
Nicolas Cage continue de prospecter le milieu du cinéma indépendant et ses cinéastes en début de carrière. Après avoir joué pour Michael Sarnoski (Pig), Kristoffer Borgli (Dream Scenario) et Oz Perkins (Longlegs), il met ses talents au service de Lorcan Finnegan, réalisateur irlandais qui avait fait parler de lui avec son deuxième film, Vivarium. Projeté en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2024, The Surfer ne déparie dans la filmographie d’aucun des deux artistes. Il n’en est pas réussi pour autant. Disponible sur Paramount+ depuis le 1er septembre.
VIEILLE VAGUE
C’est juste un papa businessman qui vient faire du surf avec son fils dans le pays où il a passé son enfance. Mais sur place, il est éconduit par un groupe de surfeurs « localistes », c’est à dire qui interdit l’accès de son spot aux touristes, aux étrangers ou même à quiconque n’est pas issu de sa petite communauté. Apparemment, c’est un phénomène très courant dans ce sport, certains locaux ayant même formé de véritables gangs. Et c’est la source d’inspiration – avec le roman The Swimmer – du scénariste Thomas Martin.
Il y a une dizaine d’années, ce pitch minimaliste et la présence de Nicolas Cage auraient promis une bonne grosse série B azimutée. Et c’est plus ou moins le cas… dans la première partie. Car ce qui intéresse Finnegan, c’est aussi le décor pas si paradisiaque du bord de mer, rongé par la prédation immobilière et les autochtones bercés trop près du soleil. The Surfer puise allégrement dans l’ozploitation, cette vague de films dits « de genre » australien, dont l’ambiance solaire et les débordements graphiques en ont fait des objets de culte.
Non sans ironie (il assume accaparer ce décor australien comme les touristes accaparent les spots de surf), le réalisateur pousse toutefois son concept bien au-delà du simple ride divertissant. La vengeance tant attendue ne vient jamais, et le personnage se retrouve prisonnier de ce parking paumé, où le temps se dilate. A travers ce parti pris volontairement déroutant, le film évoque les dangers de l’obsession et les rouages du communautarisme, qui s’imbriquent sur la durée. Le tout sur fond de masculinisme bien puant.
POINT BROKE
Sur le principe, The Surfer ne manque donc pas d’intérêt, chaque nouveau sévisse infligé à Cage ajoutant une nuance dans sa métaphore. Martin apporte la densité thématique qui manquait à Vivarium, allégorie pas très finaude de la vie en banlieue. Et ce jusqu’à la fin malicieuse, qui conclut sa démonstration en contredisant la promesse initiale.
Bien sûr, Cage est absolument parfait dans un rôle taillé sur mesure pour lui, perpétuellement sur le point de sombrer dans la démence. Il nous gratifie même d’une improvisation délirante dont il a le secret, référence surréaliste au Sabrina de Billy Wilder. La scène a arraché un tel éclat de rire aux spectateurs des festivals où il a été diffusé qu’il a carrément eu droit à sa propre featurette promotionnelle. Elle pourrait bien rentrer au panthéon des cageries, en plus de rester comme la meilleure du film. Ou la seule véritablement mémorable.
C’est bien le problème de The Surfer, qui se complait dans son concept malin en négligeant à peu près tout le reste. Finnegan voudrait restituer l’atmosphère étouffante de Wake in Fright, la frénésie de Fair Games ou la nature menaçante de Long Week-end, mais sans leurs moments d’horreur ou de bravoure, il accouche surtout d’un objet théorique. Un objet théorique intéressant, mais pas franchement amusant.
Malgré ses qualités, le long-métrage reste parmi ces productions qui se réapproprient l’esthétique, les thèmes des séries B d’antan, tout en éliminant les velléités spectaculaires qui font aussi leur force. Or, on peut tout à fait réfléchir à ces questions sans ennuyer son spectateur. Dommage donc que ce soit à Cage de le sortir de sa torpeur.
C’est un objet conceptuel assez intéressant… mais dont le seul vrai grain de folie est malheureusement une improvisation de Nicolas Cage.
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