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Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 11 mars 2025 19:10
par cyborg
@yhi ah oui ? Ok cool. En regardant sa filmo j'ai noté "Postcards from the zoo" dont le pitch m'intriguait. C'est un de ceux dont tu parles ?

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 11 mars 2025 21:20
par yhi
Blind pig who wants to fly et Postacrds from the zoo oui.
Du coup en fouillant, je découvre qu'il a fait un film Netflix l'an dernier aussi, que je n'ai pas vu lui par contre.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : ven. 14 mars 2025 10:07
par groil_groil
Kit a écrit : sam. 8 mars 2025 18:00
groil_groil a écrit : sam. 8 mars 2025 17:45
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James Whale réalise ici un autoremake de son film Le Baiser devant le Miroir. C'est un bon film, mais moins réussi que l'original toutefois. Je connais peu de cas de cinéastes qui s'autoremakent dans l'histoire du cinéma. Comme ça je pense à Hitchcock et ses deux Homme qui en savait trop, ainsi que George Sluizer avec L'Homme qui voulait savoir puis La Disparue, mais c'est tout. Si vous avez d'autres exemples, je suis preneur.
https://www.topito.com/top-realisateurs ... pres-films
Merci. Topito ! je les avais oubliés ceux-là :D

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : ven. 14 mars 2025 10:17
par groil_groil
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4 couples, pour 3 histoires indépendantes, mais entremêlées, dans un hôtel, au moment de la Cérémonie des Oscar. Une fantaisie agréable, que j'avais déjà vue, adaptée d'une pièce de théâtre, ça se voit trop, même si Ross fait tout pour aérer un peu, et servi par un casting d'ampleur.

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Du early Del Toro dans lequel il fait déjà passer toute sa passion du cinéma de genre. C'est honnête comme film de divertissement mais ça manque d'incarnation, ce qui fait que je l'ai déjà oublié quelques jours plus tard.

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Deux petits truands condamnés en France sont obligés de rester à Alger et relancent leurs petits trafics. Mais Omar tombe amoureux. Est-ce compatible ? Pas génial, mais très agréable, j'aime comme Alger est filmé, le scénar qui n'est pas trop con et qui sort un peu des sentiers battus, et le duo d'acteurs fonctionne très bien.

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J'ai découvert ce film récemment et c'est déjà la 4ème fois que je vois en 4 ans. Chef-d'oeuvre absolu, sorte de croisement improbable entre Voyage en Italie et Profession Reporter, je ne sais comment décrire ce film qui comme aucun autre me donne la sensation de voyager avec les personnages. Il me fascine. Et qui plus est, j'ai rarement vu une photo aussi belle, chaque plan étant absolument sublime, surtout les extérieurs évidemment, et il n'y a quasiment que ça. Je pourrai le revoir demain.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : ven. 14 mars 2025 10:40
par BoBleMexicain
groil_groil a écrit : ven. 14 mars 2025 10:17

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J'ai découvert ce film récemment et c'est déjà la 4ème fois que je vois en 4 ans. Chef-d'oeuvre absolu, sorte de croisement improbable entre Voyage en Italie et Profession Reporter, je ne sais comment décrire ce film qui comme aucun autre me donne la sensation de voyager avec les personnages. Il me fascine. Et qui plus est, j'ai rarement vu une photo aussi belle, chaque plan étant absolument sublime, surtout les extérieurs évidemment, et il n'y a quasiment que ça. Je pourrai le revoir demain.
Vittorio Storaro directeur photographie , il a fait quasi tous les films de Bertolucci (oscar pour dernier empereur ) et trois ou quatre films de Copolla
Oscar pour Apocalypse now
on a pas affaire aun manchot :jap:
sa vie c 'est cinema paradisio , son père était projo quand il avait onze ans )

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 17 mars 2025 11:07
par Tamponn Destartinn
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Bonjour l'asile - Judith Davis

Le film brasse beaucoup de thématiques actuelles avec un humour acerbe qui vise constamment pile où il faut. L'idée est essentiellement de suivre trois crises existentielles de quarantenaires fatigués. Une mère en burn out de charge mentale malgré sa nouvelle vie à la campagne dans une maison en autosuffisance, avec son mari gentil mais très lâche, beau miroir pour tous les papas déconstruits mais trop de notre époque. Un gros bourge, en vérité transfuge de classe, qui cherche à écraser les autres pour maintenir sa domination, mais le stress et la peur de ne pas y arriver le font tellement somatiser qu'il en pisse du sang sans pouvoir en parler à sa femme pour le coup bien née. Et enfin, une militante gauchiste workaholic qui en a marre de voir tous ses proches changer pour se complaire dans une vie de famille nucléaire, car ce n'est pas parce qu'elle ne veut pas d'enfant ni de mec qu'elle a signé pour se retrouver totalement seule. La première est géniale, le film n'aurait pu tourner qu'autour d'elle, ça aurait été déjà très bien. Le second m'a fait peur au début tant il parait hystérique, mais finalement son étonnante évolution le rend bizarrement touchant, jusqu'à une scène de thérapie entre mecs absolument hilarante. Le bât blesse plutôt sur le 3eme personnage plus faible, alors que son point de départ m'intéressait tout autant, et fait d'autant plus surprenant : elle est jouée par la réalisatrice du film ! Qui d'ailleurs ressemble - je trouve - à Liv Tyler quarantenaire sans chirurgie, je suis assez surpris de ne la découvrir que maintenant. Mais bref, en l'occurence le talent de Judith Davis explose dans la mise en scène de toutes ces situations qui se marient parfaitement bien, allant dans tous les sens sans jamais trop se perdre. Chapeau l'artiste.

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Mickey 17 - Bong Joon-ho

Pour le coup, le film brasse lui aussi plein de thématiques... mais il les bâcle à peu près toutes. La faute notamment à un troisième acte qui casse un peu trop vite une nouvelle situation qui commençait à peine à démarrer, tout ça pour viser un climax orienté action assez peu efficace malgré le talent habituel du réalisateur sur ce point. Mais c'est dommage, parce que je trouve la proposition initiale vachement jouissive. L'univers proposé est aussi original que très actuel, au point où j'aurai pu y rester avec plaisir plus longtemps si le récit avait été mieux maitrisé. En vrai, désolé pour la suite de ma phrase, mais ça aurait pu être une putain de bonne série ! Bref, en me contentant de ce qu'on me donne, on est dans du Bong Joon-ho niveau Okja, c'est à dire une farce très clownesque et gros sabots, ce qui confirme qu'il prend un peu ses films américains comme des cours de récréation sans trop d'importance, où le tout est de s'amuser. (et je rappelle que Snowpiercer est techniquement un film européen, donc il n'est pas vraiment concerné par cette description !) Mais comme Okja, ça reste majoritairement bien mieux que la plupart des autres blockbusters US du moment. Ici, j'ai particulièrement apprécié comment la structure très classique du scénario (1ère scène flash forward, voix off omniprésente, intro longue mais efficace sur comment il en est arrivé à la situation de la 1ère scène...) ne donne jamais trop d'impression de déjà vu. Par exemple, l'histoire d'amour du film est très réussi, et ce jusqu'au bout. Le personnage de Nasha est super bien campé et régulièrement surprenante dans sa façon de gérer les situations nouvelles face à elle. Elle est le vrai coeur du film et celle qui permet de se rappeler qu'on est toujours chez Bong Joon-ho et que c'est une bonne nouvelle. (Pattison, Ruffalo et Colette jouent aussi des personnages typique du réal, mais plus en mode automatique, on va pas se mentir)
Bref, je défends le film malgré ses défauts évidents. Qu'est-ce que tu vas faire ? :D

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 17 mars 2025 12:21
par sokol
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 17 mars 2025 11:07 Le bât blesse plutôt sur le 3eme personnage plus faible, alors que son point de départ m'intéressait tout autant, et fait d'autant plus surprenant : elle est jouée par la réalisatrice du film !
à mon humble opinion, il ne fallait pas qu'elle joue dans son propre film. Et ce personnage, peut être, aurait été sauvé

Comme je disais dans le petit commentaire accompagnant ma liste, il aurait fallu qu'il y ait mort d'homme dans ce film car, finalement, il est mou. Car, les maladies (mentales ou autres), dans ce cas, ont bon dos (c'est facile quoi...)

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Posté : lun. 17 mars 2025 14:22
par groil_groil
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Difficile d'imaginer un pitch plus WTF : un restaurateur de bord de mer, en quasi faillite, alcoolo, s'est fait larguer par sa femme, est fâché avec son grand fils (lui aussi cuistot), fan de voile, il décide de participer au Vendée Globe via le jeu Virtual Regatta, comme des dizaines de milliers de joueurs. Sauf que lui, à cause sans doute de l'alcool et de son sentiment de rejet par les membres de sa famille (il reste néanmoins proche de son père, touchant Pierre Richard, et de sa jeune fille), décide de le faire dans les conditions du réel. Il a une petite coque de noix qui ne sert plus au fond de son jardin (il navigue plus suite à un trauma perso), et il abandonne tout, fille, père, restau, factures, responsabilités, pour aller s'enfermer plus de 4 mois dans la minuscule soute de son minuscule bateau, avec des provisions, et un ordi pour jouer à Virtual Regatta en temps réel, durant toute la durée de la course réelle, ne communiquant avec sa famille que par visio... Cela pourrait donner un gros nanard, mais le film est beau et réussi, car Xavier Beauvois, cinéaste que j'ai toujours aimé et défendu, même si son oeuvre est moins personnelle ces dernières années, et qui fait une apparition très drôle, tient son truc de bout en bout et parvient à faire un film captivant. Evidemment, le perso va vivre une véritable métamorphose durant cette période, sortir de l'alcool, se rabibocher avec son fils, etc., mais tout ça est amené d'une manière pas trop conne et le film déroule sans le moindre effort. Belle prouesse. Seul bémol, Beauvois ne s'intéresse pas du tout à cours via Virtual Regatta, il se contente de montrer de temps en temps des images numériques du bateau, nous informant qu'il gagne des places peu à peu (je ne vous dis pas combien il termine), c'est vraiment dommage, il y avait tout un suspense à créer par ce biais, ce qui aurait rendu le film passionnant, mais il a choisi de s'en passer pour se concentrer sur le drame humain.

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James Bridges, comme toujours impeccable, joue un type qui se voit inculpé du meurtre de sa femme après que celle-ci a été assassinée. Il est défendu par une avocate (Glenn Close) de qui il se rapproche vite, et qui va tout mettre en oeuvre pour l'innocenter. Ce qui fait la valeur de ce thriller judiciaire tel que les années 90 en ont pondu des centaines, c'est qu'il date de 1985 et donc qu'il est arrivé parmi les premiers du genre. Bon, ce n'est pas Basic Instinct non plus, et le souci majeur c'est que comme on les a tous vus depuis, tous les ressorts dramatiques et les retournements de situations qui devaient scotcher à l'époque, sont ici systématiquement anticipés par le spectateur blasé.

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Un archéologue bougon mais doué, en fin de carrière qu'il a consacré entièrement à la recherche du trésor de la tombe de Khéops, découvre, en Egypte, que ce dernier aurait peut-être été ramené à Paris par Napoléon. Voici un revival français du grand film familial à l'ancienne. Film familial c'est à dire susceptible de plaire aussi bien aux enfants, aux parents, qu'aux vieux... Et le souci c'est que c'est un peu trop fait pour plaire aux vieux, ce qui donne au film un rendu assez pantouflard, et aux enfants, tout est facilement compréhensible, il n'y a rien de choquant, quelques gros mots tout au plus... ça c'est pour le côté mou du genou. Car en définitive le film m'a plu, amusé, et j'y vois plein de bonnes choses. Déjà ce retour au film d'aventure grand public à la française fait du bien, et au moins on évite le côté Indiana Jones du pauvre : il y a une blague dès le début là-dessus, et on sait que le film n'essaiera pas de jouer à ça, c'est déjà ça. Non, le film m'a plus fait penser à un album de Tintin, de la grande aventure ligne claire, premier degré, un peu comme Pascal Thomas avait pu en faire avec le duo Dussollier / Frot, ou même Podalydès avec ses adaptations de Leroux. Et puis le film est généreux : quand ça se tourne en Egypte, on est vraiment en Egypte (très belle séquence générique d'ailleurs), les intérieurs des maisons / appartements sont crédibles et habités, la photo est travaillée, et le scénario est un enchainement certes ultra scolaire du type A + B = C mais toujours bien fichu et cohérent. Dans le genre, c'est 100 fois mieux que Da Vinci Code, livre et film confondus. Luchini est en roue libre, il luchinise à fond, il s'autorise même son imitation de Johnny, tu sens que la cinéaste n'a rien oser lui dire, mais il fait super bien le boulot et est plutôt amusant. Pour revenir à Tintin, et sans que je ne dévoile la fin, le film s'achève sur un clin d'oeil direct à l'oeuvre d'Hergé, ce qui précise définitivement les intentions de Barbara Schulz, et elles sont plutôt, bien que modestement, louables.

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De nos jours, un couple de gentils losers, se remet à enquêter sur le Zodiac, célèbre serial killer jamais identifié, et s'aperçoit que celui-ci est encore vivant, redevenu actif, et se rapproche dangereusement d'eux au fil de leur enquête. La première scène fait flipper car elle reprend quasi à l'identique, avec beaucoup moins de talent, la scène inaugurale du Zodiac de Fincher. Dieu merci, le film change de braquet dès après le générique pour se dérouler à l'époque contemporaine et ne jamais revenir dans le passé. Le film n'est pas bon, victime de son époque, de son budget, de ses acteurs (le héros est un BG d'Urgences), mais tient quand même suffisamment la route pour être vu jusqu'au bout. De la pure conso, rien de plus.

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J'apprécie le cinéma d'Amat Escalante (je tiens La Région Sauvage pour un chef-d'oeuvre) et je n'avais encore jamais vu Los Bastardos, sorti en 2009. Je ne connaissais rien du film avant de le voir, aussi je ne raconterai rien de narratif ici pour ne pas cacher cet effet de surprise, tant j'ai ressenti le film comme un choc, esthétique, certes, mais moral encore plus. Grosse baffe dans la gueule qui n'épargne personne, et qui dresse un constat terrible des immigrés mexicains (Escalante est Mexicain pour rappel) travaillant aux USA, ainsi que de la population américaine. En fait, je ne pense pas qu'il dresse de constat, je dis une connerie, il se contente de filmer des gens sans jamais faire de généralités, par le biais de longs plans séquences qui n'en finissent pas et qui mettent tellement mal à l'aise, et il les fait se confronter, et cette confrontation ne peut que mal se passer. Je pense que par ce film, Escalante veut dire que la violence est partout et inhérente à toute tentative de prise de contact à partir du moment où elle est la résultante de gouvernements qui la désirent et qui l'entretiennent. C'est redoutable, difficilement supportable, mais vraiment très fort.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 17 mars 2025 14:26
par Tamponn Destartinn
sokol a écrit : lun. 17 mars 2025 12:21
Comme je disais dans le petit commentaire accompagnant ma liste, il aurait fallu qu'il y ait mort d'homme dans ce film car, finalement, il est mou. Car, les maladies (mentales ou autres), dans ce cas, ont bon dos (c'est facile quoi...)

Je t'avoue, je ne comprends pas l'idée. Par exemple, pour toi, le film serait autre si jamais dans l'une des dernières scènes de confrontation (soit les flics qui rubalisent le batiment, soit l'intervention des gens de HP lors du gala à la fin) ça aurait abouti à un mort ? J'ai pas la vision.
Après, je ne comprends pas non plus l'idée de dire que le film est mou, donc bon :D

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 17 mars 2025 15:36
par sokol
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 17 mars 2025 14:26 Je t'avoue, je ne comprends pas l'idée. Par exemple, pour toi, le film serait autre si jamais dans l'une des dernières scènes de confrontation (soit les flics qui rubalisent le batiment, soit l'intervention des gens de HP lors du gala à la fin) ça aurait abouti à un mort ? J'ai pas la vision.
Après, je ne comprends pas non plus l'idée de dire que le film est mou, donc bon :D
Qu'il s’agit d'une comédie, loufoque de surcroit, je n'ai rien contre mais, elle se veut politique aussi non ? Or, on a l'impression que la médecine (la psychiatrie ou pas) reste quasiment le seul horizon.
Quand je dis qu'il fallait avoir, peut être, des "mort-d'homme", ce n'est pas à moi de le proposer à tel ou tel niveau du scénario (puis, je le dis plutôt figurativement puisque la forme grammaticale "il y a mort d'homme" n'existe même pas) mais ceux qui pensent que c'est une comédie optimiste, se trompent car, selon moi, c'est plutôt une comédie légère (molle...)

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 17 mars 2025 20:02
par Tamponn Destartinn
sokol a écrit : lun. 17 mars 2025 15:36
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 17 mars 2025 14:26 Je t'avoue, je ne comprends pas l'idée. Par exemple, pour toi, le film serait autre si jamais dans l'une des dernières scènes de confrontation (soit les flics qui rubalisent le batiment, soit l'intervention des gens de HP lors du gala à la fin) ça aurait abouti à un mort ? J'ai pas la vision.
Après, je ne comprends pas non plus l'idée de dire que le film est mou, donc bon :D
Qu'il s’agit d'une comédie, loufoque de surcroit, je n'ai rien contre mais, elle se veut politique aussi non ? Or, on a l'impression que la médecine (la psychiatrie ou pas) reste quasiment le seul horizon.
Quand je dis qu'il fallait avoir, peut être, des "mort-d'homme", ce n'est pas à moi de le proposer à tel ou tel niveau du scénario (puis, je le dis plutôt figurativement puisque la forme grammaticale "il y a mort d'homme" n'existe même pas) mais ceux qui pensent que c'est une comédie optimiste, se trompent car, selon moi, c'est plutôt une comédie légère (molle...)
Je comprends mieux ta critique, mais je ne la partage pas.
C'est une comédie qui assume le poids de ses thématiques au point même d'être très frontale sur la fin : les deux personnages principaux quittent leur conjoint et leur vie pour enfin être heureux. Je ne sais pas si c'est optimiste ou pessimiste, mais ce n'est pas léger, sans conséquence. Et très politique, en effet (évidemment, je ne parle pas du 3ème personnage, qui lui pour le coup n'évolue pas, mais comme je disais elle est le point faible du film)

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 18 mars 2025 09:26
par sokol
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 17 mars 2025 20:02 évidemment, je ne parle pas du 3ème personnage, qui lui pour le coup n'évolue pas, mais comme je disais elle est le point faible du film)
Justement (et je partage ton opinion), en quelque sorte, la faiblesse de ce personnage est le reflet de la faiblesse du film. Je pense que ce n'est pas un hasard qu'il soit joué par la réalisatrice : c'est comme si elle ne savait pas trop quoi faire et du coup, elle a joué le role, disons, central du film (puisqu'il commence avec elle).
Cela dit, c'est un film qui mérite largement d’être vu, la preuve, on en parle

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 18 mars 2025 13:47
par Tamponn Destartinn
sokol a écrit : mar. 18 mars 2025 09:26
Tamponn Destartinn a écrit : lun. 17 mars 2025 20:02 évidemment, je ne parle pas du 3ème personnage, qui lui pour le coup n'évolue pas, mais comme je disais elle est le point faible du film)
Justement (et je partage ton opinion), en quelque sorte, la faiblesse de ce personnage est le reflet de la faiblesse du film. Je pense que ce n'est pas un hasard qu'il soit joué par la réalisatrice : c'est comme si elle ne savait pas trop quoi faire et du coup, elle a joué le role, disons, central du film (puisqu'il commence avec elle).
Cela dit, c'est un film qui mérite largement d’être vu, la preuve, on en parle
On croit qu'il est central pour les deux raisons que tu évoques (c'est la réal+on commence sur elle) mais finalement elle ne l'est pas du tout.
C'est ce qui fait que cette faiblesse est largement pardonnable selon moi ! Car ça aurait été justement un problème si le personnage cherchait à s'imposer tout du long du film sans prendre, au moins on assume que les deux autres personnages principaux sont bien plus intéressant et on ne perd plus de temps.

Bref, oui le film est imparfait (je dirai qu'il est réussi au 2/3, dans le sens 2 récits sur 3 sont géniaux), mais ça reste le film du moment pour moi !

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 20 mars 2025 13:54
par groil_groil
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Un tueur à gages recherche sa femme mystérieusement et subitement disparue tout en continuant son travail et commence à voir un lien entre les deux... Grosse découverte que ce film majeur et pourtant inédit en France, Thriller mental hyper lent et absolument sublime esthétiquement, qui aurait tout à fait pu être écrit par Jean-Claude Carrière ou Tonino Guerra et dont la mise en scène évoque plus souvent Antonioni, Duras ou le Bertolucci du Conformiste que les thrillers américains de l'époque. Le genre de film à revoir sans cesse et à redécouvrir à chaque fois.

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C'est pour moi (je crois que je ne suis pas le seul) et de loin, l'un des meilleurs Coen. Le revoir me conforte dans cette opinion, même si le début met un peu de temps à convaincre et même si l'image de ce nouveau bluray est à mon goût un peu trop saturée et contrastée, et même si je regrette de l'avoir revu un soir où j'étais si fatigué que je pense ne pas en avoir profité au maximum. Ce n'est pas grave, car ça m'a donné envie d'encore le creuser et m'a conforté dans mes convictions : c'est un film abyssal, avec plein de niveaux de lectures différents malgré une apparente simplicité de récit, dont la profondeur est sans fin.

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Un jeune homme à peine majeur, champion de gymnastique scolaire, et vivant parfaitement épanoui en famille, rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux. On le comprend, c'est la belle Karen Allen. Après une soirée, il accepte de passer trois jours dans la communauté où vit la jeune femme. Il se rend vite compte qu'il vient d'atterrir dans une secte et très vite réalisera qu'il en est devenu prisonnier et ne pourra plus s'enfuir. Très vite, il devient adepte de cette secte, vouant un culte à son gourou. Les parents tentent de l'en extraire, mais sans succès. Ils sont alors contactés par un étrange bonhomme (joué par l'excellent James Woods) qui se propose moyennant finance de le kidnapper et de le sortir de l'emprise psychologique de la secte (il en a fait son métier). Les parents acceptent, l'enlèvement a lieu, mais le jeune homme reste sous emprise et la phase de réhabilitation forcée qui s'en suit est d'une violence sans nom, rappelant à bien des égards l'exorcisme du film de Friedkin. Je pense que c'est volontaire de la part de Kotcheff afin de montrer l'encrage diabolique dans lequel tombent ces jeunes gens. Kotcheff qui réalise ici un film magnifique, son meilleur avec Rambo à mes yeux, un film passionnant de bout en bout, et évidemment une violente dénonciation des sectes dans un pays où elles sont acceptées et bien souvent considérées comme des religions. A sa mise en scène toute en tension et en concision, ajoutons un casting exceptionnel avec notamment James Woods et Karen Allen que je citais plus haut, mais aussi Peter Fonda dans le rôle du gourou et le toujours génial Brian Dennehy dans le rôle du père.

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Biopic de la chanteuse de country Patsy Cline, chanteuse de country légendaire et influente mais dont la carrière fut très courte puisqu'elle mourut dans un accident d'avion à seulement 30 ans. Cette jeune femme qui s'est construite elle-même et ne doit son succès qu'à la beauté de sa voix et de ses chansons, formidablement interprétée par la géniale Jessica Lange, tout à fait convaincante en brune avec son fort accent, s'est sortie rapidement d'un premier mariage pour rencontrer un homme, qui deviendra son second époux. Interprété par Ed Harris, génial aussi comme toujours, celui-ci devenait violent dès qu'il buvait, et il buvait beaucoup... Ce qui n'empêchait pas une grande complicité entre les deux, et c'est cette relation amoureuse tumultueuse qui est le noyau dur du film, laissant parfois la carrière de la chanteuse de côté (même si la musique est omniprésente et qu'on l'entend beaucoup chanter). Comme Split Image que je chronique plus haut, c'est un autre grand film américain des 80's méconnu en France, et réalisé par l'excellent Karel Reisz, grand nom du nouvel Hollywood mais malheureusement souvent oublié des commémorations. A l'instar de Kotcheff, il serait bon de revenir sérieusement sur ces œuvres essentielles mais vraiment sous-considérées en France plutôt que de toujours honorer les deux / trois mêmes grands noms.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 20 mars 2025 22:48
par sokol
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Ah d’accord, quand Sorrentino fait un film intime et personnel, il fait du bon cinéma. Sinon, tout le reste, c’est megallo, debile et j’en passe.

Se trahir si connement, eh ben… :rofl:

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Posté : ven. 21 mars 2025 08:21
par groil_groil
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Magnum (oui, Tom Selleck s'appellera toujours Magnum, quoiqu'il fasse) est un écrivain de polar qui vient de connaitre un immense succès avec son roman et qui peine à trouver le sujet du suivant. Pour cela, il s'inspire de la vie réelle, et passe ses après-midi au tribunal dans l'espoir, en écoutant les auditions, d'y trouver une bonne idée. Et c'est alors qu'entre au tribunal, une jeune Roumaine d'une beauté sidérante. Celle-ci est accusée d'avoir tué un homme à coups de ciseaux. Magnum tombe totalement sous le charme, et décide d'en faire le sujet de son prochain livre. Persuadé de son innocence, il va même jusqu'à lui fournir un alibi, faux bien entendu, la faisant sortir de prison pour l'héberger chez lui. Il a donc la source de son nouveau livre sous la main, mais alors qu'il tombe évidemment amoureux d'elle, certains de ses comportements commencent à laisser planer le doute quant à son innocence... Le film est agréable à suivre mais Beresford hésite entre trop de genres, trop de tons, sans forcément en choisir un, notamment celui de la comédie sans que le film ne soit pour autant drôle, pour parvenir à intéresser sur la durée. Rien de honteux, mais on est à des années lumière de Tendre Bonheur, le chef-d'oeuvre du cinéaste.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : ven. 21 mars 2025 10:19
par Kit
groil_groil a écrit : ven. 21 mars 2025 08:21 Image

Magnum (oui, Tom Selleck s'appellera toujours Magnum, quoiqu'il fasse) est un écrivain de polar qui vient de connaitre un immense succès avec son roman et qui peine à trouver le sujet du suivant. Pour cela, il s'inspire de la vie réelle, et passe ses après-midi au tribunal dans l'espoir, en écoutant les auditions, d'y trouver une bonne idée. Et c'est alors qu'entre au tribunal, une jeune Roumaine d'une beauté sidérante. Celle-ci est accusée d'avoir tué un homme à coups de ciseaux. Magnum tombe totalement sous le charme, et décide d'en faire le sujet de son prochain livre. Persuadé de son innocence, il va même jusqu'à lui fournir un alibi, faux bien entendu, la faisant sortir de prison pour l'héberger chez lui. Il a donc la source de son nouveau livre sous la main, mais alors qu'il tombe évidemment amoureux d'elle, certains de ses comportements commencent à laisser planer le doute quant à son innocence... Le film est agréable à suivre mais Beresford hésite entre trop de genres, trop de tons, sans forcément en choisir un, notamment celui de la comédie sans que le film ne soit pour autant drôle, pour parvenir à intéresser sur la durée. Rien de honteux, mais on est à des années lumière de Tendre Bonheur, le chef-d'oeuvre du cinéaste.
je ne l'ai vu qu'une fois, lors de sa sortie au cinoche, je l'avais bien aimé et Paulina :love:
ayant vu tous les épisodes de Blue Bloods, pour moi Tom Selleck serait plutôt devenu Frank Reagan :D , je l'avais bien aimé dans Runaway : L'Évadé du futur

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : ven. 21 mars 2025 13:18
par cyborg
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Meredith Monk, figure magnifiquement singulière de la musique contemporaine, trouve une part de sa force dans l'indéfinition des champs qu'elle convoque. Lorsque nous l'écoutons somme nous plongés dans la musique minimaliste ou dans une musique hors du temps, faite de voix éthérées et de sonorités primitives ? Un peu des deux sans doute, mais nous sommes surtout ailleurs, dans un espace-temps qui n'appartient qu'à elle. C'est le même type d'approche que Monk déploie lorsqu'elle passe derrière la caméra avec ce qui sera son unique long-métrage : The Book of Days.
Si ses créations musicales sont ici omniprésentes, son film n'est fort heureusement jamais un clip. Il semble plutôt une sorte de questionnement sur l'origine de ces mystérieuses voix si caractéristiques de son travail : d’où viennent-elles, que nous disent-elles, comment s'inscrivent-elles entre nos passés et nos futurs ? Si le film est une reconstitution moyenâgeuse, il dialogue néanmoins sans cesse avec notre présent : par son ouverture et sa fermeture, mais surtout par sa façon d'aborder les personnages, qui discutent les uns à la suite des autres avec des interviewvers, dans une déconstruction très Peter Wakiniesienne. Parmi cette série de portraits, se détache celui d'une vieille femme, mutique, jouée par Monk elle-même. Alors qu'une maladie se propage, que des rafles ont lieux et que quelques spectacles de rues se déroulent, le cœur du film se révèle dans les souterrains de la ville, ou la vieille femme enseigne à une jeune enfant à entendre, à dessiner, à danser et surtout à voir par delà les temps et jusqu'aux agitations de notre époque. Et quand l'enfant enfin trace quelques traits, c'est pour qu'ils soient redécouvert comme des dessins pariétaux par des ouvriers... Convoquant la figure de la sorcière dans toute sa dimension politique et subversive, plusieurs décennies avant qu'elle ne devienne centrale de la pensée contemporaine, Meredith Monk nous offre ici une œuvre précieuse, toute en force et en délicatesse, ouverte à la résistance et aux chemins de traverses.


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Observateur aigu de la société et de ses mœurs, Chabrol livre avec Les Bonnes Femmes un film ayant un écho sidérant avec les luttes féministes contemporaines, tout en venant d'un temps où le MLF n'avait même pas encore vu le jour. Les termes sont sans doute anachroniques mais rarement ai-je eu l'impression de voir une charge si direct à l'encontre du patriarcat et d'une masculinité toxique qui s'ignore.
Le film pourrait tenir en une seule de ses images, un plan large de la boutique, où se tiennent immobiles toutes les actrices, coincés entre les produits ménagers "émancipateur de la femme" qu'elles doivent vendre. Le film ne s’arrête néanmoins pas à cette question du quotidien et de la consommation-modernité naissante en tirant deux autres fils rouges.
D'un côté la question du spectacle et du rôle que l'on endosse, passant du cabaret de strip-tease au music-hall où performe en secret l'une des vendeuses. De l'autre les animaux, que l'on va voir au zoo (là aussi un certain "spectacle" et une aliénation) mais surtout que l'on se retrouve à être symboliquement. Car sans même parler de la scène de la piscine ou l'on "noie presque" pour s'amuser, il ne faut pas oublier que le film s'ouvre et se clôt par une chasse. Tout d'abord depuis une voiture qui suit les jeunes femmes, puis au sein des bois où les bruits du meurtre par strangulation ressemblent à ceux d'une biche que l'on abat. Derrière la noirceur du portrait dressé il y a surtout une acuité sidérante de la place laissé aux femmes en ce début des années 60. Le scène finale de danse, heureusement, s'illumine d'une lueur d'espoir lancé par le regard d'une actrice fixant intensément, mais surtout effrontément, nous autres spectateurices.



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"Triple Assassinat dans le Suffolk", titre français que je découvre à peine et qui ne rend rien de la fascination que j'éprouvais depuis des années pour le titre originel. Si il y a bien sur la "noyade" dans ce "drowning", je ne peux m’empêcher d'aussi y entendre un presque "drawing", devenant une sorte de variante approximative du jeu pour enfant "dessiner par les points"/"connect-the-dot". Je pense qu'il y a un peu de ça dans cette manie de faire apparaitre à l'image les numéros les uns à la suite des autres et de composer sa mise en scène en plans fixes et en longs travellings nous conduisant de l'un à l'autre comme des traits de crayons .
Le problème de ce type de jeu est qu'il est rarement nécessaire de tracer tous les traits pour découvrir ce que nous sommes en train de dessiner. L'effet est un peu le même ici, renforcé par le choix de Greenaway pour une narration se répétant par trois fois. Cette forme de "conte", n'aboutit de surcroit à aucune surprise, morale ou appendice allégorique qui aurait pu faire dévier ce qui s’échafaudait depuis deux heures sous nos yeux. A quoi bon ?
Là ou je fus le plus surpris fut de découvrir un lointain précurseur du cinéma de Wes Anderson. Ou disons un lointain parent, comme deux cousins, l'un anglais et l'autre américain, avec toutes les variations culturelles et intellectuelles que cela engendre. Ainsi si Greenaway s'inspire de Constable, Anderson lui penche vers Hopper et tutti quanti. Et bien sur, ce qui m'agace chez Anderson (sa dimension éminemment mortifère) se retrouve aussi ici. Mais, je le crois, d'une façon beaucoup plus fondamentale et d'une façon beaucoup plus incarnée. Ici la mort n'est pas qu'une simple évocation, qu'une pose nostalgique et esthétisée, elle est matière même du film (l'omniprésence des plans-"nature morte" n'est pas anodin) et destination incontournable, qui est sans doute l'aveuglante clé principale de l’œuvre. Malgré l'ennuie poli qui m'a hanté durant le visionnage il me faut donc reconnaitre à ce film de Greenaway un bien plus grande honnêteté quant à ce qui le préoccupe que ne le pourra jamais faire Anderson.

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Posté : ven. 21 mars 2025 15:00
par yhi
cyborg a écrit : ven. 21 mars 2025 13:18 Ici la mort n'est pas qu'une simple évocation, qu'une pose nostalgique et esthétisée, elle est matière même du film
Oui les films de Greenaway ont cet aspect mortifère. Y contribuent les plans type tableaux figés, le fard des personnages dans certains films, ou même le fond des scénarios (triple assassinat ici, mais meurtre dans un jardin anglais ailleurs, comme si les titres français mettaient a jour les crimes cachés dans les titres originaux).
Tu as vu Zoo ? Il y a de magnifiques timelapses sur du vivant en putréfaction :D

Après je pense qu'il y a les deux. La mort, mais aussi la "méthode". Cet aspect statique et composé émane aussi de ses obsessions pour la structure de manière générale (qu'elle soit mathématique, architecturale ou picture). Quelque part ça peut contribuer à la froideur de l'ensemble mais on peut aussi voir ça de façon assez orthogonale. Les maths, on sait bien que ça parle pas a tout le monde de la même façon a tout le monde et je comprends que le goût de Greenaway peut être a la fois pris comme quelque chose de complètement barbant et plus trop ludique, même si je trouve ça complètement palpitant.

En gros, ça n'est pas "La mort de Louis XIV" d'Albert Serra

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Posté : sam. 22 mars 2025 23:19
par sokol
Je crois que je ne serais jamais capable de regarder en entier un film de ces deux cinéastes :
1. Terry Gilliam
2. Peter Greenaway

Jamais !

ps: j’oublierais jamais : on m’a montré en 1999 “Las Vegas parano”. Je ne connaissais RIEN du cinéma à l’époque. Je l’avais détesté mais j’étais entouré de gens qui insistaient en me disant que ce que j’ai vu était génial mais que je n’étais pas capable d’apprécier le film (il y avait quelqu’un qui m’avait même dit que cela venait du fait que je venais d’un pays communiste :D). Je me souviens très bien d’avoir été mortellement triste car je n’arrivais pas argumenter mais j’étais sûr de mon ressenti.

Le cinéma est vraiment un truc tordu :D

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Posté : dim. 23 mars 2025 08:59
par groil_groil
sokol a écrit : sam. 22 mars 2025 23:19 Je crois que je ne serais jamais capable de regarder en entier un film de ces deux cinéastes :
1. Terry Gilliam
2. Peter Greenaway

Jamais !

ps: j’oublierais jamais : on m’a montré en 1999 “Las Vegas parano”. Je ne connaissais RIEN du cinéma à l’époque. Je l’avais détesté mais j’étais entouré de gens qui insistaient en me disant que ce que j’ai vu était génial mais que je n’étais pas capable d’apprécier le film (il y avait quelqu’un qui m’avait même dit que cela venait du fait que je venais d’un pays communiste :D). Je me souviens très bien d’avoir été mortellement triste car je n’arrivais pas argumenter mais j’étais sûr de mon ressenti.

Le cinéma est vraiment un truc tordu :D
Terry Gilliam c'est vraiment nul, mais Peter Greenaway c'est vraiment et franchement excellent (surtout ses films du tout début, mais j'aime toutes les 80's également. Après non en revanche, d'ailleurs il s'en est rendu compte lui-même et a vite arrêté tout seul.

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Posté : dim. 23 mars 2025 09:10
par groil_groil
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Evidemment vu avec les enfants et en faisant autre chose, mais en fait c'est vachement bien et tellement mieux que toutes les conneries disney / pixar / marvel qui inondent le cerveau des gamins d'une bouillie informe. Le film est ludique, rythmé, la gestion du mélange 3D / prises de vues réelles très bien fichue, et surtout le truc le plus réussi est la manière dont le cinéaste parvient à donner vie à des personnages venant de simples cartes à jouer.

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Drôle de film (qui pourrait parfois ressembler à du early Brisseau sans être ça non plus), entre douceur et cruauté, entre fiction et tentative de rendre la réalité des lieux, de l'époque, presque documentaire, narrant la vie d'un père (Pierre Mondy, seule "star" du film) élevant seul ses deux filles, et d'un couple du même quartier de Sarcelles. Car oui le film se déroule à Sarcelles et la banlieue parisienne est le seul grand sujet du film, mise en scène comme si elle disait quelque chose de son époque, de son temps. Le film est assez doux / amer comme on dit, mais va virer à la tragédie insoutenable, pour reprendre enfin le rythme qui correspond à l'écoulement des jours d'une vie là-bas à cette époque. C'est cruel de renoncement et de fatalité.

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Posté : dim. 23 mars 2025 10:49
par sokol
groil_groil a écrit : dim. 23 mars 2025 08:59
Ah oui, je crois qu’on en avait parlé ici et il a été dit que les débuts de Greenway mérite le détour. Cela dit, je ne vais pas trop m’aventurer car non seulement je ne m’appelle pas Groil-qui-voit-5-films-par-jour :D :love2: mais j’en ai tellement à regarder…

Tiens, hier soir j’ai revu “Un film parlé” de Oliveira. Il l’avait fait en 2003, 2 ans après le 11 septembre.
C’est un ‘détail’ très important.

Je ne sais toujours pas si “c’est-bien” (oui oui, je lui mets 8/10 sur Senscritique “comme tout le monde”) mais 97% du film est d’une didactique… ouhhh :sarcastic: .

Après, oui, il y a la fin mais je ne sais toujours pas si on a droit de faire mourir les deux héroïnes principales (celles qu’on voit pendant 97% du film) en 2 minutes. Que le gamin de “Allemagne année zéro” se suicide à la fin en 2 minutes, oui, car il se suicide (on ne le tue pas). Et surtout, je ne crois pas que l’Europe de 2003 était celle de 1945. Donc, 25 après avoir vu “Las Vegas parano” je peux toujours me dire : le cinéma est un truc tordu
:D

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Posté : dim. 23 mars 2025 12:04
par cyborg
@yhi ha mais je crois que nous sommes d'accord et c'est ce que je dis à la fin quand je dis que je préfère "son mortifère" à lui que celui d'Anderson. Quant à Serra on est tout à fait ailleurs oui (et tu me cites un des rares de cet auteur que je n'aime pas).
En fait c'est juste un certain cinéma qui ne m'intéresse pas beaucoup, ce cinéma de "plasticien" qui n'est pas tellement ce que je recherche ou qui me stimule.

@sokol même si ce n'est pas ma came je pense que c'est loin d'être du mauvais cinéma. Gilliam c'est une autre affaire et je crois qu'il y a beaucoup moins à sauver... (on voit dans ta remarque un peu un lien à la va vite sur le cinéma anglais qui serait mauvais "par nature" :D )

@groil_groil je crois qu'il ne s'en est pas forcément rendu compte car après recherche (je n'en savais rien) son dernier film date de 2020 et il a réalisé régulièrement jusqu'à là. C'est juste qu'on entend plus tellement parler :D

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Posté : mer. 26 mars 2025 11:22
par sokol
cyborg a écrit : dim. 23 mars 2025 12:04

@sokol (on voit dans ta remarque un peu un lien à la va vite sur le cinéma anglais qui serait mauvais "par nature" :D )

Comme quoi ! Ce n'est qu'en te lisant que je me rend compte que les deux sont anglais (pour être honnête, Gilliam, comme je ne lui accorde aucune attention, je serais presque capable de dire que c'est un cinéaste américain - ou alors c'est parce qu'il a bossé à Hollywood)

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Posté : mer. 26 mars 2025 12:06
par sokol
Je me tâte de monter à Paris pour voir "Tardes de soledad". Il ne passe pas chez moi (mon cinéma a refusé de le prendre : boycotte officiel).

Je crève encore plus d'envie de le voir

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Posté : mer. 26 mars 2025 14:32
par groil_groil
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Film que j'adore, mais que je n'avais pas revu depuis des lustres et qui est toujours aussi singulier. Cocteau est toujours sur le fil entre un charme suranné, frôlant le kitsch, et une expérimentation visuelle permanente qui tirant parfois vers l'avant-garde. La réussite du film tient au fait que l'ensemble est parfaitement harmonisé. Et aussi incroyablement iconique, ne serait-ce que par la beauté et le charisme de Jean Marais. Ah et j'ai vrillé en constatant combien François Perrier jeune ressemblait à Robert de Nitro jeune. Et le film contient parmi les effets spéciaux les plus beaux, les plus réussis et les plus poétiques que j'ai pu voir (l'enfilage des gants, la traversée du miroir, la descente aux Enfers collés aux murs, c'est sublime).

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C'est le second film de Germi et ce que ne dit pas l'affiche aussi surannée que trompeuse est qu'il s'agit d'un thriller sombre et désespéré, aussi habité que les grands films noir américains. Un très jeune homme de bonne famille, traine avec une bande de malfrats et assassine un homme lors d'un casse. L'inspecteur de police chargé de l'enquête infiltre la Fac pour identifier et se rapprocher du criminel, mais il tombe amoureux de ce dernier... Ce qu'il y de génial, outre la tension et la complexité de l'ensemble (pas de la narration qui est hyper fluide) c'est que les gangsters de Germi ne sont pas les gangsters débonnaires du cinéma italien, mais des truands désabusés, désœuvrés, dont même les larcins se commettent sans envie. Il décrit des jeunes hommes désabusés, et qui plus est venant de bonnes familles. Pas les pauvres gars des bidonvilles qui font des casses pour survivre, mais des petits fils de bourgeois qui font ça par désœuvrement, pour chasser l'ennui. Il y a quelque chose d'existentialiste dans le film de Germi, pas si loin que ça des Vitelloni de Fellini, annonçant le néoréalisme abstrait avec beaucoup d'avance.

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Posté : jeu. 27 mars 2025 17:11
par Tyra
Compliqué pour moi d'aller au cinéma en ce moment. J'espère voir le Serra absolument, et pourquoi pas le Juho Kuosmanen, petit film d'une heure dont personne ne parle alors que Compartiment 6 avait été très apprécié un peu partout à sa sortie.


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Sujet fort sur le papier, cette impossibilité pour ces deux juifs américains de recréer un lien avec leur histoire familiale européenne pouvait être fort. Malheureusement le film manque de tout, d'une vision, d'une écriture travaillée, d'une mise en scène inspirée... L'impression que Jesse Eisenberg ne sait pas quoi raconter, comment le raconter, et que l'histoire des deux cousins se superpose à la "grande histoire" sans lien organique avec elle.

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J'avais eu peur, la bande annonce laissait croire que le chef d'orchestre renommé arrivait à former son frère de sang à son niveau par le talent innée qu'ils partagent par la génétique. C'est plus cruel que cela, les barrières sociale et la différence d'éducation ne se rattrape pas aussi facilement, et ne se rattraperont jamais. C'est mieux que la moyenne des comédies françaises, mais pas folichon non plus. Dans un système de production en meilleure forme, ce serait un téléfilm du mercredi soir suivi d'un débat sur la reproduction sociale. Au lieu de cela, c'est un des fers de lance de la comédie Française, niveau catastrophique oblige.

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Posté : mar. 1 avr. 2025 14:49
par groil_groil
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ça faisait longtemps que je n'avais pas revu un Rohmer, et mon dieu, quel bonheur intégral... Le génie de Rohmer : construction scénaristique super alambiquée et fluide en te donnant l'apparence qu'il n'y a que du marivaudage tout simple du type a + b = c, et puissance absolue de la mise en scène, d'une maitrise hallucinante tout en te donnant l'impression qu'il s'est contenté d'enregistrer une conversation à l'improviste. Ce qu'il y a de plus compliqué en art, c'est de donner l'impression que c'est simple, et Rohmer est un génie en la matière. Sinon j'avais oublié que les 3/4 du film se déroulaient au Mans, une ville que je ne connaissais pas à mon précédent visionnage et que je connais depuis et ça m'a fait très plaisir de la voir si bien filmée.

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Revu ce film que je connais absolument par coeur plan par plan avec toujours beaucoup de plaisir, même si là j'ai pris conscience que le film allait avoir 30 ans (ça se voit à la patine de l'image et à l'avancée technologique) alors que dans ma tête c'est toujours un De Palma récent... On l'a montré à notre fils, qui n'a apprécié que très modérément (il doit trouver que c'est un film de vieux :D ) Sinon je ne reviens pas sur l'analyse théorique du film, j'en ai noirci des pages et des chapitres entiers à ce sujet, mais c'est bel et bien un des films les plus passionnants de De Palma à ce sujet, et c'est d'ailleurs sa version à lui de La Mort aux Trousses (film d'Hitchcock qu'il a étonnamment peu emprunté dans sa carrière hypertextuelle et qui lui sert de mètre-étalon ici).

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Révélation : c'est mon dépucelage Tsui Hark ! Eh oui, aussi étonnant que cela puisse paraitre, je n'avais encore jamais de films du maitre hong-kongais pourtant loué en nos terres depuis longtemps. C'est donc chose faite, et j'ai bien fait de commencer avec Shanghai Blues qui fut vraiment une belle découverte. Il faut laisser passer 5mn de gros WTF complet afin de voir se dégager les enjeux et de comprendre le rythme et le ton vraiment très originaux, et j'ai vite été conquis par ce film généreux et virtuose qui mêle tous les genres du comique loufoque au mélodrame, qui brille surtout par une envie permanente de cinéma (acteurs, photo, mise en scène, scénar, tout est à 400% tout le temps), et par une fluidité et une virtuosité de l'enchainement que je vois comme un équivalent asiatique de ce qu'à pu faire Rappeneau chez nous. Merci beaucoup à @teklow13 ;)

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Revu ce classique du thriller américain 90's, et cette fois ça m'a plutôt gonflé. Moins plu que d'habitude. Tout est trop gros et trop surligné, les situations sont tellement improbables qu'on peine à y croire, et puis Bridges qui j'aime pourtant beaucoup en fait tellement trop, toujours en train de gueuler, c'est vite fatigant... Et puis la fin... à la fois elle est super réussie dans le genre où je n'ai jamais vu une fin aussi négative, aussi dark et aussi déprimante dans un film Hollywoodien, autant elle m'a complètement plombée...

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Enième revisionnage, mais je ne l'avais pas vu depuis des années, et quel bonheur de retrouver ce film magnifique... Je pense que si on le découvre aujourd'hui on n'est pas surpris par les rebondissements de scénario, mais à l'époque c'était tellement novateur... on n'avait tout simplement jamais vu ça, aussi bien ce voyage dans le temps pour créer un paradoxe temporel, que ce personnage central 100% négatif, qui se trouve être un robot... je me souviens des sensations d'époque qui ressurgissent des années après et c'était quelque chose. J'avais d'ailleurs acheté le Mad Movies avec le film en couverture (je dois toujours l'avoir) et à la fin il y avait un gros dossier sur les thrillers de Brian De Palma, et c'est ainsi que j'ai découvert le cinéaste, ce qui a changé ma vie... Un mot aussi sur l'image du film, magnifique, mais beaucoup plus organique que le souvenir que l'on en garde. Le film se passe essentiellement dans le Los Angeles de 1984 (et quasiment pas dans le futur) et Cameron parvient à parfaitement capter et retranscrire fidèlement les ambiances de ces lieux et de cette époque et c'est parmi ce qu'il y a de plus beau dans le film.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 1 avr. 2025 18:21
par cyborg
Et moi qui me disait l'autre jour que je n'avais jamais vu le M:I de De Palma et qu'il faudrait vraiment que je le vois enfin... Je crois que je suis près :D


Pour ma part ces derniers temps :


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Topos - Antoinetta Angelidi - 1985

Si Peter Greenaway, vu récemment, se sert de la peinture pour composer ses plans, avec Angelidi nous avons plutôt l'impression que sa caméra se faufile entre l'arrière de la toile et l'esprit du peintre. Durant l'heure dix que dure le film nous ne savons jamais bien ce à quoi nous sommes en train d'assister, ni peut-être même ou nous nous trouvons. Un effet particulièrement étrange pour un film se nommant Topos. Si la pictorialté de la peinture est omniprésente, le théâtre n'est jamais bien loin non plus. Mais une fois encore nous ne sommes pas vraiment sur scène, ni dans les coulisses. Peut-être juste au bord du cadre ou du proscénium, juste avant (ou après) qu'une image soit peinte ou qu'une scène soit jouée. Cette frontière indéfinie est assurément celle du rêve. Si un bref clin d’œil est fait à Cocteau nous sommes plus loin encore dans l'onirisme que ne l'est Orphée. Peut-être plutôt dans des cauchemars d'ailleurs. Le son lui même devient une matière étrange faite de micro-bruits et de bruitages à la bouche dont s'échappent parfois des paroles, parfaisant la radicalité et l'unicité absolue qu'est Topos. Sacré découverte.


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Les Aventures de Goopy et Bagha - Satyajit Ray - 1969

Les aventures de Goopy et de Bagha sont peut-être les aventures du langage. Non pas le langage que l'on parle l'un à l'autre mais le langage que l'on parle à deux, (ou à plusieurs) et qui nous fait être ensemble, qui font que l'aventure est possible.
La langue ne serait pas ici une possibilité de la dialectique mais plutôt de la polyphonie. Il n'y a que de cette façon que les choses peuvent advenir et que du langage puisse apparaitre un effet - pour ne pas dire un pouvoir - sur le monde. C''est en effet après que Goopy et Bagha se soient fait chasser de leurs villages respectifs pour leurs piètres chansons, que leurs qualités médiocres, une fois combinées, font apparaitre des esprits et exaucer leurs vœux.
De même, à la fin du film, ce n'est que quand les deux frères-rois se retrouvent enfin que la paix peut revenir, tandis que le méchant larron, qui précisément détournait la parole de l'un des rois, est chassé. Et que dire du peuple, mutique à cause d'un vilain sort, qui retrouve l'usage de la parole ?
Quand enfin apparaissent des actrices (les deux dernières minutes tout au plus, après un film 100% masculin) il s'agit des deux promises de nos héros victorieux. G&B exige alors de voir leurs visages (voilés) et non d'entendre leur voix... Si l'effet est charmant (la colorisation soudaine des images, jusqu'alors en n&b) il en dit aussi beaucoup sur l'inconscient social qui entoure le film.
Si l'on exclut cette remarque, Les Aventures... se révèle être un film pour enfant assez parfait, qui ne manquera pas de divertir avec joie tous les spectateurs. Ray excelle ici par son savoir-faire mis au service d'un genre bien éloigné de ses films les plus connus. Une de ses grandes idées est d'avoir inclus "au premier degré" les incontournables scènes chantées et dansées qui ne sont pas des à côtés mais des ressorts scénaristiques servant une narration délicieusement pittoresque.

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Posté : mer. 2 avr. 2025 07:28
par Kit
mort à 65 ans de Val Kilmer (je l'avais revu dernièrement dans Maverick et Cœur de tonnerre) :(
https://www.bfmtv.com/people/cinema/mor ... 20053.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Val_Kilmer
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Posté : jeu. 3 avr. 2025 00:06
par cyborg
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Alors que de nombreuses œuvres s'intéressent aux "images qui manquent", "Le 5ème plan de la jetée" prend le problème à l'envers. D'image il y en a bien une, mais que représente-t-elle ? Ou plutôt quelle est sa nature : fiction ou documentaire ? Qu'il s'agisse des deux faces de la même pièce n'est plus à démontrer (pensons à Andersen et L.A. Plays Itself, entre autre) mais l'originalité de Cabrera est ici de passer par le prisme de l'intime : s'agit-il de sa tante, son oncle et son cousin sur un plan du film légendaire de Chris Marker ?
Cette quête vers l'intimité de la réalisatrice se révèle être en fait être une quête vers Marker lui-même et son intimité à lui. Les intervenants passent peu à peu des parents de Dominique Cabrera, à des collaborateurices puis proches de l'artiste. A l'inverse de ce que le titre laisse croire, le film n'est donc pas une avancée vers une image, mais vers la vie elle même, jusqu'à ce que, précisément, vies et images finissent par coïncider.
Cette dite coïncidence est l'un des multiples vertiges qui constituent Le Cinquième Plan..., rejouant plusieurs fois à sa petite échelle le vertige métaphysique que procure La Jetée, et renvoyant plus encore tout cinéphile au vertige de sa propre passion. La limite du film de Cabrera est peut-être d'ailleurs ici, celle d'être avant tout une œuvre pour cinéphile, menée avec un peu trop d'application (comme si l'autrice cherchait à convaincre le spectateur que son investigation méritait bien 1h30 de son temps) pour dépasser la troublante émotion qui le constitue.

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The Dupes - Tawfik Saleh - 1972

Bien qu'étant un des premiers film mettant en scène la (post-) Nekba, et qu'il renvoi particulièrement aux terribles évènements gazaouis de ces derniers mois, The Dupes semble dépeindre plus largement encore la tragédie de toutes les migrations forcées, de toutes les fuites des réfugiés de guerre, de tous les déplacements de population.
Si le film est clairement inscrit sur le territoire palestinien en 1948 et que l'on s'attache progressivement aux trois personnages grâce à une habile construction entrecroisant leurs vies passées, l'aspect quasi abstrait de sa dernière partie fait tendre le film vers l'universel. Des corps, l'étendu du désert, le soleil aveuglant. La ligne droite d'un camion noir fonçant vers l'horizon se transformant peu à peu en cercueil ardent. Quand le rêve de ces trois hommes, celui banal d'une simple vie meilleure, tourne au cauchemar, c'est avec les souffrances de tous les impérialismes que résonnent leurs morts.
Derrière ces choix et ces rêves se cache également la question de l'argent, sans cesse évoqué et questionné et qui, par le biais de l'insistant passeur, accélère le drame. Dans un registre pourtant assez différent on se prend même à penser au Salaire de la peur de Clouzot. Si ici la lenteur est devenu vitesse, ce sont bien les mêmes désespoirs tragiques qui hantent les deux œuvres.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 3 avr. 2025 00:29
par cyborg
Oh punaise j'ai oublié que j'ai vu ceci aussi :

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Yaaba - Idrissa Ouedraogo - 1989

Film assez simple d'Ouedraogo sur la vie quotidienne d'un petit garçon dans un village de la campagne du Burkina Faso. Si les péripéties sont plutôt sommaire, il est assez beau que ce soient tous les personnages périphériques ou "atypiques" du village (la sorcière-grand mère , le couple dysfonctionnel qui se trompe...) qui finissent par se révéler plus digne de confiance et constituer une sorte de famille de substitution, bon gré mal gré. Le film vaut peut-être surtout pour l'encrage dans son territoire, sa approche des traditions et sa façon de filmer les corps arpentant ces fascinant paysages ocres rouges.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 3 avr. 2025 11:20
par sokol
Il faut que je dise un mot à propos de ce film car, au moins, maintenant, c'est bien plus clair pour moi :

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C'est seulement la deuxième fois que je vois "Nostalghia" de Tarkovski et, de surcroit, pour la première fois sur grand écran.

Mon ressenti de la première fois, il y a fort longtemps, n'était pas mauvais : ce n'est pas un très bon film, pour rester sur une litote.

Dans un documentaire qui s'intitule "Tempo di viaggio" 1983 (Tarkovski et son ami le scénariste Tonino Guerra voyagent en Italie pour préparer Nostalghia), on entend le primer dire littéralement "Qu'est ce que je fous en Italie, il faut que je me casse chez moi" (en Russie). "Nostalghia" est vraiment l’incarnation en image et en son de la fameuse phrase : "qu'est ce que je fous en Italie".

Mais qu'on se comprenne : je ne veut pas dire que Tarkovski n'aime pas l'Italie et donc il la filme mal. Non. Mais il filme une Italie russe, une Italie presque russifiée. Qu'il s'agisse de la nostalgie en est une chose mais, filmer des vieux italiens (des occidentaux, vrai dire) qui se baignent dans une piscine d'eau thermale, accompagnée de "ils font ça parce qu'ils ne veulent pas mourir", franchement... :( :poop:

Très probablement, Tonino Guerra (qui a écrit le scénario et donc, les dialogues) a du laisser faire : il a fait plaisir à Tarko quoi, un homme talentueux qui avait déjà obtenu le Lyon d'Or à Venise à l'age de 29 ans (avec "L'enfance d'Ivan") et qui a fait un énorme film tel que "Stalker". Mais du coup, les dialogues deviennent très sentencieux (on entend un enfant de 5 ans dire : "papa, c'est ça la fin du monde ?". :benetton: :lol: ).

Ou : s'il s'agit de l'histoire d'un poète russe qui va en Italie pour réaliser des recherches sur Pavel Sosnovsky (un compatriote compositeur qui y a séjourné au XVIIIe siècle, et s'est suicidé à son retour en Russie), on comprend aussi assez vite qu'il se fout comme en 36 du compositeur en question. Mais alors, pourquoi utiliser en voix off des passages de ses écrits ?? Et les poèmes du vrai père de Tarkovski (lus en russe dans le film, le seul passage en langue russe), qu'est ce que ces poèmes viennent y faire ??

En fait, "Nostalghia" (1983) est un mix (je sais je sais je vais un peu loin) de "Stalker" (1979) et du "Miroir" (1975) car, on retrouve parfois même plan par plan ses deux précédents films (que "hélas" je connais par cœur) :

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et,

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Je vais être un peu radical mais il faut que je le dise tel que je le pense : "Nostalghia" est le film de trop de Tarkovski. D'accord, "ce n'est qu'un film" (disait Hitchcock) mais, ma foi, Tarko était très très exigeant non ?

J'avais toujours dit que ses deux derniers films réalisés en Occident n'avait pas l’âme de ses 5 films réalisés en URSS mais, il se peut qu'ils soient tout simplement les films de trop du cinéaste. Car, "Qu'est ce que je fous en Italie" ...(qu'est ce que je fous en Occident).

ps: il y a aussi un truc grâce auquel on ne peut pas nous tromper : si jusque-là Tarkovski (qui filmait peu les femmes puisque quasiment tous ses personnages principaux étaient des hommes) les filmait le mieux comme des génitrices le pire comme des lesbiennes (Le Miroir) voir hystériques (la femme de Stalker dans "Stalker"), dans celui-ci, comme il s’agit d'une femme occidentale, il se lâche complètement et là, on a carrément une scène qui arrive comme un cheveu sur la soupe (et assez pathétique voir ridicule) :

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Ouch...

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 3 avr. 2025 16:40
par Tyra
Assez d'accord avec tout ce que tu dis sur Nostalghia, que j'ai toujours trouvé en dessous des autres, y compris du Sacrifice. Ce dernier est très proche idéologiquement, avec son accusation contre l'humanité que je n'aime pas, mais au moins il se renouvelle un peu formellement.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 3 avr. 2025 17:04
par sokol
Tyra a écrit : jeu. 3 avr. 2025 16:40 , y compris du Sacrifice. Ce dernier est très proche idéologiquement, avec son accusation contre l'humanité que je n'aime pas, mais au moins il se renouvelle un peu formellement.
Oui, Le Sacrifice je l'ai vu 2 fois. Formellement parlant OUI, c'est beaucoup mieux. Idéologiquement... no comment (j'ai toujours dit que si Tarkovski aurait pu continuer à faire des films après 1990, on aurait eu des nausées...)

ps: tiens, à un moment donné, le poète russe dit : les italiens raffolent pour les chaussures ! Puis, il se met à prendre l’accent de l'italien : "Scarpe italiane, scarpe italiene !" (chaussures italiennes, chaussures italiennes !). Et puis il rajoute : regardez mes chaussures, ça fait 10 ans que je les ai et elles sont toujours très bien !!
C'est d'un débile.... :( :cry: :(

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : ven. 4 avr. 2025 10:46
par Tyra
sokol a écrit : jeu. 3 avr. 2025 17:04

ps: tiens, à un moment donné, le poète russe dit : les italiens raffolent pour les chaussures ! Puis, il se met à prendre l’accent de l'italien : "Scarpe italiane, scarpe italiene !" (chaussures italiennes, chaussures italiennes !). Et puis il rajoute : regardez mes chaussures, ça fait 10 ans que je les ai et elles sont toujours très bien !!
C'est d'un débile.... :( :cry: :(
:humpf: :humpf:

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 8 avr. 2025 15:48
par groil_groil
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Pour ceux qui voudraient regarder (avec ou sans sous-titres portugais, anglais, espagnols, etc) en streaming "Film catastrophe" de Paul Grivas sur le tournage de "Film socialisme" par Jean-Luc Godard, voici le lien autorisé par le réalisateur:
https://www.filmcatastrophe.com/film-1

Le mot de passe est marqué dessus.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 8 avr. 2025 16:10
par sokol
asketoner a écrit : ven. 11 févr. 2022 00:13 Image

Une Affaire de coeur, la tragédie d'une employée des PTT, Dusan Makavejev, 1967

Malheureusement très refroidi dans mon désir de voir les deux autres ressortis ces jours-ci.
Pourtant c'est loin d'être nul, Makavejev est même particulièrement talentueux, mais je m'y ennuie beaucoup. C'est comme si tout était là mais mal agencé, produisant un discours incompréhensible, peut-être sur la sexualité mais ce n'est pas sûr. Rien ne s'inscrit, il y a presque trop de brio et pas assez de nécessité.
(Au début du film, je me suis dit : oh mais Radu Jude vient de ce cinéma ! Et c'est possible mais Radu Jude, c'est mieux.)
Il parait qu'il faut voir "Sweet movie" de ce cinéaste

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 8 avr. 2025 16:11
par sokol
groil_groil a écrit : mar. 8 avr. 2025 15:48 Image
Pour ceux qui voudraient regarder (avec ou sans sous-titres portugais, anglais, espagnols, etc) en streaming "Film catastrophe" de Paul Grivas sur le tournage de "Film socialisme" par Jean-Luc Godard, voici le lien autorisé par le réalisateur:
https://www.filmcatastrophe.com/film-1

Le mot de passe est marqué dessus.
Merci !!!! :love2: :jap: :love2:

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : jeu. 10 avr. 2025 15:17
par cyborg
sokol a écrit : mar. 8 avr. 2025 16:10
asketoner a écrit : ven. 11 févr. 2022 00:13 Image

Une Affaire de coeur, la tragédie d'une employée des PTT, Dusan Makavejev, 1967

Malheureusement très refroidi dans mon désir de voir les deux autres ressortis ces jours-ci.
Pourtant c'est loin d'être nul, Makavejev est même particulièrement talentueux, mais je m'y ennuie beaucoup. C'est comme si tout était là mais mal agencé, produisant un discours incompréhensible, peut-être sur la sexualité mais ce n'est pas sûr. Rien ne s'inscrit, il y a presque trop de brio et pas assez de nécessité.
(Au début du film, je me suis dit : oh mais Radu Jude vient de ce cinéma ! Et c'est possible mais Radu Jude, c'est mieux.)
Il parait qu'il faut voir "Sweet movie" de ce cinéaste

Sweet Movie est un délire total. Mon souvenir date. Je ne dirais pas que c'est incontournable mais une vraie belle curiosité, ça c'est sur...

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : dim. 13 avr. 2025 15:51
par cyborg
Coucou !
Très occupé ces temps-ci mais j'arrive tout de même à voir des films... Écrire dessus m'est plus compliqué malheureusement !
Petit point d'étape :

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Ce troisième film de Tsai Ming-liang est sans doute le plus déroutant de tout ceux que je lui connais. Ses ingrédients habituels sont bien là -l'errance, l'eau, le sexe...- mais à l'inverse d'autres de ses œuvres très "fluides" il y a "quelque chose qui accroche". Ou peut-être plus exactement quelque chose qui "coince", incarné dans l'épouvantable torticolis qui constitue le centre du film. On laisse supposer que c'est la pollution de la rivière qui déclenche ce mal de cou, mais ne serait-ce pas plutôt l'âme du mannequin en plastique que remplace le jeune homme qui chercherait à l'envahir ?
Il y a tout au long du film quelque chose du corps et surtout du corps empêché, pataud, en désaccord avec l'espace qu'il traverse. Il y a donc quelque chose de profondément slapstickesque dans La Rivière, saupoudré d'une tonalité métaphysique.
Qui dit "corps empêché" dis aussi "regard empêché", et donc corps qui voit mal. Il y a cette très belle scène ou le père (ou l'amie je ne sais plus) a califourchon à l'arrière du scooter doit maintenir la tête du conducteur pour qu'il regarde droit devant lui. Derrière le gag il y a plus encore l'impossibilité de regarder, de voir les choses en face, de ne plus les voir que par en dessous, sous un angle impossible. A ce regard détourné répond celui, droit vers la caméra, du père sidéré post-masturbation incestueuse de la dernière scène. C'est toute la question du non-dit qui se joue entre ces deux types de regards.
J'ai néanmoins du mal à comprendre exactement ou se situe l'auteur sur ces questions d'homosexualités plus ou moins assumés/dissimulés, notamment quand le dernier passage du sauna est mis en scène comme une représentation des enfers (la descente des escaliers, la pénombre, les portes, les errances). J'imagine que la toute dernière image du film, l'ouverture de la porte de la chambre vers un balcon légèrement surexposé, avec le regard-contraint-vers-le-haut, en est le contre-point, irrésolu néanmoins.


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Personal Problems - Bill Gunn - 1980

Dans les textes qui l'entourent, le film se présente comme un "meta soap opera", et c'est donc de la sorte qu'il nous faut aborder Personnal Problems : une œuvre qui sait ce qu'elle montre, comment elle le montre et à qui elle le montre.

Loin de tous les canons en vigueur, Bill Gunn livre pour son deuxième film (et malheureusement dernier - après un film d'horreur qui fut apparemment célébré à Cannes dans les 70s ) une fresque de près de 3h sur le quotidien de quelques personnages issus de la communauté afro-américaine. Le fil de l'intrigue est composés d'éléments aussi simples qu'une adultère, un deuil, un verre entre copine, des corvées et tensions familiales...

Il y a ici quelque chose qui est à la fois de de Cassavettes (ces longues séances de discussions, ce recours à l'improvisation) et du soap-opéra (la banalité du quotidien, le non- ou micro-drame etc...) mais qui n'est aussi ni de l'un (le montage n'a rien de télévisuel/soap, laissant la place à de très longues séquences en plan séquence) ni de Cassavetes (qui soigne ses images de cinéma et ne fait pas de la DV), composant de la sorte une œuvre qui est absolument ailleurs et résolument elle-même.

Il faut analyser le choix technique de l’œuvre (qui est en réalité une sorte de pilote produit par une tv publique qui ne le diffusera jamais) de passer par la DV à une époque ou elle n'était encore que très marginale (et encore très peu utilisé par des artistes - sans faire de recherche je ne vois que Bill Viola qui l'a concrètement utilisé plus tôt). Sa légèreté, sa simplicité et son économie permet précisément de tenter de se rapprocher "du réel" et de la banalité du quotidien de ce/de ceux qui est représenté. A mon sens Gunn y voit le contrepoint possible aux représentations habituelles des corps noirs dans le cinéma américain, que ce soit dans la blaxploitation ou les films plus classiques, où les personnages noirs incarnent généralement des gangsters, des pimps, des miséreux.

C'est tout l'inverse ici : ils sont des travailleurs, des gens qui flirtent, qui pleurent, qui font des corvées. C'est à la fois "trois fois rien" mais aussi "énorme" quand on s’intéresse aux questions de représentation et des imaginaires qui peuvent en découler, d'autant plus au cœur d'une Amérique baignant dans le proto-reaganisme (lui même tout d'abord un acteur - il n'y a pas de hasard). Je crois que c'est le même esprit qui occupe les oeuvres de Deborah-Joyce Holman quand elle investit, en 2023 / 40 ans plus tard, la légendaire Kunsthall de Bern en diffusant sur 6 écrans énormes des vidéos mettant en scène des personnes noires occupées à ranger leurs intérieurs ou assis dans une salle d'attente.

Cet esprit me semble particulièrement clair dès l'ouverture du film, qui sera repris et étayé par la suite : un jeune homme noir, épaulé par deux copains, arrive à l’hôpital et l'on comprend qu'il s'est fait tirer dessus, mais nous n'en saurons jamais plus. A l'inverse une scène ultérieure détail son admission à l’hôpital en s’appesantissant sur la dimension administrative du moment vécu et l'interminable paperasse que doit remplir l'infirmière qui l’accueil. C'est dans ce type d'éléments tout aussi triviaux que repose tout l'intérêt de Personal Problems. A titre personnel je crois que je retiendrais surtout du film la scène, à mon sens la plus belle, durant la quelle un pianiste (avec qui flirte une autre personnage) dans un bar improvise une chanson, cherchant une boucle mélodique et fredonnant quelques paroles (yesterday i saw some blue lilies...), s'étirant sur de longues minutes hypnotisante. On retrouve ici tout le propos du film étendu à la gestation de l'acte créatif lui-même


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La dérive - Paula Delsol - 1964

Il est toujours sidérant de découvrir un film de la Nouvelle Vague qui semble exister dans un univers parallèle à la Nouvelle Vague traditionnellement célébrée, avec au générique uniquement des inconnus et derrière la caméra une réalisatrice dont le nom fut effacé par le temps : Paula Delsol. Les premières minutes font d'ailleurs craindre à une Nouvelle Vague de seconde zone, aux jump-cut intempestifs faisant songer à de pesant tics maniéristes. Heureusement le film fini par trouver sa voie en construisant le portrait d'une jeune femme de 20 ans post-rupture amoureuse décidant de n'en faire qu'à sa tête, vivant d'amour (parfois tarifé) et d'eau fraiche, en rupture avec ses origines prolétaires de Palavas-les-flot. S'en suit une série de rencontre avec des hommes plus ou moins riches, plus ou moins mufles, à qui elle réussira toujours à imposer sa très grande et primordiale liberté. Les jeux de pouvoirs et de dépendances se feront de la sorte de plus en plus vils et troubles, déplaçant les questions d'emprises. A l'époque ni "68" ni le MLF n'avaient encore eu lieu, mais l'on peut déjà voir dans La Dérive l'esprit en germe de toute une génération à venir. Génération qui, 60 ans plus tard, composera les si conspués "boomers", dont l'hédonisme individuel d'alors incarne pour beaucoup les racines de nos troubles actuels. Si le film ne prétend pas incarner de vérité générale, difficile de ne pas également l'approcher de cette manière désormais.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : dim. 13 avr. 2025 23:30
par Narval
cyborg a écrit : dim. 13 avr. 2025 15:51 J'ai néanmoins du mal à comprendre exactement ou se situe l'auteur sur ces questions d'homosexualités plus ou moins assumés/dissimulés, notamment quand le dernier passage du sauna est mis en scène comme une représentation des enfers (la descente des escaliers, la pénombre, les portes, les errances). J'imagine que la toute dernière image du film, l'ouverture de la porte de la chambre vers un balcon légèrement surexposé, avec le regard-contraint-vers-le-haut, en est le contre-point, irrésolu néanmoins.
Pour moi c'est clairement l'aspect incestueux de cette scène qui pèse sur son atmosphère et sa potentielle symbolique (que personnellement je n'ai pas du tout vu comme toi - mais j'y reviens) et non son caractère homosexuel (ce qui serait au passage un contre sens étant donné le reste de son cinéma et globalement la façon dont il filme les corps/les relations).
J'ai vu le film 1 fois il y a un moment maintenant donc à prendre avec des pincettes, mais pour moi dans cette scène pivot où il se retrouve avec son père, la noirceur du sauna a quelque chose de rassurant (un peu comme un sas de décompression) où il se fait masser et/ou peut enfin décontracter son cou (il me semble que cela commence comme un massage d'ailleurs) et je me souviens que globalement on était clairement dans un espace de sérénité comparé au dehors où il pleuvait à verse, à tel point qu'il fallait construire des installations pas possibles.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 14 avr. 2025 00:58
par cyborg
mais encore :

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Critical Zones - Ali Ahmadzadeh - 2023

Sous la dictature iranienne, le "film de voiture" est devenu un genre à part entière dont Kiarostami et Panahi ont prouvé l'intérêt avec brio. Si cette structure fut pour eux un espace isolé et autonome, propice à la rencontre et à la discussion, elle est radicalement autre pour Ahmadzadeh. L'inverse-même, symbole de l'aliénation du personnage principal et de toute la société qui l'entoure. Preuve si il en fallait une : c'est la voiture -ou du moins son gps vocal- qui donne les directions, quand ce n'est pas elle qui dirige la mise en scène (par le part-brise, le coffre, le volant).
Ce qui diffère entre ces deux modes de film est sans doute une question de génération : Ahmadzadeh est plus jeune que la "révolution culturelle" (comme 2/3 des iraniens !) et n'en a connu aucun "avant", pas plus qu'il ne semble croire en un possible "après".
Tourné sans autorisation, Critical Zones suit les errances nocturnes d'un dealer aux relents mystiques. Peu à peu se dresse un portrait incroyablement sombre et désespéré de Téhéran. Les seuls contacts avec le monde extérieur se cachent dans les petits trafics venant de l'aéroport et des avions dans lesquels nous ne montrons jamais, tandis que seuls les psychotropes semblent ouvrir l'espace d'un possible autre dans le quotidien. C'est d'ailleurs seulement après ce que nous supposerons être une hallucination profonde (ou un bad-trip...) que se crieront enfin à plein poumon des mots de révolte, à travers les fenêtres du véhicule lancé à vive allure sur l'autoroute. Mais ces slogans, comme une défonce, ne tardent pas à s'estomper, reconduisant de plus belle le personnage principal vers son domicile et sa morne routine nocturne. La clarté du propos aurait pu permettre au réalisateur d'alléger sa mise en scène, qui semble parfois se complaire dans les effets inutilement grandiloquent mais qui n'ont semble-t-il pas déplu aux jurés internationaux, le film ayant remporté le Léopard d'or en 2023.


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Kummatty - Aravindan Govindan - 1979

Govindan semble s'être hissé tout en haut de mon palmarès de réalisateurs indiens, chacun de ses films semblant plus extraordinaire que l'autre. Ce fut donc une joie immense d'enfin voir l'une de ses œuvres sur grand écran, qui plus est dans une version fraichement restaurée (par le définitivement impeccable World Cinema Project).
3 ans après Kanchana Sita, Govindan renoue avec les histoires my(s)thique mais cette fois à hauteur d'enfant en adaptant un conte traditionnel du Kerala. Nous y suivons le quotidien d'un petit groupe d'enfant, entre l'école, les jeux et les explorations de la campagne. Leurs nombreuses chansons invoquent un personnage fantastique, sorte de gourou errant... qui finit par se manifester pour de vrai. Au cours d'un de ses nombreux tours, il transforme tous les enfants en animaux pour quelques instants... sauf un qui, pris de peur, s'enfuie et se retrouve bloqué sous la forme d'un chien.
Mais c'est bien les spectateurs eux-même qui seront hypnotisés par le film, happé par ses paysages magnifiques, ses couleurs resplendissantes et son travail sonore épatant, au plus près de la nature environnante. En découvrant Kanchana Sita je n'avais pu m’empêcher de songer à Weerasethakul avec 40 ans d'avance, tandis qu'ici une image très précise (une vue à travers un trou de la végétation d'une forêt) évoque de façon troublante l'affiche de Blissfully Yours. Que la référence soit véritable ou non, la parenté est indéniable, par le rapport sensoriel que dégage les œuvres mais aussi par la vision animiste qui les habite. On a rarement vu si bien filmé la nature et les animaux qui la peuplent et plus encore l'évocation des relations entres toutes les espèces. Un chef-d'oeuvre de plus dans la filmographie de Govindan.


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The Sound of the Shaking Earth - Rita Azevedo Gomes - 1990

Imaginez un film qui, de loin, ressemblerait à du Duras mais dont l'âme serait habité par Fernando Pessoa (ou bien plutôt dont Pessoa serait le sujet secret). Et bien c'est un peu ça "Le Son de la Terre Qui Tremble", très beau film de l'injustement méconnue Rita Azevedo Gomes. Nous suivons ici les errements d'un auteur ayant bien du mal à écrire les aventures du marin dont il rêve, avant de nous retrouver auprès de ce dit marin, puis de revenir à l'auteur... Ce jeu d'aller-retour se multiplie jusqu'à ce que l'on se mette à supposer que l'auteur lui-même soit le fruit de l'imagination d'un autre écrivain... Ici la réalité et la fiction affleurent l'une à l'autre et se confondent de façon troublante. Ce type de jeu typiquement moderne est ici réalisé avec une grand élégance à laquelle s'ajoute la délicieuse saveur du Portugal. De ce pays côtier, ouvert vers l'infini de l'océan, se dégage une poésie toute particulière qui occupe une très grande place dans ce film. Une poésie que je n'ai eu l'impression de retrouver d'une façon aussi directe que chez une autre réalisatrice lusophone, Catarina Vasconcelos et son merveilleux La Métamorphose des oiseaux.


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Si Bruxelles est la capitale des institutions européennes, elle est aussi assurément la capitale internationale du shlagisme, et c'est bien ces deux extrêmes qui rendent cette ville aussi attachante (qu'épuisante). Pour quelqu'un comme moi qui y habite depuis 20 ans, je crois n'avoir jamais vu aussi bien porté à l'écran ma ville (pour ne pas dire le bout de ma rue) et son esprit si particulier.
Je crois qu'il n'y a d'ailleurs qu'ici qu'on peut voir émerger quelque chose d'aussi improbable qu'un mumblecore drôle et méchant, bête à manger du foin mais malgré tout précis et irrémédiablement sincère. il y a quelque chose d'assez juste, et d'assez touchant, quand la solitude primordiale du film vient se contrebalancer en duo auquel la chance souris soudainement (incroyable scène du casino - je crois n'avoir jamais été autant pris au premier degré par un jeu de carte, c'est très fort !). De la sorte le titre mue quelques instants en "aimer ou perdre", même si les impulsions frivoles de l'héroïne ne tardent pas à lui rendre sa lecture première. Le film reste donc pleinement intègre face à lui même et sa logique interne, qui fera ressortir son public, et aussi sans doute son personnage principal, aussi éreinté que réjoui.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 14 avr. 2025 09:43
par sokol
cyborg a écrit : jeu. 10 avr. 2025 15:17

Sweet Movie est un délire total. Mon souvenir date. Je ne dirais pas que c'est incontournable mais une vraie belle curiosité, ça c'est sur...
Je ne connaissais même pas l'existence de ce cinéaste ! Il faut que je trouve un jour ce film quand même

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 14 avr. 2025 09:50
par sokol
cyborg a écrit : dim. 13 avr. 2025 15:51
J'ai néanmoins du mal à comprendre exactement ou se situe l'auteur sur ces questions d'homosexualités plus ou moins assumés/dissimulés, notamment quand le dernier passage du sauna est mis en scène comme une représentation des enfers (la descente des escaliers, la pénombre, les portes, les errances). J'imagine que la toute dernière image du film, l'ouverture de la porte de la chambre vers un balcon légèrement surexposé, avec le regard-contraint-vers-le-haut, en est le contre-point, irrésolu néanmoins.
J'ai toujours dit ici qu'il s'agit de la plus grande œuvre cinématographique (peut être la seule ?!) qui filme un inceste (qui n'est pas un viol, c'est important). Un peu comme "Trouble every day" de Claire Denis.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 14 avr. 2025 09:54
par sokol
Narval a écrit : dim. 13 avr. 2025 23:30

Pour moi c'est clairement l'aspect incestueux de cette scène qui pèse sur son atmosphère et sa potentielle symbolique (que personnellement je n'ai pas du tout vu comme toi - mais j'y reviens) et non son caractère homosexuel
Oui, il s'agit d'un inceste (mais homosexuel). Avec aucun élément de viol.

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : lun. 14 avr. 2025 09:57
par sokol
cyborg a écrit : lun. 14 avr. 2025 00:58 De la sorte le titre mue quelques instants en "aimer ou perdre", même si les impulsions frivoles de l'héroïne ne tardent pas à lui rendre sa lecture première. Le film reste donc pleinement intègre face à lui même et sa logique interne, qui fera ressortir son public, et aussi sans doute son personnage principal, aussi éreinté que réjoui.
:jap:

J'avais bien aimé également ce film. Presque beaucoup

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 15 avr. 2025 10:41
par cyborg
Oui je me doute bien que Tsai, dans The River, ne "critique" pas l'homosexualité, mais j'ai du mal à comprendre le "sens" de cet inceste : que nous dit-il ?
Effectivement il pleut (surtout dans l'appartement) tout au long du film : ça "s'infiltre" et on l'ignore en faisant des bricolages de fortune. Comme l'homosexualité que l'on ne veut pas voir (le père chez le fils et inversement) qui conduit à cette étrange scène que l'on aurait pu éviter si il y avait eu communication ?
Je n'en sais rien, je me pose juste des questions, bien sur !


Et sinon

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Trois ou quatre an avant Aimer Perdre les frères Guit sortaient leur premier film, Fils de Plouc, qui avait déjà secoué le cinéma belge. La référence directe est ici plutôt tournée vers les Farrely, tel un "Dumb et Dumber" à la sauce Bicky. Comprendre : sans la morale américaine. Si les frères ricains, sous couvert de grossièreté, restent dans la bienséance (voir même de la morale, cf "Bon à Tirer" et sa fin) les frères belges foncent quant à eux tête baissé au delà de toute limite acceptable (scatologie, necrophilie, zoophilie etc etc). Si plusieurs situations font mouche l'ensemble reste globalement faiblard, presque attendue. La (légère) construction de leur deuxième film leur fut salvatrice. A suivre !

Le Centre de Visionnage : Films et débats

Posté : mar. 15 avr. 2025 15:29
par sokol
cyborg a écrit : mar. 15 avr. 2025 10:41 Comme l'homosexualité que l'on ne veut pas voir (le père chez le fils et inversement) qui conduit à cette étrange scène que l'on aurait pu éviter si il y avait eu communication ?
La communication - ou « la comm », pour reprendre une expression familière - est, dans son approche occidentale, une pratique assez rationnelle. Or, dans le contexte culturel d’un pays oriental, tel que celui représenté dans le film, la communication échappe en partie à cette rationalité. La maladie dont souffre le personnage principal semble de nature psychosomatique, et seule une attention véritable de la part du père — malgré son apparente froideur — pourrait lui apporter un soulagement. On peut certes parler ici d’un échec de la communication, voire d’une incommunicabilité, mais la solution ne relève pas de la parole ni de l’échange rationnel. Elle se situe ailleurs : dans le corps, dans la chair — autrement dit, dans l’humain (avec, ici, une dimension taboue : l’inceste).

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Pour ma part, j’ai toujours considéré "La Rivière "comme le sommet de l’art de Tsai Ming-liang, et ce, notamment parce qu’il s’agit de son troisième long-métrage. Si le premier film posait déjà les bases d’une œuvre singulière ("Tout y a déjà été dit") et que le deuxième — souvent le plus délicat dans une carrière — en confirmait la portée (Vive l’amour), le troisième représente un sommet. Un film encore plus dépouillé, plus radicalement « tsaïen », si l’on peut dire.

Cela dit, à mes yeux, Tsai fait partie de ces cinéastes dont il est difficile de désigner un seul film comme « le meilleur », tant l’ensemble de son œuvre dialogue de manière cohérente et dense. C’est aussi le cas pour des auteurs comme Godard, Rohmer, Brisseau, etc). "La Rivière" est donc un sommet, certes, mais un sommet toujours en très forte communication (tiens, « la comm » revient !) avec tous ses autres films — tout comme chez les cinéastes cités plus haut.