Le Centre de Visionnage : Films et débats

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Kahled
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Tamponn Destartinn a écrit : lun. 18 nov. 2024 15:38 Image

Là où le bat blesse, c'est le choix de faire d'Elisabeth (Moore) et Sue (Qualley) deux personnes distinctes. Quand Sue apparait pour la première fois (dans une scène absolument dingue, il faut le souligner), j'ai cru que le personnage de Demi Moore était quelque part en elle. Ça restait abstrait, mais ça me paraissait logique. Quand, finalement, il est clair que c'est juste quelqu'un d'autre (même pas son clone, comme le prouve la couleur des yeux ou bien le fait de voir des images de Demi Moore jeune) je ne comprends plus trop bien l'intérêt pour Elisabeth. Qu'est-ce qu'elle en retire ? Elle se fait juste remplacer de manière encore plus violente qu'au départ... En plus, cela rend le personnage de Sue creux, car elle est autre mais n'existe jamais vraiment, sauf à la fin, trop tardivement.
Ah ben quand même ! Je pensais avoir été le seul à tiquer sur cette aberration scénaristique, ça me rassure ! :sleep:

C’est rare que je fasse un focus sur le scénario d’un film surtout quand celui-ci a des images aussi fortes mais comme c’est son concept même qui ne tient pas la route (ou qui est à minima bancal si on veut être indulgent) moi ça m’a quand même pas mal sorti du film.

Sinon, je trouve le film un peu trop dépendant de ses références. C’est le deuxième long-métrage de la cinéaste mais on dirait un premier film, tant il en a les tares (références pesantes, mise en scène sur-signifiante, comme la musique, etc.). Et surtout, contrairement à ses modèles, le film ne crée rien que je n’ai pas déjà vu ailleurs, notamment dans les monstruosités qu’il génère.
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sokol
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Kahled a écrit : lun. 18 nov. 2024 19:29
C’est rare que je fasse un focus sur le scénario d’un film surtout quand celui-ci a des images aussi fortes
Ce qui prouve qu’en fait, dans ce film, il n’y a pas d’image aussi fortes qu’on croit.
Ou, comme dirait Godard, une image c’est 1+1 = 3. Or dans ce film, 1+1= 2
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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cyborg
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[mention]Tyra[/mention] : peut-être un peu mineur par rapport à ce qu'on attends des "grands Hitchcock" mais j'ai beaucoup aimé le visionner il y a quelques mois. J';y ai vu des choses très intéressantes, notamment dans le rapport assez théorique que l'auteur peut avoir avec son médium (interrogeant ici l'écriture du scénario lui-même).

Quant à se tromper sur la présence de "Théorème" dans Miséricorde... si d'autres personnes que moi l'ont vu aussi (je n'ai rien lu ni écouté au sujet du film), c'est qu'il doit bien y avoir quelque chose. Que l'auteur l'ai fait consciemment ou pas, il n'empêche que son film suit un schéma proche, orientant forcément sa lecture. Et même si Guiraudie nie totalement, pourquoi ne pas en faire un point de comparaison/dialogue pour autant ? Il n'est pas rare que les artistes se laissent imprégner puis fassent/reproduisent de façon inconsciente (j'en sais quelque chose :D )... Quant à un lien avec Salo par contre je ne vois pas trop...
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groil_groil
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Tamponn Destartinn a écrit : lun. 18 nov. 2024 15:38 Image

Je ne sais pas si c'est le désir de concrétiser certaines images fortes qui a amené le concept à la réalisatrice, ou si c'est l'idée du concept qui a fini par l'amener à réaliser ces images. Le fait est que le film fait appel comme rarement à notre suspension consentie de l'incrédulité pour maintenir le chateau de cartes, en échange de quoi il nous apporte une allégorie fun et efficace, dont l'absence de finesse fait partie intégrante du sujet. J'ai accepté le contrat avec grand plaisir sur quasi tout : osef de cette société secrète ultra abstraite qui ne demande aucune contrepartie, osef que l'aérobic passe de plan B de fin de carrière à tremplin pour devenir une nouvelle icone, osef de sentir un vrai monde extérieur tangible... Je pourrais continuer la liste longtemps, mais je suis sincère quand je dis que je m'en fous. Du moment que c'est là pour servir l'allégorie et que ça marche. Là où le bat blesse, c'est le choix de faire d'Elisabeth (Moore) et Sue (Qualley) deux personnes distinctes. Quand Sue apparait pour la première fois (dans une scène absolument dingue, il faut le souligner), j'ai cru que le personnage de Demi Moore était quelque part en elle. Ça restait abstrait, mais ça me paraissait logique. Quand, finalement, il est clair que c'est juste quelqu'un d'autre (même pas son clone, comme le prouve la couleur des yeux ou bien le fait de voir des images de Demi Moore jeune) je ne comprends plus trop bien l'intérêt pour Elisabeth. Qu'est-ce qu'elle en retire ? Elle se fait juste remplacer de manière encore plus violente qu'au départ... En plus, cela rend le personnage de Sue creux, car elle est autre mais n'existe jamais vraiment, sauf à la fin, trop tardivement. D'ailleurs, en plus des citations évidentes entre Cronenberg et Kubrick, j'ai beaucoup pensé à la BD française Ces jours qui disparaissent, qui tient bien plus la route dans son concept, notamment dans la place laissé au double parfait ET dans l'explication de qui est qui.

Bon. C'est bête, mais ça ne m'empêche pas d'aimer le film. Le plaisir que j'ai passé devant me contredit dans mes objections. Par exemple, sa durée de 2h20. Normalement je l'attaquerai : il est scandaleux pour un film de cette durée (qui plus est aussi minimaliste) de rester autant en surface sur les personnages, blablabla. Mais le truc est que je ne me suis jamais emmerdé ! Je pense que Coralie Fargeat a très bien pensé son point de départ (jusqu'à la naissance de Sue) et son point d'arrivée (à partir du dernier transfert), que ces deux moments cumulés doivent représenter une heure de film et qu'il s'agit d'un des meilleurs moments de cinéma que j'ai vu cette année. Mais qu'entre les deux, elle a été bloquée par l'obligation de faire passer pas mal de temps, sans pouvoir s'autoriser une simple ellipse. Elle a donc improvisé un récit, parfois avec talent (la meilleure scène est au milieu, avec Demi Moore qui se remaquille à outrance), mais c'est fragile. Je pourrais faire un parallèle avec Beau is Afraid, qui m'avait perdu après une première heure exceptionnelle, mais à l'inverse cette fois, je me répète, malgré tous les défauts je ne me suis jamais ennuyé. Bref. Tout ça pour dire que je dois décanter un peu pour savoir où le placer dans mon top ^^
:love2: :love2: :love2: pour Timothé ;)
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Narval
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cyborg a écrit : mar. 19 nov. 2024 09:24 Quant à se tromper sur la présence de "Théorème" dans Miséricorde... si d'autres personnes que moi l'ont vu aussi (je n'ai rien lu ni écouté au sujet du film), c'est qu'il doit bien y avoir quelque chose. Que l'auteur l'ai fait consciemment ou pas, il n'empêche que son film suit un schéma proche, orientant forcément sa lecture. Et même si Guiraudie nie totalement, pourquoi ne pas en faire un point de comparaison/dialogue pour autant ? Il n'est pas rare que les artistes se laissent imprégner puis fassent/reproduisent de façon inconsciente (j'en sais quelque chose :D )... Quant à un lien avec Salo par contre je ne vois pas trop...
Perso le Guireaudie m'a aussi fait beaucoup pensé à Sous le soleil de Satan.
Sinon je ne me souviens pas l'avoir lu ici mais je voulais juste dire que Miséricorde est visuellement à tomber, je crois ne pas avoir vu un film aussi beau sur la forêt depuis.... depuis Le mal n'existe pas en fait donc pas si loin, mais ils font tous les deux un diptyque automne/hiver.
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sokol
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cyborg a écrit : mar. 19 nov. 2024 09:24 Quant à un lien avec Salo par contre je ne vois pas trop...
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Tamponn Destartinn
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Une tendance monte en puissance ces dernières années : l'influence du jeu vidéo moderne dans la mise en scène de films au Cinéma. C'est très logique, mais ça interroge. Car, exactement comme pour les séries, si j'ai un respect pour chacun de ces médiums audiovisuels, je trouve toujours risqué de les mélanger, tant ce qui marche chez l'un devient rapidement grossier chez l'autre.
Flow est un bon exemple de mélange réussi. Toute sa mise en scène fait penser à l'esthétique récente des jeux vidéos indépendants (le film étant lui-même un petit budget hors gros studio), sans pour autant oublier d'être avant tout du cinéma. Son statut de film d'animation aide beaucoup, évidemment. C'est surtout cette idée de montrer des animaux avec quasi aucun anthropomorphisme qui permet cela. Car on ne veut pas incarner ce chat, on veut l'observer, et s'amuser de comment est bien retranscrit le comportement animal. C'est donc plus un faux documentaire qu'une fiction ou un jeu, et c'est cette couche supplémentaire qui rend avant tout le film unique et réussi. Du coup, les quelques fois où il se permet de casser cette règle (l'oiseau trop intelligent + la fin avec la liane), le film perd en intérêt. Mais c'est suffisamment rare pour ne pas gâcher l'ensemble.
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Tamponn Destartinn
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Kahled a écrit : lun. 18 nov. 2024 19:29
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 18 nov. 2024 15:38 Image

Là où le bat blesse, c'est le choix de faire d'Elisabeth (Moore) et Sue (Qualley) deux personnes distinctes. Quand Sue apparait pour la première fois (dans une scène absolument dingue, il faut le souligner), j'ai cru que le personnage de Demi Moore était quelque part en elle. Ça restait abstrait, mais ça me paraissait logique. Quand, finalement, il est clair que c'est juste quelqu'un d'autre (même pas son clone, comme le prouve la couleur des yeux ou bien le fait de voir des images de Demi Moore jeune) je ne comprends plus trop bien l'intérêt pour Elisabeth. Qu'est-ce qu'elle en retire ? Elle se fait juste remplacer de manière encore plus violente qu'au départ... En plus, cela rend le personnage de Sue creux, car elle est autre mais n'existe jamais vraiment, sauf à la fin, trop tardivement.
Ah ben quand même ! Je pensais avoir été le seul à tiquer sur cette aberration scénaristique, ça me rassure ! :sleep:

C’est rare que je fasse un focus sur le scénario d’un film surtout quand celui-ci a des images aussi fortes mais comme c’est son concept même qui ne tient pas la route (ou qui est à minima bancal si on veut être indulgent) moi ça m’a quand même pas mal sorti du film.

Sinon, je trouve le film un peu trop dépendant de ses références. C’est le deuxième long-métrage de la cinéaste mais on dirait un premier film, tant il en a les tares (références pesantes, mise en scène sur-signifiante, comme la musique, etc.). Et surtout, contrairement à ses modèles, le film ne crée rien que je n’ai pas déjà vu ailleurs, notamment dans les monstruosités qu’il génère.

Pour le coup, les références, je les mets en point positif.
Parce qu'elles ont beau être aussi nombreuses que visibles (La mouche et Shining, c'est un délire), le film arrive malgré tout à créer ses propres images. C'est une DJ qui sample assez bien pour que tout ce qu'elle emprunte forme un tout qui n'appartient qu'à elle. Mais je comprends qu'on ait l'avis contraire.
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Tamponn Destartinn
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C'est le 4e film de Richard Linklater que je vois, et la 4e fois que j'en sors en mode "c'est pas mal mais je m'en fous"
Après, je n'ai peut-être pas vu les bons (je compte un jour m'attaquer enfin à sa trilogie des Before), mais tout de même, quel drôle de sentiment commun.
Hitman a pour lui d'être le plus fun de ces 4 films. Le pitch est accrocheur, le scénario bien construit. Je suis juste partagé sur la fin, étonnamment amorale, alors que tout semblait amener vers une conclusion du piégeur piégé, plus classique mais moins gratuite. Qu'importe, mon rapport au film n'en aura pas été changé. Le vrai point sur lequel le film va me rester est le choix du rôle principal : pour jouer un mec introverti, geek et mal dans sa peau, qui se retrouve par hasard sur le devant de la scène dans son job et se révèle un tel bon acteur qu'il gagne en charisme et assurance, ils ont choisi un immense beau gosse ultra musclé... Le mec se la joue Clark Kent au début pour faire genre, mais c'est évident que ça marche pas : Clark Kent EST le déguisement, les américains ne comprennent pas eux mêmes leur propre culture ? Les américains manquent de nouveaux Philip Seymour Hoffman, surtout. Leurs stars font trop de bodybuilding. Résultat, les physiques quelconques sont quasi impossible à mettre en image. C'est vraiment révélateur d'un problème con. En France, on aura pris Vincent Lacoste, ça aurait été la perfection absolue, et fin de l'histoire.
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groil_groil
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Thriller néo-noir southern gothic que je n'ai découvert que récemment et que j'adore puisque c'est déjà la troisième fois que je le vois. Et c'est vraiment un super film, avec une belle ambiance du Sud des USA, même si, à cause de ses tics de narration typiquement 90's (retournement de situation final etc.) dans une logique Silence des Agneaux / Seven pour aller vite, fait que je commence, au bout du 3ème visionnage, à en saisir les limites.

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Plus ça va plus j'admire l'oeuvre magnifique de Gilles Grangier (on lui pardonnera les quelques nanars de fin de carrière), cinéaste qui a longtemps été ignoré voire conspué, à cause de la génération Cahiers qui l'a toujours trainé dans la boue (à l'instar d'un Cayatte) mais dont la majeure partie des films est plus que recommandable. Celui-ci est particulièrement bon alors qu'il part avec un gros handicap : l'unité de lieu. Hormis un générique d'ouverture dans le métro, magnifique, et deux ou trois rares plans de coupe, le film se déroule exclusivement dans le café parisien Au P'tit Zouave, qui sert aussi de pension à l'étage, avec sa galerie de clients et de personnel, greffant les histoires perso à une histoire transversale, la recherche d'un assassin type serial killer. Le génie de Grangier fait que jamais l'ensemble ne fait jamais théâtre filmé, alors qu'il y a tout pour, et que sa mise en scène, et la qualité d'écriture de ses personnages en font un film passionnant.

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Que je redécouvre à l'occasion de la sortie du splendie bluray (quelle magnifique restauration !) et que je trouve meilleur que la première fois. Au-delà de l'intrigue assez simple, et du personnage de Pépé, qui finit par être attachant mais qui est quand même une belle tête de con, c'est la manière dont Duvivier filme Alger, ses souks, ses escaliers, ses secrets, cette ville en cascade qui se jette dans la mer, qui est absolument fascinante, qui plus est pour un film des années 30.

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Liane a toujours 19 ans, et c'est l'archétype de la bimbo / cagole / pouf du sud de la France, ultra superficielle, et en manque de tout. D'argent (elle survit en volant et en revendant), de culture (mais il est difficile de s'extraire de son milieu) et surtout d'amour (encore vierge, elle est entourée de crétins et sa mère semble avoir tellement souffert dans sa vie qu'elle n'a plus le temps ni l'énergie pour aimer ses enfants). Liane se filme tous les jours avec son téléphone et anime un compte TikTok et un Instagram qui ont leur petit succès. Elle est via ces réseaux, contactée par une directrice de casting d'une émission de téléréalité du type Les Anges de Marseille à Los Angeles et son profil intéresse. Liane se fait tout de suite un film, s'y voit, s'y croit, est persuadée que sa vie va enfin changer et qu'elle va embrasser ses rêves. Mais le coup de fil tarde à venir... Diamant Brut est un beau premier film, touchant et réalisé avec beaucoup d'honnêteté, même si en soi il n'a rien de bien original. Mais tout y est, le ton, les comédiens, le style. En revanche, je suis sorti de la séance extrêmement déprimé, car le film l'est vraiment, déprimant. Je veux dire par là qu'on fait reposer sur toute la longueur du métrage un suspense sur le fait qu'elle soit rappelée ou non pour cette émission de TV réalité, Liane voit vraiment cela comme un moyen de changer de vie, d'être upgradée selon ses critères, alors que nous, spectateurs, on sait très bien que si elle est finalement sélectionnée, sa vie sera sans doute encore pire qu'avant. Donc quelque soit l'issue du film, on sait que cette gamine est foutue, et c'est justement ça qui est profondément déprimant.

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Tiens, encore un film où Gabin joue le rôle d'un con, c'est d'ailleurs assez fréquent dans sa filmo. Celui-ci est corsé, c'est un ancien vétérinaire, devenu chatelain, alcoolique, et parfaitement odieux et misogyne. Un beau jour il ramène une prostituée chez lui, la présente à sa femme comme si de rien n'était, mais ne couche pas avec. Il l'accueille, pour la sortir des griffes de son maquereau. Plutôt bon fond le bougre au final. La jeune femme change alors radicalement de vie et repart sur de bons rails. Mais elle tombe amoureuse d'un voisin, et a peur de la réaction de son vieux protecteur... Le film de De La Patellière commence bien mal, avec des répliques aussi vulgaires que du Michel Audiard et une vision de la femme un peu scabreuse, mais il va s'ouvrir et se bonifier à l'instar de son protagoniste, pour s'achever de belle et émouvante manière.
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Tyra
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Attention spoilers
Etonnamment, ce film que j'ai trouvé honnête sans plus en sortie de salle me reste pas mal en tête. Il doit donc y avoir quelque chose de plus que cette œuvre mineure de prime abord (la faute parfois à une écriture pleine de clichés, ex : Justin Kemp, comprenant qu'il est l'auteur de l'homicide involontaire, part vomir aux toilettes, puis en fait des chaumards la nuit :humpf:). Cette histoire, tragique, d'une justice impossible quoi qu'il arrive (le condamné ne mérite pas d'aller en prison, et si Kemp se dénonce, il ne mérite pas d'y aller non plus). Cette ambiguïté trouble de Kemp aussi, dont on ne sait pas s'il cherche à échapper à sa condamnation, où à s'y précipiter. D'où cette belle scène finale avec le retour de l'avocate qui sonne chez lui, dont on ne sait pas si elle est pour lui source de désespoirs ou de soulagement.
J'aime beaucoup aussi le soin apporté à la description minutieuse du système judiciaire américain, où les jurés sont d'emblés jugés, mis en procès par les avocats des accusés et des victimes... Ce sont les meilleures scènes, car peu vues il me semble dans le cinéma américain.
1 millions d'entrées en France, succès surprise, ça fait plaisir pour un film aussi peu promu.
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Tyra
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Comme Sokol, j'ai attendu la deuxième partie, plus naturaliste, aux longues scènes qui ont le temps de prendre forme, et où l'on retrouve la vivacité du cinéma de Baker, pour prendre du plaisir. Mais en y réfléchissant, le conte de fée de la première partie toute en brèves scènes elliptiques et parfois clippesque fait sens, elle est l'envers de la deuxième partie, un envers faux et toc qui ne fera pas illusion bien longtemps. Le plan final est beau, il est pour beaucoup dans l'effet général produit par le film, mais je ne suis pas certain de comprendre parfaitement cette dernière scène. Igor tente de l'embrasser pendant le sexe, et le refus d'Ani lui signifie que le sexe était encore une fois un échange transactionnel (ici pour le remercier pour la bague) et non de l'amour comme il croyait ?
Kit
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ce soir sur France5, cinéma d'Abel Gance, le Napoléon en 2 parties de 1927 (3h30 environ chaque partie)
Napoléon vu par Abel Gance, partie 1 (version restaurée)
https://www.programme-tv.net/cinema/275 ... restauree/
Napoléon vu par Abel Gance, partie 2 (version restaurée)
https://www.programme-tv.net/cinema/275 ... restauree/
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Modifié en dernier par Kit le ven. 22 nov. 2024 19:01, modifié 1 fois.
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robinne
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Kit a écrit : ven. 22 nov. 2024 18:20 ce soir sur France5, cinéma d'Abel Gance, le Napoléon en 2 partie de 1927 (3h30 environ chaque partie)
Napoléon vu par Abel Gance, partie 1 (version restaurée)
https://www.programme-tv.net/cinema/275 ... restauree/
Napoléon vu par Abel Gance, partie 2 (version restaurée)
https://www.programme-tv.net/cinema/275 ... restauree/
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:hot: :hot:
J'espère qu'il sera disponible en relecture sur le site de France Télé, car je ne peux pas le voir en direct :sweat:
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sokol
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Tyra a écrit : ven. 22 nov. 2024 17:53 Igor tente de l'embrasser pendant le sexe, et le refus d'Ani lui signifie que le sexe était encore une fois un échange transactionnel (ici pour le remercier pour la bague) et non de l'amour comme il croyait ?
Tout à fait. D’ailleurs, elle passe son temps à le traiter de pédé (faggot, si je ne me trompe pas).
Puis, elle fond en larme car elle réalise que OUI, le sexe et l’amour PEUVENT coexister (en fait, nous, on a du mal à imaginer ce que ça peut devenir le cul pour une travailleuse du sexe. C’est comme ce que nous faisons tous de 9h à 17h30 tous les jours. Une routine pour gagner la vie !! Mon dieu).

Sean Baker est vraiment un très bon cinéaste et un excellent être humain. J’ai aucune crainte, il ne ‘trahira’ jamais le cinéma, j’en suis sûr.
Modifié en dernier par sokol le sam. 23 nov. 2024 00:20, modifié 1 fois.
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sokol
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Comment je n’avais pas reconnu l’excellent acteur russe du «Compartiment n*6 » qui joue le rôle d’Igor dans Anora ??

:love: :love: :love:

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Kit a écrit : ven. 22 nov. 2024 18:20 ce soir sur France5, cinéma d'Abel Gance, le Napoléon en 2 parties de 1927 (3h30 environ chaque partie)
Je viens de voir presque 2h du film. Je ne l’avais jamais vu.

J’ai trouvé ça : S P L E N D I D E !!!
:eek:
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robinne a écrit : ven. 22 nov. 2024 18:35
J'espère qu'il sera disponible en relecture sur le site de France Télé, car je ne peux pas le voir en direct :sweat:
Yes, il est dispo pendant 1 mois (il faut juste avoir un compte).
Je pense que c'est ma plus grosse claque ciné depuis un bon moment.
La seconde partie est plus inégale (cf mon texte dessus) mais c'est vraiment un immense film.
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sokol
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Tyra a écrit : ven. 22 nov. 2024 17:53 Le plan final est beau, il est pour beaucoup dans l'effet général produit par le film, mais je ne suis pas certain de comprendre parfaitement cette dernière scène. Igor tente de l'embrasser pendant le sexe, et le refus d'Ani lui signifie que le sexe était encore une fois un échange transactionnel (ici pour le remercier pour la bague) et non de l'amour comme il croyait ?
Ça y est, le fameux Bégaudeau dans son dernier podcast parle longuement de cette scène https://soundcloud.com/la-gene-occasio ... e-75-anora (il dit plus ou moins ce qu'on a dit ici aussi) et, on se sentira un peu moins seul : il dit avoir trouvé "All we imagine as light" pas formidable
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Tamponn Destartinn
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La 1ère partie d'Anora est bien le Cendrillon moderne promis, au ton assez cynique, même si le trouble s'installe parfois (ce qui se passe dans la tête de notre héroïne est dur à cerner, et c'est la grande qualité de son écriture). Son découpage à l'os finalise l'impression que Baker a eu sa palme avec son film le plus classique et conventionnellement efficace. Puis arrive la 2nde partie. Et là, tout s'explique : on est dans du Sean Baker pur jus ! Je dirais même une variante de "Tangerine". Mais ce n'est pas un reproche, je préfère même Anora pour son rythme mieux maitrisé : définitivement, le film est avant tout une leçon de montage, principalement dans cette 2nde partie aux séquences plus étirés. Mais pour l'apprécier, la 1ere était indispensable, je ne le rejette absolument pas.
J'ai été aussi très heureux de voir que les deux meilleurs personnages sont joués par des acteurs que j'espérais revoir depuis un moment. Déjà : Mikey Madison bien sûr, dont l'Anora se révèle être le meilleur personnage de l'année quand commence la 2nde partie (séquence hilarante, qui plus est). Je l'avais découverte dans l'une des plus grandes séries des 10 dernières années : Better Things. Et ensuite : Youri Borissov, le fameux "Igor", révélation de Compartiment n°6, déjà Grand Prix à Cannes 21.

Bref : excellente palme.
Et justement, je note ce fait rare : pour la deuxième année consécutive, mon film top 1 risque bien d'être encore la palme. Vous pouvez m'appeler mouton, mais j'y vois surtout une double confirmation du fameux adage "moins on aime l'oeuvre du real qui préside jury, plus on valide le choix de la palme" !


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Le film est divisé en deux parties, et je cherche encore la logique là dedans. A part annoncer aux gens qui l'ignoraient que le film dure 3h, quand apparait "partie 2" au bout d'une heure trente :D
Mais je pointe du doigt ce détail, parce que je pense qu'il est une clé pour un truc qui m'échappe avec ce film. L'idée de départ est génial. Le ton général du film aussi : c'est à dire, qu'il ne dramatise quasi pas ce dit point de départ, préférant assumer un plan qui se déroule quasi sans accro et se focaliser sur quelque chose de très dur à faire, c'est à dire filmer le temps qui passe, le rendre tangible cinématographiquement. Après, je n'ai pas aimé la "triche" du flash back, pour jouer d'un twist scénaristique dont je me fous (j'aurais aimé voir le film avec ce passage placé dans son ordre chronologique, j'ai pour théorie qui ça marcherait mieux. peut être ai-je tort). Quoiqu'il en soit, c'est à ce moment là que j'ai trouvé que le film m'échappait, alors que je le trouve brillant par bien des côtés. La question de fuir le capitalisme était posée avec intelligence comme rarement et je pense que le film essaie lui aussi de fuir une vie trop ordinaire, c'est-à-dire un récit trop ordonné... Je comprends l'idée, mais comme dis sur l'autre topic du top 2024, le résultat est que j'ai peur de vite l'oublier. A voir avec le temps.


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Ça aurait pu être bien, mais ça ne l'est pas du tout.
Mais le film est intéressant, parce que tu sens planer tout du long un meilleur film qu'il aurait dû être. La fin est même "bien", mais c'est là où tu te dis : putain... tout est trop théorique.
Le casting et la direction d'acteur est peut être le problème principal ? Il va sans dire que Seydoux , qui aurait jouer Emmanuelle, aurait sans doute rendu le film meilleur, même si Merlant donne tout ce qu'elle peut (elle ne marche pas pour autant)
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Tyra
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Tamponn Destartinn a écrit : lun. 25 nov. 2024 18:22

Bref : excellente palme.
Et justement, je note ce fait rare : pour la deuxième année consécutive, mon film top 1 risque bien d'être encore la palme. Vous pouvez m'appeler mouton, mais j'y vois surtout une double confirmation du fameux adage "moins on aime l'oeuvre du real qui préside jury, plus on valide le choix de la palme" !

J'écoutais l'horrible masque et la plume l'autre fois, et ceux qui n'aiment pas Anora se servaient de la palme décernée par Greta Gerwig comme argument d'autorité inversé, consacrant la médiocrité du film. Au delà de la bêtise du propos, je pense qu'il faut arrêter de réduire le palmarès à un simple choix du président. Il y a délibérations, votes, c'est le juré entier qui décide.

Et oui, 2 palmes d'or d'affilées que j'aime beaucoup, c'est assez rare pour être signalé. :jap:
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Tamponn Destartinn
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Tyra a écrit : lun. 25 nov. 2024 20:22
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 25 nov. 2024 18:22

Bref : excellente palme.
Et justement, je note ce fait rare : pour la deuxième année consécutive, mon film top 1 risque bien d'être encore la palme. Vous pouvez m'appeler mouton, mais j'y vois surtout une double confirmation du fameux adage "moins on aime l'oeuvre du real qui préside jury, plus on valide le choix de la palme" !

J'écoutais l'horrible masque et la plume l'autre fois, et ceux qui n'aiment pas Anora se servaient de la palme décernée par Greta Gerwig comme argument d'autorité inversé, consacrant la médiocrité du film. Au delà de la bêtise du propos, je pense qu'il faut arrêter de réduire le palmarès à un simple choix du président. Il y a délibérations, votes, c'est le juré entier qui décide.

Et oui, 2 palmes d'or d'affilées que j'aime beaucoup, c'est assez rare pour être signalé. :jap:


Clairement, surtout que je vois mal Greta Gerwig être une dictatrice avec son jury, comme par exemple l'a été un Cronenberg - de réputation.
Il y a même des présidents du jury qui ont avoué ne pas être d'accord avec le choix de la palme. Almodovar voulait 120 battements par minute (il était deg à la conférence de presse, ça m'avait marqué), Kusturica voulait la filer à son pote Jarmusch, Tarantino à Old Boy, etc. Ça finit en Grand Prix, souvent.

Par contre, rien que sur les 15 dernières années, mes palmes d'or préférés (celles où j'aurai choisi le même film) :
Oncle Boonmee (2010) remis par Tim Burton
Parasite (2019) remis par Inarritu
Anatomie d'une chute (2023) remis par Ruben Östlund.
Anora (2024) remis par Greta Gerwig
Soit que des cinéastes que je n'aime pas (Burton un peu à part, car je l'ai aimé fut un temps, mais ca faisait déjà 10 ans qu'il était devenu nul en 2010)

Ensuite, les palmes que je conteste (j'aurai clairement choisi un autre film) :
La Vie d'Adèle (2012) remis par Spielberg
Dheepan (2015) remis par les frères Coen
Moi, Daniel Blake (2016) remis par Georges Miller
The Square (2017) remis par Almodovar
Titane (2021) remis par Spike Lee
Soit que des cinéastes que j'aime (bon je triche pour Lee que je connais trop mal. Et Miller, je ne sais pas si je l'aime vraiment, mais son Furiosa est un de mes films de l'année, donc bon)

J'ai mis de côté les années où les présidences étaient assurés par un acteur ou une actrice car ça ne rentre pas dans l'adage.
J'ai mis de côté aussi l'an 2014 avec Winter Sleep remis par Jane Campion, car je l'ai loupé. Mais Campion étant une réalisatrice que j'aime parfois et pas parfois pas, je ne sais à quel sein me vouer :D

Tout ça pour dire que l'adage marche assez bien pour moi.
Même si y a forcément des exceptions en 77 sélections et que c'est juste pour déconner :D
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sokol
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Tyra a écrit : lun. 25 nov. 2024 20:22
J'écoutais l'horrible masque et la plume l'autre fois, et ceux qui n'aiment pas Anora se servaient de la palme décernée par Greta Gerwig comme argument d'autorité inversé, consacrant la médiocrité du film.
De surcroît, c’est archi faux : je peux aimer un film qu’un président du jury a aimé pour des raisons complètement différentes.
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
Jean-Marie Straub
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groil_groil
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Quel bonheur de revoir ce qui est sans doute une des plus belles romcom de l'histoire pour la montrer aux enfants, qui ont beaucoup aimé, et de constater que le film n'a pas pris une ride et qu'il est toujours aussi réussi, touchant et drôle. Et puis, comment ne pas être raide dingue de la merveilleuse Jennifer Garner, qui n'a malheureusement pas eu au cinéma la grande carrière que son talent appelait.

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Découvert il y a seulement deux ans et déjà envie de le revoir, notamment pour enchainer le second. Ce film est magnifique, d'une intensité rare, et c'est l'un des deux plus beaux films de Villeneuve (qui en a raté beaucoup) avec Prisoners. Dans Sicario, outre la tension permanente, de chaque plan, qui fait que tu es littéralement happé par le film, ce que j'aime, c'est que sans que ce soit donneur de leçon pour autant, chaque plan du film semble définitif. C'est à dire que c'est ce plan-là et pas un autre. Chaque plan tombe donc comme une évidence, et en même temps comme une affirmation d'une mise en scène imparable et imposante.

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Sicario 2 reprend deux des acteurs principaux du 1er volet (Del Toro et Brolin, abandonnant malheureusement Blunt et Kaluuya en route), change de réalisateur et travaille sur les mêmes thématiques (trafic de drogues, mais plus seulement, à la frontière américano-mexicaine). Si le film est moins scotchant au niveau de sa mise en scène, tout en restant d'un très bon niveau attention, mais disons qu'elle est plus là pour raconter un scénario, et tout de même générer de très belles ambiances, ne soyons pas trop sévères), il n'en reste pas moins passionnant pour autant, avec des personnages forts et des situations dramatiques assez bouleversantes, et sans concessions. La fin est très ouverte et laisse attendre un troisième volet, qui semble en effet en préparation. Tant mieux.

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Le truc le plus étonnant dans le nouveau Zemeckis, c'est de savoir qu'il est l'adaptation d'une bande dessinée indépendante américaine, "Ici" en Français, ayant gagné le Fauve d'Or du Meilleur Album à Angoulême, d'un genre a priori très éloigné du grand cinéma de divertissement hollywoodien. Le plus étonnant encore est que l'auteur de cette bande dessinée, Richard McGuire, était le bassiste et l'un des membres fondateurs de l'un des groupes de post punk / no wave les plus influents aux USA : Liquid Liquid. Bref, on était loin d'imaginer qu'un jour Bob Z. adapterait une bande dessinée d'un membre de Liquid Liquid. La narration d'icelle est très particulière, elle raconte l'histoire d'un lieu, un appartement où l'auteur a vécu avec ses parents, et ce lieu est appréhendé depuis l'origine du monde, dinosaures et compagnie, jusqu'au présent. Le cadrage est toujours le même, le plan ne bouge pas, et ce sont les personnages et les décors qui défilent, parfois avec des jeux d'incrustation de case dans la case que seule permet la bande dessinée. Le film de Zemeckis est réussi en cela : il respecte parfaitement la narration de la bande dessinée de McGuire et insère plein de petits écrans dans l'écran, de manière fluide et ludique, donnant l'impression qu'il a vraiment compris son matériau de base sans le trahir. Après, le film, s'il n'est jamais ennuyeux, n'est jamais passionnant non plus, et peine à émouvoir, alors que c'est justement le registre de l'émotion qui est choisi, Zemeckis axant tout sur la question de la famille, et expédiant les autres époques en de simples vignettes reléguées au stade du décor ou de l'ornementation. On voit donc se débattre ce couple (que l'auteur ait reformé le duo de Forrest Gump n'a aucun effet ni aucune incidence, on s'en fiche), leurs parents d'abord et leurs enfants ensuite, sans ressentir grand chose du temps qui passe. Disons que si Zemeckis réussit la partie formelle de son film, comme souvent, il gâche pas mal le fond, incapable d'insuffler de la vie dans ce gros délire conceptuel et numérique (à ce propos et comme toujours, le film repose beaucoup sur les technologies récentes d'effets spéciaux et l'importance du tout numérique. Cela peut casser l'émotion car génère de la froideur, mais il faut bien reconnaitre aussi que Here est assez bluffant à ce niveau. Mais c'est malheureusement à peu près tout).
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sokol
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Je crois que c'est le seul film d'Akerman que je n'avais jamais vu et c'est justement pour cela que j'en parle. J'avais entendu dire que c'est son plus mauvais film or, selon moi, c'est une confirmation supplémentaire que, une cinéaste de cette trempe ne pas faire de "mauvais film". De surcroit, je l'ai beaucoup beaucoup aimé.

Très probablement "tout est déjà dit" à propos de "Demain on déménage" mais j'ai tout de même 2-3 petites idées (il se peut qu'elles se sont déjà dites aussi, mais tant pis pour moi) :
- Je pense que, si un.e réalisateur.rice tel.le que d'Akerman "y met du sien" (donc, met de son histoire familiale dans un film) il est impossible qu'il soit mauvais. Au moins, la direction des acteurs ne peut être que génial. A mon avis, Jacques Demy en était un autre. On peut presque dire que, de ce point de vu, elle était Demyienne par excellence.
- J'ai trouvé que l'humour était vraiment son fort car le film est autant drole que absurde. Et sérieux !
- Sans tomber dans le film-sketch, au fond, il s'agit d'une une pièce de théâtre mais qui n'a rien à voir avec du théâtre. Peu arrivent à faire ça
- Puis, Akermlan était Godardeinne dans le sens que, très probablement, elle partait d'un titre pour faire un film. Quand je dis d'un titre, je veux dire d'une image et dans ce cas, plutôt celle de la fin : Testud avec un enfant dans ses bras : c'est la maternité fantasmé (puisque ça n'a jamais eu lieu) de... Akerman elle-même ! C'est énorme, c'est extra car j'attendais assez impatiemment la fin (comment Akerman clorait une telle comédie ??).

Je pense que ceux qui l'ont vu à sa sortie et ne l'ont pas aimé doivent le revoir car il reverront leur opinions. J'en suis intimement convaincu
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Narval
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sokol a écrit : jeu. 28 nov. 2024 10:37 Image

Je crois que c'est le seul film d'Akerman que je n'avais jamais vu et c'est justement pour cela que j'en parle. J'avais entendu dire que c'est son plus mauvais film or, selon moi, c'est une confirmation supplémentaire que, une cinéaste de cette trempe ne pas faire de "mauvais film". De surcroit, je l'ai beaucoup beaucoup aimé.

Très probablement "tout est déjà dit" à propos de "Demain on déménage" mais j'ai tout de même 2-3 petites idées (il se peut qu'elles se sont déjà dites aussi, mais tant pis pour moi) :
- Je pense que, si un.e réalisateur.rice tel.le que d'Akerman "y met du sien" (donc, met de son histoire familiale dans un film) il est impossible qu'il soit mauvais. Au moins, la direction des acteurs ne peut être que génial. A mon avis, Jacques Demy en était un autre. On peut presque dire que, de ce point de vu, elle était Demyienne par excellence.
- J'ai trouvé que l'humour était vraiment son fort car le film est autant drole que absurde. Et sérieux !
- Sans tomber dans le film-sketch, au fond, il s'agit d'une une pièce de théâtre mais qui n'a rien à voir avec du théâtre. Peu arrivent à faire ça
- Puis, Akermlan était Godardeinne dans le sens que, très probablement, elle partait d'un titre pour faire un film. Quand je dis d'un titre, je veux dire d'une image et dans ce cas, plutôt celle de la fin : Testud avec un enfant dans ses bras : c'est la maternité fantasmé (puisque ça n'a jamais eu lieu) de... Akerman elle-même ! C'est énorme, c'est extra car j'attendais assez impatiemment la fin (comment Akerman clorait une telle comédie ??).

Je pense que ceux qui l'ont vu à sa sortie et ne l'ont pas aimé doivent le revoir car il reverront leur opinions. J'en suis intimement convaincu
J'ai toujours eu un faible pour ce film (Sylvie Testud y est magnifique, en double du cinéaste), le côte théâtral est très prononcé (notamment toutes les scènes de visite de l'appartement), et ce que tu dis de la correspondance avec Demy est plutôt vrai, cela pourrait presque être un film quasi 100% chanté (cf Haut bas fragiles de Rivette aussi), rempli de légèreté et de joie malgré l'horreur ambiante (la folie menaçante dans un huit clos).
J'ai toujours un petit regret quand même : c'est de ne pas avoir eu une version du film où c'est Chantal qui se serait accordée le rôle principal. Peut-être que le film aurait eu une meilleure presse avec le temps.
Petite vidéo où Chantal explique un peu le film : https://youtu.be/VEurwDPshZ0
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sokol
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Narval a écrit : jeu. 28 nov. 2024 13:51 cela pourrait presque être un film quasi 100% chanté
Tu le dis encore mieux que moi ! :love: :love: :love:

Narval a écrit : jeu. 28 nov. 2024 13:51Petite vidéo où Chantal explique un peu le film : https://youtu.be/VEurwDPshZ0
merci !! :jap: je regarderais ça ce soir (le seule problème : dès que je vois Akerman, je commence à pleurer... sérieux !)
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cyborg
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Raoul Peck s'est fait connaitre du grand public il y a quelques années avec son documentaire "I am not your negro" sur l'auteur James Baldwin. Si le sujet était passionnant, le film en lui même ne valait pas tripette : en enlevant les images nous aurions eu un excellent documentaire radio, amplement suffisant. Le syndrome est plus ou moins le même ici, à la différence près que Peck ne s'intéresse plus à un auteur mais à un photographe. Le contenu visuel est donc autrement plus intéressant, même si l'objet cinématographique reste particulièrement sage, pour ne pas dire plat.

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Au bout de la nuit / Something wild - Jack Garfein - 1961

Dans un parc public, sur le chemin du retour vers son domicile, une jeune femme se fait violer. De ce point de départ (qui semble en être la première représentation cinématographique, américaine du moins), Garfein déplie une étude "post-traumatique". La première partie du film, très factuelle, se passe dans un silence assourdissant, geste après geste, tentative de soin après tentative de soin. Tandis que le mal continue à s'infiltrer dans l'être, le film devient une dérive à la limite de la psychogéographie, dans une New-York bouillonnante, magnifiquement filmée et personnage à part entière du film, dédoublant la tourmente intérieure de l'excellente Carroll Baker. Après une tentative de suicide évitée de justesse, elle est recueillie par un homme esseulé, vivant dans un entre-sol. Après avoir pris soin d'elle, il finit par la séquestrer, y voyant un remède à ses propres troubles et souffrances. Cette partie du film est particulièrement pénible, pour ne pas dire embarrassante, frôlant l'exercice de théâtre dans lequel l'isolement contraint rejoue l'isolement psychique de la victime. Le retournement final, dans laquelle l'héroïne finit par accepter de s'unir avec son geôlier, semble déchainer les foudres des internautes. La finalité, et la façon dont elle est présenté (avec le surgissement de la mère, mais aussi de la grossesse) me semble largement plus ambiguë qu'il n'y pourrait paraitre. Ici Garfein semblant au contraire nous dire, que sous toute figure "bien comme il faut", derrière toute norme sociale, se cache une souffrance profonde, une impossibilité à être pleinement soit-même basé sur une plaie à jamais ouverte. Le trio familial des dernières images m'a immédiatement fait penser à la famille dégénérée de Massacre à la tronçonneuse. Le décorum en moins, mais la même folie larvée sous une normalité si contrainte qu'elle en est invisible. Il ne faudrait pas oublier que le réalisateur est lui même un rescapé d’Auschwitz dont il a survécu à peine 15 ans auparavant...

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The extras - Nabil Maleh - 1993

Si le cinéma "du monde" me passionne ces dernières années, m'ayant fait découvrir des choses extraordinaires, je crois avoir atteint avec The Extras (Al-kompars) une limite culturelle qui, pour l'heure, me dépasse. La vision du couple ici dépeinte, la rencontre, les possibles de l'être ensemble, de l'être à deux, les normes sociales, me semblent tellement éloigné des miennes, que je peine à véritablement m'intéresser au film. Je suis néanmoins ravi d'avoir découvert ce film Syrien qui dépeint sans doute très bien ce qu'était alors les normes sociales en vigueur.
Patientant dans l'appartement d'un ami, un jeune homme, aspirant acteur, attend la femme dont il est amoureux. Le moment qu'ils passeront ensemble sera l'occasion de se prêter au jeu d'acteur et de s'imaginer autres et autrement. Autour du lieu, le monde semble gronder, craignant les regards des voisins ou le passage de la police (des mœurs), devenant une prison à part entière. L'absence quasi total d'extérieur, jusqu'au plan final de sortie, en larme, m'ont évoqué Une journée particulière d'Etore Scolla, dans un registre/cadre néanmoins tout autre. La mise en scène d'ensemble n'a néanmoins pas le même niveau.
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cyborg
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Film méconnu au sein de la copieuse filmographie de Wes Craven, "L'Emprise des tenêbres" (nous préférerons le titre anglais...) à pour originalité de se passer (et avoir été tourné) quasi-intégralement en Haïti, y suivant les aventures d'un anthropologue enquêtant pour le compte d'une multinationale sur les pratiques vaudou. Si le film est plutôt convaincant par son sens de l'horreur mystique, il est tout aussi saisissant de voir à quel point il est pétri de l'esprit des années 80. Le personnage féminin accepte bien sur en quelques instants de coucher avec le héros, tandis que la dimensions coloniale de l'ensemble du projet n'est peu ou prou jamais remis en cause, se concluant même sur le cliché du "bon sauvage" à qui on accepte de donner (mieux encore "de se laisser pickpocketer") une montre contre le secret d'un produit qui rendra l'industrie pharmaceutique riche à million. Saisissant...

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The Sky On Location - Babette Mangolt - 1982

Je me réjouissais de découvrir un film de l'incontournable Babette Mangolt, d'autant plus portant sur le territoire naturel américain. Je m'imaginais y voir une proposition se rapprochant de James Benning, et cela à sans doute nuit à ma réception du film. En effet il n'en est rien : les plans, de magnifiques images de natures, s'enchainent extrêmement rapidement, tandis que des voix-off (dont l'une avec un terrible accent français...) récitent des textes plus ou moins pontifiant sur le territoire américain, son histoire, les trajets et découvertes de l'autrice. Malheureusement rien ne prend, rien ne tient. N'apparait aucun sens du temps ou de l'espace, aucun jeu d'images ou de textes ne viennent élever le projet. L'exercice très formel m'a rappelé de pénibles œuvres vidéos d'étudiants en art... Et comme toujours de belles images n'ont jamais fait un bon film. Fait très rare chez moi, j'ai jeté l'éponge à la moitié du visionnage.


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Du côté de la cote - Agnés Varda - 1958

Varda confectionne une version pop et géographiquement réduite de "Méditerrannée" de JD Pollet, qui sortira 5 ans plus tard. Ici pas de mythologie ni d'esprit "Braudelien" du temps long, c'est au contraire la frénésie, l'esprit pop et presque décadent de la toute nouvelle société de consommation que pointe Varda à l'heure ou se glamourise à outrance la french-riviera. Plutôt convaincant, son court-métrage est une bonne variation de l'exercice "portrait filmique de ville".

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Ecouter voir / Temps mort - Alain Tanner - 1977

Commande de la RTS à expérimenter avec le format vidéo, Tanner répond en filmant ses aller-retours en train et voiture entre Berne et Genève. En voix-off surgissent quelques idées sur le cinéma, sur les représentations, sur la vie et la consommation. Une curiosité loin de meilleures réussites de Tanner, qu'elle soient fictionnelles ou documentaires (le superbe "Les hommes du port" notamment).
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Après-guerre, en Italie, des concours de danse-marathon (façon On achève bien les Chevaux) sont organisés, et sont en fait le prétexte à entrainer les jeunes femmes dans des réseaux de prostitution outre-Atlantique. C'est un beau film mais Comencini n'est pas encore au top de sa forme, le film se perd un peu dans un néo-réalisme qui semble ne pas vraiment intéresser le cinéaste. A noter les débuts de Sofia Loren (sous un autre nom et dans une brève apparition).

J'ai aussi revu plein de films sur lesquels je vais passer vite.

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Revu avec les enfants qui le découvraient. Un des meilleurs Columbus, un film proche de Tootsie mais Tootsie est le film du couple, Doubtfire est celui de la famille. Film où le sacrifice de soi est tel qu'il faut devenir un autre pour exister et retrouver une place au sein de la structure familiale.

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Je me souvenais d'un bon film (je l'ai déjà vu plusieurs fois, mais pas depuis longtemps), mais j'avais oublié que c'était aussi génial. Ca commence comme un Friedkin, mais Schlesinger construit vite un film à l'ambition phénoménale (la première scène fait très French Connection puis le film rappelle vite la première heure de Sorcerer dans sa construction). Il y a plein de choses fabuleuses dans ce film, mais ce qui m'a le plus bluffé c'est sa construction. Schlesinger enchaine les séquences disparates, et si on comprend ce qui se joue dans chacune des scènes, il est pendant plus d'une heure impossible de comprendre le rapport entre les différentes scènes. Mais pourtant jamais le spectateur ne décroche, Schlesinger parie sur l'intelligence de son public, et il a raison : au bout d'une heure environ, il y a une scène pilier (que je ne spoile pas au cas où), une scène qui fait tout basculer, et d'un coup, tous les éléments disparates s'assemblent et l'ensemble se met à faire sens. C'est assez prodigieux d'assister à ça et de réaliser quel talent il faut pour se permettre cela, car le risque est immense, surtout vu les enjeux d'une grosse production hollywood. Bref, film brillant et inusable.

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Claque la première fois, claque la seconde. Film immense, au moins aussi réussi que The Swimmer, l'autre chef-d'oeuvre de Frank Perry, biographie de la folie de Joan Crawford, et de sa violence sur ses enfants (d'après le livre-témoignage de sa fille). Impossible de revoir l'actrice sans penser à ce film glaçant depuis, et impossible de revoir un ceintre non plus... Le grand génie de Perry ici c'est de réussir un film qui a toute la puissance graphique des grands films des années 40. L'ambition est énorme et le film s'est malheureusement fait descendre à sa sortie (il a rafflé quasiment tous les Razzie Awards l'année de sa sortie, quelle honte), je pense que les gens ont refusé le film car il leur faisait trop peur. Sous ses airs de luxe hollywoodien, c'est un effet un terrifiant film d'horreur.

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Seconde fois en un mois et toujours aussi bien. C'est vraiment un très grand Eastwood.

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Le dernier Wilder est étonnamment un de ses films les plus modernes. Je ne reviens pas dessus dans le détail, mais c'est un film qui renoue avec ses grands chefs-d'oeuvre du film noir (Assurance sur la Mort, Sunset Blvd), tout en ressemblant aussi aux grands films de la génération d'après (De Palma en tête). Je ne sais pas si c'est volontaire de la part de Wilder, mais peu importe, ce film est à la fois un grand regard sur l'âge d'or du passé, et un film visionnaire, ce qui est d'autant plus étonnant vue la fin de carrière assez désastreuse du cinéaste hormis ce film.

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Rien ne remplacera le jour où je l'ai découvert en salle à sa sortie fin 1985 alors que je venais d'avoir 14 ans. J'avais pris une grosse claque, que je n'ai jamais retrouvé par la suite. Le film a autant de défauts que de qualités, et en fonction de l'humeur, je vais être plus ou moins sensible aux uns ou aux autres. Ce coup-ci je l'ai plutôt apprécié, et j'ai joué le jeu, notamment grâce aux superbes ambiances de Chinatown, magnifiquement retransmises) et le bonheur de revoir Mickey Rourke qui était alors mon idole.

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Le dernier film de Miguel Gomes, Prix de la Mise en Scène au dernier Cannes, et l'un des cinéastes les plus stimulants d'aujourd'hui, est magnifique, mais il y a quelque chose qui me dérange profondément. Le film raconte la fuite en avant d'un jeune Portugais, au début du 20e siècle, à travers de nombreux pays d'Asie, fuyant sa promise qui le rejoint et qu'il a finalement peur d'épouser, traversant l'exotisme luxuriant de nombreux pays. On raconte (je n'ai pas tellement envie d'aller lire là-dessus car in fine seul le film compte) que Gomes a tourné ce film en partie durant le Covid, et qu'il aurait tourné certaines scènes en Asie à distance, dirigeant ses équipes depuis chez lui. Ca ne me gène pas en soi, on tourne son film comme on le désire, ou comme on le peut. Ce qui me pose souci en revanche, c'est au niveau du résultat : lui n'est peut-être pas allé en Asie, mais ses personnages non plus. Toutes les scènes avec personnages, donc celles qui font avancer l'action, celles où c'est dialogué, sont tournées en studio. Et les scènes en Asie, avec des décors absolument sublimes, une promesse d'évasion qui est tenue, sont réduites à des scènes documentaires, sans personnages et sans enjeu dramatique. Gomes a l'intelligence de créer un vrai décalage en tournant des scènes contemporaines, et de jouer perpétuellement sur le décalage et l'anachronisme, et la plupart de ces scènes sont sublimes graphiquement, mais il y a au final un truc qui sonne creux. Comme s'il avait assemblé deux films en un, mais que jamais ces deux parties ne communiquent. Bon, j'ai tout de même beaucoup aimé le film, mais ce souci est majeur.
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Je ne sais pas si c'est une simple coïncidence ou tout simplement le manque d'imagination des directeurs de casting, mais le dernier film d'André Téchiné présente le même duo d'actrices que le dernier Patricia Mazuy. Qui plus est dans des rôles assez identiques et des situations scénaristiques assez proches. Ici, Huppert joue une flic, dont le conjoint, flic aussi, s'est suicidé à cause de ses conditions de travail. Après quelques mois d'HP, elle se remet doucement à vivre, et sympathise avec le jeune couple qui vient de s'installer dans la maison voisine. Or, le mec est un black block radical, casseur de flics de premier ordre. Comment les deux vont-ils réagir quand la vérité va éclater ? Je n'avais pas du tout aimé le Mazuy que je trouve complètement raté. Le Téchiné est un tout petit peu mieux à mes yeux, mais putain que c'est pantouflard. Le scénario est surécrit (bon, on n'est pas au pire de sa carrière, au moment où il coécrivait avec Sciamma, mais c'est à peine mieux), tout semble téléphoné, et c'est surtout le message sous-jacent qui est consternant de premier degré : les flics y en a des biens, les casseurs y en a des biens, et ptête même qu'ils peuvent s'entendre... Au secours... Bon, le film est très court, et Huppert, qui ne joue plus depuis bien 10 ans et se contente d'être Huppert dans un film de..., s'en sort plutôt honorablement ici. Ce que j'ai aimé surtout, car le film a quand même quelques qualités, c'est la façon dont Techiné sait filmer les banlieues pavillonnaires. Il s'y attarde, et sait leur donner vie.
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groil_groil a écrit : dim. 8 déc. 2024 09:45

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... mais il y a au final un truc qui sonne creux. Comme s'il avait assemblé deux films en un, mais que jamais ces deux parties ne communiquent. Bon, j'ai tout de même beaucoup aimé le film, mais ce souci est majeur.
A mon humble avis, il ne devait pas à 'rajouter' ce qui était filmé en Asie. Cela aurait donné un film tourné uniquement en studio, aussi magnifique que Independencia du philippin Raya Martin

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sokol a écrit : lun. 9 déc. 2024 16:53
groil_groil a écrit : dim. 8 déc. 2024 09:45

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... mais il y a au final un truc qui sonne creux. Comme s'il avait assemblé deux films en un, mais que jamais ces deux parties ne communiquent. Bon, j'ai tout de même beaucoup aimé le film, mais ce souci est majeur.
A mon humble avis, il ne devait pas à 'rajouter' ce qui était filmé en Asie. Cela aurait donné un film tourné uniquement en studio, aussi magnifique que Independencia du philippin Raya Martin

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Oui et ça ressemblerait aussi à un film de Manoel de Oliveira. Et parrallèlement j'ai aussi pensé durant la séance qu'il aurait pu aussi faire un film uniquement avec les images d'Asie. En fait, il aurait du faire deux films, c'est le mélange qui ne va pas.
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sokol
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groil_groil a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:15 Oui et ça ressemblerait aussi à un film de Manoel de Oliveira.
Bien vu ! C'est vraiment lui la figure tutélaire. De surcroit, portugais.
groil_groil a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:15Et parallèlement j'ai aussi pensé durant la séance qu'il aurait pu aussi faire un film uniquement avec les images d'Asie.
Et ça aurait donné "News from home"

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yhi
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C'est bizarre parce que c'est quand même intrinsèque au cinéma de Gomes de mélanger des aspects très fictionnels avec du purement documentaire.
J'en ai pas un grand souvenir, mais le film de pur studio il l'a déjà fait non, c'est Tabou ?
La on peut critiquer la simple juxtaposition (alors que dans un film comme les 1001 nuits ces deux aspects docu/fictions sont bien plus entremêlés) mais pour moi ça donne un film encore plus ouvert. C'est au spectateur de faire ses propres ponts et de relier les points comme bon lui semble. Peut être même presque trop ouvert et déstabilisant par moments. Ça m'étonne d'ailleurs qu'il ait eu les honneurs de la compétition cannoise tellement le film est peu guidé.
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sokol a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:32
groil_groil a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:15 Oui et ça ressemblerait aussi à un film de Manoel de Oliveira.
Bien vu ! C'est vraiment lui la figure tutélaire. De surcroit, portugais.
groil_groil a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:15Et parallèlement j'ai aussi pensé durant la séance qu'il aurait pu aussi faire un film uniquement avec les images d'Asie.
Et ça aurait donné "News from home"

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Exactement.
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yhi a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:42 C'est bizarre parce que c'est quand même intrinsèque au cinéma de Gomes de mélanger des aspects très fictionnels avec du purement documentaire.
J'en ai pas un grand souvenir, mais le film de pur studio il l'a déjà fait non, c'est Tabou ?
La on peut critiquer la simple juxtaposition (alors que dans un film comme les 1001 nuits ces deux aspects docu/fictions sont bien plus entremêlés) mais pour moi ça donne un film encore plus ouvert. C'est au spectateur de faire ses propres ponts et de relier les points comme bon lui semble. Peut être même presque trop ouvert et déstabilisant par moments. Ça m'étonne d'ailleurs qu'il ait eu les honneurs de la compétition cannoise tellement le film est peu guidé.
Oui bien sûr ce n'est pas nouveau, mais ce qui est nouveau ici c'est que ça ne marche pas, et qu'il ne parvient pas à briser la frontière entre les deux, il n'y a aucune perméabilité et du coup on ne voit que le mécanisme du film.
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groil_groil a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:48 et du coup on ne voit que le mécanisme du film.
:jap:
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yhi a écrit : mar. 10 déc. 2024 09:42 Ça m'étonne d'ailleurs qu'il ait eu les honneurs de la compétition cannoise tellement le film est peu guidé.
Il n'est pas si "peu guidé" que ça ;) : il fait sérieux (oh que oui !), exotique (Cannes adore ça : tiens, un autre exemple , le film de l'indienne Kapadia qui est d'une médiocrité ahurissante (perso, je l'ai trouvé nul) : on a tellement répété que ça faisait des lustres qu'on n'avait pas eu un film hindou en compétition à Cannes qu'on a fait tout un plat ! - et je n'évoque même pas qu'il s'agit d'une production 100% française.

Donc, Cannes n''est presque plus un festival international mais un festival franco-"international", ce qui montre bien l'état appauvri de ce qu'on appelle cinéma d'auteur : seul quelques pays comme la France tiennent encore donc, on fait des films français, niveau de la production, en mettant un petit verni international (indien, vietnamien, iranien, et j'en passe). Donc, avoir les honneurs de la compétition cannoise, comme tu dis, c'est très simple : il suffi de' rentrer dans les critères cité ci-dessus
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yhi
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Grand tour déjoue l'exotisme justement je trouve.

Et concernant le cinéma indien (ou le cinéma du monde en général), ça n'a rien de nouveau. Que ça soit Le fleuve de Renoir ou les films de Satyajit Ray on a toujours eu le droit à du cinéma "à la française" tourné en Inde. Ça n'est pas toujours forcément corrélé a un regard "exotique" il me semble.

Si les films viennent se produire en France c'est parce que l'argent est là aussi.
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sokol
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yhi a écrit : mar. 10 déc. 2024 11:45 Que ça soit Le fleuve de Renoir ou les films de Satyajit Ray on a toujours eu le droit à du cinéma "à la française" tourné en Inde.
Que je sache, Satyajit Ray ne finançait pas ses films (des succès populaires en Inde, d'ailleurs !) par la France,

yhi a écrit : mar. 10 déc. 2024 11:45 Si les films viennent se produire en France c'est parce que l'argent est là aussi.
Je l'ai dit moi même :
sokol a écrit : mar. 10 déc. 2024 10:26 seul quelques pays comme la France tiennent encore
heureusement d'ailleurs. malgré les conséquences...
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Tamponn Destartinn
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Pour pouvoir jouer à une console de jeu (volée), trois enfants partent en quête des ingrédients pour faire une tarte à leur mère, qui acceptera alors de leur donner le code parental bloquant l'accès à la télé. Un point de départ très cartésien et contemporain, mais trompeur car le film est avant tout un conte enfantin réinventé avec une gourmandise folle. Même le basculement du récit, quand ils se retrouvent malgré eux embarqués dans une histoire de braconniers armés et dangereux, ne changent rien à ce ton aussi doux et moelleux que les gâteaux qui attendent les enfants dans leur demeure. L'emploi du 16mm donne à l'image le cachet parfait pour cela.
A rattraper de toute urgence avant de faire vos top 10, si vous voulez mon avis (c'est sur OCS et mycanal)

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Le début n'est pas loin d'être catastrophique, avec des dialogues pompeux et des situations surlignées et déjà vues (comme par exemple le psy...), sans que le film ne donne l'impression d'avoir plus à offrir. Et puis finalement si. Le récit bascule lors de retrouvailles ratées avec un ami d'enfance oublié (et qui le restera). Un retour du réel bienvenue surgit alors. La mort, aka le vrai sujet du film, n'est pas plus abordé frontalement dans ce qui suit, mais elle est "enfin" là, pesante, terrifiante et en même temps abordée comme seuls les condamnés savent le faire. Comme Bowie l'a fait dans son incroyable dernier album, aussi - je pense toujours à Bowie dans ces cas là. Bon, Filière n'est pas Bowie, mais je suis heureux que sa dernière oeuvre soit aussi forte malgré ce début poussif.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit : mar. 10 déc. 2024 15:03 Même le basculement du récit, quand ils se retrouvent malgré eux embarqués dans une histoire de braconniers armés et dangereux, ne changent rien à ce ton aussi doux et moelleux que les gâteaux qui attendent les enfants dans leur demeure.
:jap: :love: :jap: :love:

tu le dis si bien ! (je suis jaloux ;) )
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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Tamponn Destartinn
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sokol a écrit : mar. 10 déc. 2024 15:36
Tamponn Destartinn a écrit : mar. 10 déc. 2024 15:03 Même le basculement du récit, quand ils se retrouvent malgré eux embarqués dans une histoire de braconniers armés et dangereux, ne changent rien à ce ton aussi doux et moelleux que les gâteaux qui attendent les enfants dans leur demeure.
:jap: :love: :jap: :love:

tu le dis si bien ! (je suis jaloux ;) )
Merci !
même si c'est "ne changE rien" au singulier, évidemment. Faut que j'arrête de publier sans bien me relire :D
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groil_groil
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Tout simplement époustouflant ! 7h30 de bonheur total, et surtout d'innovation, techniques certes, mais surtout de mise en scène, c'est sidérant de voir le nombre de trucs inventés sur ce film, avec des années d'avance. C'est un film à l'ampleur pharaonique même si on peut être frustré de ne voir que le début (Gance avait prévu de faire 8 films sur Napoléon) et cette longue version ne comprend que les deux premiers initialement prévus. On s'arrête donc à la campagne d'Italie, c'est à dire au tout début de la carrière militaire de Bonaparte, et on imagine ce qu'aurait pu faire Gance de la suite... Les scènes qui m'ont le plus marquées sont celle de la bataille de boules de neige initiale, celle de la Marseillaise, celle de son petit bateau qui affronte le tempête, et puis bien évidemment la grande scène finale en tryptique, projetée sur trois écrans, et très bien rendue dans sa version TV. Les responsables de la restauration ont eu l'idée géniale de réduire petit à petit la taille de l'écran initial pendant les 10mn précédent l'arrivée du tryptique, de manière si lente qu'il faut un moment pour que le spectateur s'en rende compte. Une fois réduit, les deux écrans de gauche et de droite apparaissent et laissent place à 30mn vraiment incroyables. Gance utilise souvent les 3 écrans pour ne former qu'une grande image panoramique (et en cela invente le panoramique et le cinémascope), sur des grandes scènes de batailles tournées visiblement avec 3 caméras mises côte à côte. C'est vraiment incroyable. Et parfois l'utilisation de ces trois écrans se fait plus expérimentale, répétant des images, les mixant l'une sur l'autre... pour s'achever sur une triple image bleue à gauche, sépia au centre et rouge à droite. ça ne sert à rien de décrire cela, il faut le voir pour réaliser l'ampleur de l'innovation, et sa réussite. L'autre réussite c'est celle de cette restauration extraordinaire et inédite. Je ne reviens pas là-dessus, mais c'est un travail aussi délirant que réussi.

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Un jeune escort-boy officiant à Monaco, s'accorde 15 jours de parenthèse, en allant vivre dans l'appartement cossu où vivent une jeune adolescente de 12 ans aux parents absents et richissimes, et sa baby-sitter d'origine slave, amie du jeune homme. Le nouveau film de Virgil Vernier est original et touchant, jouant sur un registre tout en retenue, avançant avec douceur et délicatesse, mais reste, je trouve, assez anecdotique au final, et moins novateur et intéressant que ses deux précédents.

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Film de propagation de virus animal, qui prend tout son sens post-covid, grosse prod hollywoodienne avec tous les raccourcis nécessaires, mais dans laquelle on marche facilement si tant est qu'on ait envie de ce genre de divertissement. C'est la seconde fois que je le vois, j'ai plus apprécié que lors de ma découverte, et il faut dire que c'est un peu du James Cameron du pauvre, là-aussi, le drame cache une comédie de remariage comme dans Abyss, cette fois entre Dustin Hoffmann et René Russo, mais cela reste un film de consommation tout à fait respectable et réussi.
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Tyra
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J'aime le film, mais c'est peut être davantage un joli film qu'un beau film. Plus pittoresque que drôle, plus charmant que merveilleux. L'impression aussi que le cinéaste pousse l'artificialité et la bricole à son maximum car il sait au fond de lui que le film ne prend pas totalement et qu'il ne peut pas prendre au sérieux son histoire comme dans Tabou.
Le film fonctionne plutôt par séquences, celle du diner sur le bateau par exemple, ou celle, très belle, de la gifle donnée à une des épouses dans la jungle. Par séquences il m'emporte donc, et reste quand même un des films les plus stimulants vus cette année.
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cyborg
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Prikosnoveniye (Le toucher) - Amanzhol Aituarov - 1989

Récit mythologique, proche de la fable, l'incroyable Le Toucher est une de mes plus surprenantes découvertes ces derniers temps. On y suit, dans un temps reculé, une jeune femme aveugle et un guerrier fuyard, parcourant la campagne kazakh à la recherche d'une terre promise. Après moult péripéties, une fois ce lieu retrouvé, c'est la vue qui sera recouvrée. Mais pour un temps seulement, le sort en ayant décidé autrement... Il est toujours question ici de vision et d'amour, de destin et de quête... le passé le plus lointain semblant inextricablement liée au présent, comme le laisse entendre les brèves scènes contemporaines qui ouvrent et ferment le film.

Durant le visionnage, dont les images alternent entre couleur et noir et blanc sans logique des plus évidente, on se met à songer aux quelques films ayant tenté de s'emparer des récits fondateurs et d'un temps ou les dieux peuplaient encore la terre : les Straub, Kanchana Sita de Govindan Aravindan ou peut-être même encore Albert Serra, tendance Le Chant des Oiseaux. Amanzhol Aituarov fait quelque chose qui est tout ceci à la fois, mais surtout de complètement personnel, porté par un folklore moyen-ageux s'inscrivant dans des paysages magnifiques composées de steppes infinies et de falaises sublimes. Ce film extrêmement méconnu semble être passé sous les radars même pour les plus avertis, du moins si l'on en croit le peu d'information et de commentaire trouvables sur internet. Espérons qu'il puisse retrouver le chemin des écrans un jour ou l'autre...


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Gomes signe ici ce qui pourrait être l'alliance entre deux brins de sa filmographie : d'une part l'évocation plus ou moins romantique d'un passé colonial déchu (Tabou), et de l'autre son intérêt pour l'art de la fable et du conte, dans une tradition populaire multiforme et créative (Les 1001 Nuits). Le plus beau ici étant qu'il nous narre exactement la même histoire deux fois, celles ci n'étant pas portés par deux points de vue différents mais par deux dynamiques différentes : la fuite pour l'un, la poursuite pour l'autre.

Brouillant les pistes et les évocations, apparaissent des images contemporaines des lieux traversés par les deux protagonistes, restant eux bien au chaud sur des décors de plateaux qui s'affichent pleinement comme tel, jusqu'à la scène finale magnifique. La polémique d'un réalisateur qui n'aurait pas réalisé de lui-même une partie des images "contemporaines" me parait bien vaine. J'avoue n'en avoir rien lu d'autre que ce qui en fut dit ici, mais je crois que cela ne me rend que le film encore plus sympathique. Il ne faut pas oublier que Gomes ouvrait déjà les 1001 Nuits en actant la fuite conceptuelle du réalisateur pour laisser le film se faire de lui même... Cette mise en application du geste me parait donc particulièrement juste, quel qu'en soit les raisons. Mais elle est aussi porteuse de sens, quant au dessin que le film fait de notre imaginaire colonial et post-colonial européen, et dressant de la sorte définitivement le cinéma comme art fantomachique par excellence.
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Les Reines du Drame fait feu de tout-bois pour un film qui oscille entre fan-service et porte-drapeau. Mon rapport au film est particulièrement ambigu, me sentant extrêmement loin de l'esthétique dépeinte, mais étant pile du bon âge pour l'avoir à peu près vécu au même age que les protagonistes de l'histoire. Si dans l'ensemble mes yeux pleurent du sang, je m'amuse tout de même beaucoup à voir ce gloubi-boulga mélangeant les références à la TV-réalité crasse, au fandom-Britney Spears, au Chant d'Amour de Jean Genet et à l'énergie de Brian De Palma (l'hystérie des foules du Fantôme de l'Opéra, l'utilisation du double-focus etc...), venant détourner la lutte des styles (Billie Kohler-Rebeka Warrior vs Mimimadamour/Lolita-Farmer) en turbo-lutte des classes réduite en miette par la toute puissance du star-système et de la société du spectacle. Que l'ensemble soit réalisé avec une telle ténacité premier degré, et sans flancher jusqu'au bout !, finit par imposer le respect, me rendant l'ouvrage plutôt sympathique.



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Bien que doté d'une cinématographie à tomber à la renverse, L'Arbre aux Papillons d'Or fini malheureusement par ressembler bien vite à un best-of de tout ce qui pourrait constituer un idéal du cinéma d'Asie du Sud-Est contemporain, et du cinéma d'auteur dans son ensemble, le réalisateur ne se gênant pas pour en convoquer d'autres ouvertement tel que Tarkoski, Bela Tarr ou Bill Viola...

On pourrait faire une liste de nom d'auteurs longue comme le bras sans trop se forcer mais c'est surtout à Bi Gan (ok pas que "du Sud-Est", donc) que l'on songe, adoptant lui aussi le temps comme sujet central, avec un variante ici pour la crise mystique. Mais si toutes les images finissent par ressembler à d'autres, on commence également à se demander si ce fameux "mysticisme" n"est pas lui aussi un peu préfabriqué et forcé sur pièce... Les quelques dialogues, qui enfilent des perles à ne plus quoi savoir en faire, ne nous rassurent pas beaucoup non plus sur la question. La longueur et lenteur du film en elle-même fini par friser la parodie. Sans être déplaisant, le résultat à néanmoins le même gout qu'un plat surgelé prêt à rassasier sagement les yeux et les âmes des cinéphiles de la planète.
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cyborg a écrit : lun. 16 déc. 2024 20:51 Sans être déplaisant, le résultat a néanmoins le même gout qu'un plat surgelé prêt à rassasier sagement les yeux et les âmes des cinéphiles de la planète.
:lol: ce sens de la formule.
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cyborg a écrit : lun. 16 déc. 2024 19:51 La polémique d'un réalisateur qui n'aurait pas réalisé de lui-même une partie des images "contemporaines" me parait bien vaine. J'avoue n'en avoir rien lu d'autre que ce qui en fut dit ici, mais je crois que cela ne me rend que le film encore plus sympathique.
Sauf que toi, tu as lu d'abord ce qui a été dit ici (c'est moi qui a évoqué en premier cela) puis tu as vu le film. Or, quand je suis allé le voir, je ne savais rien de sa fabrication, je n'ai lu qu'après (ce qui m'a aidé à mieux comprendre pourquoi ces deux façons de filmage ne fonctionne pas pour moi).

ps: qu'il est de mauvaise foi ce Bégaudéau quad il s'y met : même s'il reconnait un certain dandysme de Gomes dans ce film, il ne s'attarde pas plus que ça et hop, il passe à autre chose (du blablabla pour défendre le film :D : https://soundcloud.com/la-gene-occasion ... grand-tour)
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