Le film fait plein de promesses (qu'il ne tient pas toujours, pas souvent) et présente quelques belles choses, deux-trois fulgurances, mais immédiatement auto-assagies, comme s'il ne fallait pas que ces fulgurances éclatent sur la pellicule (d'ailleurs il n'y a pas de pellicule, autre grand souci) pour rentrer dans un moule préétabli : celui du cinéma d'auteur français non-binaire, non-racisé, mais fait par des femmes - en gros celui à la mode, qui rafle les prix dans les grands festivals (L'événement, Titane, etc.). Mais le film de Léa Mysius, survendu avant même sa sortie, de part son premier beau premier film (Ava, mais qui reste un premier film), et ses collaborations scénaristiques avec les masdotondes de la profession de cinéma d'auteur branché mais qui doit quand même rentrer dans le moule (Jacques Audiard, Claire Denis, André Téchiné, Arnaud Desplechin, she's THE woman, il ne manque que Céline Sciamma à son actif, mais icelle se targue encore de savoir écrire des histoires, la bonne blague), qu'on voyait déjà gagner la Palme d'Or à Cannes (la pauvre dû se contenter d'une simple sélection à la Quinzaine, quel camouflet), ce film donc, souffre d'un problème récurrent, du premier au dernier plan, que je nommerai l'inachèvement. Tout est esquissé, balancé, mais rien n'est achevé, rien n'est bouclé ni dans la mise en scène, où l'on balance des idées pêle-mêle mais sans rien aboutir, et surtout en les piquants ailleurs (après Titane, l'univers des Pompiers français semble décidemment fasciner les jeunes réalisatrices. Plus grave encore, l'intrigue complète, en tout cas le procédé narratif de l'ensemble, m'a semblé littéralement pompé sur celui de la belle série Les 7 Vies de Léa. D'ailleurs, puisque le scénariste de cette série est membre de notre communauté, j'aimerai bien Fred que tu me donnes ton avis là-dessus. J'ai un avis sans aucune confirmation : le milieu de la production parisien est tout petit, et je suis certain que l'idée de l'adaptation du roman Les 7 Vies de Léo Belami a dû tourner partout avant de devenir la série que l'on connait, et que Mysius a peut-être travaillé dessus avant de s'en désintéresser, et que des choses sont forcément de manière plus ou moins conscientes dans l'écriture de son film. J'invente peut-être totalement, mais franchement, c'est réellement problématique d'avoir la sensation de revoir la même chose... surtout à si peu d'intervalle et dans le même pays...). Et même faisant abstraction de cela, le film est bourré de trous : qu'est-ce que c'est que ce flacon et ce liquide étrange qui donne le pouvoir pompé aux 7 Vies de Léa ? d'où vient-il ? Est-ce qu'on pourrait se donner deux secondes le mal de donner du sens à ce que l'on propose ? Et, je spoile, je vous préviens, le film propose un paradoxe temporel, qui soustend l'ensemble, j'entends que sans ce paradoxe temporel il n'y a pas de film : Julia fout le feu au complexe sportif (et donc ruine la vie de tout le monde, et pose l'intrigue du film) parce qu'elle est hantée par l'apparition de la jeune Vicky, mais la jeune Vicky débarque dans le passé à cause de la fiole étrange (évoquée plus haut) qui est apportée par Julia dans le temps présent. Donc qu'est-ce qui justifie ce paradoxe temporel ? il manque la cause, le déclencheur, il n'est ici qu'un ouroubouros, serpent se mordant la queue continuellement, mais qui ne tient pas debout cinématographiquement. Et puisqu'on parle cinéma, je m'arrête sur l'un des principaux problèmes du film : son image. Tourné en numérique dégueu, le film adopte une image cramée, sursaturée, d'une grande laideur et qu'on croyait abandonnée au mi-temps de la décennie 2000. C'était pour Mysius censé être le film qui allait la plongée dans le grand bain, j'y vois malheureusement plutôt de la gonflette, un truc trop gros, trop tôt, témoignage d'une envie de vouloir absolument jouer dans la cour des grands, mais celle-ci est impitoyable...
Revu pour montrer à mon gamin afin qu'il ne passe pas pour un gland quand on lui en parle à l'école alors que ça ne l'attirait pas. Bon, ça ne lui a pas plu, tant mieux, on ne sera pas obligé de se taper les 12... Je vais lui montrer les deux autres de la trilogie initiale et basta. Enfin, s'il le souhaite, ce qui n'est pas gagné. Perso à revoir après tant d'années, ça m'a amusé, de voir qu'un truc aussi toc, aussi comique, ait pu devenir la culture de masse imposée du monde entier pour au moins 50 années. Ce monde est fou.
Un beau film d'aventures 80's à l'ancienne sur la secte d'assassins d'Inde nommée les Thugs. Produit par le duo Ismail Merchant / James Ivory, le film va tout de même, et dieu merci, à l'encontre des canons du genre, proposant un rythme lent et une approche contemplative qui siéent parfaitement au projet.
Une évocation romancée (et je suppose libre) des premières années de la vie d'un de mes peintres préférés : le génie absolu Gerhard Richter. Le film est lourd et patapouf, filmé à la truelle avec des effets indécents, accompagnés par une musique atroce et sursignifiante, mais j'ai tout de même aimé des choses qui tiennent avant tout au scénario et aux acteurs (notamment le génial Sebastian Koch, hallucinant en beau-père nazi). Je n'ai pas encore pu me pencher sur la question, mais j'aimerais beaucoup tirer le vrai du faux de cette fausse biographie (car le cinéaste a choisi de donner un autre nom à son peintre, ce n'est donc plus une bio mais un film inspiré librement de la vie de... et il peut se permettre d'inventer ce qu'il souhaite). Il nous raconte qu'enfant, Richter fut inité à l'art par sa jeune tante, qui fut euthanasiée par un médecin nazi à la montée du Reich, que cette tante fut à l'origine de sa vision d'artiste. Et surtout qu'il tomba fou amoureux d'une jeune femme, qui devint sa première épouse, la mère de son enfant, et qu'elle était la fille du médecin nazi qui a tué sa tante, mais qu'il ne le savait pas et qu'il a découvert cela a posteriori. Un tel concours de circonstances me parait avoir peu de chance d'être réel, mais j'aimerais bien savoir tout de même. S'il y a des spécialistes de Richter ici, je veux bien en savoir plus.
Fan du cinéma de Robert Benton, ça faisait au moins 25 piges que je voulais voir ce film. La belle copie en bluray qui vient de sortir, et qui magnifique le travail de Nestor Almendros (mon chef-of préféré ever), donne toutes ses lettres de noblesse à ce beau film, étrange thriller downtempo, aux frontières de l'abstraction. Le protagoniste (le toujours génial Roy Scheider) est un psychanaliste dont l'un des patients est retrouvé assassiné. Tout de suite après, une jeune femme (sublime Meryl Streep qui n'a jamais été belle qu'alors, et qui pour une fois n'est pas affublée d'une coupe de caniche royal) prend rendez-vous chez lui, et lui annonce qu'elle fut une collègue et la maitresse du récent défunt. Tout en lui laissant des indices le poussant à penser qu'elle ne serait pas étrangère à sa disparation. Ce que ne va pas tarder à penser la police, la considérant vite comme la principale suspecte. Evoluant dans le milieu des salles de ventes aux enchères et de la psychanalyse, ce film est une vraie réussite car il déjoue tous les codes du genre tout en parvenant à être passionnant. Il est une sorte de Basic Instinct avec 10 ans d'avance. C'est d'ailleurs une évidence que Verhoeven l'a vu et s'en est beaucoup inspiré pour tourner son chef-d'oeuvre.