Le Centre de Visionnage : Films et débats

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groil_groil
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sokol a écrit : mar. 14 oct. 2025 18:45
Tamponn Destartinn a écrit : mar. 14 oct. 2025 15:23 Pour ceux qui l'ignore : ce long métrage est très particulier pour ce forum, car il a été réalisé par un ancien membre,
Quel était son pseudo ? Merci
Keyser.
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groil_groil
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cyborg a écrit : mar. 14 oct. 2025 17:36 Oh wow @Tamponn Destartinn ! Nico à réussi à faire un long métrage et tout et tout ?! Dingue ! Je n'ai malheureusement plus de contacts avec lui depuis des siècles, mais ça fait très plaisir d'apprendre ça. Me reviennent instantanément à l'esprit les centaines de messages de l'époque, l'ambiance du forum et les nombreuses fois ou on s'est vu à Paris.

Sais tu si c'est une sortie prévue sur un grand nombre de copies ? Ça me dirait de le visionner, pour sur.
Et question subsidiaire, y a des ref à Battlestar Galactica, ou pas ? :D
10 décembre annonce Allociné, et a priori c'est une grosse sortie, j'entends par là, une sortie tout à fait normale et pas un truc à deux salles /France.
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Keyser aux César ! :mrgreen2: :love: :love2:
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Tamponn Destartinn
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cyborg a écrit : mar. 14 oct. 2025 17:36 Oh wow @Tamponn Destartinn ! Nico à réussi à faire un long métrage et tout et tout ?! Dingue ! Je n'ai malheureusement plus de contacts avec lui depuis des siècles, mais ça fait très plaisir d'apprendre ça. Me reviennent instantanément à l'esprit les centaines de messages de l'époque, l'ambiance du forum et les nombreuses fois ou on s'est vu à Paris.

Sais tu si c'est une sortie prévue sur un grand nombre de copies ? Ça me dirait de le visionner, pour sur.
Et question subsidiaire, y a des ref à Battlestar Galactica, ou pas ? :D
Zero ref à Battlestar Galactica

Nico est un auteur avec ses obsessions, son long a bcp de thématiques communes avec ces deux courts, mais c'est rigolo quand tu le connais, parce que tu l'imagine pas forcément avec ces obsessions là. J'entends qu'il est très très sombre et réaliste, là où c'est vrai qu'on aurait pu l'imaginer plus faire de la série geek fantastique :lol:

Content que ça vous mette tous en joie comme moi, c'est toujours beau de voir quelqu'un parvenir à accomplir ses rêves d'ado
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B-Lyndon
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Petite demande à mes amis du forum :
quelqu'un aurait un fichier de Hamaca Paraguaya ?

Je ne sais comment le trouver autrement ! :??: :(

Merci beaucoup d'avance!
« j’aurais voulu t’offrir cent mille cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous »
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groil_groil
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B-Lyndon a écrit : ven. 17 oct. 2025 12:58 Image

Petite demande à mes amis du forum :
quelqu'un aurait un fichier de Hamaca Paraguaya ?

Je ne sais comment le trouver autrement ! :??: :(

Merci beaucoup d'avance!
on s'occupe de toi avec Mathieu
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B-Lyndon
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groil_groil a écrit : ven. 17 oct. 2025 14:05
B-Lyndon a écrit : ven. 17 oct. 2025 12:58 Image

Petite demande à mes amis du forum :
quelqu'un aurait un fichier de Hamaca Paraguaya ?

Je ne sais comment le trouver autrement ! :??: :(

Merci beaucoup d'avance!
on s'occupe de toi avec Mathieu

On dirait une menace comme c'est écrit :D

"Continue comme ça morveux et on va t'envoyer des films d'auteur paraguayens" :D


(Merci :love2: )
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groil_groil
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Qu'il est bon de se confronter de nouveau à de grands chefs-d'oeuvre de ce type. Ceux qui me connaissent savent que pour moi Hitchcock est le plus grand, et Rebecca, est le grand classique du maitre que je maitrise le moins, je ne l'avais vu qu'une fois et l'avais découvert assez tard. C'est le grand film romantique du cinéaste, quelque part entre le futur Citizen Kane et les films américains de Lang, premier film américain d'Hitchcock d'ailleurs, ça se sent comme ça se sent tout autant que c'est encore un film anglais. Le point de bascule parfait. Ce que j'aime tant dans ce film, outre son image et son atmosphère gothique bien caché derrière le conte de fée, c'est justement la façon dont monte la tension, partant d'une romance pour finir en thriller noir et angoissant. C'est géré avec une maestria totalement hallucinante. Alors bien sûr la mise en place du film est plus intéressante que son dénouement, suicide / pas suicide, meurtre / pas meurtre, au final peu importe, car c'est la mécanique mise en place par Hitchcock qui est prodigieuse, ainsi que la manière qu'il a de la mettre en scène. Un dernier mot sur Joan Fontaine, qui est une actrice extraordinaire, et qui est ici d'une beauté tellement hallucinante et moderne qu'elle en devient indescriptible. Bref, Joan Fontaine était la petite soeur d'Olivia de Havilland et les deux se sont détestées, haïes toute leur vie, alors qu'elles faisaient le même métier, sans doute pour cela d'ailleurs, la jalousie étant sans doute à l'origine de cette haine farouche. Mais ce qui est perturbant, c'est de voir que dans leurs filmos il est souvent question de double maléfique (La Double Enigme, chef-d'oeuvre de Siodmak pour Havilland par exemple où elle joue carrément les deux rôles). Et là, c'est déjà le cas, car le personnage de Joan vit dans l'ombre de Rebecca qui, bien que morte, l'empêche littéralement de trouver sa place, voire même de vivre. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il ne pas s'agir d'une simple coïncidence...
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Kit
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groil_groil a écrit : mar. 21 oct. 2025 14:03 Image

Qu'il est bon de se confronter de nouveau à de grands chefs-d'oeuvre de ce type. Ceux qui me connaissent savent que pour moi Hitchcock est le plus grand, et Rebecca, est le grand classique du maitre que je maitrise le moins, je ne l'avais vu qu'une fois et l'avais découvert assez tard. C'est le grand film romantique du cinéaste, quelque part entre le futur Citizen Kane et les films américains de Lang, premier film américain d'Hitchcock d'ailleurs, ça se sent comme ça se sent tout autant que c'est encore un film anglais. Le point de bascule parfait. Ce que j'aime tant dans ce film, outre son image et son atmosphère gothique bien caché derrière le conte de fée, c'est justement la façon dont monte la tension, partant d'une romance pour finir en thriller noir et angoissant. C'est géré avec une maestria totalement hallucinante. Alors bien sûr la mise en place du film est plus intéressante que son dénouement, suicide / pas suicide, meurtre / pas meurtre, au final peu importe, car c'est la mécanique mise en place par Hitchcock qui est prodigieuse, ainsi que la manière qu'il a de la mettre en scène. Un dernier mot sur Joan Fontaine, qui est une actrice extraordinaire, et qui est ici d'une beauté tellement hallucinante et moderne qu'elle en devient indescriptible. Bref, Joan Fontaine était la petite soeur d'Olivia de Havilland et les deux se sont détestées, haïes toute leur vie, alors qu'elles faisaient le même métier, sans doute pour cela d'ailleurs, la jalousie étant sans doute à l'origine de cette haine farouche. Mais ce qui est perturbant, c'est de voir que dans leurs filmos il est souvent question de double maléfique (La Double Enigme, chef-d'oeuvre de Siodmak pour Havilland par exemple où elle joue carrément les deux rôles). Et là, c'est déjà le cas, car le personnage de Joan vit dans l'ombre de Rebecca qui, bien que morte, l'empêche littéralement de trouver sa place, voire même de vivre. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il ne pas s'agir d'une simple coïncidence...
ce que ces vieilles affiches peuvent-être géniales :love:
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cyborg
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Slow Glass - John Smith - 1991

Le verre est une matière liquide plutôt que solide, tout n'est qu'une question de dimension temporelle ! Telle est l'idée qui constitue le point de départ des 40 minutes que dure Slow Glass. Le plus facétieux des réalisateurs expérimentaux, John Smith, construit ici un documentaire sur nos usages et fabrications contemporains du verre, déclinant à l'envie ses jeux linguistiques habituels. Il inclue bien évidemment la réflexion jusqu'au medium cinéma lui-même : la lentille de l'objectif étant en verre, sans doute à t-elle aussi des effets sur la temporalité. L'occasion de se livrer à une série d'illusions et de manipulations d'images que n'aurait pas renié Bill Viola lui même. L'une des meilleures réussite de l'auteur.

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L'art d'exposer - Alain Fleischer - 1982

Figure centrale de la scène créative française, à diverses raisons, les films signés par Fleischer restent pourtant méconnus et particulièrement dur à voir, même pour les pirates aguerris. Son œuvre la plus connue, Zoo Zéro, m'a laissé le souvenir d'une œuvre éblouissante par sa folie intrépide, et il me tardait de découvrir autre chose. Je devrais pour l'heure me limiter au documentaire télévisuel "L'art d'Exposer", produit par le Centre Pompidou, portant sur le Musée Condé à Chantilly. Celui-ci présente la particularité de ne pas pouvoir changer l'accrochage de sa collection, sur ordre testamentaire de son légataire. L'occasion pour Fleischer de se pencher sur le concept même de muséographie et de transposer l'idée de "montage" à travers l'espace et le temps. Si le début du documentaire est assez classique, faisant craindre un propos lénifiant, Fleischer finit par s'amuser follement -et nous avec- autour d'une reconstitution du musée sous forme de maquette, qu'il croise avec des images des rénovations du lieu. A voir jusqu'au bout !

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Kaza-Hana - Shinji Sōmai - 2000

SI je tiens Shinji Sōmai pour l'un des réalisateurs les plus singuliers et enthousiasmants du Japon, son dernier film Kaza-Hana (paru peu de temps avant son décès prématuré d'un cancer du poumon - à 53 ans seulement), n'est malheureusement pas une réussite. Un employé fraichement licencié et une prostituée improvisent un voyage en voiture jusqu'à Hokkaido en prévoyant de s'y suicider. Mais sur la route, la jeune femme décide de s'arrêter pour voir sa jeune enfant qu'elle à abandonné chez ses parents.... Le schéma assez classique du road-trip est ici traité de façon assez pénible incluant d'incessants flash-backs explicatifs, tandis que les personnages s'avèrent peu attachants. Alors que Somai brille en général par sa mise en scène (à minima lors d'une scène exceptionnelle) et/ou par le surgissement d'un réalisme-fantastique, rien ne vient ici redresser la barre. Dommage.

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Taiga - Ulrike Ottinger - 1991

Alors que Ottinger réalise en 1989 l'incroyable "Jeanne d'Arc de Mongolie", parait deux ans plus tard le versant documentaire de ce film : Taiga. Derrière l'humour et le merveilleux de "Jeanne d'Arc..."' se posait en creux la question de l'existence même de l'ethno-cinéma, de ses possibles et de ses limites. La proposition d'Ottinger sera celle d'un cinéma d'une minutie extrême et d'une lenteur tout aussi extrême. Le film au complet dure en effet 8h20 (je me confesse : j'ai regardé le tout en 8 parties !), longueur idéale pour un voyage immersif et méditatif jusqu'au plus profond du territoire mongol et de la vie quotidienne qui l'habite, entre tradition et modernité (la chute de l'URSS vient de surcroit d'avoir lieu, ce qui n'est pas sans impact).

Nous y suivons les activités quotidiennes, assistons aux rites divers, observons la nature et les paysages sublimes. Les rencontres sont nombreuses et souvent émouvantes (ce couple qui n'a vu personne depuis 6 ans ; la deuxième cérémonie shaman ; la discussion avec la très vieille femme...). Les choix d'Ottinger semblent tous précis et juste et permettent d'éviter toutes illusion et fétichisation de ceux qu'elle filme. Ainsi la supposé neutralité de la mise en scène est régulièrement rompue, car mentionné par les personnes filmés, quand ce n'est pas même le prenneur de son -acceptant un repas qu'on lui tend- qui apparait ostensiblement à l'image. Il n'y a de plus (du moins il me semble) aucun gros plan dans le film. Des plans plus rapprochés, oui, mais aucun très gros plans ou détails, traduisant la distance respectueuse de l'observation, la fascination qui ne devient jamais voyeurisme. Les séances durent et s'étendent, nous faisant exister auprès de celleux apparaissant à l'image, sans picorage ni envie d'en montrer toujours plus : nous verrons ce que nous pourrons voir, ni plus ni moins.

Enfin, et je ne sais pas si c'est le cas, mais le film semble avoir été filmé "en une seule fois" ou du moins en un seul voyage (ou si il y en a eu plusieurs ce fut toujours à peu près à la même période de l'année) car l'aspect de la végétation est toujours raccord, plus ou moins à l'automne, lors du voyage vers les grandes célébrations puis vers les "camps d'hiver", donnant une unité temporelle particulière à l’œuvre. Citons enfin la forme du "cercle" qui répond aux étendus infinis des paysages que Ottinger vient constamment capter par de longs panoramiques circulaires, semblant suivre la forme des yourtes typiques. Ce mouvement circulaire revient d'une façon "inversée" dans l'un des derniers plans. La réalisatrice clos en effet ses 8h en faisant le choix de filmer un mini-"parc d'attraction" local, et notamment une jeune fille sur un carrousel, tournant à l'infini sur des chevaux fantoches. Puis le film de se clore lorsqu'un employé ferme devant nous la porte d'une yourte-décor. Sans doute ne pouvait-on mieux conclure un film aussi extraordinaire et ambitieux, qui nous laisse rêveur mais pas naïf.

Pour les courageux curieux, le film est sur youtube https://youtu.be/wE7bx_ujugk?si=h9erpB9HlJ-ciCsg
Je recommande très chaudement.


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US Go Home - Claire Denis

Les films de la série "Tous les garçons et les filles..." produit par Arte finissent presque par tous se ressembler tant le motif de la fête y est récurrent, mais peut-être est-ce un point imposé ? On sent ici Denis encore à ses débuts (je n'ai pas encore vu Chocolat, mais je l'ai sous le coude), un peu hésitante mais déjà intéressée par la fragilité des corps, les mouvements, les contacts, la sensualité (jusqu'à la plus étrange : quand le frère étreint sa sœur...?), dans une atmosphère très (parfois trop) lente. Le plus intéressant est peut-être le sous-texte politique implicite avec la présence américaine totale par les choix et goûts culturels qui domine les imaginaires (la musique omniprésente, le soda) et qui finissent par posséder les corps dans leurs point les plus intimes (la perte de la virginité).
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cyborg a écrit : jeu. 23 oct. 2025 19:44
Slow Glass - John Smith - 1991
Pas plus tard qu’hier soir, j’ai vu pour la première fois un de ses films (c’est @B-Lyndon qui m’en avait parlé il y a quelques jours; je ne connaissais pas John Smith)

Du coup, j’ai vu : CITADEL (2020)
https://www.ubu.com/film/smith-john_citadel.html
(J’espère que tu connais cette mine qu’est ubu.com).

Beaucoup aimé !


cyborg a écrit : jeu. 23 oct. 2025 19:44 US Go Home - Claire Denis
Celui-ci je l’adore ! Contrairement à toi, je pense que les années 90 représentent la meilleure période de Claire Denis ( J’ai pas sommeil, US Go Home, Nénette et Boni, Beau travail, Truble every day). Tu ne connais pas ces films ? Je suppose que si.
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@sokol : non je n'ai pas vu celui-ci, je jetterai un œil. Mais j'aurais dit que ce que Smith faisait ces derniers temps était moins intéressant tout de même.
Je pense l'avoir cité plusieurs fois ici, au moins pour évoquer "The Girl Chewing-Gum", qui me semble essentiel pour comprendre certaines formes de créations (j'avais dit que c'était l'envers de la scène d'ouverture de La Nuit Américaine, notamment).

Quant à Denis je n'ai jamais dit que les années 90 ne représentaient pas sa meilleure période ! J'aime énormément Beau Travail, ainsi que les autres que tu cites, qui sont parus après "US". Juste que là elle me donne l'impression d'être encore un peu fragile car encore au début de sa carrière, même si ça va s'estomper rapidement.
En fait je me suis surtout fait chier dans toute la partie de la 2ème fête, donc ça a pesé sur ma vision de l'ensemble.
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cyborg a écrit : ven. 24 oct. 2025 12:14 Je pense l'avoir cité plusieurs fois ici, au moins pour évoquer "The Girl Chewing-Gum", qui me semble essentiel pour comprendre certaines formes de créations (j'avais dit que c'était l'envers de la scène d'ouverture de La Nuit Américaine, notamment)
Le problème, c’est que je suis un inculte en matière de cinéma expérimental. J’ai vu très, très peu de choses…
cyborg a écrit : ven. 24 oct. 2025 12:14Quant à Denis [...] je me suis surtout fait chier dans toute la partie de la 2ème fête, donc ça a pesé sur ma vision de l'ensemble
C’est elle que j’avais préférée ! Je m’étais même dit que si tout le monde filmait les fêtes (et les boîtes…) comme ça, le cinéma se porterait bien mieux. Comme quoi !
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À la fin de son intervention sur Close-Up de Kiarostami, juste avant les questions du public (1:13:50), Bégaudeau explique que Kiarostami, à la fin, consacre Hossain Sabzian — le héros principal, « le roi du film » — pour le remercier de lui avoir donné la puissance et la beauté de son Close-Up, en le montrant dans le tout dernier gros plan (close-up) du film (photo) :

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« Kiarostami sanctifie Hussein. C’est un saint », conclut Bégaudeau.



Ce qui est intéressant, c’est que pas mal de spectateurs, durant le débat qui suit, s’interrogent sur la religiosité du film. Certains pensent même qu’il s’agit peut-être d’un saint christique, et demandent à Bégaudeau si Kiarostami n’appartenait pas à la minorité chrétienne d’Iran — très probablement en confondant l’Iran, où cette minorité est quasi inexistante, avec l’Irak, où elle est plus ou moins importante.
Il répond très humblement qu’il n’a jamais su si Kiarostami était croyant ou non.

Ce qui est fascinant dans tout cela, c’est que Bégaudeau « oublie » (ou ne sait pas vraiment, même si cela m’étonnerait) que Hussein, le prénom que porte le héros principal, n’est autre que la figure centrale du chiisme, celle qui le distingue de l’islam sunnite (majoritaire dans le monde) et une figure très importante dans la culture perse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Hussein_ibn_Ali

Et je me disais : moi qui aime tant Close-Up — non seulement parce que c’est mon film préféré de Kiarostami, mais aussi un de mes 4-5 films préférés de tous les temps — en le mettant à côté de quelques autres films (Stalker, L’humanité…), je me rends compte que, malgré ma nature profondément athée (je ne me considère pas seulement agnostique, mais vraiment athée), les personnages de mes films préférés relèvent quasiment tous du sacré, d’une manière ou d’une autre :

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Ce qui prouve, peut-être, la nature presque religieuse du cinéma.
Ou, pour le périphraser à travers Godard :”Le cinéma (mon commentaire : comme la religion) est la seule invention sans avenir, parce qu’il a voulu être toutes les autres, à la fois la littérature, la peinture et la musique (mon commentaire : la religion de toutes les religions)”.
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Une fois par an, comme d'hab. en version longue. Je ne reviens pas dessus, je l'ai suffisamment fait, mais il y a peu de films qui peuvent se prétendre d'avoir changé le monde, et JFK est l'un de ceux-là.

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C'est le plus "gros" film d'Hafsia Herzi, la cinéaste prend de l'ampleur, la Palme d'Or d'interprétation à Cannes ne va qu'accélérer le processus, a tel point que j'ai vu le film dans une salle immense, et nous n'étions pas plus nombreux que pour ses films précédents (mais je crois que ça marche pas si mal que ça, tant mieux), et le souci c'est que plus les films sont gros moins la personnalité de la cinéaste est visible. Là c'est encore un film d'auteur, mais c'est devenu un film du milieu comme disait Pascal Ferran, il aurait pu être réalisé par n'importe quel autre cinéaste du milieu. Bon je dis ça, mais j'ai aimé le film pourtant, et l'actrice, toute en retenue, est super. Ce qui me déçoit c'est que jamais on ne sente le conflit entre sa religion et son homosexualité naissante, comme si les deux n'interféraient jamais et comme si ça ne posait aucun problème, alors que ça aurait dû être le noeud du film (ça apparait à la toute fin lorsqu'elle va voir l'imam de la Mosquée de Paris V, mais il est trop tard, le film est en train de s'achever). Alors il parait que c'est pareil dans le livre (que je n'ai pas lu) et que l'adaptation est fidèle, et que c'est l'histoire fidèle de son autrice. Alors très bien, mais franchement je pense que le film aurait été beaucoup plus réussi, pertinent, s'il avait choisi cette option.

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Tout le monde s'excite devant le nouveau Netflix Film de Kathryn Bigelow, et bon, le film est cool mais quand même franchement décevant. On y raconte l'incapacité de l'armée et de l'état américains à réagir convenablement alors qu'un missile nucléaire lui a été balancé à la gueule et devrait toucher son point d'impact dans très peu de temps. C'est raconté 3 fois de suite, façon Rashomon, avec trois points de vue différents, mais franchement on avait compris dès le premier. Beaucoup d'images pour rien, pour un résultat pas honteux mais qui ne propose rien de plus qu'une fusion de 24 Heures Chrono & War Games.

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Vu avec les enfants, toujours un plaisir. Et ça fonctionne encore.

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Anne Fontaine, qui est l'une des plus mauvaises cinéastes de notre pays, met en scène ses fantasmes de petite bourgeoise parisienne dans un trio impossible, et ça fait souvent pitié. On doit lui reconnaitre un twist final assez malin qui sauve l'ensemble du zéro pointé.

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Le seul survivant d’un crash aérien est pris en main par un mystérieux assureur qui l’introduit dans un cercle de jeu clandestin où la mort et la chance sont étroitement liées... Un thriller espagnol envoûtant et ingénieux aux accents fantastiques.

Federico possède un don : quand il touche une personne, il lui vole son potentiel de chance et d'accès au bonheur. Employé dans un casino, il remet au pas les gagnants qui menacent d'empocher d'énormes gains. Son patron, Samuel, a miraculeusement échappé à la mort dans un camp de concentration durant la Seconde Guerre mondiale : il est le survivant par excellence, devenu théoriquement intouchable. Mais lorsque Federico veut rompre leur association et quitter le casino, Samuel lui retire son don de “voleur de chance”. Pour se venger, Federico veut alors à tout prix défier le maître à son propre jeu. Quelques années plus tard, il s’allie à Tomás, un jeune braqueur traqué par la police, par ailleurs unique rescapé d'une catastrophe aérienne. Ils entreprennent ensemble un parcours initiatique au sein d'un autre cercle de jeu, clandestin celui-là, où le manque de chance peut conduire à la mort...

Course au profit
Saturé d’une atmosphère fantastique aux accents lynchiens, ce premier film de Juan Carlos Fresnadillo glisse peu à peu dans l’étrange dimension d’un récit mystique, où la chance ferait l'objet d'un culte. Les personnages qu’elle favorise sont ainsi considérés comme des Élus, dotés d’une aura et d’un pouvoir surnaturels dont ils entendent priver leurs concurrents pour en jouir à leur seul profit. Satire vénéneuse de l’individualisme et de l’avidité, sous les méandres d’un thriller à l’esthétique classieuse et étonnamment riche, Intact offre quelques scènes chocs, comme une course spectaculaire dans une forêt, les yeux bandés, dont un seul participant peut sortir vainqueur – sans compter le spectateur, qui se délecte de ce pur moment de cinéma.

Ce que vous venez de lire est le résumé complet sur le site d'Arte. Je l'ai copier coller tout simplement parce que je n'ai absolument rien compris au film. Mais vraiment rien. L'esthétique et l'ambiance sont entre L'Ecureuil Rouge et Le Quatrième Homme, mais je serai bien infichu de vous dire autre chose du film.
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groil_groil a écrit : jeu. 30 oct. 2025 09:57
C'est le plus "gros" film d'Hafsia Herzi, la cinéaste prend de l'ampleur, la Palme d'Or d'interprétation à Cannes ne va qu'accélérer le processus, a tel point que j'ai vu le film dans une salle immense, et nous n'étions pas plus nombreux que pour ses films précédents (mais je crois que ça marche pas si mal que ça, tant mieux), et le souci c'est que plus les films sont gros moins la personnalité de la cinéaste est visible. Là c'est encore un film d'auteur, mais c'est devenu un film du milieu comme disait Pascal Ferran, il aurait pu être réalisé par n'importe quel autre cinéaste du milieu. Bon je dis ça, mais j'ai aimé le film pourtant, et l'actrice, toute en retenue, est super. Ce qui me déçoit c'est que jamais on ne sente le conflit entre sa religion et son homosexualité naissante, comme si les deux n'interféraient jamais et comme si ça ne posait aucun problème, alors que ça aurait dû être le noeud du film (ça apparait à la toute fin lorsqu'elle va voir l'imam de la Mosquée de Paris V, mais il est trop tard, le film est en train de s'achever). Alors il parait que c'est pareil dans le livre (que je n'ai pas lu) et que l'adaptation est fidèle, et que c'est l'histoire fidèle de son autrice. Alors très bien, mais franchement je pense que le film aurait été beaucoup plus réussi, pertinent, s'il avait choisi cette option.
Dans ce film, on ne retrouve presque aucune véritable personnalité de la cinéaste — force est de constater qu’il y en avait déjà peu dans ses précédents. Hafsia est une excellente actrice, mais, à mon humble avis, ce n’est pas une bonne cinéaste.
Quant au sujet du conflit entre l’islam et l’homosexualité, comment pourrait-elle véritablement le traiter ? Tout le monde s’y casse les dents (un autre exemple : les frères Dardenne avec Le Jeune Ahmed).
La raison n’est pas si complexe qu'on croit : elle tient au regard orientaliste — au sens du génial "L'Orientalisme" d’Edward Said — dont ces cinéastes n’arrivent pas à se défaire. Même quelqu’un comme Hafsia, pourtant issue d’une culture musulmane, n’y échappe pas. Un exemple : la mère de l'héroine est coincée dans les clichés des mères maghrébines des années 70-80. Or, comme me le disait une collègue qui a vu le film et qui est issue de l’immigration, en 2025, il n’y a pratiquement plus de mères de famille d’une cinquantaine d’années qui restent à la maison toute la journée à touiller dans la cuisine du matin au soir ! Ou le fait qu'on ne parle pas, ne serait ce que quelques minutes, en arabe dans cette maison !

Le seul qui parvient à dépasser cet écueil est sans doute RAZ (Rabah Ameur-Zaïmeche), car il a le talent et l’intelligence de placer au premier plan la dimension socio-économique de ses personnages mais "n'est pas RAZ qui veut"
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groil_groil a écrit : jeu. 30 oct. 2025 09:57 Une fois par an, comme d'hab. en version longue. Je ne reviens pas dessus, je l'ai suffisamment fait, mais il y a peu de films qui peuvent se prétendre d'avoir changé le monde, et JFK est l'un de ceux-là.
Chaque fois que tu parles de ce film (que j’aime bien, même si je ne l’ai vu qu’une fois), j’ai l’impression que tu parles d’Erin Brockovich (que j’aime bien aussi, et que tu regardes une fois par an, non ?). Et vice versa.
Pourtant, ils ont été faits à dix ans d’écart (en 1990 et en 2000).
C’est marrant comme la perception peut les faire apparaître comme deux frères siamois :D
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yhi
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sokol a écrit : jeu. 30 oct. 2025 10:51 Dans ce film, on ne retrouve presque aucune véritable personnalité de la cinéaste — force est de constater qu’il y en avait déjà peu dans ses précédents.
Comment tu connais sa véritable personnalité alors ? :hehe:
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sokol
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yhi a écrit : jeu. 30 oct. 2025 11:36
Comment tu connais sa véritable personnalité alors ? :hehe:
Très probablement je m'exprime mal car, en voulant périphraser @groil_groil :
groil_groil a écrit : jeu. 30 oct. 2025 09:57 le souci c'est que plus les films sont gros moins la personnalité de la cinéaste est visible.
je voulais simplement dire que je trouve peu de personnalité cinématographique chez cette actrice/réalisatrice
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cyborg
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@sokol : il va falloir que tu vois Sirat alors :D


De mon côté


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Si Reygadas n'est pas dans la liste des producteurs (rôle qu'il joue pour les trois précédents films de Amat Escalante), son aura reste aisément palpable par les choix esthétiques et de mise en scène composant La Région Sauvage. Un peu trop peut-être pour pleinement convaincre et n'avoir pas l'impression d'être face à un succédané poseur. La société mexicaine est, on le sait, gangrené par la violence et le machisme. L'idée d'incarner ces maux en un mystérieux monstre tentaculaire aurait pu être judicieux, mais ne convainc malheureusement jamais, peut-être par manque de profondeur - ou d'originalité - des personnages et des enjeux qu'ils portent. On retrouve peut-être là aussi les travers de la première partie de carrière de Reygadas - cette envie par dessus tout de choquer - qu'il aura appris à contenir en laissant des pistes ouvertes. Peut-être Escalante finira-t-il lui aussi par trouver le juste équilibre ?

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Nuit Docile - Guy Gilles - 1987

Guy Gilles, le plus méconnu des auteurs de la nouvelle vague, à signé avec ses premiers films parmi les plus beaux du cinéma français. A l'inverse son dernier film, Nefertiti (1994), à la réputation d'être catastrophique, son combat contre le sida n'ayant sans doute pas aidé. Malheureusement son film précédent, Nuit Docile (1987), peine lui aussi à convaincre. On y trouve pourtant une sorte de Guy Gilles concentré, reprenant à l'identique ses marottes thématiques et son style de mise en scène. Mais leur transposition quasi intacte 20 ans plus tard ne fonctionne pas du tout, se noyant dans une époque qui n'est plus la sienne. Le résultat sombre dans un pathétisme triste, n'arrivant même pas à dégager la charmante saveur douce-amer que l'on aurait pu espérer.
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sokol
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cyborg a écrit : jeu. 30 oct. 2025 18:46 @sokol : il va falloir que tu vois Sirat alors :D
Jamais de la vie mais je ne vois pas trop pourquoi tu dis ça
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@sokol : Lis mon texte ;)
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cyborg a écrit : jeu. 30 oct. 2025 20:55 @sokol : Lis mon texte ;)
Je veux bien mais lequel ?
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s@sokol mon texte sur la page d'avant au sujet de Sirat ?
cyborg a écrit : dim. 5 oct. 2025 21:51 Image

Le succès critique et public de Sirat semble indiquer que la question de la foi n'est pas autant reléguée aux oubliettes de notre époque que l'on aurait pu le croire. Peut-être continue-elle de nous habiter, de ronger le fond de notre modernisme sceptique. Sans doute la somme des crises mondiales que nous traversons, générant une perte de repères généralisée, est-elle en train de la remettre au gout du jour. Et c'est bien ce dont s'empare Olivier Laxe, livrant avec Sirat le plus grand film sur la foi que nous avons pu voir depuis longtemps sur grand écran.

Nous savions l'auteur attiré par la mystique religieuse qui composait ouvertement la trame de ses premiers films ("Mimosa", que j'ai vu, mais aussi "Vous êtes tous des capitaines", que je n'ai pas encore vu). Les grandes idées de Sirat sont au nombre de deux. D'une part se placer dans un imaginaire de fin du monde, digne d'une dystopie à la Mad Max (un dialogue du film dit même que nous sommes déjà après la fin du monde), particulièrement en vogue. De l'autre de ne pas aborder son sujet frontalement et se donner une apparence laïque, le monde des teufeur-travellers, et prétexter l'histoire d'une disparition, de la recherche d'un proche au fin fond du Maroc.

En ce sens Sirat se pare avec adresse d'une hypertexualité, laissant se dérouler son intrigue en la parsemant de signes mystico-spritualo-religieux Tout s'ouvre sur l’installation d'un mur d'enceinte filmé comme la Cène, tandis que la foule de danseurs composés de marginaux, de hors-castes et d'éclopés n'a rien à envier à la plèbe des croyants bibliques. A ce titre, que deux des personnages principaux soient des amputés n'est pas un hasard. Leur évacuation du dance-floor par l'armée est digne de l'éviction des croyants dans L’Évangile Selon St Mathieu de Pasolini. Les vrais, ceux qui croient par dessus tout, s'échappent alors du convoi pour poursuivre leur quête. Et ce n'est qu'alors qu'apparaissent en énorme les lettres du titre du film, peu avant le franchissement d'un cours d'eau-Jourdain, marqueur d'un impossible retour en arrière. Le film véritable peut commencer, celui d'une traversée aveugle du désert, tâche évangélique si il en est. Laxe y débute alors un film plastiquement superbe, n'hésitant ni à faire corps avec son sujet, ni à convoquer les plus grands films de désert (on songe sans hésiter à 2001, à Zabriskie Point, au Salaire de la Peur, à Gerry...) tout en les dépassant pour livrer un film des plus saisissants.

Ici certains vont chercher le son (l'esprit saint ?) et d'autres un être (le corps du... ?). La quête est différente mais le trajet commun. Du moins jusqu'au basculement du cœur du film venant en rebattre les enjeux. Dans Mimosa déjà, la mort d'un des personnages principaux se posait comme centre, comme rebond scénaristique forçant à se confronter à l'après (ici la perte d'un fils, élément sacrificiel digne d'un verset biblique). Car, pour ceux qui restent, il faut bien vivre, continuer à être, à avancer. Sirat finit de la sorte par se composer d'une double abstraction vertigineuse, celle de la quête d'une raison d'être et celle d'un territoire réduit à ses pures surfaces. Le film pourrait confiner à la folie -on sent d'ailleurs un relent de Voyage au bout de l'Enfer dans ces véhicules fonçant droit dans la nuit battue par le vent- mais la réponse de Laxe est bien plus belle, à savoir la voie du groupe et de la communauté, donnant à son film une tonalité initiatique. Les uns et les autres, désormais réuni par la sidération du désespoir, deviennent alors un seul corps (la nuitée partagée dans la camion, tous collés ensemble), celui d'une famille choisie (terme employé par un personnage) se formant de facto par les affinités et les souffrance partagées.

Avec habileté Laxe ne reste néanmoins pas resserré sur son groupe de personnages, enchâssant adroitement son film à une plus vaste échelle. Plane ainsi le présage du début d'une nouvelle guerre mondiale, dont on préfère détourner le regard quand passe un convoi sous nos yeux, ou que l'on nie en éteignant la radio. La collusion de tout ces éléments est d'autant plus violente quand explosent des mines sous les pieds des danseurs. L'écho des bombes et l’écho des basses se rencontrent ici dans une sidérante déflagration. Alors que le film s'immobilise par un effroyable jeu de vie ou de mort, la seule façon de reprendre la route sera, à nouveau, la foi pure. "Droit devant sans trop y réfléchir" crie Luis aux deux survivants qui devront reproduire le miracle tandis que ses traces ont déjà été effacé par le vent. Et le film de se conclure sur un train de marchandises où se mélangent à nouveaux les corps, tous les corps, fonçant sur un chemin de fer vers un horizon inhospitalier. C'est en propulsant les spectateurices à toute allure vers ce paysage aride que Laxe nous confronte alors à une question essentielle : qu'elle est notre croyance pour la possibilité d'un monde de demain ?
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sokol
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@cyborg Mais je l’avais lu !!
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cyborg a écrit : dim. 5 oct. 2025 21:51
[De l'autre de ne pas aborder son sujet frontalement et se donner une apparence laïque
Ce que tu n’as pas compris de mon post, c’est que justement, les films que je cite — L’Humanité, Stalker, Close-Up — abordent leur sujet frontalement, sans chercher à se donner une apparence de quoi que ce soit (laïque, religieuse, agnostique, ou autre). Tout le contraire du film en question (Sirat)
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Si si j'ai bien compris ton post.
Ça n’empêche que ma lecture du film fait un point de raccord avec le sujet - au sens large - que tu abordes. C'est tout...
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Tamponn Destartinn
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Tu sens que c'est l'adaptation d'un bouquin autobiographique très dense et que Stewart n'a pas osé enlever des passages de la vie de l'autrice. Dans un souci d'exhaustivité, le film dépasse les deux heures, tout en allant parfois très vite sur certains points (par ex : à un moment, l'héroine se marie puis divorce. Si tu clignes les yeux, tu loupes l'info !)
Ca ne veut pas dire pour autant que Stewart n'a pas adapté, dans le sens rendre cinématographique la narration de cette histoire. Franchement, pour un premier film, c'est très impressionnant. On est constamment dans la tête de ce personnage principal aussi fascinant que complexe, via une maitrise de la mise en scène très sensorielle et d'un montage inventif, jamais lourd malgré des effets osés. La direction d'acteur est absolument parfaite, aussi. Imogen Poots est prodigieuse. Actrice exactement du même âge que Kristen Stewart, mais loin d'être aussi connue et célébrée, elle mérite ici toutes les éloges possibles.
C'est vraiment dommage que le film ne trouve pas son public. Je pense qu'il y a une confusion à cause de sa réalisatrice, mais c'est une erreur de la snober. Ceci étant dit, une mise en garde s'impose : la premier demi heure du film est très très dure. Ca parle d'inceste et ça ne fait pas semblant. La suite - le vrai sujet du film, à savoir comment se reconstruire après une enfance brisée - est plus "tranquille".
Modifié en dernier par Tamponn Destartinn le sam. 1 nov. 2025 21:08, modifié 1 fois.
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sokol
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Tamponn Destartinn a écrit : sam. 1 nov. 2025 17:25
Tu sens que c'est l'adaptation d'un bouquin autobiographique très dense et que Stewart n'a pas osé enlever des passages de la vie de l'autrice.

On dirait qu’il s’agit du dernier film de Hafsia Herzi :mrgreen2:
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Et pourtant on ne peut pas faire deux films plus opposés je pense !
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yhi a écrit : sam. 1 nov. 2025 20:47 Et pourtant on ne peut pas faire deux films plus opposés je pense !
Exactement
A titre personnel, je suis plutôt client des deux. Mais il est évident qu'on peut aimer l'un et détester l'autre sans aucun problème :D
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@Tamponn Destartinn
Selon toi, le film est plutôt chaotique ou doloriste ? (Ce sont deux qualificatifs que j’ai trouvés à son sujet. Je te pose la question pour me motiver à aller le voir. Merci)
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sokol a écrit : jeu. 30 oct. 2025 11:04
groil_groil a écrit : jeu. 30 oct. 2025 09:57 Une fois par an, comme d'hab. en version longue. Je ne reviens pas dessus, je l'ai suffisamment fait, mais il y a peu de films qui peuvent se prétendre d'avoir changé le monde, et JFK est l'un de ceux-là.
Chaque fois que tu parles de ce film (que j’aime bien, même si je ne l’ai vu qu’une fois), j’ai l’impression que tu parles d’Erin Brockovich (que j’aime bien aussi, et que tu regardes une fois par an, non ?). Et vice versa.
Pourtant, ils ont été faits à dix ans d’écart (en 1990 et en 2000).
C’est marrant comme la perception peut les faire apparaître comme deux frères siamois :D
En effet c'est amusant, mais je vois tout de même JFK plus souvent qu'Erin.
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Bon film fantastique avec une idée forte, celle qui reprend l'idée ancestrale des deux amoureux n'étant que la moitié d'une même personne recherchant l'autre. Le cinéaste Michael Shanks en profite pour transformer cela à la fois en film sur les violences conjugales (de toute sorte) et en idée cinématographie visuelle assez réussie (celle de la fusion effective entre deux corps).

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Le film que nous avons visionné cette année avec les enfants pour Halloween (vivement qu'ils grandissent pour qu'on puisse voir des trucs vraiment gore :D ). Je n'aime pas tellement Burton, j'ai beaucoup écrit à ce sujet, mais je dois dire que j'ai eu du plaisir à revoir ce film découvert à sa sortie en salle en décembre 1988. L'ensemble est déjanté, mais dans le bon sens du terme, on sent une vraie envie de s'amuser et un plaisir fou pris à ne pas respecter les conventions. Le film n'a parfois ni queue ni tête mais la joie et l'amusement sont assez permanents.
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Les Soviets Plus L'Electricité - Nicolas Rey - 2001

De Paris à la baie de Nagaïev (comprendre : l'extrème-est de la Sibérie) en train, en camion, en bus, en bateau, le temps d'un été, celui de 1999, tout juste 10 ans après la chute du rideau de fer. C'est cette épopée du réalisateur, traité par un mode mineur, qui compose les 3h des "Soviets plus l'electricité". Nous sommes ici à l'improbable croisement de deux films extraordinaires : D'Est de Chantal Akerman et "As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty" de Jonas Mékas, qui paraitra par hasard de façon concomitante. Le résultat en est tout autant extraordinaire, celui d'un "cinévoyage" par l'angle du journal filmé erratique, parcellaire, flageolant, antithèse parfaite de toute expédition documentaire.

Ce lent trajet à travers la monumentale Russie semble faire corps avec l'invisibilité même du territoire qu'il parcourt, sortant de près d'un siècle d’isolationnisme. S'agrègent ainsi des images de paysages, de bâtiments, de plantes et véhicules divers, toujours aux contours incertains et flous, quand elles ne disparaissent pas totalement pour laisser la place à de longs plans noirs. S'y superposent une strate sonore faite d'anecdotes diverses et de bruits d'ambiances. Alors qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même, comment pouvons nous appréhender un tel pays, lui qui aura si profondément stimulé les fantasmes et imaginaires artistiques (on songe de loin en loin à Tarkovski, Vertov ou Medvedkine) et politiques (on y murmure des citations de Marx, on y évoque des ancêtres familiaux communistes). Et peut-être est-ce ce que Ray nous raconte ici, en creux : que son voyage (et peut-être que tout voyage ?) est l'exacte jonction de nos attentes et de nos souvenirs, la superposition de ce que l'on pensait voir et de ce que l'on croira avoir vu. Comble de l'élégance, nous apprendrons que le film est tourné en 8mm sur des bobines soviétiques périmés, inscrivant le film dans un propos conceptuel à part entière : jamais l'adage "medium is the message" n'aura paru plus convaincant.


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The Mafu Cage - Karen Arthur- 1978

La décennie 70 est sans doute celle ayant permis aux films les plus étranges d'exister, pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire. Nous penchons malheureusement plutôt dans cette deuxième catégorie pour "The Mafu Cage", l'un des rares films d'horreur réalisés par une femme. Nous y suivons la vie quotidienne de deux sœurs dont la maison présente la particularité de posséder une grande cage (comprendre : la moitié du salon) avec un singe. Du moins jusqu’à ce que ce la plus fragile des deux ne tue l'animal et exige d'en avoir un nouveau...
Tout semblait en place pour découvrir un film féministe étrillant le patriarcat, mais l'ambition s'arrête vite (à moins qu'elle n'ai même jamais existé...) et se perd rapidement entre inceste, violence animal et fétichisation malaisante du continent africain. La visionnage est assez déplaisant, mais pas forcément pour les bonnes raisons...

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Dans Home (2008), pour protéger-isoler la cellule familiale on finissait par murer les portes et fenêtres de la maison. Dans La Ligne, pour répondre à la mesure d'éloignement entre une mère et sa fille, on trace un cercle de peinture sur le sol. Peut-être y a t-il toujours quelque chose de l'illustratif - pour ne pas dire du littéral - dans le cinéma d'Ursula Meier. Tout le reste du film est à ce même niveau, les choses s'y déroulent sans surprise, la mise en scène est d'une mollesse folle et les acteurs font exactement ce qu'on aurait pu espérer (ou craindre...) d'eux (Valeria Bruni-Tedeschi, bon dieu... et que dire de Benjamin Biolay, gasp). Si le sujet est intéressant, car rare (la violence "gratuite" d'un personnage féminin, et la violence morale filiale) et tente de mélanger humour et drame, on ne peut sortir du film sans l'impression d'avoir vu une œuvre de, par et pour des bourgeois, bien au chaud dans leur petit canton du Valais. Dispensable.
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sokol a écrit : dim. 2 nov. 2025 00:57 @Tamponn Destartinn
Selon toi, le film est plutôt chaotique ou doloriste ? (Ce sont deux qualificatifs que j’ai trouvés à son sujet. Je te pose la question pour me motiver à aller le voir. Merci)
Chaotique, ça se discute
Doloriste, je ne suis pas d'accord, même si c'est surement un reproche lié au début du film.

Comme dis dans ma critique, le premier chapitre (il y en 5, pas forcément égaux en durée) est très dur, multiplie les scènes de violence subies par l'héroine. Vu que tu peux partir en début de séance si ça ne te plait pas, je le précise : j'ai presque hésité à le faire, tellement ça m'oppressait. Mais j'ai senti qu'il fallait rester et j'ai bien fait. Le film est dans la tête d'une femme qui a toutes les cartes pour devenir quelqu'un et être enfin heureuse, mais le trauma de son enfance l'empêche d'en jouir. C'est un film sur le trauma et le temps nécessaire pour s'en remettre. Pour que ça marche, elle montre de front l'objet du dit trauma (on parle d'inceste, pour être clair), mais ce n'est pas doloriste pour autant selon moi. C'est juste nécessaire. Le chaos, par contre, a forcément un peu sa place de son côté.
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Tamponn Destartinn a écrit : dim. 2 nov. 2025 14:01 Chaotique, ça se discute
Doloriste, je ne suis pas d'accord, même si c'est surement un reproche lié au début du film.
Merci de a réponse. :jap:

Chaotique ça me va (beaucoup même !). Doloriste, non.

Je vais essayer de trouver un moment pour le voir
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La Terre a été détruite par l'homme. Une réunion d'états africains décide d'envoyer une fusée sur une nouvelle planète, hors de notre système solaire, mais qui présente les mêmes conditions de vie que la nôtre (la fameuse planète B), fusée dont l'équipage n'est constitué que de savants et spécialistes issus de différents pays africains. J'aime bien l'humour de Zadi, j'avais aimé son premier film Tout Simplement Noir, vraiment très drôle, mais malheureusement le miracle ne se reproduit pas ici. Il y a pourtant quelques vannes vraiment très drôles, bien vues et pertinentes, mais même les gags sont souvent ratés. Le souci, c'est que c'est sans doute un trop gros film, trop ambitieux, avec trop de moyens, et que les vannes ne sont plus qu'une des variables d'ajustement de cette grosse machine au lieu d'en être le moteur. Plus la machine est grosse, plus elle est lourde et compliquée à manœuvrer. J'espère qu'il reviendra vite à la modestie - synonyme de réussite - de son premier film.
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Gates of Heaven - Errol Morris - 1971

Morris réalise un film sur un cimetière pour animaux mais se préoccupe peu des animaux en eux-même : il s'intéresse aux humains qui tiennent à leurs animaux de compagnie au point de leur fournir une cérémonie proche des rites funéraires humains. D'un côté il y a les propriétaires d'animaux (l'intime) et de l'autre les propriétaire du cimetière (le business). Apparait ainsi une série de portraits très bavard, tous lié par un rapport différent à la mort. Ceux-ci sont mis en scène d'une façon incroyablement précise et l'on se croirait à feuilleter un livre de William Eggleston, distillant à la perfection l'esthétique américaine des années 70s. C'est là ou l'on se dit que le film à peut-être un peu vieilli. Pas uniquement dans les choix esthétiques de la société d'alors que dans ce qu'il semble nous dire de ces gens : ce sont de gentils farfelus. De nos jours, alors que notre rapports à la nature, au vivant (et donc à la mort) se reconfigure, l'approche serait sans doute plus empathique. C'est néanmoins, et heureusement, la bienveillance qui prédomine et qui clôt le film, laissant la part belle au fils du propriétaire mal dans sa peau et au couple s'expliquant sur les raisons de sa décision.

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Reichardt à toujours excellé dans le minimalisme et "Certain Women" ne viendra pas le démentir. Ce triple (ou quadruple) portraits de femmes vivant au cœur de l'Amérique, d'une simplicité extrême, se déploie avec une grande précision et une grande douceur, ne masquant pourtant rien des cicatrices portées par les unes et les autres. Par la simplicité du quotidien, des relations humaines, des conversations banales se dévoilent peu à peu la simple difficulté à vivre, à exister, à être en tant que femme au sein de notre société contemporaine. Le résultat est époustouflant, sans doute l'un des meilleurs films de la réalisatrice.
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Tyra
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sokol a écrit : lun. 3 nov. 2025 11:48
Tyra a écrit : lun. 3 nov. 2025 10:22 Finalement, tu parles assez peu des raisons de ton rejet du film. De mon coté j'ai étonnamment beaucoup aimé.
Pour faire très simple : écoute Bégaudeau — il en parle, à mon humble avis, magistralement bien. De surcroît, son interlocuteur a adoré le film, donc il y a véritablement un débat.
Mais si je devais résumer en une phrase, comme le conclut Bégaudeau : ce film est truffaldien, c’est-à-dire qu’il porte tous les « défauts » que Godard, le héros principal du film de Linklater, reprochait à La Nuit américaine (un film sur un tournage également !! hasard ?) de Truffaut à travers sa fameuse lettre
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Débat intéressant. Mais parfois Begaudeau parle beaucoup trop de ce qu'il aurait aimé trouver dans le film, plutôt de ce qu'il a vu (notamment sur tout ce qui porte sur la postérité de la Nouvelle Vague, qui n'est vraiment pas le sujet ici). D'ailleurs, il commence par dire un truc intéressant en début d'intervention, sur laquelle il annonce revenir plus tard, en oubliant de le faire. Il dit avoir pris beaucoup de plaisir, ce qu'il déplore, car on comprend que le plaisir qu'il a pris devant le film est en contradiction avec les qualités du film qu'il trouve peu nombreuses. Or, j'aurais tendance, lorsque je parle d'un film, à partir de là, pourquoi j'ai pris du plaisir, plutôt que d'essayer de le minimiser. Car il est de mon coté assez rare de prendre un grand plaisir devant un film que je trouve mauvais.
Partant de ce plaisir pris devant le film, donc :
- Un vertige de la reconstruction assez unique. Alors que nous avons tous vus des centaines de biopics, recherchant un certain vérisme, notamment par la ressemblance et imitation des acteurs, n'aboutissant qu'à un sentiment d'artificialité et de faux, ici j'ai l'impression de voir une époque et des gueules ressuscitées des années 60. On se demande ce que foutent les directeurs de castings français en nous dégotant chaque jours des exoplasmes sans vie, lorsqu'un texan ne parlant pas un mot de français arrive à trouver de telles personnalités (qui transparaissent derrières le jeux ludiques de l'imitation). Il y a quelque chose d'assez expérimental finalement dans le projet, FB évoque le remake de Psychose par GVS comme pure expérience formelle, et qu'il aurait été génial de refaire A bout de souffle plan par plan de cette manière. Or je trouve qu'il y a quelque chose d'assez expérimental et fou dans la reconstitution de ce tournage qui se rapproche de cette expérience provoquant un décalage troublant.
- Une joie, toute simple, celle de créer. Ce n'est pas monté si souvent. L'habitude des biopics, qu'ils consacrent un artiste ou un moment de création d'un artiste, c'est de presque toujours passer par une vision doloriste de la création. Ici point du tout, bien que de nombreux obstacles extérieurs à la vision de Godard existent, sa volonté créatrice est pure joie affirmative et créatrice. Je pensais FB plus sensible à ce genre de choses. FB parle aussi du carton final, nous révélant un nombre élevé de premiers films tournés en 1960, et poursuit en disant que ce que le carton ne nous dit pas, c'est que le résultat était souvent mauvais. Or ce n'est pas cela qui intéresse Linklater pour moi (un regard critique sur la postérité de la nouvelle vague), mais ce pur moment d'exaltation créatrice.
Concernant la lettre de Godard, il me semble que ce dernier reprochait à Truffaut de "mentir" dans son film en cachant certaines choses de la réalité d'un tournage et de la production. Or ici, il me semble que certaines réalités sont montrées, mais je ne connais pas assez la réalité du tournage pour savoir ce qu'il y a d'édulcoré ou pas.
Evidemment tout cela ne fait pas forcément un grand film, j'en étais conscient dès la sortie de projection, car les ambitions sont assez limités, mais dans le peu d'ambitions qu'il affiche, le film touche quelque chose de très beau.
:)
sokol a écrit : lun. 3 nov. 2025 15:36 soit il connaît mal la « suite » du cinéma godardien, soit il n’a pas envie de la connaître, et il résume tout cela par un simple texte dans le générique de fin, disant que l’œuvre de Godard a continué encore soixante ans :lol: (Godard pour les nuls)
Si mes souvenirs sont bons, le carton dit que Godard n'a pas cessé de se réinventer pendant ces 60 ans. Ce qui confirme ce que je dis sur un film sur le plaisir de créer, sans regard particulier sur le fruit de la création en question Je comprends qu'on puisse y voir une sacrée limite au film.
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cyborg a écrit : mar. 4 nov. 2025 19:22 Image

Reichardt à toujours excellé dans le minimalisme et "Certain Women" ne viendra pas le démentir. Ce triple (ou quadruple) portraits de femmes vivant au cœur de l'Amérique, d'une simplicité extrême, se déploie avec une grande précision et une grande douceur, ne masquant pourtant rien des cicatrices portées par les unes et les autres. Par la simplicité du quotidien, des relations humaines, des conversations banales se dévoilent peu à peu la simple difficulté à vivre, à exister, à être en tant que femme au sein de notre société contemporaine. Le résultat est époustouflant, sans doute l'un des meilleurs films de la réalisatrice.
Laura Dern vient de perdre sa mère l'actrice Diane Ladd avec laquelle elle avait joué dans Sailor et Lula de David Lynch
https://fr.wikipedia.org/wiki/Diane_Ladd
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avec Willem Dafoe, Nicolas Cage, Laura Dern pour le film Sailor et Lula
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@Tyra Je crois que c'est @B-Lyndon qui disait ici (ou ailleurs ?) que dans ce film, il n'y a quasiment qu'un seul personnage réussi : celui de Jean Seberg. Pourquoi ? Parce que tout simplement elle se trouva dans la meme situation que Linklater : un/e américain/e à Paris !

Sinon, pour tout le reste, Bégaudeau en parle très bien. Quand tu dis qu’il évoque surtout ce qu’il aurait aimé trouver dans le film, cela vient, à mon avis, du fait que nous sommes tous admirateurs de la Nouvelle Vague (c’est l’un des sujets majeurs de notre cinéphilie, en somme), et que, par conséquent, l’attente était, très justement, grande.

Personnellement, j’ai trouvé ce film vraiment sans intérêt. Et les arguments de Begaudeau sont vraiment :love:
"Le cinéma n'existe pas en soi, il n'est pas un langage. Il est un instrument d’analyse et c'est tout. Il ne doit pas devenir une fin en soi".
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sokol a écrit : jeu. 6 nov. 2025 16:02 @Tyra Je crois que c'est @B-Lyndon qui disait ici (ou ailleurs ?) que dans ce film, il n'y a quasiment qu'un seul personnage réussi : celui de Jean Seberg. Pourquoi ? Parce que tout simplement elle se trouva dans la meme situation que Linklater : un/e américain/e à Paris !
C'est pas Bégaudeau qui dit ça justement ? Je suis pas d'accord du tout, c'est même celle qui m'intéresse le moins, comme quoi...
sokol a écrit : jeu. 6 nov. 2025 16:02

Sinon, pour tout le reste, Bégaudeau en parle très bien. Quand tu dis qu’il évoque surtout ce qu’il aurait aimé trouver dans le film, cela vient, à mon avis, du fait que nous sommes tous admirateurs de la Nouvelle Vague (c’est l’un des sujets majeurs de notre cinéphilie, en somme), et que, par conséquent, l’attente était, très justement, grande.
Justement, FB dit l'inverse : il considère qu'il y a peu de films vraiment réussis pendant la nouvelle vague (59-64), et que quelques cinéastes de cette mouvance feront de bons films après cette période (Rohmer par exemple).
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Tyra a écrit : jeu. 6 nov. 2025 17:03 C'est pas Bégaudeau qui dit ça justement ? Je suis pas d'accord du tout, c'est même celle qui m'intéresse le moins, comme quoi...
Ça y est, je l’ai trouvé, c’est @B-Lyndon qui m’a écrit en privé :
Je trouve que le personnage de Seberg est tres reussi, très vrai... Il aurait dû tout recentrer sur elle car il est dans la même situation qu'elle : une américaine en France

Il m’a écrit ça le 15 octobre (je ne peux pas le prouver ici :D). Or, la vidéo de Bégaudeau a été mise en ligne il y a 11 jours, d’après YouTube — donc vers le 25 octobre.
Du coup, ils pensent un peu la même chose, vu qu’aucun des deux n’a vraiment aimé le film. Et comme toi tu l’as beaucoup aimé, forcément, c’est elle qui t’intéresse le moins. Le contraire d’eux.


Tyra a écrit : jeu. 6 nov. 2025 17:03 Justement, FB dit l'inverse : il considère qu'il y a peu de films vraiment réussis pendant la nouvelle vague (59-64), et que quelques cinéastes de cette mouvance feront de bons films après cette période (Rohmer par exemple).
Là, tu as raison : j’aurais dû écrire « nous aimons tous les auteurs de la Nouvelle Vague et, plus précisément, Godard » (qui est le personnage principal du film en question, d’ailleurs).

Donc, une fois encore, je me retrouve tout à fait d’accord avec Bégaudeau : à l’exception de Tirez sur le pianiste, les films de cette période de Truffaut sont ceux que j’apprécie le moins — voire pas du tout.
Quant à Rohmer, il est indéniable qu’il a fait bien mieux après 64-65
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sokol a écrit : ven. 7 nov. 2025 01:16
Tyra a écrit : jeu. 6 nov. 2025 17:03 C'est pas Bégaudeau qui dit ça justement ? Je suis pas d'accord du tout, c'est même celle qui m'intéresse le moins, comme quoi...
Ça y est, je l’ai trouvé, c’est @B-Lyndon qui m’a écrit en privé :
Je trouve que le personnage de Seberg est tres reussi, très vrai... Il aurait dû tout recentrer sur elle car il est dans la même situation qu'elle : une américaine en France

Il m’a écrit ça le 15 octobre (je ne peux pas le prouver ici :D). Or, la vidéo de Bégaudeau a été mise en ligne il y a 11 jours, d’après YouTube — donc vers le 25 octobre.
Du coup, ils pensent un peu la même chose, vu qu’aucun des deux n’a vraiment aimé le film. Et comme toi tu l’as beaucoup aimé, forcément, c’est elle qui t’intéresse le moins. Le contraire d’eux.


Tyra a écrit : jeu. 6 nov. 2025 17:03 Justement, FB dit l'inverse : il considère qu'il y a peu de films vraiment réussis pendant la nouvelle vague (59-64), et que quelques cinéastes de cette mouvance feront de bons films après cette période (Rohmer par exemple).
Là, tu as raison : j’aurais dû écrire « nous aimons tous les auteurs de la Nouvelle Vague et, plus précisément, Godard » (qui est le personnage principal du film en question, d’ailleurs).

Donc, une fois encore, je me retrouve tout à fait d’accord avec Bégaudeau : à l’exception de Tirez sur le pianiste, les films de cette période de Truffaut sont ceux que j’apprécie le moins — voire pas du tout.
Quant à Rohmer, il est indéniable qu’il a fait bien mieux après 64-65

J'avoue tout :D

J'aime le fait que le personnage de Seberg soit un pur personnage réception (on la voit beaucoup regarder le tournage, regarder Belmondo, le désirer un peu...), il se passe des choses très belles sur le visage de l'actrice.

J'ai écouté Bégaudeau, d'accord avec lui sur la façon dont le film escamote totalement la violence du geste de Godard en faisant A bout de souffle (cette violence créatrice, il ne sait pas la filmer, alors il l'évacue, mais ça évacue aussi les scènes, le cinéma quoi). Bon sinon je suis surpris de voir à quel point il parle mal et a l'air de mal connaître la Nouvelle Vague. Il a jamais vu de films de Rivette ou quoi ?
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B-Lyndon a écrit : ven. 7 nov. 2025 10:24 sinon je suis surpris de voir à quel point il parle mal et a l'air de mal connaître la Nouvelle Vague. Il a jamais vu de films de Rivette ou quoi ?
Hmmm, oui et non. Rivette n’a fait que Paris nous appartient en 1961 puis, La religieuse qui date de 1966.
Bégaudeau parle de la période 1959-1964-65.

Seuls Chabrol, Godard (qui confie dans une interview, je crois sa toute dernière, qu’il tournait trois films par an simplement pour dépasser Chabrol, avant d’en rire doucement :lol:) et Truffaut ont réalisé beaucoup de films.
Donc on peut dire que la période d’or de Rivette s’étend sans doute sur les années 1970 et 1980, entre L’Amour fou (1968), et La Bande des quatre (1988)

Pas si ignorant que ça Bégaudeau :p
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sokol a écrit : ven. 7 nov. 2025 15:33
B-Lyndon a écrit : ven. 7 nov. 2025 10:24 sinon je suis surpris de voir à quel point il parle mal et a l'air de mal connaître la Nouvelle Vague. Il a jamais vu de films de Rivette ou quoi ?
Hmmm, oui et non. Rivette n’a fait que Paris nous appartient en 1961 puis, La religieuse qui date de 1966.
Bégaudeau parle de la période 1959-1964-65.

Seuls Chabrol, Godard (qui confie dans une interview, je crois sa toute dernière, qu’il tournait trois films par an simplement pour dépasser Chabrol, avant d’en rire doucement :lol:) et Truffaut ont réalisé beaucoup de films.
Donc on peut dire que la période d’or de Rivette s’étend sans doute sur les années 1970 et 1980, entre L’Amour fou (1968), et La Bande des quatre (1988)

Pas si ignorant que ça Bégaudeau :p
Ok j'ai rien dit : je pensais qu'il parlait des cinéastes de la NV, pas de la période NV en soi (qui est effectivement courte et pas si mémorable en terme de quantité de grands films)
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Something Different (Quelque chose d'autre) - Věra Chytilová - 1963

Quelque chose d'autre.... mais surtout quelque chose de similaire, que vient singulièrement faire correspondre Chytilová au long de son film. C'est ici la double signification de "routine" qui prend tout son sens : d'un côté le quotidien harassant d'une mère au foyer, coincée entre son mariage périclitant et l'éducation de son jeune enfant, de l'autre les entrainements journaliers d'une gymnaste de haut niveau, jusqu'à l’obtention d'une médaille d'or aux championnats du monde. Le film n'est ni dans l'opposition ni dans la dialectique (rien ne vient relier les deux personnages, ou presque : le film s'ouvre avec une diffusion de la compétition de gymnastique sur la tv familiale - c'est tout), au contraire : il met ces deux vies que tout semble opposer sur un même plan, sur un même niveau, partageants des désirs et des pulsions communes : être une femme au foyer est aussi compliqué qu'être sportive professionnelle. Si l'on cherchait l'antithèse au "male-gaze" et que l'on voulait définir le "female-gaze", c'est peut-être ici qu'il faudrait venir chercher.

Avec son premier film Chytilová se place en plein dans le cinéma-vérité (la partie sur la gymnaste étant même documentaire), encore très loin des fantaisies baroques des Deux Petits Marguerites (son film suivant, 3 ans plus tard), film qui lui vaudra la postérité, mais qui m'avait autant exaspéré que dégouté (une volonté un peu trop évidente de "choquer le bourgeois"). Tout au contraire, ce film fait preuve d'une retenue et d'une précision extraordinaire par son grand sens de l'observation et son appréhension de l'espace, apte à capter les tressaillements de la chair et de l'esprit. Something Different est ainsi un grand film des corps, des corps féminins dans leurs contraintes, leurs souffrances et leurs possibles émancipations, que la partie "sportive" vient incroyablement magnifier (je ne sais pas si l'on à déjà aussi bien filmé des exercices puis une compétitions de gym).


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Le dernier film d'Antoinetta Angelidi est peut-être son plus "classique", ou disons son plus "cinématographique", mais il n'en reste pas moins d'une radicalité extrême. Alors que " Idées Fixes" (1977) était une variation du cinéma structuraliste (déjà très porté sur la question du corps) et "Topos" (1985) un cauchemars semblant construit à l'équilibre sur le cadre d'une peinture (doublé d'une bande son "ASMResque" comme il n'en existe aucune autre), "Thief or Reality" semble s'accepter bien d'avantage comme objet de cinéma allant chercher des éléments de mise en scène, de décor, de jeu, dans le théâtre pour les intégrer dans sa propre dimension artistique. Tout en restant obscure, la dimension narrative est même pleinement assumée, venant ouvertement s'afficher dans ses derniers instants comme une triple adaptation d'Antigone sous des angles différents. Que l'on arrive à suivre ou non ces différents arc n'est peut-être pas le plus important, tant la puissance visuelle et plastique de l'univers construit par la réalisatrice peut suffire à convaincre qui voudra bien se laisser immerger par ces images...
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groil_groil
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Après avoir commencé sa carrière dans la comédie, Bourboulon est devenu, avec l'aide des gros sabots de ses producteurs, le chantre de la grosse prod en costume made in France, adaptant Dumas à tour de bras, l'âme en moins. Il revient ici à un film plus modeste (même si réalisé avec beaucoup d'argent et de moyens, adaptant l'histoire vraie de l'Ambassade de France de Kaboul qui a sauvé la vie de centaines d'Afghans au moment où les Américains quittaient le territoire et que les Talibans s'en emparaient. Le film n'est pas ouf non plus, Zem joue moins bien que d'habitude, engoncé dans une prod trop grosse pour lui et qui ne lui laisse pas assez de liberté, mais franchement ça fait le job, et c'est intéressant, voire prenant de bout en bout.

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La sortie, enfin, des meilleurs films de Chabrol en bluray pour Noël en gros coffret chez Tamasa, me donne envie d'une retro alors que je connais tout par coeur. Et dans le désordre bien sûr, pour mieux s'amuser. Poulet au Vinaigre, que j'ai toujours bien aimé, est un film assez bancal, dont l'intrigue n'est pas intéressante du tout, mais qui tient sur son climat, qui distille juste ce qu'il faut d'étrangeté, cette dernière se marriant très bien avec le cynisme du personnage principal, magnifique Poiret, acteur que je n'aime pas trop, mais qui ici trouve son meilleur rôle, Chabrol lui doit beaucoup. Belle galerie de second rôles, et superbe image bluray pleine de brume hivernale.

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Suite de Poulet au Vinaigre, avec le même personnage, qu'il a ensuite décliné à la télévision avec moins de succès. Ce film-là est encore plus bancal, on n'est clairement pas loin du nanar, ça frise le Mocky dans la galerie de persos tous plus grotesques les uns que les autres, et une intrigue à la mord moi le noeud. Mais ça reste tout de même plaisant à regarder, et là c'est 100% grâce à Poiret et le personnage hilarant et cynique qu'il a su construire. La dernière réplique (que je ne vous gâche pas) qu'il prononce sur la soit disant photo de sa famille est à hurler de rire et sauve le film à elle seule.

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Ce film-ci, noir et sombre, a toujours été à part dans la carrière de Chabrol. C'est encore plus étrange de le voir quand on sait ce qui est arrivé à Marie Trintignant... Mais ce dont je ne me souvenais pas c'est que la forme du film est ultra bizarre, se déroulant quasi exclusivement dans une chambre d'hôtel dans un face à face Trintignant / Audran avec de nombreux flashes back. Le film a un côté assez théâtre du macabre qui m'a fait penser parfois à Vecchiali, dans son étrangeté. Je n'ai pas lu le roman de SImenon, mais je pense tout de même que Chabrol a raté quelque chose d'essentiel dans le film, c'est la jalousie d'Audran sur Betty, car elle se suicide à cause de ça, et il y a forcément une tension latente ultra forte, a minima, qu'on ne ressent absolument pas ici.

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Revu très peu de temps après la première fois pour deux raisons : le montrer aux enfants, qui ont ri autant que nous, et pour se préparer à aller voir le 2 en salle qui sort avant Noël. Franchement, c'est du cinéma populaire sans le moindre écart, mais c'est l'une des comédies françaises les plus drôles de ces dernières années, même la seconde fois.

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La vie quotidienne d'un petit village paysan du fin fond du Portugal au début des années 80. Mais cette date n'a presque pas de sens tant ce qui est filmé est intemporel et pourrait se dérouler à n'importe quelle période. C'est un film de l'intime, très beau, touchant, contemplatif, avec une magnifique musique synthétique planante qui fait penser à celles d'Artemiev pour les films de Tarkovski. Ce qu'il y a de plus beau dans ce film, hormis la grande délicatesse avec laquelle la cinéaste, qui n'a réalisé que ce film dans sa carrière, filme ses acteurs, c'est qu'il est absolument impossible de dire s'il s'agit d'un documentaire ou d'un film de fiction. C'en est troublant et ça crée une magie folle. Mais surtout, je ne veux absolument pas savoir ce qu'il en est, la beauté du film tenant en équilibre sur ce mince fil.

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C'est ridicule, consternant, un non-sens total pour un non-film. Les deux trucs les pires là-dedans : 1°) que Quenard pense qu'on puisse croire en 2025 à un tel mockumentary sur un acteur connu, qu'il puisse penser deux secondes qu'on va gober ne serait-ce que 5% de ce qu'il met dans son machin, en dit long sur l'estime qu'il a de son public. 2°) qu'il puisse croire deux secondes qu'il va choquer les gens en faisant des blagues pédophiles à répétition ou en parlant en boucle de son anus est peut-être encore plus consternant. Il ne suscite qu'une gène immense et profonde durant l'1h09mn que dure son machin génériques compris mais qui en temps ressenti frôle les 5 heures... Le pire dans tout ça : même si c'est une connerie sans queue ni tête, I Love Peru a totalement changé l'opinion que je me faisais de Quenard, et pas en bien vous imaginez... Et c'est irrémédiable.

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C'est du Del Toro pur jus, avec ses défauts, et ses qualités. Les défauts, c'est que comme d'hab tout est toujours trop léché au millimètre, trop parfait, éclairé en orange, bleu ou vert uniquement en fonction des ambiances et des sentiments, les effets spéciaux se voient beaucoup trop et tout cela manque de vie, même recomposée. Les qualités, il y en a plein, mais la première qui me vient à l'esprit c'est l'Amour Infini que Del Toro a pour les monstres n'a jamais été aussi bouleversant qu'ici. Il aime les monstres, et rien que pour ça c'est un cinéaste qu'on se doit de respecter. Il les filme toujours avec une telle noblesse, et avec un regard d'enfant qui ne demande qu'à les apprivoiser. Son Frankenstein ressemble beaucoup à sa Forme de l'Eau, autre monstre, autre environnement, mais même film. Il y a des longueurs mais les 2h32 passent relativement vite, et je crois que son adaptation est très fidèle à Shelley (à confirmer). Et il parvient à réussir sa dernière heure, c'est même ce que je trouve de plus beau dans le film (notamment lorsque le monstre se réfugie dans la petite maison du vieillard à la campagne.

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Un bon cru que ce second (troisième ? je ne sais plus, on n'arrive plus à compter) film de l'année pour Hong Sang Soo qui commence enfin à croire de nouveau à l'idée de récit. Ici, comme la promo l'indique très maladroitement en parlant d'un Mon Beau-Père et Moi à la sauce HSS, il filme un jeune homme, poète sans talent, qui rencontre la famille de sa petite amie pour la première fois de sa vie. Tout se passe bien, le père le prend en affection et semble lui apporter sa confiance, jusqu'au diner du soir où, ne tenant pas l'alcool dont le père l'abreuve sans cesse depuis le matin, il va partir en couille et se ridiculiser devant sa belle-famille, finissant comme une épave, et apparaissant dans toute sa médiocrité, révélée par la soeur de sa petite-amie, et la mère, elles même artistes. Le film est donc plus riche en rebondissements que les derniers films du cinéaste (bon, il ne faut pas non plus s'attendre à un virage à 180°), assez drôle, et se paie même le luxe de changer de décors plusieurs fois, et de filmer en extérieurs, presque une superproduction ! En revanche, je ne comprends toujours pas pourquoi il continue de filmer avec une image aussi volontairement dégueulasse. Ce coup-ci, c'est une image de caméra DV de bien 25 ans d'âge, pixelisant en permanence, et avec laquelle il ne fait le point qu'une fois sur deux. On peut appeler ça une signature, mais pour le coup ça ressemble plus à une limite et à un tic dont il gagnerait à se passer.
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groil_groil a écrit : lun. 10 nov. 2025 17:37

HSS, il filme un jeune homme, poète sans talent, …

il va partir en couille et se ridiculiser devant sa belle-famille, finissant comme une épave, et apparaissant dans toute sa médiocrité, révélée par la soeur de sa petite-amie, et la mère, elles même artistes.
Je ne crois pas que ce soit le talent de son héros qui intéresse HSS. Au contraire, on peut supposer que la mère (de sa petite amie), qui se prend pour une poétesse, est bien plus médiocre que lui — une sorte de Marc Lévy de la poésie contemporaine coréenne, qui encadre ses poèmes et les accroche aux murs de sa maison (plus ridicule, on meurt). Et qui se montre cassante et ironique, une tare bien plus méprisable que la naïveté du jeune poète, fils d’un avocat célébrissime (détail qui n’a rien d’anodin) mais qui ne veut pas vivre aux crochets de son père. C’est surtout cela qui intéresse HSS, car c’est exactement ce que fait la sœur de sa petite amie : elle n’est plus toute jeune et, non seulement, vit encore chez ses parents, mais passe son temps à demander à notre poète : “Et pourquoi tu ne veux pas être dépendant de ta famille ?” (la société coréenne demeure farouchement familiariste, portée jusqu’à la déraison par le culte des liens du sang et de la piété filiale).
Au contraire, je trouve que le poète est filmé avec une infinie tendresse ; la seule musique de tout le film se fait entendre uniquement lors de sa contemplation nocturne, en pleine nature. C’est dire !

Donc, je ne crois pas que HSS ait changé, ni qu’il croira un jour au récit, au sens strictus sensu du mot : il filme moins des histoires qu’il ne capte des manières d’être au monde ; il observe l’humain à travers les images, étudie ses gestes, ses discours (c’est pour cela que ça parle tant chez HSS !), ses mythologies modernes, faisant du film un instrument d’exploration du réel. Il reste un anthropologue du cinéma.

P.S. tu l’as vu au ciné ?
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