
J'ai terminé la bête : le Napoléon d'Abel Gance en version restaurée. Waouh !

Plus de 7 heures, couvrant un prologue de l'enfance de Napoléon et les années 1792-1796.
Le défaut évident est la durée très luxueuse, qui en rebutera plus d'un. Certains passages auraient pu/du être écourtés. Tels que l'enfance à Brienne, ou le début de la deuxième partie, après le siège de Toulon, où il y a un passage à vide, Napoléon étant en retrait de l'intrigue. Les restaurateurs ont voulu préserver les idées d'Abel Gance plutôt que de mettre le rythme au goût du jour. Ca s'entend complètement.
Mais pour le reste, je comprends parfaitement pourquoi il est considéré comme un must du cinéma muet et du cinéma français. A mon sens ça reste une oeuvre à voir pour les cinéphiles.
Abel Gance livre un film aussi audacieux qu'ambitieux, tant sur la forme que le fond. Avec de nombreuses séquences qui prennent aux tripes :
- La première Marseillaise entonné devant une foule, en pleine Révolution
- Une poursuite endiablée à cheval, avec caméra à l'épaule et traveling. Totalement dingue pour l'époque.
- Divers montages presque psychédéliques, sur les affres de la Révolution. Dont une scène de fantômes très réussie.
- Le siège apocalyptique de Toulon (trèèèès loin de la version expédiée de Ridley Scott).
- Toute la dernière demi-heure, tournée en polyvision (3 écrans / caméras agencés), soit en format 4:1 complètement délirant. De quoi permettre des plans de fous bien avant le cinémascope, et des expérimentations lyriques barrées.
L'écriture du personnage est très intéressante. On est clairement dans un portrait iconique, Napoléon étant présenté comme une figure d'autorité presque surnaturelle, et un despote éclairé, motivé par la propagation des idées de la Révolution. De nombreuses citations historiques font croire que ce qui est à l'écran est la vérité.
Pourtant à côté il y a des passages qui le rendent très humain, avec de l'humour inattendu. Dont le volet de séduction de Joséphine, où Napoléon apparait comme un parfait couillon !

Albert Dieudonné tient clairement là le rôle de sa vie... et de sa mort (il sera enterré avec un costume de Napoléon).
A côté, le film ne se prive pas pour livrer un portrait sans fard de la boucherie que fut la Révolution. Sans aucun pitié pour Robespierre, Danton, ou Marat. Bref, c'est un beau portrait doublé d'une fresque historique d'ampleur sur des années terribles.
En le voyant, le film bancal de Ridley Scott souffre d'autant plus de la comparaison. En même temps il traite en moins de 1h une période élaborée ici en presque 7h...
Et sinon, la restauration est magnifique. Bons choix de musiques, mais surtout qualité impeccable. Je suis toujours impressionné de voir des films de près d'un siècle en full HD.
Je recommande, pour rappel il est dispo sur france TV jusqu'à Noël.
NB : les images postées ci-dessous ne sont pas tirées de la version restaurées, la qualité est bien inférieure à celle du film mouture 2024.


