Juste pour en toucher un bref mot : je me joins à vous pour dire que le palmarès de Cannes 2024 est réjouissant, et que de nombreux films en compet' m'ont donné sacrément envie !
Bon, Sean Baker palme d'or why not. Mais franchement la donner à une jeune indienne pour son deuxième film aurait été 100% plus classe et fort de la part de Greta Gerwig, plutôt que de récompenser un énième type ricain

En plus je suis sur que le film de Kapadia est extra, je suis si impatient de le voir. C'était une de mes selec favorie donc je suis déjà comblé avec un Grand Prix !
Pour ceux qui ont un abonnement Tënk, son 1er film (Toute une nuit sans savoir) est encore visible quelques jours !
Bref, revenons à ce que j'ai pu voir ces derniers jours :
Découverte, avec une grande joie, du réalisateur soudanais Ibrahim Shaddad. Après des études de cinéma en Allemagne, il sera membre fondateur du "Sudanese Film Group", un collectif militant pour le développement d'une scène cinématographique soudanaise, dont les activités tourneront malheureusement court après le coup d'état de 1989.
Si j'en crois sa fiche Mubi, Shaddad a tourné des films jusqu'au courant des années 2010 (il semblerait qu'il apparaisse aussi au sein du docu "Talking about the trees" dont on a beaucoup parlé lors de sa sortie en 2019 et auquel je n'avais prêté aucune attention), mais dans les tréfonds du web seules semblent disponibles ses 4 premiers courts-métrages, s'étalant de 1964 à 1994.
Je les ai vu dans le désordre mais les classe ici par leur date de sortie :
Hunting Party - 1964
Un jeune homme noir, à l'air apeuré, erre dans une forêt. Il semble fuir un groupe de chasseur armé jusqu'aux dents. Il fini par rencontrer un bucheron faisant la sieste. Après de premiers contacts bourrus, les deux hommes finissent par se lier d'amitié et par travailler ensemble. Jusqu'à ce que resurgissent les chasseurs... Derrière ce pitch absolument incroyable pour les années 60 se cache un film à la mise en scène phénoménale, d'un niveau que je pense n'avoir jamais vu dans un film de fin d'étude. Si le film est en grande partie muet, le traitement du son (bruit, musique, dialogue) est d'une très grande acuité, venant décupler les effets d'une mise en scène qui maitrise pleinement sa plasticité et son inventivité. Le résultat global est au niveau des plus grand réalisateurs, soutenant de la sorte avec brio un message politique très clair.
A Camel - 1981
Si il est de nos jours presque banal de réaliser des œuvres de tous types tentant d'adopter des points de vus "non-humains" (des animaux aux plantes, pierres etc), ce type de décentrement était assurément moins commun au début des années 80. C'est pourtant ce que propose The Camel, film faisant sienne la vie d'un pauvre chameau exploité pour la production d'huile. Le court-métrage dure à peine 15 minutes et il n'y en a pas une de trop, chaque plan se réinvente, sans redite ni temps morts dans les diverses idées proposés par Ibrahim Shaddah.
The Rope - 1985
Transformer un point historique tragique (le massacre de 50.000 soudanais par l'armée turque en 1822) en un film allégorique sur la condition de tout un peuple et peut-être même de l'humanité dans son ensemble. Après quelques plans retraçant l'évènement en question, le film s'attache à suivre la longue errance de deux hommes aveugles et d'un âne dans le désert. Si le film est peut-être un peu long et la musique un peu plus appuyé que d'habitude (c'est mon seul reproche à la vue de ces 4 films !), le résultat n'en est pas moins épatant, telle une sorte de proto-Gerry avec 20 ans d'avance doublé d'un discours politique.
Human Being - 1994
Peut-être le plus expérimentaux des films de Shaddad, une forme parfaitement en lien avec son sujet : l'arrivée d'un paysan dans une grande ville après avoir fui sa femme et la misère de la campagne, se retrouvant aussi perdu que déstabilisé par ce nouvel environnement. Nous sommes entre un portrait de ville très "années 30" et le portrait psychologique frisant la folie, dans film bourré d'énergie, de trouvailles et de plans hautement symboliques. Une réussite, une fois encore.
Qu'il est bon de découvrir ce genre de pépite ! En espérant réussir à voir d'autres de ses films un jour !