Ils ont fait 4 films ensemble, je vais les enchainer, mais je suis allé aussi voir ce qu'elle avait fait avant. Et là, je me rends compte que c'est une actrice à la filmographie hallucinante et que je l'ai vue jouer des dizaines de fois : La Porte du paradis, Maria's Lovers, Le Pape de Greenwich Village, Recherche Susan désespérément, Dangereuse sous tous rapports, Liaison fatale, Wall Street, Bird, Talk Radio, Impitoyable, True Romance, The Crow et puis un rôle chez Ozon dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes. Mais c'est en tout cas Kollek qui en aura fait une actrice qui a marqué son époque, ce rôle de Sue était absolument bouleversant (plus les trois autres qu'il me reste à voir).
C'est tellement beau Sue perdue dans Manhattan ! Je l'avais tellement aimé ce film... Je n'avais jamais vu à ce point la béance au cinéma, une béance existentielle, un truc vertigineux.
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groil_groil
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asketoner a écrit :
lun. 21 juin 2021 13:26
groil_groil a écrit :
lun. 21 juin 2021 12:07
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Bizarrement j'étais jusqu'à présent passé à côté du cinéma d'Amos Kollek, dont on avait pourtant beaucoup parlé à une époque. Je découvre donc avec Sue, et immédiatement, littéralement, j'adore. C'est le cinéma indépendant dans sa quintessence. Ce destin de femme paumée est incroyablement juste, incroyablement émouvant, j'ai été sidéré par la manière dont Kollek crée un rapport de proximité entre Sue et nous spectateurs, sans jamais non plus être voyeur, la distance est parfaite et l'empathie totale. Le film doit évidemment beaucoup à Anna Thomson qui est sublimissime. J'ai rarement vu une actrice aussi émouvante, aussi physique et intellectuelle à la fois, c'est vraiment l'actrice parfaite pour ce rôle, lui donnant une dimension quasi métaphysique. Ils ont fait 4 films ensemble, je vais les enchainer, mais je suis allé aussi voir ce qu'elle avait fait avant. Et là, je me rends compte que c'est une actrice à la filmographie hallucinante et que je l'ai vue jouer des dizaines de fois : La Porte du paradis, Maria's Lovers, Le Pape de Greenwich Village, Recherche Susan désespérément, Dangereuse sous tous rapports, Liaison fatale, Wall Street, Bird, Talk Radio, Impitoyable, True Romance, The Crow et puis un rôle chez Ozon dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes. Mais c'est en tout cas Kollek qui en aura fait une actrice qui a marqué son époque, ce rôle de Sue était absolument bouleversant (plus les trois autres qu'il me reste à voir).
C'est tellement beau Sue perdue dans Manhattan ! Je l'avais tellement aimé ce film... Je n'avais jamais vu à ce point la béance au cinéma, une béance existentielle, un truc vertigineux.
c'est exactement ça :love2:
I like your hair.
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asketoner
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Il n'y aura plus de nuit, Eléonore Weber

Les images viennent de Youtube. Elles ont été tournées par des soldats, depuis des hélicoptères, avec des caméras thermiques, en Afghanistan. Les voitures laissent derrière elles la trace luminescente de leur passage, les arbres scintillent, les étoiles se multiplient, les humains sont repérables. Ces caméras servent à tuer. Au centre de l'image, apparaît un viseur, qu'on oublie parfois, puis se rappelle à nous lorsque soudain l'ordre est donné d'éliminer ceux qu'on identifie comme des adversaires.
Le texte lu en voix-off tient lieu de mise en scène. Eléonore Weber, par la voix parfaite de Nathalie Richard (une voix hiroshimaesque), restitue ce que lui dit le soldat qu'elle interroge au sujet de ces images. On entend tout un monde, une logique instituée, où le déni est de mise. On entend aussi les voix des soldats français ou américains qui tournent ces images, leurs impressions, leurs réactions, leurs commentaires de spectateurs sans discrétion, leur cri de surprise face au spectacle d'une explosion qui n'est pas de leur fait.
La voix-off donne le point de vue, intransigeant mais froid, sur ces images de mort, ces snuff-movies pas du tout amateurs mais bien professionnels (ou institutionnels), s'appuyant sur leur beauté, leur étrangeté, leur violence aussi, et leur capacité à fasciner. Le montage, lui, d'une grande intelligence, agence l'ensemble en cherchant toujours le contrepoint. Aux images d'interventions militaires s'oppose celle d'une bavure. A la toute-puissance des soldats, une mine qui les emporte. A leur activité de repérage et de traque, un temps mort où l'un d'eux fixe un jardin d'enfants, avec cette même caméra thermique changeant tout corps en cible. Et il y a même un contre-champ, inespéré dans ce contexte, d'une très grande force. A la fin, Eléonore Weber nous montre la caméra dernier cri de l'armée : elle abolit la nuit tout en préservant les couleurs des paysages. Il semble faire jour tout le temps. Ainsi rêve l'armée : que toute ombre s'efface.
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asketoner
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143, rue du Désert, Hassen Ferhani

Ce qui fait la mise en scène d'Il n'y aura plus de nuit, c'est le texte - en révélant un monde que les images dissimulent (la caméra, vissée au casque, ne peut (presque) pas se retourner sur le filmeur), en rapportant le point de vue de ceux qui font ces images, le texte ouvre un espace (un champ) entre l'image et lui. C'est cet espace (ce décollement de l'audible et du visible) qui rend le film possible.
Dans 143, rue du Désert, je dirais que la mise en scène tient au fait de ne (presque) jamais quitter le lieu, et d'épouser la position de Malika dans l'espace : une buvette au milieu d'un désert un peu gris, au bord d'une route dangereuse, et à l'horizon duquel on devine quelques montagnes roses orangées. La caméra se tient parfois comme elle, face à la porte ouverte qui vient cadrer la vastitude, définir des limites, un territoire. Parfois personne ne s'arrête - mais il y a toujours quelque chose à entendre : le désert, à cet endroit, est comme la mer : le vent vient rouler des cailloux qui grondent comme sous les vagues. Mais des individus apparaissent : une Indienne, un menteur, un moraliste ; puis viennent s'asseoir à la table de Malika, qui leur sert un café, une omelette. Et souvent, la caméra se retourne sur Malika, assise sur sa chaise, appuyée au mur - qui guette, somnole, attend, se méfie, se confie, rit, pleure, appelle son chat, appelle son chien, frémit face à la difficulté de sa vie, résiste. En quelques rencontres (quelques arrêts), Hassen Ferhani parvient à nous donner l'idée (la sensation) d'une vie entière, qui serait venue s'échouer là pour des raisons qu'on ne connaîtra pas, raisons tenues secrètes, ou détournées. On apprendra que pendant quelques semaines, Malika a dû, suite à un vol ou bien des médisances, se réfugier ailleurs, comme si sa place était très convoitée. On apprendra aussi l'histoire terrible de sa fille - mais Malika mentait pour mettre à distance un visiteur mythomane. En fait, on ne saura rien. Malika nous échappe. Quelque chose en elle se refuse au portrait. Le film tient à cet impossible. Le lieu - cette buvette au 143, rue du Désert (où est le 142 ?) - semble brouiller, crypter l'âme des humains. Il est si éloigné de tout qu'un homme pourrait bien faire semblant de chercher son frère.
La scène la plus forte à mon sens est celle où Malika accueille une Polonaise qui traverse le pays à moto, seule. Deux féminités se rencontrent, deux façons d'être une femme - aucune ne comprend vraiment l'autre, et pourtant, elles se ressemblent. L'une est fixe, l'autre au contraire mobile : mais les deux sont des solitaires. Cette solitude fondamentale de l'être, à laquelle le film vient se heurter, comme si le cinéaste n'était pas plus (pas moins) qu'un visiteur qui se serait un peu trop attardé. Malika, tout le temps, conserve le pouvoir. Aucune morale, aucun charmeur, aucune caméra ne pourra l'asservir, lui tirer une confidence involontaire. Le cinéaste saisit cela grâce à des plans qui donnent la mesure de cette femme dans l'espace qu'elle occupe, minuscule mais tenace, perdue mais bien décidée à se perdre jusqu'au bout. Qu'elle soit sur le seuil de sa maison, face à la nuit qui tombe, ou assise chez elle, elle semble inatteignable, à la fois protégée et déjà détruite.
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asketoner a écrit :
mer. 23 juin 2021 11:52

En fait, on ne saura rien. [Elle] nous échappe. Quelque chose en elle se refuse au portrait. Le film tient à cet impossible.

...

tout le temps, [elle] conserve le pouvoir.

...

... elle semble inatteignable, à la fois protégée et déjà détruite.
Et là, peut être sans të rendre compte, tu nous a parlé de... l'Algerie

:jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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asketoner
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La Nuée, Just Philippot

Gros problème de casting - ou de direction d'actrice : la comédienne principale ne laisse paraître aucune fragilité, elle semble passer tout son temps à prendre des poses dans les cafés de la Rue de Rivoli pour imiter Charlotte Gainsbourg, et pas du tout la veuve qui a toujours tout raté et s'occupe de donner de la gelée à des grillons dans une maison où les plombs sautent toutes les deux minutes. Le film est relativement efficace, mais un peu en force, comme sa comédienne. La mise en scène s'en trouve toute verrouillée.
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Tyra
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Quelques mots sur les sorties récentes :

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Le film a été annoncé comme un film choc, un film coup de poing inédit dans le cinéma français "de genre" (je déteste cette expression). Annonce marketing forcément exagérée, à laquelle certains ont répondu par la mauvaise foi et le mépris en descendant le film, vu comme un film "social" masqué sous le genre. Ce qui est faux évidemment. Pas vraiment de réalisme ou d'encrage social dans le film, et tant mieux.
Au final je marche. Pas de beaucoup (il y a de sacrées baisses de régimes, le film est trop long, 1h40 pourtant seulement), mais la fin très forte emporte le tout. Mine de rien, il y a de belles scènes horrifiques (le chien :humpf: ), des images qui marquent, comme cette vision cronenbergienne de la mère recouverte de sauterelle, vue par sa fille à travers le plastique d'une tente. Mais on sent qu'entre ces beaux moments le réal a peur du vide, de la lenteur, et charge le film de sous-intrigues, de personnages secondaires pour meubler, hystérise un peu le tout par sa mise en scène à l'épaule, et par son personnage principal tout le temps à bloc (on est loin de la lenteur hypnotique du premier Alien ou de The Thing). Je trouve les scènes de famille assez réussies, ce qui est rare pour ce type de film.


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Le dernier Pixar, passé inaperçu (sortie en streaming), et pourtant précédé d'un certain bouche à oreille, car abordant pour la première fois chez Disney un histoire d'amitié entre deux jeunes garçons avec un sous-texte homosexuel. Une sorte de Call Me By Your Name (le film se passe en Italie) pour enfants. La métaphore fonctionne, et la belle idée aussi, c'est ce renversement du fantastique : ce n'est pas un garçon ordinaire qui plonge dans le merveilleux, mais le merveilleux qui remonte à la surface pour se frotter au monde réel. C'est mignon comme tout, mais ce serait bien que le studio aborde un pays étranger autrement que par des clichés (sur Paris, sur le Mexique, ici sur l'Italie), omniprésents ici. On sent l'amour et le respect du pays représenté, la peur d'offenser (le réalisateur a un nom italien, on se couvre), et en même temps l'impossibilité de le représenter autrement que sous le verni d'une carte postale.
Mais le studio reste toujours très fort pour donner une belle ampleur émotionnelle à ses fins et aux scènes de séparations, même lorsqu'elles surviennent après une heure vingt d'un film mignon comme tout mais presque anecdotique.
Bref beaucoup de savoir faire, mais manque d'une vraie âme.



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Dans le nouveau genre de la comédie française qu'est le film "ok boomer", c'est je trouve, plus réussi, généreux et rigolo que les Dupontel ou Delepine Kervern. Un peu plus poétique et décalé, à la Podalydès quoi. Mais que ça manque de tout, d'inspiration d'abord, puis de travail ! Ca ne cherche jamais plus loin que la scénette décalée, parfois drôle, parfois ratée... Ca manque de rigueur et d'ambition formelle (d'autant plus qu'on pense souvent à Tati), d'une force satirique, de quelque chose qui dérape. Les frères Poda font leur film en charentaise, déroulant leur petite musique agréable à écouter, on y va pour ça, et malheureusement on sait dès les premières minutes qu'il n'y aura rien de plus.
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