Le Centre de Visionnage : Films et débats

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asketoner
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Armageddon time, James Gray

On voit que James Gray essaie de bien faire mais qu'est-ce que c'est gênant ! Je ne peux pas aller jusqu'à dire que le film fait l'éloge de l'indifférence et de l'individualisme, mais il est pétri de cette culture, de cette idéologie, et s'il essaie de répondre un peu à cela, sa voix est si faiblarde, si dénuée de conviction que ça fait de la peine. C'est sans doute un film honnête, mais franchement il n'y a pas de quoi se vanter. Et encore, l'honnêteté reste à discuter. Si le petit garçon quitte la fête au moment où on l'encourage à devenir pdg (acte de rébellion qui me fait penser aux milliardaires qui jettent leur sac à main dans un film de Mallick en criant "on est libres !"), on sait, nous, puisque le film est un peu autobiographique, que le petit garçon va devenir cinéaste, ce qui n'est pas non plus exactement comme clochard ou ouvrier. Et en rendant le personnage principal antipathique à ce point, James Gray lui donne encore toute la place, et le garçon noir du récit reste à tout jamais inconnu. (Tout juste bon à alimenter un petit récit de repentir.)
Par ailleurs le film a l'air d'ignorer totalement ce qu'il est. Il prend pour motif central un tableau de Kandinsky exposé au Guggenheim. Je ne sais pas si on peut faire plus éloigné de Kandinsky que le film de James Gray. Un pionnier de l'art abstrait, qui a pris le risque d'être totalement incompris et rejeté, contre un cinéaste qui fait du cinéma comme tout le monde, avec la musique où il faut et les ralentis qui vont bien, pour être sûr que tout le monde comprendra... Et j'ajoute : un génie de la couleur contre un film mal éclairé et moche à pleurer... Parce que c'est ça le drame du film : si c'est un peu indécidable moralement (James Gray est trop bon élève pour se laisser avoir), c'est esthétiquement dégueulasse à tout point de vue !
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 10:41
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Armageddon time, James Gray

On voit que James Gray essaie de bien faire mais qu'est-ce que c'est gênant ! Je ne peux pas aller jusqu'à dire que le film fait l'éloge de l'indifférence et de l'individualisme, mais il est pétri de cette culture, de cette idéologie, et s'il essaie de répondre un peu à cela, sa voix est si faiblarde, si dénuée de conviction que ça fait de la peine. C'est sans doute un film honnête, mais franchement il n'y a pas de quoi se vanter. Et encore, l'honnêteté reste à discuter. Si le petit garçon quitte la fête au moment où on l'encourage à devenir pdg (acte de rébellion qui me fait penser aux milliardaires qui jettent leur sac à main dans un film de Mallick en criant "on est libres !"), on sait, nous, puisque le film est un peu autobiographique, que le petit garçon va devenir cinéaste, ce qui n'est pas non plus exactement comme clochard ou ouvrier. Et en rendant le personnage principal antipathique à ce point, James Gray lui donne encore toute la place, et le garçon noir du récit reste à tout jamais inconnu. (Tout juste bon à alimenter un petit récit de repentir.)
Par ailleurs le film a l'air d'ignorer totalement ce qu'il est. Il prend pour motif central un tableau de Kandinsky exposé au Guggenheim. Je ne sais pas si on peut faire plus éloigné de Kandinsky que le film de James Gray. Un pionnier de l'art abstrait, qui a pris le risque d'être totalement incompris et rejeté, contre un cinéaste qui fait du cinéma comme tout le monde, avec la musique où il faut et les ralentis qui vont bien, pour être sûr que tout le monde comprendra... Et j'ajoute : un génie de la couleur contre un film mal éclairé et moche à pleurer... Parce que c'est ça le drame du film : si c'est un peu indécidable moralement (James Gray est trop bon élève pour se laisser avoir), c'est esthétiquement dégueulasse à tout point de vue !



Je ne comprends pas pourquoi tu remets en question l'honnêteté du film (dans le sens où tu l'entends), alors qu'il est évident que la fin dit très exactement : "il va s'en sortir, contrairement à son pote moins privilégié, c'est injuste mais c'est un fait". Donc oui, ok, on sait d'avance qu'il va réussir à devenir un artiste et à en vivre, et le film ajoute simplement : "il y est arrivé parce qu'il a eu accès à des privilèges". Je ne dis pas que je trouve Gray courageux de dire ça dans son film, faut pas déconner, mais honnête, oui, clairement, c'est le bon mot.
Et je ne suis pas sûr non plus que le film existe pour "s'en vanter", comme tu dis. D'ailleurs, oui, le personnage principal est antipathique à plusieurs égards, je suis sûr que c'est fait pour, et c'est aussi pour ça que je ne pense pas que le film aille dans le sens de l'indifférence et de l'individualisme, tant bien même le personnage ne va pas se rebeller à 100% contre cela. Comme toujours chez Gray, le personnage est imparfait jusqu'au bout et son parcours l'amène juste à rentrer dans le rang, par lâcheté ou désespoir. Et ça me va. Je pense que c'est si jamais il renversait la table que je trouverais Gray culotté et mal intentionné, pas à sa place.
Aussi (et pardon du message décousu) : je comprends un peu mieux la critique de ne pas montrer le point de vue du garçon noir. Mais pour moi, l'intérêt du film tient aussi au point de vue exclusif du personnage principal. D'ailleurs, la seule chose que je n'aime pas dans le film, c'est quand on sort légèrement de ce parti pris. Du plan d'Anne Hathaway pleurant dans la voiture, nous donnant de l'avance sur l'état de santé du grand-père, à la fameuse séquence du copain qui dit au revoir à sa grand-mère (qui sonne fausse, qui plus est. Peut être Gray le fait exprès, c'est une façon de montrer que cette scène est une vision qu'il a lui de l'intimité de ce camarade qu'il ne connaissait pas si bien que cela ? Je reconnais lui chercher des excuses faciles, sur ce coup :D )

(Enfin : pas d'accord sur l'esthétique du film. Le jour où j'ai appris que Darius Khondji faisait la photo jaunâtre de The Immigrant, j'ai pensé que Gray était foutu s'il continuait avec lui. Etrangement, depuis, Darius Khondji a aussi fait les photos de The Lost City of Z et celui là, et je trouve que ça marche.)
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asketoner
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:20
Je ne comprends pas pourquoi tu remets en question l'honnêteté du film (dans le sens où tu l'entends), alors qu'il est évident que la fin dit très exactement : "il va s'en sortir, contrairement à son pote moins privilégié, c'est injuste mais c'est un fait". Donc oui, ok, on sait d'avance qu'il va réussir à devenir un artiste et à en vivre, et le film ajoute simplement : "il y est arrivé parce qu'il a eu accès à des privilèges". Je ne dis pas que je trouve Gray courageux de dire ça dans son film, faut pas déconner, mais honnête, oui, clairement, c'est le bon mot.
Et je ne suis pas sûr non plus que le film existe pour "s'en vanter", comme tu dis. D'ailleurs, oui, le personnage principal est antipathique à plusieurs égards, je suis sûr que c'est fait pour, et c'est aussi pour ça que je ne pense pas que le film aille dans le sens de l'indifférence et de l'individualisme, tant bien même le personnage ne va pas se rebeller à 100% contre cela. Comme toujours chez Gray, le personnage rentre dans le rang, par lâcheté ou désespoir, et ça me va. Je pense que c'est si jamais il renversait la table que je trouverais Gray culotté et mal intentionné, pas à sa place.
Aussi (et pardon du message décousu) : je comprends un peu mieux la critique de ne pas montrer le point de vue du garçon noir. Mais pour moi, l'intérêt du film tient aussi au point de vue exclusif du personnage principal. D'ailleurs, la seule chose que je n'aime pas dans le film, c'est quand on sort légèrement de ce parti pris. Du plan d'Anne Hathaway pleurant dans la voiture, nous donnant de l'avance sur l'état de santé du grand-père, à la fameuse séquence du copain qui dit au revoir à sa grand-mère (qui sonne fausse, qui plus est. Peut être Gray le fait exprès, c'est une façon de montrer que cette scène est une vision qu'il a lui de l'intimité de ce camarade qu'il ne connaissait pas si bien que cela ? Je reconnais lui chercher des excuses faciles, sur ce coup :D )

(Enfin : pas d'accord sur l'esthétique du film. Le jour où j'ai appris que Darius Khondji faisait la photo jaunâtre de The Immigrant, j'ai pensé que Gray était foutu s'il continuait avec lui. Etrangement, depuis, Darius Khondji a aussi fait les photos de The Lost City of Z et celui là, et je trouve que ça marche.)

En fait je remets en question l'honnêteté comme valeur maximale d'un film. Peut-être qu'il faudrait un peu plus que de l'honnêteté à présent. Du courage ? Abandonner la petite fiction convenable, réaliser un documentaire, partir à la recherche de l'ami dont il est question, mener une enquête pour savoir ce qu'il est devenu (comme Hervé Le Roux dans Reprise avec la syndicaliste...). Ou écrire une fiction sur cette enquête... Sinon à quoi bon ?
Et le fait que les scènes "décentrées" soient fausses raconte bien qu'il y a un problème de narcissisme dans cette évocation : comme si se souvenir c'était se juger. Ca, c'est peut-être l'impasse de l'honnêteté. Honnêteté sur soi-même, peut-être, mais nullité du regard posé sur autrui, et incapacité définitive à sortir de soi. On a beau dire qu'on a été nul, si on ne fait rien de plus, et qu'on le fait dans une fiction à plusieurs millions de dollars, on continue tout simplement à asseoir son pouvoir.

Pour le reste, c'est vrai que je trouve l'image vraiment à gerber en soi (et les ralentis, et la musique, et la lumière, et le montage, et la direction d'acteurs : toute la dimension technique du film me dégoûte), mais en plus je trouve ça incohérent avec Kandinsky qui n'est pourtant pas là par hasard. James Gray est le parfait capitaliste, il veut tout : les millions et l'avant-garde. Or ça c'est malhonnête, son cinéma n'est pas d'avant-garde du tout, qu'il lâche Kandinsky.
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Tamponn Destartinn
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En fait je remets en question l'honnêteté comme valeur maximale d'un film. Peut-être qu'il faudrait un peu plus que de l'honnêteté à présent. Du courage ? Abandonner la petite fiction convenable, réaliser un documentaire, partir à la recherche de l'ami dont il est question, mener une enquête pour savoir ce qu'il est devenu (comme Hervé Le Roux dans Reprise avec la syndicaliste...). Ou écrire une fiction sur cette enquête... Sinon à quoi bon ?
Et le fait que les scènes "décentrées" soient fausses raconte bien qu'il y a un problème de narcissisme dans cette évocation : comme si se souvenir c'était se juger. Ca, c'est peut-être l'impasse de l'honnêteté. Honnêteté sur soi-même, peut-être, mais nullité du regard posé sur autrui, et incapacité définitive à sortir de soi. On a beau dire qu'on a été nul, si on ne fait rien de plus, et qu'on le fait dans une fiction à plusieurs millions de dollars, on continue tout simplement à asseoir son pouvoir.
Ok. Si ce que tu voulais dire c'était que l'honnêteté ne te suffit pas et que tu voulais du courage à la place, je comprends mieux ton propos.
Je ne le partage pas, mais je le comprends.
"A quoi bon" faire une fiction sur un jeune blanc juif dans les années 80 qui se rend compte de l'injustice du monde, et se prend en pleine poire son statut de privilégié face au destin d'un copain noir ? A mon sens, parce que c'est aussi un point de vue qui vaut le coup d'être raconté, et si je serais bien curieux de voir le documentaire que tu proposes, je ne vois pas en quoi il serait plus noble. (enfin si, je vois, mais si on réclamait cette noblesse à tous les artistes, bon...)
Pour le reste, c'est vrai que je trouve l'image vraiment à gerber en soi (et les ralentis, et la musique, et la lumière, et le montage, et la direction d'acteurs : toute la dimension technique du film me dégoûte), mais en plus je trouve ça incohérent avec Kandinsky qui n'est pourtant pas là par hasard. James Gray est le parfait capitaliste, il veut tout : les millions et l'avant-garde. Or ça c'est malhonnête, son cinéma n'est pas d'avant-garde du tout, qu'il lâche Kandinsky.
C'est drôle, parce que je pense que Gray a surtout voulu les millions et l'avant garde avec Ad Astra, son précédent film. Et qu'aujourd'hui, il reconnait s'y être bien cassé les dents, haïssant le montage qui en a été fait sans son consentement. A mon sens, il est retourné à du Cinéma plus "petit" au sens commercial du terme, pour justement faire un film plus cohérent avec son regard d'artiste (après, on peut ne pas aimer ce regard, voire en être dégoûté comme tu l'es)
Kandinsky est cité comme un premier choc esthétique d'un enfant découvrant une forme d'art différente que les comics. Mais en montrant cela, le film ne cherche pas à dire que l'enfant veut rejeter l'art populaire pour devenir Kandinsky et que son film d'adulte se proclame ainsi héritier de Kandinsky. Donc je trouve ton procès d'intention un peu injuste. D'ailleurs, quand il regarde le Kandinsky, l'enfant fantasme une scène de célébration, où son tableau est exposé au même musée et c'est un tableau... de superhéros ! Donc oui, James Gray n'est pas d'avant-garde, mais il ne réalise pas non plus de films Marvel. Comme dit avec Ad Astra, il a tenté un blockbuster "différent", il s'est pris les pieds dans le tapis, et peut-être aussi qu'il parle de cela dans ce passage d'Armageddon Time. Mais j'y vois zéro malhonnêteté.
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Tyra
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asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:45


Pour le reste, c'est vrai que je trouve l'image vraiment à gerber en soi (et les ralentis, et la musique, et la lumière, et le montage, et la direction d'acteurs : toute la dimension technique du film me dégoûte), mais en plus je trouve ça incohérent avec Kandinsky qui n'est pourtant pas là par hasard. James Gray est le parfait capitaliste, il veut tout : les millions et l'avant-garde. Or ça c'est malhonnête, son cinéma n'est pas d'avant-garde du tout, qu'il lâche Kandinsky.
Il me semble que jusque là tu apprécies plutôt James Gray non ? Tu n'as jamais été gêné par son "classicisme" jusque là ? Si non, pourquoi sur celui-ci cela pose problème (je n'ai pas encore vu le film je précise) ?

J'ai l'impression que depuis Immigrant son cinéma est devenu un peu raide, compassé.
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sokol
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asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 10:41

Armageddon time, James Gray

On voit que James Gray essaie de bien faire mais qu'est-ce que c'est gênant ! Je ne peux pas aller jusqu'à dire que le film fait l'éloge de l'indifférence et de l'individualisme, mais il est pétri de cette culture, de cette idéologie, et s'il essaie de répondre un peu à cela, sa voix est si faiblarde, si dénuée de conviction que ça fait de la peine. C'est sans doute un film honnête, mais franchement il n'y a pas de quoi se vanter. Et encore, l'honnêteté reste à discuter. Si le petit garçon quitte la fête au moment où on l'encourage à devenir pdg (acte de rébellion qui me fait penser aux milliardaires qui jettent leur sac à main dans un film de Mallick en criant "on est libres !"), on sait, nous, puisque le film est un peu autobiographique, que le petit garçon va devenir cinéaste, ce qui n'est pas non plus exactement comme clochard ou ouvrier. Et en rendant le personnage principal antipathique à ce point, James Gray lui donne encore toute la place, et le garçon noir du récit reste à tout jamais inconnu. (Tout juste bon à alimenter un petit récit de repentir.)
Par ailleurs le film a l'air d'ignorer totalement ce qu'il est. Il prend pour motif central un tableau de Kandinsky exposé au Guggenheim. Je ne sais pas si on peut faire plus éloigné de Kandinsky que le film de James Gray. Un pionnier de l'art abstrait, qui a pris le risque d'être totalement incompris et rejeté, contre un cinéaste qui fait du cinéma comme tout le monde, avec la musique où il faut et les ralentis qui vont bien, pour être sûr que tout le monde comprendra... Et j'ajoute : un génie de la couleur contre un film mal éclairé et moche à pleurer... Parce que c'est ça le drame du film : si c'est un peu indécidable moralement (James Gray est trop bon élève pour se laisser avoir), c'est esthétiquement dégueulasse à tout point de vue !
:jap: :jap: :jap:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:20
Le jour où j'ai appris que Darius Khondji faisait la photo jaunâtre de The Immigrant, j'ai pensé que Gray était foutu s'il continuait avec lui. Étrangement, depuis, Darius Khondji a aussi fait les photos de The Lost City of Z et celui là, et je trouve que ça marche
Or moi, tout le contraire : c'est pour cela qu'il a perdu la photo de Little Odessa et de The Yard !! Ceci explique cela... (je vois mieux aussi mais dans le sens inverse). Et je ne sais même pas qui c'est Darius Khondji ! :D
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:45
Sinon à quoi bon ?
Pour vivre en faisant des films qui se vendent avant tout en Europe et passent dans des festivals.
asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:45
On a beau dire qu'on a été nul, si on ne fait rien de plus, et qu'on le fait dans une fiction à plusieurs millions de dollars, on continue tout simplement à asseoir son pouvoir.
:jap: :jap: :jap: :jap:
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit :
lun. 14 nov. 2022 14:26
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:20
Le jour où j'ai appris que Darius Khondji faisait la photo jaunâtre de The Immigrant, j'ai pensé que Gray était foutu s'il continuait avec lui. Étrangement, depuis, Darius Khondji a aussi fait les photos de The Lost City of Z et celui là, et je trouve que ça marche
Or moi, tout le contraire : c'est pour cela qu'il a perdu la photo de Little Odessa et de The Yard !! Ceci explique cela... (je vois mieux aussi mais dans le sens inverse). Et je ne sais même pas qui c'est Darius Khondji ! :D
Du coup, je suis allé vérifier pour chacun de ses 8 films, histoire de ne pas dire n'importe quoi.
James Gray a changé de chef opérateur à chaque fois pour ses 3 premiers films.
Par contre, le chef op de La Nuit nous appartient est le même pour son 4e, Two Lovers.
Sur les 4 films d'après, il a fait appel 3 fois à Darius Khondji (http://fr.wikipedia.org/wiki/Darius_Khondji), le chef op d'Ad Astra étant donc une 5eme personne.
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Tyra a écrit :
lun. 14 nov. 2022 13:49
asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 12:45


Pour le reste, c'est vrai que je trouve l'image vraiment à gerber en soi (et les ralentis, et la musique, et la lumière, et le montage, et la direction d'acteurs : toute la dimension technique du film me dégoûte), mais en plus je trouve ça incohérent avec Kandinsky qui n'est pourtant pas là par hasard. James Gray est le parfait capitaliste, il veut tout : les millions et l'avant-garde. Or ça c'est malhonnête, son cinéma n'est pas d'avant-garde du tout, qu'il lâche Kandinsky.
Il me semble que jusque là tu apprécies plutôt James Gray non ? Tu n'as jamais été gêné par son "classicisme" jusque là ? Si non, pourquoi sur celui-ci cela pose problème (je n'ai pas encore vu le film je précise) ?

J'ai l'impression que depuis Immigrant son cinéma est devenu un peu raide, compassé.
Le "classicisme" du cinéma américain, je l'accepte si le film porte en lui quelque chose de beau (c'est-à-dire pas seulement quelque chose de normal mais quelque chose de beau en plus de cette normalité). Pacôme Thiellement dit que Mulholland Drive signe la fin d'Hollywood, je suis assez d'accord avec lui. Les grands films américains qui viennent après Mulholland Drive sont rares : Elephant, Mysterious skin, La Famille Tenenbaum, Little Odessa. Pas des films révolutionnaires, loin de là. Mais des films avec une intensité quand même. Là, c'est tout éteint (même les lumières, elles sont éteintes !).
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Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 14 nov. 2022 13:21
Kandinsky est cité comme un premier choc esthétique d'un enfant découvrant une forme d'art différente que les comics. Mais en montrant cela, le film ne cherche pas à dire que l'enfant veut rejeter l'art populaire pour devenir Kandinsky et que son film d'adulte se proclame ainsi héritier de Kandinsky. Donc je trouve ton procès d'intention un peu injuste. D'ailleurs, quand il regarde le Kandinsky, l'enfant fantasme une scène de célébration, où son tableau est exposé au même musée et c'est un tableau... de superhéros ! Donc oui, James Gray n'est pas d'avant-garde, mais il ne réalise pas non plus de films Marvel. Comme dit avec Ad Astra, il a tenté un blockbuster "différent", il s'est pris les pieds dans le tapis, et peut-être aussi qu'il parle de cela dans ce passage d'Armageddon Time. Mais j'y vois zéro malhonnêteté.
Je veux bien reconnaître tous mes procès d'intention (j'en fais un par semaine environ), mais quand même, là, Kandinsky, c'est non. C'est simple : il n'a pas le droit. Je ne peux même pas le dire autrement. Filmer Kandinsky, ça ne peut pas être juste une petite évocation sympatoche : ça engage. Sinon, ça veut dire que l'art c'est rien du tout, juste un truc pour rêver de gloire différemment des patrons.
En fait, je trouve même que James Gray "se paye" Kandinsky. (Winocour aussi le fait avec Les Nymphéas de Monet dans Revoir Paris, mais au moins c'est à peu près digne.)
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
lun. 14 nov. 2022 15:07
Tamponn Destartinn a écrit :
lun. 14 nov. 2022 13:21
Kandinsky est cité comme un premier choc esthétique d'un enfant découvrant une forme d'art différente que les comics. Mais en montrant cela, le film ne cherche pas à dire que l'enfant veut rejeter l'art populaire pour devenir Kandinsky et que son film d'adulte se proclame ainsi héritier de Kandinsky. Donc je trouve ton procès d'intention un peu injuste. D'ailleurs, quand il regarde le Kandinsky, l'enfant fantasme une scène de célébration, où son tableau est exposé au même musée et c'est un tableau... de superhéros ! Donc oui, James Gray n'est pas d'avant-garde, mais il ne réalise pas non plus de films Marvel. Comme dit avec Ad Astra, il a tenté un blockbuster "différent", il s'est pris les pieds dans le tapis, et peut-être aussi qu'il parle de cela dans ce passage d'Armageddon Time. Mais j'y vois zéro malhonnêteté.
Je veux bien reconnaître tous mes procès d'intention (j'en fais un par semaine environ), mais quand même, là, Kandinsky, c'est non. C'est simple : il n'a pas le droit. Je ne peux même pas le dire autrement. Filmer Kandinsky, ça ne peut pas être juste une petite évocation sympatoche : ça engage. Sinon, ça veut dire que l'art c'est rien du tout, juste un truc pour rêver de gloire différemment des patrons.
En fait, je trouve même que James Gray "se paye" Kandinsky. (Winocour aussi le fait avec Les Nymphéas de Monet dans Revoir Paris, mais au moins c'est à peu près digne.)
La moralité qu'incombe la citation d'artistes antérieurs dans un film est un sujet intéressant, mine de rien.
Moi je sais que ça m'énerve quand je n'aime pas le film par ailleurs. Par exemple, cette année j'ai été ulcéré par la citation de Rhomer dans Les Passagers de la Nuit, et je sais que c'est aussi parce que je trouve le film prétentieux et pas à la hauteur de ce qu'il prétend, en dehors même de la citation.

Sur le Gray, je n'ai pas grand à ajouter à ce que tu dis. Mais le fait est que j'ai pris du plaisir à avoir ce court échange sur le film. Ca faisait longtemps que j'avais pas participé à cela sur le Centre. Ca me prouve à moi même que j'aime vraiment le film et que je ne l'ai pas mis n°1 de mon top pour rien. :jap:
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Ça m’a fait ça sur le Mungiu : ça faisait tellement longtemps qu’on n’avait pas eu l’occasion d’interpréter le sens d’un film !
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EO, Jerzy Skolimowski

Quel beau film ! Skolimowski a fait un rêve, il s'est mis à rêver avec un âne, avec le cinéma, avec les paysages et la vie des humains. Et voilà ce que ça a donné.
Oui bien sûr, il filme son âne comme un humain, avec tous les travers de l'humain qui ne comprend rien d'autre que lui-même (et encore : dans le meilleur des cas), il se projette en l'animal avec les seules petites choses qu'il connaît, mais il aurait tort d'essayer de faire autrement : il n'est pas un âne. Pourquoi faudrait-il appliquer l'actor's studio à la mise en scène ? Rien de plus aberrant que les films qui miment ce que voient les mouches en appuyant sur la fonction kaléidoscope de leur caméra (c'est bon pour Gaspar Noé ou Park Chan-Wook ce genre de trucs). Néanmoins, Skolimowksi essaie - pas de voir comme, mais de voir avec. Alors on est dans les herbes, dans les airs, dans les couleurs. On va vers tout ce que l'âne nous autorise à regarder. Et tout cela forme ce que nous, humains, nommons des visions.
Le film circule ainsi, de l'humain à l'âne et de l'âne à l'humain, dans une sorte de dialogue impossible, qui souvent se heurte à cet impossible et le résout un peu platement, pour passer à autre chose, avec une romance, un affect, une péripétie - que faire d'autre ? EO est un film à seulement deux dimensions (contradictoires) : le grandiose et le dérisoire. C'est beau de voir s'entrechoquer la vitalité du cinéma et l'oeil impénétrable de l'animal. J'ai pensé, pendant la séance, que tout ce que nous faisons, nous, humains, nous le faisons pour nous seuls. Que toute l'histoire de l'humanité était concentrique, et que là résidait sa force structurelle, mais aussi sa tristesse. En suivant l'âne dans le film de Skolimowski (il faut savoir que 7 ânes ont été enrôlés pour former celui que nous voyons à l'écran - et nous sommes incapables de les distinguer, alors qu'on reconnaît Isabelle Huppert instantanément !), je ressentais surtout comme nous sommes isolés, repliés sur nous-mêmes dans un monde si grand et si varié.
Bien sûr il faudrait couper la scène avec Huppert qui n'a rien à voir avec le reste, mais j'ai aimé tourner autour du cirque et des pales de l'éolienne, passer la nuit près de la rivière, intercepter le passage d'autres animaux, sentir le ciel, la terre, le foin, la main qui passe sur la crinière, distinguer la protection et la violence, la confiance et le danger, plonger dans une couleur, essayer tour à tour la vitesse et l'immobilité, l'exil et la sédentarité, mais surtout être présent. EO est un film qui fait simplement état d'une présence, et de ce qu'est la vie d'un être. C'est là, et seulement là qu'animal et humain peuvent se rejoindre : l'un comme l'autre sont lancés dans un monde auxquels ils ne comprennent rien, et pourtant ils perçoivent sans cesse, et doivent faire leur vie avec ça, cet excès de perceptions. Le cinéma est une tentative comme une autre de manifester cet être au monde, au même titre qu'un hennissement.
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B-Lyndon
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asketoner a écrit :
mer. 16 nov. 2022 10:10
Pourquoi faudrait-il appliquer l'actor's studio à la mise en scène ? Rien de plus aberrant que les films qui miment ce que voient les mouches en appuyant sur la fonction kaléidoscope de leur caméra (c'est bon pour Gaspar Noé ou Park Chan-Wook ce genre de trucs).

Justement, je trouve que la limite du film est parfois de tenter ce genre de trucs !
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 16 nov. 2022 10:10
Oui bien sûr, il filme son âne comme un humain
asketoner a écrit :
mer. 16 nov. 2022 10:10
Le film circule ainsi, de l'humain à l'âne et de l'âne à l'humain
Dans ce cas, vaut mieux dire : le film circule ainsi, de l'humain à l'humain et de l'humain à l'humain

:D
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Mr-Orange
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sokol a écrit :
mer. 16 nov. 2022 11:56
asketoner a écrit :
mer. 16 nov. 2022 10:10
Oui bien sûr, il filme son âne comme un humain
asketoner a écrit :
mer. 16 nov. 2022 10:10
Le film circule ainsi, de l'humain à l'âne et de l'âne à l'humain
Dans ce cas, vaut mieux dire : le film circule ainsi, de l'humain à l'humain et de l'humain à l'humain

:D
De l'éolienne à l'humain, aussi. :D
Moi, faire des loopings entre les pâles ça ne m'a pas plu. Ça m'a rendu aussi perplexe qu'Asketoner face au plan du yaourt dans Revoir Paris (que je n'ai pas vu).
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sokol
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Mr-Orange a écrit :
mer. 16 nov. 2022 13:47
Moi, faire des loopings entre les pâles ça ne m'a pas plu. Ça m'a rendu aussi perplexe qu'Asketoner face au plan du yaourt dans Revoir Paris (que je n'ai pas vu).
:lol: :lol:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Vous êtes durs avec ce film ! :sweat: Vous vous attendiez à quoi ? Microcosmos version grandes oreilles ? :D
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asketoner a écrit :
mer. 16 nov. 2022 14:31
Vous êtes durs avec ce film ! :sweat: Vous vous attendiez à quoi ? Microcosmos version grandes oreilles ? :D
Rien du tout en fait :D On est allé le voir car "c'est Skolimowski" (même si perso, n'ayant pas aimé du tout "Essential killing", je peux même dire : autant pour ma gueule !!)
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cyborg
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Oh putain, je découvre par le plus grand des hasards que sort la suite de "BARBECUE" et que ça se nomme "PLANCHA"

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:lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol:

J'hésite entre rire et pleurer, ils sont fous !
Huit ans ont passé pour les personnages de BARBECUE : cette année ils se réjouissaient de fêter les 50 ans d’Yves. Ce devait être en Grèce ce sera finalement dans le manoir familial d’Yves en Bretagne : vieilles pierres, lande fascinante, plages de sable fin et fest-noz endiablés, tout y est mais sous la pluie. Cette météo tempétueuse va mettre les nerfs du groupe d’amis à rude épreuve. Et surtout, l’anniversaire d’Yves va être l’occasion de révélations inattendues...
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sokol
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top5 des films sur/avec des animaux :

1. Adieu au langage (Godard)
2. Grizzly man (Herzog)
3. L’odyssée de Pi (Ang Lee)
4. Le teckel (Todd Solondz)
5. Cheval de guerre (Spielberg)
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Narval
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sokol a écrit :
jeu. 17 nov. 2022 16:25
top5 des films sur/avec des animaux :

5. Cheval de guerre (Spielberg)
Perso, Cheval de guerre pour moi c'est surtout un plan particulièrement répugnant qui me hante encore aujourd'hui : je me souviens très bien de ce plan large où une hélice de moulin en 3D passe pile poil dans le champ pour cacher le moment où un type se fait exécuter - scène vers le début si je me souviens bien. Quand on en arrive à ce genre de trucages c'est assez grave.
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asketoner
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La Conspiration du Caire, Tarik Saleh

J'ai trouvé ça particulièrement inepte. Le film n'a pas d'autre projet que de nous informer de son scénario.
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cyborg
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De vagues sorcières évoluent dans une vague campagne dans une vague époque ancienne et vivent de vagues conflits portés de vagues envies et plombés de vagues remords. Belle restauration de ce "premier film de Bjork" (elle n'était alors aucunement "Bjork"), malheureusement trop éthéré pour intéresser véritablement le spectateur.


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Si Serra fut longtemps considéré comme cinéaste "sensoriel", cette description m'a toujours paru approximative : Serra est un cinéaste de l'esprit, de l'esprit dévorant et monstrueux, moteur absolu de corps errants le long d'une improbable quête, du Quichotte de "Honor de Cavaleria", aux Rois Mages du "Chant des Oiseaux" jusqu'au chemin de Casanova à Dracula dans "Histoire de ma mort". "La mort de Louis XIV" marquait pour moi une double rupture dans son cinéma : d'une part il passait de figures mythologiques à une figure historique, et d'autre part d'errant il devenait fixe en filmant la longue agonie de celui qui avait modelé le Royaume de France (ou, disons, Versailles...) selon ses désirs les plus fous. Le résultat ne m'avait guère convaincu mais je saluais l’intéressant renversement que nous proposais le réalisateur. Je n'ai pas osé voir Liberté mais il semblait -si j'ai bien compris- être lui aussi une oeuvre plutôt "fixe", se cantonnant aux batifolements de libertins dans un bois, à l'époque de Louis XVI.

Pacifiction marque une nouvelle rupture dans la pratique de Serra, et non des moindres : film non "d'époque" mais contemporain, sans costume ni reconstitution. Le point de départ génial est d'avoir retrouvé l'aliénante fixité de ses derniers films en situant Pacifiction dans une île du bout du monde, bien réelle mais quasi-hors champs de nos réalités occidentales où peuvent s'épancher nos fantasmes d'un exotisme faisandé. Il y met en scène un vulgaire élu local en proie aux rumeurs d'une reprise des essais atomiques dans le pacifique. Et le film d'être une longue descente aux enfers d'un esprit pris au pièges de ses fonctions, de son apparat, de son entourage. Voir dans Pacifiction un film politique au premier degré me semble absurde (un tropisme français car le film met en scène un représentant de l'état français ?), Pacifiction est un (trés) grand film sur la folie, de la même façon qu'Apocalypse Now (par exemple) était lui aussi un film sur la folie. Ne fut-ce pas toujours, en fait, le grand sujet d'Albert Serra ?

Le sujet est traité dans un style qu'on ne connaissait pas à Serra, le thriller paranoïaque, tout en gardant toutes les spécificités de son approche faite de longs flottements, d'incessants décrochages et d'hésitations permanentes entre improvisations et maitrises. Le spectateur est ainsi conduit à s'interroger sans cesse sur ce qu'il est en train de regarder, finissant même par se demander si ce représentant du peuple régnant sur son petit royaume ne serait pas en fait qu'un directeur véreux d'une boite de nuit... ceci n'étant que l'un des éléments troublant d'un film dont les figures semblent constituer un jeu de carte sans cesse rebattu.

La cinématographie audacieuse de Serra ne se refuse aucune extravagance pour mettre en scène ce long naufrage, cette lente décomposition, dont les ambiances délétère viennent souiller tout un chacun, la folie finissant par en suinter de toute part. Les 2h45 sont hypnotisantes pour qui accepte d'y flotter, ponctués de quelques passages incroyables, au premier rang duquel cette longue scène de surf où explose l'évanescence du film. Ce passage vient inscrire l'eau comme point central du film (c'est dans ses profondeurs que se terrent les supposés sous-marin, on l'explore en jet-ski de nuit, on y part en frêles embarcations mystérieuse et bien sur on serait en peine de compter le nombre de scènes de pluie) et de son état d'esprit, à la fluidité de plus en plus insaisissable, au noir abyssal de plus en plus profond. C'est dans cette insondable obscurité que se concluera le film, fonçant à vive allure vers une folie bien plus dangereuse que celle d'un petit homme d'état : celle d'un général que plus rien en semble pouvoir arrêter.

Si j'ai été conquis par le film, j'étais sutout on ne peut plus heureux d'assister à une séance pleine à raz-bord (un dimanche après-midi à Marseille) et de voir bien peu de gens quitter la salle, face à un film pourtant hermétique et aussi étrange dans son fond que dans sa forme frisant régulièrement l'expérimental. Une sorte d'effet Magimel j'imagine...mais si une telle star peut permettre au plus grand nombre de se frotter à des créations audacieuses, je lui ouvre grand les bras. Cette incursion vers un plus grand public marquera-t-elle Serra ? Rien n'est moins sur, mais je suis impatient de découvrir ses prochains projets.


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Puika - Aivars Freimanis - 1977 (Lettonie)

La vie quotidienne d'un jeune enfant au sein d'une famille de paysan, au grès du passage des jours et des saisons. Sur un thème rebattu, Puika est une magnifique découverte d'un cinéaste totalement méconnu par chez nous : Aivars Freimanis. La référence la plus évidente est Le Miroir de Tarkovski, que Freimanis ne peut ignorer, mais j'y vois davantage encore un incroyable mélange entre le Olmi de l'Arbre aux Sabots et les "élégies" de Sokourov, deux films bien postérieurs à celui-ci.
Tout est ici montré à hauteur d'enfant, dans un échange permanent avec la nature bien plus qu'avec les autres humains du film. Il y a d'ailleurs très peu de dialogues dans le film comme remplacés par une surprenante utilisation de la musique, très présente mais jamais étouffante. J'espère réussir à voir d'autres films de cet auteur.

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Les contrebandières - Luc Moullet - 1967

Histoire saugrenue de deux jeunes femmes se transformant en contrebandières révolutionnaires. Le dénuement et la simplicité Moulletienne sont toujours attendrissantes, mais le tout traine ici beaucoup trop en longueur, diluant tristement la critique de son époque jusqu'à se perdre dans ce qui aurait sans doute du n'être qu'un moyen -voir un court- métrage.
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sokol
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Narval a écrit :
jeu. 17 nov. 2022 17:34

Perso, Cheval de guerre pour moi c'est surtout un plan particulièrement répugnant qui me hante encore aujourd'hui : je me souviens très bien de ce plan large où une hélice de moulin en 3D passe pile poil dans le champ pour cacher le moment où un type se fait exécuter - scène vers le début si je me souviens bien. Quand on en arrive à ce genre de trucages c'est assez grave.
Pas grave du tout, quand tu sais que ca vient du réalisateur de la Liste de Shindler
😉😆
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groil_groil
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Je l'avais découvert tardivement mais j'ai revu avec plaisir, un soir de fatigue, c'est un bon thriller pour teenagers des 90's, on sent l'époque dans chaque plan, mais bizarrement le film passe bien l'épreuve du temps et est très agréable à suivre. Je reverrai même sa suite qui, dans mon souvenir, est très légèrement en deçà mais tout à fait visible.

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Réac, macho, raciste, rétrograde, gags qui tombent à plat, mais bizarrement le film est un peu mieux que les deux précédents au niveau de son rythme et de sa construction.

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J'avais le souvenir d'un truc interminable et pontifiant, ultra-académique, mais j'ai voulu le revoir (3h11 quand même !) car j'ai découvert récemment des films d'Attenborough qui m'avaient beaucoup plu. Bon, le film est très intéressant historiquement, politiquement, les images sont belles et Kingsley est impressionnant, mais le film a malgré tout beaucoup de mal à sortir de ce côté pensum, n'est pas assez inspiré cinématographiquement, comme le cinéaste a pourtant su le faire sur son film sur l'Apartheid (le génial Cry Freedom).

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Diane Kurys tourne en anglais avec un casting 4 étoiles et la Cinecitta, l'histoire d'un cinéaste marié qui tombe amoureux de sa jeune actrice. C'est pas mal, un peu trop sage, mais maitrisé et inspiré.

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Je m'attendais au pire, et en fait c'est plutôt pas mal, c'est même étonnant que Scorsese parvienne si tard à faire un film aussi épuré. Plein de défauts mais des choses superbes, au niveau de l'image et de l'ambiance très européenne, qui m'a fait penser aussi bien au récent Onoda, qu'à des trucs d'Herzog.

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1. Où l'on se rend compte que Godard manque déjà terriblement.
2. Je me fais l'avocat du diable car j'adore ce film, l'un de mes préférés, mais je trouve qu'il a pris un petit coup de vieux à deux niveaux, dans le discours déjà, ses aphorismes sont souvent pas loin du cliché, et aussi dans l'image, je veux dire l'image de Godard est une image de Godard donc pas de souci à ce que ça pixelle dégueu, mais quand il reprend des films hollywoodiens et que les images sont issues de vieilles vhs pourraves alors qu'on est à l'air du 4K, disons que la nostalgie Godarienne ne fait pas tout.

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Le moins bon des 3 David Gordon Green. J'aime bien l'idée du perso du jeune homme peu à peu contaminé par le mal et qui va prendre le relais de Mike Myers (même si c'est déjà vu dans tous les films de super-héros et que ça devient presque cliché) mais le film perd son temps à vouloir faire film de son temps, alors que le précédent par exemple jouait très bien avec la nostalgie 70's. Ce n'est plus le cas ici, et c'est plus lisse, poli, que d'habitude. Et puis, j'en ai marre de voir Myers se prendre des dizaines de balles en plein coeur et de toujours se relever dans le même plan, sans que jamais aucune explication ne soit donnée de cette supposée immortalité. C'était ça avant, mais particulièrement gênant dans la trilogie DDG.

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Revu un soir de gros besoin de film-doudou et bonheur intégral devant cet immense chef-d'oeuvre absolu que j'ai bien vu entre 30 et 40 fois dans ma vie et que je connais par coeur à la réplique près. Une merveille de son temps, inégalable à tous niveaux. (je ne détaille pas plus, je l'ai suffisamment fait).

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Prequel de X près de 60 ans avant (je ne détaille pas plus pour ne pas spoiler). Film assez différent dans la forme mais qui au final complète parfaitement le premier (en attendant le 3ème car c'est une trilogie qui est annoncée). Je préfère très légèrement le 1er tout de même, celui-ci est trop centré sur Mia Goth et le propos est un peu plus caricatural, mais j'ai aimé le film.

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Très rapidement car pas le temps de développer pour le moment, je crois que j'ai beaucoup aimé le film mais surtout pour son enrobage, ses acteurs, sa lumière que moi j'aime beaucoup, et sa reconstitution du New York de 1980 que je trouve parfaite (et pour l'utilisation merveilleuse du Rapper's Delight de Sugarhill Gang). Sorti de ça, je me demande pourquoi Gray a choisi de raconter cette histoire de cette façon-là. Il y a mille pistes, mille chemins, et je me demande tout le temps pourquoi il choisit les moins évidents. C'est une histoire qui mêle souvenirs personnels à la première confrontation au racisme ordinaire chez un gamin privilégié, mais je sens que Gray fait tout pour qu'on n'ait pas d'empathie pour ses personnages. Surtout son héros, qui est censé être lui, et qui est la plupart du temps antipathique. Est-ce une preuve de sincérité ?J'y vois surtout un refus de jouer le jeu des codes hollywoodiens alors qu'il en épouse parfaitement la forme, c'est con il devrait aller au bout du truc et accepter qu'il est Sydney Pollack plus que Coppola.

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Une professeure est mise à mal par la société après qu'une sex-tape la mettant en scène avec son mari a fuité sur les réseaux sociaux. Construit en trois étapes, à mi-chemin entre la farce, la dénonciation des travers d'une société malade et une approche godardienne de l'aphorisme, le film de Radu Jude est fort, percutant même s'il laisse une impression d'inachèvement.

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Revu pour montrer à mon fils qui a beaucoup aimé. C'est une merveille absolue, un chef-d'oeuvre, et peut-être la plus belle fable moderne que j'ai pu voir concernant la question de la foi et de la croyance. Merveilleux.

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Suite du chef-d'oeuvre de Carpenter, qu'il a écrit, produit, signé la musique, mais pas réalisé. Je n'en avais pas un super souvenir mais en fait c'est une belle suite, d'un bon niveau. C'est drôle car en faisant son 1er remake, Green disait qu'il se plaçait derrière le Carpenter en effaçant tous les autres films qui avaient pu être faits depuis, alors que son second Halloween à lui, Halloween Kills est en fait un remake super fidèle de celui-ci. Belle déclaration de baltringue pour le coup.

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J'avais vraiment envie d'aimer au vu des retours super positifs (et malgré ce que je pense du cinéaste) mais quelle déception ! Le gars veut te faire un Zodiac à la française, mais ne dépasse pas le stade d'un téléfilm France 3. C'est mal écrit et surtout super mal dialogué, tout sonne faux, surtout quand on voit des merveilles comme Engrenages sur des thèmes parallèles, ce film a mille ans de retard. J'aime beaucoup Bouillon (depuis toujours, depuis ses films avec Sébastien Betbeder) et il est super ici, j'aime aussi l'image, les décors et l'ambiance générale, mais le film non. L'intrigue est super mal branlée, sans progression dramatique, et le final est grotesque. Le coup de poser une caméra trois ans après, de trouver le suspect en cherchant sur Facebook, c'est du gros lol. Je comprends qu'on raconte l'échec d'une enquête, je trouve même l'idée passionnante, mais pour qu'elle soit réussie, il faut qu'il y ait une tension dramatique en amont, une intrigue, et tout cela est absent ici. C'est une idée de film, pas un film, et au final, encore une merde, Moll.

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Ce qui est étonnant avec ce volume 3 tourné un an seulement après le 2, c'est qu'il n'a d'Halloween que le nom. Tout a changé, des personnages au lieu, il n'y a même plus Mike Myers et les producteurs ont eu l'idée d'exploiter une franchise Halloween pour raconter une tout autre histoire. Ils changeront d'avis dès le 4 avec le retour de Myers, mais ce film-là se voit comme une anomalie de la série. C'est branlant et plein de défaut, mais attachant tout de même. ça manque de motivation, d'explications, mais c'est une série B des 80's tout à fait regardable.
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B-Lyndon
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groil_groil a écrit :
dim. 20 nov. 2022 10:29
J'y vois surtout un refus de jouer le jeu des codes hollywoodiens alors qu'il en épouse parfaitement la forme, c'est con il devrait aller au bout du truc et accepter qu'il est Sydney Pollack plus que Coppola.
:jap: :jap: :jap: :jap:

Y'a une espèce de malhonnêteté et de gros hiatus entre, même pas ce qu'il veut faire, mais ce qu'il prétend faire dans ce film, et ce qu'il fait vraiment, qui m'est très antipathique - voire franchement insupportable.
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Tyra
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J'ai pas encre vu le Gray, mais à la lecture de vos retours et à la vue des images, le film me fait un peu penser à Loving, le dernier film en date de Jeff Nicholls (le mec a complètement disparu d'ailleurs, même s'il était juré à Cannes cette année). Sorte de fable d'époque édifiante sur le racisme, figé dans un classicisme léché et dévitalisé. On a envie de dire, dans les deux cas : tout ça pour ça ? 10 ou 30 ans de métier pour faire ça ? Coppola a tenté pas mal de choses après Le Parain et Apocalypse Now, même s'il a raté beaucoup de films. Si c'est le grand model de Gray, il serait temps qu'il s'en souvienne. Ou alors, qu'il revienne au film de genre, le polar, peut être qu'au fond, c'est son truc, comme Melville ou Mann, si ça peut l'aider à faire vivre son cinéma en voie de momification, pourquoi pas.
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Tyra a écrit :
lun. 21 nov. 2022 09:40
J'ai pas encre vu le Gray, mais à la lecture de vos retours et à la vue des images, le film me fait un peu penser à Loving, le dernier film en date de Jeff Nicholls (le mec a complètement disparu d'ailleurs, même s'il était juré à Cannes cette année).
Jeff Nichols n'a pas du tout disparu, il a surtout eu pas mal de guigne sur des projets de films qu'il était censé réaliser et qui ont fait chou blanc (le syndrome Terry Gilliam quoi). :D

Apparemment son prochain film est justement en cours de tournage (puisqu'au dernières nouvelles il était censé commencer en octobre 2022) : https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cin ... -Tom-Hardy

Par contre, quand on sait que le film se déroulera dans les années 1960, il y a effectivement fort à parier qu'on retrouve justement ce classicisme un peu poussiéreux qu'on avait dans Loving. Je prie pour qu'il tienne davantage de Mud.
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yhi
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Tyra a écrit :
lun. 21 nov. 2022 09:40
On a envie de dire, dans les deux cas : tout ça pour ça ? 10 ou 30 ans de métier pour faire ça ? Coppola a tenté pas mal de choses après Le Parain et Apocalypse Now, Si c'est le grand model de Gray, il serait temps qu'il s'en souvienne.
Je vous trouve durs. Ad Astra tentait des trucs quand même. On va pas enterrer un cinéaste suite à un film mineur (même pas raté, juste mineur).
Pour moi c'est comparable au Musée des merveilles de Todd Haynes (plus que Nichols). Ca veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres belles choses ensuite.
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cyborg a écrit :
ven. 18 nov. 2022 16:09


Serra est un cinéaste de l'esprit, de l'esprit dévorant et monstrueux, moteur absolu de corps errants le long d'une improbable quête, du Quichotte de "Honor de Cavaleria", aux Rois Mages du "Chant des Oiseaux" jusqu'au chemin de Casanova à Dracula dans "Histoire de ma mort". "La mort de Louis XIV" marquait pour moi une double rupture dans son cinéma : d'une part il passait de figures mythologiques à une figure historique, et d'autre part d'errant il devenait fixe en filmant la longue agonie de celui qui avait modelé le Royaume de France (ou, disons, Versailles...) selon ses désirs les plus fous. Le résultat ne m'avait guère convaincu ... .

Pacifiction marque une nouvelle rupture dans la pratique de Serra, et non des moindres : film non "d'époque" mais contemporain, sans costume ni reconstitution.
Cette partie de ton papier est très intéressante. :jap:
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Last and First men, Johan Johansson

Une sorte de docu architectural catatonique, avec des plans un peu gris qui glissent le long de sculptures brutalistes, des plans pas toujours magnifiques, qui en sont réduits à illustrer les propos niais d'une voix-off mimant un récit de science-fiction pour les gens qui trouvent ça cool mais ne s'y intéresseront jamais. Le tout est baigné dans une musique liturgique dont la seule religion est sans doute l'égo du cinéaste et compositeur.
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Pacifiction, Albert Serra

Un film tout plat - on est content de regarder des vagues, c'est dire... Personnellement j'attendais la tempête. Elle n'est pas venue. (Il y a quand même deux scènes de pluie. Dans la première, Magimel est à l'abri. Dans la deuxième, il est dehors, sur un stade, il tire la langue pour boire l'eau du ciel... mais : sa chemise ne se mouille pas. Bizarre.) La platitude est partout dans Pacifiction : les relations le sont (la prostitution est aussi vague que l'amour), le jeu des acteurs (à part Magimel qui, effectivement, essaie d'imiter Depardieu, mais sans la santé phénoménale de celui-ci, alors c'est un peu triste), l'image (qui n'est que couleurs)... Même le casting est plat : pour jouer une écrivaine mondaine totalement nulle, Albert Serra engage une écrivaine mondaine totalement nulle. C'est un détail mais ça permet bien d'entrevoir ce que le film entend déplacer : rien. (Pas de vague.) (Une connivence avec le néant.) Pourtant le cinéaste a des moyens, et par moments développe une véritable mise en scène (les scènes de boîte de nuit, au début, sont très bien faites) : mais au service de quoi ? C'est quand même chiant, un film qui refuse de se mettre au service de quelque chose de plus grand que lui (comme s'il n'y avait rien de plus grand que le cinéma...). Et cette fin (qu'on décrit comme vertigineuse ou hypnotique), je suis sûr à 100% que le cinéaste lui-même la trouve mauvaise (je parle de la dernière heure). Mais il s'est dit : oh, ça va passer... Et ça passe, oui, mais bon : qu'est-ce qu'on en a à faire ? Tout ça pour une si petite histoire, un si petit fantasme, un si minuscule vertige, une émotion si microscopique, une idée si superficielle, même pas un songe, même pas un sentiment, juste deux ou trois notions : l'insignifiance, le corps, la dérive. Oui, mais ça ne commence jamais, ça ne pense pas, ça ne donne rien. C'est un cinéma tellement prudent...
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asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 00:10
pour jouer une écrivaine mondaine totalement nulle, Albert Serra engage une écrivaine mondaine totalement nulle.
:hello:
Je ne vois pas de qui tu parles ??! :ouch:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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@asketoner : je m'attendais à ce que tu n'aimes pas :D
Je peux comprendre, mais dire que c'est du cinéma prudent me semble quand même une provocation :D Ou alors j'aimerais plus de cinéma prudent avec ces formes :D
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sokol a écrit :
mer. 23 nov. 2022 09:12
asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 00:10
pour jouer une écrivaine mondaine totalement nulle, Albert Serra engage une écrivaine mondaine totalement nulle.
:hello:
Je ne vois pas de qui tu parles ??! :ouch:
L'écrivaine dont Magimel fait l'éloge poussif à un moment du film, en disant que lui-même écrit et de ce fait sait reconnaître la grande littérature (et il a cette formule assez drôle : "on pourrait croire que c'est de la littérature superficielle... mais non !"), est réellement écrivaine. Elle s'appelle Cécile Guilbert et effectivement, on pourrait croire que c'est de la littérature superficielle (... mais oui).
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asketoner
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cyborg a écrit :
mer. 23 nov. 2022 10:23
@asketoner : je m'attendais à ce que tu n'aimes pas :D
Je peux comprendre, mais dire que c'est du cinéma prudent me semble quand même une provocation :D Ou alors j'aimerais plus de cinéma prudent avec ces formes :D
J'ai quand même l'impression que ces formes dont tu parles sont devenues une norme. Maintenant qu'Albert Serra tourne en français, je me demande comment on va faire pour distinguer ses films de ceux de Virgil Vernier par exemple. :D
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Tamponn Destartinn
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asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 00:10
je suis sûr à 100% que le cinéaste lui-même la trouve mauvaise (je parle de la dernière heure).
A l'inverse total de ça, il est connu que Serra est ultraaaaa prétentieux, et j'ai notamment entendu qu'il dit partout en festival que les derniers 3/4 d'heure de Pacifiction est au dessus de tout ce qu'il s'est fait en terme de Cinéma depuis mille ans :D :D
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asketoner
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Ben voilà, il cherche à être au-dessus mais pas ailleurs.
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Tamponn Destartinn
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Je ne suis pas sûr à 100% de l'expression employée, attention.
Pas sûr qu'il ait dit "au dessus"
mais bref, il se prend pas pour de la merde (ça ne me le rend pas du tout sympathique, mais je sépare l'homme de l'artiste :D )
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cyborg
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Ha oui ça je peux confirmer qu'il ne se prend pas pour du caca, c'est clair (pour l'avoir itwvé, l'avoir vu en conférence et avoir des amis ayant fait un workshop avec lui en école d'art - milieu qu'il fréquente également pour d'autres de ses projets) :D
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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 10:55
L'écrivaine dont Magimel fait l'éloge poussif à un moment du film, en disant que lui-même écrit et de ce fait sait reconnaître la grande littérature (et il a cette formule assez drôle : "on pourrait croire que c'est de la littérature superficielle... mais non !"), est réellement écrivaine. Elle s'appelle Cécile Guilbert et effectivement, on pourrait croire que c'est de la littérature superficielle (... mais oui).
ah ok, elle est juste évoquée. Soit je n'ai pas retenu ce passage soit c'était durant ma sieste :D
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit :
mer. 23 nov. 2022 11:56
asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 00:10
je suis sûr à 100% que le cinéaste lui-même la trouve mauvaise (je parle de la dernière heure).
A l'inverse total de ça, il est connu que Serra est ultraaaaa prétentieux, et j'ai notamment entendu qu'il dit partout en festival que les derniers 3/4 d'heure de Pacifiction est au dessus de tout ce qu'il s'est fait en terme de Cinéma depuis mille ans :D :D
Mais @asketoner ne dit pas que Serra avouera publiquement tout ça ! Loin s'en faut ! Il dit que, très probablement, il se la dit uniquement à lui-même (même si, je ne la trouve pas forcement mauvaise la dernière heure, au contraire, je trouve qu'il se rattrape un peu avec cette fin). Mais, une fois de plus, perso je le trouve un peu vain le film, et...

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asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 11:07
comment on va faire pour distinguer ses films de ceux de Virgil Vernier par exemple. :D
ahahaha, ça par contre, c'est assez bien dit :D (et j'aime beaucoup les films de Vernier)
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asketoner
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sokol a écrit :
mer. 23 nov. 2022 15:24
asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 10:55
L'écrivaine dont Magimel fait l'éloge poussif à un moment du film, en disant que lui-même écrit et de ce fait sait reconnaître la grande littérature (et il a cette formule assez drôle : "on pourrait croire que c'est de la littérature superficielle... mais non !"), est réellement écrivaine. Elle s'appelle Cécile Guilbert et effectivement, on pourrait croire que c'est de la littérature superficielle (... mais oui).
ah ok, elle est juste évoquée. Soit je n'ai pas retenu ce passage soit c'était durant ma sieste :D
Ta sieste a duré un bon moment ! :D Parce qu'elle n'est pas seulement évoquée, elle est présente, Albert Serra la filme beaucoup avant de l'abandonner (on la perd au moment de la sortie en jetski).
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sokol
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asketoner a écrit :
mer. 23 nov. 2022 15:37
on la perd au moment de la sortie en jetski).
C'est là que je me suis réveillé !!! :lol:
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Un truc aussi : je ne sais plus qui disait ici que Serra ne fait rien de Shannah. Faux : il fait de lui (ou d'elle, peu importe) une pétasse qui passe son temps a dresser (caresser) avec ses mains ses cheveux (comme font parfois certains filles un peu légères). Du début à la fin du film ! Que ça !!! Et c'est i n s u p p o r t a b l e !
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cyborg
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Non mais moi aussi je touche sans cesse mes cheveux, est-ce que ça fait de moi une fille légère ?
Avoue Sokol t'es jaloux ! On sait que t'as encore moins de cheveux que ton avatar sur ce forum :D ;)
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Tamponn Destartinn
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Cyborg, enfin.... on sait tous que tu es 100% une fille légère :D :D
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